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Les structures d’accompagnement de start-up au Liban :
défis et perspectives
Mémoire de fin d’études rédigé par Syma MATI,
sous la direction du Professeur Frédéric LEROY
MSM(17) Promotion 2017
Résumé
Les structures d’accompagnement de start-up au Liban se multiplient à la faveur de la circu-
laire 331 émise par la Banque du Liban en août 2013. Le pays, qui ne comptait qu’un seul in-
cubateur avant cette initiative, compte désormais sept structures : un incubateur, cinq accélé-
rateurs et une structure hybride. Si l’importance des fonds disponibles constitue une opportu-
nité certaine, la taille réduite du marché libanais et les nombreux obstacles structurels aux-
quels elles font face obligent ces différentes structures à mettre en place des stratégies de dif-
férenciation à même d’assurer leur viabilité dans un marché de plus en plus concurrentiel. Le
gouvernement libanais et les acteurs concernés sont également appelés à collaborer afin d’ac-
célérer le développement de l’écosystème numérique libanais.
Mots clés : incubateur, accélérateur, accompagnement, start-up, écosystème, numérique.
Les opinions émises dans ce document n’engagent que son auteur.
L’Ecole Supérieure des Affaires ne saurait en aucun cas être tenue
pour responsable du contenu du présent document.
J’adresse au Professeur Frédéric Leroy mes plus sincères remerciements pour le temps
qu’il a bien voulu consacrer à l’encadrement de mon mémoire, pour son précieux sou-
tien, ses conseils et ses commentaires constructifs qui m’ont permis de mener à bien ce
travail.
Sommaire
Introduction 2
1. Le marché des incubateurs et accélérateurs de start-up au Liban 6
1.1. Genèse et segmentation du marché 6
1.2. Berytech, l’incubateur pionnier 7
1.3. Seeqnce ou la première expérience d’accélération de start-up au Liban 11
1.4. Speed@BDD, le premier accélérateur « post-circulaire » 12
1.5. AltCity, un espace de « co-working » avec des fonctionnalités d’accélérateur 14
1.6. Le UK Lebanon Tech Hub, premier accélérateur binational 16
1.7. Smart ESA, « booster » franco-libanais et seule structure hybride au Liban 19
1.8. Agrytech, un accélérateur spécialisé 22
1.9. Flat6Labs, un accélérateur régional 23
2. Un marché interne restreint et concurrentiel 25
2.1. L’internationalisation, un passage obligé 25
2.2. La différenciation, clé de la survie des structures d'accompagnement 30
3. L’écosystème numérique libanais, entre grandes ambitions et problèmes
structurels
40
3. 1. Des obstacles importants à surmonter 40
3.2. Des contraintes inhérentes à la circulaire 331 46
3.3. Approche comparative Beyrouth-Dubaï 49
4. Recommandations et perspectives 54
4.1. Créer des programmes d’accompagnement spécialisés et encourager la
déconcentration
54
4.2. Améliorer les infrastructures Internet 57
4.3. Réformer le cadre réglementaire et administratif 58
4.4. Renforcer le lien Universités-Entreprises 59
Conclusion 62
Bibliographie 66
Comme l’expliquent Bergek et Norman (2008) : « Les incubateurs d'entreprises fournissent à
des start-up ou à des entreprises en phase de démarrage ayant un potentiel de croissance élevé
et rapide, en particulier dans le secteur technologique, un espace de travail partagé, des ser-
vices de soutien professionnel et à l’entrepreneuriat, du réseautage et un accès à des sources
de financement difficilement accessibles par leurs propres moyens, afin d’accroître leur taux
de survie et leur croissance » .1
En cherchant à définir le rôle des structures d’accompagnement de start-up dans un article de
référence, Albert, Fayolle et Marion (1994) font le constat suivant : « Le meilleur des créa-
teurs pourra difficilement s’imposer s’il ne peut mobiliser un ensemble de ressources : l’accès
à l’information (…), l’argent (…), la logistique (…), les savoir-faire de consultants ou de per-
sonnels qualifiés (…), l’accès aux technologies, l’accès au marché » .2
En effet, dans des économies de plus en plus complexes, l’« accompagnement » au sens large,
bien que postérieur à l’entrepreneuriat, en est devenu le corolaire et s’est imposé, du moins
dans la littérature, comme un passage obligé pour la concrétisation et la pérennisation d’un
projet d’entreprise. D’où le rôle important aujourd’hui des incubateurs et accélérateurs qui
feront l’objet de cette étude.
Les « incubateurs d’entreprises » sont apparus au début des années 1980 aux États-Unis et
quelques années plus tard en Europe pour accompagner les start-up dans les premières étapes
de leur vie et assurer leur pérennisation . Bénéficiant généralement de financements publics,3
ils ont pour mission de stimuler l’économie et de favoriser la création d’emplois en s’ap-
puyant sur deux leviers principaux : l’entrepreneuriat et l’innovation. Au Liban, terrain choisi
pour notre étude, le premier incubateur, Berytech, a vu le jour en 2001. Dans un pays où le
Cité dans JAMALI, Dima et LANTERI, Alessandro (2015), Social Entrepreneurship in the Middle1
East (vol. 2), Londres, Palgrave Macmillan UK, pp. 173-195.
ALBERT, Philippe, FAYOLLE, Alain et MARION, Stéphane (1994), L’évolution des systèmes d’ap2 -
pui à la création d’entreprise, Revue Française de Gestion, n° 101, pp. 100-112.
Le premier incubateur, « Batavia Industrial Center », a été créé en 1959 mais il faudra attendre les3
années 1980 pour assister à l’essor de ces structures.
2
chômage, surtout chez les jeunes, est endémique et où l’économie nationale peine à créer de
la valeur, l’enjeu est d’autant plus crucial.
Comme le soulignent Molnar et al. (1997) : « Compléter avec succès un programme d’incuba-
tion d’entreprise augmente les chances qu’une start-up poursuive ses activités sur le long
terme : des études plus anciennes ont montré que 87 % des start-up accompagnées par un in-
cubateur se pérennisent » contre 44 % des autres entreprises (U.S. Small Business Adminis-
tration) .4
Le premier accélérateur, « Y Combinator », a été créé en 2005 aux États-Unis. Il avait voca-
tion à structurer le financement des start-up, ou « jeunes pousses », qui jusque-là relevait uni-
quement des « angel investors ». Ces nouvelles structures devaient s’adapter au nombre tou-
jours croissant de start-up technologiques et à leur besoin d’accompagnement. Au Liban, il
faudra attendre 2012 pour voir apparaître la première structure de ce type.
Comme leur nom l’indique, ils ont pour objectif d’« accélérer » le développement des start-up
à travers des cycles plus courts que ceux de l’incubation (quelques mois contre plusieurs an-
nées) pour transformer des idées innovantes en entreprises rentables. Contrairement aux incu-
bateurs, les accélérateurs ne sont pas la concrétisation d’une politique publique mais s’ap-
puient sur des investissements privés. La rentabilité est donc au centre de leur stratégie.
Ces nouvelles structures sont d’ailleurs nées en partie de la nécessité de revoir le modèle éco-
nomique des structures d’accompagnement qui ne pouvait plus dépendre uniquement des ser-
vices tarifés proposés aux entreprises incubées et des financements publics voués à se raréfier.
Ils se devaient en effet d’attirer des investissements privés auxquels seules des entreprises ca-
pables de faire rapidement leurs preuves peuvent offrir des garanties suffisantes.
Cela est d’autant plus vrai au Liban du fait que « l'économie libanaise est une économie de
rente, allergique aux risques. Les investisseurs se tournent traditionnellement vers des inves-
tissements non productifs mais à haut rendement – comme l'immobilier ou les bons du
Cité dans JAMALI, Dima et LANTERI, Alessandro (2015), op. cit.4
3
Trésor », comme l’explique un ancien ministre libanais des télécommunications et président
du UK Lebanon Tech Hub, Nicolas Sehnaoui .5
Si l’incubation se prête très peu à ce type d’investissement, en raison de la durée du proces-
sus, l’« accélération » est quant à elle beaucoup plus attractive aux yeux d’investisseurs po-
tentiels en quête d’un retour rapide sur investissement. Ces derniers investissent du capital
risque, ou « Venture Capital », dans des entreprises à fort potentiel en contrepartie d’une prise
de participation dans leur capital (« equity », en anglais). Les « exit » des start-up (sortie de
l’investisseur du capital de l’entreprise) doivent leur permettre de réaliser des profits intéres-
sants.
Les définitions, nombreuses et parfois contradictoires, proposées par la littérature entraine
toutefois une certaine confusion quant aux caractéristiques précises de ces deux types de
structure. Cela s’explique en partie par le fait qu’il arrive de plus en plus souvent que ces der-
nières jouent plusieurs rôles à la fois, certains relevant traditionnellement de l’incubation et
d’autres de l’accélération, comme c’est le cas notamment au Liban.
S’il devient de plus en plus difficile de les différencier selon les services qu’ils proposent, il
existe aujourd’hui deux différences principales entre les incubateurs et les accélérateurs qui
tiennent, d’une part, aux modèles de financement des start-up bénéficiaires et, d’autre part, à
la durée des programmes de soutien comme nous l’avons vu. En effet, si les incubateurs n’in-
vestissent pas directement dans les start-up, ce n’est pas le cas des accélérateurs qui, pour la
plupart d’entre eux, offrent des financements contre un pourcentage de leur capital.
Par ailleurs, certains perçoivent l’accompagnement des start-up comme un processus linéaire
commençant par l’incubation et se terminant par l’accélération, ou réciproquement. Complé-
mentaires ou non, ces dernières jouent en tout cas un rôle déterminant dans le processus en-
trepreneurial.
OBEID, Karen (11 février 2016), Le Liban, déjà un pôle régional pour les fonds technologiques ?,5
L’Orient-Le Jour.
4
Au Liban, dans l’objectif affiché de favoriser la création de nouveaux emplois et d’améliorer
la compétitivité du pays , la Banque du Liban (BDL) a émis en août 2013 sa fameuse circu6 -
laire 331 pour permettre aux banques du pays d'investir à moindre risque jusqu'à 4 % de leurs
fonds propres dans des start-up, des incubateurs, des accélérateurs ou encore des fonds d'in-
vestissement en lien avec « l'économie de la connaissance ». La Banque centrale s’engage
pour sa part à garantir 75 % des fonds investis directement dans les start-up et les fonds d’in-
vestissement, et 100 % des fonds investis dans les structures d’accompagnement. Cette circu-
laire a dopé l’écosystème entrepreneurial au Liban et on assiste depuis à un accroissement si-
gnificatif du nombre de structures d’accompagnement.
Si l’enjeu est considérable au Liban, comme ailleurs, et l’importance de ces structures très peu
contestée, les défis n’en sont pas moins nombreux et le nombre grandissant d’acteurs entrai-
nera inéluctablement une concurrence de plus en plus accrue. La segmentation du marché, ou
de l’« industrie » , des incubateurs et accélérateurs doit donc être regardé de près, ainsi que le7
ciblage et le positionnement des différentes structures. Quels sont les secteurs d’activité
qu’elles abordent ? Comment se différencient-elles de leurs « concurrentes » ? Quels sont les
principales difficultés auxquelles elles sont confrontées ? Voici les principales questions aux-
quelles nous tenterons de répondre dans cette étude.
Pour ce faire, nous présenterons d’abord le marché des incubateurs et accélérateur de start-up
au Liban, nous analyserons ensuite les principaux défis auxquels ils font face et leurs diffé-
rentes stratégies de différenciation pour, enfin, émettre certaines recommandations.
« Le but de cette circulaire est de créer un nouveau secteur qui offre des opportunités d'emploi pour6
les Libanais et de rendre ainsi l'économie plus compétitive », selon le gouverneur de la BDL, Riad
Salamé (Cf. ROSE, Sunniva (4 novembre 2016), La vitrine de l’écosystème numérique libanais s’em-
bellit, L’Orient-Le Jour).
Les Américains considèrent l’incubation comme une industrie (Cf. ARLOTTO, Jacques, SAHUT,7
Jean-Michel et TEULON, Frédéric (novembre-décembre 2012), Comment les entrepreneurs per-
çoivent l’efficacité des structures d’accompagnement ?, Gestion 2000, vol. 29, p. 31-43 (https://www.-
cairn.info/revue-gestion-2000-2012-6-page-31.htm).
5
1. Le marché des incubateurs et accélérateurs de start-up au Liban
1.1. Genèse et segmentation du marché
L’écosystème entrepreneurial libanais connaît un véritable essor depuis l’émission par la
Banque du Liban de sa circulaire 331 en août 2013. Les acteurs qui le composent sont nom-
breux : Banque centrale, banques commerciales, fonds d’investissement (Venture Capital
Funds), « Business Angels », start-up, incubateurs, accélérateurs et autres structures d’accom-
pagnement.
Initialement, lors de l’émission de la circulaire 331, les banques libanaises pouvaient investir
jusqu'à 3 % de leurs fonds propres, mais ce pourcentage a été porté à 4 % en avril 2016 avec
l’amendement 419. Cela représente une enveloppe théorique de 600 millions de dollars d’in-
vestissements contre 400 millions avant l’amendement en question.
Les structures d’accompagnement, notamment les incubateurs et accélérateurs, ont reçu, entre
septembre 2016 et février 2017, 22,5 millions de dollars de financement dans le cadre de la
circulaire 331, tandis que pour la totalité de la période antérieure ils n’avaient reçu que 20
millions de dollars selon la BDL . De plus, si la Banque centrale libanaise garantit 75 % des8
fonds investis directement dans les start-up et les fonds d’investissement, elle garantit 100 %
des fonds investis par les banques commerciales dans les structures d’accompagnement.
Les moyens investis depuis 2013 dans ce secteur sont donc considérables et la volonté de la
BDL de renforcer les incubateurs et les accélérateurs est évidente. Son action a d’ailleurs for-
tement contribué à la multiplication des structures d’accompagnement de start-up au Liban.
En effet, parmi les principaux incubateurs et accélérateurs du pays, seul Berytech a été créé
avant la circulaire de la BDL. Depuis, leur nombre a été multiplié par sept et les accélérateurs,
absents jusque là, sont désormais les plus nombreux.
CHOUCAIR, Nadim et FLYNN, Thomas, (Février 2017), Circular 331: $500+ Million to Create Le8 -
banon's Knowledge-Based Economy?, Fletcher School's Institute for Business in The Global Context,
p. 7.
6
Figure 1 : Les différents types de structures d’accompagnement de start-up au Liban
Le Liban compte aujourd'hui un incubateur (Berytech), quatre accélérateurs (Speed@BDD, le
UK Lebanon Tech Hub, Agrytech et Flat6Labs Beirut), un espace de « co-working » avec des
fonctionnalités d’accélérateur (AltCity) et une structure « hybride » proposant des pro-
grammes d’incubation et d’accélération (Smart ESA).
1.2. Berytech, l’incubateur pionnier
Berytech a été créé en 2001 par l’Université Saint-Joseph de Beyrouth et pensé à l’origine
comme un « pôle technologique », comprenant un incubateur, une pépinière d’entreprises et
un hôtel d’entreprises. Devenu un an plus tard une « organisation à but non lucratif auto-fi-
nancée » , Berytech est le premier centre du Moyen-Orient à recevoir en novembre 2006 le9
label européen BIC (Business Innovation Center). Il avait déjà, à cette date, accompagné 70
Entretien avec Ramy Boujawdeh, directeur général adjoint de Berytech, mené le 2 octobre 2017.9
7
start-up alors qu’il ne possédait qu’un seul centre à Mar Roukos, dans la périphérie de Bey-
routh, et s’apprêtait à inaugurer un nouveau site à Beyrouth .10
Berytech a été le premier à mettre en place un programme d'incubation au Liban pour favori-
ser la création et la croissance de start-up, en leur fournissant le soutien nécessaire ainsi que
des services financiers et techniques, à travers des cycles pouvant durer entre six et 18 mois
selon les fonds obtenus par l’incubateur.
Berytech finance ses activités grâce aux services payants qu’il propose, en organisant des
compétitions, des événements et des hackathon sponsorisés en lien avec les start-up, en postu-
lant à travers sa fondation à des subventions européennes et internationales, et plus récem-
ment grâce à son nouveau FabLab, installé sur son site de Mar Roukoz, dont l’accès est
payant pour les personnes extérieures à ses programmes de soutien. Enfin, quand des exit de
start-up appartenant aux portfolios de Berytech Fund I et Berytech Fund II se produisent, une
partie des profits réalisés est versée à Berytech et sert à financer ses activités.
Berytech privilégie dans son recrutement les start-up opérant dans les secteurs des logiciels,
du matériel informatique, de l’Internet des objets et de l’entrepreneuriat social. Il prévoit de
s’orienter bientôt vers la FinTech et de mettre davantage l’accent sur l’Internet des objets.
« Nous sommes également très intéressés par la « Cleantech », mais il s’agit d’un secteur qui
nécessite des fonds importants, de l’Internet des objets et de l’expertise. Notre plan de déve-
loppement dans ce secteur est prêt mais nous attendons de trouver les fonds nécessaires », an-
nonce Ramy Boujawdeh, directeur général adjoint de Berytech .11
En août 2016, sept start-up étaient incubées à Berytech . Elles ont toutes rejoint le pro12 -
gramme d’incubation après avoir remporté des compétitions organisées par l’incubateur en
partenariat avec des organisations locales et internationales : le concours « Femme Franco-
Berytech, le premier pôle de la région à recevoir le label « BIC » pour incubateurs, L’Orient-Le10
Jour, 18 novembre 2006.
Entretien avec Ramy Boujawdeh, directeur général adjoint de Berytech, mené le 2 octobre 2017.11
From A Business Idea To A Startup: Berytech Incubation Program, berytech.org, 30 août 201612
(http://berytech.org/from-a-business-idea-to-a-startup-berytech-incubation-program/).
8
phone Entrepreneure », organisé par Berytech et l’Agence universitaire de la Francophonie et
subventionné par cette dernière, la « Global Social Venture Competition », subventionnée par
la Fondation Diane, la « Mount Lebanon Youth Entrepreneurs Competition », financée par le
PNUD, et la « Digital Energy Revolution Competition », qui fait partie du projet SHAAMS,
financé par l’UE. L’incubation des start-up est ainsi financée par les subventions offertes par
ces différents organismes.
De plus, Berytech offre une incubation de trois mois aux gagnants des concours organisés par
ses partenaires de l'écosystème qu’il soutient, comme le « Startup Weekend Beirut » qui per-
met aux candidats, au cours d'un week-end, de trouver des idées et de créer des start-up qui
pourraient résoudre un problème environnemental.
Les entrepreneurs qui se joignent au programme d'incubation ont la possibilité d'être hébergés
sur l'un des trois sites de Berytech. Le processus d'incubation commence par une évaluation
des besoins, permettant à l'entrepreneur d'hiérarchiser les domaines d'activité de son entre-
prise et de renforcer son idée ou son démarrage.
S’en suit une phase d’évaluation au cours de laquelle plusieurs aspects du projet d’entreprise,
ou de la start-up, sont passés en revue, tels que : le modèle de revenu, la relation client, le
marketing, les ventes, l'image de marque, les opérations, les aspects légaux et les ressources
humaines. Le programme d'incubation permet ensuite à l'entrepreneur de suivre des forma-
tions et des ateliers en finance, en droit des entreprises, en marketing et vente, en « design
thinking », etc.
Les sessions de travail avec un spécialiste du développement des entreprises sont destinées à
créer et suivre le « business plan » (ou plan d’affaires) de la start-up. L'entrepreneur incubé
est également accompagné par des « coachs » et des mentors qui lui prodiguent des conseils
en se basant sur leur expérience dans des domaines relatifs aux besoins et aux activités princi-
paux de la start-up.
9
En s’appuyant sur son réseau solide et sur l’importance qu’il accorde au réseautage, Berytech
travaille pendant la période d'incubation à mettre en relation les entrepreneurs et les organisa-
tions et plates-formes susceptibles de catalyser la croissance de la start-up.
Le slogan actuel de Berytech, « The Ecosystem for Entrepreneurs », souligne l’ambition et le
positionnement de cet incubateur qui incarnerait à lui seul l’écosystème entrepreneurial dans
sa globalité, agissant à tous les niveaux et mettant en relation les différentes parties prenantes.
En plus de remplir les fonctions incombant traditionnellement aux incubateurs (hébergement,
conseil, formation, financement), Berytech a initié les premiers fonds de capital-risque du Li-
ban, Berytech Fund I et Berytech Fund II, ainsi que le premier fonds d’investissement hy-
bride, IM Capital, qui est également un programme de soutien aux start-up et qui est financé
par USAID. Il est également à l’origine du premier véritable accélérateur libanais,
Speed@BDD.
Berytech a également initié le projet immobilier « Beirut Digital District » (BDD) qui s’est
concrétisé en 2013 et qui est l’un des plus importants de la région. Ce projet vise à créer dans
la capitale libanaise un « hub », ou pôle, dédié à l’industrie numérique et créative, qui aiderait
les incubateurs et accélérateurs à accompagner des projets d’entreprise et à les concrétiser. Il y
dispose de locaux, le Berytech Digital Park, qui héberge entre autres l’accélérateur
Speed@BDD et l’espace de coworking AltCity. « Le BDD est l'un des plus grands projets
immobiliers dédiés aux nouvelles technologies de la région (...). À la différence des parcs
technologiques de banlieue, il est construit au cœur de la ville », relève la Banque mondiale .13
Sur son site Internet, Berytech assure avoir contribué, depuis son lancement, à la création de
plus de 100 start-up et de plus de 1600 emplois, avoir hébergé plus de 220 start-up, avoir sou-
tenu plus de 3000 entrepreneurs, et avoir permis aux start-up d’obtenir plus de 600 000 dollars
de subventions et 70 millions de dollars d’investissements. Ses résultats ont été rendus pos-
RIACHI, Soraya (13 juin 2016), L’écosystème libanais, entre fort potentiel et obstacles récurrents,13
L’Orient-Le Jour.
10
sibles grâce à environ un million de dollars de subventions sur les quinze années de vie de
Berytech, selon son PDG .14
1.3. Seeqnce ou la première expérience d’accélération de start-up au Liban
En avril 2010, le Liban voit naître Seeqnce, un espace de « co-working », ou cotravail, qui
sera à l’origine, deux ans plus tard, du Seeqnce Accelerator Program 2012. Ce programme
d’accélération fera de lui le premier accélérateur de start-up au Liban et le placera dans le Top
3 des accélérateurs de la région MENA.
La circulaire 331 n’existait pas encore et la création de Seeqnce n’a été rendue possible que
grâce à un apport personnel de l’un de ses principaux co-fondateurs, Samer Karam .15
L’accélérateur ambitionnait de contribuer à la création de huit nouvelles start-up issues du Li-
ban et du monde arabe en leur offrant des services de mentorat, des locaux et en les mettant en
contact avec des investisseurs. L’accélérateur a reçu cette année-là 275 dossiers de candida-
ture de 17 pays pour ce programme qui s’étendra de septembre 2012 à mars 2013.
Ce programme d’accélération voyait Seeqnce investir 75 000 dollars en contrepartie d’une
prise de participation de 30 % dans le capital de la start-up avec une option de rachat de 10 %
en fonction de la performance de celle-ci. Cette prise de participation importante s’expliquait
par le fait que Seeqnce avait choisi de sélectionner des start-up qui en étaient à leur première
levée de fonds (Série A), ou premier tour de table (« round » en anglais), le facteur risque
étant très important à ce stade.
Depuis le printemps 2013, Seeqnce ne propose plus de programmes d’accélération. Fort de
son expérience de pionnier dans l’accélération de start-up au Liban, la société conseille dé-
sormais la BDL dans la mise en oeuvre de sa circulaire 331 et organise depuis 2014 la confé-
Discours prononcé par Maroun Chammas, président de Berytech, à l’occasion de la finale du14
concours « Femme Francophone Entrepreneure 2017 » le 27 septembre 2017.
DAOUD, Marie-José (12 août 2011), Seeqnce : le premier accélérateur de start-up libanais, Le15
Commerce du Levant.
