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Fernandez Andréa
Mémoire de Médiation Culturelle
2009 / 2010
Théâtre, Internet et Démocratisation
Evolution des supports et des stratégies de communication des
théâtres par Internet et démocratisation culturelle
Sous la direction de :
Madame Bertho-Lavenir
2
Introduction
Les théâtres, à l’image de toute entreprise, établissent des stratégies de
communication, qui sont amenées à évoluer avec l’apparition de nouveaux supports. Le
développement d’Internet, aussi bien dans les usages des particuliers que dans les
usages professionnels, favorise l’émergence de nouvelles pratiques culturelles.
Depuis la démocratisation d’Internet, à la fin des années 1990, les théâtres ont
commencé à travailler leur présence sur le web, et à diffuser leurs informations à grande
échelle (1 200 000 000 de personnes ont accès à Internet et environ 300 millions
d’internautes s’expriment régulièrement ou produisent du contenu1
). Internet est
désormais devenu une source inévitable d’information, et les amateurs de théâtre ont
affaire à une offre considérable de sites spécialisés. Le seul ordinateur et sa connexion
Internet permet de voir la programmation actuelle d’un lieu (via les sites
institutionnels), de recenser des critiques aussi bien professionnelles qu’amateurs sur
une pièce (via les sites communautaires, ou les blogs), et de visionner des vidéos de
bande annonce (ou Teaser) sur des sites comme Youtube ou Dailymotion. Du côté de
l’offre, ces nouveaux supports permettent de mieux cibler les publics, de façon inter-
individuelle, interactive et plus ludique. Du côté de la réception, cette facilité
d’information permet aux spectateurs de mieux choisir les pièces susceptibles de les
intéresser.
Nous sommes donc amenés à nous demander, dans quelle mesure Internet favorise-
il une forme de démocratisation du théâtre, permettant de toucher de nouveaux publics
jusqu’alors difficilement atteignables, ainsi qu’une forme de démocratisation de la
critique, modifiant le rapport entre amateurs et professionnels.
Ce questionnement nous conduit à tenter d’analyser si l’évolution des modes de
communication des professionnels et de la relation aux publics par Internet, a des
1
Bienvenus sur Facebook – selon les chiffres d’Internetworldstat.com
3
retombées sensibles du côté des usages des particuliers ; et si les publics amateurs
dépassent la seule consommation culturelle, pour s’intégrer dans un processus de
participation autour des pièces et prennent la parole sur le web.
Notre première hypothèse suppose qu’Internet, en tant que média de masse permet
de diffuser largement l’information, touchant ainsi de nouveaux publics, et favorise
ainsi la démocratisation du théâtre.
Notre seconde hypothèse postule que parallèlement à cette tendance quantitative, les
théâtres, ont multiplié leurs supports de communication, cherchant l’établissement
d’une relation qualitative en développant la proximité, l’interactivité et le ludique avec
leurs spectateurs.
Notre troisième hypothèse pose qu’Internet favorise l’émergence de nouvelles
formes d’expression autour des théâtres, notamment la prise de parole des amateurs, et
fédère autour d’eux des cercles de lecteurs.
Afin d’appréhender la présence des théâtres sur Internet de manière exhaustive,
notre corpus devait intégrer tout ce qui constitue l’identité numérique d’un théâtre en
ligne, à savoir leurs sites institutionnels, leurs blogs, leurs comptes sur les réseaux
sociaux, sites communautaires et sites de vidéos. Cependant, cela représente un nombre
trop important d’objets à étudier, et nous avons donc limité notre corpus aux plus
représentatifs.
Nous avons sélectionné les théâtres de notre étude en fonction de plusieurs critères.
Ils devaient être parisiens afin de faciliter l’organisation des entretiens auprès des
professionnels. Ils devaient présenter une politique claire vis-à-vis d’Internet. Enfin, ils
devaient être subventionnés par l’Etat afin de partager un modèle économique, avoir un
budget leur permettant de développer une communication numérique à l’échelle de leurs
moyens financiers, et exercer une influence sur les pratiques des publics reconnue.
Nous nous sommes donc arrêtés à l’étude de quatre théâtres.
Tout d’abord, l’Athénée pour son dispositif sur Internet très développé ; possédant à
son actif un site institutionnel particulièrement innovant et interactif, un blog fantaisiste
au ton humoristique, des comptes sur les sites communautaires Facebook et Twitter, et
des comptes sur les sites de vidéos Youtube et Dailymotion.
4
Ensuite, nous avons choisi le théâtre de la Comédie Française à la fois pour son statut
exceptionnel, mais aussi pour son austérité et sa discrétion sur Internet (uniquement
présent sur leur site Institutionnel). Nous avons donc cherché à comprendre quels choix
motivaient cette attitude.
Nous nous sommes intéressés au théâtre 13, pour avoir le point de vue d’une institution
plus modeste que les deux premièrement cités. Nous avons donc analysé sa présence
protéiforme sur Internet, son site Institutionnel, et son compte Facebook.
Enfin, nous avons sélectionné le théâtre de la Colline pour son site Institutionnel
dynamique, en mouvement et multimédia.
Etant donné que nous nous sommes également intéressés à l’étude des publics et
de leurs pratiques, nous avons choisi d’analyser les sites où les amateurs s’expriment et
diffusent leurs opinions. Il s’agit des forums, des sites communautaires (facebook,
twitter) et des blogs. Nous avons particulièrement étudié le forum théâtre-
contemporain.net pour son succès et sa visibilité dans le milieu théâtral. Nous avons
ensuite effectué des recherches sur twitter afin de relever les divers messages publiés
sur certains mots clefs (Ariane Mnouchkine, les naufragés du fol espoir, Un tramway).
Enfin, nous avons analysé les blogs de critique amateur, à travers le Tadorne pour son
grand cercle de lecteurs.
Par ailleurs, nous avons étudié de façon qualitative le discours des
professionnels à propos des choix opérés par les théâtres en ligne, en réalisant quatre
entretiens semi-directionnels. Suite aux hypothèses posées, j’ai choisi de rencontrer cinq
profiles différents, complémentaires et en lien direct avec notre problématique, à
savoir : a chargée des Relations Publiques d’un théâtre parisien (Yselle Bazin au
Théâtre 13), le chargé de la Communication et des Relations Publiques (Yann
Leborgne au théâtre de l’Athénée), le Webmaster de la Comédie Française (Arthur
Lenoir), une blogueuse rattachée à un théâtre (Clémence - du Blog de Clémence au
théâtre de l’Athénée), et un blogueur indépendant et amateur (Pascal Bely - le Blog du
Tadorne). Ces entretiens nous ont permis d’obtenir une vision globale sur les rapports
entre professionnels et amateurs de théâtre avec Internet.
5
Afin d’avoir une analyse plus complète, nous avons choisi de nous interroger sur le
ressenti des publics, quant à leur rapport à Internet comme intermédiaire avec le théâtre,
leur réception et leur sensibilité à la communication de ces derniers en ligne. Pour cela,
nous avons mené à bien une enquête quantitative, et avons mis en ligne (par Google
Document) un questionnaire composé de vingt-quatre questions et tentant de cerner le
mieux possible les habitudes des spectateurs. Nous envoyé le lien par mail à une
trentaine de nos contacts, qui l’ont eux-mêmes fait suivre à leur réseau – jusqu’à 3
degrés de séparation. Nous avons ainsi obtenu cent réponses en dix jours.
Nous tacherons donc de faire, dans un premier temps, l’état des lieux de la
présence du monde théâtral sur Internet, à travers les sites institutionnels, la
blogosphère, les réseaux en ligne et les sites de vidéos.
Nous verrons ensuite comment les théâtres ont du adapter leur communication
aux nouveaux supports numériques. Pour cela, les lieux ont du penser leur identité en
ligne en assumant leur statut de marque, ce qui a favorisé de nouveaux rapports aux
publics, à plus grande échelle, tout en étant plus interactifs et ludiques, se dirigeant ainsi
vers une forme de démocratisation.
Nous analyserons enfin la réception de ces stratégies par les publics, et tenterons
de déterminer dans quelle mesure la démocratisation des théâtres s’opère, s’il s’agit à
proprement parler d’une démocratisation des publics, ou d’une démocratisation de la
critique offerte par un public initié déjà existant.
6
Chapitre 1 : Présence du monde théâtral sur Internet
Avec le développement d’Internet et sa popularisation rapide à la fin des années
90, de nouveaux supports de communication et d’information se sont développés.
Internet est progressivement devenu une source de loisirs pour les particuliers et a peu à
peu imprégné le milieu professionnel. Dès lors, le milieu culturel s’est familiarisé avec
ces nouveaux outils et chaque lieu a commencé à travailler sur la création de sa page
Web. Les entreprises théâtrales se sont mises en ligne en plusieurs temps : elles ont
d’abord travaillé à la création de leur site institutionnel, dès la fin des années 90, avec
pour les plus avant-gardistes, l’envoie régulier de « newsletters » ; puis elles ont choisi
de développer ou non leur présence sur Internet, via les blogs ou les sites
communautaires.
Nous tâcherons d’analyser les nouveaux supports informatisés utilisés pour la
communication des théâtres sur le web, à savoir, les sites institutionnels, les blogs, les
divers réseaux sociaux, ainsi que les sites de vidéos.
I. Les sites institutionnels
a. La substitution des programmes papiers par les pages web
Au cours des années 1990, la nécessité pour les théâtres d’être présents sur un média
de plus en plus populaire se faisait pressante. Les premières réflexions des
professionnels, quant à l’utilité et aux apports d’un site web, se sont concentrées sur la
mise en ligne de la programmation. Les théâtres et les pièces proposées devaient être
visibles par tous les internautes. Ainsi, lorsque la Comédie Française crée son site en
1997, Arthur Lenoir explique que « l’intérêt principal [était] d’avoir la programmation
en ligne »2
. Les premières pages web des théâtres diffusaient également les informations
pratiques tels que le numéro de réservation, l’emplacement du théâtre, les horaires
d’ouverture, les services offerts dans les locaux… ainsi que l’actualité du lieu en
2
Arthur Lenoir, webmaster de la comédie française, rencontré le 16 mars.
7
mettant en avant les événements exceptionnels tels que des lectures, ou des répétitions
publiques par exemple.
b. La vente de billets sur les sites institutionnels
Peu à peu, les théâtres ont intégré de nouvelles fonctionnalités à leur site, et la
possibilité de vendre des billets en ligne est sûrement l’une des plus importantes. Ainsi,
le Théâtre 13, qui a créé son site relativement tard (2002), a vu au-delà de la mise en
ligne du programme dans l’utilisation d’Internet : « le but était de créer une interface
supplémentaire, d’être plus proche du public, de faciliter les réservations, et de
disposer d’un nouvel outil de communication »3
. La possibilité d’acheter ou de réserver
des places représente aujourd’hui un élément indispensable des sites. A la Comédie
Française, « 30 à 40 % des billets sont vendus en ligne »4
et la billetterie web permet
aux spectateurs pressés ou éloignés géographiquement de s’organiser plus facilement :
« il y a beaucoup d’étrangers qui passent par Internet mais ça peut aussi être n’importe
qui. Et je pense que l’essentiel ce sont des gens qui sont pressés, qui n’ont pas le temps
de passer au guichet et qui donc passent par le site »5
.
c. Interactivité et développement du ludique
Enfin, la recherche d’interactivité et d’éléments ludiques pour l’internaute est
devenue une véritable priorité. Le contenu multimédia, les animations, les possibilités
d’entrées multiples et sélectives, les interactions possibles, sont autant d’éléments
valorisés sur les sites des théâtres. Le site de l’Athénée par exemple propose aux
visiteurs un contenu multimédia et interactif très développé.
3
Fabian Chappui, administrateur du Théâtre 13, entretien réalisé le 5 mars.
4
Arthur Lenoir, webmaster de la comédie française, rencontré le 16 mars.
5
Ibid.
8
Illustration 1 : La page d’accueil du théâtre de l’Athénée
Les éléments principaux y sont lisibles dès la page d’accueil : les pièces en cours (Une
maison de poupées et Claire-Maris Le Guay), les derniers points d’actualité (encarts
pour les rubriques « Rencontres », « Salon » et « Prochainement », les liens vers les
autres supports web sur lesquels est présent le théâtre (en bas à gauche, l’icône de
Facebook et de Twitter, ainsi que plusieurs liens vers le blog), des liens vers chaque
autre pièce de la programmation (à la tête de la page), etc. Les fonctionnalités initiales y
sont également présentes, avec la possibilité de télécharger la brochure de saison, et
d’acheter les billets en ligne.
Par ailleurs, si l’on s’attarde sur les possibilité d’interactivité du site, l’onglet « autour
du spectacle » recense les sept types de rencontres possibles autour des pièces : les café-
débats, « D’abord », « ensuite », le tchat, le cinéma, les événements hors les murs et le
blog. Deux sur les sept sont entièrement virtuels, les cinq autres ont des comptes rendus
consultables et téléchargeables sur le site.
9
Illustration 2 : Page tchat du site
La possibilité de tchater sur le site est un des procédés d’interaction particulièrement innovant. Les
spectateurs peuvent ainsi échanger avec le metteur en scène de la pièce en cours pendant une heure.
Le théâtre de la colline quant à lui, propose un site très coloré, avec des animations et
une ergonomie qui rend la lecture des éléments importants très facile.
Illustration 3 : Page d’accueil du site de la colline
10
Les affiches des quatre prochaines pièces sont immédiatement visibles en arrivant sur le site avec un effet
de déroulé, conférant au site un effet vivant et énergique.
Ainsi, aujourd’hui l’objectif des théâtres sur leur site n’est plus seulement
d’informer et de vendre en ligne, mais d’être le plus attractif possible pour leurs publics.
Selon Arthur Lenoir, celui de la comédie française serait de développer « des activités
ludiques, des jeux en flash, des quizs qui permettraient aux élèves, et aux jeunes [entre
autre] de découvrir la comédie française par un côté un peu moins classique ».
Par la suite, et dans la continuité de ces derniers objectifs, de nouveaux supports de
communication se sont ajoutés aux sites.
II. La blogosphère
a. Succès populaire, appropriation professionnelle
Le système de blogs s’est développé au début des années 2000 et à participé à la
transition du Web 1.0 « Content centric », au web 2.0 « User centric ». Ainsi, les
utilisateurs d’Internet, anciennement consommateurs, sont-ils devenus eux-mêmes
producteurs d’informations, favorisant le partage et l’interaction. Selon Yossi Vardi et
Pavel Curtis, « people are the killer app of the Internet »6
. Des groupes en ligne se
forment alors et échangent leurs expériences et opinions, formant ainsi des
communautés spécialisées, réunies par centres d’intérêt. D’après une étude réalisée par
European Technographics7
, 22% des français lisaient des blogs chaque mois en 2007.
Selon Jean Marc Hardy8
, les blogs ont d’abord été considérés et utilisés comme un outil
introspectif, un journal intime mis en ligne. Les skyblogs qui connaissent un très grand
succès depuis le début de années 2000 (27 millions de blogs actifs hébergés par
Skyrock)9
représentent bien cette tendance.
Mais si ce type de blogs a connu un grand succès populaire, il est loin d’être la
seule forme existante. En effet, selon Jean-Marc Hardy, trois autres formes de blogs , de
plus en plus investies par le secteur professionnel, se sont développées. Il recense, pour
6
« Les gens sont l’application principale d’Internet »
7
European Technographics, Benchmark Survey, Q2 2007
8
Jean-Marc Hardy, chercheur, journaliste et conseillé en communication web - http://blog.ronez.net/?p=322
9
Selon Skyrock et le journal du geek : http://www.journaldugeek.com/2009/09/08/27-millions-de-skyblog-actifs/
11
commencer, les blogs d’opinion, tenus par des politiques, des journalistes, des
spectateurs qui échangent beaucoup avec leurs lecteurs par commentaires interposés.
Jean Marc Hardy cite ensuite les blogs thématiques. Selon lui ils sont créés par des
professionnels qui ont une expertise sur un sujet donné. Ils diffusent leur avis sur leur
activité, font part de leur expérience. Dans le milieu culturel ces deux types de blog sont
les plus fréquents.
Ensuite viennent les blogs d’entreprise qui servent à communiquer en interne ou en
externe. On trouve des blogs corporates, qui servent à humaniser l’entreprise, aller au-
delà de la communication institutionnelle ; et les blogs marketing, qui réunissent les
consommateurs et clients, leur donnant un droit de parole. On trouve assez peu de ce
type de blog dans le milieu culturel, les entreprises et institutions culturelle et artistiques
étant souvent de trop petite taille pour avoir à recourir a ce type de communication
interne.
b. La blogosphère du théâtre
Dans le milieu professionnel théâtral, la grande majorité des blogs sont des blogs
d’opinion et d’expertise qui peuvent se regrouper en deux catégories : ceux tenus par les
professionnels des théâtres eux-mêmes, autour de leur théâtre et ceux de critique
professionnelle de spectacles.
i. Les blogs professionnels de critique de spectacles
Les blogs professionnels de critique en ligne sont très nombreux : quotidiens,
hebdomadaires ou sans contraintes de publications particulières, les blogs offrent une
nouvelle forme de critique aux spectateurs. Selon Clémence Hérout10
les critiques y sont
« plus construites, beaucoup plus libres de ton, plus riches… » que dans la presse.
Yselle Bazin11
, pense quant à elle que ces blogs ont « changé notre rapport à la
critique » et que cette dernière « est encore plus prise en compte parce qu’elle est
facilement accessible ».
10
Clémence Hérout, en charge du blog de l’Athénée, entretien réalisé le 19 février
11
Yselle Bazin, Attachée aux relations publiques du Théâtre 13, entretien réalisé le 5 mars
12
Parmi les plus importants de cette catégorie de blogs, on trouve celui des
troiscoups.com – « le seul journal quotidien du spectacle vivant », tenu par Vincent
Cambier depuis 1991. Une quarantaine de rédacteurs -qui sont ou ont été par ailleurs
comédiens, journalistes ou professeurs - postent chaque jour des critiques, des
interviews, des reportages sur les spectacles de la France entière.
Illustration 4 : La page d’accueil du blog des trois coups
Le blog propose entre deux et trois critiques par jour en moyenne.
Parmi les autres blogs de critiques de référence on peut citer : Ruedutheatre.eu,
autoproclamé « le quotidien du spectacle vivant en Europe depuis 2003 »,
mouvement.net – « le site indiscipliné », théâtrorama.com – « le panorama du spectacle
bien vivant, et bien d’autres encore ».
13
ii. Les blogs des théâtres – le cas de l’Athénée12
Le théâtre de l’Athénée est le seul théâtre possédant un blog sur son actualité en
complément de son site web. Ce dernier est tenu par Clémence Hérout, qui publie
chaque jour, depuis septembre 2008, un billet sur des sujets très divers, toujours en lien
avec le théâtre et sa programmation. Créée sous l’impulsion du directeur général de la
communication et des relations publiques Yann le Borgne, il affiche la volonté de
« donner un plus au public plutôt que l’idée d’hausser les fréquentations de billetterie »
[…] « et qu’on parle de l’Athénée autrement ». Clémence a une liberté éditoriale totale :
les thèmes des articles ne lui sont jamais imposés et ne font jamais l’objet d’une
relecture avant publication. Les billets se veulent libres de ton , « légers »,
« spontanés », « humoristiques », tout en étant « fouillés », et sont dans la ligne de
communication du Théâtre qui se veut « classique » mais « fantaisiste » pour reprendre
les termes de la blogueuse.
