La campagne nouvel eldorado des touristes ? Julie RIEG
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Destination Campagne 30 et 31 janvier 2020 - Conférence
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- 1. #DestCamp1 Destination Campagne 30 & 31 janv 2020 Gaillac Slides disponibles sur https://destination- campagne.net La campagne, nouvel eldorado des touristes ? Julie Rieg, sociologue
- 2. #DestCamp1 Destination Campagne 30 & 31 janv 2020 Gaillac Slides disponibles sur https://destination- campagne.net Notre rapport à la nature Les sources de l’Huveaune sur Instagram Construction d’une route en Dordogne
- 3. #DestCamp1 Destination Campagne 30 & 31 janv 2020 Gaillac Slides disponibles sur https://destination- campagne.net Les impacts de cette logique dominante Chaque jour en France, 160 hectares de terre et de bois disparaissent. Source : DATAR, 2011 Depuis 10 ans, 42 % des espèces d’oiseaux et de plantes terrestres sont en déclin, 71 % des espèces de poissons, 60 % des espèces d’amphibiens. Source : GIEC, 2019 La dépression touche 10% des Français. Source : AP-HM, 2018 Urbanisation, artificialisation Changement climatique Déclin de la biodiversité Inégalités sociales Mal-être individuel Inégalités territoriales
- 4. #DestCamp1 Destination Campagne 30 & 31 janv 2020 Gaillac Slides disponibles sur https://destination- campagne.net Tendance 1 Le retour de la nature en ville La trame verte, Paris L’immeuble-forêt de l’architecte Stefano Boeri, Milan
- 5. #DestCamp1 Destination Campagne 30 & 31 janv 2020 Gaillac Slides disponibles sur https://destination- campagne.net Tendance 2 Le désir d’une alimentation bio et locale La consommation d’au moins un produit non-alimentaire bio est passée de 68% en 2015 à 76% en 2018. Source : Agence BIO, 2018 77 % des consommateurs déclarent essayer d’acheter des produits locaux aussi souvent que possible. Source : Kantar media, 2019
- 6. #DestCamp1 Destination Campagne 30 & 31 janv 2020 Gaillac Slides disponibles sur https://destination- campagne.net Tendance 3 Les nouveaux régimes alimentaires 5% des Français seraient végétariens ou vegans. Source : Opinion Harris Interactive, 2017 50% des Français déclarent vouloir augmenter leur consommation de produits végétaux. Source : Ifop Lesieur, 2017
- 7. #DestCamp1 Destination Campagne 30 & 31 janv 2020 Gaillac Slides disponibles sur https://destination- campagne.net Tendance 4 Les protestations citoyennes EuropaCity (Ile-de- France) Chambord Country Club (Centre-Val de Loire) Bergerie Surf Camp (Loire Atlantique)
- 8. #DestCamp1 Destination Campagne 30 & 31 janv 2020 Gaillac Slides disponibles sur https://destination- campagne.net Tendance 5 Un nouvel attrait pour la campagne En 2018, 81% des Français déclarent que vivre à la campagne représente la vie idéale. Ils n’étaient que 65% en 2008. Chaque année depuis 2006, pas loin de 100 000 citadins s’installent à la campagne. Sources : Ifop, 2018
- 9. #DestCamp1 Destination Campagne 30 & 31 janv 2020 Gaillac Slides disponibles sur https://destination- campagne.net Tendance 6 La déconnexion, la lenteur, le bien-être 6 Français sur 10 ont le sentiment de ne pas prendre assez de temps pour s’occuper de soi. Source : Ipsos, 2016 53 % des Européens disent qu’ils souhaiteraient lever le pied lorsqu’ils visitent un pays. Source : Ipsos, 2016 Se balader 86% Bien dormir 76% Sortie culturelle 76% Bricoler 62% Activité sportive de détente 65%
