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Corps de pixels et corps de
lettres…
Lorenzo Soccavo
[ Version longue intégrale du texte paru dans le
numéro 06 du magazine de prospective Futur-
Hebdo, spécial Festival des Mondes Anticipés,
novembre 2022, Cité des Sciences et de l’Industrie,
Paris. ]
Pouvons-nous partager le constat suivant, à savoir que le terme de
dématérialisation ferait aujourd’hui globalement moins peur qu’il y a quelques
années à peine ?
Je pense que oui.
Comment alors pourrions-nous redéfinir la dématérialisation dans l’actuel et le
factuel que nous vivons ?
Je propose la définition suivante : la dématérialisation est la substitution de
supports matériels d’informations par des succédanés externalisant la sauvegarde
des données donnant corps à ces informations.
Essayons de résumer l’idée en quelques mots simples : l’important c’est
l’information et pour se conserver dans la durée elle a besoin de s’inscrire, d’une
façon ou d’une autre, sur un support qui, à un niveau ou un autre, est un
dispositif de lecture.
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Un corps lecteur...
En s’agrégeant les données donnent corps aux
informations et ces corps peuvent se
métamorphoser ou se substituer à d’autres.
Les corps sont donc ici directement concernés à
un double titre.
D’abord, parce que nous pouvons très bien
nommer "corps" tout support matériel
d’informations.
Ensuite, parce que de fait tout corps, qu’il soit
biologique ou artificiel, est un organisme
complexe d’enregistrement et de traitement de
l’information en même temps qu’un dispositif de lecture, à la fois du contexte
extérieur dans lequel il doit pouvoir agir et réagir pour assurer sa pérennité, et,
du texte, génétique ou numérique, qui le code.
Le corps est toujours un corps lecteur, à la fois des perceptions de l’extérieur et
de ses proprioceptions.
Il s’agit de pouvoir lire, voire de donner à lire, les informations dont on est
porteur, mais aussi de lire les informations de son propre environnement afin de
se conserver en état de sauvegarder, voire de communiquer, ses informations qui
constituent peut-être finalement une part au moins de notre raison d’être.
La dématérialisation des corps est ainsi en marche au moins depuis l’invention
des systèmes d’écriture et depuis l’instant où nous avons confié à des corps
extérieurs aux nôtres la sauvegarde de données essentielles à notre survie. Par
exemple le récit d’un mythe fondateur qui jusqu’alors se mémorisait puis se
transmettait oralement, et qui se retrouve inscrit sur une tablette d’argile ou sur
2 / 9
un papyrus, supports muets si aucun autre corps ne vient faire interface de
lecture.
La délocalisation des corps...
Ce mouvement de dématérialisation des corps s’ancre même encore bien plus
loin dans notre phylogenèse : dans l’élan de la geste graphique des premières
manifestations de l’art pariétal.
Par sa nature tout langage est une forme de substitution de la réalité et donc une
externalisation d’informations qui s’effectue au moyen d’un système de sons
(pour l’oralité), puis de signes (pour les écritures). Quand je dis ou que j’écris :
« éléphant », il n’y a pas vraiment un éléphant. Et cela est très fort car quelle que
soit la langue tout le monde aura néanmoins aussitôt présente à l’esprit l’image
mentale d’un éléphant et non pas, par exemple, d’une girafe.
Avant d’en arriver là l’invention des écritures serait passée par la découverte des
homophonies, c’est-à-dire de graphies différentes s’exprimant par un même son
et qui donnèrent aux hommes l’idée du rébus : exprimer un mot par des dessins
d’objets. Je dessine un chat et un pot et je déchiffre chapeau.
A l’étape à laquelle nous sommes parvenus aujourd’hui ce même mouvement se
manifeste par la multiplication d’avatars numériques et demain de robots
humanoïdes, ainsi déjà de plus en plus que par des simulations
d’environnements 3D immersive que nous appelons métavers.
C’est juste que nous avons poursuivi et que nous continuons dans notre effort de
production de machines à imiter et à confondre la création naturelle d’origine
non-humaine.
La dématérialisation des corps est ainsi entrée dans une phase de délocalisation.
Depuis quelques temps déjà nous entendons parler dans les médias et les réseaux
3 / 9
sociaux d’entités virtuelles qui peuvent être présentatrices d’informations
télévisées, influenceuses, artistes et bien d’autres choses encore.
