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NOTE 
SEPTEMBRE 
2014 
www.institutmontaigne.org 
1 
RÉFORME DE LA FORMATION 
PROFESSIONNELLE : ENTRE 
AVANCÉES, OCCASIONS MANQUÉES ET PARI FINANCIER1 
Le système français de formation professionnelle des adultes souffre de dysfonctionnements dénoncés depuis des années par nombre de rapports académiques, administratifs ou parlementaires. Les défauts de ce système peuvent se résumer ainsi : 1) une initiative limitée des individus dans le choix de leur formation ; 2) de fortes inégalités d’accès à la formation entre qualifiés et moins qualifiés ; 3) la rigidité d’un système très administré, dans lequel les organismes paritaires jouent un rôle prépondérant dans l’orientation des dépenses de formation ; 4) la faible efficacité des dépenses de formation, en termes de retour à l’emploi, de salaire ou de gains de productivité. Ces défauts nuisent aussi bien à la sécurisation des parcours professionnels qu’à la compétitivité des entreprises. Après trois réformes de la formation professionnelle menées au cours des dix dernières années2, et muni de ces constats, le gouvernement a lancé en 2013 une nouvelle réforme qui a abouti à l’accord national interprofessionnel (ANI) du 14 décembre 2013, transposé en grande partie dans la loi du 5 mars 20143. 
De fait, la loi met en place des dispositifs pertinents, comme le compte personnel de formation (CPF). Ce compte présente l’intérêt d’être à l’initiative exclusive du salarié, contrairement au droit individuel à la formation (DIF) qu’il remplace, et de suivre l’individu tout au long de sa carrière professionnelle, notamment en cas de période de chômage. La création d’un « conseil en évolution professionnelle », accessible à titre gratuit à tout individu va aussi dans le sens d’un meilleur accompagnement des actifs, sur un marché du travail où l’information permettant de construire sa carrière et ses parcours de formation est lacunaire. La réforme prévoit également la suppression d’une partie de l’obligation légale de dépenser pour la formation faite aux entreprises, ce qui est positif, dans la mesure où cette obligation, conçue de manière indifférenciée, ne permet pas de prendre en compte l’hétérogénéité des besoins des entreprises. 
S’il est essentiel de laisser à ces nouveaux dispositifs le temps de produire leurs effets, un examen attentif de ces mesures suggère qu’elles ne permettront pas, à brève échéance, de faire de la formation un outil efficace de sécurisation des parcours accessible au plus grand nombre. Le système reste en effet très largement intermédié et complexe pour les individus qui l’utilisent. De surcroît, de nombreuses interrogations subsistent sur la soutenabilité financière et l’efficacité du nouvel ensemble issu de la loi du 5 mars 2014. 
Dans ce qui suit, nous rappelons brièvement les défauts du système actuel et les enjeux 
1 Cette note a été rédigée par Marc Ferracci, Professeur d’économie à l’Université de Nantes, chercheur associé au LEMNA, au Centre de Recherches en Economie et Statistique (CREST-ENSAE) et au laboratoire interdisciplinaire d’évaluation des politiques publiques (LIEPP-Sciences Po), et Bertrand Martinot, économiste, délégué général à l’emploi et à la formation professionnelle (DGEFP) 
de 2008 à 2012. 
2 Loi n° 2004-391 du 4 mai 2004 relative à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social ; Loi n° 2007-148 du 2 février 2007 de modernisation de la fonction publique ; Loi n° 2009-1437 du 
24 novembre 2009 relative à l'orientation et à la formation professionnelle tout au long de la vie. 
3 Loi n° 2014-288 du 5 mars 2014 relative à la formation professionnelle, à l'emploi et à la démocratie sociale.
d’une réforme de la formation (1). Nous présentons ensuite le détail des avancées produites par la loi du 5 mars 2014, mais aussi les problèmes importants que cette loi ne permet pas de résoudre, voire amplifie (2). Nous abordons enfin la question de la soutenabilité financière du système, et en particulier du CPF (3). 
1. Inégalités, efficacité, complexité : les enjeux d’une réforme du système de formation professionnelle 
Les critiques du système français de formation sont nombreuses et bien documentées4. Sont ici résumés les principaux dysfonctionnements, qui constituent, en creux, les enjeux de la réforme du système et le tableau de fond de la loi du 5 mars 2014. 
Le premier est de rendre plus équitable l’accès à la formation, tout en donnant plus d’autonomie aux actifs dans le choix de leurs contenus de formation. C’est un fait bien connu : la formation va globalement aux individus les plus qualifiés, pour lesquels le rendement de la formation est le plus important. En France, un salarié diplômé du supérieur a 34 % de chance de suivre une formation dans l’année, contre 
10 % pour un salarié sans diplôme5. Et pour ceux qui y accèdent, les formations tendent à devenir de plus en plus courtes, s’orientant depuis plusieurs décennies vers des actions d’adaptation au poste de travail plutôt que vers des formations longues et qualifiantes. Ainsi, une étude du Cereq6 montre que la durée moyenne des formations entreprises au titre du DIF 
en 2010 était de seulement 
22 heures. 
L’autre enjeu est celui de l’efficacité. La dépense pour la formation professionnelle représente aujourd’hui environ 
32 milliards d’euros en France, soit 1,6 % du PIB, dont 
13 milliards pour les salariés du secteur privé. Or, les évaluations empiriques révèlent que le rendement de la formation en termes de salaire, de productivité et de retour à l’emploi est souvent faible7. Ceci invite à réfléchir au contenu des formations, pour favoriser les transitions vers les secteurs en tension de main-d’oeuvre. Mais au-delà des contenus, la qualité pédagogique est essentielle. En Allemagne, la rigueur de la certification des organismes de formation joue ainsi un rôle central : près de 60 % des organismes de formation n’ont pas été certifiés lors de la mise en place des réformes Hartz. En France, la création d’un véritable marché de la certification, composé d’agences indépendantes et régulé par une autorité d’accréditation, est donc une nécessité8. 
Le troisième enjeu est celui de la simplification. Le système des organismes paritaires collecteurs agréés (OPCA) impose des mécanismes de redistribution complexes, notamment via le fond paritaire de sécurisation des parcours professionnels (FPSPP9) pour ce qui concerne la formation des chômeurs. À ceci s’ajoute une multiplicité de dispositifs : droit individuel à la formation (DIF), congé individuel de formation (CIF), validation des acquis de l’expérience (VAE), aide individuelle de formation (AIF), etc. Une étude portant sur la Suisse10 souligne combien la complexité des dispositifs est pénalisante pour les salariés les moins qualifiés, et combien il est nécessaire de pouvoir informer correctement les bénéficiaires. Une simplification d’ensemble du système, de la collecte à l’attribution de subventions, est une ardente nécessité. Un système plus simple pourrait aussi faciliter le dialogue entre salariés et employeurs dans le choix des formations. Actuellement, en France, la formation profite en effet surtout aux entreprises qui gardent la main sur le contenu de programmes, privilégiant les formations courtes et spécifiques11. 
Les défauts de notre système (inégalité, inefficacité, complexité) résultent assez largement de l’obligation faite aux entreprises de dépenser une fraction minimale de leur masse salariale dans des actions de formation. Cette obligation entretient, voire amplifie, les dysfonctionnements. Tout d’abord, elle n’incite en rien les employeurs à cibler la formation sur les individus les moins qualifiés, pour lesquels le rendement des actions de formation est faible. En donnant à l’employeur un poids prépondérant dans le financement, elle contribue en outre à orienter les formations vers des contenus spécifiques à l’entreprise, limitant la capacité des individus à anticiper et construire leur reconversion professionnelle en cas de perte d’emploi. Par ailleurs, alors que toutes les entreprises et tous les salariés n’ont pas les mêmes besoins, cette obligation contribue par son caractère indifférencié à financer nombre de formations inutiles. Enfin, elle alimente de façon artificielle un marché de la formation pléthorique, où les prestataires de qualité en 
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RÉFORME DE LA FORMATION PROFESSIONNELLE : 
ENTRE AVANCÉES, OCCASIONS MANQUÉES ET PARI FINANCIER 
NOTE 
4 Cf. Pierre Cahuc, Marc Ferracci, André Zylberberg, Formation professionnelle : pour en finir avec 
les réformes inabouties, Institut Montaigne, octobre 2011. 
5 Bernard Seiller, Formation professionnelle : le droit de savoir, Sénat, Rapport d'information 
n° 365, 2007. 
6 Cereq, « Le DIF : la maturité modeste », Bref Cereq n° 299-2, 
mai 2012. 
7 Pour un panorama détaillé des effets de la formation, se reporter 
à Marc Ferracci, Évaluer 
la formation professionnelle, 
Presses de Sciences Po, 2013. 
8 En 2010, la DARES recense 55 300 prestataires de formation professionnelle. Dares Analyses n° 70, Dares, octobre 2012. 
9 Créé en 2009, le FPSPP est une association composée des organisations syndicales d’employeurs et de salariés représentatives au niveau national et interprofessionnel. Elle vise principalement à assurer le financement d’actions de formations professionnelles définies par des conventions-cadres conclues avec l’État. 
10 Dolores Messer et Stefan C. Wolter, Formation continue et bons de formation : Résultats d’une expérience menée sur le terrain, Office fédéral de la formation professionnelle et de la technologie (OFFT), 2009. 
11 Patrick Aubert, Bruno Crépon et Philippe Zamora, « Le rendement apparent de la formation continue dans les entreprises : effets sur la productivité et les salaires », Economie et Prévision, n°187, 2009. Les auteurs montrent ainsi qu’une dépense de formation de 150 euros par salarié dans une entreprise augmente la productivité par tête d’environ 0,4 %, mais que moins de la moitié revient au salarié sous la forme d’augmentation de salaire.
côtoient d’autres à l’efficacité plus que relative. Face à tous ces dysfonctionnements, quelles sont les apports et les limites de la loi du 5 mars 2014 portant la réforme de la formation professionnelle ? 
2. La loi du 5 mars 2014 : des avancées qui ne remettent pas fondamentalement en cause la complexité et l’inefficacité du système 
2.1. Malgré la fin de l’obligation de dépenser dans le cadre du plan de formation, les organismes collecteurs restent au centre du système 
Si certaines avancées sont bien réelles, les caractéristiques fondamentales du système – 
et notamment sa complexité – demeurent inchangées, ce qui ne permet guère d’être optimiste quant à l’impact final de la réforme. 
La suppression bienvenue d’une partie de l’obligation 
de dépenser… 
L’un des éléments marquants de la réforme réside dans le remplacement de l’obligation fiscale de dépenser12 par des contributions légales minimales (0,55 % de la masse salariale pour les entreprises de moins de 10 salariés et 1 % pour les entreprises de plus de 10 salariés). Ceci implique concrètement la disparition de l’obligation de dépenser dans le cadre du plan de formation13, au travers de laquelle les entreprises avaient jusqu’ici le choix entre former leur salariés, tout en justifiant de l’imputabilité des dépenses, ou verser une contribution aux OPCA de leur choix. 
Cette réforme, réclamée de longue date14, était plus que nécessaire, tant les effets de l’obligation de payer sont délétères. La suppression de cette obligation permet aux entreprises d’envisager la formation professionnelle comme un investissement qui participe de la compétitivité et de la montée en gamme de notre économie et non comme une dépense obligatoire dont il faudrait se libérer quelle que soit l’efficacité de l’action de formation. Comme on l’a vu, le caractère indifférencié de l’obligation fiscale est source d’inefficacité, puisqu’il contribue à limiter le rendement moyen des formations en alimentant des formations qui ne correspondent pas à des besoins clairement identifiés par les entreprises. Avec la disparition d’une partie de cette obligation, il est permis d’espérer que les choix en matière de formation professionnelle correspondront davantage aux besoins économiques de ces dernières. En outre, la suppression de l’obligation de dépenser n’annule pas la responsabilité sociale de l’employeur et son obligation de maintenir l’employabilité de ses salariés15. 
De cette réforme découlent également des simplifications administratives importantes pour les entreprises et leurs directions des ressources humaines. En effet, dans la mesure où elles n’auront plus à justifier de la réalité de leurs dépenses de formation, c’est toute une organisation complexe et bureaucratique impliquant la conservation de nombreuses pièces justificatives qui est supprimée grâce à la réforme : suppression des feuilles d’émargement, des déclarations fiscales détaillées, des attestions de stages, des incertitudes parfois kafkaïennes sur l’« imputabilité » de telle ou telle dépense au titre de l’obligation légale, etc. En outre, l’entreprise n’aura plus, contrairement au DIF, à procéder à la gestion extrêmement complexe des CPF, celle-ci étant externalisée à la Caisse des Dépôts. Enfin, le versement de la contribution unique à la formation professionnelle à un seul OPCA (qui remplace les versements au minimum à un OPCA et un Fongécif16, mais dans certains cas à un troisième, voire un quatrième OPCA) est également une simplification bienvenue. 
…qui laisse néanmoins perdurer un système complexe et très intermédié pour les individus 
En dépit de ces avancées, la loi du 5 mars 2014 ne remet pas fondamentalement en cause l’architecture du système de formation professionnelle et surtout n’apporte guère de réponse à la complexité de ce système pour ses utilisateurs, les salariés et les demandeurs d’emploi. Certes, les OPCA ne disposeront plus d’un marché captif et la proportion des fonds passant par leur intermédiaire devrait diminuer, sauf si les entreprises et les branches décident volontairement d’accroître les contributions au-dessus du minimum de 1 %. Comme ils ont déjà commencé à le faire, ces organismes devront davantage se positionner comme offreurs de services aux entreprises en adéquation avec les besoins et les attentes des entreprises plutôt que comme de simples collecteurs et gestionnaires de fonds. 
