1. Des pigeons et des hommes
Récit complet du Narbonne 2017
On a testé pour vous : le Narbonne 2017. De bout en bout. De l’enlogement au retour au bercail. Avec vos
pigeons jusqu’au moment du lâcher. Quel aubaine pour un reporter de se glisser dans la peau d’un convoyeur.
Une aventure humaine riche, inoubliable. Une expérience que nous partageons avec vous avec le récit qui suit.
Car cela mérite mieux qu’une simple chronique écrite avec le pied gauche…
Nous avions fait savoir à quelques organisateurs de concours de fond et grand fond que l’envie chatouillait nos
cerveaux curieux de se glisser dans la peau d’un convoyeur. Une idée lancée dans les airs tel un pigeon dans
une volée. Fin juin : Francine Lageot, organisatrice des concours Internationaux de Libourne et Narbonne nous
appelle. Elle trouve notre idée intéressante. Bingo ! On tombe d’accord pour le Narbonne, concours de grand
fond courtisé par les marathoniens. L’aventure peut commencer.
On se fait déjà le voyage plus de dix fois dans sa tête, dans ses pensées, ses rêves. On va enfin vivre cela de
l’intérieur. Le contremarquage, la route en camion, le lâcher… Finalement, hormis le retour à la maison, on
partage tout avec vos champions. Et comme vous allez le voir, tout c’est vraiment tout.
Sous l’égide de L’Indépendante de Liège, le concours de Narbonne est prévu pour le vendredi 28 juillet. C'est-à-
dire une semaine après celui que la société liégeoise organise sur Libourne. Fameux enchaînement. Tout
commence le lundi 24 juillet. Partout en Belgique, on enloge. Une étape que tous les colombophiles
connaissent. Préparation de leurs équipes, jugement des états de forme, préparation,… jusqu’ici le
colombophile et ses pigeons ne font qu’un. Dès que l’enlogement est acté, c’est la séparation. Le sportif prend
la direction d’un panier d’enlogement, l’entraîneur celui du local ou de la maison mais partager un verre et
tailler une bavette avec les autres colombophiles, c’est tout de même plus sympa. C’est vrai pour les Belges, les
Français, les Hollandais, les Allemands, et les quelques Luxembourgeois et Britanniques qui forment le lot de
participants à ce concours.
2. Pour certains colombophiles, la séparation est douloureuse. Ce n’est pas une question d’âge, juste une affaire
de tempérament. Ceux qui ont opté pour les marathons savent qu’il faut gérer cette attente. Il faut apprendre à
gérer son temps, son stress, son attente sur des concours où le pigeon va vivre dans un panier pendant quatre
jours et quatre nuits. Et encore, si tout se passe bien, si le lâcher peut avoir lieu le jour prévu.
Dès le soir du lundi, le ramassage des paniers d’enlogement est assuré par un transporteur et certains
convoyeurs sont déjà à pied d’œuvre. On rassemble tous les pigeons vers le même point. Opération suivante :
le contremarquage.
CONTREMARQUAGE ET COMPTAGE
Wavre. Le zoning. Un hangar, des remorques, et des paniers remplis (ou pas) de pigeons. Toute la nuit, ça a
convergé vers ce point. Les convoyeurs sont à pied d’œuvre depuis plusieurs heures déjà. Pour ce concours, le
Liégeois Guy Lheureux et le Hennuyer Jean-Philippe Deprince se partagent la responsabilité. La fille de Jean-
Philippe est aussi de la partie. Le frangin aussi. Une famille d’habitués. Jean-Philippe, c’est 37 ans d’expérience
comme convoyeur. Il fait cela depuis qu’il a 14 ans. Un méticuleux, un amoureux du travail bien fait. Un
bosseur.
Dès 6 heures, le contremarquage prend un rythme ascendant. Trois tables sont disposées avec deux chaises.
Face à chaque table, une colonne de paniers. Chaque pigeon va être contrôlé ! Retiré du panier pour être placé
dans un autre. Un contrôleur cite clairement le numéro de bague, un numéro que note soigneusement un
autre contrôleur assis à la table avec une pile de feuilles prêtes à l’emploi. Le pigeon, une aile déployée, est
présenté à un autre contrôleur qui y appose délicatement un cachet. Ces personnes qui assurent le
contremarquage sont des volontaires issus de différentes sociétés colombophiles. Ici, des Brabançons, des
Hennuyers (tous bien connus au local de Pont-à-Celles), et des Liégeois venus de différents coins de la
Principauté. Mais tout ce petit monde se connaît.