Quelle que soit l‘apparence, le succédané de pixels ou autres renvoie par
hypertexte ou un équivalent à un corpus informationnel.
Le corps, qui selon le cas est alors celui de l’internaute derrière l’avatar
numérique, ou celui du programmeur derrière l’intelligence artificielle et la
créature androïde, n’est plus strictement localisable malgré l’impression contre-
intuitive que nous avons d’un traçage permanent.
Il y a bien celles et ceux qui sont surveillés, mais il y a aussi, qu’il ne faudrait pas
oublier, celles et ceux qui surveillent. Lire ou être lu, là est la question...
La décolonisation des corps…
Une nuit en songe une voix m’a dit très clairement ceci : « L'espace de la légende
c'est l'image ».
Ce peut être là je pense un vade-mecum. Comme je l’ai alors compris
instinctivement la voix sous-entendait : « Ce n’est pas le texte, mais l’image que le
texte révèle en toi quand tu le lis ».
De fait, si le phénomène de délocalisation des corps n’est donc pas nouveau il
tendrait aujourd’hui à une corollaire décolonisation des corps.
L’information, et les corps qui la stockent et la véhiculent, occupent toujours un
certain espace. Il est toujours question quelque part de territoires.
Aujourd’hui la technicité de certains dispositifs de simulations rendrait possible
l’illusion d’une libération et d’une autonomisation limitée pour certains corps
harnachés comme des scaphandriers ou des cosmonautes.
Or, le psaume 38,7 de La Septante, tel que cité par Jean-Louis Chrétien dans son
essai de 2014 L'espace intérieur (Les Éditions de Minuit), déclarait déjà : « C’est dans
l’image que chemine l’homme ».
4 / 9
La littérature me semble le terrain le plus approprié pour prendre des exemples
de la pulsion qui nous anime de traverser les images.
Pénétrer avec son corps l’espace d’une représentation artificielle est le thème
d’une nouvelle de 1923 de Vladimir Nabokov : La Vénitienne.
Un personnage y relate son expérience de la chose : « Voici ce qui arrive, poursuivit-
il sans se hâter ; imaginez qu’au lieu de faire sortir du cadre la figure représentée,
quelqu’un réussisse à entrer lui-même dans le tableau. […] Quand un tableau me plaisait
particulièrement, je me plantais juste en face de lui et je concentrais toute ma volonté sur
une seule pensée : y entrer. Cela me faisait peur, bien entendu. J’avais l’impression d’être
un apôtre qui s’apprête à descendre d’une barque pour marcher sur la surface de l’eau. ».
Le voyage évidemment est risqué : « cette jouissance ne durait pas longtemps ; je
commençais à sentir que je me figeais mollement, que je m’engluais dans la toile, que je
m’enduisais de peinture à l’huile. Alors je me renfrognais, et me tiraillant de toutes mes
forces, je bondissais en dehors : il y avait un doux bruit de clapotis comme lorsqu’on retire
un pied de la glaise. J’ouvrais les yeux, j’étais étendu par terre, sous un tableau magnifique,
mais mort… ».
Dans le film Rêves, du réalisateur japonais Akira Kurosawa, l’épisode intitulée Les
Corbeaux montre le visiteur d’un musée passer dans le monde des tableaux de
Vincent van Gogh, jusqu’à le rejoindre et parler avec lui.
Le film du polonais Lech Majewski, Bruegel, le Moulin et la Croix, donne vie aux
personnages d’une toile de 1564 de Pieter Bruegel l'Ancien, Le Portement de Croix.
Mais reprenons le fil des textes seulement écrits.
Le portrait de Dorian Gray d’Oscar Wilde met en scène un dandy licencieux qui
demeure jeune et angélique d’aspect, tandis que son portrait peint en pieds
accuse lui, de plus en plus terriblement, les affres de sa débauche et en affiche les
terribles stigmates.
Le Portrait ovale, une nouvelle fantastique d’Edgar Allan Poe, tout comme Le Chef-
d’œuvre inconnu une nouvelle de Balzac qui inspira le film La Belle Noiseuse à
5 / 9
Jacques Rivette, expriment ce même fantasme d’une fusion entre réalité et
imaginaire.