Mais, du point de vue des individus désirant accéder à une formation, la loi entretient – voire renforce – le caractère administré du système. Les OPCA vont continuer de procéder à 
3 
12 Cette obligation était jusqu’ici de 0,55 % de la masse salariale pour les entreprises de moins de 10 salariés, de 1,05 % entre 10 et 19 salariés, et de 1,6 % pour les entreprises de plus de 20 salariés. 
13 Cette obligation représentait 
0,9 % de la masse salariale sur les 1,6 % que devaient dépenser les entreprises de plus de 20 salariés. 
14 Voir en particulier le rapport de l’Institut Montaigne déjà cité. 
15 Alors que le Code du travail fait obligation à l’employeur « d’assurer l’adaptation des salariés à leur poste de travail » et de « veiller au maintien de leur capacité à occuper un emploi au regard notamment de l’évolution des emplois, des technologies et des organisations. » (art. L 6321-1), le fait de respecter l’obligation de dépense constitue pour certaines entreprises un moyen assez formel de se libérer de leur responsabilité. La disparition de cette obligation dans le cadre du plan de formation pourrait a contrario faire évoluer la jurisprudence dans une direction plus protectrice des droits des salariés. 
16 Créés en 1983, les Fongécifs sont les fonds de gestion des congés individuels à la formation. Ils gèrent notamment le financement des congés individuels de formation, des bilans de compétence et de la validation des acquis de l’expérience. 
NOTE 
RÉFORME DE LA FORMATION PROFESSIONNELLE : 
ENTRE AVANCÉES, OCCASIONS MANQUÉES ET PARI FINANCIER 
SEPTEMBRE 2014
l’allocation d’une grande partie des ressources sur la base de critères peu lisibles, touchant aussi bien aux contenus des formations qu’à la taille des entreprises17. Ce mode de régulation administré a fait depuis des années la preuve de son inefficacité et nourrit la défiance d’une partie de l’opinion publique quant à l’utilisation des fonds de la formation professionnelle. En outre, la complexité perdure également s’agissant des dispositifs de formation eux- mêmes. Alors que le CPF constitue un dispositif à l’initiative du salarié similaire au congé individuel de formation (CIF) existant depuis 1971, les deux vont coexister, en entretenant des canaux de financement distincts, et surtout la confusion dans l’esprit de leurs utilisateurs. Au-delà, la création du CPF aurait pu être l’occasion d’une fusion de l’ensemble des dispositifs : DIF, CIF professionnalisation. Faute d’avoir assumé cette démarche de simplification, la complexité entretient et continuera d’entretenir un non-recours important aux droits individuels, comme le montre l’exemple du DIF dont le taux d’utilisation s’élevait à seulement 4,9 % en 2011 selon la Dares18. 
2.2. Le CPF : réel outil d’autonomisation ou coquille vide ? 
Un outil de sécurisation des parcours… 
L’autre élément marquant de la réforme est donc la création du Compte Personnel de Formation (CPF). Ce compte permet d’accumuler, en neuf ans de vie professionnelle, 150 heures de formation, soit un volume proche du DIF qui pouvait atteindre 120 heures. Mais contrairement au DIF, le CPF présente l’intérêt d’être à l’initiative exclusive du salarié et de suivre l’individu tout au long de sa carrière professionnelle, notamment en cas de passage par le chômage. Cette « portabilité » est une qualité essentielle du CPF car elle contribue à autonomiser l’individu tout en rompant la logique de statuts qui prévaut dans le champ de la formation. Entre salariés et primo- accédants au marché du travail, entre demandeurs d’emploi éligibles ou non à l’assurance chômage, les règles d’éligibilité de chacun des dispositifs varient en effet considérablement19. Autre facteur nouveau, le salarié pourra bénéficier de son CPF hors du temps de travail sans demander l’autorisation à son employeur, ce qui n’était pas le cas pour le DIF et va, là encore, dans le sens d’une plus grande responsabilisation des acteurs20. Dans la même logique d’autonomie, le chômeur pourra mobiliser son CPF sans devoir recueillir l’autorisation de son conseiller de Pôle emploi. 
Contrairement au DIF, des financements explicites sont dédiés au CPF. On sait qu’en l’absence de financement dédié, le DIF a été financé pour l’essentiel sur les fonds du plan de formation, les « catalogues DIF » des entreprises étant eux-mêmes généralement calés sur les plans de formation. Tel n’est pas le cas du CPF puisque 0,2 % de la masse salariale des entreprises de plus de 10 salariés lui sont dédiés au bénéfice des salariés, soit environ 900 Me. S’agissant des chômeurs, 
300 Me seront réservés pour abonder leur CPF par le Fonds Paritaire de Sécurisation des Parcours Professionnels (FPSPP). Au total, c’est donc un minimum légal de 1,2 milliards d’euros qui seraient fléchés sur le CPF, là où le DIF ne mobilisait que 180 millions d’euros, pris essentiellement sur la collecte du plan de formation21. 
Certes, l’utilisation d’un tel compte nécessite une aide pour permettre aux travailleurs de discerner les opportunités professionnelles que leur ouvre la formation. La loi du 5 mars prévoit à ce titre la création d’un « conseil en évolution professionnelle » (CEP), accessible à titre gratuit à tout individu. Le CEP va dans le sens d’un meilleur accompagnement des actifs, sur un marché du travail où l’information permettant de construire sa carrière et ses parcours de formation est lacunaire. Concrètement, cette prestation sera assurée gratuitement à l’extérieur de l’entreprise par des opérateurs en charge de l’orientation, tout particulièrement les Fongécif22. Elle doit notamment aider le salarié à s’informer sur les possibilités de formation, sur l’évolution des métiers, d’identifier les emplois correspondant aux compétences et qualifications qu’il a acquises. La création par la loi de l’entretien individuel, au cours duquel chaque salarié fera notamment le point sur ses perspectives d’évolution professionnelle et ses besoins en formation, participe de la même logique. De tels outils peuvent sans doute faire évoluer la culture du monde du travail vis-à-vis de la formation, à condition de n’être pas détournés de leurs finalités. 
… qui risque fort de ne pas atteindre sa cible 
De prime abord, le CPF apparaît donc comme un outil utile et pertinent, dont le financement semble sécurisé. Pourtant, dans la configuration prévue, ce dispositif risque de rester une coquille vide, faute d’abondement suffisant. La loi prévoit en effet qu’un actif peut accumuler, en neuf ans, jusqu’à 150 heures sur son CPF, utilisables pour accéder à des formations exclusivement certifiantes ou qualifiantes. Or, 
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RÉFORME DE LA FORMATION PROFESSIONNELLE : 
ENTRE AVANCÉES, OCCASIONS MANQUÉES ET PARI FINANCIER 
NOTE 
17 Ceci touche en particulier l’utilisation du CPF, qui ne sera possible que dans le cadre de formations dont l’éligibilité doit être préalablement établie par les branches professionnelles, les partenaires sociaux et les régions. 
18 Dares, Dares Analyses 
n° 69, septembre 2011. 
19 Le site de la Dares propose une présentation très claire des différents dispositifs : http://travail-emploi.gouv. fr/informations-pratiques,89/les- fiches-pratiques-du-droit-du,91/ formation-professionnelle,118/. 
20 Dans ce cas, et contrairement au DIF hors temps de travail, il ne perçoit aucune rémunération. 
21 Projet de loi relatif à la formation professionnelle, à l’emploi et à la démocratie sociale – Étude d’impact – 21 janvier 2014. 
22 Cette prestation s’adresse également aux chômeurs.
ce montant est proche de celui du DIF qui permettait jusqu’alors d’accumuler jusqu’à 120 heures, et s’est avéré très insuffisant pour permettre l’accès à ce type de formations23. Certes, un abondement complémentaire est possible de la part de l’entreprise, mais cet abondement reste facultatif, et il est douteux que les employeurs acceptent aisément de financer des formations qualifiantes, qui peuvent par définition être valorisées auprès d’autres entreprises par les salariés formés. D’autres abondements au CPF peuvent provenir de décisions de branches professionnelles, des régions ou de Pôle emploi, mais leurs montants – soumis à des accords collectifs ou contraints par les marges de manoeuvres budgétaires des acteurs publics – restent très hypothétiques24. En pratique, la suppression de l’obligation légale de dépenser dans le cadre du plan de formation aurait donc dû avoir pour contrepartie un abondement obligatoire plus conséquent des CPF afin de permettre des formations plus longues et d’accroître le pouvoir de négociation des salariés. Ce n’est pas la voie qui a été choisie jusqu’à présent. 
Un autre défaut du CPF réside dans le caractère indifférencié de son abondement. Alors que les inégalités d’accès à la formation restent un défaut majeur de notre système, le fait de doter chaque salarié avec un nombre d’heures similaire apparaît inéquitable, dans la mesure où les heures de formation des cadres et professions supérieures sont en règle générale plus coûteuses que celles des ouvriers et professions intermédiaires. S’agissant des demandeurs d’emploi, la loi prévoit d’accroître le financement des CPF de 300 millions par l’intermédiaire du FPSPP, une somme qui apparaît limitée au regard de la dépense actuelle de formation pour les chômeurs (environ 4 milliards d’euros, en incluant les coûts de formation et la rémunération des stagiaires) et des besoins exprimés sur le terrain. Pour résoudre ce problème, il eût été possible de moduler l’abondement annuel des CPF en fonction du salaire ou de la qualification. Mais là encore, l’occasion a été manquée. Ceci tient en partie au fait que l’abondement du CPF, comme celui du DIF avant lui, est réalisé en heures et non en euros, ce qui rend techniquement difficile toute mesure de modulation. De surcroît, l’accumulation de droits en heures et non en euros renforce considérablement le doute sur la soutenabilité financière du système, et sur sa capacité à faire face à une demande d’utilisation massive des CPF par les actifs sans fixer de façon centralisée les prix des formations - ce qui nuirait très fortement à la qualité de ces dernières. 
Une autre limite du CPF réside dans le caractère limitatif des formations qu’il permet de financer. Sont en effet concernées uniquement des formations déterminées comme qualifiantes par les Conseils régionaux et Pôle emploi (pour les chômeurs), les partenaires sociaux et les branches professionnelles (pour les chômeurs et les salariés). Si cette caractéristique semble cohérente avec l’objectif de réorienter les actions de formation vers des stages longs et permettant de véritables réorientations professionnelles, elle risque de limiter mécaniquement les abondements des entreprises, peu enclines à financer des formations valorisables chez d’autres employeurs. De surcroît, ceci ne permettra pas d’exploiter pleinement le levier de dialogue social que constitue l’utilisation du CPF. Certes, la réforme tend à diminuer le caractère unilatéral du plan de formation et à faire de la formation professionnelle un objet de dialogue social dans l’entreprise25. Mais les conditions de ce dialogue auraient été bien différentes si le CPF avait été élargi à des formations autres que qualifiantes pour lui permettre, si un accord est trouvé entre employeur et salarié, de financer des actions de formation plus spécifiques à l’entreprise. Ceci aurait contribué à renforcer le pouvoir de négociation des salariés, puisqu’ils ont la maîtrise de leur CPF. 
2.3. Un marché de la formation encore à construire 
Alors que le nombre de prestataires ne cesse de croître, la question de la qualité de l’offre de formation, maintes fois soulevée par les observateurs du système, constitue un angle mort de la réforme. Ceci est d’autant plus regrettable que cette dernière renforce le caractère administré de l’offre de formation, en donnant aux OPCA et aux partenaires sociaux dans les branches et les régions la responsabilité de la détermination des listes des formations éligibles au CPF, après analyse des besoins en compétence et en formation pour les métiers de la branche. En revanche, la question de la certification de la qualité des formations et des prestataires est restée absente de la réflexion des partenaires sociaux, en amont du projet de loi. Cette question est pourtant essentielle car l’utilisation des CPF doit s’accompagner d’une information sur la qualité des formations et sur les débouchés qu’elles offrent. En l’absence d’une certification indépendante de la qualité des formations, il est à craindre qu’une forte hétérogénéité des prestataires de formation ne subsiste, au détriment du 
5 
23 Même si l’hétérogénéité des contenus et des durées de formation reste importante, les formations qualifiantes représentent en général un volume proche de 400 heures, voire au-delà. 
24 La section 3 de ce document approfondit la question de la soutenabilité financière du CPF. 
25 Même si le plan de formation n’est pas directement négocié, il devra s’articuler clairement avec les accords de Gestion Prévisionnelle des Emplois et des Compétences (GPEC) dans les entreprises de plus de 300 salariés. Ces derniers devront en effet comporter des orientations à trois ans sur la formation professionnelle et les objectifs du plan de formation. En outre, la négociation pourra porter sur les montants et les conditions de l’abondement de l’entreprise aux CPF, paramètres qui donneront des marges de manoeuvre aux négociateurs. 
NOTE 
RÉFORME DE LA FORMATION PROFESSIONNELLE : 
ENTRE AVANCÉES, OCCASIONS MANQUÉES ET PARI FINANCIER 
SEPTEMBRE 2014
service rendu aux individus et aux entreprises. 
