Le vendredi 24 novembre 2017, les Ministres Nicolas Hulot et Jacques Mézard présentaient le Plan rénovation énergétique des bâtiments et lançaient une phase de concertation qui s’est achevée ce mercredi 31 janvier.
Historiquement liée au Bâtiment, l’association Equilibre des Energies a répondu à cette consultation en faisant parvenir au Gouvernement sa contribution. Dans un document rédigé par nos Présidents Jean Bergougnoux et Jean-Pierre Hauet, nous déployons un ensemble de propositions concrètes qui visent à accélérer la transition énergétique dans le Bâtiment où cohabitent exigences environnementales, acceptabilité pour le citoyen et rationalité économique.
Toutefois, nous pensons que le Plan rénovation énergétique des bâtiments ne va pas assez loin, c’est pourquoi nous avons indiqué aux pouvoirs publics qu’il devrait être largement repensé afin de répondre à l’impérieuse nécessité de replacer le secteur résidentiel et tertiaire sur une trajectoire compatible avec les ambitions de la France en matière de lutte contre le dérèglement climatique.
La contribution de l'Association Equilibre des Energies au Plan rénovation énergétique des bâtiments
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Association loi de 1901 « équilibre des énergies »
Le 31 janvier 2018
CONTRIBUTION DE L’ASSOCIATION EQUILIBRE DES ENERGIES
A LA CONCERTATION
SUR LE PLAN DE RENOVATION ENERGETIQUE DES BATIMENTS
1. Préambule
L’association Equilibre des énergies (EdEn) rassemble des entreprises et des associations
représentatives des mondes du bâtiment, de l’énergie et de la mobilité, qui ont décidé de
travailler ensemble pour promouvoir des réponses rationnelles aux questions qui se posent
en matière d’utilisation des énergies dans ces différents secteurs, tout particulièrement dans
le cadre de la transition énergétique.
Les membres d’EdEn considèrent unanimement que la lutte contre le changement climatique
et son corollaire la réduction drastique des émissions de gaz à effet de serre, sont le défi
majeur de ce siècle. Ils adhérent pleinement aux objectifs ambitieux de la LTECV et de sa
déclinaison, la SNBC, en la matière.
Ils se sont donc félicités de voir rappelé dès l’introduction du document soumis à concertation,
l’objectif central de la LTECV : division par quatre des émissions de GES d’ici 2050, puis
neutralité carbone pour les années qui suivent.
Sans doute, eût-il été pertinent de rappeler également que, s’agissant du levier important
dans cette perspective que constituent les économies d’énergie, la LTECV retient une division
par 2 des consommations d’énergie finale d’ici 2050. Ce simple rappel aurait eu, au moins,
deux vertus pédagogiques :
Montrer que pour être en conformité avec la Loi, il convient désormais, s’agissant
des objectifs d’économie d’énergie, des critères fondant les réglementations et les
mécanismes d’intervention publique, de se référer à l’énergie finale et non plus à
l’énergie primaire, comme c’est encore trop souvent le cas, jusque et y compris
dans le texte soumis à concertation. A vrai dire, le recours à l’énergie primaire ne
serait que péché véniel contre la Loi, si dans de nombreux cas, il n’entraînait des
décisions nuisibles au regard de l’objectif central de réduction des émissions. On y
reviendra plus loin ;
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Plus important encore, montrer, par le rapprochement entre le facteur 4 sur les GES
et le facteur 2 sur les économies d’énergie, qu’aucune politique d’économie
d’énergie, si efficace soit-elle, ne saurait à elle seule répondre aux objectifs
extrêmement ambitieux retenus en matière de lutte contre le changement
climatique. On y reviendra également plus loin.
Pour résumer les commentaires qui suivent, les membres d’EdEn sont convaincus de la
nécessité d’un plan d’ensemble concernant les bâtiments dans la transition énergétique. Ce
plan devrait viser à mettre en adéquation les politiques incitatives, réglementaires et de
soutien des pouvoirs publics avec les objectifs nationaux de transition énergétique et de lutte
contre le changement climatique. Ils constatent avec regret que le document soumis à
concertation, même s’il n’est pas dépourvu de mérites, n’aborde, après avoir réaffirmé la
priorité de la réduction drastique des émissions de GES, que l’une des facettes de la
problématique : la réduction des consommations d’énergie. De surcroît l’aborde-t-il à partir
d’une approche du passé, la réduction des consommations d’énergie primaire, sans prendre
conscience des contradictions que peut présenter, dans certains cas, l’application d’un tel
critère avec l’objectif de réduction des émissions au moindre coût. Plus généralement, ce plan
aurait pu être l’occasion d’engager une réflexion sur des outils réglementaires vieillissants : la
banalisation des technologies numériques renouvelle aujourd’hui profondément la
problématique de l’efficacité énergétique dans le bâtiment et celle de ses relations avec son
environnement énergétique.