11
rence « Banque du Liban Accelerate », la plus importante de la région méditerranéenne et de
la region MENA qui attire chaque année plus de 10 000 participants de plus de 75 pays.
1.4. Speed@BDD, le premier accélérateur « post-circulaire »
En octobre 2014, Berytech, Middle East Venture Partners (MEVP), investisseur en capital
risque, les programmes de soutien IM Capital et Bader, et le réseau « Lebanon for Entrepre-
neurs » se sont associés pour créer l’accélérateur « Speed@BDD » dans le Beirut Digital Dis-
trict, et plus précisément au sein du Berytech Digital Park, en lui confiant la mission de stimu-
ler l’écosystème entrepreneurial. Son lancement opérationnel interviendra le 29 juillet 2015
faisant de lui la première structure d’accompagnement « post-circulaire ».
Cet accélérateur cible les porteurs de projets à forte composante technologique, sans privilé-
gier de secteur en particulier, et les équipes ayant déjà testé leur idée avec un prototype, sans
toutefois fermer la porte aux projets à un stade moins avancé jugés prometteurs. Les projets
sélectionnés peuvent aussi bien en être à l’étape de l’idée ou de l’amorçage (« seed stage »).
Son PDG, Sami Abou Saab, le qualifie d’« accélérateur technologique généraliste » .16
La sélection des start-up reposent sur deux critères principaux : la composante technologique
et la présence, au sein de l’équipe qui porte le projet, d’un expert technique. Autre critère in-
contournable, le siège social de l’entreprise doit se trouver au Liban pour être en conformité
avec les dispositions de la circulaire 331. « Mais le recrutement de Speed ne se limite pas
pour autant aux seuls entrepreneurs libanais. L'écosystème du pays bénéficie d'avantages
comparatifs certains, comme le flux de capitaux permis par la circulaire 331 ou une main-
d'œuvre qualifiée et bon marché, qui devraient séduire des entrepreneurs de la région ou
d'ailleurs. », comme l’expliquait le premier directeur général de Speed et co-fondateur de
Seeqnce, Fadi Bizri . D’ailleurs, une start-up turque et une start-up chypriote ont rejoint le17
programme ces dernières années .18
Entretien avec Sami Abou Saab, PDG de Speed@BDD, mené le 3 octobre 2017.16
NÊME, Cyrille (9 décembre 2014), L’écosystème numérique libanais devrait avoir son accélérateur17
en janvier, Le Commerce du Levant.
Entretien avec Sami Abou Saab, PDG de Speed@BDD, mené le 3 octobre 2017.18
12
Pour soutenir ces start-up à fort potentiel, Speed@BDD a mis en place un programme sur
cinq ans qui comprend chaque année deux cycles d’accélération de trois mois, ouvert chacun
à dix start-up technologiques.

Speed@BDD propose différents services allant de l’hébergement dans ses locaux du BDD
(obligatoire durant toute la durée du programme), au mentorat (dans les domaines du déve-
loppement de produit, de la finance, de la comptabilité, du droit, etc.), en passant par le ré-
seautage avec des experts internationaux et des industriels. Les meilleures start-up bénéficient
en outre d'une phase d'accélération au sein de la Silicon Valley, financée par Speed@BDD.
En plus des services offerts dans le cadre du processus d’accompagnement, Speed@BDD in-
vestit 30 000 dollars dans chaque start-up en contrepartie d’une prise de capital de 10 %, les
valorisant ainsi à 300 000 dollars. Son modèle économique répond donc à la même logique
que celui de la majorité de ses homologues dans le monde, le retour sur investissement devant
intervenir au moment de l’exit qui intervient en général entre trois et quatre ans plus tard.
Speed@BDD a investi 180 000 dollars dans les start-up de sa première promotion (« batch »),
soit 30 000 dollars pour chacune des six start-up ayant bénéficié du programme , 210 00019
dollars répartis équitablement entre les sept start-up de sa deuxième promotion , 150 000 dol20 -
lars dans les cinq start-up de sa troisième promotion et 270 000 dollars dans les neuf entre-
prises de sa quatrième promotion . Le budget total du programme oscille entre cinq et six21
millions de dollars, financé par le Berytech Fund II, MEVP et IM capital .22
NAKHOUL, Shikrallah (14 janvier 2016), Speed@BDD invests $180,000 in startups: First batch to19
seek more investment, Businessnews.com.lb, (http://www.businessnews.com.lb/cms/Story/StoryDe-
tails.aspx?ItemID=5317).
NAKHOUL, Shikrallah (12 juillet 2016), Speed@BDD completes second acceleration program:20
Startups seek a combined $3.5 million capital, Businessnews.com.lb, (http://www.businessnews.-
com.lb/cms/Story/StoryDetails.aspx?ItemID=5577).
L’accélérateur Speed célèbre la fin de son 4e cycle, Le Commerce du Levant, Août 2017.21
RIACHI, Soraya (30 septembre 2015), Speed accélère sa première promotion de start-up, L’Orient-22
Le Jour.
13
De plus, bien qu’il n’existe aucune option contractuelle dans ce sens, des levées de fonds sup-
plémentaires auprès de ces fonds d'investissement peuvent être facilitées par leur présence au
conseil d'administration de Speed@BDD.
En 2017, l’accélérateur a annoncé une nouvelle initiative : Seed Boost. « À la fin du pro-
gramme Speed, les entreprises mettent en moyenne 9 à 12 mois pour trouver les financements
supplémentaires dont elles ont besoin. Nous avons donc mobilisé cinq investisseurs avec une
enveloppe de 50 000 dollars », explique le PDG de Speed. Les investisseurs en question sont :
B&Y VP, Phoenician Funds, Berytech Fund II, Impact Fund et M. Élias Houayek .23
1.5. AltCity, un espace de « co-working » avec des fonctionnalités d’accélérateur
Le 22 avril 2015, l’espace de coworking AltCity a lancé un nouveau programme, appelé24
« Bootcamp », qui consiste à organiser des camps de formation intensive à l’entrepreneuriat.
Il bénéficie d’un financement de la banque Al-Mawarid, dont le montant n’a pas été commu-
niqué, garanti à 100 % par la BDL dans le cadre de sa circulaire 331.
À travers son soutien aux Bootcamp, « l’objectif de la BDL est de créer des flux de transac-
tions sur le marché et d'aider les start-up à obtenir du soutien dans les premières étapes de leur
développement, où les risques d'échec sont les plus élevés », selon Marianne Hoayek, direc-
trice du bureau exécutif de la Banque du Liban .25
David Munir Nabti, le PDG d’AltCity, décrit Bootcamp de la manière suivante : « Il s’agit
d’un programme triennal qui comble un vide en soutenant des projets entrepreneuriaux à un
stade très peu avancé. Une première phase de préqualification, ouverte à tous et se déroulant
toute l’année, permettra aux bénéficiaires de se familiariser avec les grands principes de l’en-
L’accélérateur Speed célèbre la fin de son 4e cycle, op. cit.23
Ses fondateurs le définissent comme un « coworking space avec des fonctionnalités d’accélérateur24
et d’incubateur » (Cf. PISANI, Francis (3 mars 2012), À Beyrouth, les accélérateurs de start-up sti-
mulent l’innovation, Le Monde, supplément Science&Techno.
RAHBANI, Leila (24 octobre 2014), Central Bank supports startup boot camps: To transform inno25 -
vative ideas into business, Businessnews.com.lb (http://www.businessnews.com.lb/cms/Story/Story-
Details.aspx?ItemID=4445).
14
trepreneuriat technologique. Une deuxième phase leur permettra ensuite de suivre des forma-
tions spécifiques pour bâtir leur projet durant cinq jours à deux semaines. Les projets les plus
prometteurs seront ensuite sélectionnés pour participer à une phase ultérieure de 2-3 mois qui
s’apparente à une version allégée d’un programme d’accélération » .26
Le programme cible prioritairement les projets technologiques orientés Web et mobile dans
divers domaines, telles que la finance, la santé ou encore la publicité (FinTech, AdTech, Heal-
thTech, etc.), mais aussi ceux qui prévoient le développement de matériel informatique
(« hardware »). Il ambitionne de d’« accélérer » la croissance de 100 start-up par an en les27
accompagnant, comme le souligne son slogan, de l’idée jusqu’aux investissements (« From
Idea to Investment »).
Si Bootcamp n’investit pas directement dans les start-up, contrairement à d’autres accéléra-
teurs, celles qui sont retenues pour participer à la dernière phase du programme s’engagent à
lui céder une part de leur capital oscillant entre 3 % et 5 % . Les 27 start-up qui ont bénéficié28
jusqu’à présent de ce programme sont parvenues à lever 1,1 millions de dollars au total .29
En 2017, AltCity a noué un partenariat avec l’UNICEF qui a permis la création du premier
programme d’accélération de start-up à impact social du Liban, « Elevate ». Ce nouveau pro-
gramme, dont les activités ont débuté en juillet 2017, offre principalement des locaux, des fi-
nancements (jusqu’à 50 000 dollars de subvention et 20 000 dollars en services), des forma-
tions personnalisées et un mentorat spécialisé aux start-up qui oeuvrent dans l’un des princi-
paux domaines d’intervention de l’UNICEF : éducation ; santé et nutrition ; eau, assainisse-
ment et hygiène ; protection de l’enfant et prévention des violences liées au genre ; politique
sociale ; jeunesse et adolescents ; programmes spécifiques aux réfugiés palestiniens.
C. N. (Mars 2015), Al-Mawarid et Alt City lancent le premier « Bootcamp » technologique du Li26 -
ban, Le Commerce du Levant.
BAGHDADI, Alexis (22 avril 2015), AltCity Bootcamp Will Graduate 100 Startups Every Year,27
arabnet.me (http://news.arabnet.me/altcity-bootcamp-will-graduate-100-startups-every-year/).
Al-Mawarid et Alt City lancent le premier « Bootcamp » technologique du Liban, op. cit.28
JUN ROWLEY, Melissa (6 juin 2017), What Silicon Valley can learn from Lebanon’s women in29
tech, TechCrunch (https://techcrunch.com/2017/06/06/what-silicon-valley-can-learn-from-lebanons-
women-in-tech/).
15
Pour être sélectionnées et participer au programme d’accélération sur six mois, ces start-up
doivent avoir préalablement développé leur « produit minimum viable » (« minimum viable
product » (MVP), en anglais) proposant une solution à un ou plusieurs des problèmes liés à
ces défis.
L’un des principaux objectifs du programme consiste par ailleurs à mettre en relation ces
start-up avec plusieurs organismes, dont l’ONU et le gouvernement libanais , afin de créer30
des synergies dans l’aide au développement et dans les réponses apportées par ces différents
acteurs aux problèmes sociaux.
En juillet 2017, l’ambassade britannique au Liban a lancé une nouvelle initiative, baptisée
« SoUK.LB », visant à renforcer et promouvoir l’entrepreneuriat social en soutenant les pro-
jets visant à créer un changement social ou environnemental. La phase pilote, qui a débuté en
juillet 2017 et s’achèvera en mars 2018, est mise en oeuvre par l’Américain DAI, le Britan-
nique Alfanar et AltCity, renforçant le positionnement de ce dernier sur le segment de l’entre-
preneuriat social. Les start-up bénéficiaires se verront offrir un financement allant jusqu’à 40
000 dollars et des centaines de milliers de dollars en services.
1.6. Le UK Lebanon Tech Hub, le premier accélérateur binational
Le 30 avril 2015, soit une semaine après le lancement de Bootcamp, le gouvernement britan-
nique, à travers l’Ambassade du Royaume-Uni au Liban, et la Banque du Liban ont lancé un
nouvel accélérateur : le UK Lebanon Tech Hub (UKLTH). Son financement provient, à tra-
vers la BDL qui le garantit intégralement, de la BLC Bank et de la banque Al-Mawarid. Il
s'inscrit donc lui aussi dans le cadre de l'implémentation de la circulaire 331 et ses locaux se
situent au Beirut Digital District, comme son homologue Speed@BDD.
PUPIC, Tamara (18 juin 2017), Innovation For Impact: MENA Startups Are Taking On The Refu30 -
gee Crisis, Entrepreneur Middle East (https://www.entrepreneur.com/article/295806).
16
La gestion de cet accélérateur a été confiée au cabinet londonien PA Consulting et il doit per-
mettre à l’écosystème libanais de bénéficier de l’importante expertise britannique dans ce
domaine.
Le UKLTH s’est différencié, lors de son premier cycle d’accélération, des autres accélérateurs
en « offrant des services entièrement gratuits, sans aucune prise de participation dans les so-
ciétés bénéficiaires », comme l’expliquait Lama Zaher, la chargée de communication du pro-
gramme .31
Initialement, le UKLTH a mis en place, dès mai 2015, un programme d’accélération sur deux
ans comprenant deux sessions se décomposant chacune en une phase de quatre mois au Liban,
durant laquelle les équipes étaient accompagnées dans l’élaboration de leur « business plan »
et de leur stratégie marketing, et une deuxième phase de six mois à Londres, réservée aux
meilleures d’entre elles et comprenant un programme de mentorat et du réseautage avec des
partenaires locaux de l’accélérateur. Le programme était ouvert à toutes les entreprises,
quelque soit leur niveau de développement, et pas uniquement aux start-up en phase d’amor-
çage .32
45 start-up ont été sélectionnées pour participer à la première session et 15 d’entre elles se
sont qualifiées pour la phase londonienne . 25 candidatures ont été retenues pour la deuxième33
sessions, certaines provenant des États-Unis, de France, d’Arabie Saoudite ou encore du Yé-
men. Pour la deuxième session, le UKLTH a privilégié trois grands secteurs : la
« FinTech » (finance numérique), la santé et le bien-être corporel, et le commerce en ligne .34
NÊME, Cyrille (12 juin 2015), Une quarantaine de start-up libanaises espèrent décrocher leur billet31
pour Londres, L’Orient-Le Jour.
KNIGHT Lucy (30 avril 2015), Beirut gets a new accelerator, UK Lebanon Tech Hub now open,32
wamda.com (https://www.wamda.com/2015/04/beirut-gets-a-new-accelerator-uk-lebanon-tech-hub-
now-open).
Seules les 15 meilleures start-up devaient être sélectionnées pour cette deuxième phase du pro33 -
gramme, mais 10 autres ont finalement été choisies pour poursuivre leur formation à Beyrouth (Cf.
RIACHI, Soraya (9 octobre 2015), Quinze start-up libanaises partent se faire accélérer à Londres,
L’Orient-Le Jour.
DOUMET, Chloé (Juillet 2016), Lebanon UK Tech Hub fête son premier anniversaire, Le Com34 -
merce du Levant.
17
L'accélérateur libano-britannique a lancé en avril 2017 un nouveau programme d’accélération
baptisé « The Nucleus », avec pour slogan « New Cycle, New Formula » (« Nouveau cycle,
nouvelle formule »). Il était ouvert aussi bien aux candidats libanais qu’aux entrepreneurs
étrangers. La promesse du UKLTH : avoir un produit commercialisable, ou « marketable », en
trois mois.
« Ce programme est exclusivement dédié à l'accompagnement des start-up aux premiers
stades de développement (early stage en anglais) jusqu'à ce qu'elles soient prêtes à entrer sur
le marché », selon les termes du président du UKLTH, Nicolas Sehnaoui .35
Cinq profils de candidat étaient éligibles à ce programme de trois mois : ceux qui ont avaient
une idée mais avaient besoin d’aide pour arriver à leur MVP, ceux qui avaient déjà leur MVP
et souhaitaient le mettre sur le marché, les start-up existantes qui voulaient lancer un nouveau
produit, les employés qui avaient une idée qui permettrait de transformer la manière dont leur
entreprise fait des affaires, et les managers qui avaient une idée susceptible de permettre à leur
entreprise de générer de nouveaux flux de revenus.
Les candidats pouvaient donc appartenir à des start-up mais également à des entreprises déjà
établies. Avec ce nouveau programme, le UKLTH souhaitait ainsi « construire des idées, des
personnes, des entreprises et des start-up pour aller au-delà des modèles d'accélération tradi-
tionnels qui offres des conseils, du mentorat et des formations » .36
Suite à l’appel à candidature lancé le 18 avril 2017, six équipes ont été retenues début juin
2017 pour participer à ce programme ciblant des projets innovants dans les domaines de la
science et de la technologie. Chacune d’elle a reçu un financement de 20 000 dollars et 30 000
en nature (essentiellement les services mis à disposition pendant la durée du programme),
contre 1 % à 5 % de son capital selon la valorisation estimée par le UKLTH à la fin du pro-
Le UK Lebanon Tech Hub lance un nouveau programme d'accélération, L’Orient-Le Jour, 15 juin35
2017.
Selon Dimitri Papadimitriou, directeur intérimaire du UKLTH, cité dans ISSACS, Derek A. (2636
avril 2017), Scale-up program to launch at UKLTH: Venture building accelerator program launched,
Beirut Innovation Week confirmed, Businessnews.com.lb (http://www.businessnews.com.lb/cms/Sto-
ry/StoryDetails.aspx?ItemID=6019).
18
gramme. Elles ont également eu accès, selon l’accélérateur, à des services aux entreprises
d’une valeur d’un million de dollars pendant le programme, et au-delà pour les équipes qui
l’ont complété avec succès.
Le programme incluait également un accompagnement par une équipe technique interne et
complète, du mentorat assuré par de hauts dirigeants d’entreprise, des réunions mensuelles
avec le Conseil d’administration, des ateliers animés par des experts de l’industrie et un accès
privilégié au réseau de l’accélérateur. 

Sur son site Internet, le UKLTH s’enorgueillit d’avoir soutenu plus de 500 sociétés, dont 70 à
travers le premier cycle de son programme d’accélération, d’avoir contribué à la création de
800 emplois et d’avoir levé 16,5 millions de dollars d’investissement pour les entreprises bé-
néficiaires.
1.7. Smart ESA, « booster » franco-libanais et seule structure hybride au Liban
En mai 2016, un nouveau partenariat voit le jour, cette fois-ci entre l’École Supérieure des
Affaires (ESA), l’Ambassade de France au Liban et la Banque du Liban. L’agence Paris&Co
et la Chambre de commerce et d’industrie de la région Paris Île-de-France sont également par-
tenaires de cette initiative, qui représente un investissement de près de cinq millions de dollars
sur cinq ans qui sera financé par différents investisseurs dans le cadre de la circulaire 331 .37 38
Smart ESA compte déjà parmi ses actionnaires BankMed, partenaire historique de l’ESA, et
deux autres banques devraient également y investir des fonds .39
Cette nouvelle structure, Smart ESA, qui se veut à la fois un incubateur et un accélérateur, est
présenté comme un « booster numérique ». « Un booster, c'est d'un côté un accélérateur, et de
l'autre un incubateur, tous deux adossés à un centre d'excellence académique, l'École supé-
DOUMET, Chloé (Avril 2016), Smart Esa : un label français pour les start-up libanaises, Le Com37 -
merce du Levant.
La levée de fonds est en cours selon le directeur de Smart ESA, Jihad Bitar (entretien mené le 2338
octobre 2017).
RAZZOUK, Mélanie (Juillet 2016), L’incubateur de l’ESA vise à soutenir 200 start-up en cinq ans,39
Le Commerce du Levant.
19
rieure des affaires », expliquait le directeur général de l’ESA, Stéphane Attali, à L'Orient-Le
Jour .40
Ce « booster » ambitionne de créer au moins 200 start-up en cinq ans. Pour les accueillir,
l’ancien Consulat général de France à Beyrouth, situé sur le campus et à l’abandon depuis
1996, sera entièrement rénové d’ici 2018. Les travaux seront financés grâce au mécénat de
BankMed .41
Selon son directeur, « Smart ESA ne cible pas de secteurs spécifiques, même si nous avons
des secteurs ou notre apport peut être encore plus puissant : FinTech, santé et éducation, entre
autres » .42
Le booster, dont les activités ont démarré en avril 2017, propose quatre programmes adaptés
aux différentes étapes du développement d’une start-up :
• Le programme « Discover » : il est ouvert à toute personne qui souhaite en apprendre da-
vantage sur l’entrepreneuriat ou hésite entre plusieurs idées d’entreprise. Il dure deux se-
maines.
• Le programme « Create », ou « programme avancé » : il s’adresse aux candidats qui ont un
projet clairement défini qu’ils souhaitent développer. Ce programme sur deux mois leur
permet de définir un « business model », ou modèle économique, et un business plan
viables.
• Le programme « Incubate » : comme son nom l’indique, il relève de l’incubation. Il s’agit
du programme le plus long (8 mois) proposé par le booster. Il vise à accompagner les start-
up nouvellement créées, ou sur le point de l’être, dans leur première ou deuxième année
d’activités, en leur offrant notamment un accès aux espaces de co-working de Smart ESA
et en leur permettant de participer à des « business matching trips ».
RIACHI, Soraya (3 mars 2016), La France veut apporter sa « touch » à l’écosystème libanais, L’O40 -
rient-Le Jour.
RAZZOUK, Mélanie (Juillet 2016), op. cit.41
Entretien avec Jihad Bitar, directeur de Smart ESA, mené le 23 octobre 2017.42
20
• Le programme « Grow » : il a vocation à aider les start-up déjà établies, générant des reve-
nus, a atteindre de nouveaux marchés à l’international en participants notamment à deux
« business matching trips ». Il s’étend sur une durée de quatre mois.
Ces programmes sont tous gratuits et, à l’instar du UKLTH à ses débuts, Smart ESA ne prend
pas, à ce stade, de prise de participation dans le capital des start-up bénéficiaires. Les choses
ne devraient toutefois pas demeurer en l’état selon Stéphane Attali : « Deux moyens d’équili-
brer nos comptes ont été privilégiés : la refacturation de certains services aux jeunes entrepre-
neurs et la prise de capital au sein des start-up que nous hébergerons ». Smart ESA pourrait
prendre entre 0,5 % et 5 % de leur capital .43
« Pour l’instant, on ne prend pas de participation dans le capital des start-up. Ces dispositions
pourraient évoluer dans les années à venir. De toute façon, une grande partie de nos pro-
grammes ont vocation à rester comme cela », affirme le directeur de Smart ESA, Jihad
Bitar .44
Ce booster propose ainsi aux entrepreneurs et aux managers des sessions de formation et de
mentorat, mais également, pour les projets les plus avancés, un accès aux marchés français et
européen.
Les start-up retenues pour les programmes « Incubate » et « Grow » participent en effet à des
voyages organisés par Smart ESA en France et en Europe qui leur permettent de rencontrer les
représentants de grands groupes industriels, appelés à devenir leurs clients finaux. « Le but de
ces visites ne sera pas juste du réseautage, mais aussi de l'acquisition de parts de marché »,
expliquait Bérengère Arnold, conseillère auprès de Smart ESA sur les questions de transfor-
mation digitale . C’est probablement pour cette raison que le terme de « business matching45
trip » a été préféré à celui de « business tour » par son équipe.
RAZZOUK, Mélanie (Juillet 2016), op. cit.43
Entretien avec Jihad Bitar, directeur de Smart ESA, mené le 23 octobre 2017.44
RIACHI, Soraya (3 mars 2016), op. cit.45
21
Pour permettre cette synergie, le booster franco-libanais s’appuie sur le réseau et le savoir-
faire de ses deux partenaires, Paris&Co et la CCI Paris Île-de-France, mais aussi de la
« French Tech », du nom du label créé en 2013 par le gouvernement français afin de renforcer
la cohérence et la visibilité des actions publiques en faveur des start-up en France.
La French Tech s’est ensuite internationalisée, regroupant en 2015 onze « hubs » labellisés à
l’étranger, et le directeur de l’ESA ambitionnait dès le lancement de Smart ESA de « faire de
Beyrouth le douzième hub de la French Tech » . Selon lui, 25 start-up ont été accompagnées46
jusqu’à ce jour, tous programmes confondus .47
1.8. Agrytech, un accélérateur spécialisé
L'incubateur Berytech a lancé le 19 janvier 2017 un programme hybride, combinant une
phase d’accélération et une phase d’incubation, destiné aux start-up du secteur de l'agro-ali-
mentaire, avec pour slogan « Catalysons les innovations de la ferme jusqu'à la fourchette ».