Dans un système efficace, toute formation bénéficiant de fonds mutualisés (au titre du CPF, de la professionnalisation ou du CIF) devrait être certifiée sur la base de critères de qualité incluant à la fois les moyens mis en oeuvre et l’impact des formations sur les trajectoires professionnelles. Dans la mesure où les administrations publiques en charge du contrôle des prestataires de formation ne disposent pas des moyens nécessaires, il est souhaitable de faire émerger un marché de la certification, à l’instar de ce qui a été mis en place en Allemagne dans le cadre des lois Hartz (2003-200526). Dans le système allemand, les prestataires sont certifiés par des agences, elles-mêmes accréditées par un organisme d’accréditation national. Les agences certifient les organismes de formation et les formations sur la base de critères définis par l’organisme d'accréditation. Le but de ce système de certification en deux étapes est de faire émerger rapidement un marché de la certification, en faisant jouer la concurrence entre les agences. Au sein de l’organisme d’accréditation, un comité de pilotage de l’accréditation des agences associe des représentants de l’État et des partenaires sociaux, mais aussi des représentants des associations de prestataires de formation et des experts indépendants. L’encadré 1 ci-dessous décrit les modalités du système de certification allemand. Les conséquences de ce système sur la restructuration du marché ont été radicales, puisqu’il existe aujourd’hui moins de 4 000 prestataires certifiés en Allemagne, contre plus de 10 000 au début des années 2000. 
6 
RÉFORME DE LA FORMATION PROFESSIONNELLE : 
ENTRE AVANCÉES, OCCASIONS MANQUÉES ET PARI FINANCIER 
NOTE 
26 Les réformes Hartz (Loi Hartz I 
du 1er janvier 2003 ; Loi Hartz II 
du 1er avril 2003 ; Loi Hartz III 
du 1er janvier 2004 et Loi Hartz IV 
du 1er janvier 2005), inspirées par Peter Hartz, ancien DRH de Volkswagen, ont profondément réformé le marché du travail allemand. 
27 Les informations contenues dans cet encadré sont principalement issues du document suivant : Assuring quality in vocational education and training : the role of accrediting VET providers, CEDEFOP References series, n° 90, 2011. 
Encadré 1 : la certification des formations en Allemagne27 
En Allemagne, des réflexions approfondies ont été menées pour améliorer la qualité de l’offre de formation car, à la suite de la réunification, un marché de la formation très important s’est développé, sans que la certification suive. Les modalités de l’accréditation des agences et de la certification des prestataires, qui ont été mises en place à la suite des réformes Hartz, peuvent constituer une source d'inspiration pour la France. 
L’accréditation des agences de certification se fait à partir d’une analyse des moyens mis en oeuvre, de l’organisation de l’agence et de la méthodologie appliquée pour certifier les formations. Des mécanismes d’inspection auprès des prestataires dont les formations ont été certifiées par l’agence complètent cette analyse documentaire et entrainent des sanctions pour l’organisme certificateur si la certification a été accordée de façon trop laxiste. 
Les critères de la certification des prestataires reposent notamment sur les éléments suivants : 
la surface financière et la réputation du prestataire de formation ; 
la prise en compte des tendances du marché du travail et de l’évolution des métiers en tension dans la construction des contenus de formation ; 
la qualité des formateurs et des fonctions support (accueil, suivi et éventuellement hébergement des stagiaires). 
S’agissant de la certification des formations, le système allemand intègre comme critères : 
le nombre et la qualification des formateurs ; 
l’existence de modules d’examen et de certificats de qualification pour les stagiaires ; 
le niveau de dépense par stagiaire ; 
la durée de la formation spécifiquement dédiée aux objectifs pédagogiques ; 
la mise en situation professionnelle dans le cadre de la formation. 
Dans le système français actuel, une partie de ces éléments figure déjà dans le bilan pédagogique et financier que les prestataires de formation agréés doivent remplir chaque année. Mais en pratique le contenu du bilan pédagogique et financier n’a pas de conséquence sur le maintien de l’agrément. Il s’agit donc de mettre en place des critères plus sévères, fondés en partie sur l’insertion et le devenir professionnels des stagiaires. 
En France, l’accréditation des agences pourrait être donnée pour une durée limitée, renouvelable tous les cinq ans. Les prestataires de formation et les formations seraient également certifiés pour des durées renouvelables. Les prestataires de formation choisissent l'agence qui les supervise et doivent changer d'agence à chaque renouvellement de certification pour limiter la collusion entre les organismes certificateurs et les prestataires de formation.
Au regard de cet agenda exigeant et indispensable pour rehausser l’efficacité d’ensemble du système, on ne peut que regretter l’extrême modestie du texte de l’ANI, qui se contente de stipuler (art. 12) que « les branches professionnelles conduisent une politique d’amélioration de la qualité de la formation au service des entreprises et des salariés. À cette fin, elles veillent à ce que les OPCA prennent les dispositions nécessaires pour s’assurer de la qualité des formations qu’ils financent ou cofinancent »… On peut difficilement imaginer formulation moins contraignante pour les organismes paritaires. 
3. De nombreuses interrogations subsistent sur la soutenabilité et l’efficacité du nouveau système 
Un point essentiel de la réforme réside dans la capacité du système à abonder correctement les CPF et à permettre leur utilisation par le plus grand nombre d’actifs possible. En dépit des limites évoquées plus haut, ce dispositif constitue un outil important, à condition d’être correctement financé et de permettre l’accès à des formations longues. Dans cette section, nous approfondissons la question de la soutenabilité financière du CPF. 
3.1. Des interrogations relatives au bouclage financier du CPF 
La création du CPF entraîne un véritable bouleversement dans le système de formation professionnelle, non pas tant par son principe général (le DIF était déjà un compte personnel), mais par sa volumétrie potentielle et, surtout, par la nature des formations éligibles. Ainsi, tandis que les formations correspondant aux actions du plan de formation et du DIF étaient très courtes et entraient majoritairement dans la catégorie des formations d’adaptation au poste de travail, le CPF ne pourra financer que des formations qualifiantes, donc beaucoup plus longues. Conscients que la contribution dédiée de 0,2 % ne suffira sans doute pas à assurer le bouclage du système, l’ANI et la loi en appellent, d’une part, à des financements complémentaires par Pôle emploi, l’Unédic, l’État et les régions pour les chômeurs et, d’autre part, aux entreprises, à l’Etat, aux régions et aux salariés eux-mêmes pour les actifs en emploi. 
Cela étant, le financement de la formation professionnelle des adultes en emploi par les régions est aujourd’hui proche de zéro. On peut penser, qu’à l’avenir, aussi bien leurs contraintes budgétaires que la situation de l’emploi les amèneront à continuer de se concentrer sur la formation des chômeurs. Par ailleurs, l’abondement des CPF par l’État peut être considéré comme assez hypothétique, car on voit mal ce dernier investir budgétairement le champ de la formation professionnel des salariés dans les années à venir. Quant à l’abondement par les salariés eux-mêmes, il supposerait une véritable rupture culturelle sur laquelle il serait hasardeux de miser. Au total, c’est évidemment sur les entreprises que vont se concentrer les aléas du bouclage financier. 
Dans le nouveau système comme dans l’ancien, en effet, le financement de la formation professionnelle des salariés repose de fait essentiellement sur les entreprises, en direct ou via les OPCA. C’est le cas notamment pour toutes celles qui jusqu’à aujourd’hui s’en tenaient à la stricte obligation légale de 1,6 %, dont 0,9 % pour le plan de formation. Concrètement, les aléas sur lesquels repose le bouclage financier du système sont de plusieurs ordres : 
Le volume de la rémunération des stagiaires, qui dépend naturellement du taux de recours au CPF : celle-ci ne sera pas prise en compte dans le financement du CPF par les OPCA dans le cadre du 0,2 % (sauf pour les entreprises de moins de dix salariés, qui bénéficient d’un traitement de faveur dans la réforme), alors même qu’elle était intégrée dans l’obligation de 0,9 % du plan. Ce point n’est pas anecdotique puisqu’aujourd’hui les entreprises de plus de dix salariés consacrent environ 
2,8 milliards d’euros au maintien de la rémunération de leurs salariés en formation28. 
Le coût de l’heure de formation : souvent réalisées en interne, les formations du plan de formation seront maintenant le plus souvent réalisées par des organismes extérieurs, s’agissant de formations plus longues et qualifiantes29. Il pourra en résulter des surcoûts par rapport à la situation actuelle. 
La nature des formations éligibles : satisfera- t-elle totalement l’entreprise, alors même que les listes seront fixées « en dehors » d’elle ? Dans la négative, il faudra bien que l’entreprise finance (en sus du 1 %) des formations qui ne seront pas éligibles mais dont elle aurait besoin dans son plan de formation. 
7 
28 Jaune formation professionnelle annexé au PLF 2014. 
29 À cet égard, on ne sera pas surpris par l’enthousiasme pour la réforme qu’a manifesté la fédération de la formation professionnelle (FFP), regroupant les grands opérateurs de formation. 
NOTE 
RÉFORME DE LA FORMATION PROFESSIONNELLE : 
ENTRE AVANCÉES, OCCASIONS MANQUÉES ET PARI FINANCIER 
SEPTEMBRE 2014
L’abondement financier du CPF par l’entreprise en vertu d’un accord de branche ou d’une décision de son OPCA pour des raisons d’équilibre financier du système (voir ci-dessous scénario 3), ce qui l’amènerait là encore à verser davantage que le 1 %. 
La proportion des heures de formation réalisées hors temps de travail (donc non rémunérées), qui est aujourd’hui extrêmement faible30. Elle pourrait augmenter dans le cas du CPF puisque le salarié peut dans ce cas décider seul de la mobilisation de ses droits. Toutefois, parvenir à une forte proportion de salariés désireux de réaliser des actions de formation de longue durée (typiquement plusieurs centaines d’heures) supposerait un changement culturel notable dans notre pays. 
À notre connaissance, il n’y a pas eu d’étude d’impact financier sous forme de tableau emplois- ressources, ni de la part des partenaires sociaux ni de l’Etat, ce qui compte tenu des sommes en jeu et des risques associés peut paraître très imprudent. Les rapports parlementaires autour du projet de loi ne s’aventurent pas davantage à donner des chiffrages31. 
De rapides calculs résumés dans l’encadré 2 ci-dessous montrent néanmoins que si le dispositif rencontre quelque succès, les financements dédiés seront insuffisants. Dès lors se posera la question des abondements. 
Comme on le voit, la soutenabilité financière du CPF est largement sujette à caution. Il y a déconnexion entre l’abondement « physique » (20 heures par an pendant six ans puis 10 heures par an pendant trois ans), qui permettra d’afficher des comptes bien garnis, et l’abondement financier du système. Aucun mécanisme ne permet l’ajustement de l’abondement financier à l’abondement « physique », l’ANI et la loi se bornant à renvoyer à des abondements complémentaires. On sait que la création de droits opposables non financés est un lieu commun de nombreuses politiques sociales (retraites par répartition, santé, chômage…) mais c’est généralement l’endettement qui assure l’adéquation entre l’offre et la demande de fonds. L’endettement étant ici exclu comme mode de régulation (les OPCA ne peuvent pas s’endetter, ce dont on peut par ailleurs se féliciter), quels sont les scénarios de bouclage du système ? 
C’est un jeu complexe comportant quatre niveaux de négociation (interprofessionnels, branches, OPCA, entreprises) articulés avec le comportement des salariés qui doit permettre la régulation du système. Concrètement, les entreprises peuvent espérer que le jeu des négociations sociales ne leur imposera pas ou peu d’obligations supplémentaires au niveau des branches. Les syndicats, en revanche, espèrent que le renforcement des droits des salariés et un changement culturel par rapport à l’acte de se former forceront le système à dégager des moyens supplémentaires. Dans ce cadre, on peut schématiquement envisager trois scénarios de bouclage. 
Dans le premier scénario, « à la DIF », le CPF ne décolle pas. Certes, il aura nécessairement plus de succès que le DIF dans la mesure où il bénéficie d’un financement dédié et a vocation à remplacer une partie des actions de formation du plan de formation. Néanmoins, le taux d’accès reste modeste, par manque d’information ou par manque d’appétence des salariés. Dans ce cas, les financements prévus seraient suffisants, les entreprises et les branches n’ayant pas à mettre en place de financements supplémentaires autres que le paiement des rémunérations des stagiaires. Cette situation pourrait être favorisée si les branches et les OPCA, conscients du risque financier considérable, établissaient des listes restrictives de formations éligibles, décourageant ainsi les salariés de mobiliser leur CPF et les employeurs d’abonder les comptes. Il en résulterait une diminution de l’effort global des entreprises et une diminution notable des heures de formation par rapport à l’existant en matière de plan de formation et de période de professionnalisation. 
Le deuxième scénario est « pénurique ». Les salariés montrent une forte appétence pour le CPF, mais les employeurs parviennent à contenir les tentatives des syndicats de créer des abondements supplémentaires dans les branches, scénario d’autant plus probable que le Médef a « vendu » aux entreprises l’idée que la réforme devait globalement diminuer leurs charges. Le système deviendrait alors à deux vitesses. Dans les entreprises les plus riches et ayant une forte politique RH, des accords conduisant à des abondements généreux au CPF permettent de faire face aux demandes. Dans les autres entreprises, généralement des PME, la demande des salariés excède les financements. Dès lors se mettent en place des dispositifs de type file d’attente, avec risques de contentieux de salariés mécontents de ne pas pouvoir mobiliser leurs droits. 
Enfin, dans un troisième scénario, qu’on pourrait qualifier d’« explosif », le système est un 
8 
RÉFORME DE LA FORMATION PROFESSIONNELLE : 
ENTRE AVANCÉES, OCCASIONS MANQUÉES ET PARI FINANCIER 
NOTE 
30 D’après le Céreq, la proportion des heures de formation réalisées hors temps de travail aurait été de 4 % en 2011, Quand la formation continue, édition 2014. 
