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Référence :
POULAIN Sebastien, « Les radios libres ou la diabolisation
de la FM : qu'est-ce que libérer la parole veut dire°? », in
Thierry Lefebvre et Sebastien Poulain (sous la direction
de), Radios libres, 30 ans de FM°: la parole libérée ?,
INA/L’Harmattan, collection « Les médias en actes »,
Paris, 2016, http://www.editions-
harmattan.fr/index.asp?navig=catalogue&obj=livre&no=5
2049 et
https://lesradioslibres.wordpress.com/2016/11/08/les-
radios-libres-ou-la-diabolisation-de-la-fm-quest-ce-que-
liberer-la-parole-veut-dire-de-sebastien-poulain/
Les radios libres ou la diabolisation de la FM : qu’est-ce
que libérer la parole veut dire ?
Dr. Sebastien Poulain
Alors que le président Valéry Giscard d’Estaing affirme en
1976 que « tout monopole est un abus potentiel »1, son
Premier ministre Raymond Barre estime, en mars 1979, que
le monopole hertzien est nécessaire car les « radios libres
recouvrent toutes des intérêts particuliers » et sont donc
susceptibles de remettre en cause la « cohésion de la
Nation » (septembre 1979) par le « germe puissant de
l’anarchie » et la cacophonie qu’elles introduisent sur la
FM. Techniquement, elles seraient susceptibles de
perturber les prérogatives régaliennes de l’État via des
services publics essentiels au contrôle et à l’organisation de
la société, puisque la police, les ambulances, l’armée et
l’aviation utilisent les mêmes ondes, comme l’explique
Jean Autin, président de TDF, société chargée de brouiller
les « radios libres » :
Quelqu’un qui est malade et pour lequel on appelle
une ambulance par radio, parce que, à ce moment-là,
quelqu’un est en train de faire « joujou » avec la
fréquence radio sur laquelle l’ambulance peut être
atteinte, ne sera pas transporté, risque d’être
transporté trop tard ! (Mai 1977.)
De plus, en cas de crise ou trouble politique, les « radios
libres » pourraient être les premiers relais d’appels à la
« guerre civile », selon le quotidien de droite L’Aurore qui
s’en inquiète dès 1976 :
Bientôt, un réseau serré de radios-pirates pourra
recouvrir l’ensemble du territoire. En cas de grande
crise politique, de troubles, ces radios pourront
émettre des mots d’ordre de guerre civile. En tout cas,
elles échappent dès à présent à tout contrôle.
1 Valéry Giscard d’Estaing, Démocratie française, Paris, Fayard, 1976,
p. 61.
Il s’agit donc, pour les plus hautes autorités de l’État, de se
prémunir contre les « attaques » et « atteintes » (Barre en
juin 1978) de l’anarchie, aussi bien « venue de l’extérieur
que celle venue de l’intérieur », selon Giscard (juin 1977)
qui reprend une formule de son ministre de la Culture et de
la Communication Jean Lecat à propos de la mini-
périphérique Radio K. En effet, le gaulliste Michel Debré
prévoit que des « puissances d’argent » publiques et
commerciales étrangère pourraient s’approprier la FM
« aux dépens des intérêts culturels, économiques et
politiques de la France » (décembre 1977). Giscard suppose
aussi que :
la mauvaise radio chasserait la bonne et loin d’assister
à un enrichissement de la communication, nous
risquerions de voir se multiplier des radios médiocres.
(Juin 1977)
Barre s’appuie sur l’exemple des « radios libres » italiennes
(assimilées aux Brigades rouges2 par le ministre de
l’Intérieur Christian Bonnet en mai 1978) : « Je pense à la
situation italienne et je dis : Grand Dieu ! Épargnons cela à
notre pays. » (Septembre 1980) De même, les politiciens et
médias conservateurs italiens diabolisent la fameuse et
iconoclaste radio autonomiste Alice, en l’accusant
« d’instigation à l’émeute et d’appel à la guérilla urbaine »,
et l’un de ses fondateurs - Franco Berardi - d’« association
de malfaiteurs dans le but de subvertir les institutions de
l’Etat » et d’« instigation à la haine de classe » lors des
émeutes de Bologne (mars 1977). Alice, pour qui
diabolisation est synonyme de libération, s’en vante :
2 Certaines y lisent en effet quelques communiqués de presse.
Le Diable est revenu sur terre sous de multiples
aspects. Le diable est Alice, et l’assaut total à l’état de
l’oppression, c’est notre sourire, et notre esprit qui se
pense, le diable est notre corps toujours plus beau et
plus libre, capable d’aimer3.
Selon Barre, qui souhaite éviter l’importation du diable
« radiolibriste », Dieu représente en quelque sorte l’État-
Nation. C’est un « symbole »4 universel et transcendant, qui
rassemble, unit, organise et civilise la Nation, alors que le
« diable »5 représente le « particulier » anarchique des
« radios libres » qui est susceptible de diviser, tromper,
créer la confusion. La « bataille des radios libres »6 est avant
tout une bataille de mots et de symboles pour savoir qui est
légitime ou dangereux, pirate ou libre. Lors des débats
parlementaires à propos de la loi de 1978 sanctionnant
l’atteinte au monopole, les « radios libres » sont d’ailleurs
traitées de « “graffitis sonores” badigeonnées dans quelque
“immense confessionnal” » (Lecat), et les « radiolibristes »
d’« aimables et ingénus poissons pilotes » à la recherche
d’une « halte-garderie » (Joël Le Tac) qui produisent un
3 Collectif A/Traverso (Luciano Capelli et Stefano Saviotti), Radio
Alice, Radio Libre, Paris, Jean-Pierre Delarge, 1977 (préfacé par Félix
Guattari : « Des millions d’Alice en puissance »), p. 53, traduction
d’Alice è il diavolo.Sulla strada di Majakowskij: testi per una pratica
di comunicazione sovversiva de 1976, réédité et augmenté par Berardi
et Ermanno Guarneri en 2002 (Alice è il diavolo. Storia di una radio
sovversiva). L’expression est reprise dans un feuillet « radiolibriste » -
La Radio ? Maisc’est le diable !Ou la beauté des pirates et des potages
en sachet (Paris, éditions Radio Technique Compelec, 1977) - et dans
l’article « La radio ? Mais, c’est le diable ! » de Pierre-Yves Bulteau
(Mouvements, n° 61, 2010).
4 Symballein : syn-, avec, et -ballein, jeter.
5 Diaballein : dia-, à travers.
6 Thierry Lefebvre, La Bataille des radios libres 1977-1981, Paris,
Nouveau Monde/Ina, 2008.
« journalisme parallèle, marron et “clochardisé” » (François
d’Aubert)…
La bataille de programmation et d’audience, qui concernera
surtout les radios publiques et commerciales quand ces
dernières pourront se développer, est donc précédée par la
bataille de communication et d’émission. À l’heure de la
« société de communication » (Érik Neveu), les
« radiolibristes » sont directement en débat et en lutte avec
les hommes politiques (il existe des relais bienveillants dans
les partis) et l’État (la police, la justice et TDF), via leur
surmédiatisation7. « Libérer la parole »8 est avant tout
émettre, car émettre est considéré comme un acte politique.
À défaut d’être réellement entendu, il s’agit de faire croire
en sa capacité à l’être. Beaucoup partagent, avec les
politiciens, l’idée que les « radios libres » pourraient
7 Il y a surmédiatisation de certaines actions, paroles, idées, radios,
revendications,audiences...de la part des journalistes de la presse écrite
qui peuvent avoir des liens et des affinités avec les « radiolibristes » et
qui ont aussi tendance à les homogénéiser. Or, les actions
« radiolibristes » étaient souvent sporadiques et éphémères, les
conditions d’émission et de réception difficiles, les revendications
plurielles (des statuts de radio associative ou commerciale ; des radios
financées par des dons, des aides publiques ou de la publicité), les
objectifs divers (changer la manière de faire de la radio, réaliser des
émissions politiques, donnerla parole à tous ou diffuser de la musique
thématisée ; diffuser à l’échelon de l’université, du quartier, de la ville,
de la région ou du pays ; viser un public indifférencié ou
communautaire), les réussites variables (saisie dès la première
émission ; disparition au bout de quelques unes ou quelques mois ;
vente de fréquence ; changement radical de ligne éditoriale ;
monopolisation de la parole par des animateurs issus de milieux
favorisés ; clonage des contenus diffusés ; notoriété, attractivité et
audience faibles)…
8 Sebastien Poulain, Compte-rendu, « Colloque international "Radios
libres, 30 ans de FM°: la parole libérée°?", organisé par le Groupe de
Recherches et d’Études surla Radio, Paris, 20-21 mai 2011 », Le Temps
des Médias, n°16, 2011, http://www.cairn.info/revue-le-temps-des -
medias-2012-2-page-245.htm.
influencer le jeu politique - ne serait-ce que par leur
« efficacité symbolique » (Claude Lévi-Strauss) - et
recommencer ou continuer Mai 68 par d’autres moyens : la
radio comme substitut d’une structure de coordination
(Anthony Oberschall). En bataillant sur le domaine public
hertzien, les « radiolibristes » diabolisent les ondes par leur
simple existence, qui dépossède de fait les divinités
étatiques du verbe, de la vérité, de la loi, de la lumière
qu’Autin appelle « objectivité » :
Pour moi, le monopole, c’est encore ce qu’on fait de
mieux dans l’intérêt de la population toute entière, car
il garantit l’objectivité. (Décembre 1977.)
La prise de parole « radiolibriste » remet en question la
« doxa démocratique » (Pierre Bourdieu) car elle
menace fondamentalement tous les systèmes
traditionnels de représentation sociale, [et] remet en
question une certaine conception du délégué, du
député, du porte-parole autorisé, du leader, du
journaliste...9
Les « radiolibristes » introduisent de l’autre, du dissonant,
du divergeant, dans une sorte d’entre soi audiovisuel
hégémonique et oligopolistique10 (bien commode pour les
autorités) à travers leur parole contre-culturelle. En tant que
« ressources cognitives » (William Gamson) hétérodoxes à
la « bonne parole » (Pierre-Yves Bulteau), ils semblent
pouvoir créer d’autres croyances collectives, systèmes de
valeur, représentations sociales, doctrines, idéologies,
9 Félix Guattari, « Les Radios libres populaires », La Nouvelle Critique,
n° 115, 1978, p. 77.
10 Antoine Lefébure, « Périphériques and CO », Interférences, n° 1,
décembre 1974.
catégories d’entendement et de perception des réalités
sociopolitiques. Ils interrogent les limites de la démocratie
et remettent en cause l’État unitaire et républicain dans sa
façon de raconter la vie politique et l’histoire du monde,
grâce à la possibilité de choisir, plus ou moins directement,
les personnes ayant droit de la relater et la manière de le
faire. Ils troublent l’ordre établi en contestant le « monopole
[divin] de la violence physique et symbolique légitime »
(Bourdieu) - dont la réinstauration pourrait être fixée
symboliquement à l’appel du 18 Juin11 -, grâce à la
possibilité qu’ils ouvrent de dire, à grande échelle et en
direct (en studio ou par téléphone12), autre chose, autrement
et par d’autres. Ils revendiquent le droit de faire parler, de
façon illégitime, des personnes illégitimes sur des sujets
illégitimes et des musiques illégitimes, notamment le hard
rock qui redonne vie au diabolicus in musica13 (Slayer,
Black Sabbath…). Ces personnes illégitimes -
régionalistes, anarchistes, communautaristes, immigrés,
féministes, homosexuels, prisonniers, handicapés, malades,
jeunes, ouvriers, pauvres, chômeurs, objecteurs de
conscience… - « dévient » (Howard Saul Becker) du
modèle du citoyen idéal du « bon père de famille »14, blanc,
hétérosexuel, cadre et propriétaire, et sont donc susceptibles
de salir et polluer le domaine public hertzien avec leurs
« stigmates » (Erving Goffman) et leurs paroles
potentiellement subversives, car potentiellement
11 Les 1res notes de musique de la 1re émission de Radio Verte (13 mai
1977) sont celles de la 5e symphonie de Beethoven, qui était l’indicatif
des émissions de la France Libre sur la BBC.
12 Sur l’utilisation du téléphone en direct : Franco Berardi, « Les radios
libres et l’émergence d’une sensibilité post-médiatique », Multitudes,
no 21, 2005, p. 20-21.
13 Jacques Sutter, « Musique et religion : l’emprise de l’esthétique »,
ASSR, no 94, 1996.
14 Ce n’est que le 21 janvier 2014 que cette expression a été supprimée
du droit français par un amendement adopté par l’Assemblée nationale.
pornographiques, mensongères, ironiques, vulgaires,
obscènes, amatrices, populaires, militantes, incontrôlables,
irrespectueuses, immorales, impolies, étrangères,
spontanées, poétiques, directes, donc libres en quelque
sorte. La parole est subversive et révolutionnaire par nature,
selon le groupe « Il Gatto Selveggio » (le chat sauvage), à
l’origine de la revue A/Traverso et d’Alice, et par ailleurs
inspiré par Dada et Maïakovski.