Illustrations 5 : La page d’accueil du blog de l’Athénée
12
Adresse du blog : http://blog.athenee-theatre.com
14
Illustration 6 : Les sept rubriques de référencement d’articles sur le blog
Ces illustrations permettent de voir l’organisation du blog et le référencement
des articles publiés dans sept catégories : plein feu, « qui porte directement sur le
spectacle » ; coulisses, « qui concerne la vie des coulisses de préparation de
spectacles… » ; perspective, qui « sert pour des sujets plus politiques », d’hier à
aujourd’hui, qui « est une rubrique historique » ; la corde verte du lapin qui siffle,
« sur les us et coutumes et superstitions au théâtre » ; coup de théâtre, « la rubrique
soupape (…) [avec] des choses un peu plus décalées » 13
; et enfin la rubrique entretien
qui regroupe toutes les interviews de comédiens, metteurs en scène, etc…
Quatre mille personnes sont inscrites à la newsletter du blog, un quart d’entre eux
l’ouvrent quotidiennement. Quant au blog lui-même, il reçoit une centaine de visites par
jour, en moyenne.
Un blog de ce type permet donc d’avoir une visibilité autre auprès de son public,
diffuser une image plus humaine, tout en affirmant, sur un support supplémentaire, son
identité propre.
13
Clémence Hérout, en charge du blog de l’Athénée, entretien réalisé le 19 février
15
III. Les réseaux sociaux :
a. Facebook – plate forme communautaire
i. Présentation de l’outil
Phrase de présentation sur la page d’accueil de Facebook
Facebook est un site communautaire de réseau social (www.facebook.com) créé
le 4 février 2004 par Mark Zuckerberg, en collaboration avec Dustin Moskovitz et Chris
Hughes. Devenu un des sites les plus puissants du monde, il rassemble plus de quatre
cent millions de membres à travers la planète14
, dont quinze millions en France15
, et est
le deuxième site le plus visité après Google16
.
Schéma 1 : Nombre d’utilisateurs Facebook depuis la création à janv. 2010 17
Cette courbe révèle la croissance exponentielle du nombre d’utilisateurs en France. Entre le début et la fin
2009, le nombre est (approximativement) passé de cent millions à 350 millions.
14
D’après les statistiques diffusées par l’entreprise Facebook sur Press Room,
http://www.facebook.com/press/info.php?statistics - voir en annexe
15
Voir Schéma 2 - Nombre d’utilisateurs de Facebook en France, classés par âge
16
Selon Alexa top sites : http://www.alexa.com/topsites - http://www.alexa.com/topsites/countries/FR - voir en annexe
17
Graphique tire de l’article « Facebook » sur Wikipédia, d’après les chiffres diffusés par l’entreprise
Facebook sur Press Room, http://www.facebook.com/press/info.php?timeline
16
Schéma 2 : Nombre d’utilisateurs de Facebook en France, classés par âge 18
.
Ce graphique permet de mettre en évidence l’importance du facteur âge dans les pourcentages
d’utilisateurs. Les moins de 35 ans représentent près de 77 % du nombre total d’usagers
L’inscription ouverte à tous (à partir de 13 ans, avec pour seul contrainte d’avoir
une adresse e-mail valide), permet aux membres d’y entrer les informations qu’ils
souhaitent partager (état civil, études, centres d’intérêts, photos, vidéos, liens…) et
d’interagir avec les personnes qui font partie de leur réseau. Ce dernier est constitué
d’« Amis », selon le jargon du site, et s’élève en moyenne à centre-trente personnes19
.
Le système de micro-blogging20
intégré à la plate-forme permet aux gens d’échanger
publiquement (« what’s on your mind ? ») tandis que la boîte de messagerie privée
(Inbox en Anglais) permet des discussions plus personnelles. Il s’agit donc d’un site au
18
FacebookBiz, Bientôt 15 millions d’utilisateurs facebook en France, http://www.facebookbiz.fr/article/nous-
approchons-les-15-millions-dutilisateurs-facebook-en-france/
19
op. cit. – voir note 13
20
Message court, de quelques caractères, pour transmettre une information précise
17
modèle bidirectionnel, d’interaction totale où chaque personne peut échanger avec tous
ses « amis » à la fois. Selon Eric Delcroix, Facebook correspond à « une boîte à outils
sociale », « qui peut servir à la fois personnellement (jouer, se divertir, faire des
rencontres, trouver des bons plans) et professionnellement (acheter, vendre, collaborer,
organiser des évènements, se former, faire de la publicité) » 21
.
ii. L’appropriation de l’outil par les théâtres
« Avoir des amis, c’est avoir du pouvoir »
Thomas Hobbes Le Léviathan (1651)
Les entreprises se sont vite approprié ce nouvel outil de communication,
permettant de réunir un grand nombre de leurs clients (ou clients potentiels), et de leur
communiquer instantanément toute information. D’après Eric Delcroix et Alban
Martin22
, le site « remplace, intègre ou complète » un grand nombre de pratiques
jusqu’alors indépendantes : un logiciel de messagerie, un logiciel de chat, un lecteur de
flux RSS, un gestionnaire de projet, un système de recommandation, un agenda, un
carnet d’adresse, etc. Il permet ainsi de créer et de gérer des groupes de discussion ou
des groupes de contacts, d’archiver des signets et des liens Internet, de partager des
images et vidéos avec les membres du réseau, de mieux connaître ses clients ou
consommateurs (leur passions, leur statut social, leur âge…), d’organiser des
évènements, d’organiser des conférences téléphoniques, de faire des micro-sondages, de
mettre en scène l’identité numérique de l’organisation, de faciliter le recrutement et la
recherche d’emploi, de simplifier les relations presse, de mettre en place du marketing
viral et de la publicité gratuite.
Dès 2007, les théâtres ont commencé à s’inscrire sur le site afin d’être plus
visibles sur la toile, avec les différents comptes possibles : membre, groupe, fan page, et
ainsi à rassembler une partie de leur public. Les personnes en charge du compte
Facebook sont le plus souvent au service relations publiques des théâtres (par exemple
Christelle Longequeue au théâtre de la Colline, Yselle Bazin au théâtre 13, Eglantine
21
Delcroix Eric, Martin Alban, Facebook : on s'y retrouve !, Paris, Pearson pratique, 2008, page n°8,
Facebook pour les pros
22
ibid.
18
Desmoulin à l’Athénée…) et semblent davantage rechercher une fidélisation des publics
sur le long terme qu’un profit immédiat. Aujourd’hui, plus de trois cents théâtres
parisiens sont inscrits sur Facebook23
. Parmi eux figurent le groupe du théâtre de la
Colline (511 membres), le compte du théâtre de l’Athénée (1 332 amis), celui du théâtre
13 (1 123 amis), le théâtre de la Commune (2 313 amis), le théâtre de la Bastille (2 876
amis), le Vingtième théâtre (2 938 amis), etc. Le réseau d’un théâtre compte donc
globalement plus de cinq cents, voire mille contacts, ce qui représente autant de
personnes simultanément touchées par chaque publication.
Dès lors, les différents lieux peuvent diffuser à grande échelle une information
protéiforme, à savoir des indications pratiques par le Micro Blogging (dates, horaires,
programmation, évènements exceptionnels…), des articles de presse sur les pièces en
cours, des photos (des lieux, des spectacles ou de l’équipe), ou encore des vidéos
(teasers, extraits des pièces, films de répétitions…). Les personnes suivant le théâtre
reçoivent donc une actualité « en direct », instantanée et que l’on peut qualifier
d’ « intrusive » puisqu’elle apparaît directement sur leur « page d’accueil» ou
« timeline »24
. Les membres du réseau du théâtre peuvent en échange interagir à chaque
manifestation de cette actualité via des commentaires ou l’application « like »
(« j’aime » en français) pour marquer leur approbation. Enfin, le système d’ « Event »
ou d’ « Evènements » permet d’inviter virtuellement et concrètement les personnes d’un
réseau à une manifestation (prochaine pièce, lecture, rencontre, table ronde …). Les
personnes invitées trouvent sur la page créée toutes les informations nécessaires
(horaires, lieux, durée…) et doivent répondre s’ils comptent participer ou non à
l’événement. Par exemple, mercredi 3 mars les amis du Théâtre 13 ont pu lire le
descriptif de la prochaine pièce qui s’y jouera, et répondre présent ou non à l’événement
créé à cette occasion. Jeudi 4 mars, ils ont également pu découvrir trois photos postées,
dévoilant quelques éléments de ce même spectacle.
Pour reprendre Pascal Bely, auteur principal et créateur du blog du Tadorne, si le
site Institutionnel permet de diffuser de l’information brute, le compte Facebook doit
créer du lien social avec ses spectateurs, voir même « de la chaleur ».
23
Résultats de recherche du mot théâtre dans facebook : http://bit.ly/913s3b - voir en annexe
24
Page d’accueil qui permet de suivre en temps réel les actions de ses contacts
19
Il serait ainsi comme une personnalisation du Théâtre, lui donnant un visage
humain, une parole.
b. Twitter
i. Une plate forme de micro blogging
Twitter est une plate forme de « micro-blogging » et de réseau social, mono-
directionnel qui recense 75 millions d’inscrits25
. Chaque utilisateur envoie gratuitement
des messages courts, limités à 140 caractères, appelés « Tweets », visibles par toutes les
personnes qui le suivent (les « followers »). Créé en avril 2007, par Evan Williams et
Noah Glass, Twitter repose sur le slogan « What are you doing », devenu « What’s
Happening » (« Quoi de neuf ? » en français). Ainsi, dès qu’un membre du site s’y
connecte, il peut lire sur sa page d’accueil ce que les personnes qu’il suit (« following »)
postent en direct. Contrairement à Facebook, Twitter repose sur un système
asymétrique : une personne (A) peut en suivre une autre (B) sans que cette dernière la
suive en retour. A à B 	 ≠ B à A
C’est souvent le cas des célébrités ou des entreprises attrayantes par les informations
qu’elles diffusent. Le monde, par exemple, a 59 958 abonnés tandis qu’il ne suit que
156 personnes.
25
Selon une étude réalisée par Odomia en 2010 : http://www.guim.fr/blog/2010/02/médias-sociaux-les-derniers-
chiffres-à-retenir.html
20
Schéma n°3 : Evolution du nombre de « tweets » publiés chaque jours dans le monde
depuis la création de Twitter d’après le blog Mashable26
Cette courbe nous montre une multiplication par cinquante du nombre de tweets postés par jour passant
d’un million à près de cinquante millions, entre janvier 2009 et janvier 2010.
ii. Puissance de l’outil et début d’appropriation par les théâtres
Twitter s’est révélé être à plusieurs reprises un outil très performant pour la
diffusion d’informations et de « scoop » en ligne. Le système de « Retwteet », qui
permet de copier et de diffuser à son propre réseau une information déjà publiée par
quelqu’un, a permis à certaines informations de faire le tour du monde en quelques
minutes avant même que les médias traditionnels ne l’annoncent. Par exemple, la mort
de Mickael Jackson, d’abord révélée par la page d’accueil de Yahoo, a très vite été
relayée par les utilisateurs de Twitter qui ont diffusé l’information à grande échelle, de
réseaux en réseaux. De même, le séisme du 12 janvier 2010 en Haïti, a d’abord été
annoncé sur Twitter par des Haïtiens eux-mêmes, pour informer leurs réseaux.
26
Aziz Haddad, Twitter plus de 50 millions de tweets par jour, Mashable, février 2010,
http://fr.mashable.com/2010/02/23/twitter-50-millions-de-tweets-jour/
21
Si Twitter est un puissant outil de communication, il n’en est pas moins un site
« à visage humain » pour reprendre l’expression de Martin Mischi dans l’Envoyé
Spécial du jeudi 4 mars : « la Révolution Twitter »27
. Ainsi, dans le cas du milieu
théâtral, il s’agit d’un média où les communicants sont les spectateurs eux-mêmes. Les
publics des théâtres peuvent y diffuser leurs critiques ou des informations sur les pièces
et ainsi faire fonctionner un bouche à oreille national voire international.28
Quelques
théâtres s’y sont donc inscrits, afin d’être la première source d’information, celle qui
donne l’impulsion au bouche à oreille. Parmi eux, on retrouve le théâtre de l’Athénée
suivi par 118 personnes, le Théâtre13 suivi par 39 personnes et surtout beaucoup de
centres culturels et de mairies qui annoncent la programmation de leur ville : Issy-les-
Moulineaux, Asnières, les mairies d’arrondissements de Paris (14e
, 15e
, 18e
…).
Illustration 7 : Page twitter du théâtre de l’Athénée.
Le théâtre de l’Athénée se sert de l’outil comme un moyen de diffusion de « flash infos », sur leur
actualité. Ils y rappellent dates, horaires, nom des auteurs et metteurs en scène, etc.
27
Lien vers l’émission : http://envoye-special.france2.fr/index-fr.php?page=reportage&id_rubrique=1394
28
Voir en annexes les résultats de recherche des Tweets postés sur Ariane Mnouchkine, sa pièce Les
naufragés du fol espoir, et la pièce Un tramway (programmée au théâtre de l’Odéon) - voir en annexe
22
Ces théâtres qui y sont inscrits sont encore peu nombreux mais même s’ils restent
marginaux pour le moment, il s’agit probablement d’un phénomène qui sera amené à se
développer avec le succès que rencontre le site29
.
c. Le cas de Kinorezo
Kinoreso a été lancé début 2009 et apparaît comme le premier réseau social pour
les professionnels du spectacle. Depuis septembre 2009, ce service s’est élargit aux
professionnels du spectacle vivant et se proclame « réseau des professionnels de la
création culturelle ». Selon Emmanuel Bourcet30
, l’ambition du site n’est pas de devenir
« un simple annuaire ou répertoire de professionnels, mais plutôt un véritable outil de
gestion de carrière en ligne ». Sur ce réseau, les membres ont la possibilité de déposer
leur profil, avec CV, formation, domaines de compétences, ainsi qu’un « book » de
présentation multimédia (vidéos, images, sons). Ils bénéficient d’offres d’emploi,
d’informations professionnelles, et, à l’image de Facebook ou Viadeo peuvent, par
exemple, rechercher des contacts par critères de sélection.
Illustration n° 8 : La page d’accueil du site
En novembre, Kinorézeo recensait près de 5200 membres.
29
Samir Hamladji, Twitter la loi du petit nombre, 8 juin 2009, http://www.parismatch.com/Conso-Match/High-
Tech/Actu/Twitter-La-loi-du-petit-nombre-102802/
30
Fondateur du site, cité dans l’article « Kinorézo, un réseau professionnel », la Scène, automne 2009
23
IV. Les sites de vidéos
a. Youtube et Dailymotion - Succès des deux sites
Youtube, et son homologue français Dailymotion, sont les deux sites
d’hébergement de vidéos les plus utilisés (350 millions de visites par mois sur Youtube
en 200931
, 10 millions sur Dailymotion en janvier 201032
). Tout deux créés en 2005, ils
reposent sur le même système : les utilisateurs peuvent envoyer, visualiser et partager
des séquences vidéos. Ces vidéos sont principalement des PVR (Personnal Video
Recorder)33
et vont du cercle privé (par exemple la vidéo d’un chat et de son maître
jouant avec lui, qui a été vue plus de 877 700 fois34
) à des vidéos politiques (la vidéo de
Nicolas Sarkozy au G8, qui a été vue plus de 7 333 015 fois35
) en passant par des
vidéos artistiques permettant de révéler de nouveaux talents comme la chanteuse Sia qui
a ainsi obtenu une date à l’Olympia au mois de mai 2010. Selon Jean-François Gervais,
le succès de ces sites concurrence celui des médias traditionnels et cumulerait « en deux
jours plus de spectateurs que l’ensemble des salles de cinéma en France en un an ! »36
.
b. Appropriation par les théâtres
Ayant de telles visibilités par les internautes ces sites de vidéos ont vite été
convoités par les théâtres et les compagnies, leur permettant de diffuser à leur public
tout type de vidéos autour de leur activité. Certains lieux publient des vidéos sur leur
locaux, la salle de spectacle, les coulisses, etc… qui permettent d’intégrer le spectateur
dans l’enceinte même du théâtre. Par exemple, on peut voir sur le compte du Théâtre de
la Commune un film sur leurs coulisses37
. On y voit les comédiens de la pièce « La
ménagerie de verre » jouée en novembre 2009, déambuler et répéter dans les couloirs
du théâtre. De même, Clémence, la blogueuse de l’Athénée publie régulièrement ce type
de vidéos avec notamment le nettoyage des lustres de la salle de spectacle38
.
31
« Qui a peur du Google », G.F., Challenges, nº 180, 17 septembre 2009, p. 48
32
Statistiques publiées sur Dailymotion.com – Voir en annexe
33
« Web 2.0 les internautes au pouvoir » - Youtube, p 54
34
http://www.youtube.com/watch?v=MuSzFXe1Irc
35
http://www.youtube.com/watch?v=I4u3449L5VI
36
op. cit. – note n° 32
37
http://www.youtube.com/user/TheatredelaCommune#p/a/u/0/EZ1COoA33Dg
38
http://www.youtube.com/watch?v=Kb4fIHXEWro
24
Il est également possible de voir des vidéos réalisées pendant des répétions
donnant au spectateur un premier aperçu de la pièce et lui donnant l’illusion de suivre le
projet depuis sa création. Sur le compte du théâtre de l’Athénée les spectateurs peuvent
régulièrement trouver les films des répétitions des prochaines pièce : « Vénus » 39
en
mars 2010, la « Cantatrice Chauve » en novembre 200940
, etc.
Illustration n° 9 : Compte dailymotion du théâtre de l’Athénée.
Le théâtre y publie des vidéos montrant des répétitions, le nettoyage des lustres, les coulisses, la
fabrication des costumes, etc. L’envers du décor y est entièrement dévoilé.
Les auteurs, metteurs et scène et comédiens sont également présents sur ces sites, via de
nombreuses interviews. Cette pratique est de plus en plus courante et il est rare de ne
pas trouver d’entretien autour d’un des membres de l’équipe artistique pour une pièce
donnée. On peut ainsi trouver actuellement des interviews de Bernard Sobel metteur en
scène de la « La pierre » en février 2009 au théâtre de la Colline41
.
39
http://www.youtube.com/watch?v=_DOt03yC7wc
40
http://www.youtube.com/watch?v=RuOt-_n-VKo
41
http://www.youtube.com/user/wwwcollinefr#p/u/1/Oc1WpLGCuM0
25
Enfin, ces sites de vidéos sont particulièrement précieux, en terme de
communication, avec la diffusion de « bandes-annonces » ou « teaser ». Cette pratique a
été adaptée au théâtre en 2003 par l’entreprise Willup, en charge du site Visioscène42
.
