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MK2 mon amour, ou de la Perche à l’Aïmara

par Pierre-Michel Forget
Je dédie cette chronique à mon ami Kristopher Allan Wood (dit Kris Wood)

Kris Wood, en 1994, au Suriname.
Il est décédé le 9 octobre 1998.
©Philippe Boré

Le cinéma d’Art et d’Essai MK2 était un pionnier en programmant en 2005 « Le Cauchemar
de Darwin » de Sauter. Certes, il y a eu polémique. Les faits restent et parlent d’eux-mêmes.
Introduite, la Perche du Nil a envahi le lac Victoria et, en bon prédateur, a détruit la diversité
des poissons indigènes. Enfin, le commerce de sa chair sur nos étals européens n’a pas
réglé les problèmes de malnutrition en Afrique de l’Est. Le reste est affaire de spécialistes, et
de journalistes. Aujourd’hui, il reste bien difficile de ne pas y penser en regardant les filets de
Perche dans les assiettes. Malgré tout cela, il y aura bien dorénavant un ‘avant’ et un ‘après’
ce cauchemar. A partir de demain, c’est bis repetita ; il y aura aussi un ‘avant’ et un ‘après’ la
fièvre de ce Mercredi après-midi 15 octobre 2008. Car, cet automne 2008, MK2 Beaubourg
récidive en programmant « La Fièvre de l’or » de Weber. C’est presque un peu trop tôt pour
célébrer les 150 ans de « L’origine des espèces » de Charles Darwin, publié en 1859. Par
contre, c’est un mois avant les 100 ans de Claude Lévi-Strauss, cela tombe à pic. Bon
anniversaire. Triste Guyane !
Cette fois-ci, ce sera un documentaire sans commentaire. On peut donc espérer que cela
fera taire les polémiques qui, n’en doutons pas, viendront ternir le travail herculéen du
réalisateur et du producteur de cette fresque moderne de la ruée vers l’or sur fond de salsa.
Les images seules suffisent, en effet. Les mots et les phrases entendus sont ceux des
protagonistes de ce « Blood Gold » pas du tout Hollywoodien, sans De Caprio, avec les
acteurs d’une vie bien réelle, pitoyable même. Asseyez-vous, attachez vos ceintures,
attention, ça va décoller, décoiffer même. Nous ne sommes pas perdus au fin fond de l’enfer
vert d’une Afrique centrale, décolonisée, néo-colonisée, klinex-érisée – on s’en sert et on
jette - dans la région des Grands Lacs de l’Afrique de l’Est, au bord du Lac Victoria,
transfrontalier avec la Tanzanie, l'Ouganda et le Kenya, ou à l’opposé sur les Monts de
Guinée et plateaux de l’Afrique de l’Ouest, en Sierra Leone, entre la Guinée et le Libéria.
Non, nous sommes en Amérique, sur le Plateau des Guyanes près des Monts TumucHumac, sur le « Guiana Shield », coincé entre le Suriname et le Brésil. Weber aurait pu
tourner au Pérou, en Equateur, en Colombie, ou au coeur de l’Amazonie Brésilienne sensu
stricto. Non, il a choisi l’Amazonie française. Vous pouvez vous pincer, vous ne rêvez pas,
c’est bien en France ! Cela se passe près de chez vous, sur le Haut Maroni, rive droite, dans
le 9-7-3 ! Mais, cela pourrait être n’importe où en Guyane, à quelques dizaines de kilomètres
de Cayenne ou de Kourou, pas très loin des fusées des Agences Spatiales Européenne et
Russe, ou plus généralement dans toute l’Amazonie au sens large, en Afrique, en Asie
tropicale, à Bornéo, en Nouvelle Guinée. Mais, c’est en Guyane, en France donc, en Europe
aussi paraît-il ! C’est aussi très exotique pour vous, mais quotidien pour tant d’autres qui
vivent en Guyane ou pas, comme pour moi, qui témoignent déjà de la véracité des faits
relatés et présentés par Weber.