Ces « braconniers » (Michel de Certeau) de la « politique
symbolique » (Lucien Sfez) sont donc susceptibles de
déstabiliser la communication politique étatique, de
modifier l’agenda public, en introduisant de nouveaux
problèmes ou contre-problèmes publics grâce à l’« effet
d’engrenage » (Rainer Mathes et Barbara Pfetsch) qui
pousse les élites et institutions à prendre en compte les
actions et opinions illégitimes des entrepreneurs de causes
marginales (Howard Saul Becker), parce qu’elles sont
diffusées progressivement dans l’espace public « légitime »
(Jürgen Habermas). En médiatisant « l’humeur
contestataire » (Lilian Mathieu) et « anti-institutionnelle »
(Pierre Bourdieu), ils peuvent jusqu’à un certain degré
saper la sacralité, l’autorité, la crédibilité et la popularité
des gouvernants et institutions publiques, voire changer ou
dérégler le langage, les rituels et les règles du « jeu » ou
« champ » politique. À leur niveau, qui est à relativiser, ils
sont susceptibles d’ébranler les relations de domination
sociale et l’ordre social, en montrant son mode de
reproduction, ses hiérarchies, monopoles et inégalités
(Monique Pinçon-Charlot et Michel Pinçon). Grâce à leur
pouvoir de séduction « diabolique » (nouveaux animateurs,
programmes, musiques), ils conquièrent les oreilles des
auditeurs et l’« âme » de l’opinion publique, pour laquelle
« le diable et le bon Dieu se livrent bataille »15 afin de
15 Jean-Loup Thébaud, « Le diable est dans les détails », Le Portique,
n° 12, 2003.
modifier les liens entre les individus et leur groupe
d’appartenance, donc les contours des communautés
politiques : quel ennemi, délinquant, étranger, anarchiste,
diaboliser ?
En s’autoproclamant « radios de substitution » et en
émettant en parallèle16 aux « radios de représentation »
(Jacques Semelin) étatiques et périphériques, les
« radiolibristes » choisissent la « désobéissance civile »
(Henry-David Thoreau) ou l’« illégalisme » (Michel
Foucault) « non-violent » (Lanza del Vasto) comme mode
d’action politique de « résistance à l’oppression » (John
Locke), susceptible de faire évoluer le paysage médiatique,
comme le justifie un appel de 1977 de l’Association pour la
libération des ondes (ALO) : « La loi est caduque lorsque
plus personne n’en veut. » Ils cessent d’obéir aux lois de la
cité, parce que celles-ci leur paraissent injustes et iniques,
donc illégitimes, sans valeur et sans autorité par rapport aux
droits de l’homme : Radio Fil-Bleu (fondée par des
membres du Parti Républicain) utilise l’article 10 de la
CEDH sur la liberté d’expression et de la presse devant les
juges en 1977. Ils décident de reprendre la souveraineté qui
a été transférée aux représentants politiques via le fameux
« contrat social » (Jean-Jacques Rousseau), afin de
reconstruire des micro-contrats sociaux pour des micro-
communautés constituant des « micro espaces » publics
(Daniel Dayan). Et c’est ce dont les autorités publiques
semblent se méfier et tenter d’« exorciser » (Giordana
Charuty), à travers le « mécanisme de contrôle social »17
16 La manière dont les fréquences prennent place aléatoirement sur la
FM - alors que les chaines TV sont numérotées et la presse inégalement
distribuée - peut donnerune impression d’égalité, alors que les moyens
à disposition sont incommensurables.
17 Julien Bonhomme, « Magie/sorcellerie », Dictionnaire des faits
religieux, PUF, Paris, 2010, p. 684.
que constitue la diabolisation symbolique des
« radiolibristes ».
L’exemple d’une radio « expressiviste » (Dominique
Cardon et Fabien Granjon) « diabolique »18 peut être
éclairant : Ici et Maintenant - l’une des radios « rebelles »
« “survivantes” se faisant l’écho du “mouvement social” »19
- est la plus ancienne des radios locales privées parisiennes
encore en activité, puisqu’elle débute ses émissions20 le 21
juin 1980 (« jour du soleil ») à 23h0021 sur 102 MHz22, au
son de Rainbow in Curved Air de Terry Riley, depuis un
appartement de l’avenue Victor-Hugo (16e) prêté pour
l’occasion.
La manière d’organiser le fonctionnement de cette radio
applique en grande partie l’utopie communicationnelle
« deleuzoguattarienne » d’Alice, mais saupoudrée de
principes bouddhistes : l’ici et maintenant devient le direct,
la suppression de l’ego devient l’absence de vedettariat…
Programmation :
18 En plus de son intérêt pour l’ésotérisme (partagé par beaucoup
d’animateurs de RIM), Jean-Paul Bourre - écrivain, journaliste et
animateur à RIM depuis 1982 - est connu pour son attrait pour le
satanisme, qu’il dit avoir expérimenté : Les Fils du Feu, 1971 ; Les
Sectes lucifériennes aujourd’hui, 1978 ; Le Sang, la mort et le diable,
1985 ; B.a.-ba satanisme, 2000.
19 Dominique Cardon et Isabelle Sommier, « La rébellion dans la
communication », La France rebelle, Paris, Michalon, 2002, p. 504.
20 2 000 affichettes orange fluorescentes (éditées par Claude Palmer, de
la FNRL) ont annoncé l’événement.
21 Heure où la TV cesse, le brouillage de TDF à 22h30, les flagrants
délits à 22h, Radio 7 à 1h, Musique à 2h.
22 En dehors des radios d’État (Radio 7 sur99.8 MHz, Musique sur97.6,
Culture sur 93.35, FIP sur 90.35, Inter sur 87.8), peu de radios libres
émettent (Ivre sur 88.8, OVNI sur 92.5, Montmartre sur 98.55) à Paris
quand RIM décide d’émettre tous les soirs.
- spontanée, improvisée (sans grille23) et animée par le Do
It Yourself, donc différente chaque jour ;
- antenne en direct, artistique, ouverte, expérimentale,
créative24 ;
- liberté d’expression25 (anonymat et non-sélection) et du
temps disponible26 ;
23 Jusqu’à l’arrivée au centre Pompidou, où sont créées une lettre
d’information et une grille diffusée sur 3615 club1 (1986-1987).
24 Exemples : lecture pendant trois jours et trois nuits du Bottin de Paris
jusqu’à la lettre b, création d’échos ou de boucles musicales grâce à une
rayure de pièce de monnaie surun vinyle (trois platines), multiplexage
de studios, jukebox électromagnétique branché à un ordinateur Apple
2, avec une carte d’émulation automatique connecté à un serveur
minitel, tentative de transmission d’images par le branchement de la
radio sur le minitel, quadriphonie avec deux émetteurs stéréo et deux
bandes synchro écoutés par quatre hauts parleurs, diffusion en
intégralité d’albums pour obliger les maisons de disques à en envoyer,
diffusion de Ludwig de Ferré pendant trois jours pour dénoncer le
matraquage commercial, musique répétitive pendant 26 heures,quatre-
vingt Dylan en deux nuits avec traduction de textes, neuf symphonies
de Beethoven à la suite,émission en se lavant les dents ou sous LSD (et
autres substances), zapping TV et radios internationales, parties
d’échec, lectures in extenso (L’Amant, Milarépa, Serpent à plume),
bande son de films (Jésus de Nazareth, Tusk, Hiroshima mon amour,
Mash, Allons z’enfants, Le Chagrin et la Pitié), petites annonces
matrimoniales…
25 Les incitations à la violence, au nazisme, à la pédophilie, le conflit
israélo-palestinien, obligeront à contrôler.
26 Le coût de l’appel est de 0,50 F/8h dans Paris.
- interactivité27, égalité28, multiplicité, simultanéité à
l’antenne (animateurs/invités/auditeurs) ;
- pas de fermeture du micro (y compris pendant la
musique) ;
- transparence29 et polyvalence
(producteur/standardiste/réalisateur/journaliste) des
animateurs ;
- démonopolisation de la production médiatique et
journalistique grâce à « l’auditeur-professionnel » ;
- valorisation et utilisation de toutes les technologies
communicationnelles et informatiques30.
27 Radio ping-pong utilise le répondeur pour mettre en présence deux
personnes en désaccord sur un thème choisi, tandis que les autres
« comptent les points » en fonction des arguments. Radio Solo donne
antenne libre à un auditeurentre 5 mn à 4 h.(Sebastien Poulain, « Guérir
de la société grâce à la radio : usages des libres antennes de Radio Ici
et Maintenant », GT13, AISLF, Istanbul, 7-11/07/2008,
http://web.univ-
pau.fr/RECHERCHE/SET/AISLFCR33/DOCS_SOCIO/istambul/Act
es_AISLF_GT13_Istambul_2008.pdf)
28 Tutoiement de rigueur.
29 Pour rendre les animateurs « neutres », RIM les appelle « Némo »,
les remplace par l’« animateur ultime » Éliza - un logiciel sur
Macintosh, issu des laboratoires du MIT, qui répond aux auditeurs en
s’adaptant à leurs propos en identifiant 2 000 concepts (trophée du
« Meilleur Programme » lors du 1er « Festival de la FM » en mai 1982)
- et les sort de l’antenne dans Radio Village.
30 En 1984, RIM possède un T07, un Sanyo PHC 25, un Commodore
64... L’émission Hot-line informatique de Sébastien Mayer collabore
avec TF1 et diffuse des logiciels à l’antenne pour des Sinclair ZX80,
Thomson MO5, Oric, Sanyo,Sharp 1350... 1er site internet en 1996 avec
l’ouvrage de Ram Dass en bilingue (déjà sur disque 3 " ½ et Minitel).
1er portail professionnelhttp://nseo.com/ payé par Ouaki (70 000 F) en
1997. Dans les années 2000, des webcaméras sont installées dans le
studio pour diffuser les images sur http://icietmaintenant.com/ grâce
aux logiciels VLC, Sopcast, Dedibox ou Flashplayer et ainsi créer la
« Télévision Ici et Maintenant Expérimentale ! » qu’elle tente de mettre
en place en 1982 puis 1984 (grâce à environ 100 000 F de Nouvelles
Frontières, et la tentative de fabrication sur plan d’un émetteur par
Organisation :
- réticulaire, non-hiérarchique, fluide, informelle ;
- studio chez soi31, un copain, une petite amie ou dans une
cabine téléphonique ;
- changements réguliers de lieu d’émission32 (pour
échapper à la police), puis de production (pour partager le
travail) ;
Wladimir du SAV de Darty). Il est désormais possible de trouver cette
télévision surson Iphone,grâce à l’application gratuite Ustream ou à la
télévision grâce au FAI Free. Ainsi, il existe aujourd’hui un site de
streaming qui permet de regarder des émissions filmées de RIM
(http://rimlive.com/), un site internet pour télécharger des émissions
(http://www.rimcast.fr/), de la plateforme
http://radioicietmaintenant.radio.fr/ qui ne fait que diffuser la radio, de
la Télévision Ici & Maintenant Expérimentale !
(http://icietmaintenant.com/TimeUstream.htm), du blog de Plaige de
veille ufologique (http://ovnis-usa.com/), du forum internet de la radio
(http://icietmaintenant.fr/SMF/), du blog de Plaige consacré à l’ouvrage
Protocole oracle (Chamanéditionuméric, Autrecourt, 2012) de Plaige
(http://protocole-oracle.com/), du blog de Plaige sur son projet de
création de radios pour les Communautés Shipibos au Pérou
(http://radio-shipibo.com), des réseaux sociaux numériques Twitter
(https://twitter.com/RIM952 avec 1 117 abonnés pour225 tweets le 30
mars 2015) et Facebook
(https://www.facebook.com/RadioIciMaintenant 2 360 « like » le 30
mars 2015). (Sur le rapport entre RIM et les technologies : Sebastien
Poulain, « Postmodernité et postradiomorphoses : contexte, enjeux et
limites », RadioMorphoses (en cours de publication))
31 Chaque animateur dispose de deuxplatines, un micro, des câbles,une
mixette à 4 voies et une ligne Télécom. Pour diffuser une musique, il
s’agit de dévisserles fils rouge et bleu attachés à la pastille de l’écouteur
annexe du téléphone, de les relier - via une pince crocodile ou du
chatterton - à une rallonge casque sectionnée à 1 cm de la fiche femelle
qui contient trois fils (deux de couleur à relier pourles rendre mono ; le
3e, soit noir soit en cuir, est la masse commune et reste indépendant) et
de brancher la rallonge sur la prise casque stéréo pour jack mâle 6.35
mm de l’amplificateur (idée d’un auditeur lors du premier Radio
Village).
32 Grâce à son réseau, RIM installe des antennes (de CB taillées de la
longueurde la fréquence) à diverses adresses dans Paris (il faut environ
trois jours pour repérer une antenne par triangulation) : 5e, 8e, 9e, 15e,
16e, 18e (chez Alain Blottière, écrivain, au sommet de Montmartre, où
est installé longtemps l’émetteur), Levallois-Perret. Les émissions sont
envoyées par téléphone. Il suffit de faire la ligne, brancher l’émetteur,
décrocher le téléphone, allumer l’émetteur (à recommencer lorsque la
ligne chauffe trop et saute). Le 1er émetteur de 10 W (FIP est à 12 kW)
a été acheté à des étudiants de Radio Babylone (Clermont-Ferrand) pour
2 000 F, l’antenne pour 300 F, le câble coaxial pour 500 F dans des
boutiques parisiennes. Lefébure prête un émetteur de 15 W après la
1re saisie. Cyprien Luraghi, technicien de feu Radio Paris 80, en achète
un en urgence auprès d’Andréa Zanobetti (technicien d’Alice) à
Bologne, où la surenchère de puissance entraine la revente des petits
émetteurs et où Luraghi retourne deux autres fois l’été 1980. Plaige et
Skornik achètent un 25 W à Milan à l’automne 1980, grâce au prêt
d’une Golf d’un client d’un restaurant de Saint-Germain souhaitant une
paire de chaussures,mais qui ne les aura pas. En juin 1981, ils achètent
un 100 W après un don de 40 000 F d’un ami informaticien de Mayer
(Padovani), puis un 500 W, 2,5 kW (1984), 12 kW de PAR (fort de
Romainville-TDF), 4 kW depuis 2001 (Mercuriale, Towercast-NRJ).