L’idée qu’il existerait un lien surnaturel, au sens propre d’un au-delà ce que nous
pouvons percevoir, c’est-à-dire lire de la nature, entre le monde et les mondes
que nous imaginons, perdure depuis probablement l’aube de l’humanité, pour la
simple raison que notre système de lecture du monde fonctionne comme
fonctionnent nos systèmes d’écriture-lecture. Toujours il s’agit de mises en
images mentales par le biais d’un contexte ou d’un texte, par le truchement du
code du langage. C’est là un biais anthropologique que nous ne pouvons éviter je
crois.
L’incarnation d’intelligences fictionnelles
Les fictions littéraires jouent ainsi en nous, lectrices et lecteurs, comme des
supports d’informations.
Un texte fondateur de la spiritualité occidentale l’exprime en ces mots : « Ce qui
est né de la chair est chair, et ce qui est né de l’Esprit est esprit. » (Jean 3.6). Et aussi : « Et
le Verbe s’est fait chair et il a habité parmi nous » (Jean 1.14).
La question du corps, de sa dématérialisation, de sa délocalisation et de sa
décolonisation, repose ainsi la question de l’incarnation.
C’est toujours l’information qui s’incarne et qui ainsi fait corps. L’information
génétique par exemple, ou numérique pour les avatars.
Au cours de mes travaux sur les personnages de fictions littéraires j’ai eu
l’occasion d’aborder l’idée de l’existence d’une forme d’intelligence artificielle
(IA) qui serait en fait des intelligences fictionnelles.
6 / 9
Par exemple, dans le roman L'Invention de Morel de l'écrivain argentin Adolfo Bioy
Casares (1940) des sortes d’hologrammes donnent à un naufragé sur une île
déserte l’illusion de personnes réelles, mais en fait elles reproduisent sans cesse
un même enchaînement d’actions. Si nous faisons un parallèle il s’agirait ici d’IA
faibles.
Au contraire, dans L’Année dernière à Marienbad, tant le film d’Alain Resnais (1961)
que le scénario d'Alain Robbe-Grillet, qui aurait plus ou moins été inspiré par le
livre de Casares, il s’agirait d’IA fortes. Malgré des apparences similaires les
personnages ont ici semble-t-il une certaine marge d’autonomie.
La question peut alors se poser de savoir dans quelle mesure, à l’opposé d’une
sur-humanisation de l’IA, pourrions-nous parler d’intelligences fictionnelles au
sujet des personnages de fictions littéraires ?
Dématérialisation ou décorporation ?
Envisager le corps dans tous ses états c’est avant tout pour moi, vous l’aurez
compris, dévisager un état du corps qui est celui du corps lecteur, du corps lisant.
L’enjeu est capital. Pour le résumé rapidement je citerais simplement cette
confession de Pascal Quignard dans Les Ombres errantes : « Une jeune Allemande
s’occupa de moi jusqu’à l’âge de deux ans. Le fait qu’elle lût à mes côtés m’ôtait à la joie de
me trouver près d’elle. Parce qu’il me semblait alors qu’elle ne se trouvait pas à mes côtés.
Elle n’était pas là. Elle était déjà partie. Elle était ailleurs. Lisant, elle séjournait dans un
autre royaume. ».
Ces dernières années mes recherches ont ainsi évolué de la réflexion sur la
double métaphore du monde comme livre aux livres comme mondes, à des
expériences de pensée et d’écriture créative autour du concept opérationnel de
fictionaute.
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Nous avons tous un fictionaute. Notre fictionaute est ce que nous projetons de
nous dans le monde de la fiction et de ses personnages quand nous lisons un
roman.
Comme un spationaute voyage dans l'espace intersidéral, comme un internaute
voyage dans le cyberespace, le fictionaute voyage dans les fictions.
Un fictionaute est aussi un personnage dans la mesure où il est une densification
de la part de soi qu'un lecteur de fictions projette dans ce qu'il lit.
C’est un voyageur dans un espace qui travaille à lui façonner une autre réalité,
précisément celle qu’il est en mesure d’acquérir dans la fiction qu’il traverse.
Notre fictionaute est une traduction, une expression de notre corps lecteur dans
un monde non-physique.
L’ambition serait de passer d'un niveau d'existence sur lequel notre vie s'écrit du
premier chapitre de notre naissance au dernier de notre mort, à une échelle de
lecture sur les degrés de laquelle nous pourrions également vivre d'autres
expériences dans des espaces fictionnels.
Pour cela encore nous faudrait-il, d’abord rechercher en nous les ressources et
non plus dans des technologies manufacturées, puis, prendre conscience que ces
expériences de vie seraient rendues réalisables, en tout cas facilitées si, pour
commencer, nous ne nous contentions pas de voyager uniquement dans le
monde physique, mais si nous nous considérions et constituions également
comme de possibles explorateurs de l'imaginaire.
