Commission Provisoire de Réflexion sur la Réconciliation Nationale
(CPRN)
Projet de Consultations Nationales en appui à la Réconciliation Nationale
(CONARGUI)
SEMINAIRE DE FORMATION ET DE PLAIDOYER
THEME
RENFORCER LE PARLEMENT EN TANT QUE GARDIEN DES DROITS DE L’HOMME ET GARANT DU PROCESSUS DE RECONCILIATION NATIONALE EN GUINEE, C’EST CONTRIBUER A LA CONSOLIDATION DE LA PAIX
Kindia, du 26 au 29 Juillet 2016
Intervention des Co-Présidents
Intervention des co présidents de la cprn-atelier parlement-kindia 26-29 juil 2016
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Commission Provisoire de Réflexion sur la Réconciliation Nationale
(CPRN)
Projet de ConsultationsNationalesen appui à la Réconciliation Nationale
(CONARGUI)
SEMINAIRE DE FORMATION ET DE PLAIDOYER
THEME
RENFORCER LE PARLEMENT EN TANT QUE GARDIEN DES
DROITS DE L’HOMME ET GARANT DU PROCESSUS DE
RECONCILIATION NATIONALE EN GUINEE, C’EST CONTRIBUER
A LA CONSOLIDATION DE LA PAIX
Kindia, du 26 au 29 Juillet 2016
Intervention des Co-Présidents
………………………………………………….
Commission Provisoire de réflexion
Sur
La Réconciliation Nationale (CPRN)
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Considérations préliminaires
Honorable 3eme Vice-Président de l’Assemblée Nationale
Honorables Députés
Distingués Invités,
Mesdames et Messieurs les membres de l’administration parlementaire,
Chères personnes ressources
Tout protocole respectueusement observé,
C’est pour moi et mon Collègue un réel plaisir de vous retrouver à Kindia dans
le cadre des travaux de ce séminaire de renforcement des capacités sur les droits
de l’homme et les processus de réconciliation nationale.
Nous sommes d’autant plus honorés que ce sera une occasion pour nous
d’échanger avec vous aussi sur les nombreuses questions qui nous ont
préoccupées au cours de nos travaux dont les conclusions ont été remises le 29
juin dernier au Chef de l’Etat.
Honorables Députés,
Dans une démarche d’humilité et de responsabilité arrêtons-nous un moment,
regardons dans le miroir de notre passé et comme si nous nous trouvions devant
Dieu interrogeons notre histoire.
En effet, comment pouvons-nous construire ce pays si chacun d’entre nous a
son interprétation de l’histoire ? Comment pouvons-nous créer un avenir de paix
si nos identités différentielles doivent être instrumentalisées à des fins
politiques ? Comment pouvons-nous éviter la répétition des violences inouïes
qui ont endeuillé notre peuple si nous n’avons pas de mémoire ? Comment
pouvons-nous recréer le contrat de protection entre les citoyens et l’Etat si la
justice ne nous inspire pas confiance et si le citoyen ne se sent pas suffisamment
protégé par ses forces de sécurité ainsi que par son administration ?
Pour répondre à ces questions combien de fois complexes, conformément à
notre mandat, nous avons recueilli les avis des populations et avons formulé nos
recommandations sur lesquelles je reviendrai dans la suite de mon intervention.
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Cependant, comme l’enseigne cette sagesse populaire chaque science à ses
règles et ses méthodes. La justice transitionnelle dont l’objectif ultime est la
réconciliation nationale a aussi les siennes. Il s’agit de la vérité, de la justice, de
la réparation et des garanties de non répétition.
Aussi, pendant cinq ans, avons-nous été formés. Nous avons effectué des
voyages d’étude pour acquérir des expériences d’autres pays qui ont
expérimenté les processus de réconciliation nationale. Nous avons sillonné
toutes les préfectures pour expliquer notre mission. Nous avons écouté les
guinéens et guinéennes et sommes arrivés aujourd’hui à la conclusion que notre
pays ne peut prospérer en faisant fi de son passé qui n’a pas été que glorieux.
Ne nous leurrons pas. La Guinée a besoin de vérité, de justice, de réparations et
de réformes institutionnelles profondes pour assurer un développement serein au
service des générations futures.