3. Dans leur nouveau panier, qui sera le leur jusqu’au lâcher, les pigeons sont au nombre de 18 maximum. Les
mâles avec les mâles, les femelles avec les femelles. Objectif : contrôler que les pigeons sont inscrits en bonne
et due forme et réduire le nombre de paniers incomplets. Ces paniers sont spacieux, munis d’un tapis
protecteur spécialement conçus pour ces paniers et les pigeons. Tout est nickel ! Et pour cause. Au retour de
chaque concours, tous les tapis sont enlevés des paniers, nettoyés et désinfectés. Même traitement pour le
panier.
Cela s’affaire autour des paniers. Et quelques commentaires fusent aussi : « Quel beau pigeon ! Et quelle
musculature ! » ou alors « Regarde ce petit format. Incroyable. » Il est vrai que la morphologie des pigeons de
grands fonds peut parfois surprendre. Comme en athlétisme, les pigeons des marathons sont moins baraqués
que les sprinters. Mais il faut reconnaître que le très petit format de certaines femelles peut vraiment
surprendre. Pourtant, rien ne dit que cela la contrarie pour des vols de 900 bornes ou plus. Au contraire. Le
rapport poids/puissance est une donnée importante. Et c’est là que les muscles et la voilure feront la
différence. En attendant, ça carbure au contremarquage. Les piles de paniers repartent vers le hangar et les
remorques. D’autres paniers à contrôler les remplacent aussitôt. Une cadence d’enfer.
Pour peu, on oublierait presque de signaler la présence discrète dans une autre pièce de M. Romain America.
Lunettes sur le bout du nez, piles de papiers officiels sur sa table et calculette. Son rôle : contrôler toutes les
listes. Au terme du contremarquage et de ce contrôle, il validera et fera connaître le contingent officiel, et le
détail par pays participant. Concentration absolue dans ce coin de la pièce. De l’autre côté des fenêtres, se
poursuit le ballet très bien huilé du contremarquage.
Après une pause sandwich au milieu de la matinée, on continue le travail de fourmi à Wavre. Quelle belle
colonie en activité ! L’après-midi est quasiment terminé lorsque les contrôleurs ont terminé leur tâche. Le
contingent est officialisé et communiqué à la RFCB. Ce sont 18927 pigeons vieux et yearlings qui vont prendre
la route de Narbonne dès le mercredi matin. C’est quasiment 300 de plus que l’année précédente, ce qui n’est
pas pour déplaire aux organisateurs.
4. Pendant que les contrôleurs de ce contremarquage rentrent chez eux, les convoyeurs poursuivent le travail.
Les remorques se remplissent de paniers, s’entassant en colonne. Les premier sacs de maïs sont vidés et les
fontaines gorgées d’eau. Ensuite, c’est le rangement et le nettoyage du hangar et des pièces qui ont servi à ce
contremarquage. Les convoyeurs dorment sur place : une surveillance qui réduira le sommeil à sa plus simple
expression. Dans les remorques, ça roucoule tant et plus. « Oh, ça ne me dérange pas », explique Jean-Philippe
Leprince. « C’est même devenu une berceuse pour moi avec les années. »
ON THE ROAD AGAIN
Mercredi, à l’aube, on est tous prêts à quitter Wavre. Le premier tracteur arrive et en trois coups de volant
maximum, la remorque est attachée, le camion prêt à partir. Le second suit de peu et le convoi peut démarrer.
Chauffeurs routiers et convoyeurs ne se connaissent pas tous. Jean-Philippe, avec ses 37 ans d’expérience, est
le seul connu de tous. Il connaît la musique sur le bout des doigts. Il entend que les chauffeurs feront halte à
Châteauroux le mercredi soir. Il préférerait que les camions roulent en convoi du début à la fin mais les
chauffeurs préfèrent agir de la sorte pour le deuxième jour, entre Châteauroux et Narbonne. Il fait contre
mauvaise fortune bon cœur et se montre diplomate.
Six camions, autant de chauffeurs et de convoyeurs et 19.000 pigeons. Sacré convoi. Une machine qui s’ébranle
et trace sa route. Chauffeurs routiers et convoyeurs forment un duo hétéroclite. Pour le routier, cette cabine,
c’est sa maison. C’est là qu’il passe le plus clair de son temps. Propre comme un sou neuf, multi-équipée, elle
est l’antre de son propriétaire, adepte de la route en solitaire. En cet endroit, le convoyeur est un invité.
Premier arrêt obligatoire pour observer une période de repos.