On y croisera tour à tour les orpailleurs, légaux et illégaux, des bons, des brutes et des
truands, les garimperos, des jeunes encore plein de fougue et des vieux usés-avant-l’heure
par des travaux titanesques à mains nues, des bushinengés, pro et contra la destruction de
leur terre d’asile, nourricière, qui les a hébergés et nourris lorsqu’ils ont fui les plantations,
les chaines et l’esclavage. Retour à la case départ donc ? Ne gagnez pas 20 000 euros, prix
approximatif d’un kilo d’or, juste quelques courbatures, quand ce ne sont pas des coups de
fusil. Elle était pourtant accueillante auparavant cette forêt cathédrale, avec ses gentils
amérindiens Wayana plein de vie et hospitaliers. Aujourd’hui, elle abrite aussi des
prostituées, du Brésil, du Guyana, venues pour nourrir leurs enfants restés au pays, qu’elles
regrettent. En attendant le retour les poches pleines, elles tapinent, pointent sur leurs talons
aiguille, espérant le Messie doré, enguirlandé, décoré comme un sapin de Noël, les poches
remplies de pépites et de petits sachets d’une autre poudre, pas du tout blanche comme
neige. Il faut mieux ne pas la garder longtemps sur soi, au risque de ne pas sortir le samedi
soir dans les bars, de ‘profiter’ de la vie du garimperos quoi ! Les uns et les autres sont
échoués sur ces plages de boues nauséabondes, souillées par les carburants, les huiles de
moteur, et le mercure, dans cet enfer « marron ». Au Brésil, au Suriname, au Guyana, cette
fuite de la misère vers la Guyane, Nouvel Eldorado, nouvelle terre de marronnage au
passage du XXIe siècle, fait pleurer. Alors, comme toujours, il y a tous ceux et celles qui en
profitent, véritables chacals et parasites qui se repaissent de la misère des cul-terreux, les
tenancières de bar et de maisons closes aux portes et fenêtres grandes ouvertes, les
patrons esclavagistes qu’on croirait sortis d’un autre siècle, celui de la colonisation. C’est
vrai, c’était très positif les colonies ! Même le Président l’a dit. Alors, en Guyane, pourquoi se
priver puisque ici, on peut s’arranger avec les lois de la République française que l’on a
laissées au vestiaire, à Orly, ou à Belém, à Paramaribo, dans l’aéroport, avant
l’embarquement, avec son canif et sa bouteille d’eau. On remplacera le premier par un 12
pour les règlements de compte et un 38 pour faire la fête. Pour l’eau, faudra repasser chez
l’épicier chinois - sorte de caverne d’Ali Baba - car il y a bien longtemps qu’elle n’est plus
potable, ou boire la del’bière locale, brésilienne. Chez l’chinois, « l’arabe » de Guyane, qui
attend aussi le chaland, les poches pleines de petits papiers crasseux mais Oh combien
mirifiques, tout se paye au gramme - pesé sur une balance électronique - la valeur étalon
comme à la Goutte d’Or ! Et puis, il y a aussi le Pasteur qui évangélise à coup de bidon de
diesel (on fait moitié-moitié ?), et l'autre qui se préoccupe du maquillage de ses ouailles, des
prostituées très ferventes, presque au service de Dieu, puisqu’elles rapportent l’argent pour
la paroisse, de l’or surtout, pour décorer une église pas baroque du tout perdue dans les
grands bois. Elles font l’amour comme on entre en catéchèse - est-ce que Dieu porte aussi
un préservatif pour se protéger du Sida omniprésent ? Le temps des colonies et des
‘Missiones’ est revenu. Quelle belle entreprise familiale avec le père évangélisateur, la mère
maquerelle, le saint-esprit patron-orpailleur, la terre qui recrache son or, le ciel où
s‘évaporent les volutes de mercure, l’encens local, qui, au gré des quatre saisons tropicales,
la plupart du temps humides, retombent et souillent un peu plus les eaux pluviales et la terre,
retournées, lavées, puis les poissons, les Hommes de Guyane. Est-ce que le film de Weber
sera la goutte de mercure qui fait déborder le vase ?