Ce programme pionnier au Liban, baptisé « Agrytech », est financé à hauteur de près de 3,3
millions de dollars par Berytech (10 %) et le gouvernement des Pays-Bas (90 %) .48
« La sécurité alimentaire est un enjeu important surtout dans la région MENA qui importe 80
% de sa nourriture et où on assiste à un exode rural. La technologie et l’ingénierie peuvent
apporter des solutions innovantes à ces problèmes, notamment aux niveaux de la production,
de la distribution et de l’exportation des produits agricoles, et créer de nouveaux débouchés
dans ce secteur notamment pour les ingénieurs », explique Ramy Boujawdeh .49
Toujours selon ce dernier : « Les candidatures sont ouvertes à toutes les start-up et PME, qui
en sont à l'étape de l'idée, avec des solutions techniques dans les domaines de l'agro-alimen-
DOUMET, Chloé (Avril 2016), op. cit.46
VINCENT, Juliette (29 septembre 2017), Stéphane Attali : « Les Libanais ont l’entrepreneuriat dans47
le sang ! », Lepetitjournal.com - Beyrouth (https://lepetitjournal.com/vivre-a-beyrouth/stephane-attali-
les-libanais-ont-lentrepreneuriat-dans-le-sang-157352).
Entretien avec Ramy Boujawdeh, directeur général adjoint de Berytech, mené le 2 octobre 2017.48
Ibid.49
22
taire, notamment au niveau de la robotique, la télédétection, l'automation, l'automatisation, le
commerce en ligne, la traçabilité, les paiements, le Big Data, l'intelligence artificielle, les cap-
teurs, l'IOT, l'internet, le paiement via mobile, les drones, la logistique, entre autres » .50
Pour chaque cycle annuel, trente start-up au maximum sont sélectionnées et obtiennent un fi-
nancement de 3300 dollars pour développer leur « produit minimum viable » sur une période
de deux mois. Jusqu’à quinze start-up sont ensuite sélectionnées pour la phase d'accélération
de quatre mois, avec à la clé un financement de 16 000 dollars, qui leur permettra de valider
leur concept.
Les meilleures d’entre elles, au nombre maximum de huit, poursuivront le programme en en-
trant dans la phase d’incubation sur six mois, et en recevant un financement de 22 000 dollars,
qui doit leur permettre de lever des fonds auprès d’investisseurs. Onze start-up sont actuelle-
ment dans la phase d’accélération du programme (elles étaient vingt au début du programme
en mai 2017).
L’ouverture des start-up au marché international est l’une des priorité de cet accélérateur dé-
dié au secteur de l’agro-alimentaire. « Au départ, le Liban est notre marché test, mais l'objec-
tif est d'atteindre les marchés de la zone Mena et d'Europe », selon Ramy Boujawdeh . Cet51
objectif devrait être facilité par le partenariat entre Agrytech et la « Food Valley », la « Silicon
Valley » de l’agro-alimentaire qui se trouve aux Pays-Bas.
1.9. Flat6Labs, un accélérateur régional
Après son lancement en 2011 au Caire (Égypte), puis à Djeddah (Arabie Saoudite), à Abou
Dhabi (Émirats arabes unis) et bientôt à Tunis (Tunisie), l'accélérateur de start-up égyptien
Flat6Labs a annoncé le 22 février 2017, à l’occasion de la conférence ArabNet, son installa-
tion à Beyrouth au sein du Beirut Digital District. Flat6Labs Beirut est d’ailleurs le fruit d’un
HADDAD, Céline (20 janvier 2017), Lancement d’un accélérateur pour les technologies agro-ali50 -
mentaires, L’Orient-Le Jour.
Ibid.51
23
partenariat entre Flat6Labs et ArabNet, qui s’appuie sur l’expérience du premier dans l’accé-
lération de start-up et le puissant réseau du second.
Pour financer ses activités au Liban, Flat6Labs s’est associé à la BLOM Invest Bank pour
créer le « Lebanon Seed Fund » (LSF), un fonds d’investissement de 20 millions de dollars
approuvé par la BDL dans le cadre de sa circulaire 331, avec l’ambition de soutenir 100 start-
up en cinq ans . Comme son nom l’indique, ce fonds, et par extension Flat6Labs, cible les52
start-up en phase d’amorçage (« seed stage » et « early stage »).
Les start-up qui en sont à la phase dite du « seed stage » peuvent intégrer son programme
d’accélération sur quatre mois comprenant du mentorat, du soutien légal, des bureaux, des
formations, la possibilité de « pitcher » son projet devant des investisseurs et du réseautage
avec des start-up similaires et des partenaires potentiels à l’échelle régionale et internationale.
Elles recevront chacune, à la fin du programme, entre 30 000 et 50 000 dollars de financement
contre 10 % à 13 % de leur capital .53
Les start-up « early stage » retenues recevront quant à elles un financement du LSF oscillant
entre 100 000 et 500 000 dollars et un accès aux ressources de l’accélérateur. Elles recevront
également des conseils en termes de stratégie, de budget ainsi que sur les aspects légaux liés à
leurs activités, elles seront mises en relation avec des partenaires potentiels clés et bénéficie-
ront d’un soutien stratégique pour accélérer la croissance de leur entreprise. Le premier cycle,
pour les deux programmes, a démarré en septembre 2017.
Flat6Labs cible principalement quatre industries, les TIC, l’électronique, les solutions de fa-
brication, les technologies vertes, et plus généralement les entreprises qui ont recours à la
technologie et à la connaissance dans les domaines de la santé, de l’éducation, des énergies,
des transports et des services financiers .54
Flat6Labs Beirut Announces The Launch of Lebanon Seed Fund, Opens Application To Startups,52
communiqué de presse publié par Flat6Labs le 1er mars 2017.
Flat6Labs Beirut Launches US$20 Million Seed Fund, Entrepreneur Middle East, 6 mars 201753
(https://www.entrepreneur.com/article/290121).
Flat6Labs Beirut Announces The Launch of Lebanon Seed Fund, Opens Application To Startups,54
op. cit.
24
Fort de sa présence régionale, le dernier-né des accélérateurs au Liban met en outre l’accent
sur l’internationalisation des start-up qui bénéficient de son programme. « Nous voulons aider
les entreprises à conquérir les marchés internationaux. Si elles veulent s'installer dans un de
nos bureaux en dehors du Liban, nous les aiderons », explique le directeur de Flat6Labs Bei-
rut, Fawzi Rahal .55
2. Un marché interne restreint et concurrentiel
2.1. L’internationalisation, un passage obligé
La circulaire 331 a eu un effet indéniable sur la multiplication des structures d’accompagne-
ment de start-up au Liban. Avant 2013, le pays n’était doté que d’un seul incubateur et n’avait
connu qu’une seule expérience d’accélération de start-up avec le « Seeqnce Accelerator Pro-
gram 2012 » à laquelle aucune suite ne sera donnée.
Il compte aujourd’hui sept structures principales dont une structure régionale, Flat6Labs Bei-
rut, ce qui prouve l’attractivité dont peut se targuer désormais le Liban. Toutefois, à l’excep-
tion de Berytech et Flat6Labs Beirut, aucune de ces structures n’a plus de trois ans d’exis-
tence, et même Berytech n’a pris le chemin de l’accélération qu’à partir de 2014 avec le lan-
cement de Speed@BDD.
Les incubateurs et accélérateurs de start-up ont donc tous en commun d’être des structures
jeunes, et par conséquent peu expérimentées. L’écosystème entrepreneurial libanais dans son
ensemble en est à ses balbutiements. « Si 2014 était l'année où les fondations (de l'écosystème
numérique) ont été posées, 2015 l'année de la mise en œuvre, 2016 est l'année de la crois-
sance. », comme le résume la directrice du bureau exécutif de la BDL, Marianne Hoayek .56
ROSE, Sunniva (23 février 2017), L’accélérateur égyptien Flat6Labs s’installe à Beyrouth, L’O55 -
rient-Le Jour.
ROSE, Sunniva (4 novembre 2016), op. cit.56
25
Les fonds d’investissement se sont d’ailleurs eux aussi multipliés depuis la circulaire 331,
acte fondateur de l’écosystème.
Le « marché » des incubateurs et accélérateurs en est donc davantage à la phase de démarrage
qu’à la phase de croissance. Les acteurs sont relativement nombreux et continuent de grandir
en nombre, la concurrence est atomisée.
Comme leurs homologues en Europe ou aux États-Unis, les structures d’accompagnement au
Liban ciblent les start-up à l’étape d’idée et en phase d’amorçage. Elles remplissent ainsi leur
mission première : accompagner les start-up dans les premières étapes de leur vie. Si l’on en
croit plusieurs des acteurs concernés, cela s’explique d’autant plus par la nécessité de combler
un vide à ce niveau.
David Munir, PDG d’AltCity, décrit Bootcamp de la manière suivante : « Il s’agit d’un pro-
gramme triennal qui comble un vide en soutenant des projets entrepreneuriaux à un stade très
peu avancé » . Said Omar Christidis, PDG d’ArabNet, abonde dans le même sens : « Je crois57
que Flat6Labs Beirut remplira un vide dans le financement de la phase d’amorçage de l’éco-
système » . Jihad Bitar, directeur de Smart ESA, présente comme l’un des principaux défis58
auxquels fait face sa structure « le manque d’opportunités d’investissement en early stage » .59
Les entrepreneurs ne sont pourtant pas tous de cet avis : « Les start-up au Liban sont encore
confrontées au problème du financement. Malgré les nouvelles mesures et ressources mises à
disposition, ce n’est pas encore suffisant car ces financements sont surtout dédiés à la phase
de croissance des start-up mais pas encore à la phase de recherche-développement qui est
pourtant primordiale pour innover », selon Hady Abdelnour, l’un des fondateurs de Smarke,
une start-up très prometteuse du UKLTH .60
C. N. (Mars 2015), op. cit.57
Flat6Labs Beirut Announces The Launch of Lebanon Seed Fund, Opens Application To Startups,58
op. cit.
Entretien avec Jihad Bitar, directeur de Smart ESA, mené le 23 octobre 2017.59
Smarke : Des fonds levés en deux jours, Magazine Le Mensuel, Juillet 2017.60
26
Si elles se focalisent en grande partie sur les start-up à l’étape d’idée et en phase d’amorçage,
c’est aussi parce qu’il n’existe en réalité que très peu de start-up à un stade plus avancé à
l’heure actuelle.
En effet, la circulaire 331 ne visait pas tant à répondre à un besoin important d’accompagne-
ment pour les start-up, encore très peu nombreuses en 2013, qu’à poser les fondements d’un
écosystème entrepreneurial numérique en encourageant d’abord la création de structures d’ac-
compagnement qui auraient ensuite pour mission d’encourager la création de jeunes pousses.
Cette « particularité » libanaise voit donc les incubateurs et accélérateurs du pays obligés en
quelques sortes de créer leurs propres « clients » et leur propre « marché », davantage que
d’accompagner une tendance déjà existante. C’est pour cette raison, que la grande majorité
des structures se contentent très souvent à ce stade d’une idée d’entreprise qu’elles pourront
par la suite aider à développer.
Comme l’expliquait le UKLTH dans un rapport publié en 2016 : « La culture des startups est
relativement nouvelle au Liban. Les premières start-up, qui sont apparues en 2010, étaient
principalement des répliques d'initiatives lancées dans d’autres pays. Les start-up avec des
idées originales, telles que Instabeat et Instabug, sont apparues en 2012 » . En 2016, le Liban61
comptait au total 192 start-up, selon ArabNet .62
C’est également pour cette raison que les formations et les ateliers de sensibilisation en lien
avec l’entrepreneuriat, organisés par ces dernières, se multiplient.
Le fait que les entreprises technologiques soient largement minoritaires est aggravé par la
concentration des structures d’accompagnement dans Beyrouth et sa périphérie. Les autres
régions en sont dépourvues bien qu’il existe des structures locales, comme le « Lebanon
Science and Technology Park » (LSTP) installé dans la deuxième ville du pays, Tripoli, dans
The Future of Lebanon’s Knowledge Economy, UK Lebanon Tech Hub, Juin 2016.61
RIACHI, Soraya (13 juin 2016), op. cit.62
27
le Liban-Nord. Si la superficie du Liban est limitée, le coût de la vie à Beyrouth est rédhibi-
toire pour beaucoup d’entrepreneurs résidant en province.
Victor Mulas, chargé d’operations à la Banque mondiale, assure pourtant que l'écosystème
gagnerait à étendre sa portée au-delà de Beyrouth : « Il est principalement concentré dans la
ville avec peu de contribution du reste du pays, et par conséquent, il se prive de talents poten-
tiels, de diversité et d’impact » . Conscient de ce problème, le PDG de Berytech a annoncé63
que son incubateur ouvrirait un quatrième centre à Amchit, dans la région du Mont-Liban, fin
2018 .64
À terme, si cette stratégie ne produit pas les résultats escomptés en termes de création de start-
up, de levées de fonds post-incubation ou post-accélération, mais également d’exit, ce pro-
blème que l’on pourrait qualifier de structurel risquerait de menacer la survie des structures
d’accompagnement.
L’une des conséquences directes de la jeunesse du marché est la nécessité évidente pour les
structures d’accompagnement de nouer des partenariats avec de grands acteurs
internationaux : le réseau EBN pour Berytech, et le gouvernement néerlandais pour son pro-
gramme Agrytech, la Silicon Valley pour Speed@BDD, l’UNICEF pour le programme Ele-
vate d’AltCity, le gouvernement britannique pour le UKLTH et l’Ambassade de France, au
Liban, l’agence Paris&Co et la CCI de la région Paris Île-de-France pour Smart ESA. Flat6-
Labs peut quant à lui compter sur sa solide présence régionale.
Si elles ont besoin de l’expertise de ces différents organismes pour se développer plus rapi-
dement et plus efficacement, ces partenariats sont également déterminants pour assurer l’in-
ternationalisation des start-up qu’elles accompagnent. Plus qu’une opportunité, celle-ci
constitue pour un pays comme le Liban, dont le marché interne est très limité, un impératif.
Ces partenariats, véritable valeur ajoutée des structures d’accompagnement, ouvrent aux start-
MULAS, Victor (18 janvier 2017), Is Lebanon’s startup ecosystem sustainable?, Executive Maga63 -
zine.
Discours prononcé par Maroun Chammas, président de Berytech, à l’occasion de la finale du64
concours « Femme Francophone Entrepreneure 2017 » le 27 septembre 2017.
28
up les marchés européen et américain, mais aussi régional dans le cas notamment de Flat6-
Labs, et leur offrent un précieux réseautage pour accélérer leur développement.
Selon l'Autorité de développement des investissements au Liban (IDAL), 76% des dévelop-
peurs de logiciels, 67% des développeurs de sites et 65% des développeurs d'applications In-
ternet libanais exportent leurs services. La majorité de ces exportations se fait vers vers la
zone MENA (51,7% en 2015), tandis que le marché nord-américain absorbe 22,4% de ces
dernières . L’internationalisation des start-up est donc vitale. Les structures d’accompagne65 -
ment l’ont bien compris et continuent de développer des partenariats internationaux pour fa-
voriser cette ouverture.
Pour faciliter la pénétration du marché canadien, porte d’entrée privilégiée vers les États-Unis
pour les entreprises libanaises, Berytech s’est associé en 2016 à l'Association libano-cana-
dienne des technologies de l’information. De ce partenariat est né le « Bridge To
Innovation » (B2i), ou « Pont vers l'innovation », un programme de formation et de réseau-
tage.
De son côté, le UK Lebanon Tech Hub a signé en novembre 2016 un accord de partenariat
avec l'incubateur américain 1776, le premier à s’être installé dans la région en ouvrant une
antenne à Dubaï, afin d'aider ses meilleures start-up à pénétrer les marchés du Golfe, et à
terme les marchés internationaux, à travers un programme d’accélération de trois mois .66
L’accélérateur libano-britannique offre également la possibilité à ses start-up les plus promet-
teuses de participer à un programme à Londres.
Speed@BDD, quant à lui, sélectionne les meilleures de ses start-up pour les envoyer à la Sili-
con Valley, rencontrer les experts du secteur technologique et développer des partenariats in-
ternationaux. Smart ESA en fait de même à travers les « business matching trips » qu’il orga-
nise en France et dans le monde pour ses start-up.
ROSE, Sunniva (5 mai 2016), Quand des start-up libanaises cherchent, au Canada, un pont vers65
l’Amérique, L’Orient-Le Jour.
L'UKLTH et 1776 lancent un programme à Dubaï pour les start-up libanaises, L’Orient-Le Jour, 2266
novembre 2016.
29
« Le Liban est un marché prometteur mais aussi un formidable tremplin commercial vers les
marchés de la région, comme le Kurdistan, les pays du Golfe, ou vers des marchés complexes
au-delà de l'espace régional, certains pays d'Afrique notamment », relevait l’ancien secrétaire
d'État français au Commerce extérieur, au Tourisme et aux Français de l’étranger, Matthias
Fekl, lors d’un déplacement à Beyrouth visant notamment à soutenir Smart ESA .67
2.2. La différenciation, clé de la survie des structures d'accompagnement
La conjoncture et la segmentation actuelles du marché contraignent les différent acteurs à
adopter plus ou moins la même stratégie de ciblage, ce qui risque de devenir problématique
surtout si le nombre de structures d’accompagnement continue de croître sans que le nombre
de start-up évolue de manière significative. Si la logique concurrentielle ne s’applique que
très peu les incubateurs, elle s’imposera inévitablement aux accélérateurs dont le modèle éco-
nomique s’appuie sur la rentabilité des start-up accompagnées.
On constate par ailleurs qu’il arrive parfois qu’une même start-up participe à plusieurs pro-
grammes d’accompagnement. C’est notamment le cas de deux start-up ayant rejoins le pro-
gramme d’accélération du UKLTH après être passées par Speed@BDD . Si rien ne l’interdit,68
cela démontre que le nombre de start-up demeure faible. Il peut également s’agir d’un signal
inquiétant lorsque certaines start-up participent à plusieurs programmes d’incubation et d’ac-
célération sans passer à l’étape supérieure, celle de la première véritable levée de fonds (série
A). Les accélérateurs se transformeraient alors en mini fonds d’investissement et s’éloigne-
raient de leur vocation première qui consiste à accompagner les start-up sur le chemin de la
croissance.
Victor Mulas de la Banque mondiale, en soulignant le risque de « bulle », déclare : « Quand je
vois les mêmes start-up passer d'un programme de soutien à un autre sans se transformer en
entreprises financées et durables, et les mêmes fondateurs de start-up participer à tous les
événement de l’écosystème, je ne peux m'empêcher de me demander quelle part de la crois-
Fekl : Le Liban est un formidable tremplin vers les marchés de la région, L’Orient-Le Jour, 29 sep67 -
tembre 2016.
Two Speed@BDD Startups in UKLTH’s Program, speedlebanon.com, 7 juin 2016 (http://speedle68 -
banon.com/two-speedbdd-startups-uklths-international-program/).
30
sance atteinte ces dernières années est durable et combien l'écosystème peut-il encore
croître » .69
Si l’on en croit les responsables concernés, la tendance pousserait plutôt à l’optimisme.
« Quatre start-up (de la première promotion) négocient un investissement, tandis que l'une
d'entre elles est évaluée à 20 fois sa valeur avant sa participation à l'accélérateur », selon le
PDG de Speed@BDD, Sami Abou Saab. Même son de cloche du côté de la chargée de com-
munication du UKLTH, Lama Zaher : « Trois participants ont déjà conclu un accord avec des
investisseurs, et cinq à six d'entre eux sont en phase de négociations » .70
Pour toutes les raisons évoquées plus haut, les stratégies de différenciation adoptées par les
différents acteurs sont déterminantes. « Il y a trois ans, Berytech était l’un des rares acteurs à
soutenir les entrepreneurs libanais. Aujourd’hui, les acteurs sont nombreux, d’où la nécessité
pour Berytech de préciser sa proposition de valeur (« value proposition ») et de s’adapter »,
reconnaît son directeur général adjoint . Les structures d’accompagnement doivent égale71 -
ment rivaliser avec leurs homologues régionaux, comme le jordanien Oasis 500 ou l'émirati
i360accelerator.
Si elles n’ont pas toutes développé, comme nous avons pu le voir, les mêmes spécialités au
niveau des services qu’elles proposent, cela ne suffit toutefois pas à les différencier suffisam-
ment les unes des autres. D’autant plus que, dans leur grande majorité, elles proposent plus ou
moins les mêmes types de service aux mêmes types de start-up. Elles doivent donc parvenir à
se démarquer en se spécialisant dans certains secteurs ou en investissant des « niches ».
MULAS, Victor (18 janvier 2017), op. cit.69
RIACHI, Soraya (15 avril 2016), Un bilan d’étape encourageant pour les accélérateurs ?, L’Orient-70
Le Jour.
Entretien avec Ramy Boujawdeh, directeur général adjoint de Berytech, mené le 2 octobre 2017.71
31
Figure 2 : Les différentes spécialités des structures d’accompagnement au Liban
Seul véritable incubateur au Liban et premier de la région à obtenir le label BIC pour incuba-
teurs, Berytech, qui est la seule structure créée avant 2013 et l'émission de la circulaire 331,
jouit de l’expérience et de la présence la plus longue ce qui constitue un atout important par
rapport à ses « concurrents ». Il est également à l'initiative du premier accélérateur du pays :
Speed@BDD.
Ce dernier s’est spécialisé dans l’accompagnement de start-up à forte composante
technologique et ne recrute que des start-up co-fondées par des experts techniques. Il peut en
outre accélérer leur internationalisation et leur développement en leur offrant la possibilité de
participer à une phase d’accompagnement supplémentaire au sein de la Silicon Valley.
Si Berytech a fait le choix d’initier cet accélérateur, c’est très probablement pour s’adapter à
la tendance mondiale qui voit les incubateurs traditionnels s’effacer progressivement au profit
de ces nouvelles structures. Depuis l’émission de la circulaire 331, aucun incubateur n’a vu le
32
jour à l’exception notable de Smart ESA, qui n’est toutefois pas un incubateur à proprement
parler.
D’ailleurs, les programmes d’incubation proposés par Berytech et Smart ESA s’apparentent
davantage à des programmes d’accélération renforcés, du fait notamment de l’évolution du
rôle des accélérateurs, qui se confond de plus en plus avec celui des incubateurs, et de la du-
rée de ces programmes qui est supérieure à celle des programmes d’accélération, caractérisés
par la brièveté de leurs cycles, mais inférieure à celle des programmes d’incubation clas-
siques.
Berytech est le seul à disposer de plusieurs sites à travers le Liban (ils seront au nombre de
quatre à l’horizon 2018) ce qui lui procure une valeur ajoutée indéniable lorsqu’on connait
l’importance des espaces de co-working dans le développement des start-up. En effet, ses es-
paces de cotravail se sont avérés être des facteurs déterminants dans le succès de deux de ses
start-up phares, ElementN et Dermandar .72
En lançant le premier accélérateur spécialisé du Liban, Agrytech, Berytech a décidé d’aborder
un secteur encore délaissé par les structures d'accompagnement, à savoir l’agriculture et
l’agro-alimentaire. Cette niche de marché ne représente que 6 % des entrepreneurs libanais73
mais est prometteuse, et Agrytech a l’avantage d’être le seul à s’être positionné sur ce seg-
ment. « L’agro-alimentaire est un secteur prometteur. Il s’agit d’un secteur de niche, pas
seulement au Liban mais dans le monde entier », selon le directeur général adjoint de Bery-
tech .74
Agrytech a obtenu le Prix « Programme entrepreneurial de l’année » décerné par Lebanon
Opportunities en 2017. Berytech a également inauguré un Fab Lab le 4 octobre 2017, auquel
les start-up accompagnées par Agrytech peuvent accéder gratuitement.
JAMALI, Dima et LANTERI, Alessandro (2015), op. cit.72
Selon un rapport publié en 2015 par le Global Entrepreneurship Monitor (GEM) en partenariat73
avec le UKLTH (Cf. RIACHI, Soraya (16 septembre 2016), Le Liban parmi les champions du monde
de l’entrepreneuriat, selon une étude, L’Orient-Le Jour).