- bénévolat33 et financement non-commercial34 (mais
dons35, partenariats36, audiotel37, FSER, location
d’antenne) ;
- statut associatif (Fondation Ici et Maintenant38) et
indépendance vis-à-vis des institutions (syndicales,
publiques, commerciales)…
Mais son modèle radiophonique, que Thierry Lefebvre
(animateur de 1985 à 1986) qualifie de « Zone Autonome
Temporaire » (Hakim Bey), va au-delà de la
communication libre. RIM propose des « nouvelles formes
de vie sociale », c’est-à-dire d’autres manières de :
- se déplacer (transport collectif, non polluant, gratuit) ;
33 La précarité de certains animateurs est compensée par leurs réseaux
et la plupart sont défrayés par Plaige : logement, téléphone, électricité,
alimentation, essence, matériel…
34 Investissement en 1980 : 10 000 F (2 000/pers. : Plaige, Skornik,
Caron, Cabanes,Reusser). Budget annuel : 200 000 F en 1983, 160 000
€ en 2006.
35 Ouaki se souvient avoir imité les animateurs de radios commerciales
pendant deux heures pour inciter les auditeurs. 120 000 F (dont un
chèque de 50 000 F de Paloma Picasso) ont ainsi été récoltés en 1983.
En 1984, 44 souscripteurs payent un écot mensuel et 2 000 personnes
ont une carte d’auditeur.
36 RIM obtient des accords avec le Salon micro-expo, le Grand Palais,
Marjolaine, Vivre Zen, Vivre autrement… en échange de financements
ou de matériel. Tati et Beaubourg prêtent un studio. RIM pratique le
publi-rédactionnel avec différents invités : médecines douces,
astrologues, associations. Autres : conférences, ventes de livres et
vinyles, exposition-vente d’œuvres offertes par des auditeurs et artistes
(Folon, Avoine, Cogolo, Sabatier, Soulas, Jean Teulé, Erik, Lochu,
Classe, Soucas de Vilar).
37 0,34 €/min et une audience de 5 000 auditeurs/j dans la deuxième
partie des années 2000 contre une audience de 186 000 auditeurs (dont
97 000 réguliers) selon un sondage, à relativiser, de l’agence Quotas-
Média des Autres de novembre-décembre 1983 (DUTEIL Christian,
« Radio Ici et Maintenant."La flibuste des ondes" »,Antenne Magazine,
1984) dont les résultats sont à prendre avec prudence.
38 Nom qui laisse supposer des ambitions au-delà de la radio.
- habiter (écovillages, développement durable, énergies
alternatives) ;
- s’alimenter (végétalisme, bio, jeûne, consom’action) ;
- se soigner physiquement (médecines alternatives,
magnétisme, vitamines) ;
- se soigner psychologiquement (développement personnel,
pensée positive) ;
- faire de la science (parascience, paramédical,
parapsychologie, télépathie) ;
- croire (ufologie39, spiritisme, spiritualisme, ésotérisme,
astrologie40) ;
- éduquer (lycée autogéré, école Steiner) ;
- se cultiver (friches culturelles, squats artistiques) ;
- écouter de la musique (country, world, new wave,musique
répétitive) ;
- militer (grève de la faim, non-violence, abstentionnisme,
contre-expertise critique) ;
- voir la politique (libertarisme, altermondialisme,
écologisme, complotisme) ;
- voir l’économie (troc, économie solidaire, décroissance,
anticapitalisme)…
À l’image des Cultural Creatives (Sherry Anderson et Paul
Ray), il s’agit de révolutionner la radio, voire au-delà, en
proposant de « mettre en pratique une nouvelle manière de
penser, de nouvelles valeurs, un nouveau rapport à soi, au
monde, à la nature, au temps ainsi qu’une nouvelle manière
d’envisager le vivre-ensemble et l’organisation de la
société »41, grâce à la création d’un « service public idéal »
39 Sebastien Poulain, « La fabrique des extraterrestres », Mots. Les
langages du politique, n° 92, mars 2010,
http://mots.revues.org/index19401.html
40 Sebastien Poulain, « Retour vers le futur ou l’ascendance
radiophonique de Madame Soleil », Radiography, 21 juin 2014,
http://radiography.hypotheses.org/1312
41 Emeline de Bouver, « La simplicité volontaire », La Consommation
en vue du « bien-être » et de l’« éveil », l’« épanouissement
des consciences », la « libération des tabous et des
conditionnements » des auditeurs dans un espace public
multimédiatique autonome (Frédéric Dubois et Andrea
Langlois), alternatif (Chris Atton), contre-culturel
(Clemencia Rodriguez), à l’intersection des nouveaux
mouvements religieux42, informationnels43 et sociaux.
Ses fondateurs (Didier de Plaige et Guy Skornik) et
animateurs sont comédiens, journalistes, écrivains, artistes,
technophiles, radiophiles, mélomanes, cinéphiles,
voyageurs, néo-bouddhistes44, libertaires (plutôt gauchistes
et écologistes et de parents gaullistes) et qualifiés de baba,
beatniks, hippies, freaks, truth seekers…
Ce sont très majoritairement des hommes, même si
l’appartement d’Élisabeth Caron sert longtemps de studio,
si Léna Cabanes (compagne de Plaige et dirigeante à
Nouvelles Frontières) participe à la fondation, si Ophélie
Grolade (1983-1986, de RFO et de la rosicrucienne Radio
3) crée le magazine « Science et conscience » et si
Supernana (1983-1986, 1988 et 1991) et la féministe
Isabelle Alonzo (2006-2007) en sont animatrices.
Ils ont majoritairement la trentaine et ont donc vu Mai 1968,
mais sans se politiser et monter sur les barricades, puisque
critique, Paris, Desclée de Brouwer, 2011, p. 191.
42 Un animateur issu du Mandarum reste quelque temps. Lama Denis,
Selo Black Crow, Soeur Marguerite, Deshimaru, Kalou Rinpoché et
autres mystiques... sont invités « au kilo » selon Alain Dubois. Des
représentants de Moon, l’Église universelle du royaume de Dieu,
Benjamin Creme, Eckhart Tolle louent de l’antenne (pratique existante
surles périphériques : Radio Évangile, avant les programmes matinaux
de RMC, de 1961 à 2006.).
43 Dominique Cardon et Fabien Granjon, Médiactivistes,Paris, Presses
de Science-Po, 2010
44 Une grande partie des animateurs de RIM sont issus de tradition
catholique et juive et se sont convertis au bouddhisme (y compris
Supernana !). Ouaki a publié un entretienavecle Dalaï-Lama, La Vie est à
nous (Paris,Albin Michel,1996) avant de retourner à ses origines juives.
plutôt réfractaires aux partis politiques (notamment au parti
communiste) et à la violence45.
La plupart ont le bac et parfois bien davantage grâce à des
capitaux socioculturels et économiques familiaux
importants. Ils estiment que la radio est un moyen de
remplacer l’école en entrant dans la vie des gens et en
découvrant les choses par procuration.
Mais certains ont décidé d’arrêter leurs études de la même
façon qu’ils ont rompu violemment avec leur éducation et
leur famille. La radio a donc pu servir de « communauté de
substitution ». En effet, l’équipe d’animation est restreinte,
les animateurs46 passent une grande partie de leur temps à
l’antenne (par tranche de 8 heures toutes les 24 heures) ou
à la préparer, et sont solidaires les uns des autres en
partageant repas, jobs, « bons plans ».
Mais il y a peu de réunions d’équipe. Peu d’animateurs
dépassent les deux ou quatre ans d’antenne. Par ailleurs,
peu d’entre eux ont souhaité vivre et vécu en communauté,
à l’exception d’une tournée théâtrale (Gérard Lemaire) ou
musicale (Jean-Michel Reusser), voire dans des pratiques
religieuses47.
45 La comparaison avec Alice est donc difficilement soutenable,même
si RIM a couvert des manifestations comme celle où Dubois (filleul du
résistant communiste et sociologue Jacques Maître) s’est retrouvé en
direct dans une cabine téléphonique entre les étudiants d’extrême droite
et les CRS (l’un d’entre eux lui arrachant le combiné).
46 Voici un organigramme (un peu artificiel) de RIM début 1984 (après
le départ de Skornik avec Élisabeth Caron, devenue Skornik) :
Direction : Plaige ; Information : Lemaire ; Relations extérieures :
Ouaki ; Développement informatique : Mayer ; Programmation
musicale : Reusser ; Direction littéraire : Blottière ; Reportages : de la
Croix, Bouton, Dubois, Henri Béhar ; Animation : Daniel Chartier,
Patrick Haoua, Jean-François Laurot, Marc Perez, Jean-Philippe
Thérond (longtemps animateur à RIM sur la BD), Serge Thomelin ;
Technique : Wladimir ; Réalisation : Frédéric Moir (luthier devenu
psychanalyste jungien et animateur à RIM sur l’analyse des rêves).
47 Formé au Centre européen de yoga fondé en 1970 à Paris par Jean
L’idée de communauté se retrouve dans le programme
Radio Village - qui débute sur Radio Gnome le 1er
décembre 1980 -, où il s’agit pour les auditeurs d’appeler la
station et passer automatiquement (du moins dans un
premier temps) à l’antenne pendant 4 minutes environ.
Mais ce programme est tout aussi collectif
qu’individualiste, puisqu’il y est paradoxalement
impossible de dialoguer directement (mais ce dialogue est
largement encouragé dans d’autres formats d’émissions).
Autre paradoxe, si les animateurs ont une vision très
démocratique et égalitariste de l’antenne, certains partagent
une idéologie élitiste et paternaliste, à l’instar de l’idée
platonicienne selon laquelle les sages « spirituels » seraient
les mieux à même de diriger la société grâce à une meilleure
« conscience » du monde. Certains ont d’ailleurs des
origines aristocratiques (ou veulent en donner l’image) et
sont, pour la plupart, issus de la petite et moyenne
bourgeoisie : fils d’industriels, de cadres supérieurs...
Fabien Ouaki va hériter de Tati. Plaige devait reprendre, de
son père, une franchise d’Havas à Brazzaville et trois
librairies après son BTS en publicité. Ainsi, la plupart ne
payent pas de loyer grâce à leurs familles48 et leurs amis -
un atout pour faire fonctionner une radio non commerciale.
De plus, beaucoup sont à la recherche d’une religiosité
Bernard Rishi (lui-même formé par Pattabhi Jois, fondateur de l’école
de Mysore),Plaige est professeurde yoga entre 1970 et 1972 à Dumfries
etau monastère Kagyupa Samye Ling -1er centre tibétain en Occident - dans
les Lowlands d’Écosse où il vit avec sa compagne et sa sœur (devenue
ensuite professeure de Shiatsu à 7 km du château de Plaige) et où il a
invité Ram Dass (rencontré à une conférence à Londres) et reçu Kalou
Rinpoché. Puis Plaige réunit 200 000 F pour acheter le château de
Plaige (avec l’idée de créer un centre multiconfessionnel) et participe
entre 1974 et 1978 à la construction du centre bouddhiste le plus
important d’Europe : Dashang Kagyu Ling ou Temple des mille
Bouddhas (Bourgogne).