31 Il convient de noter qu’à peine trois semaines ont séparé la transmission du projet de loi au Parlement et le vote du texte en première lecture, délai qui n’a laissé que peu de temps aux parlementaires pour procéder à un travail approfondi.
9 
32 Par comparaison, le coût moyen pris en charge aujourd’hui par un OPCA pour une action de formation dans le cadre du plan de formation est de 34 E pour les entreprises de plus de 50 salariés, 32 E pour les entreprises entre 10 et 19 salariés, et de 25 E pour les entreprises de moins de 10 salariés (source : annexe formation professionnelle au PLF 2014). 
NOTE 
RÉFORME DE LA FORMATION PROFESSIONNELLE : 
ENTRE AVANCÉES, OCCASIONS MANQUÉES ET PARI FINANCIER 
SEPTEMBRE 2014 
Encadré 2 : Le financement du CPF pour les salariés – quelques ordres de grandeurs 
En l’absence de données sur le comportement des acteurs, la simulation ci-dessous n’est qu’indicative et n’est censée fournir que des ordres de grandeurs. Toutefois, elle repose délibérément sur des hypothèses prudentes tendant à minorer le coût du dispositif. 
Durée des formations : elles seront vraisemblablement bien plus longues que celles qui sont utilisées dans le cadre des actuels DIF et plans de formation (respectivement 22,5 et 45 heures en 2011), dans la mesure où les formations éligibles au CPF seront obligatoirement qualifiantes ou certifiantes. 
La durée des formations de ce type est très variable selon les branches, mais elle est rarement inférieure à 150 heures. Dans certaines branches, il n’existe pas de formations qualifiantes de moins de 400 heures (ex : branche du spectacle vivant). 
On retient ici une hypothèse (très) basse sur la durée moyenne d’une formation certifiante : 150 heures. 
Hypothèse basse sur le nombre de salariés concernés chaque année. D’après le gouvernement, le nombre de CPF ouverts serait de 22,5 millions dès le début 2015, soit au moins 20 millions de CPF détenus à une date donnée par des salariés non chômeurs au moins une partie de l’année et donc susceptibles de mobiliser leur CPF. 
Supposons qu’au cours de sa carrière professionnelle de 42 ans, chaque salarié ait recours deux fois à une formation en mobilisant son CPF. Le taux de recours serait donc de 2/42 = 4,8 % (ce qui serait un taux de recours comparable à celui du DIF, estimé à 4,9 % en 2011 par la Dares). Chaque année, environ 1 million de formations seraient donc réalisées et devraient être financées pour des salariés dans le cadre de leur CPF. 
Hypothèse basse sur le coût d’une heure de formation réalisée par un prestataire externe + frais annexes (ex. transport, hébergement…) : 25 euros32. 
Hypothèse moyenne sur le coût de la rémunération maintenue durant le stage : 17 euros par heure (situation actuelle), avec une hypothèse optimiste selon laquelle 10 % des heures de formation seraient réalisées hors temps de travail (contre 4 % aujourd’hui), donc sans rémunération. 
Le besoin potentiel serait, sur cette base, de l’ordre de 150 millions d’heures de formation (contre 161 millions dans le cadre de l’actuel plan de formation) pour un coût de 6 milliards d’euros par an, rémunérations comprises. Compte tenu des hypothèses très prudentes retenues, notamment sur la durée moyenne des formations éligibles, ce coût doit être considéré comme un minimum. 
Au regard de ces besoins potentiels, la loi prévoit explicitement les financements suivants : 
900 ME via la contribution de 0,2 % dédiée ; 
Des fonds de la professionnalisation : 300 ME correspondant à la suppression des périodes de professionnalisation non qualifiantes. Mais en sens inverse, la diminution de la collecte sur la section professionnalisation jette un doute sérieux sur sa capacité à dégager ces 300 millions pour le CPF. Nous supposerons de manière optimiste que 150 millions d’euros pourront être orientés vers le CPF par cette voie. 
Des abondements des régions et de l’État, dont on a vu le caractère assez illusoire, et dont nous considérons dans cette simulation qu’ils sont nuls. 
Des abondements des entreprises au-delà du 0,2 % sur la base d’accords collectifs ou de décisions prises par l’OPCA. 
Selon ces hypothèses, les financements mutualisés par les OPCA sur la base des contributions minimales des entreprises seront donc d’environ 1 milliard d’euros. Il faudra donc que les entreprises, soit volontairement, soit via des abondements complémentaires imposés par les branches et/ou les OPCA, financent les CPF à hauteur d’au moins 2,5 milliards d’euros supplémentaires. À ces 2,5 milliards s’ajouterait le financement des rémunérations, pour environ 2,5 milliards d’euros additionnels. En tout, il faudrait donc ajouter au moins 1 point de masse salariale. Et c’est sans compter les éventuelles formations que l’entreprise pourrait avoir à financer en plus sur son plan de formation si les listes de formations éligibles au CPF ne lui permettaient pas de poursuivre une politique de formation adaptée à ses besoins. 
Ajouté au 1 % de contribution obligatoire, l’effort des entreprises de plus de 10 salariés monterait alors à plus de 2 % de la masse salariale. Certes, cela resterait inférieur à la moyenne actuelle de 2,73 %, mais ce mouvement entraînerait un surcoût important pour de nombreuses PME qui sont aujourd’hui bien en-dessous de cette proportion et qui sont alignées sur le niveau de l’obligation légale, soit 1,6 %.
succès et le rapport des forces de la négociation est favorable aux syndicats, aidés en cela par des succès remportés au contentieux par des salariés réclamant leur droit à la formation. Les branches et les entreprises sont forcées de fixer des taux de contribution des entreprises bien supérieurs au 1 %, plus élevés, dans certaines branches que l’actuel 1,6 %. Le nombre global d’heures de formation dispensées est plus élevé qu’aujourd’hui, le coût de l’heure de formation est renchéri du fait du passage quasi automatique par un organisme de formation extérieur à l’entreprise, ainsi que le nombre moyen d’heures par formation, mais la charge pesant sur les entreprises est également plus forte. 
3.2. Interrogations relatives aux frais de gestion des OPCA 
La réforme étend très sensiblement le champ de compétence des OPCA. En effet, ceux-ci se voient largement confortés dans leur rôle de conseil de proximité aux entreprises, (qui pourra s’étendre explicitement à l’activité de conseil dans l’élaboration du plan de formation) et de promotion et d’ingénierie en matière de Gestion Prévisionnelle de l’Emploi et des Compétences (GPEC) territoriale. En outre, ils seront les opérateurs des branches dans toutes les tâches mises en exergue par l’ANI : systématisation des observatoires des métiers et des qualifications, construction d’une GPEC de branche, élaboration de guides méthodologiques pour les entretiens professionnels, etc. Ils doivent en outre jouer un rôle important dans le cadre du nouveau « conseil en évolution professionnelle ». Dès lors se repose la question de leurs frais de gestion (aujourd’hui de l’ordre de 10 % de la collecte, soit environ 600 ME), qui viennent naturellement en déduction des financements disponibles pour les actions de formation. Les partenaires sociaux n’ont d’ailleurs pas manqué, dans le texte de l’ANI, d’en appeler à la prise en compte de ces nouvelles missions dans la fixation des plafonds des frais de gestion dans les futures conventions d’objectifs et moyens (COM) conclues entre les OPCA et l’État33. 
Cette explosion attendue des frais de gestion n’est pas anormale en soi si elle ne fait que couvrir de manière efficace les missions nouvelles des OPCA. Elle devra cependant être étroitement surveillée afin d’éviter les dérives de gestion et les inefficacités de tous ordres qui avaient pu être constatées dans certains OPCA en 2011 lors de la négociation des COM de la première génération. Il appartiendra à l’État, lors des prochaines générations de COM, de s’assurer que ces frais resteront maîtrisés. 
3.3. Interrogations concernant les moyens effectivement dégagés pour la formation des chômeurs 
Aussi bien l’ANI que l’exposé des motifs de la loi affirment que les ressources globales consacrées à la formation des chômeurs se trouveront accrues grâce à la réforme. Ainsi, le CPF sera sans aucun doute plus maniable et plus facilement portable que le DIF, augmentant ainsi la possibilité des chômeurs d’y avoir recours. De fait, environ 300 ME du FPSPP seront fléchés explicitement vers la formation des chômeurs via des abondements de leur CPF. En outre, les régions, l’État et Pôle emploi sont invités à fournir des ressources complémentaires pour réussir le bouclage financier. 
Pourtant, un examen attentif du dispositif amène à douter de la réalité de cette affirmation. D’une part, ces fonds ne feront essentiellement que se substituer à ceux qui étaient déjà fléchés en tout ou partie vers les chômeurs : préparation opérationnelle à l’emploi, appels à projets finançant notamment des formations qualifiantes destinées aux titulaires d’un contrat de sécurisation professionnelle34 D’autre part, les contraintes financières des régions et de Pôle emploi font qu’il est assez inévitable que leurs abondements au CPF se substituent aux dispositifs qu’ils financent aujourd’hui. 
Au total, l’impact réel de la réforme sur les ressources consacrées à la formation des chômeurs est assez incertain. 
3.4. Interrogations concernant l’efficacité de l’architecture institutionnelle 
Le nouveau système repose de manière cruciale sur une forte mobilisation des branches, à savoir : leur capacité à construire des observatoires des métiers et des compétences, porter un diagnostic et une stratégie de GPEC de branche, capacité politique à négocier des taux de contribution des entreprises supérieurs au minimum. Or, on sait que la plupart des quelques 350 branches professionnelles ne sont pas aujourd’hui en mesure de se saisir de ces compétences, tant du fait de la faiblesse endémique du dialogue social que de la faiblesse de leur expertise35. 
Au-delà de la question des branches et de leur capacité à remplir les obligations, on peut s’interroger sur l’extrême rigidité et multiplicité des institutions intervenant dans la régulation du système via la détermination des listes de formations éligibles 
10 
RÉFORME DE LA FORMATION PROFESSIONNELLE : 
ENTRE AVANCÉES, OCCASIONS MANQUÉES ET PARI FINANCIER 
NOTE 
33 Depuis la loi du 24 novembre 2009, les OPCA doivent s’engager avec l’État à respecter un certain nombre de règles de bonne gestion via des conventions d’objectifs et de moyens (COM). C’est notamment le cas des frais de gestion, qui sont strictement encadrés dans ces documents. Faute du respect de leurs engagements, les OPCA peuvent se voir retirer leur agrément. 
34 Certes, les titulaires d’un CSP ne sont pas des chômeurs au sens de Pôle emploi puisque classés en catégorie D (stagiaires de la formation professionnelle, non disponibles pour occuper un emploi…). Ils sont toutefois dans la même situation objective que les demandeurs d’emploi et bénéficiaires d’un accompagnement renforcé comportant notamment des actions de reconversion intégrant la formation professionnelle. 
35 Le fait que certaines d’entre elles aient recours à l’État pour les aider 
à établir des diagnostics en matière d’emplois et de GPEC dans le cadre des dispositifs « engagements pour 
le développement de l’emploi et 
des compétences » (EDEC) est à 
cet égard très révélateur.
NOTE 
Institut Montaigne 
38, rue Jean Mermoz - 75008 Paris 
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au CPF. Car, outre celles qui 
seront fixées par les organes des 
branches professionnelles ou 
les conseils d’administration des 
OPCA, des listes seront arrêtées 
également par le conseil paritaire 
national de l’emploi et de la 
formation professionnelle au 
niveau national et, dans chaque 
région, par les comités paritaires 
régionaux de l’emploi et de la 
formation professionnelle. Dans 
le cas des chômeurs, les listes 
seront arrêtées d’une part par le 
comité national paritaire de la 
formation professionnelle et de 
l’emploi et, d’autre part, par le 
comité paritaire régional, après 
consultation du comité régional 
de l’emploi, de la formation et 
de l’orientation professionnelle 
(CREFOP). La loi précise que, 
dans ce dernier cas, « cette liste 
régionale est élaborée à partir du 
programme régional de formation 
des régions et de Pôle emploi ». 
Au total, cette comitologie très 
lourde ne va certainement pas 
dans le sens de la simplicité. 
S’agissant des chômeurs, on 
pourra s’interroger sur l’intérêt 
d’une cascade de comités qui 
minore le rôle de Pôle emploi, 
qui est pourtant l’opérateur le 
mieux à même de savoir quels 
sont les besoins de formation sur 
un marché du travail local. Au 
total, il n’est pas sûr qu’il y ait 
adéquation entre la souplesse 
nécessaire de l’offre de formation 
pour faire face aux mutations 
économiques et la rigidité, la 
représentativité et la multiplicité 
des structures intervenant dans 
la gestion du CPF. 
En résumé 
L’examen de la loi du 5 mars 
2014 suggère qu’une réforme 
plus ambitieuse de la formation 
professionnelle sera nécessaire 
en France dans les années 
qui viennent. Cette réforme 
devrait viser à mettre en relation 
directement les individus avec 
les prestataires de formation. 
Un tel système suppose des 
mécanismes de certification 
indépendante permettant de 
révéler en partie la qualité 
des formations. Il suppose 
également un accompagnement 
de qualité pour les salariés et 
les demandeurs d’emploi dans 
leurs parcours de formation, 
ainsi qu’un dialogue social 
actif permettant d’anticiper les 
mobilités internes ou externes36. 