Entretien avec Ramy Boujawdeh, directeur général adjoint de Berytech, mené le 2 octobre 2017.74
33
Berytech s'est également positionné sur le segment des femmes entrepreneures en organisant
depuis 2011, avec l'Agence universitaire de la Francophonie, le concours « Femme Franco-
phone Entrepreneure ». Cela peut s'avérer d'autant plus stratégique que les femmes ne repré-
sentaient que 25 % de la population active en 2010, selon un rapport sur les inégalités de
genre publié par le Forum économique mondial , et ne contrôlent que 30% des entreprises75
dans le monde . La marge de progression est donc importante.76
De plus, les femmes créeraient deux fois plus d’entreprises que les hommes à l’échelle mon-
diale et, aux États-Unis, les entreprises dirigées par des femmes ont une croissance 1,5 fois77
plus rapide que les autres petites entreprises . Selon les résultats de l’enquête « Global Entre78 -
preneurship Monitor » menée auprès de 51 économies, le taux d’entrepreneuriat chez les
femmes a augmenté en moyenne de 10 % entre 2015 et 2016 (et uniquement de 5 % chez les
hommes) . « Le soutien inconditionnel à l’entrepreneuriat des femmes est un devoir si nous79
voulons prétendre à une meilleure performance économique », a déclaré le PDG de Bery-
tech .80
À travers ce concours, qui permet aux lauréates de bénéficier d'une incubation de six mois,
Berytech mise également sur la francophonie. En effet, si la situation de cette dernière au Li-
ban fait débat, il s'agit d'un facteur de différentiation dans un écosystème très largement do-
miné par l’anglais. D’autant plus que comme l’expliquait la Secrétaire générale de la Franco-
phonie, Michaëlle Jean, lors de la finale de l’édition 2016 du concours « Femme Francophone
AL-ATTAR, Sahar (26 octobre 2010), Parité homme-femme : Le Liban au 116ème rang mondial, Le75
Commerce du Levant.
LEADEM, Rose (27 novembre 2016), Female Entrepreneurship Is on the Rise, Entrepreneur76
Middle East (https://www.entrepreneur.com/article/285656).
DERVILLE, Claire (7 juillet 2015), Les femmes entrepreneures, « le premier marché émergent du77
monde », France 24 (http://www.france24.com/fr/20150706-femmes-chef-entreprise-entrepreneure-
marche-emergent-afrique-economie-emploi-berlin).
LEADEM, Rose (27 novembre 2016), op. cit.78
POFELDT, Elaine (28 février 2017), Why women entrepreneurs will be the economic force to re79 -
ckon with in 2017, CNBC.com (https://www.cnbc.com/2017/02/28/why-women-entrepreneurs-will-
be-economic-force-to-reckon-with-in-2017.html).
Discours prononcé par Maroun Chammas, président de Berytech, à l’occasion de la finale du80
concours « Femme Francophone Entrepreneure 2017 » le 27 septembre 2017.
34
Entrepreneure » : « La Francophonie économique, c'est un marché de près de 800 millions de
personnes. Des portails et des débouchés stratégiques sur les cinq continents. Un vaste réser-
voir de ressources humaines de grande qualité et de grande volonté, notamment des jeunes et
des femmes qui sont des forces vives incontournables » .81
L’engagement de l’incubateur en faveur de la francophonie fera dire au directeur régional de
l’Agence universitaire de la Francophonie au Moyen-Orient, Hervé Sabourin : « Berytech a
un pied ancré dans la francophonie puisqu’il a été initié par l’Université Saint-Joseph de Bey-
routh. C’est un partenaire naturel de l’AUF et notre collaboration est exemplaire et s’étend à
plusieurs domaines » .82
Autre cible de l’incubateur : les technologies vertes. « Encourager les technologies propres
n'est pas un choix, c'est une priorité », affirme Maroun Chammas, PDG de Berytech, qui sou-
tient déjà plusieurs start-up œuvrant dans ce domaine . L’objectif étant de leur donner un ac83 -
cès aux marchés internationaux à travers des partenaires comme la « Cleantech » suisse.
Flat6Labs Beirut s’est également positionné sur ce segment en en faisant une de ses priorités
lors de son recrutement.
AltCity, quant à lui, a une très forte culture de la formation et un réseau solide qui lui permet
de faire appel aux leaders de l’écosystème pour assurer des formations de qualité à ses start-
up et les accompagner dans le renforcement de leurs capacités .84
Avec ses deux programmes Elevate SoUK.LB, il est le mieux positionner sur le segment pro-
metteur de l’entrepreneuriat social. Selon Wyne et Houry (2013) : « Dorénavant, si vous pre-
nez n’importe quelle compétition de business plan en Égypte, au Liban ou au Maroc, vous
OUAZZANI, Kenza (29 septembre 2016), Les femmes francophones à l’assaut de l’entrepreneuriat,81
L’Orient-Le Jour.
Entretien avec Hervé Sabourin, directeur régional de l’Agence universitaire de la Francophonie au82
Moyen-Orient, mené le 12 octobre 2017.
RIACHI, Soraya (22 avril 2016), Opération séduction de la « Cleantech » suisse au Liban, L’Orient-83
Le Jour.
JAMALI, Dima et LANTERI, Alessandro (2015), op. cit.84
35
serez agréablement surpris de voir que 20 à 30 pour cent d’entre eux concernent des entre-
prises sociales » .85
Samer Sfeir (2015) explique cette tendance de la manière suivante : « Avec l’augmentation
des business plan responsables et une demande croissante en faveur d’un changement social
dans la région, les investisseurs aussi commencent à placer leurs mises sur des investisse-
ments à caractère social » . La mise en place de programmes d’accélération spécifiques,86
comme ceux mis en place par AltCity, vise à répondre à ce regain d’intérêt.
Avec un portfolio valorisé à plus de dix millions de dollars et 83 start-up accélérées en 2016,
Bootcamp d’AltCity a été classé troisième programme d’accélération le plus actif du Moyen-
Orient et d’Afrique par Gust. Le UKLTH arrive dixième avec 25 start-up accompagnées .87
Ce dernier dispose d’un puissant réseau d’experts et de partenaires et offre à ses start-up liba-
naises un accès privilégié au marché britannique, notamment à travers les stages qu’il orga-
nise à Londres.
Le UKLTH a identifié en 2016, dans son rapport « The Future of Lebanon's Knowledge Eco-
nomy », trois secteurs de niches très porteurs dans lesquels le Liban a, toujours selon le rap-
port, un fort potentiel d’innovation. Il s’agit de la FinTech, du bien-être et du secteur créatif
(« Software as a Service », technologies numériques et Internet des objets) . Suite à ces88
conclusions, le UKLTH a décidé de privilégier les start-up qui abordent l’un de ces trois sec-
teurs, sans pour autant fermer la porte aux autres secteurs de l’économie de la connaissance.
L’accélérateur libano-britannique s’est spécialisé dès sa création dans la recherche et publie
régulièrement des rapports sur l’écosystème numérique au Liban, en s’appuyant sur son ré-
seau d’experts britanniques et libanais et sur des partenariats avec d’autres organismes comme
Cité dans JAMALI, Dima et LANTERI, Alessandro (2015), op. cit.85
JAMALI, Dima et LANTERI, Alessandro (2015), op. cit.86
Middle East & Africa Accelerator Report 2016, Gust, 31 juillet 2017.87
The Future of Lebanon's Knowledge Economy, op. cit.88
36
la Banque mondiale. Cela lui permet d’identifier, avant les autres accélérateurs, les tendances
du secteur et de se positionner en conséquence. Pour renforcer ses capacités dans le domaine
de la recherche, le UKLTH héberge depuis février 2017 un centre de recherche international
financé à hauteur de 3,2 millions de dollars par le gouvernement britannique .89
La société suisse Seedstars a élu le programme Nucleus du UKLTH « Meilleur programme
d’incubation des pays émergents », parmi 44 autres initiatives similaires dans le monde, no-
tamment aux Emirats arabes unis, en Inde et en Egypte. L’un des critères retenus pour établir
ce classement, était la valorisation des start-up accompagnées. Celles du UKLTH sont valori-
sées à 1,62 million de dollars en moyenne, contre 1,21 million de dollars par start-up pour
l'Argentin Eklos, classé deuxième, et 1,15 million pour l'Indien ISME ACE Fintech qui clôt le
podium .90
Smart ESA, seule structure hybride au Liban, proposant à la fois des programmes d'accéléra-
tion et d’incubation, offre à ses start-up un accès privilégié aux marchés français et européen,
grâce notamment à ses partenariats avec les grands acteurs de l’écosystème numérique fran-
çais. Il a également l’avantage d’être adossé à une Grande école de commerce prestigieuse,
l’École Supérieure des Affaire, qui forme une grande partie des cadres du Liban et du Moyen-
Orient. Il bénéficie également du puissant réseau de celle-ci qui lui permet de faire appel plus
facilement à des formateurs internationaux de haut niveau et de bénéficier de l’expertise de
son corps professoral dans les domaines liés à l’entrepreneuriat.
« Smart ESA est une entité de l’ESA Business School. Nous cherchons donc surtout a formé
des start-up qui n’ont pas de compétences dans le domaine des affaires, en leur donnant des
formations et du coaching dans ce qu’on appelle les « fonctions horizontales » : stratégie, res-
sources humaines, finance, etc. L’idée est de miser sur le savoir-faire de l’ESA et l’expertise
Investissement britannique de 3 millions de dollars dans un centre de recherche technologique, L’O89 -
rient-Le Jour, 22 février 2017.
Seedstars récompense Nucleus, le programme d’accélération lancé par UK Lebanon Tech Hub, Le90
Commerce du Levant, 5 octobre 2017.
37
entrepreneuriale de Smart ESA pour accélérer le développement des start-up et développer
leur savoir-faire entrepreneurial et managérial », explique le directeur de Smart ESA .91
Cette structure se différencie aussi des autres accélérateurs par la gratuité de ses programmes et
par le fait qu’il ne prenne aucune participation dans le capital des start-up bénéficiaires. Ses
futurs locaux de 3000 m2, situé sur le campus de l'ESA dans le quartier beyrouthin de Cle-
menceau, feront de lui l’un des plus grands centres dédiés à l’accompagnement de start-up du
pays.
Flat6Labs est la seule structure régionale a s’être implantée au Liban. Sa présence dans cinq
pays de la région MENA constitue un avantage concurrentiel certain en conférant à ses start-
up des relais dans ces pays et en leur apportant sa connaissance du marché régional. Il leur
offre également la possibilité de rejoindre un de ses sites dans la région.
Cet accélérateur a de plus fait le choix de structurer son fonds d’investissement en société à
capital variable pour se différencier des autres fonds. « Cela nous permet de changer la taille
de notre capital sans payer de frais importants et oblige également les banques à vraiment dé-
bourser les sommes qu'elles se sont engagées à investir », explique le directeur de Flat6Labs
Beirut, Fawzi Rahal .92
Speed@BDD, le UKLTH et Flat6Labs offrent un financement direct aux start-up, contraire-
ment à AltCity et Smart ESA, ce qui peut s'avérer très intéressant pour des entrepreneurs dé-
pourvus de ressources financières. Mais ils le font, comme nous l'avons vu, en contrepartie
d'une prise de capital, ce qui n'est pas le cas de Smart ESA. Les start-up qui disposent d'un
premier capital, issu souvent de la « love money » (capital constitué auprès de la famille et
des proches), préféreront ne pas souscrire à cette condition. Ils rechercheront davantage un
accompagnement adapté à leurs besoins et surtout du réseautage et une mise en relation avec
des investisseurs potentiels, auprès desquels ils pourront lever des centaines de milliers, voire
des millions, de dollars.
Entretien avec Jihad Bitar, directeur de Smart ESA, mené le 23 octobre 2017.91
ROSE, Sunniva (23 février 2017), op. cit.92
38
De plus, les financements apportés par les accélérateurs du pays ne dépassent pas les 50 000
dollars alors que la prise de participation de certains d’entre eux est élevée, 10 % pour
Speed@BDD et jusqu’à 13 % pour Flat6Labs. À titre de comparaison, l’accélérateur améri-
cain Y Combinator, qui est le premier à avoir mis en place ce modèle et qui investit 120 000
dollars dans chacune de ses start-up, n’exige en retour que 7 % de leur capital. Cette diffé-
rence peut toutefois se comprendre étant donné que l’écosystème libanais en est encore à ses
débuts, les risques sont donc très importants et les résultats très incertains, et les potentialités
de développement des start-up libanaises sont nettement inférieures à celles de leurs homo-
logues américaines.
Cela étant dit, l’une des forces de Speed@BDD réside dans sa capacité d’investissement.
Dans le top 10 des accélérateurs du Moyen-Orient et d’Afrique 2016 de Gust, classés selon le
capital qu’il ont investi en 2016, il occupe ainsi la sixième place avec 360 000 dollars inves-
tis . Speed@BDD est également spécialisé dans l’accompagnement de start-up à forte com93 -
posante technologique et dispose d’une expertise importante dans ce domaine qui lui permet
d’accélérer le développement des produits technologiques innovants. La phase d’accélération
au sein de la Silicon Valley qu’il propose est enfin très attractive aux yeux des start-up liba-
naises.
Pour ce qui est de la première levée de fonds, il existe deux modèles de financement pour les
start-up accompagnées. Berytech, et donc Agrytech, Speed@BDD et Flat6Labs disposent de
leurs propres fonds d’investissement ou entretiennent des liens étroits avec les fonds qui les
financent. Ils peuvent donc fournir aux start-up qu’il jugent suffisamment matures un accès
facilité aux financements. Tandis que le UKLTH, Smart ESA et AltCity jouent un rôle d’in-
termédiaire entre leurs start-up et les investisseurs.
Middle East & Africa Accelerator Report 2016, op. cit.93
39
3. L’écosystème numérique libanais, entre grandes ambitions et problèmes
structurels
3. 1. Des obstacles importants à surmonter
À la taille réduite du marché libanais, d’autres obstacles au développement des start-up, et par
extension des structures d’accompagnement, viennent s’ajouter.
Au niveau des infrastructures, le taux de pénétration de la téléphonie mobile au Liban est
« l'un des taux les plus bas de la région », comme le relevait la Banque mondiale dans un rap-
port publié en 2016 et la qualité de la connexion Internet demeure médiocre malgré une94
amélioration récente (sa vitesse a atteint les 4 Mbit/s en août 2017 - aux Émirats arabes unis,95
elle atteint les 24 Mbit/s et en France les 54 Mbit/s ).96
Les coûts de la téléphonie mobile et de la connexion Internet demeurent en outre très élevés.
Cet état de fait pénalisent particulièrement les jeunes entreprises qui ont plus de mal à assu-
mer ces frais supplémentaires, mais également les structures d’accompagnement : « Nous
payons énormément d’argent pour fournir une connexion Internet de qualité à nos entrepre-
neurs », confie le directeur général adjoint de Berytech .97
Il existe également un problème lié aux ressources humaines, du fait qu’il existe au Liban une
main-d’oeuvre « bien éduquée et bien qualifiée, avec un flux constant de nouveaux diplômés
à travers plusieurs disciplines » qui se voit cependant proposer des salaires nettement infé98 -
rieurs à ceux proposés en Europe, aux États-Unis, mais également à Dubaï, pour des postes
RIACHI, Soraya (13 juin 2016), op. cit.94
GHANEM, Rania (11 août 2017), Service providers reduce Internet charges 50 percent: Higher95
speeds, larger capacity, Businessnews.com.lb, (http://www.businessnews.com.lb/cms/Story/StoryDe-
tails.aspx?ItemID=6187).
Speedtest Global Index, Août 2017 : http://www.speedtest.net/global-index96
Entretien avec Ramy Boujawdeh, directeur général adjoint de Berytech, mené le 2 octobre 2017.97
Selon un rapport publié en 2015 par le Global Entrepreneurship Monitor (GEM) en partenariat98
avec le UKLTH (Cf. RIACHI, Soraya (16 septembre 2016), op. cit.).
40
similaires. Cette situation est aggravée par un autre phénomène : la croissance rapide d’un
secteur technologique en pleine expansion.
« Du fait de sa jeunesse, le secteur croît plus vite que la base de talents et d'expérience néces-
saires à son développement. La concurrence va donc s'intensifier dans la région en termes de
ressources humaines. En grandissant, les start-up libanaises auront de plus en plus de mal à
attirer des salariés compétents, étant donné le niveau des rémunérations au Liban. Si elles
veulent devenir compétitives par rapport à leurs rivales du Golfe, elles devront donc revoir à
la hausse le niveau des salaires et disposer pour cela des fonds nécessaires », selon Omar
Christidis, PDG d’ArabNet .99
Même son de cloche du côté de Lama Zaher, directrice des opérations au UKLTH, selon la-
quelle trouver des talents répondants aux besoins actuels du marché, notamment du secteur
des TIC, est l’une des principales difficultés auxquelles sont exposés les accélérateurs de
start-up : « Il s’agit d’un secteur encore très nouveau et la demande est de plus en plus grande
pour une main-d'œuvre hautement qualifiée avec des compétences techniques
spécialisées » .100
Conséquence directe de ce manque de ressources humaines, Speed@BDD, par exemple, n’ar-
rive pas toujours à atteindre son quota de dix start-up par promotion. Lors du recrutement de
sa dernière promotion, l’accélérateur a accueilli neuf start-up, ce qui fera dire à son PDG :
« Ce résultat est meilleur que pour les précédentes promotions mais nous n’avons pas encore
suffisamment de bonnes start-up » .101
« Il est encore très difficile de trouver de bons directeurs techniques (CTO) et de bons experts
en technologie dans des segments très spécialisés comme l’intelligence artificielle ou la cryp-
NÊME, Cyrille (18 mars 2015), Économie numérique : « Pour être compétitif, le Liban doit offrir de99
meilleurs salaires », L’Orient-Le Jour.
Entretien avec Lama Zaher, directrice des opérations du UK Lebanon Tech Hub, mené le 28 sep100 -
tembre 2017.
DAOUD, Marie-José (23 mai 2017), Lebanon’s Circular 331: The birth of an industry, wamda.101 -
com, (https://www.wamda.com/2017/05/lebanons-bdl-circular-birth-industry).
41
tographie », selon Paul Chucrallah, directeur du Berytech Fund II . Il est rejoint par le direc102 -
teur de Smart ESA pour qui le manque de personnes qualifiées et de développeurs constitue le
principal défi auquel font face les structures d’accompagnement .103
Pour tenter de répondre à cette difficulté, des formations spécialisées pour les ingénieurs sont
mises en place, notamment à travers des écoles de codage, comme SE Factory qui propose
des formations de trois mois aux développeurs. Ces initiatives ne pourront toutefois pas assu-
rer une solution pérenne à ce problème qui requiert un changement structurel.
Ce problème est de plus aggravé par une fuite des cerveaux selon un rapport publié en 2016
par le UKLTH : « Nos recherches sur le terrain montrent que le Liban perd souvent ses ingé-
nieurs et développeurs les plus talentueux au bénéfice d'autres écosystèmes. Le pays se re-
trouve face à un défi majeur qui pourrait entraver sa croissance et sa participation à l'écono-
mie de la connaissance : le manque de formations techniques et professionnelles » .104
De ce déficit de ressources humaines découle un autre problème qui lui est étroitement lié,
celui du nombre réduit de porteurs de projet de start-up.
Il existe en effet au Liban un paradoxe entre l’importance des financements disponibles et le
nombre de start-up ou de projets de start-up qui demeure relativement faible. Si la BDL
cherche à remédier à ce déséquilibre, à travers la mise en oeuvre de sa circulaire 331, la situa-
tion ne semble pas avoir profondément évolué depuis 2013.
Ainsi, selon le PDG de Speed@BDD, le principal défi pour sa structure est de trouver des
start-up de grande qualité comptant dans leurs équipes un expert technique : « Les experts
techniques sont très difficiles à trouver au Liban » .105
Ibid.102
Entretien avec Jihad Bitar, directeur de Smart ESA, mené le 23 octobre 2017.103
The Future of Lebanon’s Knowledge Economy, op. cit.104
Entretien avec Sami Abou Saab, PDG de Speed@BDD, mené le 3 octobre 2017.105
42
« Paradoxalement, il n'a jamais été plus facile pour les innovateurs ambitieux de démarrer
leurs propres entreprises. En fait, il y a plus d'argent pour la recherche de projets innovants
que de projets innovants à la recherche de financement », relève Samer Azar, cofondateur et
chef des finances d’AltCity .106
« Il reste encore un décalage important entre l'abondance de l'offre de financements et le flux
de « deals » conclus. D'où l'importance des investisseurs et des structures d'accompagnement
pour aider les start-up à gagner en maturité et réduire ce décalage », estime quant à lui Walid
Mansour, associé gérant du fonds d’investissement MEVP , soulignant au passage le rôle107
primordial des structures d’accompagnement de start-up dans cette phase de maturation.
Dans un entretien avec Youmna Ovazza publié sur son blog, Nicolas Rouhana, directeur géné-
ral d’IM Capital, affirme : « S’il n’y a pas assez d’opportunités, qu’est-ce qu’on fait ? Il faut
créer ces opportunités, il faut qu’il y ait des projets, c’est pour cela qu’on est dans ces pro-
grammes de seed accelerator, pour justement inciter et avoir du deal flow » .108
Autre frein important, l’environnement des affaires est loin d’être propice au développement
des entreprises technologiques, notamment en raison de l'instabilité politico-sécuritaire, des
coupures fréquentes d’électricité, de la corruption quasi-généralisée et d’une législation fluc-
tuante.
Un rapport du UKLTH de 2016 pointait le fait que le régime fiscal et réglementaire libanais
est désuet et ne répond pas aux besoins de l’économie de la connaissance . « En s'installant109
à Beyrouth, les start-up s'exposent à des risques liés à la protection de la propriété intellec-
tuelle. Le cadre réglementaire ne les protège pas et les tribunaux libanais ne sont pas compé-
AZAR DOUGLAS, Roula (16 septembre 2016), Grand sommet sur les start-up à l’Esa, L’Orient-106
Le Jour.
ROSE, Sunniva (4 novembre 2016), op. cit.107
OVAZZA, Youmna (1er octobre 2015), Innovation digitale au Liban : interview avec Nicolas Rou108 -
hana, Insure & Match Capital, Butter Cake (http://www.butter-cake.com/2015/10/01/innovation-digi-
tale-au-liban-interview-nicolas-rouhana-insure-match-capital/).
The Future of Lebanon’s Knowledge Economy, op. cit.109
43
tents en la matière », relève en outre Walid Hanna, cofondateur et PDG de Middle East Ven-
ture Partners (MEVP) .110
Le cadre règlementaire complique en outre le recrutement des start-up. « Les meilleurs déve-
loppeurs du monde sont Indiens et nous ne pouvons pas les faire venir au Liban parce qu'ils
peuvent uniquement obtenir un visa de travailleur domestique », explique Sami Abou Saab de
Speed@BDD .111
Il ajoute que le cadre administratif, logistique et légal, ainsi que les procédures douanières, ne
permettent pas de soutenir l’écosystème numérique. L’absence de loi sur la faillite complique
en outre la fermeture d’une société au Liban. « Nous avons également besoin des infrastruc-
tures de base : électricité courante, Internet haut débit, routes de bonne qualité ». Enfin, tou-
jours selon lui, « l’instabilité politico-sécuritaire n’incite pas les investisseurs à prendre des
risques, il faut donc sensibiliser aux nombreux avantages des programmes d’accélération » .112
Une difficulté supplémentaire réside dans la surreprésentation des sociétés familiales, qui
« peut limiter l'approvisionnement en fonds pour les start-up, car l'incapacité de rendre l'ar-
gent investi ne peut pas être considérée comme une option » .113
Sur un autre plan, alors que la BDL garantit 75 % des fonds investis dans les start-up, les
banques libanaises se montrent encore réticentes à franchir le pas. Cette mesure incitative n’a
pas suffit à rendre moins frileuses les banques du pays, connues pour leur aversion au risque
et aucune banque étrangère n’a investi dans le cadre de la circulaire 331 . Pourtant, la mise114
en place d’un écosystème entrepreneurial numérique suppose une prise de risque importante
des différentes parties prenantes. Les structures d’accompagnement en prennent de plus en
OUAZZANI, Kenza (30 juin 2017), Économie numérique : Beyrouth a encore du chemin pour rat110 -
traper Dubaï, L’Orient-Le Jour.
