Revue "Avenir Hospitalier n°3" Novembre 2015
Depuis la fin du mois d’août, une polémique sur la place de l’analgésie par voie péridurale en cours d’accouchement s’est installée dans la presse. Celle-ci, évoque en termes plus que précis le fait que cette technique serait « imposée » à 12 % de femmes, rendant les sages femmes « contraintes de devenir complices de violences obstétricales faites aux femmes ». Comment, en 2015, serait-il possible de pratiquer, en France, des violences obstétricales ? En imposant une analgésie péridurale et un accouchement médicalisé?
médecins anesthésistes-réanimateurs et obstétriciens exerçant en salle d’accouchement, nous ne désirons pas rentrer dans des polémiques corporatistes. Nous tenons plutôt à signaler la collaboration nécessaire et équilibrée de toutes les professions présentes avec nous en salle d’accouchement: c’est un ballet bien huilé, multi-professionnel, jour et nuit 365 jours par an, pour que les femmes puissent profiter de ce moment unique en toute sécurité.
Accoucher sans péridurale, une décision qui peut évoluer au cours du travail
l’étude iNSerm mérite mieux qu’une interprétation partisane. en 2010, 26 % des femmes avaient déclaré pendant leur grossesse ne pas vouloir de péridurale lors de l’accouchement. mais sur ces 26 %, 52 % ont finalement reçu une analgésie péridurale: celles qui accouchent la première fois ou ont reçu de l’ocytocine, ou en cas de surcharge de travail des sages femmes, ou en cas de présence d’un anesthésiste dans la maternité.
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1. Depuis la fin du mois d’août, une polémique sur
la place de l’analgésie par voie péridurale en
cours d’accouchement s’est installée dans la
presse. Celle-ci, évoque en termes plus que
précis le fait que cette technique serait « im-
posée » à 12 % de femmes, rendant les sages
femmes « contraintes de devenir complices de
violences obstétricales faites aux femmes ».
Comment, en 2015, serait-il possible de prati-
quer, en France, des violences obstétricales ?
En imposant une analgésie péridurale et un ac-
couchement médicalisé ?
médecins anesthésistes-réanimateurs et
obstétriciens exerçant en salle d’accouche-
ment, nous ne désirons pas rentrer dans
des polémiques corporatistes. Nous tenons
plutôt à signaler la collaboration nécessaire
et équilibrée de toutes les professions pré-
sentes avec nous en salle d’accouchement :
c’est un ballet bien huilé, multi-professionnel,
jour et nuit 365 jours par an, pour que les
femmes puissent profiter de ce moment
unique en toute sécurité.
Accoucher sans péridurale, une décision
qui peut évoluer au cours du travail
l’étude iNSerm mérite mieux qu’une inter-
prétationpartisane.en2010,26%desfemmes
avaient déclaré pendant leur grossesse ne
pas vouloir de péridurale lors de l’accouche-
ment. mais sur ces 26 %, 52 % ont finalement
reçu une analgésie péridurale : celles qui
accouchent la première fois ou ont reçu de
l’ocytocine, ou en cas de surcharge de travail
des sages femmes, ou en cas de présence
d’un anesthésiste dans la maternité.
réfléchissons à l’influence de l’organi-
sation des soins sur l’indication de la
péridurale : il est évident que sans anes-
thésiste, il ne peut pas y avoir de péridurale,
celle-ci étant un acte médical propre en rai-
son de la technicité et des risques qu’elle
comporte. Plus intéressant est la surcharge
de travail des sages femmes comme incitatif
d’analgésiepéridurale.effectivement,l’accom-
pagnementd’unefemmedésireused’accoucher
sanspériduralenécessitedutemps,delamoti-
vation,etdusavoir-fairedelapartdel’ensemble
de l’équipe. ces trois facteurs doivent être
nécessairement réunis, ce qui s’avère assez
rare. Nous soutenons les revendications
dessyndicatsdesagesfemmesquisebat-
tent pour des effectifs corrects. mais est-ce
contradictoire avec le fait de pouvoir assurer
une analgésie parfaite aux femmes qui le
demandent, et qui selon l’étude iNSerm sont
87%?oui,nousprônonsdessallesdetra-
vailsereines:pouravoirconnulessallesd’ac-
couchements emplies de cris de douleur !
on peut aussi affirmer que les primipares
changeant d’avis en cours de travail avaient
àl’avancesous-estimél’intensitédesdouleurs,
ou que lors de la consultation d’anesthésie,
lapériduralelesinquiètaitplusquelesdouleurs
dutravail. mais,dèslespremièrescontractions,
la réalité les rattrape. est-ce pour autant un
problème que ces femmes changent d’avis,
puisque les anesthésistes sont présents en
salle d’accouchement ?
une évolution de la péridurale
méconnue des femmes et de fait
diabolisée ?
la péridurale, qui a fait largement ses
preuves au delà de l’analgésie obstétricale,
a bien évolué. Plusieurs méta-analyses
publiées montrent qu’elle ne modifie pas le
déroulement du travail ; les nouvelles tech-
niques permettent son utilisation avec une
sécurité croissante. elle permet d’éviter le
recours à une anesthésie générale et ses
risques. Sa diffusion a permis la générali-
sation de la présence sur place de médecins
anesthésistes, présents donc en cas de
situation médicale critique. La spécialité
d’anesthésie s’est donné les moyens
d’assurer en salle d’accouchement anal-
gésie et sécurité, malgré d’énormes pro-
blèmes démographiques : on lui en fait
reproche ? Décrire les anesthésistes
comme s’ils rôdaient en salle d’accou-
chement pour forcer des femmes non
consentantes à accepter une péridurale,
est totalement ridicule.
les indications de l’ocytocine ont été revues
par les professionnels, dont le collège des
sages femmes : celles-ci sont précises,
reconnues et partagées, bien loin de pra-
tiques imposées pour une quelconque vio-
lence faite aux femmes ! les spécialistes
de l’accouchement, médecins et sages
femmes, savent poser ces indications, et
en assument la responsabilité.
une polémique qui révèle de multiples
enjeux.
S’agit-il d’enjeux économiques, ce reproche
derecourstropfréquentàl’anesthésiepéridurale
en France apparaissant dans un rapport de la
cour des comptes en 2011 ? Nous laisserons
les femmes apprécier ce jugement !
ya-t-ilunecraintedetropfaiblefréquentation
desmaisonsdenaissance?Nouspourrions
polémiquersurleurbienfondé,sansobstétricien,
sans anesthésiste, ni pédiatre, destinées à si
peu de patientes (grossesse à bas risque et
sanspéridurale,moinsde12%donc)etposer
la question de la viabilité de ces structures.
Soulignons plutôt les enjeux corporatistes,
qui laissent entendre que seules les femmes
accouchant sans médecin, sans péridurale,
sont de « vraies femmes ». les sages
femmes ne sont pas seules garantes d’un
accouchement serein. c’est une tentative de
manipulationdel’opinion.chaqueprofessionnel
de l’accouchement rêve d’un accouchement
dit « eutocique » : mais est-ce contradictoire
avec une analgésie parfaite ou un environne-
ment médical ?8
vous avez dit violences obstétricales ?
Nicole SmolSki, PAScAle le PorS le moiNe
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AH3-IMPRESSION:Mise en page 1 09/11/2015 05:34 Page8