La réalisation de bandes-annonces s’est largement répandue et les théâtres les diffusent
régulièrement sur Youtube et Dailymotion. De la même façon qu’au cinéma, elles
présentent brièvement l’intrigue, en s’appuyant sur les moments clefs de la pièce, les
scènes particulièrement esthétiques ou frappantes visuellement, afin d’éveiller la
curiosité du spectateur ou de le séduire. Elles permettent ainsi aux publics d’avoir un
premier aperçu des pièces programmées dans un lieu, et donc, de mieux cibler les
spectacles susceptibles de les intéresser. On peut par exemple trouver sur le site même
du Théâtre 13, pour chaque pièce, des liens vers ces vidéos (« l’Ecrivain public »43
,
« Les Enfants du Soleil »44
, « la vie est un songe »45
, etc.).
Ainsi, après avoir créé leur site Internet dans les années 90, les théâtres ont peu à
peu développé leur présence en ligne avec l’apparition et le succès populaire des
nouveaux supports analysés. Ces outils permettent de privilégier toujours plus la
relation au public ; les théâtres cherchant désormais plus une fidélisation des particuliers
à leurs sites que de leur vendre uniquement des billets. Dans un article posté le 18
novembre 2008, Clémence Hérout46
développe cette idée sur son blog :
« L'enjeu n'est pas seulement quantitatif mais aussi qualitatif : remplir les salles,
c'est bien. Diversifier les profils afin d'accueillir des spectateurs peu habitués au
théâtre et sensibiliser les jeunes via une éducation artistique express peu disponible en
milieu scolaire, c'est mieux ».
Nous verrons donc, dans un second chapitre, comment les théâtres ont renouvelé
leurs stratégies de communication via ces nouveaux supports, qui représentent
éventuellement une porte d’entrée envisageable à la démocratisation culturelle.
42
Site spécialisé dans la diffusion de bandes annonces des pièces parisiennes
43
http://www.youtube.com/watch?v=eJTGKAdqoJw
44
http://www.dailymotion.com/video/xaufbr_les-enfants-du-soleil-au-theatre-13_creation
45
http://visioscene.com/flash/visio.swf?R=177&V=13&B=18&chemin=ba27/&spectacle=2717
46
Clémence Hérout, en charge du blog de l’Athénée, entretien réalisé le 19 février
26
Chapitre 2 : Evolution des stratégies de communication des théâtres
sur Internet
La présence des théâtres sur l’ensemble des supports, ou sites, énoncés dans le
Chapitre 1, a engendré une évolution des techniques de marketing culturel. Recherchant
davantage de proximité et d’interaction avec les spectateurs, ces outils leur permettent
de mieux connaître les habitudes de leurs publics et ainsi, de mieux les cibler. A l’image
du télégraphe décrit par Lakanal comme un outil qui « rapproche les distances » et
« semble rivaliser de vitesse [avec la pensée] », Internet, et particulièrement l’Internet
communautaire, a permis de supprimer tout intermédiaire entre les organisations et leurs
publics. D’abord utilisé comme un outil social et de loisir par les particuliers, le Web
communautaire est devenu un moyen de communication très puissant en terme
d’audience aux yeux des professionnels. L’affirmation de Fernand Braudel : « une
innovation ne vaut jamais qu’en fonction de la poussée sociale qui la soutient et
l’impose » est poussée à son paroxysme ici : c’est la « poussée sociale » qui a précédé
l’offre.
Nous verrons donc comment les théâtres ont eu besoin de se tourner vers un
marketing de la culture et de s’affirmer comme marques, afin de pouvoir diffuser une
identité franche ; et en quoi cette nécessité est devenue particulièrement pressante avec
la multiplication des supports de communication et l’arrivée d’Internet dans les usages
professionnels.
27
I. La nécessité des théâtres de se penser en terme de marque et de stratégie
marketing
a. Marques et marketing
Les entreprises théâtrales présentent des réticences à se reconnaître comme
telles, et à s’affirmer comme des marques. Cependant, si l’on se reporte à la définition
d’une marque, on peut voir qu’une marque n’est autre qu’ « un “signe” servant à
distinguer précisément vos produits ou services de ceux de vos concurrents »47
selon
l’institut national de la propriété industrielle, et qu’elle peut « être matérialisée par un
nom propre, un mot, une expression ou un symbole visuel » et « constitue un repère
pour le consommateur et éventuellement une "garantie"»48
. Or la plupart des théâtres
présentent un signe particulier qui permet de les distinguer des autres, ils possèdent un
nom, un symbole, une charte graphique qui leur sont propres et qui les distinguent
clairement des autres. Ils sont donc, si l’on s’en tient à ces définitions, des marques.
Par ailleurs, à l’image de toute autre entreprise, les théâtres ont recours à des
procédés de communication et de marketing afin de promouvoir leur programmation ou
leur établissement en général auprès des publics. Si l’on reprend la définition même du
marketing des arts, il correspond à « l’ensemble des outils dont dispose [une]
organisation pour susciter, de la part de ses publics, des comportements favorables à la
réalisation de ses objectifs organisationnels. L’outil central du marketing est l’étude
des publics qui permet de décrire et comprendre leur comportement, et donc d’œuvrer
efficacement à la réalisation des buts que s’est fixés l’organisation. »49
Pourtant, si le
marketing, présenté sous cet angle, semble indispensable à la survie d’un lieu, il n’en est
pas moins mal aimé par les théâtres.
47
Définition selon l’ institut national de la propriété industrielle : http://www.inpi.fr/fr/marques.html
48
Définition dans le dictionnaire du marketing en ligne :
http://www.definitions-marketing.com/Definition-Marque
49
Bourgeon-Renault Dominique, Marketing de l’art et de la culture, Paris, Dunod, 2009, 262 p.
28
b. A priori sur la pratique du marketing
i. Très faible proportion d’institutions y travaillent
Peu d’organisations culturelles et de théâtres proposent un plan marketing défini
et abouti. La plupart du temps c’est parce qu’ils connaissent mal l’outil et conservent
des préjugés, ou que, dans le cas des petites et moyennes structures, ils ne possèdent pas
les ressources nécessaires pour le mettre en application. Selon Dominique Bourgeon-
Renault50
, dans le cas où les théâtres s’y attèlent, ils mettent souvent en œuvre des
stratégies marketing de manière émergente51
, c'est-à-dire qu’ils prennent des décisions
et définissent des actions au fur et à mesure, lorsqu’elles leur semblent opportunes, le
moment venu. L’inconvénient étant qu’elles ne sont pas réfléchies ni planifiées dans
une politique d’ensemble sur le long terme.
ii. L’offre et la demande, qui précède qui ?
Cette frilosité quant au marketing peut provenir de l’originalité économique du
milieu culturel qui fait, entre autre, sa spécificité : le principe de l’offre et de la demande
y est inversé. Ainsi, même si l’entreprise théâtrale présente des nécessités comparables à
celles d’une entreprise de tout autre secteur (faire des entrées en billetterie pour
permettre au lieu de vivre ou de survivre selon les cas, à l’exception de quelques lieux
entièrement subventionnés par l’Etat et le Mécénat), elle s’en distingue nettement de par
son fonctionnement. Selon Jacques Blanc : « Le marketing part de la demande et fait
l’offre » tandis que les professionnels du théâtre font « des offres de théâtre et
[cherchent] une demande ». Il affirme ainsi : « nous sommes à l’envers du
marketing. »52
Selon Dominique Bourgeon-Renault, les acteurs du champ culturel
revendiquent, dans leur majorité, « une logique de l’offre selon laquelle le processus de
production de l’œuvre ne saurait dépendre d’une quelconque demande »53
. C’est-à-dire
que l’offre artistique précède systématiquement la demande, soit, d’après Busson et
50
ibid.
51
Mintzberg (1978) définit la stratégie émergente comme « un ensemble non planifié de comportements
cohérents qui aboutissent à la situation présente ».
52
Homme de théâtre français, dans « Débat : marketing et sponsoring », revue théâtre public 80, mars-
avril, page n° 73
53
Bourgeon-Renault Dominique, op. cit. (note n°3)
29
Evrard qu’aucun spectateur ne peut attendre une forme précise et inédite d’art avant
même sa production54
.
Cette principale différence de fonctionnement, positionne le milieu culturel et
théâtral en marge du modèle économique traditionnel. La valeur culturelle précède et
induit la valeur économique. Cependant, bien que le marketing de l’art et de la culture
se soit adapté à cette spécificité, d’autres raisons plus confuses semblent motiver une
certaine rigidité envers lui.
iii. Hostilité envers les méthodes de communication et de
marketing
Selon Dominique Bourgeon-Renault « le mot « marketing » cristallise contre lui
des attitudes négatives »55
. Cette hostilité est particulièrement visible à travers la série
de justifications données par des professionnels lors d’interviews sur ce sujet56
: « On ne
vend pas des savonnettes ! », « je dirais qu’on ne fait pas du marketing parce qu’on ne
vend pas de produits palpables », « si on fait des affaires au théâtre, on risque de faire
du mauvais théâtre », « le marketing, c’est comment vendre une bouteille de Coca-
Cola de plus ». On retrouve clairement les oppositions traditionnelles, largement
présentes dans l’opinion publique, qui posent comme incompatibles l’art et le
commerce, l’immatériel et le matériel, l’esthétique et l’économique, ou encore le
qualitatif et le quantitatif57
.
En synthétisant leurs réponses, on obtient selon Dominique Bourgeon-Renault, les
affirmations suivantes : « les organisations culturelles ne relèveraient pas du marketing
parce qu’elles ne sont pas des entreprises comme les autres, c’est-à-dire purement
industrielles ou commerciales », « leurs missions n’auraient rien à voir avec celles des
entreprises classiques », « leur production serait spécifique », « leurs publics ne
seraient pas des consommateurs ou des clients ». Il apparaît donc clairement que le
terme marketing est associé, dans l’esprit de nombreux professionnels, à des stratégies
54
Busson et Evrard, Portraits économiques de la culture, Documentation Française, 1987, 144 p.
55
Bourgeon-Renault Dominique, op. cit. (note n°3), Introduction, page n° 1
56
Citations relevées par l’auteur – extraites d’interviews menées par des étudiants de Paris Dauphine
entre 2004 et 2007 en Management des organisations culturelles
57
Bourgeon-Renault Dominique, op. cit. (note n°3)
30
exclusivement mercantiles, et est ainsi considéré comme non compatible avec les
objectifs, ou « missions », poursuivis par les entreprises théâtrales. Selon Dominique
Bourgeon-Renault, l’opinion de ces professionnels révèle « l’idée que le marketing
serait une technique exclusivement à but lucratif, que seules les entreprises
commerciales et industrielles, affichant un objectif de maximisation du profit, seraient
légitimes à utiliser. »58
La majorité des organisations culturelles étant à but non lucratif,
« la culture [étant] un projet politique, économique et social des sociétés
contemporaines »59
, elle s’oppose en tous points, dans les esprits, à cette définition
stéréotypée du marketing.
Il semble donc que les professionnels du milieu culturel, et plus précisément du milieu
théâtral, présentent des difficultés à reconnaître leur organisation comme une entreprise
qui puisse avoir les mêmes nécessités qu’une autre, et par le même fait, à reconnaître le
besoin de recourir à des procédés marketing.
Néanmoins nous tâcherons d’analyser les stratégies nécessaires à l’affirmation
d’un marketing du théâtre dans le monde de la culture et au ciblage cohérent des publics
potentiels.
c. Positionnement dans le champ culturel
Pour mettre au point un marketing efficace, l’entreprise, ici le théâtre, doit
d’abord se positionner clairement dans le secteur auquel il appartient, afin d’avoir une
meilleure appréciation de la place qu’il occupe, de ses objectifs et de son identité même.
Les stratégies de communication seront adaptées en fonction de ce positionnement et
permettront ainsi de mieux cibler les publics.
Le milieu théâtral appartient au champ culturel. Ce dernier est limité aux seules
activités considérées comme « culturelles » et a été structuré en huit domaines par le
ministère de la culture : patrimoine artistique et monumental, archives, bibliothèques,
livre et presse, arts plastiques, architecture, arts du spectacle, audiovisuel et
multimédia60
. Ces domaines ont, à leur tour, été structurés en deux catégories par
58
Bourgeon-Renault Dominique, op. cit. (note n°3), confusions qui ressortent des discours dans le champ
culturel, page n°3
59
Bourgeon-Renault Dominique, op. cit. (note n°3)
60
Dominique Bourgeon-Renault, op. cit. (note n°3), Chapitre 1 : Champ et produit culturels, page n°9
31
Antoine et Salomon 61
: les activités qui relèvent d’une culture de masse, celles qui
concernent une culture élitiste. Ainsi, les entreprises théâtrales se situent dans le
domaine « art du spectacle » et relèvent d’une culture élitiste.
D’autres typologies viennent s’ajouter à ces premières et permettent de mieux
définir le lieu au sein du champ culturel. Dans un premier temps sa taille : une taille
conséquente entraîne un besoin de financement élevé et peut, par exemple, encourager
des choix de programmation plus commerciaux. Une grande institution comme la
Comédie Française ou les scène nationales, ne feront pas les mêmes choix de
programmation qu’un festival et n’auront pas les mêmes stratégies marketing et
financières. D’un festival à l’échelle d’une ville, comme celui d’Estuaire en Scène, à un
festival à échelle internationale, comme celui d’Avignon, en passant par des festivals
nationaux comme ceux de Strasbourg ou Aurillac auront des plans marketings
radicalement différents. Dans un second temps, le statut juridique (public ou privé,
association ou SARL, répondant à des logiques marchandes ou non, etc.) a également
un rôle primordial dans l’orientation marketing que prendra le théâtre. Enfin, le dernier
élément est la nature des ressources de l’entreprise. Que le budget de fonctionnement du
théâtre soit entièrement subventionné par l’Etat (la Comédie Française ou Théâtre de
l’Athénée62
) ou partiellement (Théâtre 13), qu’il soit approvisionné par une forte
implication du mécénat dans la structure, ou fonctionnant sur un système de partenariats
(la Comédie Française se voit offrir une grande partie des services auxquels elle fait
appel en échange d’un nom dans leur programme annuel) : la relation de la structure
avec ses publics via sa communication sera très différente.
Ce positionnement aboutit sur des choix plus précis concernant la politique
culturelle menée par le lieu : les fonctions et missions qu’il se donne.
61
Antoine et Salomon (1980)
62
Présentation du théâtre et de son statut - http://www.athenee-theatre.com/media/pdf/brochure_athenee_76620.pdf
32
d. Fonctions et missions des théâtres
Selon Dominique Bourgeon-Renault, dans les organisations artistiques et
culturelles, les missions et objectifs des entreprises culturelles et théâtrales sont
multiples, propres à chaque théâtre, et s’articulent autour de trois registres, artistique et
culturel, social, financier.
Dans le registre artistique et culturel, les missions découlent de la production artistique :
depuis sa création à sa conservation en passant par sa diffusion. Il s’agit par exemple
des festivals organisés par certains théâtres pour les jeunes compagnies, comme le
festival du Théâtre du Rond Point ou le Festival Jeune Talent du Théâtre 13. Ou encore,
le principe de la résidence d’artiste(s). Ce type de projet permet de mettre à la
disposition d’un artiste « un lieu de travail (atelier), un logement, une assistance
technique et une aide financière »63
. On peut citer par exemple, Joël Pommerat qui est
en résidence dans deux lieux depuis 2007 : au Théâtre de Brétigny et au Théâtre des
Bouffes du Nord. Mais selon Robert Pasquier64
, au-delà du registre culturel et artistique,
accueillir des artistes en résidence c'est aussi leur demander de « séjourner sur un
territoire, de se mêler à la population, d'établir un dialogue avec les futurs publics (…)
fédérer générations et milieux sociaux les plus divers le temps d'un spectacle». La
dimension sociale vient alors s’ajouter à la problématique d’encouragement à la
création, les deux registres semblent intimement liés.
Le registre social, se caractérise par une double mission d’éducation (favoriser
l’apprentissage et l’éducation artistique) et d’accessibilité (démocratisation culturelle).
On peut, par exemple, citer le Théâtre 13, implanté au cœur d’une cité HLM dans le 13e
arrondissement65
et qui cherche à sensibiliser en grande majorité un public de proximité.
Enfin, le registre financier est marqué par des choix ou des obligations budgétaires. Par
exemple, le niveau d’autofinancement pour la plupart des organisations à but non
lucratif, la rentabilité, voire la maximisation du profit, pour les organisations du secteur
marchand et privé, etc.
63
Gimello-Mesplomb Frédéric, Les résidences d’artistes, mode d’emploi -
http://fgimello.free.fr/enseignements/metz/assistant_gestion/residences-artistes.htm
64
Directeur du Théâtre Durance, dans Résidences d’artistes -
http://www.theatredurance.com/index.php?option=com_content&task=blogcategory&id=33&Itemid=42
65
Décrit comme tel par Fabian Chapui, administrateur du théâtre, dans les Nouvelles du 13, mai 2005 -
http://www.theatre13.com/les_nouvelles_du_13/2003_les_nouvelles_13.pdf
33
Une fois ce positionnement clarifié et déterminé, l’entreprise théâtrale peut alors
réfléchir sur les publics qu’elle est susceptible d’intéresser, autrement dit, ses cibles.
e. Etude des publics
Le marketing stratégique est « la démarche par laquelle une organisation
développe ses marchés »66
. Il se fonde avant tout sur un positionnement précis dans le
champ d’action, comme nous venons de le voir, puis sur la connaissance des publics.
Pour cela, les entreprises procèdent à une stratégie en trois temps67
: la segmentation du
public, le ciblage et le positionnement
La segmentation des publics correspond au découpage de ce dernier en groupes
homogènes (ou segments), en termes d’attentes ou de comportements, afin de connaître
la diversité des publics auxquels s’adresse l’organisation. Elle permet de déterminer si
l’établissement peut établir une typologie valide des publics dans leur rapport à l’offre,
réfléchir aux variables qui influencent les pratiques culturelles et par conséquent les
structurent. Dominique Bourgeon-Renault distingue plusieurs types de segmentation : le
regroupement socio-démographique et géographique (fondé sur des critères tels que
l’âge des spectateurs, leur sexe, leur situation familiale, leur niveau d’étude, etc.), le
regroupement psychographique et psychologique (fondé sur la personnalité, le style de
vie, les valeurs, etc. partagés par les spectateurs), et enfin les motivations individuelles
qui ont poussé le spectateur à venir au théâtre (ses horizons d’attente en venant au
théâtre, ses goûts, son niveau d’expertise en matière théâtrale, etc.) Si l’on revient sur le
cas du Théâtre 13, en analysant le public à travers la base de données des relations
publiques et selon ces différents types de segmentation, on s’aperçoit que plusieurs
grandes tendances se dessinent : il est constitué d’un grand nombre de retraités, de
couples, d’habitants du 13e
arrondissement, et le nombre d’abonnements est très élevé :
1200 abonnés.