Depuis l'aube de l'humanité le potentiel démiurgique du langage dirige nos
pensées, façonne notre perception du monde, y influence notre conduite. Étant à
la fois ce par quoi nous communiquons entre nous et ce avec quoi nous pensons,
il est la matrice de notre perception du monde. Or, si nous voyons bien
réellement et si nous visualisons bien mentalement ce que le langage dit, ce qu’il
occulte, en revanche, nous reste, dans ce monde, invisible et impensé.
8 / 9
Le corps à la croisée des chemins...
Nous sommes face à un choix.
D'un côté, le chemin qui passe par l'homme, qui en l'assistant dans sa lecture d'un
univers qui lui apparaît de plus en plus comme une bibliothèque infinie et
labyrinthique d’œuvres cryptées peut lui permettre de rester en capacité d'en
déchiffrer le sens général et d'y écrire ses propres scénarios.
De l'autre, un chemin qui passe par la machine, qui pariant sur l'incapacité
humaine à se surpasser au-delà d'un certain seuil que nous serions sur le point
d'atteindre opte pour des créatures mécaniques dotées d'intelligences artificielles.
Cette voie serait celle d’un post-humanisme qui se traduirait par la concentration
de nos moyens à promouvoir le développement de robots androïdes, à terme
dotés d'une intelligence artificielle performante et potentiellement aptes à nous
remplacer un jour. Elle nous conduirait à l'avènement d'une nouvelle espèce qui
pourrait succéder à l'homme, comme dans une vision évolutionniste nous
aurions succédé aux grands singes.
Le premier chemin, celui qui nous émancipe dans notre lecture de l’univers,
reviendrait au contraire à travailler, non plus au remplacement de l'homme, mais
à son augmentation.
L'homme augmenté est la voie naturelle qui fut choisie par nos plus lointains
ancêtres.
Cette voie serait celle du transhumanisme qui pourrait être celle d'une passerelle
vers une nouvelle ère pour l’humanité et vers une nouvelle forme d'humanisme
si nous l’abordons en lectrices et lecteurs autonomes, émancipés.
Sinon un jour notre dernière liberté sera celle de boguer, ou de devenir nos
propres hackers.
Lorenzo Soccavo
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  • 1. Corps de pixels et corps de lettres… Lorenzo Soccavo [ Version longue intégrale du texte paru dans le numéro 06 du magazine de prospective Futur- Hebdo, spécial Festival des Mondes Anticipés, novembre 2022, Cité des Sciences et de l’Industrie, Paris. ] Pouvons-nous partager le constat suivant, à savoir que le terme de dématérialisation ferait aujourd’hui globalement moins peur qu’il y a quelques années à peine ? Je pense que oui. Comment alors pourrions-nous redéfinir la dématérialisation dans l’actuel et le factuel que nous vivons ? Je propose la définition suivante : la dématérialisation est la substitution de supports matériels d’informations par des succédanés externalisant la sauvegarde des données donnant corps à ces informations. Essayons de résumer l’idée en quelques mots simples : l’important c’est l’information et pour se conserver dans la durée elle a besoin de s’inscrire, d’une façon ou d’une autre, sur un support qui, à un niveau ou un autre, est un dispositif de lecture. 1 / 9
  • 2. Un corps lecteur... En s’agrégeant les données donnent corps aux informations et ces corps peuvent se métamorphoser ou se substituer à d’autres. Les corps sont donc ici directement concernés à un double titre. D’abord, parce que nous pouvons très bien nommer "corps" tout support matériel d’informations. Ensuite, parce que de fait tout corps, qu’il soit biologique ou artificiel, est un organisme complexe d’enregistrement et de traitement de l’information en même temps qu’un dispositif de lecture, à la fois du contexte extérieur dans lequel il doit pouvoir agir et réagir pour assurer sa pérennité, et, du texte, génétique ou numérique, qui le code. Le corps est toujours un corps lecteur, à la fois des perceptions de l’extérieur et de ses proprioceptions. Il s’agit de pouvoir lire, voire de donner à lire, les informations dont on est porteur, mais aussi de lire les informations de son propre environnement afin de se conserver en état de sauvegarder, voire de communiquer, ses informations qui constituent peut-être finalement une part au moins de notre raison d’être. La dématérialisation des corps est ainsi en marche au moins depuis l’invention des systèmes d’écriture et depuis l’instant où nous avons confié à des corps extérieurs aux nôtres la sauvegarde de données essentielles à notre survie. Par exemple le récit d’un mythe fondateur qui jusqu’alors se mémorisait puis se transmettait oralement, et qui se retrouve inscrit sur une tablette d’argile ou sur 2 / 9