48 Ouaki et Plaige possèdent des autos utiles en cas de soucitechnique.
supérieure, parce que syncrétique, naturelle, ésotérique, et
se distinguent culturellement en faisant intervenir à la radio
des artistes pointus, polyvalents, underground et
prestigieux49. Ainsi, ils s’estiment au-dessus des
« radiolibristes » ordinaires par leur recherche de
professionnalisme et leur conviction de construire un projet
solide et viable. Il faut dire que les animateurs ne sont pas
totalement des « radiolibristes » débutants :
49 Christophe Alévêque, Djamel Allam, Greame Allwright, Arno, Jean-
Louis Arti, Hugues Aufray, Robert Badinter, Joan Baez, Jules
Beaucarne, Julian Beck, Jacques Bertin, Richard Bohringer, Charles
Bukowski, Cabu, Jean-Patrick Capdevielle, Marie Cardinal, Jean-Paul
Chaillet, Charlebois, Hervé Christiani, Chick Corea, Charlélie Couture,
Michel Crépeau, Elisabeth D., les frères Dagar, Régis Debray, Jean-
Pierre Dessertine, Manu di Bango, André Diligent, Jango Edwards,
Brian Eno, Jean-Pierre Faye, Léo Ferré, Nino Ferrer, Alain
Finkielkraut, Dan Franck, Serge Gainsbourg, Gébé, Philip Glass, Jean-
Luc Godard, Jean-Jacques Goldman, Jimmy Guieu, Marc Guillaume,
Jacques Higelin, Pierre et Igor Hossein, Paula Jacques, Jean-Michel
Jarre, Alejandro Jodorowsky, Michel Jonas, François Jouffa, Marin
Karmitz, Philippe Lacoue-Labarthe, Valérie Lagrange, Brice Lalonde,
Jérôme Laperrousaz, André Laude, Maxime Le Forestier, Philippe
Léotard, Emmanuel Levinas, Michel Lonsdale, Fabrice Lucchini,
Colette Magny, Judith Malina, Gérard Manset, Phil Marso, Ahmad
Shah Massoud,Gabriel Matzneff, Gilbert Montagnier,Aguigui Mouna,
Georges Moustaki, Pierre Nora, Geoffrey Oryema, Jean-Pierre Perrin,
Bertrand Poirot-Delpech, Godfrey Reggio, Serge Safran, Henri
Salvador, Christine Sauzeau, Klaus Schulze, Philippe Sollers, Alan
Stivell, Lionel Stoléru, Jacques Taquet, René Tavernier, Pierre
Toureille, Jean-Louis Trintignant, Frédérick Tristan, Jean-Pierre Tuil,
Vangelis, Jacques Vergès, Marine Vlady, Jean-Luc Weyl…
- Plaige et Skornik ont travaillé à Antenne 250 et Inter51 et
visité deux « radios libres » : Onz’Débrouille (début mai
1980) et Paris 8052 (fin mai 1980) ;
- Plaige a co-écrit, avec Jean-Marie Leduc, Les Nouveaux
Prophètes (Paris, Buchet-Chastel, 1978), qui présente les
nouveaux mouvements religieux, et traduit Remember, ici
et maintenant : namasté ! (Paris, R. Dumas, 1976), une
autobiographie spirituelle de Richard Alpert, dit Ram Dass
(professeur de psychologie cofondateur du
psychédélisme) ;
- Skornik est chanteur, musicien (1er prix du conservatoire)
et auteur-compositeur (pour Michel Jonasz, Michel
Delpech et premier succès de Gérard Lenorman en 1971 :
Il )53 ;
50 En 1977, ils produisent le bimensuel « Ici et Maintenant » de 20
minutes vers 16h30, le mercredi, dans l’émission « Un sur cinq »
produite par Armand Jammot et présentée par Patrice Laffont à qui ils
ont proposé 200 sujets : un radiesthésiste distingue des clous et des
œufs, le moine zen Deshimaru se met en ondes alpha (8-12Hz),reportage
sur l’Arche (Lanza del Vasto)... Plaige participe en 1978 à
« Aujourd’hui magazine » (complément d’« Aujourd’hui madame »),
produit par Jammot et présenté parHenri Slotine : reportages et plateau
sur les Enfants de Dieu, un Réunionnais qui marche sur les braises...
51 Encadrés par Jean-Louis Foulquier, ils remplacent Macha Béranger
et Claude Villers en congés en 1978. Ils y mettent en concurrence un
calculateur prodige et un ingénieur d’IBM, traitent l’autisme, le coma,
les séries de nombres, la cryogénisation,interviewent Lanza del Vasto,
Salvador Dali, René Dumont ou Isola Pisani (femme du ministre) sur
Mourir n’est pas mourir. Mémoires de vies antérieures (Paris, Robert
Laffont, 1978) et font intervenir les auditeurs en direct.
52 Radio militante (avec Jean Ducarroir et Patrick Farbiaz), installée
dans la communauté Ecoovie dans le 13e arrondissement de Paris.
53 Le 33T Namasté ! (Philips, 1976), écrit par Plaige, s’inspire d’un
voyage de 1974 à Sonada (résidence de Kalou Rinpoché), où Skornik,
Cabanes,Reusseret un ami de Reusser ont interrogé les Tibétains sur la
logique des nombres questionnée par l’alchimiste Jacques Breyer.
- Rémi Bouton et Alain Dubois sont des pionniers : Bastille
(1978), Gnome54 (été-déc. 1980), Graffiti (hiver 1981-
1982), Gulliver55 (10 mai-nov. 1981), Nemo56 (été 1981),
54 Gnome (inspirée d’un titre du groupe Gong), installée dans le studio
de Bouton à Madeleine, utilise un mat de 10 m (sur le toit d’un
commissariat fermé le week-end), un émetteur « bidouillé » de 40 W
(dans la cheminée) sur 96 MHz obtenu par Claude Genest
(Onz’Débrouille, Cortizone, FNRL), un tripole et du matériel dans un
placard. Les deux lycéens font du radio-trottoir, lisent Le Canard
enchainé et diffusent la cassette sur les diamants de Bokassa.
55 Gulliver débute le 10 mai 1981 à 2h du matin avec 40 W depuis le
studio de Dubois à République (studio qui sera déplacé aux Frigos à la
fin de l’été et cambriolé), après avoir changé de fréquence (95.7
obligeant l’animatrice Florence Bonvoisin à chercher un 25 W de
qualité en Italie), Cité Future s’étant installé sur 96 MHz (vendue par
Bouton à Bellanger pour 1400 F en juin) avec 500 W depuis
Montmartre. Elle est portée par « l’association pour le développement
des arts et des idées, expérimentale », diversifiée au niveau des
musiques (musiques d’agrément et légères, jazz, rock), programmes
(poésie, publicité, science) et communautés reçues. Plus politisée que
RIM, elle recrute Claude Halfen alias Mendel (Action Directe) à
Tomate (fondée par Bruno Guattari sous l’égide de son père et le
soutien, notamment, de militants autonomistes), qui anime le vendredi
soir « En attendant que l’immeuble s’écroule » sur l’anarchie, fait
relayer Radio Venceremos (Salvador), propose d’aider à diffuser
Kadhafi sur AM et invite un membre de l’IRA. Mendel y rencontre
Catherine, qui anime quelque temps une émission le samedi matin sur
les mystiques orientales, dont le studio sert à Action Directe et qui se
suicidera quelques mois après.
56 Dubois tente d’exporter RIM à Nice, où l’artiste Ben est animateur.
Liberté57 (juin 1981), Mercure 10458 (1982), Carbone 1459
(février-juillet 1986), Ouï FM60 (1988-1990) ;
- Reusser a animé France Musique et écrit pour L’autre
Monde61, Rock’nd Folk, Best, Le Figaro…
- Philip de la Croix, fils de Jacques de la Croix, compositeur
et directeur d’une radio à Nantes, a fondé le fanzine La
Pravdame, Pluriel FM (association Formes de modernités
plurielles), le label Ecm New Series et le Festival America,
travaillé à Inter, Musique, Europe 1, au Monde, Aden, JDD,
dirigé Mezzo…
Malgré la qualité des animateurs et le succès des premières
années62, RIM rencontre des difficultés semblables à bien
d’autres radios :
- deux saisies (30 août 1980 chez Caron, et 28 mars 1981
chez Plaige) ;
- condamnation par la 17e chambre correctionnelle le 8 avril
1981 (Skornik, Plaige, Lemaire à 1 500 F, Caron à 800 F) ;
- refus par la commission Holleaux et autorisation par
Galabert grâce au ministre Georges Fillioud ;
57 Aidés de dizaines de « radiolibristes », ils investissent le studio de
Radio Cosmos (15 place du Tertre, dans l’immeuble de Radio Cité
Future de Pierre Bellanger, et dont Patrick Vantroeyen coupe
l’émetteur), fondée par un éditeur et installée sur 95.7 avec 500 W.
Cette radio musicale devient pendant deux semaines « La grosse voix
des petites radios ».
58 Émission sur la publicité de Dubois.
59 Tentative de relance par Dominique Fenu, Supernana, SOS Racisme,
Bouton et de la Croix. Arthur, alias l’adjudant-chef Vacher, s’occupe
de « l’info ».
60 Chroniques quotidiennes sur la vie des médias de Bouton (seul
représentant syndical).
61 Revue mensuelle de vulgarisation ésotérique, où écrivent aussi
Bourre, Lemaire et Plaige.
62 Environ 340 articles ou références dans la presse entre mai 1980 et
fin 1984.
- partage de fréquence à partir de 1983 juridiquement, mais
effectivement63 en 1987 ;
- perte de fréquence de 1996 à 2001 (disproportionnée,
selon le Conseil d’État) à cause de propos antisémites d’un
auditeur ;
- trois grèves de la faim : 1982 contre la commission
Holleaux (Plaige et Skornik), 1986 contre l’arrivée de La
Voix du Lézard sur 96.2 MHz qui brouille RIM (Plaige,
Lemaire et Rosenberg), 1996 contre le CSA (Plaige et Nade
Fitzgerald) ;
- cinq grands déménagements de studio : rue de Greuse,
Tati, Pompidou, quai de Grenelle, rue Violet ;
- modèle économique insuffisant pour se développer, se
faire connaître, rémunérer correctement (donc
professionnaliser) ses animateurs, par souci
d’indépendance (refus de la publicité et de grands
partenariats privés64 ou publics) ;
- départ d’animateurs créatifs (les Skornik en 1983, Mayer65
en 1984, Ouaki66, Reusser67 et Dubois68 en 1985, Bouton69
63 102 MHz en 1980, 99.45 en 1981, 96.6 en 1983 (avec Pluriel FM et
Gulliver), 93.1 en 1987 (avec Aligre de Ben Keroubi), 88.2 en 1992
(EFM tenu par un psychiatre dans un hôpital du 13e et qui devient
Générations quand son fils la préside), 95.2 en 2001 (avec Néo).
64 Certains, comme Skornik, influencés par Actuel, auraient préféré
faire une radio commerciale du type de Nova (d’ailleurs invitée à
« épouser » RIM par la commission Holleaux).
65 1980, 1983-1984 ; devient architecte de réseauxet gérant de Briosoft,
revient en 2015.
66 1980-1985, 2001-2002, 2011 ; cofondateuren 1983 de Taktic Music
avec Reusser, avec qui il propose (sans réussite) au CSA Eléphant
(mélange de FIP, Info, Culture mais en catégorie D) lors de l’appel RNT
2008, cofondateur des éditions du Moment…
67 1980-1985 ; producteur à Taktic Music.
68 1982-1985 ; devient développeur informatique chez Ferma puis
eServGlobal.
69 1982-1986 ; devient journaliste à Yaourt, Écran total, Billboard,
Music & Media, chargé de communication chez Naïve.
en 1986, Lemaire70 en 1996…), qui retournent à leur
premier métier ou en cherchent un ;
- scission71 de 1986 menée par Jean-Louis Rosenberg72, qui
tente de s’allier à Voice of America et à Fréquence Gaie
(rachetée par Gai Pied Hebdo) pour fonder Future
Génération en 1987, et une autre en 2015 de Olivier Grieco,
Alexandre Prely, Lisandru Vivarelli, Clara Delpas qui
fondent la webradio http://libre-a-toi.org/...
La programmation très expérimentale73, culturelle,
musicale et littéraire des débuts devient davantage politico-
sociale, écologiste, New Age74 et thérapeutique75, tout en
gardant le fil directeur interactif, le goût de la liberté
d’expression et des projets alternatifs :
70 1980-1996 ; travaille une semaine à KYA à San Francisco en 1983,
douze jours à Radio Véronique sur le Mermoz en Atlantique nord en
1984 pourla fête des 450 ans de la découverte du Québec organisée par
l’OFQJ, est responsable des productions radiophoniques du Centre
Pompidou de 1985 à 1988, puis retourne au théâtre et cinéma et devient
animateur à Radio Aligre depuis 2001.
71 Rosenberg, Alain Dupuis alias Neil, Jules, Stéphane Leroy, Nicolas
Saada, Thierry Lefebvre...
72 Il obtient une fréquence partielle avec la SARL AAIM (Anciens
Animateurs d’Ici et Maintenant), qu’il transforme en agence de presse
Arts-Actualités-Informations-Médias qui existe toujours aujourd’hui à
Bordeaux.
73 Sebastien Poulain, « Radio Ici et Maintenant, pionnière en
expérimentations », Cahiers d’histoire de la radiodiffusion, n°121,
juil.-sept. 2014
74 Sebastien Poulain, « Le réenchantement du récit radiophonique
comme réenchantement du monde », Recherches en Communication,
n°37, 2013, http://sites.uclouvain.be/rec/index.php/rec/issue/view/613
et Sebastien Poulain, « Des médiums dans les médias ou les nouveaux
médiateurs du sacré », Esprit Critique. Revue internationale
francophone de Sciences sociales, vol. 19, juillet 2014
http://www.espritcritique.fr/publications/1901/esp1901.pdf
75 D’anciens animateurs la qualifie de « courdes miracles » (expression
déjà dans P.B., « Elles sont aujourd’hui une centaine dans la région
parisienne », Le Figaro, 30 septembre1981).
Plaige - toujours président de RIM et ex-producteur de « La
Vague d’OVNI(s) », devenue « HereNow ! », le mardi soir
à 23h - est l’auteur du roman de science fiction, Protocole
oracle (Chamanéditionuméric, 2012) - traitant des liens
entre le monde politico-financier et la précognition obtenue
grâce à l’Ayahuasca (un breuvage à base de lianes aux
effets purgatifs et hallucinogènes) -, dont les droits d’auteur
serviront au projet Radio-Shipibo - parrainé par Jan Kounen
-, qui vise à doter les communautés shamaniques
péruviennes Shipibo-Conibo - qui utilisent l’Ayahuasca
pour la transe et la thérapie - de radios solidaires et
contestataires.
Au-delà de RIM, la diabolisation de la FM n’a pas été
inutile, malgré de nombreux échecs et beaucoup de
déceptions. En plus d’accélérer la démonopolisation, elle a
contribué à une forme de libération/démocratisation de la
parole en agrandissant l’espace publique médiatique76 et en
lui donnant davantage d’indépendance par rapport aux
autorités politiques, ne serait-ce que par la création du Fond
de soutien à l’expression radiophonique qui a permis
l’existence d’un secteur radiophonique associatif
alternatif77, qui dynamise le monde associatif et militant. Ce
pluralisme et cette autonomie couplés à l’instauration de
nouvelles programmations, pratiques et tonalités ont permis
de redéfinir le « contrat d’écoute », redonner de la
crédibilité aux journalistes de radio, refonder la légitimité
du discours radiophonique, bouleverser l’audience et la
donne économique, donc réinventer le média radio, car les
76 Il faut attendre 20 ans avec l’arrivée d’internet, des forums, blogs et
réseaux sociaux numériques pour voir advenir un phénomène
semblable mais de plus grande ampleur.