36 Voir notamment pour des 
propositions détaillées : Pierre Cahuc, 
Marc Ferracci, André Zylberberg 
(2011), op.cit.

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  • 1. NOTE SEPTEMBRE 2014 www.institutmontaigne.org 1 RÉFORME DE LA FORMATION PROFESSIONNELLE : ENTRE AVANCÉES, OCCASIONS MANQUÉES ET PARI FINANCIER1 Le système français de formation professionnelle des adultes souffre de dysfonctionnements dénoncés depuis des années par nombre de rapports académiques, administratifs ou parlementaires. Les défauts de ce système peuvent se résumer ainsi : 1) une initiative limitée des individus dans le choix de leur formation ; 2) de fortes inégalités d’accès à la formation entre qualifiés et moins qualifiés ; 3) la rigidité d’un système très administré, dans lequel les organismes paritaires jouent un rôle prépondérant dans l’orientation des dépenses de formation ; 4) la faible efficacité des dépenses de formation, en termes de retour à l’emploi, de salaire ou de gains de productivité. Ces défauts nuisent aussi bien à la sécurisation des parcours professionnels qu’à la compétitivité des entreprises. Après trois réformes de la formation professionnelle menées au cours des dix dernières années2, et muni de ces constats, le gouvernement a lancé en 2013 une nouvelle réforme qui a abouti à l’accord national interprofessionnel (ANI) du 14 décembre 2013, transposé en grande partie dans la loi du 5 mars 20143. De fait, la loi met en place des dispositifs pertinents, comme le compte personnel de formation (CPF). Ce compte présente l’intérêt d’être à l’initiative exclusive du salarié, contrairement au droit individuel à la formation (DIF) qu’il remplace, et de suivre l’individu tout au long de sa carrière professionnelle, notamment en cas de période de chômage. La création d’un « conseil en évolution professionnelle », accessible à titre gratuit à tout individu va aussi dans le sens d’un meilleur accompagnement des actifs, sur un marché du travail où l’information permettant de construire sa carrière et ses parcours de formation est lacunaire. La réforme prévoit également la suppression d’une partie de l’obligation légale de dépenser pour la formation faite aux entreprises, ce qui est positif, dans la mesure où cette obligation, conçue de manière indifférenciée, ne permet pas de prendre en compte l’hétérogénéité des besoins des entreprises. S’il est essentiel de laisser à ces nouveaux dispositifs le temps de produire leurs effets, un examen attentif de ces mesures suggère qu’elles ne permettront pas, à brève échéance, de faire de la formation un outil efficace de sécurisation des parcours accessible au plus grand nombre. Le système reste en effet très largement intermédié et complexe pour les individus qui l’utilisent. De surcroît, de nombreuses interrogations subsistent sur la soutenabilité financière et l’efficacité du nouvel ensemble issu de la loi du 5 mars 2014. Dans ce qui suit, nous rappelons brièvement les défauts du système actuel et les enjeux 1 Cette note a été rédigée par Marc Ferracci, Professeur d’économie à l’Université de Nantes, chercheur associé au LEMNA, au Centre de Recherches en Economie et Statistique (CREST-ENSAE) et au laboratoire interdisciplinaire d’évaluation des politiques publiques (LIEPP-Sciences Po), et Bertrand Martinot, économiste, délégué général à l’emploi et à la formation professionnelle (DGEFP) de 2008 à 2012. 2 Loi n° 2004-391 du 4 mai 2004 relative à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social ; Loi n° 2007-148 du 2 février 2007 de modernisation de la fonction publique ; Loi n° 2009-1437 du 24 novembre 2009 relative à l'orientation et à la formation professionnelle tout au long de la vie. 3 Loi n° 2014-288 du 5 mars 2014 relative à la formation professionnelle, à l'emploi et à la démocratie sociale.
  • 2. d’une réforme de la formation (1). Nous présentons ensuite le détail des avancées produites par la loi du 5 mars 2014, mais aussi les problèmes importants que cette loi ne permet pas de résoudre, voire amplifie (2). Nous abordons enfin la question de la soutenabilité financière du système, et en particulier du CPF (3). 1. Inégalités, efficacité, complexité : les enjeux d’une réforme du système de formation professionnelle Les critiques du système français de formation sont nombreuses et bien documentées4. Sont ici résumés les principaux dysfonctionnements, qui constituent, en creux, les enjeux de la réforme du système et le tableau de fond de la loi du 5 mars 2014. Le premier est de rendre plus équitable l’accès à la formation, tout en donnant plus d’autonomie aux actifs dans le choix de leurs contenus de formation. C’est un fait bien connu : la formation va globalement aux individus les plus qualifiés, pour lesquels le rendement de la formation est le plus important. En France, un salarié diplômé du supérieur a 34 % de chance de suivre une formation dans l’année, contre 10 % pour un salarié sans diplôme5. Et pour ceux qui y accèdent, les formations tendent à devenir de plus en plus courtes, s’orientant depuis plusieurs décennies vers des actions d’adaptation au poste de travail plutôt que vers des formations longues et qualifiantes. Ainsi, une étude du Cereq6 montre que la durée moyenne des formations entreprises au titre du DIF en 2010 était de seulement 22 heures. L’autre enjeu est celui de l’efficacité. La dépense pour la formation professionnelle représente aujourd’hui environ 32 milliards d’euros en France, soit 1,6 % du PIB, dont 13 milliards pour les salariés du secteur privé. Or, les évaluations empiriques révèlent que le rendement de la formation en termes de salaire, de productivité et de retour à l’emploi est souvent faible7. Ceci invite à réfléchir au contenu des formations, pour favoriser les transitions vers les secteurs en tension de main-d’oeuvre. Mais au-delà des contenus, la qualité pédagogique est essentielle. En Allemagne, la rigueur de la certification des organismes de formation joue ainsi un rôle central : près de 60 % des organismes de formation n’ont pas été certifiés lors de la mise en place des réformes Hartz. En France, la création d’un véritable marché de la certification, composé d’agences indépendantes et régulé par une autorité d’accréditation, est donc une nécessité8. Le troisième enjeu est celui de la simplification. Le système des organismes paritaires collecteurs agréés (OPCA) impose des mécanismes de redistribution complexes, notamment via le fond paritaire de sécurisation des parcours professionnels (FPSPP9) pour ce qui concerne la formation des chômeurs. À ceci s’ajoute une multiplicité de dispositifs : droit individuel à la formation (DIF), congé individuel de formation (CIF), validation des acquis de l’expérience (VAE), aide individuelle de formation (AIF), etc. Une étude portant sur la Suisse10 souligne combien la complexité des dispositifs est pénalisante pour les salariés les moins qualifiés, et combien il est nécessaire de pouvoir informer correctement les bénéficiaires. Une simplification d’ensemble du système, de la collecte à l’attribution de subventions, est une ardente nécessité. Un système plus simple pourrait aussi faciliter le dialogue entre salariés et employeurs dans le choix des formations. Actuellement, en France, la formation profite en effet surtout aux entreprises qui gardent la main sur le contenu de programmes, privilégiant les formations courtes et spécifiques11. Les défauts de notre système (inégalité, inefficacité, complexité) résultent assez largement de l’obligation faite aux entreprises de dépenser une fraction minimale de leur masse salariale dans des actions de formation. Cette obligation entretient, voire amplifie, les dysfonctionnements. Tout d’abord, elle n’incite en rien les employeurs à cibler la formation sur les individus les moins qualifiés, pour lesquels le rendement des actions de formation est faible. En donnant à l’employeur un poids prépondérant dans le financement, elle contribue en outre à orienter les formations vers des contenus spécifiques à l’entreprise, limitant la capacité des individus à anticiper et construire leur reconversion professionnelle en cas de perte d’emploi. Par ailleurs, alors que toutes les entreprises et tous les salariés n’ont pas les mêmes besoins, cette obligation contribue par son caractère indifférencié à financer nombre de formations inutiles. Enfin, elle alimente de façon artificielle un marché de la formation pléthorique, où les prestataires de qualité en 2 RÉFORME DE LA FORMATION PROFESSIONNELLE : ENTRE AVANCÉES, OCCASIONS MANQUÉES ET PARI FINANCIER NOTE 4 Cf. Pierre Cahuc, Marc Ferracci, André Zylberberg, Formation professionnelle : pour en finir avec les réformes inabouties, Institut Montaigne, octobre 2011. 5 Bernard Seiller, Formation professionnelle : le droit de savoir, Sénat, Rapport d'information n° 365, 2007. 6 Cereq, « Le DIF : la maturité modeste », Bref Cereq n° 299-2, mai 2012. 7 Pour un panorama détaillé des effets de la formation, se reporter à Marc Ferracci, Évaluer la formation professionnelle, Presses de Sciences Po, 2013. 8 En 2010, la DARES recense 55 300 prestataires de formation professionnelle. Dares Analyses n° 70, Dares, octobre 2012. 9 Créé en 2009, le FPSPP est une association composée des organisations syndicales d’employeurs et de salariés représentatives au niveau national et interprofessionnel. Elle vise principalement à assurer le financement d’actions de formations professionnelles définies par des conventions-cadres conclues avec l’État. 10 Dolores Messer et Stefan C. Wolter, Formation continue et bons de formation : Résultats d’une expérience menée sur le terrain, Office fédéral de la formation professionnelle et de la technologie (OFFT), 2009. 11 Patrick Aubert, Bruno Crépon et Philippe Zamora, « Le rendement apparent de la formation continue dans les entreprises : effets sur la productivité et les salaires », Economie et Prévision, n°187, 2009. Les auteurs montrent ainsi qu’une dépense de formation de 150 euros par salarié dans une entreprise augmente la productivité par tête d’environ 0,4 %, mais que moins de la moitié revient au salarié sous la forme d’augmentation de salaire.