  • 3. un papyrus, supports muets si aucun autre corps ne vient faire interface de lecture. La délocalisation des corps... Ce mouvement de dématérialisation des corps s’ancre même encore bien plus loin dans notre phylogenèse : dans l’élan de la geste graphique des premières manifestations de l’art pariétal. Par sa nature tout langage est une forme de substitution de la réalité et donc une externalisation d’informations qui s’effectue au moyen d’un système de sons (pour l’oralité), puis de signes (pour les écritures). Quand je dis ou que j’écris : « éléphant », il n’y a pas vraiment un éléphant. Et cela est très fort car quelle que soit la langue tout le monde aura néanmoins aussitôt présente à l’esprit l’image mentale d’un éléphant et non pas, par exemple, d’une girafe. Avant d’en arriver là l’invention des écritures serait passée par la découverte des homophonies, c’est-à-dire de graphies différentes s’exprimant par un même son et qui donnèrent aux hommes l’idée du rébus : exprimer un mot par des dessins d’objets. Je dessine un chat et un pot et je déchiffre chapeau. A l’étape à laquelle nous sommes parvenus aujourd’hui ce même mouvement se manifeste par la multiplication d’avatars numériques et demain de robots humanoïdes, ainsi déjà de plus en plus que par des simulations d’environnements 3D immersive que nous appelons métavers. C’est juste que nous avons poursuivi et que nous continuons dans notre effort de production de machines à imiter et à confondre la création naturelle d’origine non-humaine. La dématérialisation des corps est ainsi entrée dans une phase de délocalisation. Depuis quelques temps déjà nous entendons parler dans les médias et les réseaux 3 / 9
  • 4. sociaux d’entités virtuelles qui peuvent être présentatrices d’informations télévisées, influenceuses, artistes et bien d’autres choses encore. Quelle que soit l‘apparence, le succédané de pixels ou autres renvoie par hypertexte ou un équivalent à un corpus informationnel. Le corps, qui selon le cas est alors celui de l’internaute derrière l’avatar numérique, ou celui du programmeur derrière l’intelligence artificielle et la créature androïde, n’est plus strictement localisable malgré l’impression contre- intuitive que nous avons d’un traçage permanent. Il y a bien celles et ceux qui sont surveillés, mais il y a aussi, qu’il ne faudrait pas oublier, celles et ceux qui surveillent. Lire ou être lu, là est la question... La décolonisation des corps… Une nuit en songe une voix m’a dit très clairement ceci : « L'espace de la légende c'est l'image ». Ce peut être là je pense un vade-mecum. Comme je l’ai alors compris instinctivement la voix sous-entendait : « Ce n’est pas le texte, mais l’image que le texte révèle en toi quand tu le lis ». De fait, si le phénomène de délocalisation des corps n’est donc pas nouveau il tendrait aujourd’hui à une corollaire décolonisation des corps. L’information, et les corps qui la stockent et la véhiculent, occupent toujours un certain espace. Il est toujours question quelque part de territoires. Aujourd’hui la technicité de certains dispositifs de simulations rendrait possible l’illusion d’une libération et d’une autonomisation limitée pour certains corps harnachés comme des scaphandriers ou des cosmonautes. Or, le psaume 38,7 de La Septante, tel que cité par Jean-Louis Chrétien dans son essai de 2014 L'espace intérieur (Les Éditions de Minuit), déclarait déjà : « C’est dans l’image que chemine l’homme ». 4 / 9