- 10. #DestCamp1 Destination Campagne 30 & 31 janv 2020 Gaillac Slides disponibles sur https://destination- campagne.net Tendance 7 Le tourisme à la campagne Les Français plébiscitent de plus en plus la campagne qui obtient 24 % (+3 pts par rapport à 2018) et la montagne avec 23 % (+5 pts par rapport à 2018). Source : Ipsos / Europ Assistance, 2019 Sports nautiques Activités familiales Cours / ateliers
- 11. #DestCamp1 Destination Campagne 30 & 31 janv 2020 Gaillac Slides disponibles sur https://destination- campagne.net Tendance 8 Le tourisme écologique 15 % des Français ont déjà fait du tourisme écologique en France. 39 % des Français sont intéressés par le tourisme écologique (appelé aussi vert). Source : Ipsos, 2019 Culture Expériences Altruisme
- 12. #DestCamp1 Destination Campagne 30 & 31 janv 2020 Gaillac Slides disponibles sur https://destination- campagne.net Des individus conscients Changement climatique Inégalités sociales Mondialisation Multiplication des offres
- 13. #DestCamp1 Destination Campagne 30 & 31 janv 2020 Gaillac Slides disponibles sur https://destination- campagne.net Et des comportements contradictoires ou ?
- 14. #DestCamp1 Destination Campagne 30 & 31 janv 2020 Gaillac Slides disponibles sur https://destination- campagne.net Pour certains, de vraies actions mises en œuvre Selon les études, nous sommes entre 12 et 25% à agir concrètement en faveur de l’environnement, de l’entraide sociale et du développement personnel. 25% de créatifs culturels en France en 2019 Source : Ariane Vitalis 12% d’écolos en 2017 Source : ADEME
- 15. #DestCamp1 Destination Campagne 30 & 31 janv 2020 Gaillac Slides disponibles sur https://destination- campagne.net Les créatifs culturels en 2030 ?
- 16. #DestCamp1 Destination Campagne 30 & 31 janv 2020 Gaillac Slides disponibles sur https://destination- campagne.net Offrir une expérience responsable et personnalisée Responsabilité Improvisation Immersion Repos, rythme lent
- 17. #DestCamp1 Destination Campagne 30 & 31 janv 2020 Gaillac Slides disponibles sur https://destination- campagne.net De quelles expériences parle-t-on ? • Faire une randonnée avec un habitant Faire une randonnée avec un habitant, apprendre un art avec un artiste Prendre un cours de photo d’animaux sauvages Manger local et de saison à la ferme Vivre 24h dans la forêt sans équipement Faire une séance de yoga au milieu de nulle part Fabriquer son lombricomposteur Cueillir des espèces végétales sauvages comestibles et les cuisiner avec un chef Apprendre à cultiver (permaculture, agroécologie…)
- 18. #DestCamp1 Destination Campagne 30 & 31 janv 2020 Gaillac Slides disponibles sur https://destination- campagne.net Des thématiques expérientielles à proposer • Faire une randonnée avec un habitant Autonomie alimentaire Déconnexion Découverte de la vie sauvage Test de la vie à la campagne Objectif 100% reposé Fabrique de meubles Déco 100% naturelle Histoires anciennes
- 19. #DestCamp1 Destination Campagne 30 & 31 janv 2020 Gaillac Slides disponibles sur https://destination- campagne.net Deux prérequis • Faire une randonnée avec un habitant Un réseau d’ambassadeurs du territoire, prêts à partager leur temps et activités avec les touristes (habitants, artisans, artistes, agriculteurs, associations, professionnels…). Des activités à la carte sur l’ensemble du territoire (marque commune, site vitrine, paiement pour X activités durant le séjour, à choisir sur place…).