Le second temps de la stratégie est celui du ciblage des publics. Il s’agit de la
détermination du/des segment(s) considéré(s) comme « cible(s) prioritaire(s) » en
66
Dominique Bourgeon-Renault, op. cit. (note n°3)
67
Dominique Bourgeon-Renault, op. cit. (note n°3), page n° 51
34
fonction de plusieurs critères68
. La nature du projet et son identité artistique dictent en
premier lieu les cibles prioritaires de l’organisation culturelle. Les missions de
l’organisation, dans une logique de promotion de nouveaux artistes ou dans un registre
plus social comme nous l’avons vu, peuvent viser certaines cibles dans une recherche de
démocratisation culturelle.
Enfin, le troisième temps de la stratégie est le positionnement de l’organisation et de
l’offre. Il s’agit pour le théâtre d’occuper dans l’esprit du public cible, une place
spécifique, attractive et si possible distincte de celle des concurrents.
II. Avec Internet : la diffusion d’une identité numérique propre à chaque
lieu
Les stratégies de communication et de marketing sur les nouveaux supports offerts
par Internet (vus dans le chapitre 1) s’inscrivent dans le prolongement de la recherche
de positionnement du théâtre dans le champ culturel et de l’analyse de ses publics. Ces
supports nécessitent une affirmation du théâtre comme marque, avec une identité
franche, afin de pouvoir être cohérent entre les différents médias et moyens de
communication.
a. Constitution de la charte graphique
Les théâtres, comme toute entreprise, doivent se construire une identité propre
qui se traduit, entre autres, par des choix visuels. Ces derniers permettent d’identifier et
de reconnaître le théâtre sur chacun de ses documents, tracts, affiches, site Internet, etc.
Logo, palette de couleurs, typographie, sont autant d’éléments qui constituent la charte
graphique choisie par le théâtre. Elle est en cohérence avec le positionnement fait par le
théâtre dans le champ culturel, avec les multiples critères cités en I. Ainsi, la charte
graphique de la comédie française est-elle marquée par une grande sobriété :
typographie noire, dans une police commune, sur des fonds rouges.
68
Dominique Bourgeon-Renault, op. cit. (note n°3), page n°52
35
Illustration 10 : Logo de la Comédie Française
Logo, rappelant les sceaux traditionnels de cire, apposé sur chaque document de l’Institution, permet de
rappeler sont caractère historique et unique.
Le théâtre de l’Athénée, quant à lui, tente de faire ressortir à travers ses choix
graphiques la dualité de son identité : théâtre d’Etat au répertoire composé de classiques
du XXe siècle, mais qui reste fantaisiste. Le graphiste Malte Martin leur a alors proposé
une ligne très visuelle, s’appuyant sur un lettrage en noir et blanc et la suppression de
tout élément « ajoutant du bruit au bruit » selon Clémence Hérout69
. L’accent est ainsi
mis sur le texte, tout comme dans le choix des pièces de la programmation : « toute la
programmation du théâtre se fait sur le texte. Plus que sur les démarches de mises en
scène ». L’Athénée veut se donner l’image « d’un théâtre au fond très sérieux qui
s’exprime dans une forme fantaisiste. Du fond dans une forme qui paraît légère »,
« avec une communication assez décalée »70
.
69
Clémence Hérout, en charge du blog de l’Athénée, entretien réalisé le 19 février
70
Clémence Hérout, en charge du blog de l’Athénée, entretien réalisé le 19 février
36
Illustration 11 : Affiche du théâtre de l’Athénée pour la saison 2008/2009.
Affiche diffusée dans le métro, proposant aux passants de deviner qui a dit la phrase citée : « la police
c’est vous ! »71
.
b. La charte graphique : pont visuel entre les anciens et les
nouveaux supports de communication
La multiplication des supports et le passage à Internet demande une affirmation
accrue de cette identité visuelle, afin d’assurer une certaine continuité et une cohérence
avec la communication du théâtre. Au théâtre de l’Athénée par exemple, les moyens
traditionnels de communication du théâtre, listés par Yann Leborgne72
: « Affiches 40
par 60, les affiches métro, les flyers, les programmes de salles, les cartons d’invitation,
qui sont dans la charte graphique du théâtre et qui sont employés pour chacun des
71
Il s’agit de Bernard Bloch dans Le Tribun Finale par Mauricio Kagel
72
Yann Le Borgne, Directeur de la communication et des relations publiques de l’Athénée, rencontré le
16 mars
37
spectacles. Ensuite les courriers des RP (…) », se sont vus complétés par le site
Institutionnel sur Internet, le blog de Clémence, et leurs comptes sur Facebook, Twitter
et sites de vidéos respectifs. Aujourd’hui, l’équipe de l’Athénée utilise plus d’une
dizaine de supports pour communiquer avec les publics et la cohérence de la charte
graphique devient primordiale. Le blog du théâtre de l’Athénée, tenu par Clémence
Hérout, est fortement lié au site Institutionnel, et de ce même fait, à l’ensemble de
l’identité visuelle du théâtre, par la reprise des mêmes codes visuels. Selon Clémence :
lors de la construction du blog, « il fallait vraiment faire des liens avec le site internet,
toujours entre les deux, avec la même charte graphique ».
Illustration 12 : Affiche de la saison 2009- 2010 du Théâtre de l’Athénée
Illustration 13 : Logo du blog du théâtre de l’Athénée, tenu par Clémence Hérout
38
Illustration 14 : Photo de profile sur Facebook de la « Fan page » du blog de
l’Athénée
Ces trois illustrations permettent de souligner la cohérence visuelle établie entre chaque support de
communication (affichage, blog et compte facebook) du théâtre. La charte graphique y est légèrement
adaptée par des dessins qui présentent quelques particularités, mais qui restent similaires, tandis que la
police et les couleurs sont rigoureusement identiques.
Par ailleurs, la construction d’une identité forte, clairement dissociable d’un lieu
à un autre, s’inscrit dans un travail de longue durée et dans une volonté d’imprégnation
des publics. Dès lors, si la charte graphique est un élément constitutif de l’identité d’un
lieu, elle ne peut être changée régulièrement et s’inscrit dans la durée, sous peine de
rompre les moyens d’identification du théâtre, retenus par les spectateurs. Selon Arthur
Lenoir, Webmaster de la Comédie Française, « une charte graphique, une fois qu’elle
est faite c’est pour ne pas y toucher jusqu’à ce qu’on change de charte graphique dix
ans plus tard ». Si certains éléments peuvent être modifiés au fil des saisons, il faut
pouvoir prévoir ces changements : « D’une saison sur l’autre on change un peu le logo,
certains éléments… même si c’est très subtil comme différences ».
c. La construction de l’identité numérique
Internet et son offre de nouveaux supports de communication sont devenus
incontournables par les théâtres. A tel point que les décisions quant à la présentation du
site : son ergonomie, l’insertion d’éléments multimédias (vidéos, etc.), de photos, de
forum, une priorité aux images ou au rédactionnel, la sélection même du texte à publier,
etc., représentent la première image que recevront les spectateurs potentiels du théâtre,
venus se renseigner sur Internet. Mais au delà de ces choix, la sélection en elle-même
des supports devient génératrice d’identité : un seul site institutionnel pour la Comédie
Française, ou à l’inverse, la présence sur la plupart des plateformes de l’Athénée.
39
En effet, un lieu qui prendra le parti de s’inscrire sur les réseaux sociaux (par exemple
Facebook ou Twitter comme nous l’avons vu dans le premier chapitre) ou encore sur
des sites de vidéos, au-delà du simple site institutionnel, se positionne vis-à-vis de son
public. L’usage de ces sites, majoritairement utilisés par des jeunes de moins de 35 ans,
révèle une volonté de renouveler son public, et de cibler les publics de demain. En
entrant dans le réseau de ce public potentiel et en lui communiquant, sans intermédiaire
aucun, toutes les informations nécessaires sur la programmation de son lieu, le théâtre
vient à lui et lui évite toute démarche de renseignement. Ainsi, par un effet de
rétroaction, le milieu théâtral se trouve alors revalorisé par son public comme étant
« dans le coup », partageant avec lui les mêmes sites, et se défait progressivement de
l’image « d’institution vieillissante ». Les lieux se trouvent alors personnalisés et se
dotent d’un visage humain. Plus accessibles, ils parlent directement à leurs spectateurs
qui à leur tour peuvent leur répondre. Selon Pascal Bely73
, Facebook est utilisé si le
théâtre cherche à créer « de la relation horizontale, (...) des communautés, de la chaleur
humaine et pas seulement à s’adresser à des consommateurs de spectacles ».
Le théâtre 13 a ainsi lié de façon cohérente son positionnement dans le champ
culturel, ses missions à la fois artistiques et sociales, sa charte graphique, et son rapport
au public, avec la construction de son identité numérique (choix des supports de
communication). Yselle Bazin, attachée aux relations publiques, explique la présence du
théâtre sur les réseaux sociaux comme étant dans le prolongement de leur logique de
programmation et de leur stratégie de communication. Encourageant la création et la
production de jeunes compagnies, visant un public jeune au travers de la charte
graphique « dans le sens où les couleurs sont assez flash, assez détonantes (…) dans des
visuels décalés, un peu mystérieux… »74
, il était devenu logique de venir à leur
rencontre, là où ils sont présents, à savoir, entre autre, sur les sites communautaires
comme Facebook ou Twitter.
Comme nous l’avons vu précédemment, le théâtre de l’Athénée multiplie les
supports de communication et derrière cette volonté d’être présent sur le plus grand
nombre de supports possibles ne s’inscrit pas dans une recherche en terme de retombées
73
Pascal Bely, Créateur du blog du Tadorne, entretien par téléphone, le 8 mars 2010
74
Yselle Bazin, Attachée aux relations publiques du Théâtre 13, entretien réalisé le 5 mars
40
économiques mais dans un travail à long terme de fédération d’une communauté. Selon
Clémence Hérout, la création du blog, entre autre, s’inscrivait « plus [dans] une
démarche de relations publiques que de communication, l’idée de donner un plus au
public plutôt que l’idée d’hausser les fréquentations de billetterie ».
Le théâtre de la Comédie Française, quant à lui, est pour le moment absent de
tous ces sites, et réfléchit au projet de créer une page Facebook. En revanche,
l’ouverture d’un compte Tiwtter n’est pas envisageable pour le moment car l’esprit du
site et son fonctionnement même est trop éloigné de l’identité de l’Institution. Selon
Arthur Lenoir, webmaster du théâtre : « Twitter en tant que format très court ne
correspond pas trop à la comédie française, parce que quand on communique sur un
spectacle on a plein d’informations à donner, c’est pas juste le titre du spectacle. C’est
un peu léger. Donc du coup on est trop limité par le format. » L’importance des choix et
la réflexion préalable à toute inscription à un nouveau support sur Internet apparaît donc
essentielle dans la logique de communication d’un théâtre.
Positionnement dans le champ culturel75
, missions (artistiques, sociales ou
financières)76
choisies par le théâtre, charte graphique et identité numérique, sont donc
tous intimement liés et s’inscrivent dans une réflexion à long terme, constituant
l’identité même du lieu.
d. Diffusion de cette identité
Pour diffuser cette identité complexe, les théâtres utilisent tous plusieurs médias
(en moyenne 6 par lieu77
). Parmi eux, les plus fréquents restent l’affichage public
(publilégal) et privé (métrobus, JC Decaux), la presse et l’audiovisuel. Dans ce cas le
pouvoir médiatique qui résulte de leur usage provient du fait que les particuliers soient
touchés collectivement et parfois simultanément par l’information diffusée. En effet,
une émission où les journalistes débattent, soit à la télévision, soit à la radio (par
exemple « le masque et la plume ») des dernières pièces sorties, touche simultanément
un grand nombre d’auditeurs ou de téléspectateurs qui garderont collectivement en
mémoire ces informations. Par la suite, selon Jean-François Variot, l’arrivée d’Internet
75
Dominique Bourgeon-Renault, op. cit. (note n°3), Chapitre 2, I. c.
76
ibid., Chapitre 2, I. d.
77
ibid., page n°166
41
dans les processus de communication et de marketing a déplacé le centre de gravité des
marques78
, développant des attitudes individuelles ainsi qu’une atomisation des
pratiques : « tout le monde ne clique pas au même moment, au même endroit ». Sur
Internet, le récepteur du message n’en est plus réellement un puisqu’il « active lui-même
la production du message ». Internet dépasse le média au sens restreint du terme79
. Son
caractère multimédia réunissant son, image et texte permet d’établir une communication
plus complète et complexe que les autres supports médiatiques, à un coût réduit.
Avec les forums ou les sites communautaire comme Facebook ou Twitter, les
spectateurs internautes peuvent discuter de leur perception de la marque du théâtre, et
ainsi « ajuster leur sensations respectives » si elles sont « trop divergentes ».
Ces nouveaux supports engendrent un rapport différent au public. L’identité des
théâtres n’est plus figée par la charte graphique, mais sans cesse questionnée par une
interaction naissante avec les publics. Ces modifications induisent une
institutionnalisation de professions émergeantes liées aux médias informatisés. Au
métier de Relation Publique s’est ajouté celui de « Community manager » ou animateur
de communautés en ligne, dont le travail s’organise autour de trois tâches : porte-parole
des utilisateurs en interne, porte-parole de la marque en externe, créateur de lien entre la
marque et les utilisateurs80
.
78
Variot Jean-François, op. cit., Chapitre 5 : « Internet déplace le centre de gravité de votre marque »,
page n° 72
79
ibid., Chapitre 16, « Internet et « nouvelles technologies», p. n°251
80
Guéguen Sylvain, Community manager, un métier en 3 dimensions, 16 mars 2009 -
http://www.webmarketing-com.com/2009/03/16/3024-community-manager-un-metier-en-3-dimensions
42
III. Interaction des théâtres avec leur publics et démocratisation
L’évolution de la relation des théâtres avec leurs publics, via Internet, tend à
donner la parole aux spectateurs, mais offre aussi la possibilité de leur répondre,
d’échanger avec eux et favorise ainsi l’interactivité. Les stratégies de communication
évoluent vers des méthodes de marketing viral et de « one-to-one ». Par ailleurs, la
diffusion à grande échelle des informations par Internet permet de toucher des
spectateurs potentiels, qu’il aurait été impossible, ou du moins plus difficile, d’atteindre
sans. Les nouveaux supports numériques permettent de leur offrir une première
approche du théâtre et de favoriser ainsi une forme de démocratisation culturelle.
a. Les facteurs d’interaction entre les théâtres et leurs publics
i. Les stratégies marketing d’interaction sur Internet
Dans les stratégies de marketing, Scheff Bernstein81
a démontré la nécessité pour
les entreprises de faire évoluer le marketing traditionnel vers une approche « connect
and collaborate » pour créer, délivrer et partager de la valeur avec les consommateurs.
Selon lui, la relation avec les publics est de plus en plus personnalisée et tend à
s’approcher d’un marketing One-to-one. Par la multiplication des échanges avec les
publics, la marque devient « hyper-relationnelle »82
.
81
Scheff Bernstein, Marketing management for Nonprofit organizations, Oxford University Press, 2007
82
Variot Jean-François, op. cit., Chapitre 5 « Internet déplace le centre de gravité de votre marque »,
page n°78
43
Schéma 4 : Les stratégies marketing d’offre de spectacle vivant 83
Ce mapping montre les quatre fortes tendances de marketing : one to one, tribal, d’appropriation
et de participation.
L’axe vertical oppose un marketing qui travaille sur l’échange interindividuel (one to
one) à un marketing d’interactions permettant de fonder des communautés vivant des
expériences communes autour des lieux (marketing tribal).
L’axe horizontal confronte une stratégie marketing d’appropriation qui offre au public
la possibilité de co-construire son expérience, avec une stratégie marketing de
participation où le spectateur peut seulement réagir face à l’événement proposé.
Facebook répond donc à la fois à des logiques one-to-one, puisqu’il permet d’établir des
relations privilégiées et individuelles avec un noyau de spectateurs fidèles et investis ;
mais il répond également à celles du marketing tribal, puisqu’il favorise la fédération
d’une communauté, consciente d’elle-même, autour du lieu.
83
Puhl M., Bourgeon D. et Bouchet P., L’analyse de l’expérience de consommation de spectacles
vivants : de nouvelles perspectives managériales, 2005, page n° 702
44
Le blog du Théâtre de l’Athénée, quant à lui, illustre bien le marketing d’appropriation
en ayant permis aux lecteurs du blog de rédiger eux-mêmes des articles, et d’en publier
les meilleurs. La rubrique a été nommée « le blog est à vous » et a permis d’intégrer
momentanément les lecteurs à l’équipe et de les impliquer dans la vie même du théâtre.
Enfin, le marketing de participation correspond, quant à lui, à l’action de spectateurs
lorsqu’ils postent un commentaire à la suite d’un article sur Facebook ou un blog, le fait
de cliquer sur « Like » (ou « J’aime ») sur Facebook pour approuver une action.
Comme le montre le mapping, ces différentes stratégies marketing peuvent se cumuler.
On peut ainsi obtenir une action de type marketing à la fois tribal et de participation, qui
jouera sur l’aspect ludique de son lieu (ou de sa programmation).
Par ailleurs, une autre forme de communication a émergé ces dernières années : le
marketing viral. Il s’agit d’une technique « qui permet de transformer les internautes en
vecteurs de communication qui diffusent le message sur la toile » 84
. Equivalant du
bouche à oreille en ligne, l’entreprise doit proposer un fichier court, attractif, drôle ou
étonnant, suscitant la curiosité et surtout le désir de le partager avec ses amis. Dans la
majorité des cas il s’agit de brèves vidéos, mais il peut y avoir d’autres formats comme
des photos, des dessins humoristiques, des musiques, etc. Le risque principal est celui
de ne pas plaire aux internautes et d’être ignoré.
ii. L’ergonomie des sites
Au delà des stratégies de marketing, l’interactivité passe également par
l’ergonomie des sites des théâtres. La signalétique85
du site doit être claire et lisible afin
de permettre à l’internaute de pouvoir naviguer facilement d’une page à l’autre et
d’identifier les contenus proposés. Le site doit également montrer les possibilités
d’interaction et les différents services qu’il offre (achat de billet en ligne, demande
d’abonnement, contact, etc.). Par exemple, le blog de l’Athénée a été remanié six mois
après sa création afin de le rendre plus lisible et ergonomique. Clémence, en charge du
84
Chouchan Lionel, Les Relations publiques, Paris, Puf, Que Sais-Je ?, 2007, page n° 92/93
85
Définition : « ensemble des indications qui permettent de s'orienter dans un lieu, de trouver ce que l'on
cherche » - sur http://dictionnaire.reverso.net/francais-definition/signalétique
45
blog, s’explique au sujet de la création des six rubriques regroupant les articles par
thèmes :
« Ces rubriques n’existaient pas au début, on les a rajouté au bout de six
mois. Au départ, j’écrivais à chaque fois sans les regrouper.. Et on s’est rendu
compte que les articles pouvaient être regroupés sur ces sujets là (…) ça
permettait de faire des recherches sur le blog, beaucoup plus ergonomique. La
seule recherche qu’on avait avant c’était par billet ou par date ce qui n’est pas
pratique au bout d’un an ! Donc ça permettait au blog d’être plus lisible »86
.