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2. De la nécessité d’agir fort et vite pour décarboner le secteur résidentiel et
tertiaire
Ce secteur arrive au deuxième rang des secteurs de l’économie, en termes d’émissions
de CO2 : près de 24 % des émissions directes en 2015, plutôt 30 % si l’on tient compte
des émissions indirectes, via le système électrique, le sourcing des réseaux de chaleur,
le transport du bois ;
C’est en la réduction massive des émissions de CO2 de ce secteur qu’était fondé l’espoir
de réaliser le « facteur 4 » en 2050. La SNBC ne prévoyait-elle pas une réduction des
émissions directes de ce secteur de 87 % par rapport à leur niveau de 2013, d’ici 2050 ?
Or, paradoxalement, il est clair aujourd’hui que le secteur résidentiel et tertiaire est
avec celui des transports, le plus en retard par rapport à la « feuille de route SNBC » ;
o Notre association Equilibre des Energies, a maintes fois dénoncé qu’en dépit
d’apparences rassurantes dues à un concours de circonstances non
reproductibles (division par 2 des émissions de la production d’électricité) ou
fortuites (configuration particulière des aléas climatiques), les tendances
observées sur la période 2010-2015 n’étaient pas en ligne avec les objectifs de
la SNBC ;
o La Cour des Comptes, dans son rapport de septembre 2016 « efficience des
dépenses fiscales relatives au développement durable », a de son côté conclu
que « les résultats ne sont pas à la hauteur » ;
o Tout récemment, les indicateurs de résultats publiés en janvier 2018 par le
Ministère de la transition écologique et solidaire dans le cadre du suivi de la
Stratégie nationale bas carbone montrent, en première analyse, que les
émissions dans le secteur résidentiel et tertiaire se sont situées en 2016 à
11 % au-dessus de la trajectoire prévue.
L’échec patent des actions menées naguère au regard des objectifs de la SNBC est
aujourd’hui sur la place publique et il semblerait inconcevable qu’une action d’envergure
telle que celle soumise à la présente concertation, ne se donne pas comme ambition de
pallier, dans toute la mesure du possible, cette grave défaillance des politiques antérieures.
Tel est le sens des propositions qui sont formulées dans la suite de ce document.
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3. Ce que pourrait être une politique de rénovation cohérente avec les
objectifs de la SNBC
Un préalable indispensable : avoir bien conscience de ce que signifie la cible 2050 de
la SNBC pour le secteur résidentiel et tertiaire.
Un calcul simple montre qu’une réduction de 87 % en 2050 des émissions, directes et
indirectes, de CO2 du secteur résidentiel et tertiaire, implique qu’en moyenne, toutes
générations confondues, les émissions des bâtiments de ce secteur soient ramenées
aux environs de 3 kg de CO2 par m2 et par an. S’agissant de la rénovation des bâtiments
actuels, dont les émissions ont été en moyenne en 2014 de 23 kg CO2 par m2 et par an
pour le secteur résidentiel et de 39 kg CO2 par m2 et par an pour le secteur tertiaire1,
le chemin à parcourir est évidemment considérable.
Quant aux bâtiments que l’on construit aujourd’hui et qui seront des « bâtiments
existants » parmi d’autres en 2050, ils ne sont pas tous, et de loin, exemplaires par
rapport à la cible de 3 kg de CO2 par m2 et par an. Si des bâtiments mettant en œuvre
des pompes à chaleur double service, pour le chauffage des locaux et la production
d’eau chaude sanitaire, respectent d’ores et déjà la cible 2050 ; si des solutions
mettant en œuvre des radiateurs électriques très performants complétés par des
chauffe-eau thermodynamiques sont déjà presque sur la cible 2050, les logements
construits aujourd’hui utilisant le gaz naturel pour le chauffage des locaux et l’eau
chaude sanitaire et respectant la RT2012, se situent dans la plage 10 à 12 kg de CO2
par m2 et par an.