5. On est à hauteur de Chevilly, là où l’A10 et l’A19 se rejoignent (ou se séparent, c’est selon) à une centaine de
bornes d’Orléans. Arrêt de 45 minutes : on en profite pour nourrir les pigeons.
Les portes avant et arrière sont immédiatement ouvertes. Sur le côté des remorques, on peut aussi ouvrir un
battant sur deux. On ne le fait que du côté non exposé au soleil. Un peu d’air frais, de lumière naturelle pour le
bien des champions. Dans chaque camion, une charrette métallique, lourde pour bien tenir au sol pendant le
voyage, et un rail en métal, creusé, dont largeur et longueur sont spécifiquement adaptés pour les paniers. On
remplit ce rail de maïs. Généreusement. Il entre complètement dans le panier et, d’un revers de la main on
déverse la nourriture. Les plus gourmands se ruent sur le rail pendant la manœuvre. Mais le maïs étant
répandu sur toute la largeur du panier, il y en a pour tout le monde. Ce qui est déversé dans chaque panier
correspond exactement à 30 grammes par pigeon. C’est plus calme dans les paniers des femelles. Certaines ont
pondu. Hormis quelques exceptions, cette différence de comportement entre mâles et femelles se vérifient
dans chaque camion. Après la nourriture, vérification des fontaines. Elles sont encore bien remplies.
Quelques heures plus tard, à Châteauroux, les camions se garent l’un après l’autre. Côte à côte. Les chauffeurs
peuvent se dégourdir les jambes, la journée est finie pour eux. Le ciel est couvert mais pas de pluie. Une
vingtaine de degrés et un léger vent qui balaie cette colline transformée en relais routier. On peut y garer plus
de 800 camions. Les remorques des nôtres s’ouvrent dès l’arrêt. Chaque convoyeur se met directement à la
tâche. Avec une telle météo, on ouvre des deux côtés, chaque panier profite ainsi d’une bonne ventilation
naturelle. A l’attaque des fontaines. Mon camion contient 206 paniers. Et donc autant de fontaines.
Chacune est enlevée, vidée de son contenu et remise en place. Désormais propres, elles peuvent de nouveau
être remplies. Un tuyau relié directement à la citerne du camion et c’est parti. Les têtes passent pour
s’abreuver. L’opération terminée, un peu de rangement et de nettoyage s’impose dans le couloir central formé
par les deux rangées de panier. Brosse, raclette et voilà les déchets (copeaux, plumes, maïs…) entassés dans un
sac de maïs vide transformé en poubelle. Dans toutes les remorques, le même ballet se répète.
Les convoyeurs s’entraident. Jean-Philippe et Guy font le point, inspecte chaque remorque. « OK, c’est en ordre.
Quand les chauffeurs reviendront, ce sera notre tour pour la douche et manger un bout. »
6. Pour le repas du soir, les convoyeurs se subdivisent en deux groupes, un homme d’expérience à la tête de
chacun d’eux. Jean-Philippe et Guy se partagent les tâches et les responsabilités. Le but est de ne jamais laisser
les camions sans surveillance. D’autant que durant toutes ces heures, ils sont ouverts pour une bonne aération.
La nuit venue, ça continue de roucouler dans les remorques. On ne passe pas inaperçus sur le parking. Il faut
dire qu’il y a moins de vie dans les autres remorques, citernes ou frigorifiques…
La nuit sera courte pour les convoyeurs qui dorment dans les remorques, au milieu des pigeons. Sur un
matelas de fortune. Au mieux, il est une heure du matin quand le calme règne mais avant même que le soleil se
lève, dès qu’un oiseau poussera un petit chant près des camions, ça se remet à roucouler à toute berzingue.
Facile, la vie de convoyeur ? Le colombophile qui pense cela ne connait pas son sport.
Jeudi matin. Les chauffeurs sont reposés, on peut retracer la route. Perchés à plus de deux mètres du bitume,
dans les cabines, ça bavarde… ou pas.
Les panneaux défilent. Depuis Orléans, que des noms synonymes de concours colombophiles. Le relief est de
moins en plat. On file vers Toulouse. Depuis Châteauroux, on peut aussi se rendre compte que le nombre de
rapaces visibles est assez impressionnant. Elle est loin l’époque où il fallait s’enfoncer largement dans les
contreforts montagneux pour les voir planer ou simplement se percher sur un endroit avec vue panoramique…
On s’enfonce dans les terres du sud ouest pour un ultime arrêt avant la destination finale. On répète les mêmes
gestes qu’à chaque halte. Mais le soleil a percé la toile nuageuse et la température monte. Les pigeons ne
savent pas parler notre langue mais ils savent se faire comprendre. La circulation d’air dans la remorque à
chaque arrêt semble les ravir. La décision est prise de les soigner eau et nourriture) lors de l’arrivée à
Narbonne. D’autant que l’arrivée sur les lieux, avec une circulation aussi fluide, est prévue entre 16h30 et 17h.