77 Sebastien Poulain, Les radios alternatives : l’exemple de Radio Ici et
Maintenant, thèse de doctorat, sous la direction de Jean-Jacques
Cheval, Université Bordeaux Montagne, Bordeaux, 2015.
radios étatiques et périphériques ont bénéficié de ce
rafraîchissement infernal !

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Les radios libres ou la diabolisation de la FM : qu'est-ce que libérer la parole veut dire°?

  • 1. Référence : POULAIN Sebastien, « Les radios libres ou la diabolisation de la FM : qu'est-ce que libérer la parole veut dire°? », in Thierry Lefebvre et Sebastien Poulain (sous la direction de), Radios libres, 30 ans de FM°: la parole libérée ?, INA/L’Harmattan, collection « Les médias en actes », Paris, 2016, http://www.editions- harmattan.fr/index.asp?navig=catalogue&obj=livre&no=5 2049 et https://lesradioslibres.wordpress.com/2016/11/08/les- radios-libres-ou-la-diabolisation-de-la-fm-quest-ce-que- liberer-la-parole-veut-dire-de-sebastien-poulain/ Les radios libres ou la diabolisation de la FM : qu’est-ce que libérer la parole veut dire ? Dr. Sebastien Poulain
  • 2. Alors que le président Valéry Giscard d’Estaing affirme en 1976 que « tout monopole est un abus potentiel »1, son Premier ministre Raymond Barre estime, en mars 1979, que le monopole hertzien est nécessaire car les « radios libres recouvrent toutes des intérêts particuliers » et sont donc susceptibles de remettre en cause la « cohésion de la Nation » (septembre 1979) par le « germe puissant de l’anarchie » et la cacophonie qu’elles introduisent sur la FM. Techniquement, elles seraient susceptibles de perturber les prérogatives régaliennes de l’État via des services publics essentiels au contrôle et à l’organisation de la société, puisque la police, les ambulances, l’armée et l’aviation utilisent les mêmes ondes, comme l’explique Jean Autin, président de TDF, société chargée de brouiller les « radios libres » : Quelqu’un qui est malade et pour lequel on appelle une ambulance par radio, parce que, à ce moment-là, quelqu’un est en train de faire « joujou » avec la fréquence radio sur laquelle l’ambulance peut être atteinte, ne sera pas transporté, risque d’être transporté trop tard ! (Mai 1977.) De plus, en cas de crise ou trouble politique, les « radios libres » pourraient être les premiers relais d’appels à la « guerre civile », selon le quotidien de droite L’Aurore qui s’en inquiète dès 1976 : Bientôt, un réseau serré de radios-pirates pourra recouvrir l’ensemble du territoire. En cas de grande crise politique, de troubles, ces radios pourront émettre des mots d’ordre de guerre civile. En tout cas, elles échappent dès à présent à tout contrôle. 1 Valéry Giscard d’Estaing, Démocratie française, Paris, Fayard, 1976, p. 61.
  • 3. Il s’agit donc, pour les plus hautes autorités de l’État, de se prémunir contre les « attaques » et « atteintes » (Barre en juin 1978) de l’anarchie, aussi bien « venue de l’extérieur que celle venue de l’intérieur », selon Giscard (juin 1977) qui reprend une formule de son ministre de la Culture et de la Communication Jean Lecat à propos de la mini- périphérique Radio K. En effet, le gaulliste Michel Debré prévoit que des « puissances d’argent » publiques et commerciales étrangère pourraient s’approprier la FM « aux dépens des intérêts culturels, économiques et politiques de la France » (décembre 1977). Giscard suppose aussi que : la mauvaise radio chasserait la bonne et loin d’assister à un enrichissement de la communication, nous risquerions de voir se multiplier des radios médiocres. (Juin 1977) Barre s’appuie sur l’exemple des « radios libres » italiennes (assimilées aux Brigades rouges2 par le ministre de l’Intérieur Christian Bonnet en mai 1978) : « Je pense à la situation italienne et je dis : Grand Dieu ! Épargnons cela à notre pays. » (Septembre 1980) De même, les politiciens et médias conservateurs italiens diabolisent la fameuse et iconoclaste radio autonomiste Alice, en l’accusant « d’instigation à l’émeute et d’appel à la guérilla urbaine », et l’un de ses fondateurs - Franco Berardi - d’« association de malfaiteurs dans le but de subvertir les institutions de l’Etat » et d’« instigation à la haine de classe » lors des émeutes de Bologne (mars 1977). Alice, pour qui diabolisation est synonyme de libération, s’en vante : 2 Certaines y lisent en effet quelques communiqués de presse.
  • 4. Le Diable est revenu sur terre sous de multiples aspects. Le diable est Alice, et l’assaut total à l’état de l’oppression, c’est notre sourire, et notre esprit qui se pense, le diable est notre corps toujours plus beau et plus libre, capable d’aimer3. Selon Barre, qui souhaite éviter l’importation du diable « radiolibriste », Dieu représente en quelque sorte l’État- Nation. C’est un « symbole »4 universel et transcendant, qui rassemble, unit, organise et civilise la Nation, alors que le « diable »5 représente le « particulier » anarchique des « radios libres » qui est susceptible de diviser, tromper, créer la confusion. La « bataille des radios libres »6 est avant tout une bataille de mots et de symboles pour savoir qui est légitime ou dangereux, pirate ou libre. Lors des débats parlementaires à propos de la loi de 1978 sanctionnant l’atteinte au monopole, les « radios libres » sont d’ailleurs traitées de « “graffitis sonores” badigeonnées dans quelque “immense confessionnal” » (Lecat), et les « radiolibristes » d’« aimables et ingénus poissons pilotes » à la recherche d’une « halte-garderie » (Joël Le Tac) qui produisent un 3 Collectif A/Traverso (Luciano Capelli et Stefano Saviotti), Radio Alice, Radio Libre, Paris, Jean-Pierre Delarge, 1977 (préfacé par Félix Guattari : « Des millions d’Alice en puissance »), p. 53, traduction d’Alice è il diavolo.Sulla strada di Majakowskij: testi per una pratica di comunicazione sovversiva de 1976, réédité et augmenté par Berardi et Ermanno Guarneri en 2002 (Alice è il diavolo. Storia di una radio sovversiva). L’expression est reprise dans un feuillet « radiolibriste » - La Radio ? Maisc’est le diable !Ou la beauté des pirates et des potages en sachet (Paris, éditions Radio Technique Compelec, 1977) - et dans l’article « La radio ? Mais, c’est le diable ! » de Pierre-Yves Bulteau (Mouvements, n° 61, 2010). 4 Symballein : syn-, avec, et -ballein, jeter. 5 Diaballein : dia-, à travers. 6 Thierry Lefebvre, La Bataille des radios libres 1977-1981, Paris, Nouveau Monde/Ina, 2008.
  • 5. « journalisme parallèle, marron et “clochardisé” » (François d’Aubert)… La bataille de programmation et d’audience, qui concernera surtout les radios publiques et commerciales quand ces dernières pourront se développer, est donc précédée par la bataille de communication et d’émission. À l’heure de la « société de communication » (Érik Neveu), les « radiolibristes » sont directement en débat et en lutte avec les hommes politiques (il existe des relais bienveillants dans les partis) et l’État (la police, la justice et TDF), via leur surmédiatisation7. « Libérer la parole »8 est avant tout émettre, car émettre est considéré comme un acte politique. À défaut d’être réellement entendu, il s’agit de faire croire en sa capacité à l’être. Beaucoup partagent, avec les politiciens, l’idée que les « radios libres » pourraient 7 Il y a surmédiatisation de certaines actions, paroles, idées, radios, revendications,audiences...de la part des journalistes de la presse écrite qui peuvent avoir des liens et des affinités avec les « radiolibristes » et qui ont aussi tendance à les homogénéiser. Or, les actions « radiolibristes » étaient souvent sporadiques et éphémères, les conditions d’émission et de réception difficiles, les revendications plurielles (des statuts de radio associative ou commerciale ; des radios financées par des dons, des aides publiques ou de la publicité), les objectifs divers (changer la manière de faire de la radio, réaliser des émissions politiques, donnerla parole à tous ou diffuser de la musique thématisée ; diffuser à l’échelon de l’université, du quartier, de la ville, de la région ou du pays ; viser un public indifférencié ou communautaire), les réussites variables (saisie dès la première émission ; disparition au bout de quelques unes ou quelques mois ; vente de fréquence ; changement radical de ligne éditoriale ; monopolisation de la parole par des animateurs issus de milieux favorisés ; clonage des contenus diffusés ; notoriété, attractivité et audience faibles)… 8 Sebastien Poulain, Compte-rendu, « Colloque international "Radios libres, 30 ans de FM°: la parole libérée°?", organisé par le Groupe de Recherches et d’Études surla Radio, Paris, 20-21 mai 2011 », Le Temps des Médias, n°16, 2011, http://www.cairn.info/revue-le-temps-des - medias-2012-2-page-245.htm.
  • 6. influencer le jeu politique - ne serait-ce que par leur « efficacité symbolique » (Claude Lévi-Strauss) - et recommencer ou continuer Mai 68 par d’autres moyens : la radio comme substitut d’une structure de coordination (Anthony Oberschall). En bataillant sur le domaine public hertzien, les « radiolibristes » diabolisent les ondes par leur simple existence, qui dépossède de fait les divinités étatiques du verbe, de la vérité, de la loi, de la lumière qu’Autin appelle « objectivité » : Pour moi, le monopole, c’est encore ce qu’on fait de mieux dans l’intérêt de la population toute entière, car il garantit l’objectivité. (Décembre 1977.) La prise de parole « radiolibriste » remet en question la « doxa démocratique » (Pierre Bourdieu) car elle menace fondamentalement tous les systèmes traditionnels de représentation sociale, [et] remet en question une certaine conception du délégué, du député, du porte-parole autorisé, du leader, du journaliste...9 Les « radiolibristes » introduisent de l’autre, du dissonant, du divergeant, dans une sorte d’entre soi audiovisuel hégémonique et oligopolistique10 (bien commode pour les autorités) à travers leur parole contre-culturelle. En tant que « ressources cognitives » (William Gamson) hétérodoxes à la « bonne parole » (Pierre-Yves Bulteau), ils semblent pouvoir créer d’autres croyances collectives, systèmes de valeur, représentations sociales, doctrines, idéologies, 9 Félix Guattari, « Les Radios libres populaires », La Nouvelle Critique, n° 115, 1978, p. 77. 10 Antoine Lefébure, « Périphériques and CO », Interférences, n° 1, décembre 1974.
  • 7. catégories d’entendement et de perception des réalités sociopolitiques. Ils interrogent les limites de la démocratie et remettent en cause l’État unitaire et républicain dans sa façon de raconter la vie politique et l’histoire du monde, grâce à la possibilité de choisir, plus ou moins directement, les personnes ayant droit de la relater et la manière de le faire. Ils troublent l’ordre établi en contestant le « monopole [divin] de la violence physique et symbolique légitime » (Bourdieu) - dont la réinstauration pourrait être fixée symboliquement à l’appel du 18 Juin11 -, grâce à la possibilité qu’ils ouvrent de dire, à grande échelle et en direct (en studio ou par téléphone12), autre chose, autrement et par d’autres. Ils revendiquent le droit de faire parler, de façon illégitime, des personnes illégitimes sur des sujets illégitimes et des musiques illégitimes, notamment le hard rock qui redonne vie au diabolicus in musica13 (Slayer, Black Sabbath…). Ces personnes illégitimes - régionalistes, anarchistes, communautaristes, immigrés, féministes, homosexuels, prisonniers, handicapés, malades, jeunes, ouvriers, pauvres, chômeurs, objecteurs de conscience… - « dévient » (Howard Saul Becker) du modèle du citoyen idéal du « bon père de famille »14, blanc, hétérosexuel, cadre et propriétaire, et sont donc susceptibles de salir et polluer le domaine public hertzien avec leurs « stigmates » (Erving Goffman) et leurs paroles potentiellement subversives, car potentiellement 11 Les 1res notes de musique de la 1re émission de Radio Verte (13 mai 1977) sont celles de la 5e symphonie de Beethoven, qui était l’indicatif des émissions de la France Libre sur la BBC. 12 Sur l’utilisation du téléphone en direct : Franco Berardi, « Les radios libres et l’émergence d’une sensibilité post-médiatique », Multitudes, no 21, 2005, p. 20-21. 13 Jacques Sutter, « Musique et religion : l’emprise de l’esthétique », ASSR, no 94, 1996. 14 Ce n’est que le 21 janvier 2014 que cette expression a été supprimée du droit français par un amendement adopté par l’Assemblée nationale.