- 20. #DestCamp1 Destination Campagne 30 & 31 janv 2020 Gaillac Slides disponibles sur https://destination- campagne.net « Dans une vision du futur, la ruralité reste un espoir pour bâtir d'autres modes de production et de consommation, basés sur la circularité. » Carlos Moreno La campagne, terre d’innovation et d’exemplarité Politique zéro déchet Laboratoires d’innovations Circuits courts du producteur à l’assiette 368 supermarchés de producteurs locaux en France
- 21. #DestCamp1 Destination Campagne 30 & 31 janv 2020 Gaillac Slides disponibles sur https://destination- campagne.net La gare, hub touristique
- 22. #DestCamp1 Destination Campagne 30 & 31 janv 2020 Gaillac Slides disponibles sur https://destination- campagne.net La ligne verte à Nantes
- 23. #DestCamp1 Destination Campagne 30 & 31 janv 2020 Gaillac Slides disponibles sur https://destination- campagne.net Nudge pour le vélo en l’absence de pistes cyclables
- 24. #DestCamp1 Destination Campagne 30 & 31 janv 2020 Gaillac Slides disponibles sur https://destination- campagne.net Quels vélos électriques ?
- 25. #DestCamp1 Destination Campagne 30 & 31 janv 2020 Gaillac Slides disponibles sur https://destination- campagne.net Les bus citoyens Une offre de mini-bus déployée dans les territoires ruraux et connectée aux réseaux de transport proches.
- 26. #DestCamp1 Destination Campagne 30 & 31 janv 2020 Gaillac Slides disponibles sur https://destination- campagne.net 6 leviers d’attractivité Préservation de l’environnement et circuits courts Activités de détente et de déconnexion Activités de loisirs développées avec les acteurs du territoire Cohérence globale de l’offre touristique (marque, label…) Moyens de se rendre sur le territoire facilités Moyens de déplacement propres sur le territoire
- 27. #DestCamp1 Destination Campagne 30 & 31 janv 2020 Gaillac Slides disponibles sur https://destination- campagne.net Votre patrimoine naturel et culturel a de la valeur. Merci pour votre écoute. Julie Rieg www.julierieg.fr julie.rieg@gmail.com
Notes de l'éditeur
- Remerciements de Tarn tourisme et d’id rezo En tant que sociologue, je vais vous parler des enjeux sociétaux majeurs auxquels nous devons faire face aujourd’hui, de la façon dont cela impacte les comportements des touristes, des opportunités que cela ouvre pour les campagnes, et enfin, concrètement, des actions que vous pourriez mettre en œuvre ensemble, pour vous adapter à ces changements. Cette présentation est une invitation à prendre du recul, à vous poser des questions de fond, à imaginer des solutions pour favoriser l’attractivité touristique des territoires ruraux. Je serai ravie de répondre à vos questions à la fin de la présentation.
- Au fil du temps, notre rapport à la nature évolue. Peu à peu au fil des siècles, nous sommes passés d’une logique intégrative, où nous faisions un avec la nature, où nous étions en symbiose avec elle, à une logique utilitariste, appelée aussi extractiviste. Que veulent dire ces mots barbares ? Tout simplement que nous voyons les éléments naturels comme utiles et utilisables pour notre vie et notre développement. Ce sont des ressources, minérales, énergétiques, végétales et animales, dans lesquelles nous puisons massivement pour notre confort. Les individus qui vont dans un joli coin de verdure pour se prendre en photo (phénomène des selfies Instagram) en sont une manifestation. Dans ce cas de figure, la nature n’est pas utilisée uniquement pour soi, mais en relation avec les autres, pour se valoriser. D’ailleurs, les études montrent clairement que l’on passe beaucoup moins de temps dans la nature. Le temps de loisirs que nous avons est majoritairement consacré aux outils numériques, de la télévision (2h par jour en moyenne en France) à tous les autres médias numériques… NB : Sources de l’Huveaune dans le parc national de saint baume (départements bouches du rhône et var)