Identifier les leviers sur lesquels on peut agir pour respecter la « feuille de
route SNBC »
Comme l’a bien identifié la SNBC dans le prolongement de la LTECV, trois leviers
doivent être actionnés de manière concomitante pour assurer efficacement la
« décarbonation » de l’économie :
o Utiliser rationnellement chaque énergie dans chaque usage pour lequel elle
est retenue.
1 Source : CEREN 2015
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Dans le cas de la rénovation des bâtiments, cela implique de jouer à la fois sur
le comportement des occupants, la gestion active de l’énergie, le
remplacement éventuel des équipements d’utilisation des énergies,
l’amélioration du bâti, sachant que ce sera généralement un « bouquet »
d’actions qui constituera la solution la plus rationnelle, en un moment donné,
en termes d’économie, de service rendu et de qualité de vie des utilisateurs.
La logique de réduction des émissions voudrait que les économies d’énergie
soient d’autant plus poussées que l’énergie utilisée est carbonée. La taxe
carbone, dont une forte hausse est programmée dans la loi de finances 2018,
répond précisément à cette préoccupation en rendant plus attractifs les
investissements économisant les énergies les plus carbonées.
o Décarboner les sources d’approvisionnement en énergie du secteur
Le bois sous réserve que la politique forestière permette de le considérer
comme renouvelable, est une énergie bas carbone, même si certains progrès
peuvent encore être envisagés dans les émissions liées à son transport et à son
conditionnement. Les émissions en exploitation de la plupart des EnR
utilisables dans les bâtiments sont généralement très faibles. Il n’en va pas
nécessairement de même si l’on raisonne en ACV, en particulier par référence
à l’empreinte carbone2.
L’électricité avec des émissions moyennes de 65 grammes de CO2 par kWh (169
grammes pour des applications de type chauffage, 59 pour des applications de
type eau chaude sanitaire d’heures creuses) est dès aujourd’hui très largement
décarbonée3. Les évolutions du mix national de production d’électricité ont été
pensées de manière non seulement à conforter cette décarbonation mais aussi
à l’amplifier encore. La SNBC a en outre de grandes ambitions pour la
décarbonation du secteur énergétique (- 96 % en 2050 par rapport au niveau
de 1990).
2 Le cas des panneaux photovoltaïques fabriqués en Chine est, à cet égard, emblématique,
dont la mise en œuvre conduit, paradoxalement, à détériorer le contenu moyen carbone des
kWh électriques produits en France.
3 Source : base carbone de l’ADEME
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Une question importante est la poursuite de la décarbonation de
l’approvisionnement énergétique des réseaux de chaleur par un recours de
plus en plus accru aux énergies renouvelables et de récupération.
La problématique la plus délicate est celle du gaz. Le « verdissement » du gaz
de réseau par injection de biométhane et/ou d’hydrogène électrolytique est
promis par ses promoteurs à un grand avenir. La part du bio méthane dans le
gaz distribué est aujourd’hui extrêmement faible (moins de un °/00). En
revanche, la LTECV retient un objectif de 10 % en 2030 et certains considèrent
comme souhaitable et possible une très large décarbonation du gaz de réseau
d’ici 2050. Mais cette vision relève du grand futur, elle est empreinte de
grandes incertitudes et il y a lieu de se soucier aujourd’hui du poids du gaz,
énergie assez fortement carbonée (243 grammes de CO2 par kWh), dans la
satisfaction des besoins thermiques des bâtiments résidentiels et tertiaires :
D’une part, ce scénario de très forte décarbonation du gaz est de l’avis
quasi-unanime une perspective de long terme. Or les émissions de CO2
ont un effet cumulatif, sur l’effet de serre, compte tenu de la durée de
vie extrêmement longue de ce GES dans l’atmosphère ;
D’autre part, si ce scénario ne se réalisait pas ou ne se réalisait que
beaucoup plus tard, ce qui risque d’être le cas selon la plupart des
experts, la reconversion d’un secteur où le gaz, énergie carbonée,
jouerait un rôle excessif pourrait se révéler complexe et coûteuse.