  • 8. pornographiques, mensongères, ironiques, vulgaires, obscènes, amatrices, populaires, militantes, incontrôlables, irrespectueuses, immorales, impolies, étrangères, spontanées, poétiques, directes, donc libres en quelque sorte. La parole est subversive et révolutionnaire par nature, selon le groupe « Il Gatto Selveggio » (le chat sauvage), à l’origine de la revue A/Traverso et d’Alice, et par ailleurs inspiré par Dada et Maïakovski. Ces « braconniers » (Michel de Certeau) de la « politique symbolique » (Lucien Sfez) sont donc susceptibles de déstabiliser la communication politique étatique, de modifier l’agenda public, en introduisant de nouveaux problèmes ou contre-problèmes publics grâce à l’« effet d’engrenage » (Rainer Mathes et Barbara Pfetsch) qui pousse les élites et institutions à prendre en compte les actions et opinions illégitimes des entrepreneurs de causes marginales (Howard Saul Becker), parce qu’elles sont diffusées progressivement dans l’espace public « légitime » (Jürgen Habermas). En médiatisant « l’humeur contestataire » (Lilian Mathieu) et « anti-institutionnelle » (Pierre Bourdieu), ils peuvent jusqu’à un certain degré saper la sacralité, l’autorité, la crédibilité et la popularité des gouvernants et institutions publiques, voire changer ou dérégler le langage, les rituels et les règles du « jeu » ou « champ » politique. À leur niveau, qui est à relativiser, ils sont susceptibles d’ébranler les relations de domination sociale et l’ordre social, en montrant son mode de reproduction, ses hiérarchies, monopoles et inégalités (Monique Pinçon-Charlot et Michel Pinçon). Grâce à leur pouvoir de séduction « diabolique » (nouveaux animateurs, programmes, musiques), ils conquièrent les oreilles des auditeurs et l’« âme » de l’opinion publique, pour laquelle « le diable et le bon Dieu se livrent bataille »15 afin de 15 Jean-Loup Thébaud, « Le diable est dans les détails », Le Portique, n° 12, 2003.
  • 9. modifier les liens entre les individus et leur groupe d’appartenance, donc les contours des communautés politiques : quel ennemi, délinquant, étranger, anarchiste, diaboliser ? En s’autoproclamant « radios de substitution » et en émettant en parallèle16 aux « radios de représentation » (Jacques Semelin) étatiques et périphériques, les « radiolibristes » choisissent la « désobéissance civile » (Henry-David Thoreau) ou l’« illégalisme » (Michel Foucault) « non-violent » (Lanza del Vasto) comme mode d’action politique de « résistance à l’oppression » (John Locke), susceptible de faire évoluer le paysage médiatique, comme le justifie un appel de 1977 de l’Association pour la libération des ondes (ALO) : « La loi est caduque lorsque plus personne n’en veut. » Ils cessent d’obéir aux lois de la cité, parce que celles-ci leur paraissent injustes et iniques, donc illégitimes, sans valeur et sans autorité par rapport aux droits de l’homme : Radio Fil-Bleu (fondée par des membres du Parti Républicain) utilise l’article 10 de la CEDH sur la liberté d’expression et de la presse devant les juges en 1977. Ils décident de reprendre la souveraineté qui a été transférée aux représentants politiques via le fameux « contrat social » (Jean-Jacques Rousseau), afin de reconstruire des micro-contrats sociaux pour des micro- communautés constituant des « micro espaces » publics (Daniel Dayan). Et c’est ce dont les autorités publiques semblent se méfier et tenter d’« exorciser » (Giordana Charuty), à travers le « mécanisme de contrôle social »17 16 La manière dont les fréquences prennent place aléatoirement sur la FM - alors que les chaines TV sont numérotées et la presse inégalement distribuée - peut donnerune impression d’égalité, alors que les moyens à disposition sont incommensurables. 17 Julien Bonhomme, « Magie/sorcellerie », Dictionnaire des faits religieux, PUF, Paris, 2010, p. 684.
  • 10. que constitue la diabolisation symbolique des « radiolibristes ». L’exemple d’une radio « expressiviste » (Dominique Cardon et Fabien Granjon) « diabolique »18 peut être éclairant : Ici et Maintenant - l’une des radios « rebelles » « “survivantes” se faisant l’écho du “mouvement social” »19 - est la plus ancienne des radios locales privées parisiennes encore en activité, puisqu’elle débute ses émissions20 le 21 juin 1980 (« jour du soleil ») à 23h0021 sur 102 MHz22, au son de Rainbow in Curved Air de Terry Riley, depuis un appartement de l’avenue Victor-Hugo (16e) prêté pour l’occasion. La manière d’organiser le fonctionnement de cette radio applique en grande partie l’utopie communicationnelle « deleuzoguattarienne » d’Alice, mais saupoudrée de principes bouddhistes : l’ici et maintenant devient le direct, la suppression de l’ego devient l’absence de vedettariat… Programmation : 18 En plus de son intérêt pour l’ésotérisme (partagé par beaucoup d’animateurs de RIM), Jean-Paul Bourre - écrivain, journaliste et animateur à RIM depuis 1982 - est connu pour son attrait pour le satanisme, qu’il dit avoir expérimenté : Les Fils du Feu, 1971 ; Les Sectes lucifériennes aujourd’hui, 1978 ; Le Sang, la mort et le diable, 1985 ; B.a.-ba satanisme, 2000. 19 Dominique Cardon et Isabelle Sommier, « La rébellion dans la communication », La France rebelle, Paris, Michalon, 2002, p. 504. 20 2 000 affichettes orange fluorescentes (éditées par Claude Palmer, de la FNRL) ont annoncé l’événement. 21 Heure où la TV cesse, le brouillage de TDF à 22h30, les flagrants délits à 22h, Radio 7 à 1h, Musique à 2h. 22 En dehors des radios d’État (Radio 7 sur99.8 MHz, Musique sur97.6, Culture sur 93.35, FIP sur 90.35, Inter sur 87.8), peu de radios libres émettent (Ivre sur 88.8, OVNI sur 92.5, Montmartre sur 98.55) à Paris quand RIM décide d’émettre tous les soirs.
  • 11. - spontanée, improvisée (sans grille23) et animée par le Do It Yourself, donc différente chaque jour ; - antenne en direct, artistique, ouverte, expérimentale, créative24 ; - liberté d’expression25 (anonymat et non-sélection) et du temps disponible26 ; 23 Jusqu’à l’arrivée au centre Pompidou, où sont créées une lettre d’information et une grille diffusée sur 3615 club1 (1986-1987). 24 Exemples : lecture pendant trois jours et trois nuits du Bottin de Paris jusqu’à la lettre b, création d’échos ou de boucles musicales grâce à une rayure de pièce de monnaie surun vinyle (trois platines), multiplexage de studios, jukebox électromagnétique branché à un ordinateur Apple 2, avec une carte d’émulation automatique connecté à un serveur minitel, tentative de transmission d’images par le branchement de la radio sur le minitel, quadriphonie avec deux émetteurs stéréo et deux bandes synchro écoutés par quatre hauts parleurs, diffusion en intégralité d’albums pour obliger les maisons de disques à en envoyer, diffusion de Ludwig de Ferré pendant trois jours pour dénoncer le matraquage commercial, musique répétitive pendant 26 heures,quatre- vingt Dylan en deux nuits avec traduction de textes, neuf symphonies de Beethoven à la suite,émission en se lavant les dents ou sous LSD (et autres substances), zapping TV et radios internationales, parties d’échec, lectures in extenso (L’Amant, Milarépa, Serpent à plume), bande son de films (Jésus de Nazareth, Tusk, Hiroshima mon amour, Mash, Allons z’enfants, Le Chagrin et la Pitié), petites annonces matrimoniales… 25 Les incitations à la violence, au nazisme, à la pédophilie, le conflit israélo-palestinien, obligeront à contrôler. 26 Le coût de l’appel est de 0,50 F/8h dans Paris.
  • 12. - interactivité27, égalité28, multiplicité, simultanéité à l’antenne (animateurs/invités/auditeurs) ; - pas de fermeture du micro (y compris pendant la musique) ; - transparence29 et polyvalence (producteur/standardiste/réalisateur/journaliste) des animateurs ; - démonopolisation de la production médiatique et journalistique grâce à « l’auditeur-professionnel » ; - valorisation et utilisation de toutes les technologies communicationnelles et informatiques30. 27 Radio ping-pong utilise le répondeur pour mettre en présence deux personnes en désaccord sur un thème choisi, tandis que les autres « comptent les points » en fonction des arguments. Radio Solo donne antenne libre à un auditeurentre 5 mn à 4 h.(Sebastien Poulain, « Guérir de la société grâce à la radio : usages des libres antennes de Radio Ici et Maintenant », GT13, AISLF, Istanbul, 7-11/07/2008, http://web.univ- pau.fr/RECHERCHE/SET/AISLFCR33/DOCS_SOCIO/istambul/Act es_AISLF_GT13_Istambul_2008.pdf) 28 Tutoiement de rigueur. 29 Pour rendre les animateurs « neutres », RIM les appelle « Némo », les remplace par l’« animateur ultime » Éliza - un logiciel sur Macintosh, issu des laboratoires du MIT, qui répond aux auditeurs en s’adaptant à leurs propos en identifiant 2 000 concepts (trophée du « Meilleur Programme » lors du 1er « Festival de la FM » en mai 1982) - et les sort de l’antenne dans Radio Village. 30 En 1984, RIM possède un T07, un Sanyo PHC 25, un Commodore 64... L’émission Hot-line informatique de Sébastien Mayer collabore avec TF1 et diffuse des logiciels à l’antenne pour des Sinclair ZX80, Thomson MO5, Oric, Sanyo,Sharp 1350... 1er site internet en 1996 avec l’ouvrage de Ram Dass en bilingue (déjà sur disque 3 " ½ et Minitel). 1er portail professionnelhttp://nseo.com/ payé par Ouaki (70 000 F) en 1997. Dans les années 2000, des webcaméras sont installées dans le studio pour diffuser les images sur http://icietmaintenant.com/ grâce aux logiciels VLC, Sopcast, Dedibox ou Flashplayer et ainsi créer la « Télévision Ici et Maintenant Expérimentale ! » qu’elle tente de mettre en place en 1982 puis 1984 (grâce à environ 100 000 F de Nouvelles Frontières, et la tentative de fabrication sur plan d’un émetteur par
  • 13. Organisation : - réticulaire, non-hiérarchique, fluide, informelle ; - studio chez soi31, un copain, une petite amie ou dans une cabine téléphonique ; - changements réguliers de lieu d’émission32 (pour échapper à la police), puis de production (pour partager le travail) ; Wladimir du SAV de Darty). Il est désormais possible de trouver cette télévision surson Iphone,grâce à l’application gratuite Ustream ou à la télévision grâce au FAI Free. Ainsi, il existe aujourd’hui un site de streaming qui permet de regarder des émissions filmées de RIM (http://rimlive.com/), un site internet pour télécharger des émissions (http://www.rimcast.fr/), de la plateforme http://radioicietmaintenant.radio.fr/ qui ne fait que diffuser la radio, de la Télévision Ici & Maintenant Expérimentale ! (http://icietmaintenant.com/TimeUstream.htm), du blog de Plaige de veille ufologique (http://ovnis-usa.com/), du forum internet de la radio (http://icietmaintenant.fr/SMF/), du blog de Plaige consacré à l’ouvrage Protocole oracle (Chamanéditionuméric, Autrecourt, 2012) de Plaige (http://protocole-oracle.com/), du blog de Plaige sur son projet de création de radios pour les Communautés Shipibos au Pérou (http://radio-shipibo.com), des réseaux sociaux numériques Twitter (https://twitter.com/RIM952 avec 1 117 abonnés pour225 tweets le 30 mars 2015) et Facebook (https://www.facebook.com/RadioIciMaintenant 2 360 « like » le 30 mars 2015). (Sur le rapport entre RIM et les technologies : Sebastien Poulain, « Postmodernité et postradiomorphoses : contexte, enjeux et limites », RadioMorphoses (en cours de publication)) 31 Chaque animateur dispose de deuxplatines, un micro, des câbles,une mixette à 4 voies et une ligne Télécom. Pour diffuser une musique, il s’agit de dévisserles fils rouge et bleu attachés à la pastille de l’écouteur annexe du téléphone, de les relier - via une pince crocodile ou du chatterton - à une rallonge casque sectionnée à 1 cm de la fiche femelle qui contient trois fils (deux de couleur à relier pourles rendre mono ; le 3e, soit noir soit en cuir, est la masse commune et reste indépendant) et de brancher la rallonge sur la prise casque stéréo pour jack mâle 6.35 mm de l’amplificateur (idée d’un auditeur lors du premier Radio Village). 32 Grâce à son réseau, RIM installe des antennes (de CB taillées de la
  • 14. longueurde la fréquence) à diverses adresses dans Paris (il faut environ trois jours pour repérer une antenne par triangulation) : 5e, 8e, 9e, 15e, 16e, 18e (chez Alain Blottière, écrivain, au sommet de Montmartre, où est installé longtemps l’émetteur), Levallois-Perret. Les émissions sont envoyées par téléphone. Il suffit de faire la ligne, brancher l’émetteur, décrocher le téléphone, allumer l’émetteur (à recommencer lorsque la ligne chauffe trop et saute). Le 1er émetteur de 10 W (FIP est à 12 kW) a été acheté à des étudiants de Radio Babylone (Clermont-Ferrand) pour 2 000 F, l’antenne pour 300 F, le câble coaxial pour 500 F dans des boutiques parisiennes. Lefébure prête un émetteur de 15 W après la 1re saisie. Cyprien Luraghi, technicien de feu Radio Paris 80, en achète un en urgence auprès d’Andréa Zanobetti (technicien d’Alice) à Bologne, où la surenchère de puissance entraine la revente des petits émetteurs et où Luraghi retourne deux autres fois l’été 1980. Plaige et Skornik achètent un 25 W à Milan à l’automne 1980, grâce au prêt d’une Golf d’un client d’un restaurant de Saint-Germain souhaitant une paire de chaussures,mais qui ne les aura pas. En juin 1981, ils achètent un 100 W après un don de 40 000 F d’un ami informaticien de Mayer (Padovani), puis un 500 W, 2,5 kW (1984), 12 kW de PAR (fort de Romainville-TDF), 4 kW depuis 2001 (Mercuriale, Towercast-NRJ).