C’est un inventaire à la Prévert plutôt exotique du Genre humain que nous présente Weber.
A l’instar de la biodiversité de la forêt guyanaise, le moins qu’on puisse dire est qu’elle est
bien riche cette « faune » qui s’exprime en wayana, français, créole, taki-taki, anglais,
espagnol, mais surtout en brésilien. Bienvenue en Guyane, en Amazonie, brésilienne ?
On pourrait renommer ce documentaire « Le Cauchemar de Fusée-Aublet », - aucun lien
avec un quelconque lanceur de satellites - du nom de ce botaniste qui, deux siècles
auparavant, a publié une « Histoire des plantes de la Guiane française », la première flore de
Guyane. Les espèces décrites en 1775 sont toujours valides, comme le carapa (Carapa
guianensis Aubl.), le wacapou (Vouacapoua americana Aubl.) et le wapa (Eperua falcata
Aubl.), mes arbres fétiches, ceux que j’étudie depuis 1984 en Guyane. Un quart de siècle
sous peu ! Par contre, ces arbres et tant d’autres souffrent de la déforestation dans les
criques orpaillées, le long des fleuves. Le poisson Aïmara, un des « top-predator » de la
chaîne alimentaire des criques et fleuves amazoniens, est devenu le poison mortel des
futures générations. Après la disparition du gibier, c’est tout ce qu’il reste aux Amérindiens
pour vivre, pour sur-vivre plutôt. Comme dans le cas de la Perche du Nil du Lac Victoria, la
diversité des poissons disparaît également en Guyane. Ceux qui survivent, les plus gros, les
plus forts – cela n’a strictement rien à voir avec de la sélection naturelle telle que l’a décrit
Darwin - ont concentré le mercure dans leur chair. Les plus gros ont mangé les plus petits.
Les poissons super-prédateurs des Grands Lacs d’Afrique de l’Est et des fleuves de Guyane
sont mercurés. Les Hommes qui les consomment le sont également car ils sont le dernier
maillon de cette chaîne alimentaire, en haut de la pyramide.
Les taux de mercure des enfants du fleuve Maroni, de la République, dépassent aujourd’hui
l’entendement, et les seuils de l’OMS font pâle figure à coté de chiffres alignés par Solidarité
Guyane. On n’a rien voulu voir et entendre quand feu Kris Wood et d’autres enragés,
engagés, au début des années 1990, hurlaient leur colère avec les singes de la forêt dans
les pages de la revue de l’Association Le Pou d’Agouti. Cela dérangeait, démangeait un peu
trop les donneurs d’ordre, ici et là, de part et d’autre du fleuve Maroni, frontière naturelle
entre la France et le Surinam. Cela ne posait pas de problème non plus aux politiques, tous
bords confondus. Il fallait étudier, analyser, pour prendre les bonnes décisions politiques. On
en savait pourtant déjà bien assez. A force d’attendre, on a trop tardé. L’interdiction de la
vente du mercure est un leurre et avait déjà montré ses limites au Venezuela ; l’interdiction
de son usage dans les mines d’or officielles n’a pas empêché les exploitants illégaux de
polluer au mercure. Et tant que le Brésil et le Surinam le commercialisent…
Finalement, Perche du Nil ou Aïmara d’Amazonie, même cause, même effet, même combat.
Idem pour les populations autochtones qui s’en alimentent : c’est la lutte pour la vie dans des
environnements devenus surnaturels, déforestés, détruits, anéantis, contaminés au mercure
et autres polluants, quasiment lunaires, sans vie ou presque.