- Si elle nous apporte du confort et du développement, le rapport utilitariste que nous avons avec la nature a ses inconvénients. Sur l’aménagement et la gestion des terres, on doit faire face à une urbanisation, une artificialisation des sols et à une agriculture intensive en croissance. Chaque jour en France, 160 hectares de terre ou de bois disparaissent au profit d'habitations, de zones commerciales ou industrielles et d'infrastructures de transport. Les cours d’eau, l’atmosphère et les terres connaissent des pollutions conséquentes, conduisant au changement climatique et au déclin d’espèces animales et végétales, dont les abeilles et les ours blancs sont devenus l’emblème. Depuis 10 ans selon le GIEC, 42 % des espèces d’oiseaux et de plantes terrestres sont en déclin, 71 % des espèces de poissons, 60 % des espèces d’amphibiens. Sans parler des inégalités sociales qui augmentent (on connaît tous désormais ce chiffre selon lequel 1% des plus riches possèdent plus que les 99% restants. En France, on a gagné 1 million de pauvres supplémentaires en 10 ans). N’oublions pas enfin les inégalités territoriales qui sont générées par un déséquilibre des ressources allouées et qui se traduisent notamment sur le plan de l’accès aux services du quotidien. Les études montrent que le fossé se creuse davantage depuis 10 ans. Dans ce contexte, les campagnes ne manquent pas de défis ! Elles doivent faire face : Au déséquilibre des ressources économiques face aux milieux urbains denses A la fermeture des services publics Au dépeuplement des campagnes, ce qu’on appelle l’exode rurale A l’achat de terre par les pays étrangers Et bien entendu, elles sont concernées par les enjeux environnementaux comme tous les autres territoires. Mais les campagnes ont un potentiel naturel plus élevé que les territoires denses, et ont donc une carte à jouer sur ce plan là. Il en est de même sur le plan de la santé !
- Face à ce bilan difficile, de nouvelles tendances émergent qui témoignent d’une volonté générale de reconnexion avec la nature. C’est ce que j’appelle l’ère de la réparation, car, ce qu’on veut, dans le fond, c’est tenter de réparer les dégâts, ou tout du moins de les limiter. Parmi ces tendances, la volonté d’intégrer plus de nature en ville. J’ai mis ici la trame verte mise en place à Paris sur la petite couronne, une ancienne voie ferroviaire interne à Paris, mais il y a en a évidemment de nombreux autres. Les jardins partagés ou encore ce qu’on appelle les immeubles forêts en sont d’autres exemples. La végétalisation des rues et des quartiers donne même lieu à des politiques urbaines spécifiques, à des labels comme Visa vert à Marseille, Grainothèque au Havre ou encore Jardinons nos rues à Grenoble. NB : immeubles forêts surtout développés à Milan par italien Stefano Boeri. Un projet identique à Villiers sur Marne.
- Le bio gagne du terrain depuis plusieurs années maintenant, et cela concerne les produits alimentaires mais aussi de plus en plus les produits non-alimentaires comme les cosmétiques ou les produits d’entretien. En 2018, près de 9 Français sur 10 déclarent avoir consommé des produits biologiques. La consommation d’au moins un produit non-alimentaire bio est passée de 68M en 2015 à 76% en 2018 (source : Agence Française pour le Développement et la Promotion de l'Agriculture Biologique, 2018). Mais le bio ne suffit plus. C’est le local que demandent les consommateurs. 77% des consommateurs déclarent essayer d’acheter des produits locaux aussi souvent que possible. Des associations, commerces et entreprises s’organisent dans ce sens : AMAP (Association pour le maintien d’une agriculture paysanne), La ruche qui dit oui, des supermarchés cogérés par des agriculteurs locaux…
- Même s’ils ne sont que 5% à être totalement végans ou végétariens, 50 % des Français déclarent vouloir augmenter leur consommation de produits végétaux, et diminuer celle des produits animaux. La moitié de la population donc ! Difficile de passer outre cet état de fait dans les lieux d’accueil collectifs et les restaurants. Trois raisons sont évoqués principalement : l’écologie, la maltraitance des animaux et la santé.