  • 15. - bénévolat33 et financement non-commercial34 (mais dons35, partenariats36, audiotel37, FSER, location d’antenne) ; - statut associatif (Fondation Ici et Maintenant38) et indépendance vis-à-vis des institutions (syndicales, publiques, commerciales)… Mais son modèle radiophonique, que Thierry Lefebvre (animateur de 1985 à 1986) qualifie de « Zone Autonome Temporaire » (Hakim Bey), va au-delà de la communication libre. RIM propose des « nouvelles formes de vie sociale », c’est-à-dire d’autres manières de : - se déplacer (transport collectif, non polluant, gratuit) ; 33 La précarité de certains animateurs est compensée par leurs réseaux et la plupart sont défrayés par Plaige : logement, téléphone, électricité, alimentation, essence, matériel… 34 Investissement en 1980 : 10 000 F (2 000/pers. : Plaige, Skornik, Caron, Cabanes,Reusser). Budget annuel : 200 000 F en 1983, 160 000 € en 2006. 35 Ouaki se souvient avoir imité les animateurs de radios commerciales pendant deux heures pour inciter les auditeurs. 120 000 F (dont un chèque de 50 000 F de Paloma Picasso) ont ainsi été récoltés en 1983. En 1984, 44 souscripteurs payent un écot mensuel et 2 000 personnes ont une carte d’auditeur. 36 RIM obtient des accords avec le Salon micro-expo, le Grand Palais, Marjolaine, Vivre Zen, Vivre autrement… en échange de financements ou de matériel. Tati et Beaubourg prêtent un studio. RIM pratique le publi-rédactionnel avec différents invités : médecines douces, astrologues, associations. Autres : conférences, ventes de livres et vinyles, exposition-vente d’œuvres offertes par des auditeurs et artistes (Folon, Avoine, Cogolo, Sabatier, Soulas, Jean Teulé, Erik, Lochu, Classe, Soucas de Vilar). 37 0,34 €/min et une audience de 5 000 auditeurs/j dans la deuxième partie des années 2000 contre une audience de 186 000 auditeurs (dont 97 000 réguliers) selon un sondage, à relativiser, de l’agence Quotas- Média des Autres de novembre-décembre 1983 (DUTEIL Christian, « Radio Ici et Maintenant."La flibuste des ondes" »,Antenne Magazine, 1984) dont les résultats sont à prendre avec prudence. 38 Nom qui laisse supposer des ambitions au-delà de la radio.
  • 16. - habiter (écovillages, développement durable, énergies alternatives) ; - s’alimenter (végétalisme, bio, jeûne, consom’action) ; - se soigner physiquement (médecines alternatives, magnétisme, vitamines) ; - se soigner psychologiquement (développement personnel, pensée positive) ; - faire de la science (parascience, paramédical, parapsychologie, télépathie) ; - croire (ufologie39, spiritisme, spiritualisme, ésotérisme, astrologie40) ; - éduquer (lycée autogéré, école Steiner) ; - se cultiver (friches culturelles, squats artistiques) ; - écouter de la musique (country, world, new wave,musique répétitive) ; - militer (grève de la faim, non-violence, abstentionnisme, contre-expertise critique) ; - voir la politique (libertarisme, altermondialisme, écologisme, complotisme) ; - voir l’économie (troc, économie solidaire, décroissance, anticapitalisme)… À l’image des Cultural Creatives (Sherry Anderson et Paul Ray), il s’agit de révolutionner la radio, voire au-delà, en proposant de « mettre en pratique une nouvelle manière de penser, de nouvelles valeurs, un nouveau rapport à soi, au monde, à la nature, au temps ainsi qu’une nouvelle manière d’envisager le vivre-ensemble et l’organisation de la société »41, grâce à la création d’un « service public idéal » 39 Sebastien Poulain, « La fabrique des extraterrestres », Mots. Les langages du politique, n° 92, mars 2010, http://mots.revues.org/index19401.html 40 Sebastien Poulain, « Retour vers le futur ou l’ascendance radiophonique de Madame Soleil », Radiography, 21 juin 2014, http://radiography.hypotheses.org/1312 41 Emeline de Bouver, « La simplicité volontaire », La Consommation
  • 17. en vue du « bien-être » et de l’« éveil », l’« épanouissement des consciences », la « libération des tabous et des conditionnements » des auditeurs dans un espace public multimédiatique autonome (Frédéric Dubois et Andrea Langlois), alternatif (Chris Atton), contre-culturel (Clemencia Rodriguez), à l’intersection des nouveaux mouvements religieux42, informationnels43 et sociaux. Ses fondateurs (Didier de Plaige et Guy Skornik) et animateurs sont comédiens, journalistes, écrivains, artistes, technophiles, radiophiles, mélomanes, cinéphiles, voyageurs, néo-bouddhistes44, libertaires (plutôt gauchistes et écologistes et de parents gaullistes) et qualifiés de baba, beatniks, hippies, freaks, truth seekers… Ce sont très majoritairement des hommes, même si l’appartement d’Élisabeth Caron sert longtemps de studio, si Léna Cabanes (compagne de Plaige et dirigeante à Nouvelles Frontières) participe à la fondation, si Ophélie Grolade (1983-1986, de RFO et de la rosicrucienne Radio 3) crée le magazine « Science et conscience » et si Supernana (1983-1986, 1988 et 1991) et la féministe Isabelle Alonzo (2006-2007) en sont animatrices. Ils ont majoritairement la trentaine et ont donc vu Mai 1968, mais sans se politiser et monter sur les barricades, puisque critique, Paris, Desclée de Brouwer, 2011, p. 191. 42 Un animateur issu du Mandarum reste quelque temps. Lama Denis, Selo Black Crow, Soeur Marguerite, Deshimaru, Kalou Rinpoché et autres mystiques... sont invités « au kilo » selon Alain Dubois. Des représentants de Moon, l’Église universelle du royaume de Dieu, Benjamin Creme, Eckhart Tolle louent de l’antenne (pratique existante surles périphériques : Radio Évangile, avant les programmes matinaux de RMC, de 1961 à 2006.). 43 Dominique Cardon et Fabien Granjon, Médiactivistes,Paris, Presses de Science-Po, 2010 44 Une grande partie des animateurs de RIM sont issus de tradition catholique et juive et se sont convertis au bouddhisme (y compris Supernana !). Ouaki a publié un entretienavecle Dalaï-Lama, La Vie est à nous (Paris,Albin Michel,1996) avant de retourner à ses origines juives.
  • 18. plutôt réfractaires aux partis politiques (notamment au parti communiste) et à la violence45. La plupart ont le bac et parfois bien davantage grâce à des capitaux socioculturels et économiques familiaux importants. Ils estiment que la radio est un moyen de remplacer l’école en entrant dans la vie des gens et en découvrant les choses par procuration. Mais certains ont décidé d’arrêter leurs études de la même façon qu’ils ont rompu violemment avec leur éducation et leur famille. La radio a donc pu servir de « communauté de substitution ». En effet, l’équipe d’animation est restreinte, les animateurs46 passent une grande partie de leur temps à l’antenne (par tranche de 8 heures toutes les 24 heures) ou à la préparer, et sont solidaires les uns des autres en partageant repas, jobs, « bons plans ». Mais il y a peu de réunions d’équipe. Peu d’animateurs dépassent les deux ou quatre ans d’antenne. Par ailleurs, peu d’entre eux ont souhaité vivre et vécu en communauté, à l’exception d’une tournée théâtrale (Gérard Lemaire) ou musicale (Jean-Michel Reusser), voire dans des pratiques religieuses47. 45 La comparaison avec Alice est donc difficilement soutenable,même si RIM a couvert des manifestations comme celle où Dubois (filleul du résistant communiste et sociologue Jacques Maître) s’est retrouvé en direct dans une cabine téléphonique entre les étudiants d’extrême droite et les CRS (l’un d’entre eux lui arrachant le combiné). 46 Voici un organigramme (un peu artificiel) de RIM début 1984 (après le départ de Skornik avec Élisabeth Caron, devenue Skornik) : Direction : Plaige ; Information : Lemaire ; Relations extérieures : Ouaki ; Développement informatique : Mayer ; Programmation musicale : Reusser ; Direction littéraire : Blottière ; Reportages : de la Croix, Bouton, Dubois, Henri Béhar ; Animation : Daniel Chartier, Patrick Haoua, Jean-François Laurot, Marc Perez, Jean-Philippe Thérond (longtemps animateur à RIM sur la BD), Serge Thomelin ; Technique : Wladimir ; Réalisation : Frédéric Moir (luthier devenu psychanalyste jungien et animateur à RIM sur l’analyse des rêves). 47 Formé au Centre européen de yoga fondé en 1970 à Paris par Jean
  • 19. L’idée de communauté se retrouve dans le programme Radio Village - qui débute sur Radio Gnome le 1er décembre 1980 -, où il s’agit pour les auditeurs d’appeler la station et passer automatiquement (du moins dans un premier temps) à l’antenne pendant 4 minutes environ. Mais ce programme est tout aussi collectif qu’individualiste, puisqu’il y est paradoxalement impossible de dialoguer directement (mais ce dialogue est largement encouragé dans d’autres formats d’émissions). Autre paradoxe, si les animateurs ont une vision très démocratique et égalitariste de l’antenne, certains partagent une idéologie élitiste et paternaliste, à l’instar de l’idée platonicienne selon laquelle les sages « spirituels » seraient les mieux à même de diriger la société grâce à une meilleure « conscience » du monde. Certains ont d’ailleurs des origines aristocratiques (ou veulent en donner l’image) et sont, pour la plupart, issus de la petite et moyenne bourgeoisie : fils d’industriels, de cadres supérieurs... Fabien Ouaki va hériter de Tati. Plaige devait reprendre, de son père, une franchise d’Havas à Brazzaville et trois librairies après son BTS en publicité. Ainsi, la plupart ne payent pas de loyer grâce à leurs familles48 et leurs amis - un atout pour faire fonctionner une radio non commerciale. De plus, beaucoup sont à la recherche d’une religiosité Bernard Rishi (lui-même formé par Pattabhi Jois, fondateur de l’école de Mysore),Plaige est professeurde yoga entre 1970 et 1972 à Dumfries etau monastère Kagyupa Samye Ling -1er centre tibétain en Occident - dans les Lowlands d’Écosse où il vit avec sa compagne et sa sœur (devenue ensuite professeure de Shiatsu à 7 km du château de Plaige) et où il a invité Ram Dass (rencontré à une conférence à Londres) et reçu Kalou Rinpoché. Puis Plaige réunit 200 000 F pour acheter le château de Plaige (avec l’idée de créer un centre multiconfessionnel) et participe entre 1974 et 1978 à la construction du centre bouddhiste le plus important d’Europe : Dashang Kagyu Ling ou Temple des mille Bouddhas (Bourgogne). 48 Ouaki et Plaige possèdent des autos utiles en cas de soucitechnique.