  • 5. La littérature me semble le terrain le plus approprié pour prendre des exemples de la pulsion qui nous anime de traverser les images. Pénétrer avec son corps l’espace d’une représentation artificielle est le thème d’une nouvelle de 1923 de Vladimir Nabokov : La Vénitienne. Un personnage y relate son expérience de la chose : « Voici ce qui arrive, poursuivit- il sans se hâter ; imaginez qu’au lieu de faire sortir du cadre la figure représentée, quelqu’un réussisse à entrer lui-même dans le tableau. […] Quand un tableau me plaisait particulièrement, je me plantais juste en face de lui et je concentrais toute ma volonté sur une seule pensée : y entrer. Cela me faisait peur, bien entendu. J’avais l’impression d’être un apôtre qui s’apprête à descendre d’une barque pour marcher sur la surface de l’eau. ». Le voyage évidemment est risqué : « cette jouissance ne durait pas longtemps ; je commençais à sentir que je me figeais mollement, que je m’engluais dans la toile, que je m’enduisais de peinture à l’huile. Alors je me renfrognais, et me tiraillant de toutes mes forces, je bondissais en dehors : il y avait un doux bruit de clapotis comme lorsqu’on retire un pied de la glaise. J’ouvrais les yeux, j’étais étendu par terre, sous un tableau magnifique, mais mort… ». Dans le film Rêves, du réalisateur japonais Akira Kurosawa, l’épisode intitulée Les Corbeaux montre le visiteur d’un musée passer dans le monde des tableaux de Vincent van Gogh, jusqu’à le rejoindre et parler avec lui. Le film du polonais Lech Majewski, Bruegel, le Moulin et la Croix, donne vie aux personnages d’une toile de 1564 de Pieter Bruegel l'Ancien, Le Portement de Croix. Mais reprenons le fil des textes seulement écrits. Le portrait de Dorian Gray d’Oscar Wilde met en scène un dandy licencieux qui demeure jeune et angélique d’aspect, tandis que son portrait peint en pieds accuse lui, de plus en plus terriblement, les affres de sa débauche et en affiche les terribles stigmates. Le Portrait ovale, une nouvelle fantastique d’Edgar Allan Poe, tout comme Le Chef- d’œuvre inconnu une nouvelle de Balzac qui inspira le film La Belle Noiseuse à 5 / 9
  • 6. Jacques Rivette, expriment ce même fantasme d’une fusion entre réalité et imaginaire. L’idée qu’il existerait un lien surnaturel, au sens propre d’un au-delà ce que nous pouvons percevoir, c’est-à-dire lire de la nature, entre le monde et les mondes que nous imaginons, perdure depuis probablement l’aube de l’humanité, pour la simple raison que notre système de lecture du monde fonctionne comme fonctionnent nos systèmes d’écriture-lecture. Toujours il s’agit de mises en images mentales par le biais d’un contexte ou d’un texte, par le truchement du code du langage. C’est là un biais anthropologique que nous ne pouvons éviter je crois. L’incarnation d’intelligences fictionnelles Les fictions littéraires jouent ainsi en nous, lectrices et lecteurs, comme des supports d’informations. Un texte fondateur de la spiritualité occidentale l’exprime en ces mots : « Ce qui est né de la chair est chair, et ce qui est né de l’Esprit est esprit. » (Jean 3.6). Et aussi : « Et le Verbe s’est fait chair et il a habité parmi nous » (Jean 1.14). La question du corps, de sa dématérialisation, de sa délocalisation et de sa décolonisation, repose ainsi la question de l’incarnation. C’est toujours l’information qui s’incarne et qui ainsi fait corps. L’information génétique par exemple, ou numérique pour les avatars. Au cours de mes travaux sur les personnages de fictions littéraires j’ai eu l’occasion d’aborder l’idée de l’existence d’une forme d’intelligence artificielle (IA) qui serait en fait des intelligences fictionnelles. 6 / 9
  • 7. Par exemple, dans le roman L'Invention de Morel de l'écrivain argentin Adolfo Bioy Casares (1940) des sortes d’hologrammes donnent à un naufragé sur une île déserte l’illusion de personnes réelles, mais en fait elles reproduisent sans cesse un même enchaînement d’actions. Si nous faisons un parallèle il s’agirait ici d’IA faibles. Au contraire, dans L’Année dernière à Marienbad, tant le film d’Alain Resnais (1961) que le scénario d'Alain Robbe-Grillet, qui aurait plus ou moins été inspiré par le livre de Casares, il s’agirait d’IA fortes. Malgré des apparences similaires les personnages ont ici semble-t-il une certaine marge d’autonomie. La question peut alors se poser de savoir dans quelle mesure, à l’opposé d’une sur-humanisation de l’IA, pourrions-nous parler d’intelligences fictionnelles au sujet des personnages de fictions littéraires ? Dématérialisation ou décorporation ? Envisager le corps dans tous ses états c’est avant tout pour moi, vous l’aurez compris, dévisager un état du corps qui est celui du corps