- 4ème tendance, celle des protestations citoyennes contre des projets d’artificialisation des sols. Les protestations ont toujours existé, mais elles prennent aujourd’hui de l’ampleur, elles se font plus fréquentes, elles sont médiatisées et peuvent donner lieu à des résultats objectifs, comme l’abandon du parc de loisirs EuropaCity en Ile-de-France. Aujourd’hui des associations et collectifs de citoyens se battent par exemple contre le Chambord Country Club qui se situe sur une zone Natura 2000 ou encore contre la Bergerie Surf Camp qui est prévu pour 2022 à 10 kms de l’océan. Autrement dit, l’acceptabilité sociale des projets pharaoniques qui contribuent à l’artificialisation des sols est en baisse.
- 80% des Français habitent aujourd’hui en ville. Parmi eux, 80% déclarent qu’ils préfèreraient vivre à la campagne. Ils y voient là l’occasion d’une vie moins chère, moins speed et plus connectée à la nature. Depuis 2006, on observe une tendance inverse à celle de l’exode rurales que l’on connaît depuis des siècles, avec des citadins qui retournent vivre à la campagne. Il s’agit de quasiment 100 000 citadins par an qui font ce choix chaque année. Le plus souvent, il s’agit de couples avec enfants qui se rendent dans une zone qu’ils connaissent déjà, où ils ont de la famille ou des amis. Il faut en effet réunir un certain nombre de conditions que pour leur installation, leur acculturation, réussisse. A ce titre, des programmes d’accueil spécifiques sont mis en œuvre par les collectivités, en Auvergne ou dans le Limousin par exemples, pouvant aller jusqu’à la mise à disposition d’un coach de vie, d’accompagnement au montage d’entreprises ou d’aides pécuniaires à l’emménagement.
- Et quand on leur demande ce que ça veut dire s’occuper de soi, ils répondent : se balader, bien dormir… Parmi les activités sportives de détente, on retrouve tout ce qui a trait à l’énergie, très en vogue en ce moment.
- Les études montrent aussi que les Français sont plus fortement adeptes des courts séjours (2 à 4 nuitées) durant l’année que d’un long voyage. Cet attrait pour la campagne s’explique par un besoin de déconnexion, de retour à la source, de ressourcement, face au stress et au rythme soutenus des territoires denses. Ils s’inscrivent dans la culture du bien-être. Ils ont envie de faire du sport, de se retrouver entre membres d’une même famille, et d’apprendre des choses en participant à des cours, des stages ou des ateliers avec des artisans ou des paysans. Le woofing s’incrit dans cette tendance, mais aussi tous les stages de permaculture qui émergent. Aller apprendre à cuisiner un plat local (l’aligot en Lozère ?) fait partie de cette même veine d’activité.
- Par ailleurs, l’on sait que le choix d’un voyage se fait davantage sur l’expérience culturelle que sur la météo. Entendez ici la culture au sens large, non pas uniquement les Arts avec un grand A, mais aussi les modes de vie des habitants. Il s’agit de vivre une expérience par l’immersion, de ne pas se retrouver dans un tourisme de masse, uniforme pour tous, mais de vivre des moments privilégiés avec les habitants d’un territoire, leurs artisans, leurs paysans, etc. Plus que tout, le tourisme écologique appelle un respect de la nature, des espèces végétales et animales, et des humains. Ces touristes sont donc friands d’initiatives vertueuses, qui préservent l’environnement et les peuples. Cela fait 30 ans que l’altruisme gagne du terrain dans l’étude des valeurs des Français, quand bien même on nous bassine avec le fait que nous soyons de plus en plus individualistes.