Ainsi, se fondant sur la Déclaration d'engagement mutuel entre la Guinée et la
Commission de Consolidation de la Paix des Nations Unies, la CPRN a
développé un partenariat solide avec les principales Agences des Nations Unies,
impliquées dans les questions de consolidation de la paix et avec la Fondation
Open Society for West Africa (OSIWA), pour mener de larges consultations
nationales qui ont été officiellement lancées le 25 mars 2015, suite aux derniers
réglages administratifs et logistiques opérés en 2014, relativement au
recrutement et à la formation du personnel, à l'installation des Antennes
Régionales et à la désignation des Points Focaux Préfectoraux et Communaux.
Afin d'obtenir l'adhésion et l'accompagnement les plus efficaces possibles des
différents acteurs, partie prenante au processus, de nombreuses sessions
d'information, de sensibilisation et/ou de mobilisation sociale ont été organisées
tant à Conakry qu'en Régions, en direction du Gouvernement, de l’Assemblée
Nationale, des Leaders religieux et traditionnels, des forces de défense et de
sécurité, des acteurs politiques, des médias, des organisations de la société
civile, des organisations de défense des droits de l'homme, des associations de
victimes, des syndicats et des partenaires techniques et financiers.
Pour nous faciliter la collecte des données, deux Cabinets d'Experts
Internationaux, Africa Label Group (ALG) et COMO CONSULT ont été
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recrutés l’un pour mener des consultations qualitatives et quantitatives, l’autre
pour évaluer l’impact de la transmission formelle et informelle des récits
historiques sur le comportement des jeunes.
Animés du souci d'imprimer le label guinéen au processus, nous nous sommes
attachés le service d'un Comité Consultatif constitué de personnes ressources de
haute qualification (historiens, ethnologues, sociologues, juristes...), tous
témoins de l'histoire du pays. Ce comité a efficacement encadré les activités de
la CPRN et les démarches des Cabinets d'Experts à travers des orientations sur
trois thématiques essentielles à savoir:
- Les faits historiques de violence et conflits en Guinée et leur incidence sur la
cohésion sociale.
- Le phénomène partisan et le fait ethnique en Guinée.
- Les efforts de réconciliation nationale précédemment menés et les mécanismes
traditionnels de résolution des conflits.
Par ailleurs, sous notre direction, un Comité de Coordination et de Suivi,
composé de membres issus de l'Assemblée nationale, de la société civile, des
partenaires techniques et financiers ainsi que des départements ministériels clefs,
a constamment veillé à l'orientation stratégique, programmatique et
opérationnelle du processus de collecte, d’analyse et de traitement des données.
La conduite de ces consultations nationales n’a pas été du tout aisée pour nous.
Le chemin a été long et difficile. Nous avons fait face à des obstacles majeurs
que nous ne pourrons passer sous silence. La mobilisation des ressources
techniques et financières a duré presqu’une année. Lorsque nous étions prêts à
effectuer des missions dans les différentes régions et préfectures, la fièvre Ebola
a empêché la réalisation de toute activité de regroupement des populations et
bien des experts n’étaient pas prêts à nous accompagner sur le terrain. Enfin, la
récurrence des manifestations politiques dans le cadre de l’organisation des
élections législatives d’une part et de l’élection présidentielle de 2015 d’autre
part nous a amenée à changer constamment de planification.
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C’est le lieu ici de remercier le Système des Nations Unies en l’occurrence le
Bureau du Haut Commissariat des Nations Unies aux Droits de l’Homme qui
organise les présentes assises et qui n’a cessé de nous accompagner à l’instar du
Programme des Nations Unies pour le Développement, l’UNICEF, le PBF et la
Fondation OSIWA.
Honorables Députés,
Nous avons reçu à travers nos conseillers qui prennent part à vos travaux depuis
le mardi votre demande de connaître les conclusions et recommandations
auxquelles nous sommes arrivés, après avoir consulté plus de 9.000
compatriotes y compris ceux de la diaspora.
C’est en réponse à vos sollicitations comme représentants du peuple que nous
nous faisons l’honneur de partager les recommandations avec vous qui reposent
sur six parties essentielles.
Une première partie consacrée aux considérations afférant à la création de la
CPRN et au fondement de son travail ;
Une deuxième partie consacrée à la vérité,
Une troisième à la justice,
Une quatrième à la réparation,
Une cinquième aux réformes institutionnelles et
Une sixième liée à la mise en œuvre des recommandations.