  • 3. côtoient d’autres à l’efficacité plus que relative. Face à tous ces dysfonctionnements, quelles sont les apports et les limites de la loi du 5 mars 2014 portant la réforme de la formation professionnelle ? 2. La loi du 5 mars 2014 : des avancées qui ne remettent pas fondamentalement en cause la complexité et l’inefficacité du système 2.1. Malgré la fin de l’obligation de dépenser dans le cadre du plan de formation, les organismes collecteurs restent au centre du système Si certaines avancées sont bien réelles, les caractéristiques fondamentales du système – et notamment sa complexité – demeurent inchangées, ce qui ne permet guère d’être optimiste quant à l’impact final de la réforme. La suppression bienvenue d’une partie de l’obligation de dépenser… L’un des éléments marquants de la réforme réside dans le remplacement de l’obligation fiscale de dépenser12 par des contributions légales minimales (0,55 % de la masse salariale pour les entreprises de moins de 10 salariés et 1 % pour les entreprises de plus de 10 salariés). Ceci implique concrètement la disparition de l’obligation de dépenser dans le cadre du plan de formation13, au travers de laquelle les entreprises avaient jusqu’ici le choix entre former leur salariés, tout en justifiant de l’imputabilité des dépenses, ou verser une contribution aux OPCA de leur choix. Cette réforme, réclamée de longue date14, était plus que nécessaire, tant les effets de l’obligation de payer sont délétères. La suppression de cette obligation permet aux entreprises d’envisager la formation professionnelle comme un investissement qui participe de la compétitivité et de la montée en gamme de notre économie et non comme une dépense obligatoire dont il faudrait se libérer quelle que soit l’efficacité de l’action de formation. Comme on l’a vu, le caractère indifférencié de l’obligation fiscale est source d’inefficacité, puisqu’il contribue à limiter le rendement moyen des formations en alimentant des formations qui ne correspondent pas à des besoins clairement identifiés par les entreprises. Avec la disparition d’une partie de cette obligation, il est permis d’espérer que les choix en matière de formation professionnelle correspondront davantage aux besoins économiques de ces dernières. En outre, la suppression de l’obligation de dépenser n’annule pas la responsabilité sociale de l’employeur et son obligation de maintenir l’employabilité de ses salariés15. De cette réforme découlent également des simplifications administratives importantes pour les entreprises et leurs directions des ressources humaines. En effet, dans la mesure où elles n’auront plus à justifier de la réalité de leurs dépenses de formation, c’est toute une organisation complexe et bureaucratique impliquant la conservation de nombreuses pièces justificatives qui est supprimée grâce à la réforme : suppression des feuilles d’émargement, des déclarations fiscales détaillées, des attestions de stages, des incertitudes parfois kafkaïennes sur l’« imputabilité » de telle ou telle dépense au titre de l’obligation légale, etc. En outre, l’entreprise n’aura plus, contrairement au DIF, à procéder à la gestion extrêmement complexe des CPF, celle-ci étant externalisée à la Caisse des Dépôts. Enfin, le versement de la contribution unique à la formation professionnelle à un seul OPCA (qui remplace les versements au minimum à un OPCA et un Fongécif16, mais dans certains cas à un troisième, voire un quatrième OPCA) est également une simplification bienvenue. …qui laisse néanmoins perdurer un système complexe et très intermédié pour les individus En dépit de ces avancées, la loi du 5 mars 2014 ne remet pas fondamentalement en cause l’architecture du système de formation professionnelle et surtout n’apporte guère de réponse à la complexité de ce système pour ses utilisateurs, les salariés et les demandeurs d’emploi. Certes, les OPCA ne disposeront plus d’un marché captif et la proportion des fonds passant par leur intermédiaire devrait diminuer, sauf si les entreprises et les branches décident volontairement d’accroître les contributions au-dessus du minimum de 1 %. Comme ils ont déjà commencé à le faire, ces organismes devront davantage se positionner comme offreurs de services aux entreprises en adéquation avec les besoins et les attentes des entreprises plutôt que comme de simples collecteurs et gestionnaires de fonds. Mais, du point de vue des individus désirant accéder à une formation, la loi entretient – voire renforce – le caractère administré du système. Les OPCA vont continuer de procéder à 3 12 Cette obligation était jusqu’ici de 0,55 % de la masse salariale pour les entreprises de moins de 10 salariés, de 1,05 % entre 10 et 19 salariés, et de 1,6 % pour les entreprises de plus de 20 salariés. 13 Cette obligation représentait 0,9 % de la masse salariale sur les 1,6 % que devaient dépenser les entreprises de plus de 20 salariés. 14 Voir en particulier le rapport de l’Institut Montaigne déjà cité. 15 Alors que le Code du travail fait obligation à l’employeur « d’assurer l’adaptation des salariés à leur poste de travail » et de « veiller au maintien de leur capacité à occuper un emploi au regard notamment de l’évolution des emplois, des technologies et des organisations. » (art. L 6321-1), le fait de respecter l’obligation de dépense constitue pour certaines entreprises un moyen assez formel de se libérer de leur responsabilité. La disparition de cette obligation dans le cadre du plan de formation pourrait a contrario faire évoluer la jurisprudence dans une direction plus protectrice des droits des salariés. 16 Créés en 1983, les Fongécifs sont les fonds de gestion des congés individuels à la formation. Ils gèrent notamment le financement des congés individuels de formation, des bilans de compétence et de la validation des acquis de l’expérience. NOTE RÉFORME DE LA FORMATION PROFESSIONNELLE : ENTRE AVANCÉES, OCCASIONS MANQUÉES ET PARI FINANCIER SEPTEMBRE 2014
  • 4. l’allocation d’une grande partie des ressources sur la base de critères peu lisibles, touchant aussi bien aux contenus des formations qu’à la taille des entreprises17. Ce mode de régulation administré a fait depuis des années la preuve de son inefficacité et nourrit la défiance d’une partie de l’opinion publique quant à l’utilisation des fonds de la formation professionnelle. En outre, la complexité perdure également s’agissant des dispositifs de formation eux- mêmes. Alors que le CPF constitue un dispositif à l’initiative du salarié similaire au congé individuel de formation (CIF) existant depuis 1971, les deux vont coexister, en entretenant des canaux de financement distincts, et surtout la confusion dans l’esprit de leurs utilisateurs. Au-delà, la création du CPF aurait pu être l’occasion d’une fusion de l’ensemble des dispositifs : DIF, CIF professionnalisation. Faute d’avoir assumé cette démarche de simplification, la complexité entretient et continuera d’entretenir un non-recours important aux droits individuels, comme le montre l’exemple du DIF dont le taux d’utilisation s’élevait à seulement 4,9 % en 2011 selon la Dares18. 2.2. Le CPF : réel outil d’autonomisation ou coquille vide ? Un outil de sécurisation des parcours… L’autre élément marquant de la réforme est donc la création du Compte Personnel de Formation (CPF). Ce compte permet d’accumuler, en neuf ans de vie professionnelle, 150 heures de formation, soit un volume proche du DIF qui pouvait atteindre 120 heures. Mais contrairement au DIF, le CPF présente l’intérêt d’être à l’initiative exclusive du salarié et de suivre l’individu tout au long de sa carrière professionnelle, notamment en cas de passage par le chômage. Cette « portabilité » est une qualité essentielle du CPF car elle contribue à autonomiser l’individu tout en rompant la logique de statuts qui prévaut dans le champ de la formation. Entre salariés et primo- accédants au marché du travail, entre demandeurs d’emploi éligibles ou non à l’assurance chômage, les règles d’éligibilité de chacun des dispositifs varient en effet considérablement19. Autre facteur nouveau, le salarié pourra bénéficier de son CPF hors du temps de travail sans demander l’autorisation à son employeur, ce qui n’était pas le cas pour le DIF et va, là encore, dans le sens d’une plus grande responsabilisation des acteurs20. Dans la même logique d’autonomie, le chômeur pourra mobiliser son CPF sans devoir recueillir l’autorisation de son conseiller de Pôle emploi. Contrairement au DIF, des financements explicites sont dédiés au CPF. On sait qu’en l’absence de financement dédié, le DIF a été financé pour l’essentiel sur les fonds du plan de formation, les « catalogues DIF » des entreprises étant eux-mêmes généralement calés sur les plans de formation. Tel n’est pas le cas du CPF puisque 0,2 % de la masse salariale des entreprises de plus de 10 salariés lui sont dédiés au bénéfice des salariés, soit environ 900 Me. S’agissant des chômeurs, 300 Me seront réservés pour abonder leur CPF par le Fonds Paritaire de Sécurisation des Parcours Professionnels (FPSPP). Au total, c’est donc un minimum légal de 1,2 milliards d’euros qui seraient fléchés sur le CPF, là où le DIF ne mobilisait que 180 millions d’euros, pris essentiellement sur la collecte du plan de formation21. Certes, l’utilisation d’un tel compte nécessite une aide pour permettre aux travailleurs de discerner les opportunités professionnelles que leur ouvre la formation. La loi du 5 mars prévoit à ce titre la création d’un « conseil en évolution professionnelle » (CEP), accessible à titre gratuit à tout individu. Le CEP va dans le sens d’un meilleur accompagnement des actifs, sur un marché du travail où l’information permettant de construire sa carrière et ses parcours de formation est lacunaire. Concrètement, cette prestation sera assurée gratuitement à l’extérieur de l’entreprise par des opérateurs en charge de l’orientation, tout particulièrement les Fongécif22. Elle doit notamment aider le salarié à s’informer sur les possibilités de formation, sur l’évolution des métiers, d’identifier les emplois correspondant aux compétences et qualifications qu’il a acquises. La création par la loi de l’entretien individuel, au cours duquel chaque salarié fera notamment le point sur ses perspectives d’évolution professionnelle et ses besoins en formation, participe de la même logique. De tels outils peuvent sans doute faire évoluer la culture du monde du travail vis-à-vis de la formation, à condition de n’être pas détournés de leurs finalités. … qui risque fort de ne pas atteindre sa cible De prime abord, le CPF apparaît donc comme un outil utile et pertinent, dont le financement semble sécurisé. Pourtant, dans la configuration prévue, ce dispositif risque de rester une coquille vide, faute d’abondement suffisant. La loi prévoit en effet qu’un actif peut accumuler, en neuf ans, jusqu’à 150 heures sur son CPF, utilisables pour accéder à des formations exclusivement certifiantes ou qualifiantes. Or, 4 RÉFORME DE LA FORMATION PROFESSIONNELLE : ENTRE AVANCÉES, OCCASIONS MANQUÉES ET PARI FINANCIER NOTE 17 Ceci touche en particulier l’utilisation du CPF, qui ne sera possible que dans le cadre de formations dont l’éligibilité doit être préalablement établie par les branches professionnelles, les partenaires sociaux et les régions. 18 Dares, Dares Analyses n° 69, septembre 2011. 19 Le site de la Dares propose une présentation très claire des différents dispositifs : http://travail-emploi.gouv. fr/informations-pratiques,89/les- fiches-pratiques-du-droit-du,91/ formation-professionnelle,118/. 20 Dans ce cas, et contrairement au DIF hors temps de travail, il ne perçoit aucune rémunération. 21 Projet de loi relatif à la formation professionnelle, à l’emploi et à la démocratie sociale – Étude d’impact – 21 janvier 2014. 22 Cette prestation s’adresse également aux chômeurs.
  • 5. ce montant est proche de celui du DIF qui permettait jusqu’alors d’accumuler jusqu’à 120 heures, et s’est avéré très insuffisant pour permettre l’accès à ce type de formations23. Certes, un abondement complémentaire est possible de la part de l’entreprise, mais cet abondement reste facultatif, et il est douteux que les employeurs acceptent aisément de financer des formations qualifiantes, qui peuvent par définition être valorisées auprès d’autres entreprises par les salariés formés. D’autres abondements au CPF peuvent provenir de décisions de branches professionnelles, des régions ou de Pôle emploi, mais leurs montants – soumis à des accords collectifs ou contraints par les marges de manoeuvres budgétaires des acteurs publics – restent très hypothétiques24. En pratique, la suppression de l’obligation légale de dépenser dans le cadre du plan de formation aurait donc dû avoir pour contrepartie un abondement obligatoire plus conséquent des CPF afin de permettre des formations plus longues et d’accroître le pouvoir de négociation des salariés. Ce n’est pas la voie qui a été choisie jusqu’à présent. Un autre défaut du CPF réside dans le caractère indifférencié de son abondement. Alors que les inégalités d’accès à la formation restent un défaut majeur de notre système, le fait de doter chaque salarié avec un nombre d’heures similaire apparaît inéquitable, dans la mesure où les heures de formation des cadres et professions supérieures sont en règle générale plus coûteuses que celles des ouvriers et professions intermédiaires. S’agissant des demandeurs d’emploi, la loi prévoit d’accroître le financement des CPF de 300 millions par l’intermédiaire du FPSPP, une somme qui apparaît limitée au regard de la dépense actuelle de formation pour les chômeurs (environ 4 milliards d’euros, en incluant les coûts de formation et la rémunération des stagiaires) et des besoins exprimés sur le terrain. Pour résoudre ce problème, il eût été possible de moduler l’abondement annuel des CPF en fonction du salaire ou de la qualification. Mais là encore, l’occasion a été manquée. Ceci tient en partie au fait que l’abondement du CPF, comme celui du DIF avant lui, est réalisé en heures et non en euros, ce qui rend techniquement difficile toute mesure de modulation. De surcroît, l’accumulation de droits en heures et non en euros renforce considérablement le doute sur la soutenabilité financière du système, et sur sa capacité à faire face à une demande d’utilisation massive des CPF par les actifs sans fixer de façon centralisée les prix des formations - ce qui nuirait très fortement à la qualité de ces dernières. Une autre limite du CPF réside dans le caractère limitatif des formations qu’il permet de financer. Sont en effet concernées uniquement des formations déterminées comme qualifiantes par les Conseils régionaux et Pôle emploi (pour les chômeurs), les partenaires sociaux et les branches professionnelles (pour les chômeurs et les salariés). Si cette caractéristique semble cohérente avec l’objectif de réorienter les actions de formation vers des stages longs et permettant de véritables réorientations professionnelles, elle risque de limiter mécaniquement les abondements des entreprises, peu enclines à financer des formations valorisables chez d’autres employeurs. De surcroît, ceci ne permettra pas d’exploiter pleinement le levier de dialogue social que constitue l’utilisation du CPF. Certes, la réforme tend à diminuer le caractère unilatéral du plan de formation et à faire de la formation professionnelle un objet de dialogue social dans l’entreprise25. Mais les conditions de ce dialogue auraient été bien différentes si le CPF avait été élargi à des formations autres que qualifiantes pour lui permettre, si un accord est trouvé entre employeur et salarié, de financer des actions de formation plus spécifiques à l’entreprise. Ceci aurait contribué à renforcer le pouvoir de négociation des salariés, puisqu’ils ont la maîtrise de leur CPF. 2.3. Un marché de la formation encore à construire Alors que le nombre de prestataires ne cesse de croître, la question de la qualité de l’offre de formation, maintes fois soulevée par les observateurs du système, constitue un angle mort de la réforme. Ceci est d’autant plus regrettable que cette dernière renforce le caractère administré de l’offre de formation, en donnant aux OPCA et aux partenaires sociaux dans les branches et les régions la responsabilité de la détermination des listes des formations éligibles au CPF, après analyse des besoins en compétence et en formation pour les métiers de la branche. En revanche, la question de la certification de la qualité des formations et des prestataires est restée absente de la réflexion des partenaires sociaux, en amont du projet de loi. Cette question est pourtant essentielle car l’utilisation des CPF doit s’accompagner d’une information sur la qualité des formations et sur les débouchés qu’elles offrent. En l’absence d’une certification indépendante de la qualité des formations, il est à craindre qu’une forte hétérogénéité des prestataires de formation ne subsiste, au détriment du 5 23 Même si l’hétérogénéité des contenus et des durées de formation reste importante, les formations qualifiantes représentent en général un volume proche de 400 heures, voire au-delà. 24 La section 3 de ce document approfondit la question de la soutenabilité financière du CPF. 25 Même si le plan de formation n’est pas directement négocié, il devra s’articuler clairement avec les accords de Gestion Prévisionnelle des Emplois et des Compétences (GPEC) dans les entreprises de plus de 300 salariés. Ces derniers devront en effet comporter des orientations à trois ans sur la formation professionnelle et les objectifs du plan de formation. En outre, la négociation pourra porter sur les montants et les conditions de l’abondement de l’entreprise aux CPF, paramètres qui donneront des marges de manoeuvre aux négociateurs. NOTE RÉFORME DE LA FORMATION PROFESSIONNELLE : ENTRE AVANCÉES, OCCASIONS MANQUÉES ET PARI FINANCIER SEPTEMBRE 2014
  • 6. service rendu aux individus et aux entreprises. Dans un système efficace, toute formation bénéficiant de fonds mutualisés (au titre du CPF, de la professionnalisation ou du CIF) devrait être certifiée sur la base de critères de qualité incluant à la fois les moyens mis en oeuvre et l’impact des formations sur les trajectoires professionnelles. Dans la mesure où les administrations publiques en charge du contrôle des prestataires de formation ne disposent pas des moyens nécessaires, il est souhaitable de faire émerger un marché de la certification, à l’instar de ce qui a été mis en place en Allemagne dans le cadre des lois Hartz (2003-200526). Dans le système allemand, les prestataires sont certifiés par des agences, elles-mêmes accréditées par un organisme d’accréditation national. Les agences certifient les organismes de formation et les formations sur la base de critères définis par l’organisme d'accréditation. Le but de ce système de certification en deux étapes est de faire émerger rapidement un marché de la certification, en faisant jouer la concurrence entre les agences. Au sein de l’organisme d’accréditation, un comité de pilotage de l’accréditation des agences associe des représentants de l’État et des partenaires sociaux, mais aussi des représentants des associations de prestataires de formation et des experts indépendants. L’encadré 1 ci-dessous décrit les modalités du système de certification allemand. Les conséquences de ce système sur la restructuration du marché ont été radicales, puisqu’il existe aujourd’hui moins de 4 000 prestataires certifiés en Allemagne, contre plus de 10 000 au début des années 2000. 6 RÉFORME DE LA FORMATION PROFESSIONNELLE : ENTRE AVANCÉES, OCCASIONS MANQUÉES ET PARI FINANCIER NOTE 26 Les réformes Hartz (Loi Hartz I du 1er janvier 2003 ; Loi Hartz II du 1er avril 2003 ; Loi Hartz III du 1er janvier 2004 et Loi Hartz IV du 1er janvier 2005), inspirées par Peter Hartz, ancien DRH de Volkswagen, ont profondément réformé le marché du travail allemand. 27 Les informations contenues dans cet encadré sont principalement issues du document suivant : Assuring quality in vocational education and training : the role of accrediting VET providers, CEDEFOP References series, n° 90, 2011. Encadré 1 : la certification des formations en Allemagne27 En Allemagne, des réflexions approfondies ont été menées pour améliorer la qualité de l’offre de formation car, à la suite de la réunification, un marché de la formation très important s’est développé, sans que la certification suive. Les modalités de l’accréditation des agences et de la certification des prestataires, qui ont été mises en place à la suite des réformes Hartz, peuvent constituer une source d'inspiration pour la France. L’accréditation des agences de certification se fait à partir d’une analyse des moyens mis en oeuvre, de l’organisation de l’agence et de la méthodologie appliquée pour certifier les formations. Des mécanismes d’inspection auprès des prestataires dont les formations ont été certifiées par l’agence complètent cette analyse documentaire et entrainent des sanctions pour l’organisme certificateur si la certification a été accordée de façon trop laxiste. Les critères de la certification des prestataires reposent notamment sur les éléments suivants : la surface financière et la réputation du prestataire de formation ; la prise en compte des tendances du marché du travail et de l’évolution des métiers en tension dans la construction des contenus de formation ; la qualité des formateurs et des fonctions support (accueil, suivi et éventuellement hébergement des stagiaires). S’agissant de la certification des formations, le système allemand intègre comme critères : le nombre et la qualification des formateurs ; l’existence de modules d’examen et de certificats de qualification pour les stagiaires ; le niveau de dépense par stagiaire ; la durée de la formation spécifiquement dédiée aux objectifs pédagogiques ; la mise en situation professionnelle dans le cadre de la formation. Dans le système français actuel, une partie de ces éléments figure déjà dans le bilan pédagogique et financier que les prestataires de formation agréés doivent remplir chaque année. Mais en pratique le contenu du bilan pédagogique et financier n’a pas de conséquence sur le maintien de l’agrément. Il s’agit donc de mettre en place des critères plus sévères, fondés en partie sur l’insertion et le devenir professionnels des stagiaires. En France, l’accréditation des agences pourrait être donnée pour une durée limitée, renouvelable tous les cinq ans. Les prestataires de formation et les formations seraient également certifiés pour des durées renouvelables. Les prestataires de formation choisissent l'agence qui les supervise et doivent changer d'agence à chaque renouvellement de certification pour limiter la collusion entre les organismes certificateurs et les prestataires de formation.