  • 20. supérieure, parce que syncrétique, naturelle, ésotérique, et se distinguent culturellement en faisant intervenir à la radio des artistes pointus, polyvalents, underground et prestigieux49. Ainsi, ils s’estiment au-dessus des « radiolibristes » ordinaires par leur recherche de professionnalisme et leur conviction de construire un projet solide et viable. Il faut dire que les animateurs ne sont pas totalement des « radiolibristes » débutants : 49 Christophe Alévêque, Djamel Allam, Greame Allwright, Arno, Jean- Louis Arti, Hugues Aufray, Robert Badinter, Joan Baez, Jules Beaucarne, Julian Beck, Jacques Bertin, Richard Bohringer, Charles Bukowski, Cabu, Jean-Patrick Capdevielle, Marie Cardinal, Jean-Paul Chaillet, Charlebois, Hervé Christiani, Chick Corea, Charlélie Couture, Michel Crépeau, Elisabeth D., les frères Dagar, Régis Debray, Jean- Pierre Dessertine, Manu di Bango, André Diligent, Jango Edwards, Brian Eno, Jean-Pierre Faye, Léo Ferré, Nino Ferrer, Alain Finkielkraut, Dan Franck, Serge Gainsbourg, Gébé, Philip Glass, Jean- Luc Godard, Jean-Jacques Goldman, Jimmy Guieu, Marc Guillaume, Jacques Higelin, Pierre et Igor Hossein, Paula Jacques, Jean-Michel Jarre, Alejandro Jodorowsky, Michel Jonas, François Jouffa, Marin Karmitz, Philippe Lacoue-Labarthe, Valérie Lagrange, Brice Lalonde, Jérôme Laperrousaz, André Laude, Maxime Le Forestier, Philippe Léotard, Emmanuel Levinas, Michel Lonsdale, Fabrice Lucchini, Colette Magny, Judith Malina, Gérard Manset, Phil Marso, Ahmad Shah Massoud,Gabriel Matzneff, Gilbert Montagnier,Aguigui Mouna, Georges Moustaki, Pierre Nora, Geoffrey Oryema, Jean-Pierre Perrin, Bertrand Poirot-Delpech, Godfrey Reggio, Serge Safran, Henri Salvador, Christine Sauzeau, Klaus Schulze, Philippe Sollers, Alan Stivell, Lionel Stoléru, Jacques Taquet, René Tavernier, Pierre Toureille, Jean-Louis Trintignant, Frédérick Tristan, Jean-Pierre Tuil, Vangelis, Jacques Vergès, Marine Vlady, Jean-Luc Weyl…
  • 21. - Plaige et Skornik ont travaillé à Antenne 250 et Inter51 et visité deux « radios libres » : Onz’Débrouille (début mai 1980) et Paris 8052 (fin mai 1980) ; - Plaige a co-écrit, avec Jean-Marie Leduc, Les Nouveaux Prophètes (Paris, Buchet-Chastel, 1978), qui présente les nouveaux mouvements religieux, et traduit Remember, ici et maintenant : namasté ! (Paris, R. Dumas, 1976), une autobiographie spirituelle de Richard Alpert, dit Ram Dass (professeur de psychologie cofondateur du psychédélisme) ; - Skornik est chanteur, musicien (1er prix du conservatoire) et auteur-compositeur (pour Michel Jonasz, Michel Delpech et premier succès de Gérard Lenorman en 1971 : Il )53 ; 50 En 1977, ils produisent le bimensuel « Ici et Maintenant » de 20 minutes vers 16h30, le mercredi, dans l’émission « Un sur cinq » produite par Armand Jammot et présentée par Patrice Laffont à qui ils ont proposé 200 sujets : un radiesthésiste distingue des clous et des œufs, le moine zen Deshimaru se met en ondes alpha (8-12Hz),reportage sur l’Arche (Lanza del Vasto)... Plaige participe en 1978 à « Aujourd’hui magazine » (complément d’« Aujourd’hui madame »), produit par Jammot et présenté parHenri Slotine : reportages et plateau sur les Enfants de Dieu, un Réunionnais qui marche sur les braises... 51 Encadrés par Jean-Louis Foulquier, ils remplacent Macha Béranger et Claude Villers en congés en 1978. Ils y mettent en concurrence un calculateur prodige et un ingénieur d’IBM, traitent l’autisme, le coma, les séries de nombres, la cryogénisation,interviewent Lanza del Vasto, Salvador Dali, René Dumont ou Isola Pisani (femme du ministre) sur Mourir n’est pas mourir. Mémoires de vies antérieures (Paris, Robert Laffont, 1978) et font intervenir les auditeurs en direct. 52 Radio militante (avec Jean Ducarroir et Patrick Farbiaz), installée dans la communauté Ecoovie dans le 13e arrondissement de Paris. 53 Le 33T Namasté ! (Philips, 1976), écrit par Plaige, s’inspire d’un voyage de 1974 à Sonada (résidence de Kalou Rinpoché), où Skornik, Cabanes,Reusseret un ami de Reusser ont interrogé les Tibétains sur la logique des nombres questionnée par l’alchimiste Jacques Breyer.
  • 22. - Rémi Bouton et Alain Dubois sont des pionniers : Bastille (1978), Gnome54 (été-déc. 1980), Graffiti (hiver 1981- 1982), Gulliver55 (10 mai-nov. 1981), Nemo56 (été 1981), 54 Gnome (inspirée d’un titre du groupe Gong), installée dans le studio de Bouton à Madeleine, utilise un mat de 10 m (sur le toit d’un commissariat fermé le week-end), un émetteur « bidouillé » de 40 W (dans la cheminée) sur 96 MHz obtenu par Claude Genest (Onz’Débrouille, Cortizone, FNRL), un tripole et du matériel dans un placard. Les deux lycéens font du radio-trottoir, lisent Le Canard enchainé et diffusent la cassette sur les diamants de Bokassa. 55 Gulliver débute le 10 mai 1981 à 2h du matin avec 40 W depuis le studio de Dubois à République (studio qui sera déplacé aux Frigos à la fin de l’été et cambriolé), après avoir changé de fréquence (95.7 obligeant l’animatrice Florence Bonvoisin à chercher un 25 W de qualité en Italie), Cité Future s’étant installé sur 96 MHz (vendue par Bouton à Bellanger pour 1400 F en juin) avec 500 W depuis Montmartre. Elle est portée par « l’association pour le développement des arts et des idées, expérimentale », diversifiée au niveau des musiques (musiques d’agrément et légères, jazz, rock), programmes (poésie, publicité, science) et communautés reçues. Plus politisée que RIM, elle recrute Claude Halfen alias Mendel (Action Directe) à Tomate (fondée par Bruno Guattari sous l’égide de son père et le soutien, notamment, de militants autonomistes), qui anime le vendredi soir « En attendant que l’immeuble s’écroule » sur l’anarchie, fait relayer Radio Venceremos (Salvador), propose d’aider à diffuser Kadhafi sur AM et invite un membre de l’IRA. Mendel y rencontre Catherine, qui anime quelque temps une émission le samedi matin sur les mystiques orientales, dont le studio sert à Action Directe et qui se suicidera quelques mois après. 56 Dubois tente d’exporter RIM à Nice, où l’artiste Ben est animateur.
  • 23. Liberté57 (juin 1981), Mercure 10458 (1982), Carbone 1459 (février-juillet 1986), Ouï FM60 (1988-1990) ; - Reusser a animé France Musique et écrit pour L’autre Monde61, Rock’nd Folk, Best, Le Figaro… - Philip de la Croix, fils de Jacques de la Croix, compositeur et directeur d’une radio à Nantes, a fondé le fanzine La Pravdame, Pluriel FM (association Formes de modernités plurielles), le label Ecm New Series et le Festival America, travaillé à Inter, Musique, Europe 1, au Monde, Aden, JDD, dirigé Mezzo… Malgré la qualité des animateurs et le succès des premières années62, RIM rencontre des difficultés semblables à bien d’autres radios : - deux saisies (30 août 1980 chez Caron, et 28 mars 1981 chez Plaige) ; - condamnation par la 17e chambre correctionnelle le 8 avril 1981 (Skornik, Plaige, Lemaire à 1 500 F, Caron à 800 F) ; - refus par la commission Holleaux et autorisation par Galabert grâce au ministre Georges Fillioud ; 57 Aidés de dizaines de « radiolibristes », ils investissent le studio de Radio Cosmos (15 place du Tertre, dans l’immeuble de Radio Cité Future de Pierre Bellanger, et dont Patrick Vantroeyen coupe l’émetteur), fondée par un éditeur et installée sur 95.7 avec 500 W. Cette radio musicale devient pendant deux semaines « La grosse voix des petites radios ». 58 Émission sur la publicité de Dubois. 59 Tentative de relance par Dominique Fenu, Supernana, SOS Racisme, Bouton et de la Croix. Arthur, alias l’adjudant-chef Vacher, s’occupe de « l’info ». 60 Chroniques quotidiennes sur la vie des médias de Bouton (seul représentant syndical). 61 Revue mensuelle de vulgarisation ésotérique, où écrivent aussi Bourre, Lemaire et Plaige. 62 Environ 340 articles ou références dans la presse entre mai 1980 et fin 1984.
  • 24. - partage de fréquence à partir de 1983 juridiquement, mais effectivement63 en 1987 ; - perte de fréquence de 1996 à 2001 (disproportionnée, selon le Conseil d’État) à cause de propos antisémites d’un auditeur ; - trois grèves de la faim : 1982 contre la commission Holleaux (Plaige et Skornik), 1986 contre l’arrivée de La Voix du Lézard sur 96.2 MHz qui brouille RIM (Plaige, Lemaire et Rosenberg), 1996 contre le CSA (Plaige et Nade Fitzgerald) ; - cinq grands déménagements de studio : rue de Greuse, Tati, Pompidou, quai de Grenelle, rue Violet ; - modèle économique insuffisant pour se développer, se faire connaître, rémunérer correctement (donc professionnaliser) ses animateurs, par souci d’indépendance (refus de la publicité et de grands partenariats privés64 ou publics) ; - départ d’animateurs créatifs (les Skornik en 1983, Mayer65 en 1984, Ouaki66, Reusser67 et Dubois68 en 1985, Bouton69 63 102 MHz en 1980, 99.45 en 1981, 96.6 en 1983 (avec Pluriel FM et Gulliver), 93.1 en 1987 (avec Aligre de Ben Keroubi), 88.2 en 1992 (EFM tenu par un psychiatre dans un hôpital du 13e et qui devient Générations quand son fils la préside), 95.2 en 2001 (avec Néo). 64 Certains, comme Skornik, influencés par Actuel, auraient préféré faire une radio commerciale du type de Nova (d’ailleurs invitée à « épouser » RIM par la commission Holleaux). 65 1980, 1983-1984 ; devient architecte de réseauxet gérant de Briosoft, revient en 2015. 66 1980-1985, 2001-2002, 2011 ; cofondateuren 1983 de Taktic Music avec Reusser, avec qui il propose (sans réussite) au CSA Eléphant (mélange de FIP, Info, Culture mais en catégorie D) lors de l’appel RNT 2008, cofondateur des éditions du Moment… 67 1980-1985 ; producteur à Taktic Music. 68 1982-1985 ; devient développeur informatique chez Ferma puis eServGlobal. 69 1982-1986 ; devient journaliste à Yaourt, Écran total, Billboard, Music & Media, chargé de communication chez Naïve.
  • 25. en 1986, Lemaire70 en 1996…), qui retournent à leur premier métier ou en cherchent un ; - scission71 de 1986 menée par Jean-Louis Rosenberg72, qui tente de s’allier à Voice of America et à Fréquence Gaie (rachetée par Gai Pied Hebdo) pour fonder Future Génération en 1987, et une autre en 2015 de Olivier Grieco, Alexandre Prely, Lisandru Vivarelli, Clara Delpas qui fondent la webradio http://libre-a-toi.org/... La programmation très expérimentale73, culturelle, musicale et littéraire des débuts devient davantage politico- sociale, écologiste, New Age74 et thérapeutique75, tout en gardant le fil directeur interactif, le goût de la liberté d’expression et des projets alternatifs : 70 1980-1996 ; travaille une semaine à KYA à San Francisco en 1983, douze jours à Radio Véronique sur le Mermoz en Atlantique nord en 1984 pourla fête des 450 ans de la découverte du Québec organisée par l’OFQJ, est responsable des productions radiophoniques du Centre Pompidou de 1985 à 1988, puis retourne au théâtre et cinéma et devient animateur à Radio Aligre depuis 2001. 71 Rosenberg, Alain Dupuis alias Neil, Jules, Stéphane Leroy, Nicolas Saada, Thierry Lefebvre... 72 Il obtient une fréquence partielle avec la SARL AAIM (Anciens Animateurs d’Ici et Maintenant), qu’il transforme en agence de presse Arts-Actualités-Informations-Médias qui existe toujours aujourd’hui à Bordeaux. 73 Sebastien Poulain, « Radio Ici et Maintenant, pionnière en expérimentations », Cahiers d’histoire de la radiodiffusion, n°121, juil.-sept. 2014 74 Sebastien Poulain, « Le réenchantement du récit radiophonique comme réenchantement du monde », Recherches en Communication, n°37, 2013, http://sites.uclouvain.be/rec/index.php/rec/issue/view/613 et Sebastien Poulain, « Des médiums dans les médias ou les nouveaux médiateurs du sacré », Esprit Critique. Revue internationale francophone de Sciences sociales, vol. 19, juillet 2014 http://www.espritcritique.fr/publications/1901/esp1901.pdf 75 D’anciens animateurs la qualifie de « courdes miracles » (expression déjà dans P.B., « Elles sont aujourd’hui une centaine dans la région parisienne », Le Figaro, 30 septembre1981).
  • 26. Plaige - toujours président de RIM et ex-producteur de « La Vague d’OVNI(s) », devenue « HereNow ! », le mardi soir à 23h - est l’auteur du roman de science fiction, Protocole oracle (Chamanéditionuméric, 2012) - traitant des liens entre le monde politico-financier et la précognition obtenue grâce à l’Ayahuasca (un breuvage à base de lianes aux effets purgatifs et hallucinogènes) -, dont les droits d’auteur serviront au projet Radio-Shipibo - parrainé par Jan Kounen -, qui vise à doter les communautés shamaniques péruviennes Shipibo-Conibo - qui utilisent l’Ayahuasca pour la transe et la thérapie - de radios solidaires et contestataires. Au-delà de RIM, la diabolisation de la FM n’a pas été inutile, malgré de nombreux échecs et beaucoup de déceptions. En plus d’accélérer la démonopolisation, elle a contribué à une forme de libération/démocratisation de la parole en agrandissant l’espace publique médiatique76 et en lui donnant davantage d’indépendance par rapport aux autorités politiques, ne serait-ce que par la création du Fond de soutien à l’expression radiophonique qui a permis l’existence d’un secteur radiophonique associatif alternatif77, qui dynamise le monde associatif et militant. Ce pluralisme et cette autonomie couplés à l’instauration de nouvelles programmations, pratiques et tonalités ont permis de redéfinir le « contrat d’écoute », redonner de la crédibilité aux journalistes de radio, refonder la légitimité du discours radiophonique, bouleverser l’audience et la donne économique, donc réinventer le média radio, car les 76 Il faut attendre 20 ans avec l’arrivée d’internet, des forums, blogs et réseaux sociaux numériques pour voir advenir un phénomène semblable mais de plus grande ampleur. 77 Sebastien Poulain, Les radios alternatives : l’exemple de Radio Ici et Maintenant, thèse de doctorat, sous la direction de Jean-Jacques Cheval, Université Bordeaux Montagne, Bordeaux, 2015.
  • 27. radios étatiques et périphériques ont bénéficié de ce rafraîchissement infernal !