DAOUD, Marie-José (23 mai 2017), op. cit.111
Entretien avec Sami Abou Saab, PDG de Speed@BDD, mené le 3 octobre 2017.112
RIACHI, Soraya (16 septembre 2016), op. cit.113
CHOUCAIR, Nadim et FLYNN, Thomas, (Février 2017), op. cit.114
44
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Les structures d’accompagnement de start-up au Liban : défis et perspectives

  • 1. Les structures d’accompagnement de start-up au Liban : défis et perspectives Mémoire de fin d’études rédigé par Syma MATI, sous la direction du Professeur Frédéric LEROY MSM(17) Promotion 2017
  • 2. Résumé Les structures d’accompagnement de start-up au Liban se multiplient à la faveur de la circu- laire 331 émise par la Banque du Liban en août 2013. Le pays, qui ne comptait qu’un seul in- cubateur avant cette initiative, compte désormais sept structures : un incubateur, cinq accélé- rateurs et une structure hybride. Si l’importance des fonds disponibles constitue une opportu- nité certaine, la taille réduite du marché libanais et les nombreux obstacles structurels aux- quels elles font face obligent ces différentes structures à mettre en place des stratégies de dif- férenciation à même d’assurer leur viabilité dans un marché de plus en plus concurrentiel. Le gouvernement libanais et les acteurs concernés sont également appelés à collaborer afin d’ac- célérer le développement de l’écosystème numérique libanais. Mots clés : incubateur, accélérateur, accompagnement, start-up, écosystème, numérique. Les opinions émises dans ce document n’engagent que son auteur. L’Ecole Supérieure des Affaires ne saurait en aucun cas être tenue pour responsable du contenu du présent document. J’adresse au Professeur Frédéric Leroy mes plus sincères remerciements pour le temps qu’il a bien voulu consacrer à l’encadrement de mon mémoire, pour son précieux sou- tien, ses conseils et ses commentaires constructifs qui m’ont permis de mener à bien ce travail.
  • 3. Sommaire Introduction 2 1. Le marché des incubateurs et accélérateurs de start-up au Liban 6 1.1. Genèse et segmentation du marché 6 1.2. Berytech, l’incubateur pionnier 7 1.3. Seeqnce ou la première expérience d’accélération de start-up au Liban 11 1.4. Speed@BDD, le premier accélérateur « post-circulaire » 12 1.5. AltCity, un espace de « co-working » avec des fonctionnalités d’accélérateur 14 1.6. Le UK Lebanon Tech Hub, premier accélérateur binational 16 1.7. Smart ESA, « booster » franco-libanais et seule structure hybride au Liban 19 1.8. Agrytech, un accélérateur spécialisé 22 1.9. Flat6Labs, un accélérateur régional 23 2. Un marché interne restreint et concurrentiel 25 2.1. L’internationalisation, un passage obligé 25 2.2. La différenciation, clé de la survie des structures d'accompagnement 30 3. L’écosystème numérique libanais, entre grandes ambitions et problèmes structurels 40 3. 1. Des obstacles importants à surmonter 40 3.2. Des contraintes inhérentes à la circulaire 331 46 3.3. Approche comparative Beyrouth-Dubaï 49 4. Recommandations et perspectives 54 4.1. Créer des programmes d’accompagnement spécialisés et encourager la déconcentration 54 4.2. Améliorer les infrastructures Internet 57 4.3. Réformer le cadre réglementaire et administratif 58 4.4. Renforcer le lien Universités-Entreprises 59 Conclusion 62 Bibliographie 66
  • 4. Comme l’expliquent Bergek et Norman (2008) : « Les incubateurs d'entreprises fournissent à des start-up ou à des entreprises en phase de démarrage ayant un potentiel de croissance élevé et rapide, en particulier dans le secteur technologique, un espace de travail partagé, des ser- vices de soutien professionnel et à l’entrepreneuriat, du réseautage et un accès à des sources de financement difficilement accessibles par leurs propres moyens, afin d’accroître leur taux de survie et leur croissance » .1 En cherchant à définir le rôle des structures d’accompagnement de start-up dans un article de référence, Albert, Fayolle et Marion (1994) font le constat suivant : « Le meilleur des créa- teurs pourra difficilement s’imposer s’il ne peut mobiliser un ensemble de ressources : l’accès à l’information (…), l’argent (…), la logistique (…), les savoir-faire de consultants ou de per- sonnels qualifiés (…), l’accès aux technologies, l’accès au marché » .2 En effet, dans des économies de plus en plus complexes, l’« accompagnement » au sens large, bien que postérieur à l’entrepreneuriat, en est devenu le corolaire et s’est imposé, du moins dans la littérature, comme un passage obligé pour la concrétisation et la pérennisation d’un projet d’entreprise. D’où le rôle important aujourd’hui des incubateurs et accélérateurs qui feront l’objet de cette étude. Les « incubateurs d’entreprises » sont apparus au début des années 1980 aux États-Unis et quelques années plus tard en Europe pour accompagner les start-up dans les premières étapes de leur vie et assurer leur pérennisation . Bénéficiant généralement de financements publics,3 ils ont pour mission de stimuler l’économie et de favoriser la création d’emplois en s’ap- puyant sur deux leviers principaux : l’entrepreneuriat et l’innovation. Au Liban, terrain choisi pour notre étude, le premier incubateur, Berytech, a vu le jour en 2001. Dans un pays où le Cité dans JAMALI, Dima et LANTERI, Alessandro (2015), Social Entrepreneurship in the Middle1 East (vol. 2), Londres, Palgrave Macmillan UK, pp. 173-195. ALBERT, Philippe, FAYOLLE, Alain et MARION, Stéphane (1994), L’évolution des systèmes d’ap2 - pui à la création d’entreprise, Revue Française de Gestion, n° 101, pp. 100-112. Le premier incubateur, « Batavia Industrial Center », a été créé en 1959 mais il faudra attendre les3 années 1980 pour assister à l’essor de ces structures. 2
  • 5. chômage, surtout chez les jeunes, est endémique et où l’économie nationale peine à créer de la valeur, l’enjeu est d’autant plus crucial. Comme le soulignent Molnar et al. (1997) : « Compléter avec succès un programme d’incuba- tion d’entreprise augmente les chances qu’une start-up poursuive ses activités sur le long terme : des études plus anciennes ont montré que 87 % des start-up accompagnées par un in- cubateur se pérennisent » contre 44 % des autres entreprises (U.S. Small Business Adminis- tration) .4 Le premier accélérateur, « Y Combinator », a été créé en 2005 aux États-Unis. Il avait voca- tion à structurer le financement des start-up, ou « jeunes pousses », qui jusque-là relevait uni- quement des « angel investors ». Ces nouvelles structures devaient s’adapter au nombre tou- jours croissant de start-up technologiques et à leur besoin d’accompagnement. Au Liban, il faudra attendre 2012 pour voir apparaître la première structure de ce type. Comme leur nom l’indique, ils ont pour objectif d’« accélérer » le développement des start-up à travers des cycles plus courts que ceux de l’incubation (quelques mois contre plusieurs an- nées) pour transformer des idées innovantes en entreprises rentables. Contrairement aux incu- bateurs, les accélérateurs ne sont pas la concrétisation d’une politique publique mais s’ap- puient sur des investissements privés. La rentabilité est donc au centre de leur stratégie. Ces nouvelles structures sont d’ailleurs nées en partie de la nécessité de revoir le modèle éco- nomique des structures d’accompagnement qui ne pouvait plus dépendre uniquement des ser- vices tarifés proposés aux entreprises incubées et des financements publics voués à se raréfier. Ils se devaient en effet d’attirer des investissements privés auxquels seules des entreprises ca- pables de faire rapidement leurs preuves peuvent offrir des garanties suffisantes. Cela est d’autant plus vrai au Liban du fait que « l'économie libanaise est une économie de rente, allergique aux risques. Les investisseurs se tournent traditionnellement vers des inves- tissements non productifs mais à haut rendement – comme l'immobilier ou les bons du Cité dans JAMALI, Dima et LANTERI, Alessandro (2015), op. cit.4 3
  • 6. Trésor », comme l’explique un ancien ministre libanais des télécommunications et président du UK Lebanon Tech Hub, Nicolas Sehnaoui .5 Si l’incubation se prête très peu à ce type d’investissement, en raison de la durée du proces- sus, l’« accélération » est quant à elle beaucoup plus attractive aux yeux d’investisseurs po- tentiels en quête d’un retour rapide sur investissement. Ces derniers investissent du capital risque, ou « Venture Capital », dans des entreprises à fort potentiel en contrepartie d’une prise de participation dans leur capital (« equity », en anglais). Les « exit » des start-up (sortie de l’investisseur du capital de l’entreprise) doivent leur permettre de réaliser des profits intéres- sants. Les définitions, nombreuses et parfois contradictoires, proposées par la littérature entraine toutefois une certaine confusion quant aux caractéristiques précises de ces deux types de structure. Cela s’explique en partie par le fait qu’il arrive de plus en plus souvent que ces der- nières jouent plusieurs rôles à la fois, certains relevant traditionnellement de l’incubation et d’autres de l’accélération, comme c’est le cas notamment au Liban. S’il devient de plus en plus difficile de les différencier selon les services qu’ils proposent, il existe aujourd’hui deux différences principales entre les incubateurs et les accélérateurs qui tiennent, d’une part, aux modèles de financement des start-up bénéficiaires et, d’autre part, à la durée des programmes de soutien comme nous l’avons vu. En effet, si les incubateurs n’in- vestissent pas directement dans les start-up, ce n’est pas le cas des accélérateurs qui, pour la plupart d’entre eux, offrent des financements contre un pourcentage de leur capital. Par ailleurs, certains perçoivent l’accompagnement des start-up comme un processus linéaire commençant par l’incubation et se terminant par l’accélération, ou réciproquement. Complé- mentaires ou non, ces dernières jouent en tout cas un rôle déterminant dans le processus en- trepreneurial. OBEID, Karen (11 février 2016), Le Liban, déjà un pôle régional pour les fonds technologiques ?,5 L’Orient-Le Jour. 4
  • 7. Au Liban, dans l’objectif affiché de favoriser la création de nouveaux emplois et d’améliorer la compétitivité du pays , la Banque du Liban (BDL) a émis en août 2013 sa fameuse circu6 - laire 331 pour permettre aux banques du pays d'investir à moindre risque jusqu'à 4 % de leurs fonds propres dans des start-up, des incubateurs, des accélérateurs ou encore des fonds d'in- vestissement en lien avec « l'économie de la connaissance ». La Banque centrale s’engage pour sa part à garantir 75 % des fonds investis directement dans les start-up et les fonds d’in- vestissement, et 100 % des fonds investis dans les structures d’accompagnement. Cette circu- laire a dopé l’écosystème entrepreneurial au Liban et on assiste depuis à un accroissement si- gnificatif du nombre de structures d’accompagnement. Si l’enjeu est considérable au Liban, comme ailleurs, et l’importance de ces structures très peu contestée, les défis n’en sont pas moins nombreux et le nombre grandissant d’acteurs entrai- nera inéluctablement une concurrence de plus en plus accrue. La segmentation du marché, ou de l’« industrie » , des incubateurs et accélérateurs doit donc être regardé de près, ainsi que le7 ciblage et le positionnement des différentes structures. Quels sont les secteurs d’activité qu’elles abordent ? Comment se différencient-elles de leurs « concurrentes » ? Quels sont les principales difficultés auxquelles elles sont confrontées ? Voici les principales questions aux- quelles nous tenterons de répondre dans cette étude. Pour ce faire, nous présenterons d’abord le marché des incubateurs et accélérateur de start-up au Liban, nous analyserons ensuite les principaux défis auxquels ils font face et leurs diffé- rentes stratégies de différenciation pour, enfin, émettre certaines recommandations. « Le but de cette circulaire est de créer un nouveau secteur qui offre des opportunités d'emploi pour6 les Libanais et de rendre ainsi l'économie plus compétitive », selon le gouverneur de la BDL, Riad Salamé (Cf. ROSE, Sunniva (4 novembre 2016), La vitrine de l’écosystème numérique libanais s’em- bellit, L’Orient-Le Jour). Les Américains considèrent l’incubation comme une industrie (Cf. ARLOTTO, Jacques, SAHUT,7 Jean-Michel et TEULON, Frédéric (novembre-décembre 2012), Comment les entrepreneurs per- çoivent l’efficacité des structures d’accompagnement ?, Gestion 2000, vol. 29, p. 31-43 (https://www.- cairn.info/revue-gestion-2000-2012-6-page-31.htm). 5
  • 8. 1. Le marché des incubateurs et accélérateurs de start-up au Liban 1.1. Genèse et segmentation du marché L’écosystème entrepreneurial libanais connaît un véritable essor depuis l’émission par la Banque du Liban de sa circulaire 331 en août 2013. Les acteurs qui le composent sont nom- breux : Banque centrale, banques commerciales, fonds d’investissement (Venture Capital Funds), « Business Angels », start-up, incubateurs, accélérateurs et autres structures d’accom- pagnement. Initialement, lors de l’émission de la circulaire 331, les banques libanaises pouvaient investir jusqu'à 3 % de leurs fonds propres, mais ce pourcentage a été porté à 4 % en avril 2016 avec l’amendement 419. Cela représente une enveloppe théorique de 600 millions de dollars d’in- vestissements contre 400 millions avant l’amendement en question. Les structures d’accompagnement, notamment les incubateurs et accélérateurs, ont reçu, entre septembre 2016 et février 2017, 22,5 millions de dollars de financement dans le cadre de la circulaire 331, tandis que pour la totalité de la période antérieure ils n’avaient reçu que 20 millions de dollars selon la BDL . De plus, si la Banque centrale libanaise garantit 75 % des8 fonds investis directement dans les start-up et les fonds d’investissement, elle garantit 100 % des fonds investis par les banques commerciales dans les structures d’accompagnement. Les moyens investis depuis 2013 dans ce secteur sont donc considérables et la volonté de la BDL de renforcer les incubateurs et les accélérateurs est évidente. Son action a d’ailleurs for- tement contribué à la multiplication des structures d’accompagnement de start-up au Liban. En effet, parmi les principaux incubateurs et accélérateurs du pays, seul Berytech a été créé avant la circulaire de la BDL. Depuis, leur nombre a été multiplié par sept et les accélérateurs, absents jusque là, sont désormais les plus nombreux. CHOUCAIR, Nadim et FLYNN, Thomas, (Février 2017), Circular 331: $500+ Million to Create Le8 - banon's Knowledge-Based Economy?, Fletcher School's Institute for Business in The Global Context, p. 7. 6
  • 9. Figure 1 : Les différents types de structures d’accompagnement de start-up au Liban Le Liban compte aujourd'hui un incubateur (Berytech), quatre accélérateurs (Speed@BDD, le UK Lebanon Tech Hub, Agrytech et Flat6Labs Beirut), un espace de « co-working » avec des fonctionnalités d’accélérateur (AltCity) et une structure « hybride » proposant des pro- grammes d’incubation et d’accélération (Smart ESA). 1.2. Berytech, l’incubateur pionnier Berytech a été créé en 2001 par l’Université Saint-Joseph de Beyrouth et pensé à l’origine comme un « pôle technologique », comprenant un incubateur, une pépinière d’entreprises et un hôtel d’entreprises. Devenu un an plus tard une « organisation à but non lucratif auto-fi- nancée » , Berytech est le premier centre du Moyen-Orient à recevoir en novembre 2006 le9 label européen BIC (Business Innovation Center). Il avait déjà, à cette date, accompagné 70 Entretien avec Ramy Boujawdeh, directeur général adjoint de Berytech, mené le 2 octobre 2017.9 7
  • 10. start-up alors qu’il ne possédait qu’un seul centre à Mar Roukos, dans la périphérie de Bey- routh, et s’apprêtait à inaugurer un nouveau site à Beyrouth .10 Berytech a été le premier à mettre en place un programme d'incubation au Liban pour favori- ser la création et la croissance de start-up, en leur fournissant le soutien nécessaire ainsi que des services financiers et techniques, à travers des cycles pouvant durer entre six et 18 mois selon les fonds obtenus par l’incubateur. Berytech finance ses activités grâce aux services payants qu’il propose, en organisant des compétitions, des événements et des hackathon sponsorisés en lien avec les start-up, en postu- lant à travers sa fondation à des subventions européennes et internationales, et plus récem- ment grâce à son nouveau FabLab, installé sur son site de Mar Roukoz, dont l’accès est payant pour les personnes extérieures à ses programmes de soutien. Enfin, quand des exit de start-up appartenant aux portfolios de Berytech Fund I et Berytech Fund II se produisent, une partie des profits réalisés est versée à Berytech et sert à financer ses activités. Berytech privilégie dans son recrutement les start-up opérant dans les secteurs des logiciels, du matériel informatique, de l’Internet des objets et de l’entrepreneuriat social. Il prévoit de s’orienter bientôt vers la FinTech et de mettre davantage l’accent sur l’Internet des objets. « Nous sommes également très intéressés par la « Cleantech », mais il s’agit d’un secteur qui nécessite des fonds importants, de l’Internet des objets et de l’expertise. Notre plan de déve- loppement dans ce secteur est prêt mais nous attendons de trouver les fonds nécessaires », an- nonce Ramy Boujawdeh, directeur général adjoint de Berytech .11 En août 2016, sept start-up étaient incubées à Berytech . Elles ont toutes rejoint le pro12 - gramme d’incubation après avoir remporté des compétitions organisées par l’incubateur en partenariat avec des organisations locales et internationales : le concours « Femme Franco- Berytech, le premier pôle de la région à recevoir le label « BIC » pour incubateurs, L’Orient-Le10 Jour, 18 novembre 2006. Entretien avec Ramy Boujawdeh, directeur général adjoint de Berytech, mené le 2 octobre 2017.11 From A Business Idea To A Startup: Berytech Incubation Program, berytech.org, 30 août 201612 (http://berytech.org/from-a-business-idea-to-a-startup-berytech-incubation-program/). 8
  • 11. phone Entrepreneure », organisé par Berytech et l’Agence universitaire de la Francophonie et subventionné par cette dernière, la « Global Social Venture Competition », subventionnée par la Fondation Diane, la « Mount Lebanon Youth Entrepreneurs Competition », financée par le PNUD, et la « Digital Energy Revolution Competition », qui fait partie du projet SHAAMS, financé par l’UE. L’incubation des start-up est ainsi financée par les subventions offertes par ces différents organismes. De plus, Berytech offre une incubation de trois mois aux gagnants des concours organisés par ses partenaires de l'écosystème qu’il soutient, comme le « Startup Weekend Beirut » qui per- met aux candidats, au cours d'un week-end, de trouver des idées et de créer des start-up qui pourraient résoudre un problème environnemental. Les entrepreneurs qui se joignent au programme d'incubation ont la possibilité d'être hébergés sur l'un des trois sites de Berytech. Le processus d'incubation commence par une évaluation des besoins, permettant à l'entrepreneur d'hiérarchiser les domaines d'activité de son entre- prise et de renforcer son idée ou son démarrage. S’en suit une phase d’évaluation au cours de laquelle plusieurs aspects du projet d’entreprise, ou de la start-up, sont passés en revue, tels que : le modèle de revenu, la relation client, le marketing, les ventes, l'image de marque, les opérations, les aspects légaux et les ressources humaines. Le programme d'incubation permet ensuite à l'entrepreneur de suivre des forma- tions et des ateliers en finance, en droit des entreprises, en marketing et vente, en « design thinking », etc. Les sessions de travail avec un spécialiste du développement des entreprises sont destinées à créer et suivre le « business plan » (ou plan d’affaires) de la start-up. L'entrepreneur incubé est également accompagné par des « coachs » et des mentors qui lui prodiguent des conseils en se basant sur leur expérience dans des domaines relatifs aux besoins et aux activités princi- paux de la start-up. 9
  • 12. En s’appuyant sur son réseau solide et sur l’importance qu’il accorde au réseautage, Berytech travaille pendant la période d'incubation à mettre en relation les entrepreneurs et les organisa- tions et plates-formes susceptibles de catalyser la croissance de la start-up. Le slogan actuel de Berytech, « The Ecosystem for Entrepreneurs », souligne l’ambition et le positionnement de cet incubateur qui incarnerait à lui seul l’écosystème entrepreneurial dans sa globalité, agissant à tous les niveaux et mettant en relation les différentes parties prenantes. En plus de remplir les fonctions incombant traditionnellement aux incubateurs (hébergement, conseil, formation, financement), Berytech a initié les premiers fonds de capital-risque du Li- ban, Berytech Fund I et Berytech Fund II, ainsi que le premier fonds d’investissement hy- bride, IM Capital, qui est également un programme de soutien aux start-up et qui est financé par USAID. Il est également à l’origine du premier véritable accélérateur libanais, Speed@BDD. Berytech a également initié le projet immobilier « Beirut Digital District » (BDD) qui s’est concrétisé en 2013 et qui est l’un des plus importants de la région. Ce projet vise à créer dans la capitale libanaise un « hub », ou pôle, dédié à l’industrie numérique et créative, qui aiderait les incubateurs et accélérateurs à accompagner des projets d’entreprise et à les concrétiser. Il y dispose de locaux, le Berytech Digital Park, qui héberge entre autres l’accélérateur Speed@BDD et l’espace de coworking AltCity. « Le BDD est l'un des plus grands projets immobiliers dédiés aux nouvelles technologies de la région (...). À la différence des parcs technologiques de banlieue, il est construit au cœur de la ville », relève la Banque mondiale .13 Sur son site Internet, Berytech assure avoir contribué, depuis son lancement, à la création de plus de 100 start-up et de plus de 1600 emplois, avoir hébergé plus de 220 start-up, avoir sou- tenu plus de 3000 entrepreneurs, et avoir permis aux start-up d’obtenir plus de 600 000 dollars de subventions et 70 millions de dollars d’investissements. Ses résultats ont été rendus pos- RIACHI, Soraya (13 juin 2016), L’écosystème libanais, entre fort potentiel et obstacles récurrents,13 L’Orient-Le Jour. 10
  • 13. sibles grâce à environ un million de dollars de subventions sur les quinze années de vie de Berytech, selon son PDG .14 1.3. Seeqnce ou la première expérience d’accélération de start-up au Liban En avril 2010, le Liban voit naître Seeqnce, un espace de « co-working », ou cotravail, qui sera à l’origine, deux ans plus tard, du Seeqnce Accelerator Program 2012. Ce programme d’accélération fera de lui le premier accélérateur de start-up au Liban et le placera dans le Top 3 des accélérateurs de la région MENA. La circulaire 331 n’existait pas encore et la création de Seeqnce n’a été rendue possible que grâce à un apport personnel de l’un de ses principaux co-fondateurs, Samer Karam .15 L’accélérateur ambitionnait de contribuer à la création de huit nouvelles start-up issues du Li- ban et du monde arabe en leur offrant des services de mentorat, des locaux et en les mettant en contact avec des investisseurs. L’accélérateur a reçu cette année-là 275 dossiers de candida- ture de 17 pays pour ce programme qui s’étendra de septembre 2012 à mars 2013. Ce programme d’accélération voyait Seeqnce investir 75 000 dollars en contrepartie d’une prise de participation de 30 % dans le capital de la start-up avec une option de rachat de 10 % en fonction de la performance de celle-ci. Cette prise de participation importante s’expliquait par le fait que Seeqnce avait choisi de sélectionner des start-up qui en étaient à leur première levée de fonds (Série A), ou premier tour de table (« round » en anglais), le facteur risque étant très important à ce stade. Depuis le printemps 2013, Seeqnce ne propose plus de programmes d’accélération. Fort de son expérience de pionnier dans l’accélération de start-up au Liban, la société conseille dé- sormais la BDL dans la mise en oeuvre de sa circulaire 331 et organise depuis 2014 la confé- Discours prononcé par Maroun Chammas, président de Berytech, à l’occasion de la finale du14 concours « Femme Francophone Entrepreneure 2017 » le 27 septembre 2017. DAOUD, Marie-José (12 août 2011), Seeqnce : le premier accélérateur de start-up libanais, Le15 Commerce du Levant. 11
  • 14. rence « Banque du Liban Accelerate », la plus importante de la région méditerranéenne et de la region MENA qui attire chaque année plus de 10 000 participants de plus de 75 pays. 1.4. Speed@BDD, le premier accélérateur « post-circulaire » En octobre 2014, Berytech, Middle East Venture Partners (MEVP), investisseur en capital risque, les programmes de soutien IM Capital et Bader, et le réseau « Lebanon for Entrepre- neurs » se sont associés pour créer l’accélérateur « Speed@BDD » dans le Beirut Digital Dis- trict, et plus précisément au sein du Berytech Digital Park, en lui confiant la mission de stimu- ler l’écosystème entrepreneurial. Son lancement opérationnel interviendra le 29 juillet 2015 faisant de lui la première structure d’accompagnement « post-circulaire ». Cet accélérateur cible les porteurs de projets à forte composante technologique, sans privilé- gier de secteur en particulier, et les équipes ayant déjà testé leur idée avec un prototype, sans toutefois fermer la porte aux projets à un stade moins avancé jugés prometteurs. Les projets sélectionnés peuvent aussi bien en être à l’étape de l’idée ou de l’amorçage (« seed stage »). Son PDG, Sami Abou Saab, le qualifie d’« accélérateur technologique généraliste » .16 La sélection des start-up reposent sur deux critères principaux : la composante technologique et la présence, au sein de l’équipe qui porte le projet, d’un expert technique. Autre critère in- contournable, le siège social de l’entreprise doit se trouver au Liban pour être en conformité avec les dispositions de la circulaire 331. « Mais le recrutement de Speed ne se limite pas pour autant aux seuls entrepreneurs libanais. L'écosystème du pays bénéficie d'avantages comparatifs certains, comme le flux de capitaux permis par la circulaire 331 ou une main- d'œuvre qualifiée et bon marché, qui devraient séduire des entrepreneurs de la région ou d'ailleurs. », comme l’expliquait le premier directeur général de Speed et co-fondateur de Seeqnce, Fadi Bizri . D’ailleurs, une start-up turque et une start-up chypriote ont rejoint le17 programme ces dernières années .18 Entretien avec Sami Abou Saab, PDG de Speed@BDD, mené le 3 octobre 2017.16 NÊME, Cyrille (9 décembre 2014), L’écosystème numérique libanais devrait avoir son accélérateur17 en janvier, Le Commerce du Levant. Entretien avec Sami Abou Saab, PDG de Speed@BDD, mené le 3 octobre 2017.18 12
  • 15. Pour soutenir ces start-up à fort potentiel, Speed@BDD a mis en place un programme sur cinq ans qui comprend chaque année deux cycles d’accélération de trois mois, ouvert chacun à dix start-up technologiques.