La route est belle entre les Pyrénées, sur notre droite, et le massif central, sur notre gauche. Se dire que tout ce
chemin, nos compagnons de route vont le refaire, bien plus vite dans l’autre sens. Et en ne reprenant pas
vraiment ce chemin pour les plus rapides, les malins. C’est que nous sommes conscients que ce sont des
oiseaux vraiment pas comme les autres que nous transportons, soignons, alimentons. D’ailleurs, entre
convoyeurs, on se prend même au jeu. On s’attache à ceux dont on s’occupe. Et chacun de se dire qu’il a sans
doute dans « son » camion, le futur vainqueur.
7. LE BOUT DE LA FRANCE
Narbonne est en vue. Un dernier péage à la sortie de l’autoroute, on traverse une zone résidentielle, puis on
s’engage dans un environnement plus désertique. La route se fait moins large, carrément étroite, tout juste
pour les camions et le chargement. Face à nous, des bras de la mer méditerranée qui ont été rebaptisés « Les
Etangs de la Nautique ». Tu parles d’un étang ! Chez nous, ce serait un lac !
Un camping, une route qui devient un chemin de terre et de sable, le convoi s’enfonce descend lentement.
Entre deux bosquets, c’est là. D’un côté, la mer, de l’autre, une petite colline jonchée de caillasses de belle taille
et sur laquelle poussent de jolis pins, typiques du sud de la France. D’un côté, les véliplanchistes, les paddleurs,
et les kite-surfeurs, de l’autre, les promeneurs, les vététistes, les quadistes…
Les camions se placent. Ceux-là ne bougeront plus. On attend plus que les camions transportant les pigeons
hollandais et allemands, qui ont pris un peu de retard. « On met un bon rail de maïs par panier et puis l’eau »,
tel est l’ordre à suivre. Le mistral donnant tout de même le ton, impossible d’ouvrir un côté du camion. Par
contre, tout ce qui peut être ouvert pour aérer sainement l’est et le restera encore de nombreuses heures. A
chaque ouverture des portes de la remorque, on peut directement ressentir le bienfait de cette aération. Les
gaz générés par les pigeons, par le voyage, tout s’évacue rapidement. Dès l’entrée dans la remorque, on peut
aussi constater que les pigeons sont désormais habitués à la présence du convoyeur. Ils le reconnaissent
immédiatement. C’est plus calme que lors de la première entrée quelques jours auparavant. Le bruit du maïs
déversé dans le charriot n’excite plus guère que quelques-uns. Les crasses sont retirées des fontaines afin
d’offrir aux champions l’eau la plus saine possible.
C’est l’entraide entre les convoyeurs et l’ultime comptage des paniers et des pigeons. Il fait désormais
étrangement calme dans les remorques. D’accord, ça roucoule toujours autant mais il y a moins de mouvement
au fur et à mesure que le temps passe. C’est nettement perceptible. Les chauffeurs sont partis à la recherche
d’une bonne table. Nous restons pour surveiller les camions. Pas de douche ni de supérette à portée de vue. On
est au bout de la France… Et lorsqu’un aimable et curieux jeune homme s’arrête pour nous poser des questions
sur ce convoi qui attise sa curiosité, il nous révèle que le magasin le plus proche est à 20 bonnes minutes… en
voiture. Gentiment, il propose de charger l’un de nous et de le ramener. On accepte volontiers. Une heure plus
tard, enfin des boissons fraîches et une nourriture substantielle. En attendant, ce fut la douche improvisée avec
le petit réservoir posé à l’arrière de la cabine. Nu comme un ver et séché en quelques secondes par le Mistral.
L’aventure, c’est l’aventure.
Les convoyeurs allemands et néerlandais sont jeunes, dynamiques et sympathiques. Avec eux, l’occasion est
donnée de tester son anglais. Cela passe comme une fleur. Le Batave en est à sa quatrième expérience, le
Germain trois fois plus. Ils sont jeunes mais tout aussi méticuleux et amoureux des pigeons que les aînés, Guy
et Jean-Philippe.
8. Le soleil coule peu à peu dans la mer. De nombreux promeneurs viennent nous parler, nous poser des
questions. Certains promettent de revenir à l’aube pour assister au lâcher. Dans le lot, on retiendra deux
grands moments. D’abord, un couple plutôt âgé, à la peau burinée et à l’accent typique du sud de la France.
