Tribune de Bruno Poulin, Président d'Ossiam, société de gestion spécialiste du smart beta et des ETF de stratégie, sur les « robo-advisors ». Retrouvez cette tribune dans l'Agefi Hebdo du 22 - 28 octobre 2015.
Turkey needs less money in politics and less politics in court
Il ne faut pas avoir peur des « robo-advisors »
1. 6 L’agefi hebdo / du 22 au 28 octobre 2015
L
e plus grand gestionnaire d’actifs peut-il se
passer d’un « robo-advisor » ? Eh bien non !
Fin août, BlackRock a annoncé l’acquisi-
tion de Future Advisor. Rappelons qu’un
robo-advisor est une société qui utilise des modèles
informatiques pour analyser et gérer, à l’aide d’ETF
(exchange-traded funds) et de fonds indiciels, des
portefeuillesdeclientsindividuelsenfonctiondeleur
profil, pour des frais annuels de 0,35 % maximum.
BlackRock suit donc le mouvement initié aux
Etats-UnisparsesconcurrentsSchwabetFidelity,qui
ont créé leurs robo-advisors internes ou se sont rap-
prochés d’un acteur existant. A l’échelle américaine,
les encours sont aujourd’hui anecdotiques (estimés
par Corporate Insight à 21 milliards de dollars au
30 juin 2015), mais l’objectif affiché est d’être en
mesure de gérer à terme l’ensemble du patrimoine
et de la retraite des jeunes générations « digitales »,
celles qui sont « prêtes à payer pour ne jamais par-
ler à un banquier ou à un conseiller financier ». Le
cabinet AT Kearney estime que les robo-advisors
pourraient gérer 2.200 milliards de dollars en 2020.
En début d’année, lors d’une conférence, l’un des
conseillers en gestion de patrimoine américains les
plus respectés, Ric Edelman, en est donc venu à
exhorter ses fidèles à se réinventer ou à disparaître.
Faut-il donc s’attendre à la fin des conseillers financiers ?
Certains investisseurs continueront à préférer la
sélection individuelle d’actions ou l’utilisation de fonds gérés de
manière discrétionnaire. Pour les autres, le premier test grandeur
natureaeulieu :pendantlesfortsmouvementsdemarchéenaoût,
les robo et les conseillers financiers ont eu exactement la même
réaction : ils ont envoyé un e-mail à leurs clients leur recomman-
dantdenepaspaniquer!Faceàcettemenace,lemarchéaméricain
des conseillers traditionnels se réorganise : les financial advisors se
regroupent et s’équipent de moyens, notamment informatiques,
permettant de répondre également aux besoins de ce type de clien-
tèle, et de proposer des stratégies d’allocation comparables.
Que va-t-il se passer en Europe ?
Si la robotisation de la finance américaine à l’attention des par-
ticuliers semble inéluctable, la situation est différente en Europe.
L’Europe n’a pas connu de révolution des OPCVM
comme aux Etats-Unis. La culture financière des
clients individuels n’est pas comparable. Et surtout,
la structure du marché est très différente. En atten-
dant l’architecture ouverte et la fin des rétrocessions,
la plupart des acteurs de la gestion d’actifs, qu’ils
dépendentdebanquesoud’assurances,ontferméles
écoutilles. Les produits « maison » sont privilégiés
et les ETF et fonds indiciels restent l’apanage des
investisseurs institutionnels. En France, des socié-
tés telles que FundShop, Yomoni, Advize, Anatec et
Marie Quantier se positionnent sur le créneau des
robo-advisors,maisdemanièremoinsdisruptiveque
leurs homologues américains. Les frais totaux payés
par les investisseurs y sont sensiblement plus élevés,
du fait par exemple du caractère incontournable de
l’enveloppe assurance-vie, de la présence de gérants
conseils ou de l’utilisation de fonds traditionnels.
Leur émergence est-elle dans l’intérêt des investisseurs ?
Ilestaujourd’huicommunémentadmisquelavaleur
d’unprocessusd’investissementreposepourunepart
importante sur l’allocation entre classes d’actifs, sec-
teursouzonesgéographiques,tandisquelepurstock-
picking discrétionnaire est cher et apporte rarement
uneperformanceconsistantedansletemps.Acetitre,
un outil facile d’accès, peu coûteux, adapté au profil
patrimonial de chacun, qui automatise les opérations
de maintenance (rebalancement du portefeuille, réin-
vestissement), propose une allocation de portefeuille choisie et des
reportings de qualité ne peut être qu’une bonne nouvelle.
Derrière cette probable homogénéité de façade, c’est bien le
cœurdusystème,c’est-à-direlaqualitédesalgorithmesd’allocation
de portefeuille, qui opérera la discrimination, de la même manière
que pour les gérants traditionnels.
Cependant, si Schwab propose gratuitement son allocation, il
utilise des sous-jacents principalement sponsorisés par Schwab, et
plus coûteux que ceux de ses concurrents. Future Advisor va-t-il
utiliseruniquementdessous-jacentsBlackRock,mêmes’ilsnesont
pas nécessairement les meilleurs ?
L’architecture fermée tant décriée, une fois sortie par la porte,
reviendra-t-elle par la fenêtre numérique des robo-advisors ? n
Il ne faut pas avoir peur
des « robo-advisors »
Leur apport, encadré, sera indéniable...
sauf s’ils pérennisent l’architecture fermée.
Un outil
facile d’accès,
peu coûteux,
adapté au profil
patrimonial
de chacun...
Bruno Poulin,
président, associé
fondateur d’Ossiam
DR
F O R U M
L’invité de L’Agefi