Pour ces raisons la politique la plus sage car la plus efficace à court-moyen
terme et la moins risquée à long terme, consiste à considérer dans les choix
énergétiques le gaz pour ce qu’il est aujourd’hui avec son facteur d’émission
de 243 grammes par kWh, sachant que ce facteur évoluera au fil des ans en
fonction de la réussite plus ou moins complète, plus ou moins rapide, de la
politique de décarbonation du gaz qui s’engage aujourd’hui.
o Substituer dans toute la mesure du possible des énergies décarbonées à des
énergies carbonées. A contrario, s’interdire par principe de substituer des
énergies carbonées à des énergies décarbonées
La structure actuelle du mix d’approvisionnement énergétique du secteur
résidentiel et tertiaire suggère deux priorités :
7. 7/14
Réduire encore le poids des produits pétroliers. Il a certes déjà
beaucoup baissé au cours des décennies qui ont suivi les chocs
pétroliers, mais compte tenu du facteur d’émission élevé du fioul (324
grammes/kWh), il pèse sans doute encore beaucoup trop. Bois
(chaudières ou poêles complétés par des chauffe-eau
thermodynamiques) et électricité (pompe à chaleur double service)
répondent techniquement au problème ;
S’attaquer au poids du gaz en termes d’émissions de CO2. Il y a, bien
sûr, la solution de décarbonation du gaz évoquée plus haut. Mais il
existe aussi de nombreuses solutions de substitution, plus souvent
partielle que totale, du bois ou de l’électricité à des solutions gaz en
place.
Deux exemples :
- Compléter une installation de chauffage au gaz par une
production d’eau chaude thermodynamique qui offrira une
alternative très peu émettrice de CO2 à la production de l’eau
chaude sanitaire par une chaudière à gaz double usage dont on
sait que le rendement est très médiocre hors période de
chauffe ;
- Remplacer une chaudière à gaz obsolète par une pompe à
chaleur hybride (électricité en base + gaz en pointe). Ce type de
solution hybride est encore un peu difficile à justifier avec les
prix actuels des énergies mais pourrait avoir un grand avenir
compte tenu du poids des ENR dites « intermittentes » dans le
mix électrique.
Revisiter les critères et les outils de la rénovation.
Tout ce qui vient d’être dit relève de l’évidence dès lors que l’on a compris que,
comme le rappelle le document soumis à concertation dès son introduction, la
réussite d’une politique de rénovation se mesurera désormais à l’aune des résultats
qu’elle obtient en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre.
Et pourtant …
o Les pratiques actuelles conduisent trop souvent à des décisions aberrantes
au regard de l’impératif de réduction drastique des émissions de CO2
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Pour ne citer que deux exemples :
Un logement chauffé à l’électricité de type HPE rénovation consomme
150 kWhep/m2/an et émet 9 kg de CO2/m2.an. Un passage au gaz
permet de réduire de près de 50 % les consommations d’énergie
primaire et d’atteindre le label BBCRéno de 80 kWhep/m2.an, mais
augmente au passage de 80 % les émissions de CO2 en les faisant passer
de 9 à 16 kg de CO2/m2.an...
Un retour d’expérience de Promotelec montre que 36 % des dossiers
labellisés électricité passent au gaz, que l’électricité disparaît des
logements collectifs BBC rénovation et l’observatoire BBC montre que
83 % des projets BBC rénovation en logement collectif initialement à
l’électricité passent au gaz.
o L’origine de ces errements est facile à identifier : l’octroi des aides à la
rénovation sont aujourd’hui conditionnées à un seul critère, l’économie
d’énergie primaire, qui entre fréquemment en contradiction avec ce qui
devrait primer : la réduction des émissions de CO2
Le diagnostic de performance énergétique (DPE) comporte, dans un cadre
conventionnel mais raisonnablement significatif, quatre indicateurs supposés
caractériser la performance énergétique, économique et environnementale
d’un logement :
sa consommation finale d’énergie par m2 ;
sa consommation d’énergie primaire par m2 ;
ses émissions de CO2 par m2 ;
une estimation normative de sa facture énergétique en €.
Il est clair que ce sont les premier et dernier de ces indicateurs qui parlent le
mieux à l’occupant ou au futur acheteur mais l’attention réglementaire et
l’affichage se portent d’abord sur le deuxième (consommation d’énergie
primaire) et, plus à titre d’information que comme critère décisionnel, sur le
troisième (émissions) qui devrait pourtant être, dans la logique de la SNBC,
l’indicateur privilégié.