La création d’un site ne doit donc jamais être laissée au hasard et chaque élément doit
faire sens dans un projet général d’identité et d’expérience utilisateur.
b. Vers une démocratisation des contenus et une ouverture à
de nouveaux publics
i. Diffusion à grande échelle des informations
Selon Jean François Variot, Internet est le « lieu d’expression privilégié des
valeurs d’usage de la marque »87
, pouvant diffuser des informations à très grande
échelle, d’où la nécessité pour le site d’être le plus complet possible. Selon Dominique
Bourgeon-Renault, « dans l’histoire de l’évolution des formes culturelles, l’extension du
champ culturel aux industries créatives est largement issue d’un changement
technologique majeur »88
. Cette affirmation se confirme pleinement avec l’évolution du
rapport à la culture des particuliers par Internet. L’accélération du débit Internet, la
baisse des prix et une hausse constante du taux d’équipement des ménages (en France,
6 ménages sur 10 ont un ordinateur, et un ménage sur deux a une connexion Internet89
)
participent, entre autre, à l’émergence de nouveaux modes de consommation culturelle.
La multitude des nouveaux supports de communication informatisés qui ont découlé de
la démocratisation populaire d’Internet, le commerce électronique, les possibilités
d’échanges et d’ouvertures sur le monde, ont révolutionné l’accès à l’information, le
86
Clémence Hérout, en charge du blog de l’Athénée, entretien réalisé le 19 février
87
Variot Jean-François, op. cit., chapitre 11, La marque contrat de valeurs, p 179
88
Bourgeon-Renault Dominique, op. cit. (note n°3), Chapitre 1, Champ et produits culturels, page n°18
89
Berret Pierre, Diffusion et utilisation des Tic en France et en Europe, Paris, DEPS/ministère
de la Culture et de la Communication, coll. « Culture chiffres », 2008, p. 6.
46
partage, le commerce et la consommation des biens culturels en les rendant beaucoup
plus accessibles qu’auparavant.
ii. Cyberdémocratie - la démocratie électronique 90
Les nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC) ont
un fort impact politique sur les sociétés contemporaines91
, qui reposent largement sur le
numérique (système financier, médias et monde de l’information, télécommunication –
téléphonie mobile, ordinateurs, etc.). Elles modifient le rapport entre l’espace public et
l’espace privé selon Patrice Flichy92
, brouillent et déplacent leurs frontières. Ces
nouveaux supports informatisés permettent d’approcher une société utopique qui se
passe de tout intermédiaire, où les citoyens « éclairés » sont mieux informés et plus
actifs par l’accès aux sites web, libres de s’exprimer sur les forums, ou par
commentaires sur les blogs et réseaux sociaux, le tout dans un cadre de « "démocratie
forte" , directe et unanimiste », selon la description faite par le chercheur américain
Benjamin Barber. L’interactivité prend le pas sur l’affirmation unilatérale. Ainsi, grâce
à Internet, les théâtres peuvent diffuser à grande échelle leurs informations, touchant
potentiellement un grand nombre de « non-publics » et leur offrant la possibilité d’avoir
un premier contact avec le théâtre. Les internautes peuvent ainsi se familiariser avec
l’identité du lieu, ses choix et son positionnement dans le champ culturel, et pourront,
par la suite, se renseigner facilement et aussi régulièrement qu’ils le désirent.
iii. Démocratisation de l’accès aux informations culturelles
Cette diffusion à grande échelle pourrait donc, en ce sens, participer à une
démocratisation de l’accès aux informations culturelles, puisqu’elle permet aux théâtres
de cibler de nouveaux « non-publics », difficilement atteignables avant Internet. Si l’on
90
Terme repris de Variot Jean-François, op. cit., Chapitre 16, Internet et les « nouvelles technologies de
l’information », page n° 249
91
Variot Jean-François, op. cit., chapitre 5, « Internet déplace le centre de gravité de votre marque », page
n°78
92
Patrice Flichy, Une histoire de la communication moderne : espace public et vie privé́e, Paris, La
découverte, 1991, 281 pages
47
s’attache à l’analyse des mécanismes de décision93
, les sources d’information en sont les
principaux moteurs : allant de la communication interpersonnelle (bouche à oreille), à la
publicité (internet, radio, affiches, etc), en passant par la critique (presse) et la
promotion (par interview de comédiens, de metteurs en scène, l’obtention de Molières,
etc.). Internet permet de concentrer ces informations (podcast d’émissions radios,
d’interviews, de vidéos, mise en ligne des articles de presse, etc.) et de les diffuser
largement au grand public. Selon Arthur Lenoir94
, l’enjeu vital est de communiquer
auprès des jeunes, la priorité étant de les informer, de « leur montrer que ça existe » car
un grand nombre d’entre eux « ne savent pas que ça existe, ou ne savent pas ce que c’est
vraiment ».
Ces Nouvelles Technologies de l’Information et de la Communication comme
moyen d’accès aux informations permettent, par ailleurs, d’estomper des barrières entre
les différents groupes sociaux. Les trois principaux obstacles au passage à l’acte d’aller
au théâtre ont été recensés par Dominique Bourgeon-Renault95
, il s’agit avant tout de
l’éloignement géographique. Arthur Lenoir96
considère que la mise en place d’un site
riche en informations, en photos et en vidéo « permettrait aux gens qui sont loin de
Paris, ou du fin fond d’une banlieue, de voir comment ça se passe, (…) et de se
effectivement ça me plaît, je vais y aller. Alors que là, s’ils ne viennent pas à Paris pour
se renseigner, ils n’ont pas de possibilité de se renseigner concrètement sur ce que c’est
avant de s’y rendre ». Ce témoignage révèle l’importance de l’accès à l’information
comme première étape de démocratisation culturelle. Il faut d’abord informer les gens
des programmations et des lieux existants avant d’espérer pouvoir obtenir des
retombées claires en terme de statistiques.
Par ailleurs, la seconde barrière est celle de la distance psychologique et
intellectuelle à l’égard de l’objet culturel. Il est difficile de démontrer que le recours à
Internet comme support de communication des théâtres participe à l’effacement de ce
type de fossé. Du moins, il peut faciliter l’approche du milieu pour les personnes
93
Bourgeon-Renault Dominique, op. cit. (note n° 3), Chapitre 3, Le comportement de consommation
culturelle, page n°87
94
Arthur Lenoir, webmaster de la comédie française, rencontré le 16 mars
95
Bourgeon-Renault Dominique, op. cit. (note n°3), La distance culturelle, page n° 76
96
Arthur Lenoir, webmaster de la comédie française, rencontré le 16 mars.
48
« éloignées » intellectuellement, en leur permettant de découvrir chaque lieu depuis
chez elles, à travers l’écran de leur ordinateur, et d’avoir éventuellement une idée des
codes sociaux tacites qui les régissent.
Enfin, les barrières sociologiques correspondent aux effets de la classe sociale
sur les comportements culturels des individus. Selon Gottesdiener97
, ce n’est pas le prix
d’entrée qui constitue le principal frein à la consommation mais la distance culturelle.
De même, Bourdieu98
estime que les différences entre niveau de revenus et niveau
d’éducation impliquent une concurrence entre les individus dans la consommation de
produits culturels. Il distingue ainsi le goût dominant (relatif aux œuvres légitimes ou
majeures), le goût moyen (correspondant aux œuvres mineures des arts majeurs et aux
œuvres majeures des arts mineurs), et le goût populaire (à relier aux œuvres dépourvues
de toute ambition artistique). Cette dernière barrière est probablement la plus difficile à
estomper puisqu’elle relève de l’éducation même des individus, de leur histoire, de la
classe sociale de leurs ancêtres, etc.
Ainsi, les nouveaux supports proposés par Internet, ont permis de développer
une communication plus efficace. Les théâtres peuvent désormais diffuser à grande
échelle toutes les informations importantes pour la promotion de leurs spectacles, mais
ils peuvent également toucher individuellement chaque personne appartenant à leur
réseau. En ce sens, Internet est à la fois un média de masse et un média qui favorise une
certaine proximité et qui permet surtout une forte interaction entre les théâtres et leurs
spectateurs. Les organisations peuvent ainsi mieux cibler leurs publics, et adapter la
communication au cas par cas. Ce processus d’information personnalisé est
généralement mis en place par les professionnels dans un but de démocratisation de l’art
dramatique.
Nous verrons donc dans le Chapitre 3, dans quelle mesure les stratégies menées
par les professionnels ont des répercussions sensibles sur les pratiques culturelles des
Français et sur leur rapport au théâtre.
97
Gottesdiener Hanna, Freins et motivations à la visite des musées d’art, Ministère de la culture, 1992
98
Bourdieu, La distinction, Editions de Minuit, 1979, 670 p.
49
Chapitre 3 : Démocratisation du théâtre et Internet
Nous avons analysé, du point de vue de l’offre, comment les théâtres se sont
positionnés sur Internet vis-à-vis de leurs publics, à travers des plates-formes ludiques
d’interaction, recherchant une certaine démocratisation du Théâtre.
Nous tâcherons ici de déterminer, du point de vue de la réception des spectateurs
internautes, s’il existe une corrélation entre leur utilisation d’Internet et une éventuelle
démocratisation du théâtre, en nous appuyant sur des statistiques officielles et notre
propre étude, réalisée auprès de cent personnes.
I. Les analyses officielles - les français et le spectacle vivant quelles
tendances ?
La question des pratiques culturelles des français et de leur « démocratisation » a
été régulièrement étudiée depuis les années 1960 et les débuts de la statistique
culturelle. Elle s’est peu à peu institutionnalisée, avec la création du ministère des
Affaires culturelles et la création du service des études et de la recherche (SER) devenu
Département des études et de la prospective (DEP). Les résultats de ces études
régulières ont permis de mettre en lien les taux de fréquentation du spectacle vivant
avec divers indicateurs, tels que l’état social des personnes, l’âge, le genre, le niveau
d’instruction, la catégorie socioprofessionnelle, la taille de l’agglomération de
résidence, la région d’habitation, etc.
50
a. Principales tendances
Selon l’enquête sur les pratiques culturelles des Français réalisée par Olivier
Donnat en 200399
, « 7% de Français âgés de 15 ans et plus n’ont jamais assisté à un
spectacle vivant de leur vie ». En revanche, si l’on s’attache au théâtre à proprement
parler, le pourcentage s’élève à 43%, le cirque à 22%. La même enquête estime à 55%
la proportion de Français âgés de 15 ans et plus qui, au cours des douze derniers mois
précédant l’enquête, auraient assisté hors de chez eux à un spectacle vivant
professionnel, dont 15 % au théâtre, et 29 % à un spectacle de rue. Ces chiffres ont
évolué depuis cette enquête, et selon l’INSEE, en 2006, 17% des français sont allés au
moins une fois voir une pièce de théâtre dans l’année. Enfin, l’enquête de Donnat révèle
que le nombre de spectateurs occasionnels (allant entre une et deux fois par an au
théâtre) est toujours nettement supérieur à celui des « non-occasionnels », et que le
nombre de spectateurs réguliers y allant plus de trois fois par an, « s’avère [être] le fait
d’une infime minorité »100
.
b. L’influence du niveau d’études sur les sorties au théâtre
Parmi les principaux facteurs influant sur la fréquentation du Théâtre, c’est le
niveau d’instruction qui induit les variations les plus importantes. Les taux de
fréquentation varient, du simple au double (pour le cirque et le spectacle de rue) voire
du simple au triple (pour le théâtre), entre les personnes peu ou non-diplômées et les
Français titulaires d’un diplôme de l’enseignement supérieur. Ainsi, l’enquête révèle
que seul 10% des personnes peu ou non diplômées, ont vu un spectacle de théâtre,
tandis que la proportion s’élève à 38% chez les diplômés. Il s’agit donc ici de la
confirmation statistique des barrières sociologiques évoquées page 39, d’après
Dominique Bourgeon-Renault101
.
99
Donnat Olivier, Tolila Paul, Le(s) public(s) de la culture, Vol. 2, 2003 – Chapitre 16, « Les publics du
spectacle vivant »
100
Le(s) public(s) de la culture, Tome 2, Olivier Donnat, Paul Tolila, 2003 – Chapitre 16, « Les publics
du spectacle vivant »
101
Bourgeon-Renault Dominique, op. cit. (note n°48), « La distance culturelle », page n° 76
51
Tableau 1 : Influence des catégories Socioprofessionnelles sur les sorties
Catégorie socioprofessionnelle Théâtre ou concert (%)
Agriculteur exploitant 12
Artisan, commerçant, chef d’entreprise 24
Cadre et profession libérale 60
Profession intermédiaire 41
Employé 25
Ouvrier 14
Étudiant 44
Chômeur et inactif 16
Ce tableau met en évidence l’influence de la catégorie socioprofessionnelle des individus sur le
nombre de sorties au théâtre ou au concert par an. Ainsi, un français cadre ou de profession libérale va
deux fois plus au théâtre qu’un artisan et quatre fois plus qu’un ouvrier en un an.
c. L’influence du sexe, de l’âge et du lieu de résidences sur les sorties
au théâtre
L’étude d’Olivier Donnat montre que d’autres facteurs influencent les sorties
culturelles. Il s’agit principalement de l’âge, du sexe et du lieu de résidence des
Français.
Tableau 2 : Pourcentages des sorties Culturelles en fonction de l’âge et du sexe,
durant les 12 derniers mois en France en 2006 102
Avez-vous pratiqué une telle
activité au cours des douze
derniers mois ?
16-24 ans 25-39 ans 40-59 ans 60 ans ou plus Ensemble
Oui Non Oui Non Oui Non Oui Non Oui Non
Aller au théâtre ou au café-
théâtre
Femmes 20 80 18 82 22 78 15 85 19 81
Hommes 13 87 14 86 16 84 14 86 15 85
Ensemble 16 84 16 84 19 81 15 85 17 83
Ce tableau croise deux des facteurs les plus importants dans les pratiques culturelles : l’âge et le sexe des
particuliers.
102
INSEE « Sorties culturelles au cours des douze derniers mois », 2006 -
http://www.insee.fr/fr/themes/tableau.asp?ref_id=NATCCF05413&reg_id=0
52
Selon Olivier Donnat, la proportion des femmes fréquentant les salles de théâtres
« est systématiquement supérieure à celle des hommes ». Ce tableau nous montre qu’en
2006, il existait 4% de décalage entre le nombre de femmes françaises ayant assisté au
moins une fois à une pièce de théâtre dans l’année (19%) et celui des hommes (15%).
Néanmoins, ces chiffres sont à modérer puisqu’en France, les femmes sont plus
nombreuses (environ 1 point supplémentaire) que les hommes. Ces chiffres
surreprésentent donc les femmes au sein des publics.
Les variations selon l’âge, quant à elles, dépendent du genre de spectacle. Selon
Olivier Donnat, de manière générale, les jeunes sont plus nombreux à sortir que leurs
aînés. Le pourcentage de français étant allé au théâtre au moins une fois dans l’année est
stable d’une fourchette d’âge à l’autre, hormis la catégorie des 40-59 ans, qui sont entre
3 et 4% plus nombreux que les autres.
Enfin, la taille de l’agglomération de résidence exerce également une influence
sensible sur les pratiques des habitants.
Tableau 3 : Influence de la taille de l’agglomération sur les pratiques culturelles en
France en 2000 103
Lieu de résidence Théâtre ou Concert (%)
Commune rurale 22
Moins de 100 000 habitants 24
100 000 habitants et plus 33
Unité urbaine de Paris 44
Ce tableau permet de marquer les différences quant aux sorties au théâtre et au concert entre une
commune, une ville petite ou moyenne, une grande ville et Paris.
D’après Olivier Donnat, les taux de fréquentation en région parisienne sont
généralement entre deux et cinq fois supérieurs aux autres villes. En effet, un Parisien
sur deux va au théâtre dans l’année contre seulement 10% des personnes résidant dans
une ville de moins de 20 000 habitants et 15% de celles qui vivent dans une ville de
taille supérieure.
103
INSEE, Enquête permanente sur les conditions de vie, octobre 2000,
http://www.insee.fr/fr/ffc/docs_ffc/ip883.pdf
53
L’étude des pratiques culturelles des Français et plus précisément, celle des
sorties au théâtre, révèle des ruptures à tous niveaux de la population très hétérogène. Si
l’on devait établir le profil type des français fréquentant les théâtres, il s’agirait donc
d’avantage de femmes, ayant majoritairement entre 40 et 59 ans, cadres ou de
profession libérale et habitant Paris ou une grande ville (Lyon ou Marseille par
exemple).
II. Publics et Internet, quels recours ? Les résultats de notre enquête
a. Les spécificités de notre étude : la surreprésentaniont des CSP+
Nous avons réalisé une étude104
auprès de cent personnes afin de vérifier les éventuels
rapports entre les spectateurs allant au théâtre et leurs usages d’Internet. Nous l’avons
mise en ligne afin de leur faciliter la réponse.
Illustration 15 : Nombres de réponses au questionnaire, par jour.
Cette courbe montre la rapidité avec laquelle s’est répandu notre questionnaire. Nous avons obtenu 95
réponses en dix jours.
En recoupant les réponses des cent personnes interrogées, elles semblent s’approcher en
plusieurs points du profil type esquissé précédemment.
104
Voir la grille de questionnaire en annexe
54
Illustration 16 : Une majorité de femmes ont répondu à notre questionnaire
En effet, de la même façon que le monde culturel est plus fréquenté par des femmes que
par des hommes, une nette majorité de femmes se sont intéressées à notre sujet : 65%
contre 35 % seulement d’hommes. Elles sont donc surreprésentées dans notre pannel.
