1. Paris, le 20 juillet 2011
Monsieur Laurent BORDEAU
Président
et les membres du bureau de l'association
Agir unis
16, rue de la Tannerie
28 000 CHARTRES
Monsieur le Président,
Par un courrier en date du 8 juillet, vous m’avez interpellé en tant que candidat aux
élections présidentielles de 2012 sur le projet de mise en concession de la Nationale 154, et plus
généralement sur la place accordée au transport ferroviaire comme alternative à la route dans le cadre
des politiques d’aménagement du territoire.
Je suis sensible à votre requête dans la mesure où je compte placer la question des modes
de transports comme une priorité du projet de conversion écologique de notre société que j’entends
défendre cours de cette échéance. De plus, le Département de Saône et Loire, que j’ai l’honneur de
présider, étant lui-même objet d’une manœuvre identique pour sa dernière route nationale, la RCEA,
je suis particulièrement concerné par ce que vous évoquez.
Je tiens tout d’abord à vous faire part de ma plus vive désapprobation face à ce principe
de mise en concession de routes nationales comme l’est la RN 154, qui confie à un prestataire privé
des équipement routiers appartenant au domaine public et ayant été déjà financés par le contribuable et
la collectivité. J’observe que ces dispositions sont appliquées un peu partout sur le territoire national,
et qu’elles sont la conséquence de deux décisions prises par le pouvoir depuis 2004. La première
renvoie à la Décentralisation de l’immense partie du réseau routier national aux Départements. Dans
cette perspective, l’Etat s’est retrouvé dans l’impossibilité d’assumer la prise en charge de la part du
réseau qu’il a conservé. En outre, la vente par l’Etat des parts qu’il détenait dans les sociétés
d’autoroute ont fait perdre des ressources à l’Agence de financement des Infrastructures de Transports,
qui avait été pourtant créée pour être affectée à l’aménagement du réseau routier national, signant-là
un acte de désengagement complet de la part de la puissance publique tout autant qu’un glissement
vers le mode de financement en concession.
Le mode concessionnaire pour ces itinéraires m'apparaît aussi révéler un gaspillage des
deniers publics. En effet, dans un contexte où les sociétés d’autoroute ont augmenté leurs tarifs de
20% en 2010, que leurs profits se sont élevés dans le même temps à un milliard d’euros et que leurs
pratiques tarifaires abusives ont été fortement relevées par la Cour des comptes en 2008, confier ce
patrimoine public à des opérateurs privés dont la priorité est de rentabiliser leurs investissements et
d’optimiser l’utilisation des péages s’avère être plus coûteux pour la puissance publique, et constitue
une sanction supplémentaire pour l’usager.
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Assemblée Nationale
126, rue de l'Université – 75355 PARIS 07 SP
2. En Saône et Loire, le gouvernement vient de décider la mise en concession de la Route
Centre Europe Atlantique (RCEA), suite à la procédure de débat public. Le Conseil général de Saône
et Loire a été très actif au cours de ce débat, exigeant des expertises financières et juridiques sur
l’opportunité du scénario de concession imposé par l’Etat et défendant la gratuité et le maintien de la
dernière route nationale du département. Outre que ces expertises ont démontré toute la fragilité
juridique de la concession, du fait de l’absence d’itinéraire de substitution constitutive d’une rupture
d’égalité des citoyens, la Saône et Loire a proposé une solution de financement garantissant la gratuité
de l’infrastructure, grâce aux recours à l’Ecotaxe sur les poids lourds.
Je conçois que cette écotaxe doive être prioritairement affectée aux modes alternatifs de
transport, comme le transport ferroviaire, dont le développement est un levier précieux pour réduire
les émissions liées au trafic routier. Mais, dans la mesure où, pour la RCEA, l’Etat n’a prévu à court-
terme aucun investissement de ce type en Saône et Loire, notre Département était fondé à exiger
qu’une infime part du produit attendu de cette taxe nationale (15 millions, soient 1%) soit affectée non
pas à une autoroute nouvelle, mais à un itinéraire de transit européen et national, de surcroît seul axe
de desserte des populations en Saône et Loire. J’ai d’ailleurs le plaisir de joindre cette contribution à
ce courrier. Elle est à mon sens un point d’équilibre entre un impératif de solidarité nationale et les
exigences de développement durable et de désenclavement économique de nos territoires.
Je veux vous assurer de toute ma détermination à promouvoir une politique ambitieuse
d’aménagement public des transports ferroviaires - passagers et fret - qui s’appuie sur les nécessaires
mutations écologiques vers lesquelles notre pays doit converger, en intégrant de nouveaux outils
efficaces en matière de protection de l’environnement et justes socialement. C’est dans cette
perspective que je défends l’utilité d’une taxe carbone qui concilie ces deux exigences.
Je vous prie de croire, Monsieur le Président, en l'assurance de ma considération
distinguée et de mon cordial dévouement.
Assemblée Nationale
126, rue de l'Université – 75355 PARIS 07 SP