lecteur, du corps lisant. L’enjeu est capital. Pour le résumé rapidement je citerais simplement cette confession de Pascal Quignard dans Les Ombres errantes : « Une jeune Allemande s’occupa de moi jusqu’à l’âge de deux ans. Le fait qu’elle lût à mes côtés m’ôtait à la joie de me trouver près d’elle. Parce qu’il me semblait alors qu’elle ne se trouvait pas à mes côtés. Elle n’était pas là. Elle était déjà partie. Elle était ailleurs. Lisant, elle séjournait dans un autre royaume. ». Ces dernières années mes recherches ont ainsi évolué de la réflexion sur la double métaphore du monde comme livre aux livres comme mondes, à des expériences de pensée et d’écriture créative autour du concept opérationnel de fictionaute. 7 / 9
  • 8. Nous avons tous un fictionaute. Notre fictionaute est ce que nous projetons de nous dans le monde de la fiction et de ses personnages quand nous lisons un roman. Comme un spationaute voyage dans l'espace intersidéral, comme un internaute voyage dans le cyberespace, le fictionaute voyage dans les fictions. Un fictionaute est aussi un personnage dans la mesure où il est une densification de la part de soi qu'un lecteur de fictions projette dans ce qu'il lit. C’est un voyageur dans un espace qui travaille à lui façonner une autre réalité, précisément celle qu’il est en mesure d’acquérir dans la fiction qu’il traverse. Notre fictionaute est une traduction, une expression de notre corps lecteur dans un monde non-physique. L’ambition serait de passer d'un niveau d'existence sur lequel notre vie s'écrit du premier chapitre de notre naissance au dernier de notre mort, à une échelle de lecture sur les degrés de laquelle nous pourrions également vivre d'autres expériences dans des espaces fictionnels. Pour cela encore nous faudrait-il, d’abord rechercher en nous les ressources et non plus dans des technologies manufacturées, puis, prendre conscience que ces expériences de vie seraient rendues réalisables, en tout cas facilitées si, pour commencer, nous ne nous contentions pas de voyager uniquement dans le monde physique, mais si nous nous considérions et constituions également comme de possibles explorateurs de l'imaginaire. Depuis l'aube de l'humanité le potentiel démiurgique du langage dirige nos pensées, façonne notre perception du monde, y influence notre conduite. Étant à la fois ce par quoi nous communiquons entre nous et ce avec quoi nous pensons, il est la matrice de notre perception du monde. Or, si nous voyons bien réellement et si nous visualisons bien mentalement ce que le langage dit, ce qu’il occulte, en revanche, nous reste, dans ce monde, invisible et impensé. 8 / 9
  • 9. Le corps à la croisée des chemins... Nous sommes face à un choix. D'un côté, le chemin qui passe par l'homme, qui en l'assistant dans sa lecture d'un univers qui lui apparaît de plus en plus comme une bibliothèque infinie et labyrinthique d’œuvres cryptées peut lui permettre de rester en capacité d'en déchiffrer le sens général et d'y écrire ses propres scénarios. De l'autre, un chemin qui passe par la machine, qui pariant sur l'incapacité humaine à se surpasser au-delà d'un certain seuil que nous serions sur le point d'atteindre opte pour des créatures mécaniques dotées d'intelligences artificielles. Cette voie serait celle d’un post-humanisme qui se traduirait par la concentration de nos moyens à promouvoir le développement de robots androïdes, à terme dotés d'une intelligence artificielle performante et potentiellement aptes à nous remplacer un jour. Elle nous conduirait à l'avènement d'une nouvelle espèce qui pourrait succéder à l'homme, comme dans une vision évolutionniste nous aurions succédé aux grands singes. Le premier chemin, celui qui nous émancipe dans notre lecture de l’univers, reviendrait au contraire à travailler, non plus au remplacement de l'homme, mais à son augmentation. L'homme augmenté est la voie naturelle qui fut choisie par nos plus lointains ancêtres. Cette voie serait celle du transhumanisme qui pourrait être celle d'une passerelle vers une nouvelle ère pour l’humanité et vers une nouvelle forme d'humanisme si nous l’abordons en lectrices et lecteurs autonomes, émancipés. Sinon un jour notre dernière liberté sera celle de boguer, ou de devenir nos propres hackers. Lorenzo Soccavo 9 / 9