Par ailleurs, notre panel est, majoritairement, fortement diplômé : une forte proportion
est constituée de professeurs (en particulier des agrégés en Lettres Modernes), 37% ont
un « bac + 4 » et 28% un « bac +5 ». Le reste des réponses provient d’étudiants en art
ou en communication, d’ingénieurs du son et de l’image, ou encore de graphistes…
Illustration 17 : Le niveau d’étude de notre panel
Mémoire de master 1 (2009-2010) : Théâtre, Internet et Démocratisation
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Mémoire de master 1 (2009-2010) : Théâtre, Internet et Démocratisation

  • 1. 1 Fernandez Andréa Mémoire de Médiation Culturelle 2009 / 2010 Théâtre, Internet et Démocratisation Evolution des supports et des stratégies de communication des théâtres par Internet et démocratisation culturelle Sous la direction de : Madame Bertho-Lavenir
  • 2. 2 Introduction Les théâtres, à l’image de toute entreprise, établissent des stratégies de communication, qui sont amenées à évoluer avec l’apparition de nouveaux supports. Le développement d’Internet, aussi bien dans les usages des particuliers que dans les usages professionnels, favorise l’émergence de nouvelles pratiques culturelles. Depuis la démocratisation d’Internet, à la fin des années 1990, les théâtres ont commencé à travailler leur présence sur le web, et à diffuser leurs informations à grande échelle (1 200 000 000 de personnes ont accès à Internet et environ 300 millions d’internautes s’expriment régulièrement ou produisent du contenu1 ). Internet est désormais devenu une source inévitable d’information, et les amateurs de théâtre ont affaire à une offre considérable de sites spécialisés. Le seul ordinateur et sa connexion Internet permet de voir la programmation actuelle d’un lieu (via les sites institutionnels), de recenser des critiques aussi bien professionnelles qu’amateurs sur une pièce (via les sites communautaires, ou les blogs), et de visionner des vidéos de bande annonce (ou Teaser) sur des sites comme Youtube ou Dailymotion. Du côté de l’offre, ces nouveaux supports permettent de mieux cibler les publics, de façon inter- individuelle, interactive et plus ludique. Du côté de la réception, cette facilité d’information permet aux spectateurs de mieux choisir les pièces susceptibles de les intéresser. Nous sommes donc amenés à nous demander, dans quelle mesure Internet favorise- il une forme de démocratisation du théâtre, permettant de toucher de nouveaux publics jusqu’alors difficilement atteignables, ainsi qu’une forme de démocratisation de la critique, modifiant le rapport entre amateurs et professionnels. Ce questionnement nous conduit à tenter d’analyser si l’évolution des modes de communication des professionnels et de la relation aux publics par Internet, a des 1 Bienvenus sur Facebook – selon les chiffres d’Internetworldstat.com
  • 3. 3 retombées sensibles du côté des usages des particuliers ; et si les publics amateurs dépassent la seule consommation culturelle, pour s’intégrer dans un processus de participation autour des pièces et prennent la parole sur le web. Notre première hypothèse suppose qu’Internet, en tant que média de masse permet de diffuser largement l’information, touchant ainsi de nouveaux publics, et favorise ainsi la démocratisation du théâtre. Notre seconde hypothèse postule que parallèlement à cette tendance quantitative, les théâtres, ont multiplié leurs supports de communication, cherchant l’établissement d’une relation qualitative en développant la proximité, l’interactivité et le ludique avec leurs spectateurs. Notre troisième hypothèse pose qu’Internet favorise l’émergence de nouvelles formes d’expression autour des théâtres, notamment la prise de parole des amateurs, et fédère autour d’eux des cercles de lecteurs. Afin d’appréhender la présence des théâtres sur Internet de manière exhaustive, notre corpus devait intégrer tout ce qui constitue l’identité numérique d’un théâtre en ligne, à savoir leurs sites institutionnels, leurs blogs, leurs comptes sur les réseaux sociaux, sites communautaires et sites de vidéos. Cependant, cela représente un nombre trop important d’objets à étudier, et nous avons donc limité notre corpus aux plus représentatifs. Nous avons sélectionné les théâtres de notre étude en fonction de plusieurs critères. Ils devaient être parisiens afin de faciliter l’organisation des entretiens auprès des professionnels. Ils devaient présenter une politique claire vis-à-vis d’Internet. Enfin, ils devaient être subventionnés par l’Etat afin de partager un modèle économique, avoir un budget leur permettant de développer une communication numérique à l’échelle de leurs moyens financiers, et exercer une influence sur les pratiques des publics reconnue. Nous nous sommes donc arrêtés à l’étude de quatre théâtres. Tout d’abord, l’Athénée pour son dispositif sur Internet très développé ; possédant à son actif un site institutionnel particulièrement innovant et interactif, un blog fantaisiste au ton humoristique, des comptes sur les sites communautaires Facebook et Twitter, et des comptes sur les sites de vidéos Youtube et Dailymotion.
  • 4. 4 Ensuite, nous avons choisi le théâtre de la Comédie Française à la fois pour son statut exceptionnel, mais aussi pour son austérité et sa discrétion sur Internet (uniquement présent sur leur site Institutionnel). Nous avons donc cherché à comprendre quels choix motivaient cette attitude. Nous nous sommes intéressés au théâtre 13, pour avoir le point de vue d’une institution plus modeste que les deux premièrement cités. Nous avons donc analysé sa présence protéiforme sur Internet, son site Institutionnel, et son compte Facebook. Enfin, nous avons sélectionné le théâtre de la Colline pour son site Institutionnel dynamique, en mouvement et multimédia. Etant donné que nous nous sommes également intéressés à l’étude des publics et de leurs pratiques, nous avons choisi d’analyser les sites où les amateurs s’expriment et diffusent leurs opinions. Il s’agit des forums, des sites communautaires (facebook, twitter) et des blogs. Nous avons particulièrement étudié le forum théâtre- contemporain.net pour son succès et sa visibilité dans le milieu théâtral. Nous avons ensuite effectué des recherches sur twitter afin de relever les divers messages publiés sur certains mots clefs (Ariane Mnouchkine, les naufragés du fol espoir, Un tramway). Enfin, nous avons analysé les blogs de critique amateur, à travers le Tadorne pour son grand cercle de lecteurs. Par ailleurs, nous avons étudié de façon qualitative le discours des professionnels à propos des choix opérés par les théâtres en ligne, en réalisant quatre entretiens semi-directionnels. Suite aux hypothèses posées, j’ai choisi de rencontrer cinq profiles différents, complémentaires et en lien direct avec notre problématique, à savoir : a chargée des Relations Publiques d’un théâtre parisien (Yselle Bazin au Théâtre 13), le chargé de la Communication et des Relations Publiques (Yann Leborgne au théâtre de l’Athénée), le Webmaster de la Comédie Française (Arthur Lenoir), une blogueuse rattachée à un théâtre (Clémence - du Blog de Clémence au théâtre de l’Athénée), et un blogueur indépendant et amateur (Pascal Bely - le Blog du Tadorne). Ces entretiens nous ont permis d’obtenir une vision globale sur les rapports entre professionnels et amateurs de théâtre avec Internet.
  • 5. 5 Afin d’avoir une analyse plus complète, nous avons choisi de nous interroger sur le ressenti des publics, quant à leur rapport à Internet comme intermédiaire avec le théâtre, leur réception et leur sensibilité à la communication de ces derniers en ligne. Pour cela, nous avons mené à bien une enquête quantitative, et avons mis en ligne (par Google Document) un questionnaire composé de vingt-quatre questions et tentant de cerner le mieux possible les habitudes des spectateurs. Nous envoyé le lien par mail à une trentaine de nos contacts, qui l’ont eux-mêmes fait suivre à leur réseau – jusqu’à 3 degrés de séparation. Nous avons ainsi obtenu cent réponses en dix jours. Nous tacherons donc de faire, dans un premier temps, l’état des lieux de la présence du monde théâtral sur Internet, à travers les sites institutionnels, la blogosphère, les réseaux en ligne et les sites de vidéos. Nous verrons ensuite comment les théâtres ont du adapter leur communication aux nouveaux supports numériques. Pour cela, les lieux ont du penser leur identité en ligne en assumant leur statut de marque, ce qui a favorisé de nouveaux rapports aux publics, à plus grande échelle, tout en étant plus interactifs et ludiques, se dirigeant ainsi vers une forme de démocratisation. Nous analyserons enfin la réception de ces stratégies par les publics, et tenterons de déterminer dans quelle mesure la démocratisation des théâtres s’opère, s’il s’agit à proprement parler d’une démocratisation des publics, ou d’une démocratisation de la critique offerte par un public initié déjà existant.
  • 6. 6 Chapitre 1 : Présence du monde théâtral sur Internet Avec le développement d’Internet et sa popularisation rapide à la fin des années 90, de nouveaux supports de communication et d’information se sont développés. Internet est progressivement devenu une source de loisirs pour les particuliers et a peu à peu imprégné le milieu professionnel. Dès lors, le milieu culturel s’est familiarisé avec ces nouveaux outils et chaque lieu a commencé à travailler sur la création de sa page Web. Les entreprises théâtrales se sont mises en ligne en plusieurs temps : elles ont d’abord travaillé à la création de leur site institutionnel, dès la fin des années 90, avec pour les plus avant-gardistes, l’envoie régulier de « newsletters » ; puis elles ont choisi de développer ou non leur présence sur Internet, via les blogs ou les sites communautaires. Nous tâcherons d’analyser les nouveaux supports informatisés utilisés pour la communication des théâtres sur le web, à savoir, les sites institutionnels, les blogs, les divers réseaux sociaux, ainsi que les sites de vidéos. I. Les sites institutionnels a. La substitution des programmes papiers par les pages web Au cours des années 1990, la nécessité pour les théâtres d’être présents sur un média de plus en plus populaire se faisait pressante. Les premières réflexions des professionnels, quant à l’utilité et aux apports d’un site web, se sont concentrées sur la mise en ligne de la programmation. Les théâtres et les pièces proposées devaient être visibles par tous les internautes. Ainsi, lorsque la Comédie Française crée son site en 1997, Arthur Lenoir explique que « l’intérêt principal [était] d’avoir la programmation en ligne »2 . Les premières pages web des théâtres diffusaient également les informations pratiques tels que le numéro de réservation, l’emplacement du théâtre, les horaires d’ouverture, les services offerts dans les locaux… ainsi que l’actualité du lieu en 2 Arthur Lenoir, webmaster de la comédie française, rencontré le 16 mars.
  • 7. 7 mettant en avant les événements exceptionnels tels que des lectures, ou des répétitions publiques par exemple. b. La vente de billets sur les sites institutionnels Peu à peu, les théâtres ont intégré de nouvelles fonctionnalités à leur site, et la possibilité de vendre des billets en ligne est sûrement l’une des plus importantes. Ainsi, le Théâtre 13, qui a créé son site relativement tard (2002), a vu au-delà de la mise en ligne du programme dans l’utilisation d’Internet : « le but était de créer une interface supplémentaire, d’être plus proche du public, de faciliter les réservations, et de disposer d’un nouvel outil de communication »3 . La possibilité d’acheter ou de réserver des places représente aujourd’hui un élément indispensable des sites. A la Comédie Française, « 30 à 40 % des billets sont vendus en ligne »4 et la billetterie web permet aux spectateurs pressés ou éloignés géographiquement de s’organiser plus facilement : « il y a beaucoup d’étrangers qui passent par Internet mais ça peut aussi être n’importe qui. Et je pense que l’essentiel ce sont des gens qui sont pressés, qui n’ont pas le temps de passer au guichet et qui donc passent par le site »5 . c. Interactivité et développement du ludique Enfin, la recherche d’interactivité et d’éléments ludiques pour l’internaute est devenue une véritable priorité. Le contenu multimédia, les animations, les possibilités d’entrées multiples et sélectives, les interactions possibles, sont autant d’éléments valorisés sur les sites des théâtres. Le site de l’Athénée par exemple propose aux visiteurs un contenu multimédia et interactif très développé. 3 Fabian Chappui, administrateur du Théâtre 13, entretien réalisé le 5 mars. 4 Arthur Lenoir, webmaster de la comédie française, rencontré le 16 mars. 5 Ibid.
  • 8. 8 Illustration 1 : La page d’accueil du théâtre de l’Athénée Les éléments principaux y sont lisibles dès la page d’accueil : les pièces en cours (Une maison de poupées et Claire-Maris Le Guay), les derniers points d’actualité (encarts pour les rubriques « Rencontres », « Salon » et « Prochainement », les liens vers les autres supports web sur lesquels est présent le théâtre (en bas à gauche, l’icône de Facebook et de Twitter, ainsi que plusieurs liens vers le blog), des liens vers chaque autre pièce de la programmation (à la tête de la page), etc. Les fonctionnalités initiales y sont également présentes, avec la possibilité de télécharger la brochure de saison, et d’acheter les billets en ligne. Par ailleurs, si l’on s’attarde sur les possibilité d’interactivité du site, l’onglet « autour du spectacle » recense les sept types de rencontres possibles autour des pièces : les café- débats, « D’abord », « ensuite », le tchat, le cinéma, les événements hors les murs et le blog. Deux sur les sept sont entièrement virtuels, les cinq autres ont des comptes rendus consultables et téléchargeables sur le site.
  • 9. 9 Illustration 2 : Page tchat du site La possibilité de tchater sur le site est un des procédés d’interaction particulièrement innovant. Les spectateurs peuvent ainsi échanger avec le metteur en scène de la pièce en cours pendant une heure. Le théâtre de la colline quant à lui, propose un site très coloré, avec des animations et une ergonomie qui rend la lecture des éléments importants très facile. Illustration 3 : Page d’accueil du site de la colline
  • 10. 10 Les affiches des quatre prochaines pièces sont immédiatement visibles en arrivant sur le site avec un effet de déroulé, conférant au site un effet vivant et énergique. Ainsi, aujourd’hui l’objectif des théâtres sur leur site n’est plus seulement d’informer et de vendre en ligne, mais d’être le plus attractif possible pour leurs publics. Selon Arthur Lenoir, celui de la comédie française serait de développer « des activités ludiques, des jeux en flash, des quizs qui permettraient aux élèves, et aux jeunes [entre autre] de découvrir la comédie française par un côté un peu moins classique ». Par la suite, et dans la continuité de ces derniers objectifs, de nouveaux supports de communication se sont ajoutés aux sites. II. La blogosphère a. Succès populaire, appropriation professionnelle Le système de blogs s’est développé au début des années 2000 et à participé à la transition du Web 1.0 « Content centric », au web 2.0 « User centric ». Ainsi, les utilisateurs d’Internet, anciennement consommateurs, sont-ils devenus eux-mêmes producteurs d’informations, favorisant le partage et l’interaction. Selon Yossi Vardi et Pavel Curtis, « people are the killer app of the Internet »6 . Des groupes en ligne se forment alors et échangent leurs expériences et opinions, formant ainsi des communautés spécialisées, réunies par centres d’intérêt. D’après une étude réalisée par European Technographics7 , 22% des français lisaient des blogs chaque mois en 2007. Selon Jean Marc Hardy8 , les blogs ont d’abord été considérés et utilisés comme un outil introspectif, un journal intime mis en ligne. Les skyblogs qui connaissent un très grand succès depuis le début de années 2000 (27 millions de blogs actifs hébergés par Skyrock)9 représentent bien cette tendance. Mais si ce type de blogs a connu un grand succès populaire, il est loin d’être la seule forme existante. En effet, selon Jean-Marc Hardy, trois autres formes de blogs , de plus en plus investies par le secteur professionnel, se sont développées. Il recense, pour 6 « Les gens sont l’application principale d’Internet » 7 European Technographics, Benchmark Survey, Q2 2007 8 Jean-Marc Hardy, chercheur, journaliste et conseillé en communication web - http://blog.ronez.net/?p=322 9 Selon Skyrock et le journal du geek : http://www.journaldugeek.com/2009/09/08/27-millions-de-skyblog-actifs/
  • 11. 11 commencer, les blogs d’opinion, tenus par des politiques, des journalistes, des spectateurs qui échangent beaucoup avec leurs lecteurs par commentaires interposés. Jean Marc Hardy cite ensuite les blogs thématiques. Selon lui ils sont créés par des professionnels qui ont une expertise sur un sujet donné. Ils diffusent leur avis sur leur activité, font part de leur expérience. Dans le milieu culturel ces deux types de blog sont les plus fréquents. Ensuite viennent les blogs d’entreprise qui servent à communiquer en interne ou en externe. On trouve des blogs corporates, qui servent à humaniser l’entreprise, aller au- delà de la communication institutionnelle ; et les blogs marketing, qui réunissent les consommateurs et clients, leur donnant un droit de parole. On trouve assez peu de ce type de blog dans le milieu culturel, les entreprises et institutions culturelle et artistiques étant souvent de trop petite taille pour avoir à recourir a ce type de communication interne. b. La blogosphère du théâtre Dans le milieu professionnel théâtral, la grande majorité des blogs sont des blogs d’opinion et d’expertise qui peuvent se regrouper en deux catégories : ceux tenus par les professionnels des théâtres eux-mêmes, autour de leur théâtre et ceux de critique professionnelle de spectacles. i. Les blogs professionnels de critique de spectacles Les blogs professionnels de critique en ligne sont très nombreux : quotidiens, hebdomadaires ou sans contraintes de publications particulières, les blogs offrent une nouvelle forme de critique aux spectateurs. Selon Clémence Hérout10 les critiques y sont « plus construites, beaucoup plus libres de ton, plus riches… » que dans la presse. Yselle Bazin11 , pense quant à elle que ces blogs ont « changé notre rapport à la critique » et que cette dernière « est encore plus prise en compte parce qu’elle est facilement accessible ». 10 Clémence Hérout, en charge du blog de l’Athénée, entretien réalisé le 19 février 11 Yselle Bazin, Attachée aux relations publiques du Théâtre 13, entretien réalisé le 5 mars
  • 12. 12 Parmi les plus importants de cette catégorie de blogs, on trouve celui des troiscoups.com – « le seul journal quotidien du spectacle vivant », tenu par Vincent Cambier depuis 1991. Une quarantaine de rédacteurs -qui sont ou ont été par ailleurs comédiens, journalistes ou professeurs - postent chaque jour des critiques, des interviews, des reportages sur les spectacles de la France entière. Illustration 4 : La page d’accueil du blog des trois coups Le blog propose entre deux et trois critiques par jour en moyenne. Parmi les autres blogs de critiques de référence on peut citer : Ruedutheatre.eu, autoproclamé « le quotidien du spectacle vivant en Europe depuis 2003 », mouvement.net – « le site indiscipliné », théâtrorama.com – « le panorama du spectacle bien vivant, et bien d’autres encore ».