 Speed@BDD propose différents services allant de l’hébergement dans ses locaux du BDD (obligatoire durant toute la durée du programme), au mentorat (dans les domaines du déve- loppement de produit, de la finance, de la comptabilité, du droit, etc.), en passant par le ré- seautage avec des experts internationaux et des industriels. Les meilleures start-up bénéficient en outre d'une phase d'accélération au sein de la Silicon Valley, financée par Speed@BDD. En plus des services offerts dans le cadre du processus d’accompagnement, Speed@BDD in- vestit 30 000 dollars dans chaque start-up en contrepartie d’une prise de capital de 10 %, les valorisant ainsi à 300 000 dollars. Son modèle économique répond donc à la même logique que celui de la majorité de ses homologues dans le monde, le retour sur investissement devant intervenir au moment de l’exit qui intervient en général entre trois et quatre ans plus tard. Speed@BDD a investi 180 000 dollars dans les start-up de sa première promotion (« batch »), soit 30 000 dollars pour chacune des six start-up ayant bénéficié du programme , 210 00019 dollars répartis équitablement entre les sept start-up de sa deuxième promotion , 150 000 dol20 - lars dans les cinq start-up de sa troisième promotion et 270 000 dollars dans les neuf entre- prises de sa quatrième promotion . Le budget total du programme oscille entre cinq et six21 millions de dollars, financé par le Berytech Fund II, MEVP et IM capital .22 NAKHOUL, Shikrallah (14 janvier 2016), Speed@BDD invests $180,000 in startups: First batch to19 seek more investment, Businessnews.com.lb, (http://www.businessnews.com.lb/cms/Story/StoryDe- tails.aspx?ItemID=5317). NAKHOUL, Shikrallah (12 juillet 2016), Speed@BDD completes second acceleration program:20 Startups seek a combined $3.5 million capital, Businessnews.com.lb, (http://www.businessnews.- com.lb/cms/Story/StoryDetails.aspx?ItemID=5577). L’accélérateur Speed célèbre la fin de son 4e cycle, Le Commerce du Levant, Août 2017.21 RIACHI, Soraya (30 septembre 2015), Speed accélère sa première promotion de start-up, L’Orient-22 Le Jour. 13
  • 16. De plus, bien qu’il n’existe aucune option contractuelle dans ce sens, des levées de fonds sup- plémentaires auprès de ces fonds d'investissement peuvent être facilitées par leur présence au conseil d'administration de Speed@BDD. En 2017, l’accélérateur a annoncé une nouvelle initiative : Seed Boost. « À la fin du pro- gramme Speed, les entreprises mettent en moyenne 9 à 12 mois pour trouver les financements supplémentaires dont elles ont besoin. Nous avons donc mobilisé cinq investisseurs avec une enveloppe de 50 000 dollars », explique le PDG de Speed. Les investisseurs en question sont : B&Y VP, Phoenician Funds, Berytech Fund II, Impact Fund et M. Élias Houayek .23 1.5. AltCity, un espace de « co-working » avec des fonctionnalités d’accélérateur Le 22 avril 2015, l’espace de coworking AltCity a lancé un nouveau programme, appelé24 « Bootcamp », qui consiste à organiser des camps de formation intensive à l’entrepreneuriat. Il bénéficie d’un financement de la banque Al-Mawarid, dont le montant n’a pas été commu- niqué, garanti à 100 % par la BDL dans le cadre de sa circulaire 331. À travers son soutien aux Bootcamp, « l’objectif de la BDL est de créer des flux de transac- tions sur le marché et d'aider les start-up à obtenir du soutien dans les premières étapes de leur développement, où les risques d'échec sont les plus élevés », selon Marianne Hoayek, direc- trice du bureau exécutif de la Banque du Liban .25 David Munir Nabti, le PDG d’AltCity, décrit Bootcamp de la manière suivante : « Il s’agit d’un programme triennal qui comble un vide en soutenant des projets entrepreneuriaux à un stade très peu avancé. Une première phase de préqualification, ouverte à tous et se déroulant toute l’année, permettra aux bénéficiaires de se familiariser avec les grands principes de l’en- L’accélérateur Speed célèbre la fin de son 4e cycle, op. cit.23 Ses fondateurs le définissent comme un « coworking space avec des fonctionnalités d’accélérateur24 et d’incubateur » (Cf. PISANI, Francis (3 mars 2012), À Beyrouth, les accélérateurs de start-up sti- mulent l’innovation, Le Monde, supplément Science&Techno. RAHBANI, Leila (24 octobre 2014), Central Bank supports startup boot camps: To transform inno25 - vative ideas into business, Businessnews.com.lb (http://www.businessnews.com.lb/cms/Story/Story- Details.aspx?ItemID=4445). 14
  • 17. trepreneuriat technologique. Une deuxième phase leur permettra ensuite de suivre des forma- tions spécifiques pour bâtir leur projet durant cinq jours à deux semaines. Les projets les plus prometteurs seront ensuite sélectionnés pour participer à une phase ultérieure de 2-3 mois qui s’apparente à une version allégée d’un programme d’accélération » .26 Le programme cible prioritairement les projets technologiques orientés Web et mobile dans divers domaines, telles que la finance, la santé ou encore la publicité (FinTech, AdTech, Heal- thTech, etc.), mais aussi ceux qui prévoient le développement de matériel informatique (« hardware »). Il ambitionne de d’« accélérer » la croissance de 100 start-up par an en les27 accompagnant, comme le souligne son slogan, de l’idée jusqu’aux investissements (« From Idea to Investment »). Si Bootcamp n’investit pas directement dans les start-up, contrairement à d’autres accéléra- teurs, celles qui sont retenues pour participer à la dernière phase du programme s’engagent à lui céder une part de leur capital oscillant entre 3 % et 5 % . Les 27 start-up qui ont bénéficié28 jusqu’à présent de ce programme sont parvenues à lever 1,1 millions de dollars au total .29 En 2017, AltCity a noué un partenariat avec l’UNICEF qui a permis la création du premier programme d’accélération de start-up à impact social du Liban, « Elevate ». Ce nouveau pro- gramme, dont les activités ont débuté en juillet 2017, offre principalement des locaux, des fi- nancements (jusqu’à 50 000 dollars de subvention et 20 000 dollars en services), des forma- tions personnalisées et un mentorat spécialisé aux start-up qui oeuvrent dans l’un des princi- paux domaines d’intervention de l’UNICEF : éducation ; santé et nutrition ; eau, assainisse- ment et hygiène ; protection de l’enfant et prévention des violences liées au genre ; politique sociale ; jeunesse et adolescents ; programmes spécifiques aux réfugiés palestiniens. C. N. (Mars 2015), Al-Mawarid et Alt City lancent le premier « Bootcamp » technologique du Li26 - ban, Le Commerce du Levant. BAGHDADI, Alexis (22 avril 2015), AltCity Bootcamp Will Graduate 100 Startups Every Year,27 arabnet.me (http://news.arabnet.me/altcity-bootcamp-will-graduate-100-startups-every-year/). Al-Mawarid et Alt City lancent le premier « Bootcamp » technologique du Liban, op. cit.28 JUN ROWLEY, Melissa (6 juin 2017), What Silicon Valley can learn from Lebanon’s women in29 tech, TechCrunch (https://techcrunch.com/2017/06/06/what-silicon-valley-can-learn-from-lebanons- women-in-tech/). 15
  • 18. Pour être sélectionnées et participer au programme d’accélération sur six mois, ces start-up doivent avoir préalablement développé leur « produit minimum viable » (« minimum viable product » (MVP), en anglais) proposant une solution à un ou plusieurs des problèmes liés à ces défis. L’un des principaux objectifs du programme consiste par ailleurs à mettre en relation ces start-up avec plusieurs organismes, dont l’ONU et le gouvernement libanais , afin de créer30 des synergies dans l’aide au développement et dans les réponses apportées par ces différents acteurs aux problèmes sociaux. En juillet 2017, l’ambassade britannique au Liban a lancé une nouvelle initiative, baptisée « SoUK.LB », visant à renforcer et promouvoir l’entrepreneuriat social en soutenant les pro- jets visant à créer un changement social ou environnemental. La phase pilote, qui a débuté en juillet 2017 et s’achèvera en mars 2018, est mise en oeuvre par l’Américain DAI, le Britan- nique Alfanar et AltCity, renforçant le positionnement de ce dernier sur le segment de l’entre- preneuriat social. Les start-up bénéficiaires se verront offrir un financement allant jusqu’à 40 000 dollars et des centaines de milliers de dollars en services. 1.6. Le UK Lebanon Tech Hub, le premier accélérateur binational Le 30 avril 2015, soit une semaine après le lancement de Bootcamp, le gouvernement britan- nique, à travers l’Ambassade du Royaume-Uni au Liban, et la Banque du Liban ont lancé un nouvel accélérateur : le UK Lebanon Tech Hub (UKLTH). Son financement provient, à tra- vers la BDL qui le garantit intégralement, de la BLC Bank et de la banque Al-Mawarid. Il s'inscrit donc lui aussi dans le cadre de l'implémentation de la circulaire 331 et ses locaux se situent au Beirut Digital District, comme son homologue Speed@BDD. PUPIC, Tamara (18 juin 2017), Innovation For Impact: MENA Startups Are Taking On The Refu30 - gee Crisis, Entrepreneur Middle East (https://www.entrepreneur.com/article/295806). 16
  • 19. La gestion de cet accélérateur a été confiée au cabinet londonien PA Consulting et il doit per- mettre à l’écosystème libanais de bénéficier de l’importante expertise britannique dans ce domaine. Le UKLTH s’est différencié, lors de son premier cycle d’accélération, des autres accélérateurs en « offrant des services entièrement gratuits, sans aucune prise de participation dans les so- ciétés bénéficiaires », comme l’expliquait Lama Zaher, la chargée de communication du pro- gramme .31 Initialement, le UKLTH a mis en place, dès mai 2015, un programme d’accélération sur deux ans comprenant deux sessions se décomposant chacune en une phase de quatre mois au Liban, durant laquelle les équipes étaient accompagnées dans l’élaboration de leur « business plan » et de leur stratégie marketing, et une deuxième phase de six mois à Londres, réservée aux meilleures d’entre elles et comprenant un programme de mentorat et du réseautage avec des partenaires locaux de l’accélérateur. Le programme était ouvert à toutes les entreprises, quelque soit leur niveau de développement, et pas uniquement aux start-up en phase d’amor- çage .32 45 start-up ont été sélectionnées pour participer à la première session et 15 d’entre elles se sont qualifiées pour la phase londonienne . 25 candidatures ont été retenues pour la deuxième33 sessions, certaines provenant des États-Unis, de France, d’Arabie Saoudite ou encore du Yé- men. Pour la deuxième session, le UKLTH a privilégié trois grands secteurs : la « FinTech » (finance numérique), la santé et le bien-être corporel, et le commerce en ligne .34 NÊME, Cyrille (12 juin 2015), Une quarantaine de start-up libanaises espèrent décrocher leur billet31 pour Londres, L’Orient-Le Jour. KNIGHT Lucy (30 avril 2015), Beirut gets a new accelerator, UK Lebanon Tech Hub now open,32 wamda.com (https://www.wamda.com/2015/04/beirut-gets-a-new-accelerator-uk-lebanon-tech-hub- now-open). Seules les 15 meilleures start-up devaient être sélectionnées pour cette deuxième phase du pro33 - gramme, mais 10 autres ont finalement été choisies pour poursuivre leur formation à Beyrouth (Cf. RIACHI, Soraya (9 octobre 2015), Quinze start-up libanaises partent se faire accélérer à Londres, L’Orient-Le Jour. DOUMET, Chloé (Juillet 2016), Lebanon UK Tech Hub fête son premier anniversaire, Le Com34 - merce du Levant. 17
  • 20. L'accélérateur libano-britannique a lancé en avril 2017 un nouveau programme d’accélération baptisé « The Nucleus », avec pour slogan « New Cycle, New Formula » (« Nouveau cycle, nouvelle formule »). Il était ouvert aussi bien aux candidats libanais qu’aux entrepreneurs étrangers. La promesse du UKLTH : avoir un produit commercialisable, ou « marketable », en trois mois. « Ce programme est exclusivement dédié à l'accompagnement des start-up aux premiers stades de développement (early stage en anglais) jusqu'à ce qu'elles soient prêtes à entrer sur le marché », selon les termes du président du UKLTH, Nicolas Sehnaoui .35 Cinq profils de candidat étaient éligibles à ce programme de trois mois : ceux qui ont avaient une idée mais avaient besoin d’aide pour arriver à leur MVP, ceux qui avaient déjà leur MVP et souhaitaient le mettre sur le marché, les start-up existantes qui voulaient lancer un nouveau produit, les employés qui avaient une idée qui permettrait de transformer la manière dont leur entreprise fait des affaires, et les managers qui avaient une idée susceptible de permettre à leur entreprise de générer de nouveaux flux de revenus. Les candidats pouvaient donc appartenir à des start-up mais également à des entreprises déjà établies. Avec ce nouveau programme, le UKLTH souhaitait ainsi « construire des idées, des personnes, des entreprises et des start-up pour aller au-delà des modèles d'accélération tradi- tionnels qui offres des conseils, du mentorat et des formations » .36 Suite à l’appel à candidature lancé le 18 avril 2017, six équipes ont été retenues début juin 2017 pour participer à ce programme ciblant des projets innovants dans les domaines de la science et de la technologie. Chacune d’elle a reçu un financement de 20 000 dollars et 30 000 en nature (essentiellement les services mis à disposition pendant la durée du programme), contre 1 % à 5 % de son capital selon la valorisation estimée par le UKLTH à la fin du pro- Le UK Lebanon Tech Hub lance un nouveau programme d'accélération, L’Orient-Le Jour, 15 juin35 2017. Selon Dimitri Papadimitriou, directeur intérimaire du UKLTH, cité dans ISSACS, Derek A. (2636 avril 2017), Scale-up program to launch at UKLTH: Venture building accelerator program launched, Beirut Innovation Week confirmed, Businessnews.com.lb (http://www.businessnews.com.lb/cms/Sto- ry/StoryDetails.aspx?ItemID=6019). 18
  • 21. gramme. Elles ont également eu accès, selon l’accélérateur, à des services aux entreprises d’une valeur d’un million de dollars pendant le programme, et au-delà pour les équipes qui l’ont complété avec succès. Le programme incluait également un accompagnement par une équipe technique interne et complète, du mentorat assuré par de hauts dirigeants d’entreprise, des réunions mensuelles avec le Conseil d’administration, des ateliers animés par des experts de l’industrie et un accès privilégié au réseau de l’accélérateur. 