9. 9/14
L’exemple détaillé dans le tableau ci-dessous est instructif. Deux solutions de
rénovation d’un logement « tout électrique » qui serait classé dans les
« passoires à énergie » au regard de son étiquette F en énergie primaire, sont
comparées :
La première consiste à rester à l’électricité, à rénover le bâti et à
renouveler les équipements d’utilisation de l’électricité (radiateurs de
dernière génération, chauffe-eau thermodynamique). Elle permet
d’obtenir une très bonne performance en termes d’émissions de CO2
(étiquette climat B) mais l’étiquette énergie primaire, bien qu’améliorée
reste très moyenne (D) ;
La seconde consiste après rénovation du bâti à installer une chaudière
à gaz double service (avec, bien entendu, sa boucle d’eau chaude et ses
radiateurs). Elle permet, certes une amélioration très importante de la
performance en énergie primaire (l’étiquette énergie du DPE passe de F
à C). En revanche, elle coûte beaucoup plus cher en investissement,
conduit à une facture plus élevée pour l’utilisateur que la solution
électrique rénovée, et surtout détériore la performance
environnementale par rapport à la situation initiale.
Alors que cette seconde solution de rénovation est désastreuse pour
l’investisseur, pour l’occupant du logement, et, encore plus, pour la lutte
contre le changement climatique, elle sera aujourd’hui soutenue au motif,
en l’occurrence incompréhensible, qu’elle est la plus efficace pour
améliorer la performance en énergie primaire.
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Situation initiale :
chauffage électrique
Rénovation
lourde +
Emetteur
électriques
dernière
génération
Rénovation lourde +
chaude
condensation gaz
individuelle double
usage
Ubât (W/m2.K)) 1,8 0,75 0,75
Consommation d’énergie
primaire chauffage/ECS
(kWhep/(m2.an))
364 163 102
Etiquette Energie DPE F D C
Investissement (€TTC/logt) - 16 631 25 088
Facture tous usages +
maintenance
(€TTC/(logt.an)
1 792 988
1 156
(+ CCE de 100€ en
2020)
Emission CO2
chauffage/ECS
(kgCO2/(m2.an))
20 6 24
Etiquette Climat DPE C B D
De cet exemple ressort clairement que si l’on entendait piloter la rénovation par
la seule énergie primaire calculée selon les conventions actuelles, on s’exposerait
à de graves erreurs en matière de lutte contre le changement climatique :
élimination de rénovations électriques très performantes en émissions de CO2 au
profit de conversions au gaz dégradant le bilan CO2, impossibilité de réaliser
certaines substitutions pertinentes de l’électricité aux hydrocarbures fossiles.
Constatant que ces difficultés tiennent au coefficient 2.58 appliqué au kWh
électrique, une solution approximative pour pallier ces aberrations, pourrait être
de « moduler » ce coefficient pour tenir compte du moindre contenu en CO2 du
kWh électrique. Une valeur de 2 au lieu de 2.58, qui ne traduirait d’ailleurs qu’une
anticipation de l’évolution du mix électrique national, éviterait sans doute
quelques erreurs regrettables. Mais il serait assurément méthodologiquement
plus satisfaisant et moins opaque en termes de processus décisionnel, d’utiliser
un critère mettant en œuvre les deux volets du DPE capables d’expliciter les
conséquences d’une opération de rénovation en termes d’énergie d’une part,
d’émissions d’autre part.
11. 11/14
o Plus encore que le perfectionnement de la méthode de calcul du DPE, c’est la
manière dont il est utilisé dans l’appréciation de la pertinence d’un projet de
rénovation, qui doit faire l’objet d’une remise en cause.
Tout comme le moteur de calcul de la RT2012, la méthode de calcul du DPE
souffre d’un certain nombre d’insuffisances dont certaines sont dès
maintenant préjudiciables à la rénovation des bâtiments.
C’est ainsi que le DPE devrait tenir compte de l’impact de la gestion active des
énergies (détection de l’ouverture des fenêtres, détection de présence,
régulation pièce par pièce, …) qui est l’un des moyens les moins coûteux et les
plus efficaces d’utilisation rationnelle de l’énergie et de réduction des
émissions de CO2. Il devrait également tenir compte des systèmes bi-énergies,
des moyens de stockage, fixes et mobiles, des possibilités de gestion de la
courbe de charge électrique et d’intégration dans les smart grids, ….
En revanche, l’opportunité de raisonnements en cycle de vie (ACV) dans le
cadre d’une rénovation n’est pas évidente compte tenu du contenu carbone
des investissements évidemment beaucoup plus faible que dans le cas d’une
construction neuve. Mais cette affirmation mérite discussion.