  • 13. 13 ii. Les blogs des théâtres – le cas de l’Athénée12 Le théâtre de l’Athénée est le seul théâtre possédant un blog sur son actualité en complément de son site web. Ce dernier est tenu par Clémence Hérout, qui publie chaque jour, depuis septembre 2008, un billet sur des sujets très divers, toujours en lien avec le théâtre et sa programmation. Créée sous l’impulsion du directeur général de la communication et des relations publiques Yann le Borgne, il affiche la volonté de « donner un plus au public plutôt que l’idée d’hausser les fréquentations de billetterie » […] « et qu’on parle de l’Athénée autrement ». Clémence a une liberté éditoriale totale : les thèmes des articles ne lui sont jamais imposés et ne font jamais l’objet d’une relecture avant publication. Les billets se veulent libres de ton , « légers », « spontanés », « humoristiques », tout en étant « fouillés », et sont dans la ligne de communication du Théâtre qui se veut « classique » mais « fantaisiste » pour reprendre les termes de la blogueuse. Illustrations 5 : La page d’accueil du blog de l’Athénée 12 Adresse du blog : http://blog.athenee-theatre.com
  • 14. 14 Illustration 6 : Les sept rubriques de référencement d’articles sur le blog Ces illustrations permettent de voir l’organisation du blog et le référencement des articles publiés dans sept catégories : plein feu, « qui porte directement sur le spectacle » ; coulisses, « qui concerne la vie des coulisses de préparation de spectacles… » ; perspective, qui « sert pour des sujets plus politiques », d’hier à aujourd’hui, qui « est une rubrique historique » ; la corde verte du lapin qui siffle, « sur les us et coutumes et superstitions au théâtre » ; coup de théâtre, « la rubrique soupape (…) [avec] des choses un peu plus décalées » 13 ; et enfin la rubrique entretien qui regroupe toutes les interviews de comédiens, metteurs en scène, etc… Quatre mille personnes sont inscrites à la newsletter du blog, un quart d’entre eux l’ouvrent quotidiennement. Quant au blog lui-même, il reçoit une centaine de visites par jour, en moyenne. Un blog de ce type permet donc d’avoir une visibilité autre auprès de son public, diffuser une image plus humaine, tout en affirmant, sur un support supplémentaire, son identité propre. 13 Clémence Hérout, en charge du blog de l’Athénée, entretien réalisé le 19 février
  • 15. 15 III. Les réseaux sociaux : a. Facebook – plate forme communautaire i. Présentation de l’outil Phrase de présentation sur la page d’accueil de Facebook Facebook est un site communautaire de réseau social (www.facebook.com) créé le 4 février 2004 par Mark Zuckerberg, en collaboration avec Dustin Moskovitz et Chris Hughes. Devenu un des sites les plus puissants du monde, il rassemble plus de quatre cent millions de membres à travers la planète14 , dont quinze millions en France15 , et est le deuxième site le plus visité après Google16 . Schéma 1 : Nombre d’utilisateurs Facebook depuis la création à janv. 2010 17 Cette courbe révèle la croissance exponentielle du nombre d’utilisateurs en France. Entre le début et la fin 2009, le nombre est (approximativement) passé de cent millions à 350 millions. 14 D’après les statistiques diffusées par l’entreprise Facebook sur Press Room, http://www.facebook.com/press/info.php?statistics - voir en annexe 15 Voir Schéma 2 - Nombre d’utilisateurs de Facebook en France, classés par âge 16 Selon Alexa top sites : http://www.alexa.com/topsites - http://www.alexa.com/topsites/countries/FR - voir en annexe 17 Graphique tire de l’article « Facebook » sur Wikipédia, d’après les chiffres diffusés par l’entreprise Facebook sur Press Room, http://www.facebook.com/press/info.php?timeline
  • 16. 16 Schéma 2 : Nombre d’utilisateurs de Facebook en France, classés par âge 18 . Ce graphique permet de mettre en évidence l’importance du facteur âge dans les pourcentages d’utilisateurs. Les moins de 35 ans représentent près de 77 % du nombre total d’usagers L’inscription ouverte à tous (à partir de 13 ans, avec pour seul contrainte d’avoir une adresse e-mail valide), permet aux membres d’y entrer les informations qu’ils souhaitent partager (état civil, études, centres d’intérêts, photos, vidéos, liens…) et d’interagir avec les personnes qui font partie de leur réseau. Ce dernier est constitué d’« Amis », selon le jargon du site, et s’élève en moyenne à centre-trente personnes19 . Le système de micro-blogging20 intégré à la plate-forme permet aux gens d’échanger publiquement (« what’s on your mind ? ») tandis que la boîte de messagerie privée (Inbox en Anglais) permet des discussions plus personnelles. Il s’agit donc d’un site au 18 FacebookBiz, Bientôt 15 millions d’utilisateurs facebook en France, http://www.facebookbiz.fr/article/nous- approchons-les-15-millions-dutilisateurs-facebook-en-france/ 19 op. cit. – voir note 13 20 Message court, de quelques caractères, pour transmettre une information précise
  • 17. 17 modèle bidirectionnel, d’interaction totale où chaque personne peut échanger avec tous ses « amis » à la fois. Selon Eric Delcroix, Facebook correspond à « une boîte à outils sociale », « qui peut servir à la fois personnellement (jouer, se divertir, faire des rencontres, trouver des bons plans) et professionnellement (acheter, vendre, collaborer, organiser des évènements, se former, faire de la publicité) » 21 . ii. L’appropriation de l’outil par les théâtres « Avoir des amis, c’est avoir du pouvoir » Thomas Hobbes Le Léviathan (1651) Les entreprises se sont vite approprié ce nouvel outil de communication, permettant de réunir un grand nombre de leurs clients (ou clients potentiels), et de leur communiquer instantanément toute information. D’après Eric Delcroix et Alban Martin22 , le site « remplace, intègre ou complète » un grand nombre de pratiques jusqu’alors indépendantes : un logiciel de messagerie, un logiciel de chat, un lecteur de flux RSS, un gestionnaire de projet, un système de recommandation, un agenda, un carnet d’adresse, etc. Il permet ainsi de créer et de gérer des groupes de discussion ou des groupes de contacts, d’archiver des signets et des liens Internet, de partager des images et vidéos avec les membres du réseau, de mieux connaître ses clients ou consommateurs (leur passions, leur statut social, leur âge…), d’organiser des évènements, d’organiser des conférences téléphoniques, de faire des micro-sondages, de mettre en scène l’identité numérique de l’organisation, de faciliter le recrutement et la recherche d’emploi, de simplifier les relations presse, de mettre en place du marketing viral et de la publicité gratuite. Dès 2007, les théâtres ont commencé à s’inscrire sur le site afin d’être plus visibles sur la toile, avec les différents comptes possibles : membre, groupe, fan page, et ainsi à rassembler une partie de leur public. Les personnes en charge du compte Facebook sont le plus souvent au service relations publiques des théâtres (par exemple Christelle Longequeue au théâtre de la Colline, Yselle Bazin au théâtre 13, Eglantine 21 Delcroix Eric, Martin Alban, Facebook : on s'y retrouve !, Paris, Pearson pratique, 2008, page n°8, Facebook pour les pros 22 ibid.
  • 18. 18 Desmoulin à l’Athénée…) et semblent davantage rechercher une fidélisation des publics sur le long terme qu’un profit immédiat. Aujourd’hui, plus de trois cents théâtres parisiens sont inscrits sur Facebook23 . Parmi eux figurent le groupe du théâtre de la Colline (511 membres), le compte du théâtre de l’Athénée (1 332 amis), celui du théâtre 13 (1 123 amis), le théâtre de la Commune (2 313 amis), le théâtre de la Bastille (2 876 amis), le Vingtième théâtre (2 938 amis), etc. Le réseau d’un théâtre compte donc globalement plus de cinq cents, voire mille contacts, ce qui représente autant de personnes simultanément touchées par chaque publication. Dès lors, les différents lieux peuvent diffuser à grande échelle une information protéiforme, à savoir des indications pratiques par le Micro Blogging (dates, horaires, programmation, évènements exceptionnels…), des articles de presse sur les pièces en cours, des photos (des lieux, des spectacles ou de l’équipe), ou encore des vidéos (teasers, extraits des pièces, films de répétitions…). Les personnes suivant le théâtre reçoivent donc une actualité « en direct », instantanée et que l’on peut qualifier d’ « intrusive » puisqu’elle apparaît directement sur leur « page d’accueil» ou « timeline »24 . Les membres du réseau du théâtre peuvent en échange interagir à chaque manifestation de cette actualité via des commentaires ou l’application « like » (« j’aime » en français) pour marquer leur approbation. Enfin, le système d’ « Event » ou d’ « Evènements » permet d’inviter virtuellement et concrètement les personnes d’un réseau à une manifestation (prochaine pièce, lecture, rencontre, table ronde …). Les personnes invitées trouvent sur la page créée toutes les informations nécessaires (horaires, lieux, durée…) et doivent répondre s’ils comptent participer ou non à l’événement. Par exemple, mercredi 3 mars les amis du Théâtre 13 ont pu lire le descriptif de la prochaine pièce qui s’y jouera, et répondre présent ou non à l’événement créé à cette occasion. Jeudi 4 mars, ils ont également pu découvrir trois photos postées, dévoilant quelques éléments de ce même spectacle. Pour reprendre Pascal Bely, auteur principal et créateur du blog du Tadorne, si le site Institutionnel permet de diffuser de l’information brute, le compte Facebook doit créer du lien social avec ses spectateurs, voir même « de la chaleur ». 23 Résultats de recherche du mot théâtre dans facebook : http://bit.ly/913s3b - voir en annexe 24 Page d’accueil qui permet de suivre en temps réel les actions de ses contacts
  • 19. 19 Il serait ainsi comme une personnalisation du Théâtre, lui donnant un visage humain, une parole. b. Twitter i. Une plate forme de micro blogging Twitter est une plate forme de « micro-blogging » et de réseau social, mono- directionnel qui recense 75 millions d’inscrits25 . Chaque utilisateur envoie gratuitement des messages courts, limités à 140 caractères, appelés « Tweets », visibles par toutes les personnes qui le suivent (les « followers »). Créé en avril 2007, par Evan Williams et Noah Glass, Twitter repose sur le slogan « What are you doing », devenu « What’s Happening » (« Quoi de neuf ? » en français). Ainsi, dès qu’un membre du site s’y connecte, il peut lire sur sa page d’accueil ce que les personnes qu’il suit (« following ») postent en direct. Contrairement à Facebook, Twitter repose sur un système asymétrique : une personne (A) peut en suivre une autre (B) sans que cette dernière la suive en retour. A à B ≠ B à A C’est souvent le cas des célébrités ou des entreprises attrayantes par les informations qu’elles diffusent. Le monde, par exemple, a 59 958 abonnés tandis qu’il ne suit que 156 personnes. 25 Selon une étude réalisée par Odomia en 2010 : http://www.guim.fr/blog/2010/02/médias-sociaux-les-derniers- chiffres-à-retenir.html
  • 20. 20 Schéma n°3 : Evolution du nombre de « tweets » publiés chaque jours dans le monde depuis la création de Twitter d’après le blog Mashable26 Cette courbe nous montre une multiplication par cinquante du nombre de tweets postés par jour passant d’un million à près de cinquante millions, entre janvier 2009 et janvier 2010. ii. Puissance de l’outil et début d’appropriation par les théâtres Twitter s’est révélé être à plusieurs reprises un outil très performant pour la diffusion d’informations et de « scoop » en ligne. Le système de « Retwteet », qui permet de copier et de diffuser à son propre réseau une information déjà publiée par quelqu’un, a permis à certaines informations de faire le tour du monde en quelques minutes avant même que les médias traditionnels ne l’annoncent. Par exemple, la mort de Mickael Jackson, d’abord révélée par la page d’accueil de Yahoo, a très vite été relayée par les utilisateurs de Twitter qui ont diffusé l’information à grande échelle, de réseaux en réseaux. De même, le séisme du 12 janvier 2010 en Haïti, a d’abord été annoncé sur Twitter par des Haïtiens eux-mêmes, pour informer leurs réseaux. 26 Aziz Haddad, Twitter plus de 50 millions de tweets par jour, Mashable, février 2010, http://fr.mashable.com/2010/02/23/twitter-50-millions-de-tweets-jour/
  • 21. 21 Si Twitter est un puissant outil de communication, il n’en est pas moins un site « à visage humain » pour reprendre l’expression de Martin Mischi dans l’Envoyé Spécial du jeudi 4 mars : « la Révolution Twitter »27 . Ainsi, dans le cas du milieu théâtral, il s’agit d’un média où les communicants sont les spectateurs eux-mêmes. Les publics des théâtres peuvent y diffuser leurs critiques ou des informations sur les pièces et ainsi faire fonctionner un bouche à oreille national voire international.28 Quelques théâtres s’y sont donc inscrits, afin d’être la première source d’information, celle qui donne l’impulsion au bouche à oreille. Parmi eux, on retrouve le théâtre de l’Athénée suivi par 118 personnes, le Théâtre13 suivi par 39 personnes et surtout beaucoup de centres culturels et de mairies qui annoncent la programmation de leur ville : Issy-les- Moulineaux, Asnières, les mairies d’arrondissements de Paris (14e , 15e , 18e …). Illustration 7 : Page twitter du théâtre de l’Athénée. Le théâtre de l’Athénée se sert de l’outil comme un moyen de diffusion de « flash infos », sur leur actualité. Ils y rappellent dates, horaires, nom des auteurs et metteurs en scène, etc. 27 Lien vers l’émission : http://envoye-special.france2.fr/index-fr.php?page=reportage&id_rubrique=1394 28 Voir en annexes les résultats de recherche des Tweets postés sur Ariane Mnouchkine, sa pièce Les naufragés du fol espoir, et la pièce Un tramway (programmée au théâtre de l’Odéon) - voir en annexe
  • 22. 22 Ces théâtres qui y sont inscrits sont encore peu nombreux mais même s’ils restent marginaux pour le moment, il s’agit probablement d’un phénomène qui sera amené à se développer avec le succès que rencontre le site29 . c. Le cas de Kinorezo Kinoreso a été lancé début 2009 et apparaît comme le premier réseau social pour les professionnels du spectacle. Depuis septembre 2009, ce service s’est élargit aux professionnels du spectacle vivant et se proclame « réseau des professionnels de la création culturelle ». Selon Emmanuel Bourcet30 , l’ambition du site n’est pas de devenir « un simple annuaire ou répertoire de professionnels, mais plutôt un véritable outil de gestion de carrière en ligne ». Sur ce réseau, les membres ont la possibilité de déposer leur profil, avec CV, formation, domaines de compétences, ainsi qu’un « book » de présentation multimédia (vidéos, images, sons). Ils bénéficient d’offres d’emploi, d’informations professionnelles, et, à l’image de Facebook ou Viadeo peuvent, par exemple, rechercher des contacts par critères de sélection. Illustration n° 8 : La page d’accueil du site En novembre, Kinorézeo recensait près de 5200 membres. 29 Samir Hamladji, Twitter la loi du petit nombre, 8 juin 2009, http://www.parismatch.com/Conso-Match/High- Tech/Actu/Twitter-La-loi-du-petit-nombre-102802/ 30 Fondateur du site, cité dans l’article « Kinorézo, un réseau professionnel », la Scène, automne 2009
  • 23. 23 IV. Les sites de vidéos a. Youtube et Dailymotion - Succès des deux sites Youtube, et son homologue français Dailymotion, sont les deux sites d’hébergement de vidéos les plus utilisés (350 millions de visites par mois sur Youtube en 200931 , 10 millions sur Dailymotion en janvier 201032 ). Tout deux créés en 2005, ils reposent sur le même système : les utilisateurs peuvent envoyer, visualiser et partager des séquences vidéos. Ces vidéos sont principalement des PVR (Personnal Video Recorder)33 et vont du cercle privé (par exemple la vidéo d’un chat et de son maître jouant avec lui, qui a été vue plus de 877 700 fois34 ) à des vidéos politiques (la vidéo de Nicolas Sarkozy au G8, qui a été vue plus de 7 333 015 fois35 ) en passant par des vidéos artistiques permettant de révéler de nouveaux talents comme la chanteuse Sia qui a ainsi obtenu une date à l’Olympia au mois de mai 2010. Selon Jean-François Gervais, le succès de ces sites concurrence celui des médias traditionnels et cumulerait « en deux jours plus de spectateurs que l’ensemble des salles de cinéma en France en un an ! »36 . b. Appropriation par les théâtres Ayant de telles visibilités par les internautes ces sites de vidéos ont vite été convoités par les théâtres et les compagnies, leur permettant de diffuser à leur public tout type de vidéos autour de leur activité. Certains lieux publient des vidéos sur leur locaux, la salle de spectacle, les coulisses, etc… qui permettent d’intégrer le spectateur dans l’enceinte même du théâtre. Par exemple, on peut voir sur le compte du Théâtre de la Commune un film sur leurs coulisses37 . On y voit les comédiens de la pièce « La ménagerie de verre » jouée en novembre 2009, déambuler et répéter dans les couloirs du théâtre. De même, Clémence, la blogueuse de l’Athénée publie régulièrement ce type de vidéos avec notamment le nettoyage des lustres de la salle de spectacle38 . 31 « Qui a peur du Google », G.F., Challenges, nº 180, 17 septembre 2009, p. 48 32 Statistiques publiées sur Dailymotion.com – Voir en annexe 33 « Web 2.0 les internautes au pouvoir » - Youtube, p 54 34 http://www.youtube.com/watch?v=MuSzFXe1Irc 35 http://www.youtube.com/watch?v=I4u3449L5VI 36 op. cit. – note n° 32 37 http://www.youtube.com/user/TheatredelaCommune#p/a/u/0/EZ1COoA33Dg 38 http://www.youtube.com/watch?v=Kb4fIHXEWro
  • 24. 24 Il est également possible de voir des vidéos réalisées pendant des répétions donnant au spectateur un premier aperçu de la pièce et lui donnant l’illusion de suivre le projet depuis sa création. Sur le compte du théâtre de l’Athénée les spectateurs peuvent régulièrement trouver les films des répétitions des prochaines pièce : « Vénus » 39 en mars 2010, la « Cantatrice Chauve » en novembre 200940 , etc. Illustration n° 9 : Compte dailymotion du théâtre de l’Athénée. Le théâtre y publie des vidéos montrant des répétitions, le nettoyage des lustres, les coulisses, la fabrication des costumes, etc. L’envers du décor y est entièrement dévoilé. Les auteurs, metteurs et scène et comédiens sont également présents sur ces sites, via de nombreuses interviews. Cette pratique est de plus en plus courante et il est rare de ne pas trouver d’entretien autour d’un des membres de l’équipe artistique pour une pièce donnée. On peut ainsi trouver actuellement des interviews de Bernard Sobel metteur en scène de la « La pierre » en février 2009 au théâtre de la Colline41 . 39 http://www.youtube.com/watch?v=_DOt03yC7wc 40 http://www.youtube.com/watch?v=RuOt-_n-VKo 41 http://www.youtube.com/user/wwwcollinefr#p/u/1/Oc1WpLGCuM0
  • 25. 25 Enfin, ces sites de vidéos sont particulièrement précieux, en terme de communication, avec la diffusion de « bandes-annonces » ou « teaser ». Cette pratique a été adaptée au théâtre en 2003 par l’entreprise Willup, en charge du site Visioscène42 . La réalisation de bandes-annonces s’est largement répandue et les théâtres les diffusent régulièrement sur Youtube et Dailymotion. De la même façon qu’au cinéma, elles présentent brièvement l’intrigue, en s’appuyant sur les moments clefs de la pièce, les scènes particulièrement esthétiques ou frappantes visuellement, afin d’éveiller la curiosité du spectateur ou de le séduire. Elles permettent ainsi aux publics d’avoir un premier aperçu des pièces programmées dans un lieu, et donc, de mieux cibler les spectacles susceptibles de les intéresser. On peut par exemple trouver sur le site même du Théâtre 13, pour chaque pièce, des liens vers ces vidéos (« l’Ecrivain public »43 , « Les Enfants du Soleil »44 , « la vie est un songe »45 , etc.). Ainsi, après avoir créé leur site Internet dans les années 90, les théâtres ont peu à peu développé leur présence en ligne avec l’apparition et le succès populaire des nouveaux supports analysés. Ces outils permettent de privilégier toujours plus la relation au public ; les théâtres cherchant désormais plus une fidélisation des particuliers à leurs sites que de leur vendre uniquement des billets. Dans un article posté le 18 novembre 2008, Clémence Hérout46 développe cette idée sur son blog : « L'enjeu n'est pas seulement quantitatif mais aussi qualitatif : remplir les salles, c'est bien. Diversifier les profils afin d'accueillir des spectateurs peu habitués au théâtre et sensibiliser les jeunes via une éducation artistique express peu disponible en milieu scolaire, c'est mieux ». Nous verrons donc, dans un second chapitre, comment les théâtres ont renouvelé leurs stratégies de communication via ces nouveaux supports, qui représentent éventuellement une porte d’entrée envisageable à la démocratisation culturelle. 42 Site spécialisé dans la diffusion de bandes annonces des pièces parisiennes 43 http://www.youtube.com/watch?v=eJTGKAdqoJw 44 http://www.dailymotion.com/video/xaufbr_les-enfants-du-soleil-au-theatre-13_creation 45 http://visioscene.com/flash/visio.swf?R=177&V=13&B=18&chemin=ba27/&spectacle=2717 46 Clémence Hérout, en charge du blog de l’Athénée, entretien réalisé le 19 février
  • 26. 26 Chapitre 2 : Evolution des stratégies de communication des théâtres sur Internet La présence des théâtres sur l’ensemble des supports, ou sites, énoncés dans le Chapitre 1, a engendré une évolution des techniques de marketing culturel. Recherchant davantage de proximité et d’interaction avec les spectateurs, ces outils leur permettent de mieux connaître les habitudes de leurs publics et ainsi, de mieux les cibler. A l’image du télégraphe décrit par Lakanal comme un outil qui « rapproche les distances » et « semble rivaliser de vitesse [avec la pensée] », Internet, et particulièrement l’Internet communautaire, a permis de supprimer tout intermédiaire entre les organisations et leurs publics. D’abord utilisé comme un outil social et de loisir par les particuliers, le Web communautaire est devenu un moyen de communication très puissant en terme d’audience aux yeux des professionnels. L’affirmation de Fernand Braudel : « une innovation ne vaut jamais qu’en fonction de la poussée sociale qui la soutient et l’impose » est poussée à son paroxysme ici : c’est la « poussée sociale » qui a précédé l’offre. Nous verrons donc comment les théâtres ont eu besoin de se tourner vers un marketing de la culture et de s’affirmer comme marques, afin de pouvoir diffuser une identité franche ; et en quoi cette nécessité est devenue particulièrement pressante avec la multiplication des supports de communication et l’arrivée d’Internet dans les usages professionnels.