La bombe à retardement est maintenant prête à exploser.

Pierre-Michel Forget 15 octobre 2008	
  

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P. M. Forget

  • 1. MK2 mon amour, ou de la Perche à l’Aïmara par Pierre-Michel Forget Je dédie cette chronique à mon ami Kristopher Allan Wood (dit Kris Wood) Kris Wood, en 1994, au Suriname. Il est décédé le 9 octobre 1998. ©Philippe Boré Le cinéma d’Art et d’Essai MK2 était un pionnier en programmant en 2005 « Le Cauchemar de Darwin » de Sauter. Certes, il y a eu polémique. Les faits restent et parlent d’eux-mêmes. Introduite, la Perche du Nil a envahi le lac Victoria et, en bon prédateur, a détruit la diversité des poissons indigènes. Enfin, le commerce de sa chair sur nos étals européens n’a pas réglé les problèmes de malnutrition en Afrique de l’Est. Le reste est affaire de spécialistes, et de journalistes. Aujourd’hui, il reste bien difficile de ne pas y penser en regardant les filets de Perche dans les assiettes. Malgré tout cela, il y aura bien dorénavant un ‘avant’ et un ‘après’ ce cauchemar. A partir de demain, c’est bis repetita ; il y aura aussi un ‘avant’ et un ‘après’ la fièvre de ce Mercredi après-midi 15 octobre 2008. Car, cet automne 2008, MK2 Beaubourg récidive en programmant « La Fièvre de l’or » de Weber. C’est presque un peu trop tôt pour célébrer les 150 ans de « L’origine des espèces » de Charles Darwin, publié en 1859. Par contre, c’est un mois avant les 100 ans de Claude Lévi-Strauss, cela tombe à pic. Bon anniversaire. Triste Guyane ! Cette fois-ci, ce sera un documentaire sans commentaire. On peut donc espérer que cela fera taire les polémiques qui, n’en doutons pas, viendront ternir le travail herculéen du réalisateur et du producteur de cette fresque moderne de la ruée vers l’or sur fond de salsa. Les images seules suffisent, en effet. Les mots et les phrases entendus sont ceux des protagonistes de ce « Blood Gold » pas du tout Hollywoodien, sans De Caprio, avec les acteurs d’une vie bien réelle, pitoyable même. Asseyez-vous, attachez vos ceintures, attention, ça va décoller, décoiffer même. Nous ne sommes pas perdus au fin fond de l’enfer vert d’une Afrique centrale, décolonisée, néo-colonisée, klinex-érisée – on s’en sert et on jette - dans la région des Grands Lacs de l’Afrique de l’Est, au bord du Lac Victoria, transfrontalier avec la Tanzanie, l'Ouganda et le Kenya, ou à l’opposé sur les Monts de Guinée et plateaux de l’Afrique de l’Ouest, en Sierra Leone, entre la Guinée et le Libéria. Non, nous sommes en Amérique, sur le Plateau des Guyanes près des Monts TumucHumac, sur le « Guiana Shield », coincé entre le Suriname et le Brésil. Weber aurait pu tourner au Pérou, en Equateur, en Colombie, ou au coeur de l’Amazonie Brésilienne sensu stricto. Non, il a choisi l’Amazonie française. Vous pouvez vous pincer, vous ne rêvez pas, c’est bien en France ! Cela se passe près de chez vous, sur le Haut Maroni, rive droite, dans le 9-7-3 ! Mais, cela pourrait être n’importe où en Guyane, à quelques dizaines de kilomètres de Cayenne ou de Kourou, pas très loin des fusées des Agences Spatiales Européenne et Russe, ou plus généralement dans toute l’Amazonie au sens large, en Afrique, en Asie tropicale, à Bornéo, en Nouvelle Guinée. Mais, c’est en Guyane, en France donc, en Europe aussi paraît-il ! C’est aussi très exotique pour vous, mais quotidien pour tant d’autres qui