Quoi qu’il en soit, le point essentiel est l’utilisation qui doit être faite des
différents indicateurs élaborés dans le cadre du DPE. Conformément aux
principes retenus par la LTECV, ce sont les indicateurs d’émissions de GES et de
consommation d’énergie finale qui doivent constituer l’ossature d’un DPE
pertinent. Dans le cas où il n’y a pas de changement d’énergie pour les usages
thermiques, réduction des émissions et réduction des consommations vont
évidemment de pair. Dans le cas de la substitution d’une énergie moins
carbonée à une énergie plus carbonée en place, il faut évidemment veiller à
ce que la substitution, bénéfique en termes d’émissions, permette également
des progrès en termes de consommation et de facture énergétique.
Un travail de fond est nécessaire pour caler correctement les conditions de
cohérence entre les deux critères. Pour obtenir cette cohérence, il faudra
évidemment se pencher sur l’échelonnement des différents niveaux d’émission
et de consommation définissant les niveaux d’étiquettes.
12. 12/14
A titre provisoire et pour changer le moins possible les habitudes, nous
proposons de retenir le mode d’emploi suivant des deux volets actuels du DPE,
mode d’emploi qui nous semble bien couvrir l’ensemble des situations
envisageables :
Un projet de rénovation est éligible aux aides publiques dans l’un ou l’autre
des deux cas suivants :
il permet de réaliser un gain de deux niveaux sur l’étiquette énergie du
DPE, assorti d’un gain d’au moins un niveau sur l’étiquette climat du DPE ;
il permet de réaliser un gain de deux niveaux sur l’étiquette climat du DPE
sans détériorer l’étiquette énergie primaire du DPE.
13. 13/14
4. Nos propositions d’évolution immédiate du Plan de rénovation
énergétique des bâtiments
o Elargir la cible prioritaire aux bâtiments relevant des classes F, G et E, du volet
climat du DPE.
Compte tenu du dérapage constaté par rapport à la trajectoire SNBC, se
contenter de considérer comme prioritaire la cible définie par l’article 5 de la
LTECV serait notoirement insuffisant. Au-delà des « passoires à énergie », les
« passoires à CO2 » méritent, une attention toute particulière ;
o Sans attendre la refonte indispensable à terme du DPE, utiliser ses deux
volets de manière à ouvrir le soutien public aux rénovations réduisant le plus
les émissions de CO2 et à interdire toute réglementations ou aide publique en
faveur de rénovations qui accroîtraient les émissions de CO2 ;
o Atténuer les effets dommageables du coefficient de conversion de 2,58 en le
faisant passer à 2,0 dans toutes les réglementations où il est appliqué ;
o Différer toute préconisation tendant à imposer un objectif de consommation
en énergie primaire de 80 kWhep/m2 qui aurait pour conséquence
d’accélérer les mutations vers le gaz ;
o Enrichir la liste des opérations « massifiées » de manière à favoriser des
économies d’échelle.
On peut penser ici par exemple à la substitution de pompes à chaleur à des
chaudières à fioul ou à des bouquets de travaux combinant des actes
d’isolation et le remplacement de convecteurs peu performants par des
radiateurs modernes.
o Encourager à travers les CEE ces opérations « massifiées » en soutenant des
actions concrètes identifiées (par exemple, le remplacement d’une chaudière
à fioul par une PAC) et pas seulement l’utilisation de matériels performants ;
o Engager des actions de communication grand public insistant en particulier
sur l’amélioration du confort et plus généralement de la qualité de vie
résultant de ces opérations de rénovation.
En conclusion, ce projet soumis à consultation devra être largement repensé pour répondre
à l’impérieuse nécessité de replacer le secteur résidentiel et tertiaire sur une trajectoire
compatible avec les ambitions de la France en matière de lutte contre le changement
climatique. Au-delà de notre réponse à cette consultation, nous pensons qu’il est urgent
d’engager une réflexion de fond collective sur les critères, les méthodes d’évaluation et les
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dispositions réglementaires, de soutien et d’incitation, qui permettront de promouvoir une
politique rationnelle de rénovation des bâtiments résidentiels et tertiaires cohérente avec
les objectifs de réduction drastique des émissions de GES de la LTCV et de la SNBC. Notre
association est prête à participer très activement à une telle réflexion.