Très gentils. L’homme sort de son véhicule et vient vers nous. « Ah ! Vous allez lâcher des palombes ?! » On se
regarde et les sourires fusent. Votre serviteur y va d’une réponse un peu ironique. Mais très vite, Guy Lheureux
se lève et répond sérieusement. Le sommet en matière de question viendra un petit quart d’heure plus tard :
« Ce sont des pigeons des villes » ? Ben oui, tiens. Nous, les Belges, on passe notre temps à ramasser les pigeons
dans les villes du nord et ensuite on les fourgue aux gens du sud… Bon débarras ! Ne nous remerciez pas pour
le cadeau ! On en sourit car on répond gentiment à toutes les questions, car on aime ce sport mais parfois, il
faut reconnaître que certaines interventions sont pour le moins saugrenues.
La nuit est tombée et elle sera courte. Au réveil, avant le lever du soleil, la tension monte furieusement. Le vent
est complètement retombé et personne ne s’en plaindra. On annonce du beau temps. Ce vendredi 28 juillet
sera bien le jour J pour le Narbonne International 2017. Avant 6h, le contrôleur de la fédération française,
Marcel Maury arrive sur les lieux. Il constate la bonne disposition des camions, contrôle les papiers
administratifs, fait le tour du convoi avec Jean-Philippe et Guy. Ce dernier a directement un contact avec
Francine Lageot, l’organisatrice. Cette dernière rappelle rapidement pour nous dire que tout est Ok avec la
fédération. Le lâcher aura lieu à 6h45. Sur chaque remorque, on s’affaire. Couper tous les fils pour retirer les
plombs qui scellent les paniers, refermer et mettre sous pression le volet de gauche, faire glisser l’ouverture de
chaque panier. Et tout vérifier. Le soleil pointe à l’est dans un ciel sans nuage. Tous ces gestes se font sous l’œil
de certains connaisseurs mais surtout de nombreux autochtones venus assister au lâcher.
La tension est à son comble. Chez les convoyeurs mais aussi chez les pigeons. On les attend frapper dans la
porte métallique depuis que les trappes ont été glissées. Ils savent que c’est le grand moment. Quatre jours et
quatre nuits de panier, mais c’est bientôt l’envol. M. Maury assure à haute voix le compte-à-rebours. « Cinq
minutes »… « Quatre minutes »… « Trois minutes »… Jean-Philippe Deprince demande à tous si tout est OK. Il
manque un homme derrière un des camions. Un chauffeur rompu aux lâchers court vers le poste vide. « Une
minute ! » crie Marcel Maury. Elle semble longue cette minute car elle se fait dans un silence respectueux des
spectateurs seulement rompu par les coups donnés par les pigeons dans les portes. Coup de klaxon et en une
seconde, toutes les portes s’ouvrent. Il faut le même temps pour voir les premiers pigeons sortir comme des
fusées. Ils ne tournent même pas au-dessus du site ! Ils filent tout droit dans une trouée nord-est et prennent
immédiatement de l’altitude. Les deux gros pelotons n’en forment plus qu’un rapidement. Durée de cet instant
magique avant de les perdre de vue ? Une petite quarantaine de secondes.
9. Comme vous pouvez le lire par ailleurs, dans l’article consacré aux convoyeurs, deux pigeons n’ont pas pu
s’envoler. Ils sont tout de même rentrés chez eux et ont été remis à leur propriétaire. Moins d’une centaine ont
choisi de tourner au-dessus de Narbonne, en bord de mer, et ont sans doute décidé d’y rester, estimant que cet
endroit était plus propice à leur envie du moment qu’un pigeonnier. Cela fait peu sur un contingent de
quasiment 19.000 pigeons.
A Narbonne, après la réelle beauté de cet instant, c’est le retour à la réalité. Dans la joie car le lâcher s’est bien
passé, dans de très belles conditions météorologiques et un envol parfait, direct, sans hésitation ! Un dernier
nettoyage complet de la remorque sur le chemin du retour et ce Narbonne 2017 ne sera bientôt plus qu’un
magnifique souvenir. L’entraide et la solidarité entre les convoyeurs prévaut jusqu’à la dernière minute. On
promet de se revoir, de s’envoyer les photos et de… remettre ça !
Nous mettrons deux jours pour rentrer au bercail. Le meilleur pigeon belge (Hunerbein à Aywaille) mettra
moins de dix heures ! Cet animal est tout de même fantastique.
HUPEZ