  • 2. vivent en Guyane ou pas, comme pour moi, qui témoignent déjà de la véracité des faits relatés et présentés par Weber. On y croisera tour à tour les orpailleurs, légaux et illégaux, des bons, des brutes et des truands, les garimperos, des jeunes encore plein de fougue et des vieux usés-avant-l’heure par des travaux titanesques à mains nues, des bushinengés, pro et contra la destruction de leur terre d’asile, nourricière, qui les a hébergés et nourris lorsqu’ils ont fui les plantations, les chaines et l’esclavage. Retour à la case départ donc ? Ne gagnez pas 20 000 euros, prix approximatif d’un kilo d’or, juste quelques courbatures, quand ce ne sont pas des coups de fusil. Elle était pourtant accueillante auparavant cette forêt cathédrale, avec ses gentils amérindiens Wayana plein de vie et hospitaliers. Aujourd’hui, elle abrite aussi des prostituées, du Brésil, du Guyana, venues pour nourrir leurs enfants restés au pays, qu’elles regrettent. En attendant le retour les poches pleines, elles tapinent, pointent sur leurs talons aiguille, espérant le Messie doré, enguirlandé, décoré comme un sapin de Noël, les poches remplies de pépites et de petits sachets d’une autre poudre, pas du tout blanche comme neige. Il faut mieux ne pas la garder longtemps sur soi, au risque de ne pas sortir le samedi soir dans les bars, de ‘profiter’ de la vie du garimperos quoi ! Les uns et les autres sont échoués sur ces plages de boues nauséabondes, souillées par les carburants, les huiles de moteur, et le mercure, dans cet enfer « marron ». Au Brésil, au Suriname, au Guyana, cette fuite de la misère vers la Guyane, Nouvel Eldorado, nouvelle terre de marronnage au passage du XXIe siècle, fait pleurer. Alors, comme toujours, il y a tous ceux et celles qui en profitent, véritables chacals et parasites qui se repaissent de la misère des cul-terreux, les tenancières de bar et de maisons closes aux portes et fenêtres grandes ouvertes, les patrons esclavagistes qu’on croirait sortis d’un autre siècle, celui de la colonisation. C’est vrai, c’était très positif les colonies ! Même le Président l’a dit. Alors, en Guyane, pourquoi se priver puisque ici, on peut s’arranger avec les lois de la République française que l’on a laissées au vestiaire, à Orly, ou à Belém, à Paramaribo, dans l’aéroport, avant l’embarquement, avec son canif et sa bouteille d’eau. On remplacera le premier par un 12 pour les règlements de compte et un 38 pour faire la fête. Pour l’eau, faudra repasser chez l’épicier chinois - sorte de caverne d’Ali Baba - car il y a bien longtemps qu’elle n’est plus potable, ou boire la del’bière locale, brésilienne. Chez l’chinois, « l’arabe » de Guyane, qui attend aussi le chaland, les poches pleines de petits papiers crasseux mais Oh combien mirifiques, tout se paye au gramme - pesé sur une balance électronique - la valeur étalon comme à la Goutte d’Or ! Et puis, il y a aussi le Pasteur qui évangélise à coup de bidon de diesel (on fait moitié-moitié ?), et l'autre qui se préoccupe du maquillage de ses ouailles, des prostituées très ferventes, presque au service de Dieu, puisqu’elles rapportent l’argent pour la paroisse, de l’or surtout, pour décorer une église pas baroque du tout perdue dans les grands bois. Elles font l’amour comme on entre en catéchèse - est-ce que Dieu porte aussi un préservatif pour se protéger du Sida omniprésent ? Le temps des colonies et des ‘Missiones’ est revenu. Quelle belle entreprise familiale avec le père évangélisateur, la mère maquerelle, le saint-esprit patron-orpailleur, la terre qui recrache son or, le ciel où s‘évaporent les volutes de mercure, l’encens local, qui, au gré des quatre saisons tropicales, la plupart du temps humides, retombent et souillent