- Aujourd’hui, avec le changement climatique, l’augmentation des inégalités sociales, la multiplication des technologies et des offres, avec la mondialisation aussi, les individus sont de plus en plus confrontés aux impacts négatifs du modèle de société et de notre rapport à la nature. Il devient de plus en plus difficile de fermer les yeux sur ce contexte douloureux et les médias, classiques mais aussi alternatifs, en rendent de plus en plus compte. Nous sommes emprunts de biais cognitifs et cela explique que certains d’entre nous puissent être climato-sceptiques (23% des Français), alors que 97% des climatologues attestent du changement climatique.
- Mais, au-delà des valeurs, il importe de se poser la question des actions qui sont concrètement réalisées dans ce sens. Dans les sciences humaines, on distingue en effet les attitudes (ce que les gens pensent, leurs opinions) et les pratiques (ce que les gens font concrètement) et l’on sait qu’il y a un décalage entre les deux. On n’agit pas toujours en fonction de ses valeurs, des valeurs entrent souvent en contradiction (les fameuses injonctions paradoxales) et, quand de nouvelles valeurs se développent massivement, la mise en œuvre des actions se fait plus lentement. C’est ce qui explique que l’on puisse être autant séduit par une plage paradisiaque à l’autre bout du monde que par une expérience de cyclotourisme proche de chez soi.
- Si l’utopie écologiste rallie 55% des Français, ils sont en revanche 12% à agir fortement. Concrètement, ils luttent contre les déchets, font de l’écoconception, de la récup, ils réparent les objets, achètent et vendent d’occasion et utilisent des plateformes d’échange entre particuliers. Ariane Vitalis a aussi étudiés la classe des créatifs culturels en France. Ce terme est utilisé pour parler des personnes qui créent un nouveau système culturel, avec de nouvelles valeurs et de nouvelles façons de faire. L’écologie, l’entraide sociale, le développement personnel et l’ouverture aux valeurs féminines sont les caractéristiques communes de ces personnes. Aujourd’hui, les créatifs culturels sont estimés à 25% en France.
- En 2007, une étude avait comptabilisé 17% de créatifs culturels, soit 8 points de plus en 12 ans. Combien seront-ils en 2030 ? On peut tabler sur un taux de croissance constant, ce qui nous amène à 36% de la population en 2030, soit entre 3 et 4 personnes sur 10 concernées. Mais, avec la montée de la prise de conscience, avec le changement climatique que l’on peut désormais sentir avec nos sens, avec les crises économiques qui s’annoncent, l’on peut s’attendre à des taux de croissance plus importants, voire à une courbe exponentielle. Atteindre 50% de créatifs culturels en 2030 est loin de paraître impossible. Je rappelle que l’on parle ici d’actions concrètes et non d’opinions ! Ca veut dire que concrètement ces gens rejetteront les offres qui ne s’inscrivent pas dans le sens de leurs valeurs.
- Ce qu’attendent les gens et ce qu’ils attendront de plus en plus, c’est de vivre une expérience unique et adaptée à leurs besoins. C’est ce qu’ils trouvent avec le tourisme vert, le slow tourisme, l’écotourisme, le tourisme responsable… appelez cela comme vous voulez. Découvrir un territoire avec les yeux des locaux, visiter mais sans effet négatif pour le territoire et ses populations, prendre le temps de vivre le territoire, et ne pas courir et se saisir des opportunités qui se présentent sur le chemin, font partie des attentes des créatifs culturels. A l’avenir, il est fort à parier que ces conditions deviennent un principe de base. C’est aussi sur ces valeurs que les plateformes comme Airbnb surfent aujourd’hui.