Première partie
Elle a posé comme principe que le respect des droits de l’homme est un élément
fondamental dans le renforcement de l’Etat de droit et la consolidation de la
démocratie. Pour nous la constitution guinéenne à travers le titre II met en relief
la question des droits de l’homme d’une part mais également notre engagement
à respecter les instruments internationaux des droits de l’homme. Dans cette
dynamique les résolutions 1325 et connexes qui mettent un accent sur le rôle
prépondérant des femmes dans tout processus de gestion des conflits doivent
être traduites dans des actions concrètes. Aussi avons-nous insisté sur les
éléments structurants du processus de réconciliation nationale à savoir la vérité,
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la justice, la réparation et les garanties de non-répétition. Pour nous, notre pays
ne peut faire l’économie d’une lecture responsable de son histoire si nous
voulons mettre fin aux interprétations passionnées et subjectives des actes qui
ont perlé notre vivre ensemble. Par ailleurs, nous avons insisté sur la nécessité
des réparations urgentes notamment pour des victimes ayant des besoins
particuliers. Enfin, nous avons exhorté les acteurs guinéens à privilégier le
dialogue comme seule alternative pour régler leur différend et proposer que nous
puissions jeûner, prier et demander pardon à Dieu chaque 28 septembre pour
avoir manqué de respecter ses préceptes.
Deuxième partie : Sur le droit à la vérité
Nous avons formulé les recommandations principales sur la base des
écoutes des guinéens et des guinéennes.
Tout d’abord, qu’il soit créé par voie législative, une commission de vérité
reposant sur les principes et standards existants en la matière. Notre choix est
profondément motivé par notre volonté de voir conférer à cet organe qui doit
jouir de toute l’indépendance nécessaire, une légitimité qui doit lui être conférée
par le parlement.
Ensuite, la Commission devra s’occuper entre autres de 18 situations de
violations des droits de l’homme:
1. Assassinat,
2. Arrestation et détention arbitraire,
3. Pillage des biens,
4. Actes de torture,
5. Destruction des infrastructures publiques et privées,
6. Coups et blessures graves,
7. Viols,
8. Exécutions sommaires,
9. Violences sexuelles,
10.Incendie des maisons,
11.Décisions judiciaires injustes,
12.Exécution des personnes par le feu,
13.Exil forcé,
14.Dévastation des champs et du bétail,
15.Dénonciation des victimes pour les faire tuer,
16.Spoliation des biens et des propriétés,
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17.Expropriation pour cause d’utilité publique sans indemnisation,
18.Expulsions.
De plus cette commission devra enquêter sur les violations commises de 1958 à
2015 et être composée de personnalités de bonne moralité selon l’ordre ci-après:
1. Membres des confessions religieuses,
2. Personnalités nationales choisies pour leur qualité personnelle,
3. Membres des organisations de la société civile,
4. Membres des professions libérales,
5. Personnalités étrangères choisies pour leur qualité personnelle
6. Agents du gouvernement/administration.
En outre elle devra :
1. Suivre dans son fonctionnement les standards existants en matière de
conduite des travaux d’une Commission vérité,
2. Proposer des mesures devant garantir la non-répétition des actes de
violences graves commis,
3. Etre indépendante de tout pouvoir et faire preuve d’impartialité,
4. Accorder une grande attention aux groupes vulnérables particulièrement
aux personnes âgées, aux personnes vivant avec des handicaps, aux
enfants et surtout aux femmes ayant des besoins spécifiques,
5. Proposer des mesures visant la mise en place d’un programme de
réparations qui tiennent compte du contexte guinéen,
6. Proposer des mesures d’apaisement des victimes,
7. Publier les conclusions de ses travaux et des mécanismes de suivi.
Troisième partie : recommandations sur le droit à la justice
Quatre recommandations majeures ont été formulées :
1. Que les mesures prises dans le cadre de la réforme de la justice en cours
soient dynamisées et que la justice soit plus proche des citoyens,
2. Que des sanctions exemplaires soient prises à l’égard des acteurs
judicaires qui violent les lois,
3. Que les auteurs des crimes internationaux (génocide, crimes de guerre,
crimes contre l’humanité) répondent de leurs actes et ne soient pas
amnistiés,
4. Que la chaîne pénale soit renforcée afin de rétablir la confiance entre les
justiciables et la justice.