un peu plus les eaux pluviales et la terre, retournées, lavées, puis les poissons, les Hommes de Guyane. Est-ce que le film de Weber sera la goutte de mercure qui fait déborder le vase ? C’est un inventaire à la Prévert plutôt exotique du Genre humain que nous présente Weber. A l’instar de la biodiversité de la forêt guyanaise, le moins qu’on puisse dire est qu’elle est bien riche cette « faune » qui s’exprime en wayana, français, créole, taki-taki, anglais, espagnol, mais surtout en brésilien. Bienvenue en Guyane, en Amazonie, brésilienne ? On pourrait renommer ce documentaire « Le Cauchemar de Fusée-Aublet », - aucun lien avec un quelconque lanceur de satellites - du nom de ce botaniste qui, deux siècles auparavant, a publié une « Histoire des plantes de la Guiane française », la première flore de Guyane. Les espèces décrites en 1775 sont toujours valides, comme le carapa (Carapa
  • 3. guianensis Aubl.), le wacapou (Vouacapoua americana Aubl.) et le wapa (Eperua falcata Aubl.), mes arbres fétiches, ceux que j’étudie depuis 1984 en Guyane. Un quart de siècle sous peu ! Par contre, ces arbres et tant d’autres souffrent de la déforestation dans les criques orpaillées, le long des fleuves. Le poisson Aïmara, un des « top-predator » de la chaîne alimentaire des criques et fleuves amazoniens, est devenu le poison mortel des futures générations. Après la disparition du gibier, c’est tout ce qu’il reste aux Amérindiens pour vivre, pour sur-vivre plutôt. Comme dans le cas de la Perche du Nil du Lac Victoria, la diversité des poissons disparaît également en Guyane. Ceux qui survivent, les plus gros, les plus forts – cela n’a strictement rien à voir avec de la sélection naturelle telle que l’a décrit Darwin - ont concentré le mercure dans leur chair. Les plus gros ont mangé les plus petits. Les poissons super-prédateurs des Grands Lacs d’Afrique de l’Est et des fleuves de Guyane sont mercurés. Les Hommes qui les consomment le sont également car ils sont le dernier maillon de cette chaîne alimentaire, en haut de la pyramide. Les taux de mercure des enfants du fleuve Maroni, de la République, dépassent aujourd’hui l’entendement, et les seuils de l’OMS font pâle figure à coté de chiffres alignés par Solidarité Guyane. On n’a rien voulu voir et entendre quand feu Kris Wood et d’autres enragés, engagés, au début des années 1990, hurlaient leur colère avec les singes de la forêt dans les pages de la revue de l’Association Le Pou d’Agouti. Cela dérangeait, démangeait un peu trop les donneurs d’ordre, ici et là, de part et d’autre du fleuve Maroni, frontière naturelle entre la France et le Surinam. Cela ne posait pas de problème non plus aux politiques, tous bords confondus. Il fallait étudier, analyser, pour prendre les bonnes décisions politiques. On en savait pourtant déjà bien assez. A force d’attendre, on a trop tardé. L’interdiction de la vente du mercure est un leurre et avait déjà montré ses limites au Venezuela ; l’interdiction de son usage dans les mines d’or officielles n’a pas empêché les exploitants illégaux de polluer au mercure. Et tant que le Brésil et le Surinam le commercialisent… Finalement, Perche du Nil ou Aïmara d’Amazonie, même cause, même effet, même combat. Idem pour les populations autochtones qui s’en alimentent : c’est la lutte pour la vie dans des environnements devenus surnaturels, déforestés, détruits, anéantis, contaminés au mercure et autres polluants, quasiment lunaires, sans vie ou presque. La bombe à retardement est maintenant prête à exploser. Pierre-Michel Forget 15 octobre 2008