- Vivre une expérience, c’est se sentir grandi : de connaissances, de savoir-faire, de dépassement de soi, de découvertes sensorielles… C’est repartir avec quelque chose en plus. Vivre une expérience, c’est aussi avoir l’impression d’avoir vécu quelque chose d’unique, ou tout du moins de façon unique, que ce qu’on a vécu s’est adapté à notre personne ou à notre entourage proche. SI on fait de la poterie, il s’agit de pouvoir faire quelque chose à soi, pour soi, et pas le même objet que tous les touristes qui passent. Mais surtout il faut qu’il y ait une cohérence de bout en bout. Si je fais une superbe séance de yoga dans un joli coin de verdure et que je me retrouve ensuite à manger des fraises en plein mois de novembre, je vais probablement ressentir un malaise. Etre dans un lieu avec des fruits et légumes de saison et locaux, une gestion en zéro déchet, … sera plus approprié. C’est l’expérience globale qu’il faut considérer. Ci-après quelques idées d’expériences que l’on peut/pourrait vivre à la campagne : Aller faire une randonnée avec un habitant Avoir un cours de photographies des animaux sauvages Manger local et de saison dans un lieu atypique Dormir au calme Faire une séance de yoga au réveil Se balader dans une forêt sculptée Cueillir des fruits et légumes dans une forêt comestible, gratuite Aller cuisiner sa cueillette avec un chef (cours de cuisine à partir d’herbes sauvages…) Apprendre à reconnaître les plantes, les oiseaux Fabriquer son lombricomposte et apprendre à le gérer Faire un escape game dans une forêt
- Déconnexion : au delà de la déconnexion technologique, il importe de penser l’environnement dans lequel les gens sont hébergés. A la recherche de déconnexion, ils ont besoin de se retrouver dans un cocon, un havre de paix. La décoration intérieure est devenu un enjeu crucial, d’autant que les individus y sont de plus en plus attachés, et le succès des émissions de télé (pensez à la célèbre Valérie Damidot de d&co) en atteste. Histoires anciennes : les personnes âgées du territoire détiennent de nombreuses histoires du territoire et sont avides de les partager. Cf collection de livres pour enfants histoires de famille…
- Montée de l’altruisme, de la conscience écologique et d’un retour à la source pour un plus grand bien-être… toutes ces valeurs placent la campagne au cœur de trois mouvements de fond que l’on pourrait appeler des cultures : la culture de la nature, la culture de soi et la culture des autres, des locaux. C’est au croisement de ces trois dimensions qu’un territoire rural joue et jouera son attractivité dans les années à venir. Face à l’ensemble de ces constats, les acteurs du tourisme à la campagne ne peuvent agir seuls, ni dans leur coin. Ils doivent participer à une transformation de leur territoire tournée vers la résolution des problèmes sociétaux évoqués jusqu’ici. Les campagnes sont une terre d’innovation sociétale et Carlos Moreno rend bien compte de l’espoir que l’on peut avoir de la part des territoires ruraux, qui sont le grenier des villes. Si le territoire dans son intégralité est attractif, et les touristes viendront voir ce havre de paix et d’innovation dans les modes de production et de consommation. Il y a également nécessité de connecter les nouveaux modes de production et de consommation avec les villes alentours. Toutes ces actions nécessitent un accompagnement de ceux qui fonctionnent encore sur l’ancien modèle, afin de tendre vers une économie circulaire (zéro déchet). Pour un hôtel par exemple, cela veut dire : Ne pas gaspiller les aliments (donner, composter) Acheter sans emballages jetables (vrac, produits locaux) Acheter des produits au plus faible impact environnemental (seconde main, fabrication locale et « bio ») Limiter l’usage des ressources (lavage du linge, appareils en veille…) Il est question ici d’exemplarité mais aussi d’image de marque. Car toutes ces actions feront la différence pour le public, si tant est que les services de base sont bien là. Laboratoire d’innovations : des collectifs d’agriculteurs se mettent en place pour réduire les phytosanitaires et promouvoir l’agroécxologie (exemple : Ecophyto - DEPHY 30 000). Circuits courts : 368 supermarchés de producteurs locaux.