  • 7. Au regard de cet agenda exigeant et indispensable pour rehausser l’efficacité d’ensemble du système, on ne peut que regretter l’extrême modestie du texte de l’ANI, qui se contente de stipuler (art. 12) que « les branches professionnelles conduisent une politique d’amélioration de la qualité de la formation au service des entreprises et des salariés. À cette fin, elles veillent à ce que les OPCA prennent les dispositions nécessaires pour s’assurer de la qualité des formations qu’ils financent ou cofinancent »… On peut difficilement imaginer formulation moins contraignante pour les organismes paritaires. 3. De nombreuses interrogations subsistent sur la soutenabilité et l’efficacité du nouveau système Un point essentiel de la réforme réside dans la capacité du système à abonder correctement les CPF et à permettre leur utilisation par le plus grand nombre d’actifs possible. En dépit des limites évoquées plus haut, ce dispositif constitue un outil important, à condition d’être correctement financé et de permettre l’accès à des formations longues. Dans cette section, nous approfondissons la question de la soutenabilité financière du CPF. 3.1. Des interrogations relatives au bouclage financier du CPF La création du CPF entraîne un véritable bouleversement dans le système de formation professionnelle, non pas tant par son principe général (le DIF était déjà un compte personnel), mais par sa volumétrie potentielle et, surtout, par la nature des formations éligibles. Ainsi, tandis que les formations correspondant aux actions du plan de formation et du DIF étaient très courtes et entraient majoritairement dans la catégorie des formations d’adaptation au poste de travail, le CPF ne pourra financer que des formations qualifiantes, donc beaucoup plus longues. Conscients que la contribution dédiée de 0,2 % ne suffira sans doute pas à assurer le bouclage du système, l’ANI et la loi en appellent, d’une part, à des financements complémentaires par Pôle emploi, l’Unédic, l’État et les régions pour les chômeurs et, d’autre part, aux entreprises, à l’Etat, aux régions et aux salariés eux-mêmes pour les actifs en emploi. Cela étant, le financement de la formation professionnelle des adultes en emploi par les régions est aujourd’hui proche de zéro. On peut penser, qu’à l’avenir, aussi bien leurs contraintes budgétaires que la situation de l’emploi les amèneront à continuer de se concentrer sur la formation des chômeurs. Par ailleurs, l’abondement des CPF par l’État peut être considéré comme assez hypothétique, car on voit mal ce dernier investir budgétairement le champ de la formation professionnel des salariés dans les années à venir. Quant à l’abondement par les salariés eux-mêmes, il supposerait une véritable rupture culturelle sur laquelle il serait hasardeux de miser. Au total, c’est évidemment sur les entreprises que vont se concentrer les aléas du bouclage financier. Dans le nouveau système comme dans l’ancien, en effet, le financement de la formation professionnelle des salariés repose de fait essentiellement sur les entreprises, en direct ou via les OPCA. C’est le cas notamment pour toutes celles qui jusqu’à aujourd’hui s’en tenaient à la stricte obligation légale de 1,6 %, dont 0,9 % pour le plan de formation. Concrètement, les aléas sur lesquels repose le bouclage financier du système sont de plusieurs ordres : Le volume de la rémunération des stagiaires, qui dépend naturellement du taux de recours au CPF : celle-ci ne sera pas prise en compte dans le financement du CPF par les OPCA dans le cadre du 0,2 % (sauf pour les entreprises de moins de dix salariés, qui bénéficient d’un traitement de faveur dans la réforme), alors même qu’elle était intégrée dans l’obligation de 0,9 % du plan. Ce point n’est pas anecdotique puisqu’aujourd’hui les entreprises de plus de dix salariés consacrent environ 2,8 milliards d’euros au maintien de la rémunération de leurs salariés en formation28. Le coût de l’heure de formation : souvent réalisées en interne, les formations du plan de formation seront maintenant le plus souvent réalisées par des organismes extérieurs, s’agissant de formations plus longues et qualifiantes29. Il pourra en résulter des surcoûts par rapport à la situation actuelle. La nature des formations éligibles : satisfera- t-elle totalement l’entreprise, alors même que les listes seront fixées « en dehors » d’elle ? Dans la négative, il faudra bien que l’entreprise finance (en sus du 1 %) des formations qui ne seront pas éligibles mais dont elle aurait besoin dans son plan de formation. 7 28 Jaune formation professionnelle annexé au PLF 2014. 29 À cet égard, on ne sera pas surpris par l’enthousiasme pour la réforme qu’a manifesté la fédération de la formation professionnelle (FFP), regroupant les grands opérateurs de formation. NOTE RÉFORME DE LA FORMATION PROFESSIONNELLE : ENTRE AVANCÉES, OCCASIONS MANQUÉES ET PARI FINANCIER SEPTEMBRE 2014
  • 8. L’abondement financier du CPF par l’entreprise en vertu d’un accord de branche ou d’une décision de son OPCA pour des raisons d’équilibre financier du système (voir ci-dessous scénario 3), ce qui l’amènerait là encore à verser davantage que le 1 %. La proportion des heures de formation réalisées hors temps de travail (donc non rémunérées), qui est aujourd’hui extrêmement faible30. Elle pourrait augmenter dans le cas du CPF puisque le salarié peut dans ce cas décider seul de la mobilisation de ses droits. Toutefois, parvenir à une forte proportion de salariés désireux de réaliser des actions de formation de longue durée (typiquement plusieurs centaines d’heures) supposerait un changement culturel notable dans notre pays. À notre connaissance, il n’y a pas eu d’étude d’impact financier sous forme de tableau emplois- ressources, ni de la part des partenaires sociaux ni de l’Etat, ce qui compte tenu des sommes en jeu et des risques associés peut paraître très imprudent. Les rapports parlementaires autour du projet de loi ne s’aventurent pas davantage à donner des chiffrages31. De rapides calculs résumés dans l’encadré 2 ci-dessous montrent néanmoins que si le dispositif rencontre quelque succès, les financements dédiés seront insuffisants. Dès lors se posera la question des abondements. Comme on le voit, la soutenabilité financière du CPF est largement sujette à caution. Il y a déconnexion entre l’abondement « physique » (20 heures par an pendant six ans puis 10 heures par an pendant trois ans), qui permettra d’afficher des comptes bien garnis, et l’abondement financier du système. Aucun mécanisme ne permet l’ajustement de l’abondement financier à l’abondement « physique », l’ANI et la loi se bornant à renvoyer à des abondements complémentaires. On sait que la création de droits opposables non financés est un lieu commun de nombreuses politiques sociales (retraites par répartition, santé, chômage…) mais c’est généralement l’endettement qui assure l’adéquation entre l’offre et la demande de fonds. L’endettement étant ici exclu comme mode de régulation (les OPCA ne peuvent pas s’endetter, ce dont on peut par ailleurs se féliciter), quels sont les scénarios de bouclage du système ? C’est un jeu complexe comportant quatre niveaux de négociation (interprofessionnels, branches, OPCA, entreprises) articulés avec le comportement des salariés qui doit permettre la régulation du système. Concrètement, les entreprises peuvent espérer que le jeu des négociations sociales ne leur imposera pas ou peu d’obligations supplémentaires au niveau des branches. Les syndicats, en revanche, espèrent que le renforcement des droits des salariés et un changement culturel par rapport à l’acte de se former forceront le système à dégager des moyens supplémentaires. Dans ce cadre, on peut schématiquement envisager trois scénarios de bouclage. Dans le premier scénario, « à la DIF », le CPF ne décolle pas. Certes, il aura nécessairement plus de succès que le DIF dans la mesure où il bénéficie d’un financement dédié et a vocation à remplacer une partie des actions de formation du plan de formation. Néanmoins, le taux d’accès reste modeste, par manque d’information ou par manque d’appétence des salariés. Dans ce cas, les financements prévus seraient suffisants, les entreprises et les branches n’ayant pas à mettre en place de financements supplémentaires autres que le paiement des rémunérations des stagiaires. Cette situation pourrait être favorisée si les branches et les OPCA, conscients du risque financier considérable, établissaient des listes restrictives de formations éligibles, décourageant ainsi les salariés de mobiliser leur CPF et les employeurs d’abonder les comptes. Il en résulterait une diminution de l’effort global des entreprises et une diminution notable des heures de formation par rapport à l’existant en matière de plan de formation et de période de professionnalisation. Le deuxième scénario est « pénurique ». Les salariés montrent une forte appétence pour le CPF, mais les employeurs parviennent à contenir les tentatives des syndicats de créer des abondements supplémentaires dans les branches, scénario d’autant plus probable que le Médef a « vendu » aux entreprises l’idée que la réforme devait globalement diminuer leurs charges. Le système deviendrait alors à deux vitesses. Dans les entreprises les plus riches et ayant une forte politique RH, des accords conduisant à des abondements généreux au CPF permettent de faire face aux demandes. Dans les autres entreprises, généralement des PME, la demande des salariés excède les financements. Dès lors se mettent en place des dispositifs de type file d’attente, avec risques de contentieux de salariés mécontents de ne pas pouvoir mobiliser leurs droits. Enfin, dans un troisième scénario, qu’on pourrait qualifier d’« explosif », le système est un 8 RÉFORME DE LA FORMATION PROFESSIONNELLE : ENTRE AVANCÉES, OCCASIONS MANQUÉES ET PARI FINANCIER NOTE 30 D’après le Céreq, la proportion des heures de formation réalisées hors temps de travail aurait été de 4 % en 2011, Quand la formation continue, édition 2014. 31 Il convient de noter qu’à peine trois semaines ont séparé la transmission du projet de loi au Parlement et le vote du texte en première lecture, délai qui n’a laissé que peu de temps aux parlementaires pour procéder à un travail approfondi.