 Sur son site Internet, le UKLTH s’enorgueillit d’avoir soutenu plus de 500 sociétés, dont 70 à travers le premier cycle de son programme d’accélération, d’avoir contribué à la création de 800 emplois et d’avoir levé 16,5 millions de dollars d’investissement pour les entreprises bé- néficiaires. 1.7. Smart ESA, « booster » franco-libanais et seule structure hybride au Liban En mai 2016, un nouveau partenariat voit le jour, cette fois-ci entre l’École Supérieure des Affaires (ESA), l’Ambassade de France au Liban et la Banque du Liban. L’agence Paris&Co et la Chambre de commerce et d’industrie de la région Paris Île-de-France sont également par- tenaires de cette initiative, qui représente un investissement de près de cinq millions de dollars sur cinq ans qui sera financé par différents investisseurs dans le cadre de la circulaire 331 .37 38 Smart ESA compte déjà parmi ses actionnaires BankMed, partenaire historique de l’ESA, et deux autres banques devraient également y investir des fonds .39 Cette nouvelle structure, Smart ESA, qui se veut à la fois un incubateur et un accélérateur, est présenté comme un « booster numérique ». « Un booster, c'est d'un côté un accélérateur, et de l'autre un incubateur, tous deux adossés à un centre d'excellence académique, l'École supé- DOUMET, Chloé (Avril 2016), Smart Esa : un label français pour les start-up libanaises, Le Com37 - merce du Levant. La levée de fonds est en cours selon le directeur de Smart ESA, Jihad Bitar (entretien mené le 2338 octobre 2017). RAZZOUK, Mélanie (Juillet 2016), L’incubateur de l’ESA vise à soutenir 200 start-up en cinq ans,39 Le Commerce du Levant. 19
  • 22. rieure des affaires », expliquait le directeur général de l’ESA, Stéphane Attali, à L'Orient-Le Jour .40 Ce « booster » ambitionne de créer au moins 200 start-up en cinq ans. Pour les accueillir, l’ancien Consulat général de France à Beyrouth, situé sur le campus et à l’abandon depuis 1996, sera entièrement rénové d’ici 2018. Les travaux seront financés grâce au mécénat de BankMed .41 Selon son directeur, « Smart ESA ne cible pas de secteurs spécifiques, même si nous avons des secteurs ou notre apport peut être encore plus puissant : FinTech, santé et éducation, entre autres » .42 Le booster, dont les activités ont démarré en avril 2017, propose quatre programmes adaptés aux différentes étapes du développement d’une start-up : • Le programme « Discover » : il est ouvert à toute personne qui souhaite en apprendre da- vantage sur l’entrepreneuriat ou hésite entre plusieurs idées d’entreprise. Il dure deux se- maines. • Le programme « Create », ou « programme avancé » : il s’adresse aux candidats qui ont un projet clairement défini qu’ils souhaitent développer. Ce programme sur deux mois leur permet de définir un « business model », ou modèle économique, et un business plan viables. • Le programme « Incubate » : comme son nom l’indique, il relève de l’incubation. Il s’agit du programme le plus long (8 mois) proposé par le booster. Il vise à accompagner les start- up nouvellement créées, ou sur le point de l’être, dans leur première ou deuxième année d’activités, en leur offrant notamment un accès aux espaces de co-working de Smart ESA et en leur permettant de participer à des « business matching trips ». RIACHI, Soraya (3 mars 2016), La France veut apporter sa « touch » à l’écosystème libanais, L’O40 - rient-Le Jour. RAZZOUK, Mélanie (Juillet 2016), op. cit.41 Entretien avec Jihad Bitar, directeur de Smart ESA, mené le 23 octobre 2017.42 20
  • 23. • Le programme « Grow » : il a vocation à aider les start-up déjà établies, générant des reve- nus, a atteindre de nouveaux marchés à l’international en participants notamment à deux « business matching trips ». Il s’étend sur une durée de quatre mois. Ces programmes sont tous gratuits et, à l’instar du UKLTH à ses débuts, Smart ESA ne prend pas, à ce stade, de prise de participation dans le capital des start-up bénéficiaires. Les choses ne devraient toutefois pas demeurer en l’état selon Stéphane Attali : « Deux moyens d’équili- brer nos comptes ont été privilégiés : la refacturation de certains services aux jeunes entrepre- neurs et la prise de capital au sein des start-up que nous hébergerons ». Smart ESA pourrait prendre entre 0,5 % et 5 % de leur capital .43 « Pour l’instant, on ne prend pas de participation dans le capital des start-up. Ces dispositions pourraient évoluer dans les années à venir. De toute façon, une grande partie de nos pro- grammes ont vocation à rester comme cela », affirme le directeur de Smart ESA, Jihad Bitar .44 Ce booster propose ainsi aux entrepreneurs et aux managers des sessions de formation et de mentorat, mais également, pour les projets les plus avancés, un accès aux marchés français et européen. Les start-up retenues pour les programmes « Incubate » et « Grow » participent en effet à des voyages organisés par Smart ESA en France et en Europe qui leur permettent de rencontrer les représentants de grands groupes industriels, appelés à devenir leurs clients finaux. « Le but de ces visites ne sera pas juste du réseautage, mais aussi de l'acquisition de parts de marché », expliquait Bérengère Arnold, conseillère auprès de Smart ESA sur les questions de transfor- mation digitale . C’est probablement pour cette raison que le terme de « business matching45 trip » a été préféré à celui de « business tour » par son équipe. RAZZOUK, Mélanie (Juillet 2016), op. cit.43 Entretien avec Jihad Bitar, directeur de Smart ESA, mené le 23 octobre 2017.44 RIACHI, Soraya (3 mars 2016), op. cit.45 21
  • 24. Pour permettre cette synergie, le booster franco-libanais s’appuie sur le réseau et le savoir- faire de ses deux partenaires, Paris&Co et la CCI Paris Île-de-France, mais aussi de la « French Tech », du nom du label créé en 2013 par le gouvernement français afin de renforcer la cohérence et la visibilité des actions publiques en faveur des start-up en France. La French Tech s’est ensuite internationalisée, regroupant en 2015 onze « hubs » labellisés à l’étranger, et le directeur de l’ESA ambitionnait dès le lancement de Smart ESA de « faire de Beyrouth le douzième hub de la French Tech » . Selon lui, 25 start-up ont été accompagnées46 jusqu’à ce jour, tous programmes confondus .47 1.8. Agrytech, un accélérateur spécialisé L'incubateur Berytech a lancé le 19 janvier 2017 un programme hybride, combinant une phase d’accélération et une phase d’incubation, destiné aux start-up du secteur de l'agro-ali- mentaire, avec pour slogan « Catalysons les innovations de la ferme jusqu'à la fourchette ». Ce programme pionnier au Liban, baptisé « Agrytech », est financé à hauteur de près de 3,3 millions de dollars par Berytech (10 %) et le gouvernement des Pays-Bas (90 %) .48 « La sécurité alimentaire est un enjeu important surtout dans la région MENA qui importe 80 % de sa nourriture et où on assiste à un exode rural. La technologie et l’ingénierie peuvent apporter des solutions innovantes à ces problèmes, notamment aux niveaux de la production, de la distribution et de l’exportation des produits agricoles, et créer de nouveaux débouchés dans ce secteur notamment pour les ingénieurs », explique Ramy Boujawdeh .49 Toujours selon ce dernier : « Les candidatures sont ouvertes à toutes les start-up et PME, qui en sont à l'étape de l'idée, avec des solutions techniques dans les domaines de l'agro-alimen- DOUMET, Chloé (Avril 2016), op. cit.46 VINCENT, Juliette (29 septembre 2017), Stéphane Attali : « Les Libanais ont l’entrepreneuriat dans47 le sang ! », Lepetitjournal.com - Beyrouth (https://lepetitjournal.com/vivre-a-beyrouth/stephane-attali- les-libanais-ont-lentrepreneuriat-dans-le-sang-157352). Entretien avec Ramy Boujawdeh, directeur général adjoint de Berytech, mené le 2 octobre 2017.48 Ibid.49 22
  • 25. taire, notamment au niveau de la robotique, la télédétection, l'automation, l'automatisation, le commerce en ligne, la traçabilité, les paiements, le Big Data, l'intelligence artificielle, les cap- teurs, l'IOT, l'internet, le paiement via mobile, les drones, la logistique, entre autres » .50 Pour chaque cycle annuel, trente start-up au maximum sont sélectionnées et obtiennent un fi- nancement de 3300 dollars pour développer leur « produit minimum viable » sur une période de deux mois. Jusqu’à quinze start-up sont ensuite sélectionnées pour la phase d'accélération de quatre mois, avec à la clé un financement de 16 000 dollars, qui leur permettra de valider leur concept. Les meilleures d’entre elles, au nombre maximum de huit, poursuivront le programme en en- trant dans la phase d’incubation sur six mois, et en recevant un financement de 22 000 dollars, qui doit leur permettre de lever des fonds auprès d’investisseurs. Onze start-up sont actuelle- ment dans la phase d’accélération du programme (elles étaient vingt au début du programme en mai 2017). L’ouverture des start-up au marché international est l’une des priorité de cet accélérateur dé- dié au secteur de l’agro-alimentaire. « Au départ, le Liban est notre marché test, mais l'objec- tif est d'atteindre les marchés de la zone Mena et d'Europe », selon Ramy Boujawdeh . Cet51 objectif devrait être facilité par le partenariat entre Agrytech et la « Food Valley », la « Silicon Valley » de l’agro-alimentaire qui se trouve aux Pays-Bas. 1.9. Flat6Labs, un accélérateur régional Après son lancement en 2011 au Caire (Égypte), puis à Djeddah (Arabie Saoudite), à Abou Dhabi (Émirats arabes unis) et bientôt à Tunis (Tunisie), l'accélérateur de start-up égyptien Flat6Labs a annoncé le 22 février 2017, à l’occasion de la conférence ArabNet, son installa- tion à Beyrouth au sein du Beirut Digital District. Flat6Labs Beirut est d’ailleurs le fruit d’un HADDAD, Céline (20 janvier 2017), Lancement d’un accélérateur pour les technologies agro-ali50 - mentaires, L’Orient-Le Jour. Ibid.51 23
  • 26. partenariat entre Flat6Labs et ArabNet, qui s’appuie sur l’expérience du premier dans l’accé- lération de start-up et le puissant réseau du second. Pour financer ses activités au Liban, Flat6Labs s’est associé à la BLOM Invest Bank pour créer le « Lebanon Seed Fund » (LSF), un fonds d’investissement de 20 millions de dollars approuvé par la BDL dans le cadre de sa circulaire 331, avec l’ambition de soutenir 100 start- up en cinq ans . Comme son nom l’indique, ce fonds, et par extension Flat6Labs, cible les52 start-up en phase d’amorçage (« seed stage » et « early stage »). Les start-up qui en sont à la phase dite du « seed stage » peuvent intégrer son programme d’accélération sur quatre mois comprenant du mentorat, du soutien légal, des bureaux, des formations, la possibilité de « pitcher » son projet devant des investisseurs et du réseautage avec des start-up similaires et des partenaires potentiels à l’échelle régionale et internationale. Elles recevront chacune, à la fin du programme, entre 30 000 et 50 000 dollars de financement contre 10 % à 13 % de leur capital .53 Les start-up « early stage » retenues recevront quant à elles un financement du LSF oscillant entre 100 000 et 500 000 dollars et un accès aux ressources de l’accélérateur. Elles recevront également des conseils en termes de stratégie, de budget ainsi que sur les aspects légaux liés à leurs activités, elles seront mises en relation avec des partenaires potentiels clés et bénéficie- ront d’un soutien stratégique pour accélérer la croissance de leur entreprise. Le premier cycle, pour les deux programmes, a démarré en septembre 2017. Flat6Labs cible principalement quatre industries, les TIC, l’électronique, les solutions de fa- brication, les technologies vertes, et plus généralement les entreprises qui ont recours à la technologie et à la connaissance dans les domaines de la santé, de l’éducation, des énergies, des transports et des services financiers .54 Flat6Labs Beirut Announces The Launch of Lebanon Seed Fund, Opens Application To Startups,52 communiqué de presse publié par Flat6Labs le 1er mars 2017. Flat6Labs Beirut Launches US$20 Million Seed Fund, Entrepreneur Middle East, 6 mars 201753 (https://www.entrepreneur.com/article/290121). Flat6Labs Beirut Announces The Launch of Lebanon Seed Fund, Opens Application To Startups,54 op. cit. 24
  • 27. Fort de sa présence régionale, le dernier-né des accélérateurs au Liban met en outre l’accent sur l’internationalisation des start-up qui bénéficient de son programme. « Nous voulons aider les entreprises à conquérir les marchés internationaux. Si elles veulent s'installer dans un de nos bureaux en dehors du Liban, nous les aiderons », explique le directeur de Flat6Labs Bei- rut, Fawzi Rahal .55 2. Un marché interne restreint et concurrentiel 2.1. L’internationalisation, un passage obligé La circulaire 331 a eu un effet indéniable sur la multiplication des structures d’accompagne- ment de start-up au Liban. Avant 2013, le pays n’était doté que d’un seul incubateur et n’avait connu qu’une seule expérience d’accélération de start-up avec le « Seeqnce Accelerator Pro- gram 2012 » à laquelle aucune suite ne sera donnée. Il compte aujourd’hui sept structures principales dont une structure régionale, Flat6Labs Bei- rut, ce qui prouve l’attractivité dont peut se targuer désormais le Liban. Toutefois, à l’excep- tion de Berytech et Flat6Labs Beirut, aucune de ces structures n’a plus de trois ans d’exis- tence, et même Berytech n’a pris le chemin de l’accélération qu’à partir de 2014 avec le lan- cement de Speed@BDD. Les incubateurs et accélérateurs de start-up ont donc tous en commun d’être des structures jeunes, et par conséquent peu expérimentées. L’écosystème entrepreneurial libanais dans son ensemble en est à ses balbutiements. « Si 2014 était l'année où les fondations (de l'écosystème numérique) ont été posées, 2015 l'année de la mise en œuvre, 2016 est l'année de la crois- sance. », comme le résume la directrice du bureau exécutif de la BDL, Marianne Hoayek .56 ROSE, Sunniva (23 février 2017), L’accélérateur égyptien Flat6Labs s’installe à Beyrouth, L’O55 - rient-Le Jour. ROSE, Sunniva (4 novembre 2016), op. cit.56 25
  • 28. Les fonds d’investissement se sont d’ailleurs eux aussi multipliés depuis la circulaire 331, acte fondateur de l’écosystème. Le « marché » des incubateurs et accélérateurs en est donc davantage à la phase de démarrage qu’à la phase de croissance. Les acteurs sont relativement nombreux et continuent de grandir en nombre, la concurrence est atomisée. Comme leurs homologues en Europe ou aux États-Unis, les structures d’accompagnement au Liban ciblent les start-up à l’étape d’idée et en phase d’amorçage. Elles remplissent ainsi leur mission première : accompagner les start-up dans les premières étapes de leur vie. Si l’on en croit plusieurs des acteurs concernés, cela s’explique d’autant plus par la nécessité de combler un vide à ce niveau. David Munir, PDG d’AltCity, décrit Bootcamp de la manière suivante : « Il s’agit d’un pro- gramme triennal qui comble un vide en soutenant des projets entrepreneuriaux à un stade très peu avancé » . Said Omar Christidis, PDG d’ArabNet, abonde dans le même sens : « Je crois57 que Flat6Labs Beirut remplira un vide dans le financement de la phase d’amorçage de l’éco- système » . Jihad Bitar, directeur de Smart ESA, présente comme l’un des principaux défis58 auxquels fait face sa structure « le manque d’opportunités d’investissement en early stage » .59 Les entrepreneurs ne sont pourtant pas tous de cet avis : « Les start-up au Liban sont encore confrontées au problème du financement. Malgré les nouvelles mesures et ressources mises à disposition, ce n’est pas encore suffisant car ces financements sont surtout dédiés à la phase de croissance des start-up mais pas encore à la phase de recherche-développement qui est pourtant primordiale pour innover », selon Hady Abdelnour, l’un des fondateurs de Smarke, une start-up très prometteuse du UKLTH .60 C. N. (Mars 2015), op. cit.57 Flat6Labs Beirut Announces The Launch of Lebanon Seed Fund, Opens Application To Startups,58 op. cit. Entretien avec Jihad Bitar, directeur de Smart ESA, mené le 23 octobre 2017.59 Smarke : Des fonds levés en deux jours, Magazine Le Mensuel, Juillet 2017.60 26
  • 29. Si elles se focalisent en grande partie sur les start-up à l’étape d’idée et en phase d’amorçage, c’est aussi parce qu’il n’existe en réalité que très peu de start-up à un stade plus avancé à l’heure actuelle. En effet, la circulaire 331 ne visait pas tant à répondre à un besoin important d’accompagne- ment pour les start-up, encore très peu nombreuses en 2013, qu’à poser les fondements d’un écosystème entrepreneurial numérique en encourageant d’abord la création de structures d’ac- compagnement qui auraient ensuite pour mission d’encourager la création de jeunes pousses. Cette « particularité » libanaise voit donc les incubateurs et accélérateurs du pays obligés en quelques sortes de créer leurs propres « clients » et leur propre « marché », davantage que d’accompagner une tendance déjà existante. C’est pour cette raison, que la grande majorité des structures se contentent très souvent à ce stade d’une idée d’entreprise qu’elles pourront par la suite aider à développer. Comme l’expliquait le UKLTH dans un rapport publié en 2016 : « La culture des startups est relativement nouvelle au Liban. Les premières start-up, qui sont apparues en 2010, étaient principalement des répliques d'initiatives lancées dans d’autres pays. Les start-up avec des idées originales, telles que Instabeat et Instabug, sont apparues en 2012 » . En 2016, le Liban61 comptait au total 192 start-up, selon ArabNet .62 C’est également pour cette raison que les formations et les ateliers de sensibilisation en lien avec l’entrepreneuriat, organisés par ces dernières, se multiplient. Le fait que les entreprises technologiques soient largement minoritaires est aggravé par la concentration des structures d’accompagnement dans Beyrouth et sa périphérie. Les autres régions en sont dépourvues bien qu’il existe des structures locales, comme le « Lebanon Science and Technology Park » (LSTP) installé dans la deuxième ville du pays, Tripoli, dans The Future of Lebanon’s Knowledge Economy, UK Lebanon Tech Hub, Juin 2016.61 RIACHI, Soraya (13 juin 2016), op. cit.62 27
  • 30. le Liban-Nord. Si la superficie du Liban est limitée, le coût de la vie à Beyrouth est rédhibi- toire pour beaucoup d’entrepreneurs résidant en province. Victor Mulas, chargé d’operations à la Banque mondiale, assure pourtant que l'écosystème gagnerait à étendre sa portée au-delà de Beyrouth : « Il est principalement concentré dans la ville avec peu de contribution du reste du pays, et par conséquent, il se prive de talents poten- tiels, de diversité et d’impact » . Conscient de ce problème, le PDG de Berytech a annoncé63 que son incubateur ouvrirait un quatrième centre à Amchit, dans la région du Mont-Liban, fin 2018 .64 À terme, si cette stratégie ne produit pas les résultats escomptés en termes de création de start- up, de levées de fonds post-incubation ou post-accélération, mais également d’exit, ce pro- blème que l’on pourrait qualifier de structurel risquerait de menacer la survie des structures d’accompagnement. L’une des conséquences directes de la jeunesse du marché est la nécessité évidente pour les structures d’accompagnement de nouer des partenariats avec de grands acteurs internationaux : le réseau EBN pour Berytech, et le gouvernement néerlandais pour son pro- gramme Agrytech, la Silicon Valley pour Speed@BDD, l’UNICEF pour le programme Ele- vate d’AltCity, le gouvernement britannique pour le UKLTH et l’Ambassade de France, au Liban, l’agence Paris&Co et la CCI de la région Paris Île-de-France pour Smart ESA. Flat6- Labs peut quant à lui compter sur sa solide présence régionale. Si elles ont besoin de l’expertise de ces différents organismes pour se développer plus rapi- dement et plus efficacement, ces partenariats sont également déterminants pour assurer l’in- ternationalisation des start-up qu’elles accompagnent. Plus qu’une opportunité, celle-ci constitue pour un pays comme le Liban, dont le marché interne est très limité, un impératif. Ces partenariats, véritable valeur ajoutée des structures d’accompagnement, ouvrent aux start- MULAS, Victor (18 janvier 2017), Is Lebanon’s startup ecosystem sustainable?, Executive Maga63 - zine. Discours prononcé par Maroun Chammas, président de Berytech, à l’occasion de la finale du64 concours « Femme Francophone Entrepreneure 2017 » le 27 septembre 2017. 28
  • 31. up les marchés européen et américain, mais aussi régional dans le cas notamment de Flat6- Labs, et leur offrent un précieux réseautage pour accélérer leur développement. Selon l'Autorité de développement des investissements au Liban (IDAL), 76% des dévelop- peurs de logiciels, 67% des développeurs de sites et 65% des développeurs d'applications In- ternet libanais exportent leurs services. La majorité de ces exportations se fait vers vers la zone MENA (51,7% en 2015), tandis que le marché nord-américain absorbe 22,4% de ces dernières . L’internationalisation des start-up est donc vitale. Les structures d’accompagne65 - ment l’ont bien compris et continuent de développer des partenariats internationaux pour fa- voriser cette ouverture. Pour faciliter la pénétration du marché canadien, porte d’entrée privilégiée vers les États-Unis pour les entreprises libanaises, Berytech s’est associé en 2016 à l'Association libano-cana- dienne des technologies de l’information. De ce partenariat est né le « Bridge To Innovation » (B2i), ou « Pont vers l'innovation », un programme de formation et de réseau- tage. De son côté, le UK Lebanon Tech Hub a signé en novembre 2016 un accord de partenariat avec l'incubateur américain 1776, le premier à s’être installé dans la région en ouvrant une antenne à Dubaï, afin d'aider ses meilleures start-up à pénétrer les marchés du Golfe, et à terme les marchés internationaux, à travers un programme d’accélération de trois mois .66 L’accélérateur libano-britannique offre également la possibilité à ses start-up les plus promet- teuses de participer à un programme à Londres. Speed@BDD, quant à lui, sélectionne les meilleures de ses start-up pour les envoyer à la Sili- con Valley, rencontrer les experts du secteur technologique et développer des partenariats in- ternationaux. Smart ESA en fait de même à travers les « business matching trips » qu’il orga- nise en France et dans le monde pour ses start-up. ROSE, Sunniva (5 mai 2016), Quand des start-up libanaises cherchent, au Canada, un pont vers65 l’Amérique, L’Orient-Le Jour. L'UKLTH et 1776 lancent un programme à Dubaï pour les start-up libanaises, L’Orient-Le Jour, 2266 novembre 2016. 29
  • 32. « Le Liban est un marché prometteur mais aussi un formidable tremplin commercial vers les marchés de la région, comme le Kurdistan, les pays du Golfe, ou vers des marchés complexes au-delà de l'espace régional, certains pays d'Afrique notamment », relevait l’ancien secrétaire d'État français au Commerce extérieur, au Tourisme et aux Français de l’étranger, Matthias Fekl, lors d’un déplacement à Beyrouth visant notamment à soutenir Smart ESA .67 2.2. La différenciation, clé de la survie des structures d'accompagnement La conjoncture et la segmentation actuelles du marché contraignent les différent acteurs à adopter plus ou moins la même stratégie de ciblage, ce qui risque de devenir problématique surtout si le nombre de structures d’accompagnement continue de croître sans que le nombre de start-up évolue de manière significative. Si la logique concurrentielle ne s’applique que très peu les incubateurs, elle s’imposera inévitablement aux accélérateurs dont le modèle éco- nomique s’appuie sur la rentabilité des start-up accompagnées. On constate par ailleurs qu’il arrive parfois qu’une même start-up participe à plusieurs pro- grammes d’accompagnement. C’est notamment le cas de deux start-up ayant rejoins le pro- gramme d’accélération du UKLTH après être passées par Speed@BDD . Si rien ne l’interdit,68 cela démontre que le nombre de start-up demeure faible. Il peut également s’agir d’un signal inquiétant lorsque certaines start-up participent à plusieurs programmes d’incubation et d’ac- célération sans passer à l’étape supérieure, celle de la première véritable levée de fonds (série A). Les accélérateurs se transformeraient alors en mini fonds d’investissement et s’éloigne- raient de leur vocation première qui consiste à accompagner les start-up sur le chemin de la croissance. Victor Mulas de la Banque mondiale, en soulignant le risque de « bulle », déclare : « Quand je vois les mêmes start-up passer d'un programme de soutien à un autre sans se transformer en entreprises financées et durables, et les mêmes fondateurs de start-up participer à tous les événement de l’écosystème, je ne peux m'empêcher de me demander quelle part de la crois- Fekl : Le Liban est un formidable tremplin vers les marchés de la région, L’Orient-Le Jour, 29 sep67 - tembre 2016. Two Speed@BDD Startups in UKLTH’s Program, speedlebanon.com, 7 juin 2016 (http://speedle68 - banon.com/two-speedbdd-startups-uklths-international-program/). 30
  • 33. sance atteinte ces dernières années est durable et combien l'écosystème peut-il encore croître » .69 Si l’on en croit les responsables concernés, la tendance pousserait plutôt à l’optimisme. « Quatre start-up (de la première promotion) négocient un investissement, tandis que l'une d'entre elles est évaluée à 20 fois sa valeur avant sa participation à l'accélérateur », selon le PDG de Speed@BDD, Sami Abou Saab. Même son de cloche du côté de la chargée de com- munication du UKLTH, Lama Zaher : « Trois participants ont déjà conclu un accord avec des investisseurs, et cinq à six d'entre eux sont en phase de négociations » .70 Pour toutes les raisons évoquées plus haut, les stratégies de différenciation adoptées par les différents acteurs sont déterminantes. « Il y a trois ans, Berytech était l’un des rares acteurs à soutenir les entrepreneurs libanais. Aujourd’hui, les acteurs sont nombreux, d’où la nécessité pour Berytech de préciser sa proposition de valeur (« value proposition ») et de s’adapter », reconnaît son directeur général adjoint . Les structures d’accompagnement doivent égale71 - ment rivaliser avec leurs homologues régionaux, comme le jordanien Oasis 500 ou l'émirati i360accelerator. Si elles n’ont pas toutes développé, comme nous avons pu le voir, les mêmes spécialités au niveau des services qu’elles proposent, cela ne suffit toutefois pas à les différencier suffisam- ment les unes des autres. D’autant plus que, dans leur grande majorité, elles proposent plus ou moins les mêmes types de service aux mêmes types de start-up. Elles doivent donc parvenir à se démarquer en se spécialisant dans certains secteurs ou en investissant des « niches ». MULAS, Victor (18 janvier 2017), op. cit.69 RIACHI, Soraya (15 avril 2016), Un bilan d’étape encourageant pour les accélérateurs ?, L’Orient-70 Le Jour. Entretien avec Ramy Boujawdeh, directeur général adjoint de Berytech, mené le 2 octobre 2017.71 31