- Pour être attractives, les campagnes ont un réel coup à jouer en améliorant leur accessibilité. Pour cela, différentes possibilités existent, dont notamment les bus citoyens et les vélos électriques que je développerai juste après. Mais avant, je voudrais parler de ce projet mené par la 27e région sur la gare rurale de demain et qui me paraît essentiel car il réunit en un pôle les différentes solutions de mobiliité, mais aussi l’information qui va avec avec l’office de tourisme et une signalétiques appropriées. Ces hubs ou pôles de mobilité touristiques auraient l’avantage de réduire le coût cognitif des habitants des territoires alentours pour se rendre sur le territoire. Ils augmenteront donc une zone de chalandise proche et participent du développement du tourisme vert. http://www.la27eregion.fr/publications/livret-la-gare-rurale-de-demain/
- Les lignes vertes me font aussi penser à la ligne verte qui a été peinte à Nantes et plus largement en Loire Atlantique, pour les cyclistes. Pourquoi, en l’absence de pistes cyclables, ne pas imaginer un fil d’ariane de couleur qui indique les passages les plus sûrs et les destinations aux cyclistes ? On peut aussi penser aux fameuses rouets d’alsace, du vin, du chocolat, de la carpe frites…
- Pour limiter les coûts, l’année dernière, des étudiants de la Sustainable Design School à qui je donnais cours, et à qui je demandais d’imaginer des nudges (coup de pouce en anglais, soft design pour encourager les gens à faire autrement, au changement) ont imaginé des pistes cyclables dessinées sur la chaussée, donnant une place visuelle au vélo, et ce même si cet espace est en réalité partagé entre les voitures et les vélos. Cela confèrerait un sentiment de sécurité aux cyclistes et plus de visibilité de leur espace à l’attention des automobilistes. Dans l’idée, ça pourrait donner ce que vous voyez à l’écran, avec une frontière floue entre l’espace de la voiture et celui du vélo, pour montrer que les deux ont le droit d’y circuler.
- Lors de ma précédente intervention au Campus de l’innovation touristique en décembre, des membres du public m’ont interrogé sur le choix des offres à mettre en œuvre, soulignant que les batteries électriques étaient mauvaises pour l’environnement alors que les vélos électriques sont une vraie solution pour les touristes dans des zones avec dénivelés. Je leur ai répondu qu’il y a une troisième voie, à savoir celle de repérer les innovations en la matière qui sont les moins polluantes. Sur cet exemple précis, il existe un vélo électrique sans batterie. Il fonctionne avec des supercondensateurs composés de matériaux recyclables(carbone, alu et sel) et non rares, donc sans lithium. Qui plus est, les supercondensateurs ont des durées de vie largement supérieures : de 10 à 15 ans contre 3 ans pour les batteries classiques. Une fois encore, il est question de se poser les bonnes questions et de prendre le temps de chercher les meilleures réponses pratiques.
- Je voudrais terminer en vous parlant des bus citoyens, offre développée aux Pays-Bas depuis les années 70 mais aussi en Suisse et en Allemagne. Il s’agit de mini-bus gérés par des associations dans des zones peu denses. Ces mini bus sont connectés au réseau de transport, ont des lignes et des horaires réguliers, et sont ouverts à tous. Avec 30 à 35 chauffeurs bénévoles, chacun roule une journée par mois en moyenne (une demi journée toutes les 2 semaines). Il y a donc deux possibilités ici : Que la collectivité accompagne la mise en place d’une telle association, pour les habitants et les visiteurs, en leur apportant une subvention. Que la collectivité et les acteurs du tourisme du territoire plus largement mutualisent leurs moyens au sein d’une association pour que le territoire bénéficie d’une telle offre. Quel que soit le modèle, il s’agit ensuite de donner de la visibilité à ces lignes et de montrer qu’elles sont régulières et permettent de se déplacer sur le territoire sans problème. Il s’agit aussi de faire en sorte que ces lignes arpentent les zones et activités touristiques.
- En conclusion, 6 leviers développés vus précédemment