  • 9. 9 32 Par comparaison, le coût moyen pris en charge aujourd’hui par un OPCA pour une action de formation dans le cadre du plan de formation est de 34 E pour les entreprises de plus de 50 salariés, 32 E pour les entreprises entre 10 et 19 salariés, et de 25 E pour les entreprises de moins de 10 salariés (source : annexe formation professionnelle au PLF 2014). NOTE RÉFORME DE LA FORMATION PROFESSIONNELLE : ENTRE AVANCÉES, OCCASIONS MANQUÉES ET PARI FINANCIER SEPTEMBRE 2014 Encadré 2 : Le financement du CPF pour les salariés – quelques ordres de grandeurs En l’absence de données sur le comportement des acteurs, la simulation ci-dessous n’est qu’indicative et n’est censée fournir que des ordres de grandeurs. Toutefois, elle repose délibérément sur des hypothèses prudentes tendant à minorer le coût du dispositif. Durée des formations : elles seront vraisemblablement bien plus longues que celles qui sont utilisées dans le cadre des actuels DIF et plans de formation (respectivement 22,5 et 45 heures en 2011), dans la mesure où les formations éligibles au CPF seront obligatoirement qualifiantes ou certifiantes. La durée des formations de ce type est très variable selon les branches, mais elle est rarement inférieure à 150 heures. Dans certaines branches, il n’existe pas de formations qualifiantes de moins de 400 heures (ex : branche du spectacle vivant). On retient ici une hypothèse (très) basse sur la durée moyenne d’une formation certifiante : 150 heures. Hypothèse basse sur le nombre de salariés concernés chaque année. D’après le gouvernement, le nombre de CPF ouverts serait de 22,5 millions dès le début 2015, soit au moins 20 millions de CPF détenus à une date donnée par des salariés non chômeurs au moins une partie de l’année et donc susceptibles de mobiliser leur CPF. Supposons qu’au cours de sa carrière professionnelle de 42 ans, chaque salarié ait recours deux fois à une formation en mobilisant son CPF. Le taux de recours serait donc de 2/42 = 4,8 % (ce qui serait un taux de recours comparable à celui du DIF, estimé à 4,9 % en 2011 par la Dares). Chaque année, environ 1 million de formations seraient donc réalisées et devraient être financées pour des salariés dans le cadre de leur CPF. Hypothèse basse sur le coût d’une heure de formation réalisée par un prestataire externe + frais annexes (ex. transport, hébergement…) : 25 euros32. Hypothèse moyenne sur le coût de la rémunération maintenue durant le stage : 17 euros par heure (situation actuelle), avec une hypothèse optimiste selon laquelle 10 % des heures de formation seraient réalisées hors temps de travail (contre 4 % aujourd’hui), donc sans rémunération. Le besoin potentiel serait, sur cette base, de l’ordre de 150 millions d’heures de formation (contre 161 millions dans le cadre de l’actuel plan de formation) pour un coût de 6 milliards d’euros par an, rémunérations comprises. Compte tenu des hypothèses très prudentes retenues, notamment sur la durée moyenne des formations éligibles, ce coût doit être considéré comme un minimum. Au regard de ces besoins potentiels, la loi prévoit explicitement les financements suivants : 900 ME via la contribution de 0,2 % dédiée ; Des fonds de la professionnalisation : 300 ME correspondant à la suppression des périodes de professionnalisation non qualifiantes. Mais en sens inverse, la diminution de la collecte sur la section professionnalisation jette un doute sérieux sur sa capacité à dégager ces 300 millions pour le CPF. Nous supposerons de manière optimiste que 150 millions d’euros pourront être orientés vers le CPF par cette voie. Des abondements des régions et de l’État, dont on a vu le caractère assez illusoire, et dont nous considérons dans cette simulation qu’ils sont nuls. Des abondements des entreprises au-delà du 0,2 % sur la base d’accords collectifs ou de décisions prises par l’OPCA. Selon ces hypothèses, les financements mutualisés par les OPCA sur la base des contributions minimales des entreprises seront donc d’environ 1 milliard d’euros. Il faudra donc que les entreprises, soit volontairement, soit via des abondements complémentaires imposés par les branches et/ou les OPCA, financent les CPF à hauteur d’au moins 2,5 milliards d’euros supplémentaires. À ces 2,5 milliards s’ajouterait le financement des rémunérations, pour environ 2,5 milliards d’euros additionnels. En tout, il faudrait donc ajouter au moins 1 point de masse salariale. Et c’est sans compter les éventuelles formations que l’entreprise pourrait avoir à financer en plus sur son plan de formation si les listes de formations éligibles au CPF ne lui permettaient pas de poursuivre une politique de formation adaptée à ses besoins. Ajouté au 1 % de contribution obligatoire, l’effort des entreprises de plus de 10 salariés monterait alors à plus de 2 % de la masse salariale. Certes, cela resterait inférieur à la moyenne actuelle de 2,73 %, mais ce mouvement entraînerait un surcoût important pour de nombreuses PME qui sont aujourd’hui bien en-dessous de cette proportion et qui sont alignées sur le niveau de l’obligation légale, soit 1,6 %.
  • 10. succès et le rapport des forces de la négociation est favorable aux syndicats, aidés en cela par des succès remportés au contentieux par des salariés réclamant leur droit à la formation. Les branches et les entreprises sont forcées de fixer des taux de contribution des entreprises bien supérieurs au 1 %, plus élevés, dans certaines branches que l’actuel 1,6 %. Le nombre global d’heures de formation dispensées est plus élevé qu’aujourd’hui, le coût de l’heure de formation est renchéri du fait du passage quasi automatique par un organisme de formation extérieur à l’entreprise, ainsi que le nombre moyen d’heures par formation, mais la charge pesant sur les entreprises est également plus forte. 3.2. Interrogations relatives aux frais de gestion des OPCA La réforme étend très sensiblement le champ de compétence des OPCA. En effet, ceux-ci se voient largement confortés dans leur rôle de conseil de proximité aux entreprises, (qui pourra s’étendre explicitement à l’activité de conseil dans l’élaboration du plan de formation) et de promotion et d’ingénierie en matière de Gestion Prévisionnelle de l’Emploi et des Compétences (GPEC) territoriale. En outre, ils seront les opérateurs des branches dans toutes les tâches mises en exergue par l’ANI : systématisation des observatoires des métiers et des qualifications, construction d’une GPEC de branche, élaboration de guides méthodologiques pour les entretiens professionnels, etc. Ils doivent en outre jouer un rôle important dans le cadre du nouveau « conseil en évolution professionnelle ». Dès lors se repose la question de leurs frais de gestion (aujourd’hui de l’ordre de 10 % de la collecte, soit environ 600 ME), qui viennent naturellement en déduction des financements disponibles pour les actions de formation. Les partenaires sociaux n’ont d’ailleurs pas manqué, dans le texte de l’ANI, d’en appeler à la prise en compte de ces nouvelles missions dans la fixation des plafonds des frais de gestion dans les futures conventions d’objectifs et moyens (COM) conclues entre les OPCA et l’État33. Cette explosion attendue des frais de gestion n’est pas anormale en soi si elle ne fait que couvrir de manière efficace les missions nouvelles des OPCA. Elle devra cependant être étroitement surveillée afin d’éviter les dérives de gestion et les inefficacités de tous ordres qui avaient pu être constatées dans certains OPCA en 2011 lors de la négociation des COM de la première génération. Il appartiendra à l’État, lors des prochaines générations de COM, de s’assurer que ces frais resteront maîtrisés. 3.3. Interrogations concernant les moyens effectivement dégagés pour la formation des chômeurs Aussi bien l’ANI que l’exposé des motifs de la loi affirment que les ressources globales consacrées à la formation des chômeurs se trouveront accrues grâce à la réforme. Ainsi, le CPF sera sans aucun doute plus maniable et plus facilement portable que le DIF, augmentant ainsi la possibilité des chômeurs d’y avoir recours. De fait, environ 300 ME du FPSPP seront fléchés explicitement vers la formation des chômeurs via des abondements de leur CPF. En outre, les régions, l’État et Pôle emploi sont invités à fournir des ressources complémentaires pour réussir le bouclage financier. Pourtant, un examen attentif du dispositif amène à douter de la réalité de cette affirmation. D’une part, ces fonds ne feront essentiellement que se substituer à ceux qui étaient déjà fléchés en tout ou partie vers les chômeurs : préparation opérationnelle à l’emploi, appels à projets finançant notamment des formations qualifiantes destinées aux titulaires d’un contrat de sécurisation professionnelle34 D’autre part, les contraintes financières des régions et de Pôle emploi font qu’il est assez inévitable que leurs abondements au CPF se substituent aux dispositifs qu’ils financent aujourd’hui. Au total, l’impact réel de la réforme sur les ressources consacrées à la formation des chômeurs est assez incertain. 3.4. Interrogations concernant l’efficacité de l’architecture institutionnelle Le nouveau système repose de manière cruciale sur une forte mobilisation des branches, à savoir : leur capacité à construire des observatoires des métiers et des compétences, porter un diagnostic et une stratégie de GPEC de branche, capacité politique à négocier des taux de contribution des entreprises supérieurs au minimum. Or, on sait que la plupart des quelques 350 branches professionnelles ne sont pas aujourd’hui en mesure de se saisir de ces compétences, tant du fait de la faiblesse endémique du dialogue social que de la faiblesse de leur expertise35. Au-delà de la question des branches et de leur capacité à remplir les obligations, on peut s’interroger sur l’extrême rigidité et multiplicité des institutions intervenant dans la régulation du système via la détermination des listes de formations éligibles 10 RÉFORME DE LA FORMATION PROFESSIONNELLE : ENTRE AVANCÉES, OCCASIONS MANQUÉES ET PARI FINANCIER NOTE 33 Depuis la loi du 24 novembre 2009, les OPCA doivent s’engager avec l’État à respecter un certain nombre de règles de bonne gestion via des conventions d’objectifs et de moyens (COM). C’est notamment le cas des frais de gestion, qui sont strictement encadrés dans ces documents. Faute du respect de leurs engagements, les OPCA peuvent se voir retirer leur agrément. 34 Certes, les titulaires d’un CSP ne sont pas des chômeurs au sens de Pôle emploi puisque classés en catégorie D (stagiaires de la formation professionnelle, non disponibles pour occuper un emploi…). Ils sont toutefois dans la même situation objective que les demandeurs d’emploi et bénéficiaires d’un accompagnement renforcé comportant notamment des actions de reconversion intégrant la formation professionnelle. 35 Le fait que certaines d’entre elles aient recours à l’État pour les aider à établir des diagnostics en matière d’emplois et de GPEC dans le cadre des dispositifs « engagements pour le développement de l’emploi et des compétences » (EDEC) est à cet égard très révélateur.
  • 11. NOTE Institut Montaigne 38, rue Jean Mermoz - 75008 Paris Tél. +33 (0)1 58 18 39 29 Fax +33 (0)1 58 18 39 28 www.institutmontaigne.org www.desideespourdemain.fr www.chiffrages-dechiffrages2012.fr www.banlieue-de-la-republique.fr www.conferencedecitoyens.fr Directeur de la publication : Laurent Bigorgne Conception : latoutepetiteagence Réalisation : DERNIÈRES PUBLICATIONS Emploi : le temps des (vraies) réformes Une nouvelle ambition pour l’apprentissage : 10 propositions concrètes Améliorer l’équité et l’efficacité de l’assurance chômage R É F O R M E D E L A F O R M AT I O N P R O F E S S I O N N E L L E : E N T R E A V A N C É E S , O C C A S I O N S M A N Q U É E S E T PA R I F I N A N C I E R au CPF. Car, outre celles qui seront fixées par les organes des branches professionnelles ou les conseils d’administration des OPCA, des listes seront arrêtées également par le conseil paritaire national de l’emploi et de la formation professionnelle au niveau national et, dans chaque région, par les comités paritaires régionaux de l’emploi et de la formation professionnelle. Dans le cas des chômeurs, les listes seront arrêtées d’une part par le comité national paritaire de la formation professionnelle et de l’emploi et, d’autre part, par le comité paritaire régional, après consultation du comité régional de l’emploi, de la formation et de l’orientation professionnelle (CREFOP). La loi précise que, dans ce dernier cas, « cette liste régionale est élaborée à partir du programme régional de formation des régions et de Pôle emploi ». Au total, cette comitologie très lourde ne va certainement pas dans le sens de la simplicité. S’agissant des chômeurs, on pourra s’interroger sur l’intérêt d’une cascade de comités qui minore le rôle de Pôle emploi, qui est pourtant l’opérateur le mieux à même de savoir quels sont les besoins de formation sur un marché du travail local. Au total, il n’est pas sûr qu’il y ait adéquation entre la souplesse nécessaire de l’offre de formation pour faire face aux mutations économiques et la rigidité, la représentativité et la multiplicité des structures intervenant dans la gestion du CPF. En résumé L’examen de la loi du 5 mars 2014 suggère qu’une réforme plus ambitieuse de la formation professionnelle sera nécessaire en France dans les années qui viennent. Cette réforme devrait viser à mettre en relation directement les individus avec les prestataires de formation. Un tel système suppose des mécanismes de certification indépendante permettant de révéler en partie la qualité des formations. Il suppose également un accompagnement de qualité pour les salariés et les demandeurs d’emploi dans leurs parcours de formation, ainsi qu’un dialogue social actif permettant d’anticiper les mobilités internes ou externes36. 36 Voir notamment pour des propositions détaillées : Pierre Cahuc, Marc Ferracci, André Zylberberg (2011), op.cit.