  • 34. Figure 2 : Les différentes spécialités des structures d’accompagnement au Liban Seul véritable incubateur au Liban et premier de la région à obtenir le label BIC pour incuba- teurs, Berytech, qui est la seule structure créée avant 2013 et l'émission de la circulaire 331, jouit de l’expérience et de la présence la plus longue ce qui constitue un atout important par rapport à ses « concurrents ». Il est également à l'initiative du premier accélérateur du pays : Speed@BDD. Ce dernier s’est spécialisé dans l’accompagnement de start-up à forte composante technologique et ne recrute que des start-up co-fondées par des experts techniques. Il peut en outre accélérer leur internationalisation et leur développement en leur offrant la possibilité de participer à une phase d’accompagnement supplémentaire au sein de la Silicon Valley. Si Berytech a fait le choix d’initier cet accélérateur, c’est très probablement pour s’adapter à la tendance mondiale qui voit les incubateurs traditionnels s’effacer progressivement au profit de ces nouvelles structures. Depuis l’émission de la circulaire 331, aucun incubateur n’a vu le 32
  • 35. jour à l’exception notable de Smart ESA, qui n’est toutefois pas un incubateur à proprement parler. D’ailleurs, les programmes d’incubation proposés par Berytech et Smart ESA s’apparentent davantage à des programmes d’accélération renforcés, du fait notamment de l’évolution du rôle des accélérateurs, qui se confond de plus en plus avec celui des incubateurs, et de la du- rée de ces programmes qui est supérieure à celle des programmes d’accélération, caractérisés par la brièveté de leurs cycles, mais inférieure à celle des programmes d’incubation clas- siques. Berytech est le seul à disposer de plusieurs sites à travers le Liban (ils seront au nombre de quatre à l’horizon 2018) ce qui lui procure une valeur ajoutée indéniable lorsqu’on connait l’importance des espaces de co-working dans le développement des start-up. En effet, ses es- paces de cotravail se sont avérés être des facteurs déterminants dans le succès de deux de ses start-up phares, ElementN et Dermandar .72 En lançant le premier accélérateur spécialisé du Liban, Agrytech, Berytech a décidé d’aborder un secteur encore délaissé par les structures d'accompagnement, à savoir l’agriculture et l’agro-alimentaire. Cette niche de marché ne représente que 6 % des entrepreneurs libanais73 mais est prometteuse, et Agrytech a l’avantage d’être le seul à s’être positionné sur ce seg- ment. « L’agro-alimentaire est un secteur prometteur. Il s’agit d’un secteur de niche, pas seulement au Liban mais dans le monde entier », selon le directeur général adjoint de Bery- tech .74 Agrytech a obtenu le Prix « Programme entrepreneurial de l’année » décerné par Lebanon Opportunities en 2017. Berytech a également inauguré un Fab Lab le 4 octobre 2017, auquel les start-up accompagnées par Agrytech peuvent accéder gratuitement. JAMALI, Dima et LANTERI, Alessandro (2015), op. cit.72 Selon un rapport publié en 2015 par le Global Entrepreneurship Monitor (GEM) en partenariat73 avec le UKLTH (Cf. RIACHI, Soraya (16 septembre 2016), Le Liban parmi les champions du monde de l’entrepreneuriat, selon une étude, L’Orient-Le Jour). Entretien avec Ramy Boujawdeh, directeur général adjoint de Berytech, mené le 2 octobre 2017.74 33
  • 36. Berytech s'est également positionné sur le segment des femmes entrepreneures en organisant depuis 2011, avec l'Agence universitaire de la Francophonie, le concours « Femme Franco- phone Entrepreneure ». Cela peut s'avérer d'autant plus stratégique que les femmes ne repré- sentaient que 25 % de la population active en 2010, selon un rapport sur les inégalités de genre publié par le Forum économique mondial , et ne contrôlent que 30% des entreprises75 dans le monde . La marge de progression est donc importante.76 De plus, les femmes créeraient deux fois plus d’entreprises que les hommes à l’échelle mon- diale et, aux États-Unis, les entreprises dirigées par des femmes ont une croissance 1,5 fois77 plus rapide que les autres petites entreprises . Selon les résultats de l’enquête « Global Entre78 - preneurship Monitor » menée auprès de 51 économies, le taux d’entrepreneuriat chez les femmes a augmenté en moyenne de 10 % entre 2015 et 2016 (et uniquement de 5 % chez les hommes) . « Le soutien inconditionnel à l’entrepreneuriat des femmes est un devoir si nous79 voulons prétendre à une meilleure performance économique », a déclaré le PDG de Bery- tech .80 À travers ce concours, qui permet aux lauréates de bénéficier d'une incubation de six mois, Berytech mise également sur la francophonie. En effet, si la situation de cette dernière au Li- ban fait débat, il s'agit d'un facteur de différentiation dans un écosystème très largement do- miné par l’anglais. D’autant plus que comme l’expliquait la Secrétaire générale de la Franco- phonie, Michaëlle Jean, lors de la finale de l’édition 2016 du concours « Femme Francophone AL-ATTAR, Sahar (26 octobre 2010), Parité homme-femme : Le Liban au 116ème rang mondial, Le75 Commerce du Levant. LEADEM, Rose (27 novembre 2016), Female Entrepreneurship Is on the Rise, Entrepreneur76 Middle East (https://www.entrepreneur.com/article/285656). DERVILLE, Claire (7 juillet 2015), Les femmes entrepreneures, « le premier marché émergent du77 monde », France 24 (http://www.france24.com/fr/20150706-femmes-chef-entreprise-entrepreneure- marche-emergent-afrique-economie-emploi-berlin). LEADEM, Rose (27 novembre 2016), op. cit.78 POFELDT, Elaine (28 février 2017), Why women entrepreneurs will be the economic force to re79 - ckon with in 2017, CNBC.com (https://www.cnbc.com/2017/02/28/why-women-entrepreneurs-will- be-economic-force-to-reckon-with-in-2017.html). Discours prononcé par Maroun Chammas, président de Berytech, à l’occasion de la finale du80 concours « Femme Francophone Entrepreneure 2017 » le 27 septembre 2017. 34
  • 37. Entrepreneure » : « La Francophonie économique, c'est un marché de près de 800 millions de personnes. Des portails et des débouchés stratégiques sur les cinq continents. Un vaste réser- voir de ressources humaines de grande qualité et de grande volonté, notamment des jeunes et des femmes qui sont des forces vives incontournables » .81 L’engagement de l’incubateur en faveur de la francophonie fera dire au directeur régional de l’Agence universitaire de la Francophonie au Moyen-Orient, Hervé Sabourin : « Berytech a un pied ancré dans la francophonie puisqu’il a été initié par l’Université Saint-Joseph de Bey- routh. C’est un partenaire naturel de l’AUF et notre collaboration est exemplaire et s’étend à plusieurs domaines » .82 Autre cible de l’incubateur : les technologies vertes. « Encourager les technologies propres n'est pas un choix, c'est une priorité », affirme Maroun Chammas, PDG de Berytech, qui sou- tient déjà plusieurs start-up œuvrant dans ce domaine . L’objectif étant de leur donner un ac83 - cès aux marchés internationaux à travers des partenaires comme la « Cleantech » suisse. Flat6Labs Beirut s’est également positionné sur ce segment en en faisant une de ses priorités lors de son recrutement. AltCity, quant à lui, a une très forte culture de la formation et un réseau solide qui lui permet de faire appel aux leaders de l’écosystème pour assurer des formations de qualité à ses start- up et les accompagner dans le renforcement de leurs capacités .84 Avec ses deux programmes Elevate SoUK.LB, il est le mieux positionner sur le segment pro- metteur de l’entrepreneuriat social. Selon Wyne et Houry (2013) : « Dorénavant, si vous pre- nez n’importe quelle compétition de business plan en Égypte, au Liban ou au Maroc, vous OUAZZANI, Kenza (29 septembre 2016), Les femmes francophones à l’assaut de l’entrepreneuriat,81 L’Orient-Le Jour. Entretien avec Hervé Sabourin, directeur régional de l’Agence universitaire de la Francophonie au82 Moyen-Orient, mené le 12 octobre 2017. RIACHI, Soraya (22 avril 2016), Opération séduction de la « Cleantech » suisse au Liban, L’Orient-83 Le Jour. JAMALI, Dima et LANTERI, Alessandro (2015), op. cit.84 35
  • 38. serez agréablement surpris de voir que 20 à 30 pour cent d’entre eux concernent des entre- prises sociales » .85 Samer Sfeir (2015) explique cette tendance de la manière suivante : « Avec l’augmentation des business plan responsables et une demande croissante en faveur d’un changement social dans la région, les investisseurs aussi commencent à placer leurs mises sur des investisse- ments à caractère social » . La mise en place de programmes d’accélération spécifiques,86 comme ceux mis en place par AltCity, vise à répondre à ce regain d’intérêt. Avec un portfolio valorisé à plus de dix millions de dollars et 83 start-up accélérées en 2016, Bootcamp d’AltCity a été classé troisième programme d’accélération le plus actif du Moyen- Orient et d’Afrique par Gust. Le UKLTH arrive dixième avec 25 start-up accompagnées .87 Ce dernier dispose d’un puissant réseau d’experts et de partenaires et offre à ses start-up liba- naises un accès privilégié au marché britannique, notamment à travers les stages qu’il orga- nise à Londres. Le UKLTH a identifié en 2016, dans son rapport « The Future of Lebanon's Knowledge Eco- nomy », trois secteurs de niches très porteurs dans lesquels le Liban a, toujours selon le rap- port, un fort potentiel d’innovation. Il s’agit de la FinTech, du bien-être et du secteur créatif (« Software as a Service », technologies numériques et Internet des objets) . Suite à ces88 conclusions, le UKLTH a décidé de privilégier les start-up qui abordent l’un de ces trois sec- teurs, sans pour autant fermer la porte aux autres secteurs de l’économie de la connaissance. L’accélérateur libano-britannique s’est spécialisé dès sa création dans la recherche et publie régulièrement des rapports sur l’écosystème numérique au Liban, en s’appuyant sur son ré- seau d’experts britanniques et libanais et sur des partenariats avec d’autres organismes comme Cité dans JAMALI, Dima et LANTERI, Alessandro (2015), op. cit.85 JAMALI, Dima et LANTERI, Alessandro (2015), op. cit.86 Middle East & Africa Accelerator Report 2016, Gust, 31 juillet 2017.87 The Future of Lebanon's Knowledge Economy, op. cit.88 36
  • 39. la Banque mondiale. Cela lui permet d’identifier, avant les autres accélérateurs, les tendances du secteur et de se positionner en conséquence. Pour renforcer ses capacités dans le domaine de la recherche, le UKLTH héberge depuis février 2017 un centre de recherche international financé à hauteur de 3,2 millions de dollars par le gouvernement britannique .89 La société suisse Seedstars a élu le programme Nucleus du UKLTH « Meilleur programme d’incubation des pays émergents », parmi 44 autres initiatives similaires dans le monde, no- tamment aux Emirats arabes unis, en Inde et en Egypte. L’un des critères retenus pour établir ce classement, était la valorisation des start-up accompagnées. Celles du UKLTH sont valori- sées à 1,62 million de dollars en moyenne, contre 1,21 million de dollars par start-up pour l'Argentin Eklos, classé deuxième, et 1,15 million pour l'Indien ISME ACE Fintech qui clôt le podium .90 Smart ESA, seule structure hybride au Liban, proposant à la fois des programmes d'accéléra- tion et d’incubation, offre à ses start-up un accès privilégié aux marchés français et européen, grâce notamment à ses partenariats avec les grands acteurs de l’écosystème numérique fran- çais. Il a également l’avantage d’être adossé à une Grande école de commerce prestigieuse, l’École Supérieure des Affaire, qui forme une grande partie des cadres du Liban et du Moyen- Orient. Il bénéficie également du puissant réseau de celle-ci qui lui permet de faire appel plus facilement à des formateurs internationaux de haut niveau et de bénéficier de l’expertise de son corps professoral dans les domaines liés à l’entrepreneuriat. « Smart ESA est une entité de l’ESA Business School. Nous cherchons donc surtout a formé des start-up qui n’ont pas de compétences dans le domaine des affaires, en leur donnant des formations et du coaching dans ce qu’on appelle les « fonctions horizontales » : stratégie, res- sources humaines, finance, etc. L’idée est de miser sur le savoir-faire de l’ESA et l’expertise Investissement britannique de 3 millions de dollars dans un centre de recherche technologique, L’O89 - rient-Le Jour, 22 février 2017. Seedstars récompense Nucleus, le programme d’accélération lancé par UK Lebanon Tech Hub, Le90 Commerce du Levant, 5 octobre 2017. 37
  • 40. entrepreneuriale de Smart ESA pour accélérer le développement des start-up et développer leur savoir-faire entrepreneurial et managérial », explique le directeur de Smart ESA .91 Cette structure se différencie aussi des autres accélérateurs par la gratuité de ses programmes et par le fait qu’il ne prenne aucune participation dans le capital des start-up bénéficiaires. Ses futurs locaux de 3000 m2, situé sur le campus de l'ESA dans le quartier beyrouthin de Cle- menceau, feront de lui l’un des plus grands centres dédiés à l’accompagnement de start-up du pays. Flat6Labs est la seule structure régionale a s’être implantée au Liban. Sa présence dans cinq pays de la région MENA constitue un avantage concurrentiel certain en conférant à ses start- up des relais dans ces pays et en leur apportant sa connaissance du marché régional. Il leur offre également la possibilité de rejoindre un de ses sites dans la région. Cet accélérateur a de plus fait le choix de structurer son fonds d’investissement en société à capital variable pour se différencier des autres fonds. « Cela nous permet de changer la taille de notre capital sans payer de frais importants et oblige également les banques à vraiment dé- bourser les sommes qu'elles se sont engagées à investir », explique le directeur de Flat6Labs Beirut, Fawzi Rahal .92 Speed@BDD, le UKLTH et Flat6Labs offrent un financement direct aux start-up, contraire- ment à AltCity et Smart ESA, ce qui peut s'avérer très intéressant pour des entrepreneurs dé- pourvus de ressources financières. Mais ils le font, comme nous l'avons vu, en contrepartie d'une prise de capital, ce qui n'est pas le cas de Smart ESA. Les start-up qui disposent d'un premier capital, issu souvent de la « love money » (capital constitué auprès de la famille et des proches), préféreront ne pas souscrire à cette condition. Ils rechercheront davantage un accompagnement adapté à leurs besoins et surtout du réseautage et une mise en relation avec des investisseurs potentiels, auprès desquels ils pourront lever des centaines de milliers, voire des millions, de dollars. Entretien avec Jihad Bitar, directeur de Smart ESA, mené le 23 octobre 2017.91 ROSE, Sunniva (23 février 2017), op. cit.92 38
  • 41. De plus, les financements apportés par les accélérateurs du pays ne dépassent pas les 50 000 dollars alors que la prise de participation de certains d’entre eux est élevée, 10 % pour Speed@BDD et jusqu’à 13 % pour Flat6Labs. À titre de comparaison, l’accélérateur améri- cain Y Combinator, qui est le premier à avoir mis en place ce modèle et qui investit 120 000 dollars dans chacune de ses start-up, n’exige en retour que 7 % de leur capital. Cette diffé- rence peut toutefois se comprendre étant donné que l’écosystème libanais en est encore à ses débuts, les risques sont donc très importants et les résultats très incertains, et les potentialités de développement des start-up libanaises sont nettement inférieures à celles de leurs homo- logues américaines. Cela étant dit, l’une des forces de Speed@BDD réside dans sa capacité d’investissement. Dans le top 10 des accélérateurs du Moyen-Orient et d’Afrique 2016 de Gust, classés selon le capital qu’il ont investi en 2016, il occupe ainsi la sixième place avec 360 000 dollars inves- tis . Speed@BDD est également spécialisé dans l’accompagnement de start-up à forte com93 - posante technologique et dispose d’une expertise importante dans ce domaine qui lui permet d’accélérer le développement des produits technologiques innovants. La phase d’accélération au sein de la Silicon Valley qu’il propose est enfin très attractive aux yeux des start-up liba- naises. Pour ce qui est de la première levée de fonds, il existe deux modèles de financement pour les start-up accompagnées. Berytech, et donc Agrytech, Speed@BDD et Flat6Labs disposent de leurs propres fonds d’investissement ou entretiennent des liens étroits avec les fonds qui les financent. Ils peuvent donc fournir aux start-up qu’il jugent suffisamment matures un accès facilité aux financements. Tandis que le UKLTH, Smart ESA et AltCity jouent un rôle d’in- termédiaire entre leurs start-up et les investisseurs. Middle East & Africa Accelerator Report 2016, op. cit.93 39
  • 42. 3. L’écosystème numérique libanais, entre grandes ambitions et problèmes structurels 3. 1. Des obstacles importants à surmonter À la taille réduite du marché libanais, d’autres obstacles au développement des start-up, et par extension des structures d’accompagnement, viennent s’ajouter. Au niveau des infrastructures, le taux de pénétration de la téléphonie mobile au Liban est « l'un des taux les plus bas de la région », comme le relevait la Banque mondiale dans un rap- port publié en 2016 et la qualité de la connexion Internet demeure médiocre malgré une94 amélioration récente (sa vitesse a atteint les 4 Mbit/s en août 2017 - aux Émirats arabes unis,95 elle atteint les 24 Mbit/s et en France les 54 Mbit/s ).96 Les coûts de la téléphonie mobile et de la connexion Internet demeurent en outre très élevés. Cet état de fait pénalisent particulièrement les jeunes entreprises qui ont plus de mal à assu- mer ces frais supplémentaires, mais également les structures d’accompagnement : « Nous payons énormément d’argent pour fournir une connexion Internet de qualité à nos entrepre- neurs », confie le directeur général adjoint de Berytech .97 Il existe également un problème lié aux ressources humaines, du fait qu’il existe au Liban une main-d’oeuvre « bien éduquée et bien qualifiée, avec un flux constant de nouveaux diplômés à travers plusieurs disciplines » qui se voit cependant proposer des salaires nettement infé98 - rieurs à ceux proposés en Europe, aux États-Unis, mais également à Dubaï, pour des postes RIACHI, Soraya (13 juin 2016), op. cit.94 GHANEM, Rania (11 août 2017), Service providers reduce Internet charges 50 percent: Higher95 speeds, larger capacity, Businessnews.com.lb, (http://www.businessnews.com.lb/cms/Story/StoryDe- tails.aspx?ItemID=6187). Speedtest Global Index, Août 2017 : http://www.speedtest.net/global-index96 Entretien avec Ramy Boujawdeh, directeur général adjoint de Berytech, mené le 2 octobre 2017.97 Selon un rapport publié en 2015 par le Global Entrepreneurship Monitor (GEM) en partenariat98 avec le UKLTH (Cf. RIACHI, Soraya (16 septembre 2016), op. cit.). 40
  • 43. similaires. Cette situation est aggravée par un autre phénomène : la croissance rapide d’un secteur technologique en pleine expansion. « Du fait de sa jeunesse, le secteur croît plus vite que la base de talents et d'expérience néces- saires à son développement. La concurrence va donc s'intensifier dans la région en termes de ressources humaines. En grandissant, les start-up libanaises auront de plus en plus de mal à attirer des salariés compétents, étant donné le niveau des rémunérations au Liban. Si elles veulent devenir compétitives par rapport à leurs rivales du Golfe, elles devront donc revoir à la hausse le niveau des salaires et disposer pour cela des fonds nécessaires », selon Omar Christidis, PDG d’ArabNet .99 Même son de cloche du côté de Lama Zaher, directrice des opérations au UKLTH, selon la- quelle trouver des talents répondants aux besoins actuels du marché, notamment du secteur des TIC, est l’une des principales difficultés auxquelles sont exposés les accélérateurs de start-up : « Il s’agit d’un secteur encore très nouveau et la demande est de plus en plus grande pour une main-d'œuvre hautement qualifiée avec des compétences techniques spécialisées » .100 Conséquence directe de ce manque de ressources humaines, Speed@BDD, par exemple, n’ar- rive pas toujours à atteindre son quota de dix start-up par promotion. Lors du recrutement de sa dernière promotion, l’accélérateur a accueilli neuf start-up, ce qui fera dire à son PDG : « Ce résultat est meilleur que pour les précédentes promotions mais nous n’avons pas encore suffisamment de bonnes start-up » .101 « Il est encore très difficile de trouver de bons directeurs techniques (CTO) et de bons experts en technologie dans des segments très spécialisés comme l’intelligence artificielle ou la cryp- NÊME, Cyrille (18 mars 2015), Économie numérique : « Pour être compétitif, le Liban doit offrir de99 meilleurs salaires », L’Orient-Le Jour. Entretien avec Lama Zaher, directrice des opérations du UK Lebanon Tech Hub, mené le 28 sep100 - tembre 2017. DAOUD, Marie-José (23 mai 2017), Lebanon’s Circular 331: The birth of an industry, wamda.101 - com, (https://www.wamda.com/2017/05/lebanons-bdl-circular-birth-industry). 41
  • 44. tographie », selon Paul Chucrallah, directeur du Berytech Fund II . Il est rejoint par le direc102 - teur de Smart ESA pour qui le manque de personnes qualifiées et de développeurs constitue le principal défi auquel font face les structures d’accompagnement .103 Pour tenter de répondre à cette difficulté, des formations spécialisées pour les ingénieurs sont mises en place, notamment à travers des écoles de codage, comme SE Factory qui propose des formations de trois mois aux développeurs. Ces initiatives ne pourront toutefois pas assu- rer une solution pérenne à ce problème qui requiert un changement structurel. Ce problème est de plus aggravé par une fuite des cerveaux selon un rapport publié en 2016 par le UKLTH : « Nos recherches sur le terrain montrent que le Liban perd souvent ses ingé- nieurs et développeurs les plus talentueux au bénéfice d'autres écosystèmes. Le pays se re- trouve face à un défi majeur qui pourrait entraver sa croissance et sa participation à l'écono- mie de la connaissance : le manque de formations techniques et professionnelles » .104 De ce déficit de ressources humaines découle un autre problème qui lui est étroitement lié, celui du nombre réduit de porteurs de projet de start-up. Il existe en effet au Liban un paradoxe entre l’importance des financements disponibles et le nombre de start-up ou de projets de start-up qui demeure relativement faible. Si la BDL cherche à remédier à ce déséquilibre, à travers la mise en oeuvre de sa circulaire 331, la situa- tion ne semble pas avoir profondément évolué depuis 2013. Ainsi, selon le PDG de Speed@BDD, le principal défi pour sa structure est de trouver des start-up de grande qualité comptant dans leurs équipes un expert technique : « Les experts techniques sont très difficiles à trouver au Liban » .105 Ibid.102 Entretien avec Jihad Bitar, directeur de Smart ESA, mené le 23 octobre 2017.103 The Future of Lebanon’s Knowledge Economy, op. cit.104 Entretien avec Sami Abou Saab, PDG de Speed@BDD, mené le 3 octobre 2017.105 42
  • 45. « Paradoxalement, il n'a jamais été plus facile pour les innovateurs ambitieux de démarrer leurs propres entreprises. En fait, il y a plus d'argent pour la recherche de projets innovants que de projets innovants à la recherche de financement », relève Samer Azar, cofondateur et chef des finances d’AltCity .106 « Il reste encore un décalage important entre l'abondance de l'offre de financements et le flux de « deals » conclus. D'où l'importance des investisseurs et des structures d'accompagnement pour aider les start-up à gagner en maturité et réduire ce décalage », estime quant à lui Walid Mansour, associé gérant du fonds d’investissement MEVP , soulignant au passage le rôle107 primordial des structures d’accompagnement de start-up dans cette phase de maturation. Dans un entretien avec Youmna Ovazza publié sur son blog, Nicolas Rouhana, directeur géné- ral d’IM Capital, affirme : « S’il n’y a pas assez d’opportunités, qu’est-ce qu’on fait ? Il faut créer ces opportunités, il faut qu’il y ait des projets, c’est pour cela qu’on est dans ces pro- grammes de seed accelerator, pour justement inciter et avoir du deal flow » .108 Autre frein important, l’environnement des affaires est loin d’être propice au développement des entreprises technologiques, notamment en raison de l'instabilité politico-sécuritaire, des coupures fréquentes d’électricité, de la corruption quasi-généralisée et d’une législation fluc- tuante. Un rapport du UKLTH de 2016 pointait le fait que le régime fiscal et réglementaire libanais est désuet et ne répond pas aux besoins de l’économie de la connaissance . « En s'installant109 à Beyrouth, les start-up s'exposent à des risques liés à la protection de la propriété intellec- tuelle. Le cadre réglementaire ne les protège pas et les tribunaux libanais ne sont pas compé- AZAR DOUGLAS, Roula (16 septembre 2016), Grand sommet sur les start-up à l’Esa, L’Orient-106 Le Jour. ROSE, Sunniva (4 novembre 2016), op. cit.107 OVAZZA, Youmna (1er octobre 2015), Innovation digitale au Liban : interview avec Nicolas Rou108 - hana, Insure & Match Capital, Butter Cake (http://www.butter-cake.com/2015/10/01/innovation-digi- tale-au-liban-interview-nicolas-rouhana-insure-match-capital/). The Future of Lebanon’s Knowledge Economy, op. cit.109 43
  • 46. tents en la matière », relève en outre Walid Hanna, cofondateur et PDG de Middle East Ven- ture Partners (MEVP) .110 Le cadre règlementaire complique en outre le recrutement des start-up. « Les meilleurs déve- loppeurs du monde sont Indiens et nous ne pouvons pas les faire venir au Liban parce qu'ils peuvent uniquement obtenir un visa de travailleur domestique », explique Sami Abou Saab de Speed@BDD .111 Il ajoute que le cadre administratif, logistique et légal, ainsi que les procédures douanières, ne permettent pas de soutenir l’écosystème numérique. L’absence de loi sur la faillite complique en outre la fermeture d’une société au Liban. « Nous avons également besoin des infrastruc- tures de base : électricité courante, Internet haut débit, routes de bonne qualité ». Enfin, tou- jours selon lui, « l’instabilité politico-sécuritaire n’incite pas les investisseurs à prendre des risques, il faut donc sensibiliser aux nombreux avantages des programmes d’accélération » .112 Une difficulté supplémentaire réside dans la surreprésentation des sociétés familiales, qui « peut limiter l'approvisionnement en fonds pour les start-up, car l'incapacité de rendre l'ar- gent investi ne peut pas être considérée comme une option » .113 Sur un autre plan, alors que la BDL garantit 75 % des fonds investis dans les start-up, les banques libanaises se montrent encore réticentes à franchir le pas. Cette mesure incitative n’a pas suffit à rendre moins frileuses les banques du pays, connues pour leur aversion au risque et aucune banque étrangère n’a investi dans le cadre de la circulaire 331 . Pourtant, la mise114 en place d’un écosystème entrepreneurial numérique suppose une prise de risque importante des différentes parties prenantes. Les structures d’accompagnement en prennent de plus en OUAZZANI, Kenza (30 juin 2017), Économie numérique : Beyrouth a encore du chemin pour rat110 - traper Dubaï, L’Orient-Le Jour. DAOUD, Marie-José (23 mai 2017), op. cit.111 Entretien avec Sami Abou Saab, PDG de Speed@BDD, mené le 3 octobre 2017.112 RIACHI, Soraya (16 septembre 2016), op. cit.113 CHOUCAIR, Nadim et FLYNN, Thomas, (Février 2017), op. cit.114 44