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Quatrième partie : Recommandations relatives aux réparations
Sur la base des consultations quantitatives et qualitatives, nous avons considéré
que les réparations sont nécessaires pour soulager les victimes de notre histoire
dont Dieu seul en connait le nombre et la mesure de leurs traumatismes. Aussi
pour nous, il faut :
1. Que des réparations urgentes soient engagées pour des victimes dont la
situation de vulnérabilité est attestée et nécessite une prise en charge
médicale et psychologique,
2. Qu’un programme de réparation réaliste tenant compte des réparations
individuelles, collectives, matérielles et symboliques soit proposé par la
Commission vérité à la suite des travaux. A ce titre, entre autres mesures
devraient être envisagées :
a) des mesures efficaces visant à faire cesserles violations persistantes dans
notre pays ;
b) la recherche des personnes disparues et des corps des personnes tuées,
c) l’assistance y compris internationale pour la récupération, l’identification et
la réinhumation des corps conformément aux vœux exprimés ou présumés de la
victime ou aux pratiques culturelles des familles et des communautés ;
d) une déclaration officielle ou des décisions de justice rétablissant les victimes
et les personnes qui ont un lien étroit avec elles dans leur dignité, leur réputation
et leurs droits ;
e) les excuses publiques, notamment la reconnaissance des faits et l’acceptation
de la responsabilité de l’Etat et de ses préposés ;
f) les sanctions judiciaires et administratives à l’encontre des personnes
responsables des violations;
g) la construction de stèles ainsi que;
h) les commémorations et hommages aux victimes.
Cinquième partie : Sur les réformes institutionnelles
Indispensables comme garanties de non répétition, elles nous permettront de ne
pas tomber dans les dérives du passé. A ce titre, il faut :
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1. Que des dispositions appropriées soient prises en vue de la rédaction et
de l’enseignement de l’histoire générale de la de la Guinée,
2. Que des réformes engagées dans les secteurs de la justice, de
l’administration, de la défense et de la sécurité soient dynamisées et
soutenues par une stratégie de communication appropriée,
3. Que des mesures idoines soient prises en vue de lutter contre
l’instrumentalisation des ethnies à des fins politiques,
4. Que des actions soient menées tant sur le plan légal qu’institutionnel en
vue d’une professionnalisation de l’administration en général et de
l’administration électorale en particulier,
5. Que les institutions républicaines soient renforcées en vue de servir de
rempart à la commission de nouveaux actes de violations des droits de
l’homme,
6. Que l’approche genre soit prise en compte dans l’ensemble des réformes
institutionnelles.
Sixième partie. Sur la mise en œuvre des recommandations des
consultations nationales
Au regard des attentes exprimées par les populations au cours des consultations,
il urge :
1. Que la Commission Vérité soit rapidement mise en place et que les
recommandations issues des présentes consultations soient traduites dans des
actes concrets par l’Etat.
2.. La poursuite de l’appui et le maintien du Secrétariat technique de la CPRN
comme cellule de suivi de la mise en œuvre des recommandations des
consultations nationales.
Honorables Députés,
Comme nous l’avions dit lors de la cérémonie de remise du rapport, ce moment est
précieux pour la définition de règles de vie commune, de volonté de vivre ensemble
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dans un cadre de solidarité, de générosité, de tolérance, de partage et de paix dans
des conditions de confiance.
C’est ici et maintenant que nous devons chacun et chacune prendre un
engagement, celui de regarder dans le miroir du passé et œuvrer à la
réconciliation. Cette réconciliation ne doit être nullement envisagée sous un
prisme folklorique. Elle doit être un comportement des gouvernants et des
gouvernés.
Dans un contexte géostratégique marqué par la montée de l’extrémisme violent,
par le terrorisme et par la prolifération des armes légères et de petits calibres,
notre pays doit se renforcer de l’intérieur. Nous devons ériger des murs de
solidarité et de compréhension pour nous mettre à l’abri du vent violent qui
souffle à travers les continents. Dieu nous aime, nous sommes des croyants et
nous devons continuer de prier chaque jour.
Oui !
Aujourd’hui nous avons la chance de gouverner autrement notre pays,
Aujourd’hui nous pouvons changer le cours de notre histoire en lisant les pages
du passé en toute responsabilité,
Aujourd’hui nous avons le devoir de rendre hommage à toutes les victimes de
notre histoire si mouvementée en évitant de commettre les mêmes erreurs d’hier,
Aujourd’hui, nous devons avaler nos egos et écouter les femmes guinéennes qui
ne cessent de nous convier à mettre les générations futures à l’abri de la faim,
de la pauvreté, de la souffrance et à leur préparer un avenir radieux.
Nous devons le faire !
Vous allez le faire !
Nous le ferons ! Nous ne devons point reculer !
Je vous remercie de votre aimable attention.