  • 27. 27 I. La nécessité des théâtres de se penser en terme de marque et de stratégie marketing a. Marques et marketing Les entreprises théâtrales présentent des réticences à se reconnaître comme telles, et à s’affirmer comme des marques. Cependant, si l’on se reporte à la définition d’une marque, on peut voir qu’une marque n’est autre qu’ « un “signe” servant à distinguer précisément vos produits ou services de ceux de vos concurrents »47 selon l’institut national de la propriété industrielle, et qu’elle peut « être matérialisée par un nom propre, un mot, une expression ou un symbole visuel » et « constitue un repère pour le consommateur et éventuellement une "garantie"»48 . Or la plupart des théâtres présentent un signe particulier qui permet de les distinguer des autres, ils possèdent un nom, un symbole, une charte graphique qui leur sont propres et qui les distinguent clairement des autres. Ils sont donc, si l’on s’en tient à ces définitions, des marques. Par ailleurs, à l’image de toute autre entreprise, les théâtres ont recours à des procédés de communication et de marketing afin de promouvoir leur programmation ou leur établissement en général auprès des publics. Si l’on reprend la définition même du marketing des arts, il correspond à « l’ensemble des outils dont dispose [une] organisation pour susciter, de la part de ses publics, des comportements favorables à la réalisation de ses objectifs organisationnels. L’outil central du marketing est l’étude des publics qui permet de décrire et comprendre leur comportement, et donc d’œuvrer efficacement à la réalisation des buts que s’est fixés l’organisation. »49 Pourtant, si le marketing, présenté sous cet angle, semble indispensable à la survie d’un lieu, il n’en est pas moins mal aimé par les théâtres. 47 Définition selon l’ institut national de la propriété industrielle : http://www.inpi.fr/fr/marques.html 48 Définition dans le dictionnaire du marketing en ligne : http://www.definitions-marketing.com/Definition-Marque 49 Bourgeon-Renault Dominique, Marketing de l’art et de la culture, Paris, Dunod, 2009, 262 p.
  • 28. 28 b. A priori sur la pratique du marketing i. Très faible proportion d’institutions y travaillent Peu d’organisations culturelles et de théâtres proposent un plan marketing défini et abouti. La plupart du temps c’est parce qu’ils connaissent mal l’outil et conservent des préjugés, ou que, dans le cas des petites et moyennes structures, ils ne possèdent pas les ressources nécessaires pour le mettre en application. Selon Dominique Bourgeon- Renault50 , dans le cas où les théâtres s’y attèlent, ils mettent souvent en œuvre des stratégies marketing de manière émergente51 , c'est-à-dire qu’ils prennent des décisions et définissent des actions au fur et à mesure, lorsqu’elles leur semblent opportunes, le moment venu. L’inconvénient étant qu’elles ne sont pas réfléchies ni planifiées dans une politique d’ensemble sur le long terme. ii. L’offre et la demande, qui précède qui ? Cette frilosité quant au marketing peut provenir de l’originalité économique du milieu culturel qui fait, entre autre, sa spécificité : le principe de l’offre et de la demande y est inversé. Ainsi, même si l’entreprise théâtrale présente des nécessités comparables à celles d’une entreprise de tout autre secteur (faire des entrées en billetterie pour permettre au lieu de vivre ou de survivre selon les cas, à l’exception de quelques lieux entièrement subventionnés par l’Etat et le Mécénat), elle s’en distingue nettement de par son fonctionnement. Selon Jacques Blanc : « Le marketing part de la demande et fait l’offre » tandis que les professionnels du théâtre font « des offres de théâtre et [cherchent] une demande ». Il affirme ainsi : « nous sommes à l’envers du marketing. »52 Selon Dominique Bourgeon-Renault, les acteurs du champ culturel revendiquent, dans leur majorité, « une logique de l’offre selon laquelle le processus de production de l’œuvre ne saurait dépendre d’une quelconque demande »53 . C’est-à-dire que l’offre artistique précède systématiquement la demande, soit, d’après Busson et 50 ibid. 51 Mintzberg (1978) définit la stratégie émergente comme « un ensemble non planifié de comportements cohérents qui aboutissent à la situation présente ». 52 Homme de théâtre français, dans « Débat : marketing et sponsoring », revue théâtre public 80, mars- avril, page n° 73 53 Bourgeon-Renault Dominique, op. cit. (note n°3)
  • 29. 29 Evrard qu’aucun spectateur ne peut attendre une forme précise et inédite d’art avant même sa production54 . Cette principale différence de fonctionnement, positionne le milieu culturel et théâtral en marge du modèle économique traditionnel. La valeur culturelle précède et induit la valeur économique. Cependant, bien que le marketing de l’art et de la culture se soit adapté à cette spécificité, d’autres raisons plus confuses semblent motiver une certaine rigidité envers lui. iii. Hostilité envers les méthodes de communication et de marketing Selon Dominique Bourgeon-Renault « le mot « marketing » cristallise contre lui des attitudes négatives »55 . Cette hostilité est particulièrement visible à travers la série de justifications données par des professionnels lors d’interviews sur ce sujet56 : « On ne vend pas des savonnettes ! », « je dirais qu’on ne fait pas du marketing parce qu’on ne vend pas de produits palpables », « si on fait des affaires au théâtre, on risque de faire du mauvais théâtre », « le marketing, c’est comment vendre une bouteille de Coca- Cola de plus ». On retrouve clairement les oppositions traditionnelles, largement présentes dans l’opinion publique, qui posent comme incompatibles l’art et le commerce, l’immatériel et le matériel, l’esthétique et l’économique, ou encore le qualitatif et le quantitatif57 . En synthétisant leurs réponses, on obtient selon Dominique Bourgeon-Renault, les affirmations suivantes : « les organisations culturelles ne relèveraient pas du marketing parce qu’elles ne sont pas des entreprises comme les autres, c’est-à-dire purement industrielles ou commerciales », « leurs missions n’auraient rien à voir avec celles des entreprises classiques », « leur production serait spécifique », « leurs publics ne seraient pas des consommateurs ou des clients ». Il apparaît donc clairement que le terme marketing est associé, dans l’esprit de nombreux professionnels, à des stratégies 54 Busson et Evrard, Portraits économiques de la culture, Documentation Française, 1987, 144 p. 55 Bourgeon-Renault Dominique, op. cit. (note n°3), Introduction, page n° 1 56 Citations relevées par l’auteur – extraites d’interviews menées par des étudiants de Paris Dauphine entre 2004 et 2007 en Management des organisations culturelles 57 Bourgeon-Renault Dominique, op. cit. (note n°3)
  • 30. 30 exclusivement mercantiles, et est ainsi considéré comme non compatible avec les objectifs, ou « missions », poursuivis par les entreprises théâtrales. Selon Dominique Bourgeon-Renault, l’opinion de ces professionnels révèle « l’idée que le marketing serait une technique exclusivement à but lucratif, que seules les entreprises commerciales et industrielles, affichant un objectif de maximisation du profit, seraient légitimes à utiliser. »58 La majorité des organisations culturelles étant à but non lucratif, « la culture [étant] un projet politique, économique et social des sociétés contemporaines »59 , elle s’oppose en tous points, dans les esprits, à cette définition stéréotypée du marketing. Il semble donc que les professionnels du milieu culturel, et plus précisément du milieu théâtral, présentent des difficultés à reconnaître leur organisation comme une entreprise qui puisse avoir les mêmes nécessités qu’une autre, et par le même fait, à reconnaître le besoin de recourir à des procédés marketing. Néanmoins nous tâcherons d’analyser les stratégies nécessaires à l’affirmation d’un marketing du théâtre dans le monde de la culture et au ciblage cohérent des publics potentiels. c. Positionnement dans le champ culturel Pour mettre au point un marketing efficace, l’entreprise, ici le théâtre, doit d’abord se positionner clairement dans le secteur auquel il appartient, afin d’avoir une meilleure appréciation de la place qu’il occupe, de ses objectifs et de son identité même. Les stratégies de communication seront adaptées en fonction de ce positionnement et permettront ainsi de mieux cibler les publics. Le milieu théâtral appartient au champ culturel. Ce dernier est limité aux seules activités considérées comme « culturelles » et a été structuré en huit domaines par le ministère de la culture : patrimoine artistique et monumental, archives, bibliothèques, livre et presse, arts plastiques, architecture, arts du spectacle, audiovisuel et multimédia60 . Ces domaines ont, à leur tour, été structurés en deux catégories par 58 Bourgeon-Renault Dominique, op. cit. (note n°3), confusions qui ressortent des discours dans le champ culturel, page n°3 59 Bourgeon-Renault Dominique, op. cit. (note n°3) 60 Dominique Bourgeon-Renault, op. cit. (note n°3), Chapitre 1 : Champ et produit culturels, page n°9
  • 31. 31 Antoine et Salomon 61 : les activités qui relèvent d’une culture de masse, celles qui concernent une culture élitiste. Ainsi, les entreprises théâtrales se situent dans le domaine « art du spectacle » et relèvent d’une culture élitiste. D’autres typologies viennent s’ajouter à ces premières et permettent de mieux définir le lieu au sein du champ culturel. Dans un premier temps sa taille : une taille conséquente entraîne un besoin de financement élevé et peut, par exemple, encourager des choix de programmation plus commerciaux. Une grande institution comme la Comédie Française ou les scène nationales, ne feront pas les mêmes choix de programmation qu’un festival et n’auront pas les mêmes stratégies marketing et financières. D’un festival à l’échelle d’une ville, comme celui d’Estuaire en Scène, à un festival à échelle internationale, comme celui d’Avignon, en passant par des festivals nationaux comme ceux de Strasbourg ou Aurillac auront des plans marketings radicalement différents. Dans un second temps, le statut juridique (public ou privé, association ou SARL, répondant à des logiques marchandes ou non, etc.) a également un rôle primordial dans l’orientation marketing que prendra le théâtre. Enfin, le dernier élément est la nature des ressources de l’entreprise. Que le budget de fonctionnement du théâtre soit entièrement subventionné par l’Etat (la Comédie Française ou Théâtre de l’Athénée62 ) ou partiellement (Théâtre 13), qu’il soit approvisionné par une forte implication du mécénat dans la structure, ou fonctionnant sur un système de partenariats (la Comédie Française se voit offrir une grande partie des services auxquels elle fait appel en échange d’un nom dans leur programme annuel) : la relation de la structure avec ses publics via sa communication sera très différente. Ce positionnement aboutit sur des choix plus précis concernant la politique culturelle menée par le lieu : les fonctions et missions qu’il se donne. 61 Antoine et Salomon (1980) 62 Présentation du théâtre et de son statut - http://www.athenee-theatre.com/media/pdf/brochure_athenee_76620.pdf
  • 32. 32 d. Fonctions et missions des théâtres Selon Dominique Bourgeon-Renault, dans les organisations artistiques et culturelles, les missions et objectifs des entreprises culturelles et théâtrales sont multiples, propres à chaque théâtre, et s’articulent autour de trois registres, artistique et culturel, social, financier. Dans le registre artistique et culturel, les missions découlent de la production artistique : depuis sa création à sa conservation en passant par sa diffusion. Il s’agit par exemple des festivals organisés par certains théâtres pour les jeunes compagnies, comme le festival du Théâtre du Rond Point ou le Festival Jeune Talent du Théâtre 13. Ou encore, le principe de la résidence d’artiste(s). Ce type de projet permet de mettre à la disposition d’un artiste « un lieu de travail (atelier), un logement, une assistance technique et une aide financière »63 . On peut citer par exemple, Joël Pommerat qui est en résidence dans deux lieux depuis 2007 : au Théâtre de Brétigny et au Théâtre des Bouffes du Nord. Mais selon Robert Pasquier64 , au-delà du registre culturel et artistique, accueillir des artistes en résidence c'est aussi leur demander de « séjourner sur un territoire, de se mêler à la population, d'établir un dialogue avec les futurs publics (…) fédérer générations et milieux sociaux les plus divers le temps d'un spectacle». La dimension sociale vient alors s’ajouter à la problématique d’encouragement à la création, les deux registres semblent intimement liés. Le registre social, se caractérise par une double mission d’éducation (favoriser l’apprentissage et l’éducation artistique) et d’accessibilité (démocratisation culturelle). On peut, par exemple, citer le Théâtre 13, implanté au cœur d’une cité HLM dans le 13e arrondissement65 et qui cherche à sensibiliser en grande majorité un public de proximité. Enfin, le registre financier est marqué par des choix ou des obligations budgétaires. Par exemple, le niveau d’autofinancement pour la plupart des organisations à but non lucratif, la rentabilité, voire la maximisation du profit, pour les organisations du secteur marchand et privé, etc. 63 Gimello-Mesplomb Frédéric, Les résidences d’artistes, mode d’emploi - http://fgimello.free.fr/enseignements/metz/assistant_gestion/residences-artistes.htm 64 Directeur du Théâtre Durance, dans Résidences d’artistes - http://www.theatredurance.com/index.php?option=com_content&task=blogcategory&id=33&Itemid=42 65 Décrit comme tel par Fabian Chapui, administrateur du théâtre, dans les Nouvelles du 13, mai 2005 - http://www.theatre13.com/les_nouvelles_du_13/2003_les_nouvelles_13.pdf
  • 33. 33 Une fois ce positionnement clarifié et déterminé, l’entreprise théâtrale peut alors réfléchir sur les publics qu’elle est susceptible d’intéresser, autrement dit, ses cibles. e. Etude des publics Le marketing stratégique est « la démarche par laquelle une organisation développe ses marchés »66 . Il se fonde avant tout sur un positionnement précis dans le champ d’action, comme nous venons de le voir, puis sur la connaissance des publics. Pour cela, les entreprises procèdent à une stratégie en trois temps67 : la segmentation du public, le ciblage et le positionnement La segmentation des publics correspond au découpage de ce dernier en groupes homogènes (ou segments), en termes d’attentes ou de comportements, afin de connaître la diversité des publics auxquels s’adresse l’organisation. Elle permet de déterminer si l’établissement peut établir une typologie valide des publics dans leur rapport à l’offre, réfléchir aux variables qui influencent les pratiques culturelles et par conséquent les structurent. Dominique Bourgeon-Renault distingue plusieurs types de segmentation : le regroupement socio-démographique et géographique (fondé sur des critères tels que l’âge des spectateurs, leur sexe, leur situation familiale, leur niveau d’étude, etc.), le regroupement psychographique et psychologique (fondé sur la personnalité, le style de vie, les valeurs, etc. partagés par les spectateurs), et enfin les motivations individuelles qui ont poussé le spectateur à venir au théâtre (ses horizons d’attente en venant au théâtre, ses goûts, son niveau d’expertise en matière théâtrale, etc.) Si l’on revient sur le cas du Théâtre 13, en analysant le public à travers la base de données des relations publiques et selon ces différents types de segmentation, on s’aperçoit que plusieurs grandes tendances se dessinent : il est constitué d’un grand nombre de retraités, de couples, d’habitants du 13e arrondissement, et le nombre d’abonnements est très élevé : 1200 abonnés. Le second temps de la stratégie est celui du ciblage des publics. Il s’agit de la détermination du/des segment(s) considéré(s) comme « cible(s) prioritaire(s) » en 66 Dominique Bourgeon-Renault, op. cit. (note n°3) 67 Dominique Bourgeon-Renault, op. cit. (note n°3), page n° 51
  • 34. 34 fonction de plusieurs critères68 . La nature du projet et son identité artistique dictent en premier lieu les cibles prioritaires de l’organisation culturelle. Les missions de l’organisation, dans une logique de promotion de nouveaux artistes ou dans un registre plus social comme nous l’avons vu, peuvent viser certaines cibles dans une recherche de démocratisation culturelle. Enfin, le troisième temps de la stratégie est le positionnement de l’organisation et de l’offre. Il s’agit pour le théâtre d’occuper dans l’esprit du public cible, une place spécifique, attractive et si possible distincte de celle des concurrents. II. Avec Internet : la diffusion d’une identité numérique propre à chaque lieu Les stratégies de communication et de marketing sur les nouveaux supports offerts par Internet (vus dans le chapitre 1) s’inscrivent dans le prolongement de la recherche de positionnement du théâtre dans le champ culturel et de l’analyse de ses publics. Ces supports nécessitent une affirmation du théâtre comme marque, avec une identité franche, afin de pouvoir être cohérent entre les différents médias et moyens de communication. a. Constitution de la charte graphique Les théâtres, comme toute entreprise, doivent se construire une identité propre qui se traduit, entre autres, par des choix visuels. Ces derniers permettent d’identifier et de reconnaître le théâtre sur chacun de ses documents, tracts, affiches, site Internet, etc. Logo, palette de couleurs, typographie, sont autant d’éléments qui constituent la charte graphique choisie par le théâtre. Elle est en cohérence avec le positionnement fait par le théâtre dans le champ culturel, avec les multiples critères cités en I. Ainsi, la charte graphique de la comédie française est-elle marquée par une grande sobriété : typographie noire, dans une police commune, sur des fonds rouges. 68 Dominique Bourgeon-Renault, op. cit. (note n°3), page n°52
  • 35. 35 Illustration 10 : Logo de la Comédie Française Logo, rappelant les sceaux traditionnels de cire, apposé sur chaque document de l’Institution, permet de rappeler sont caractère historique et unique. Le théâtre de l’Athénée, quant à lui, tente de faire ressortir à travers ses choix graphiques la dualité de son identité : théâtre d’Etat au répertoire composé de classiques du XXe siècle, mais qui reste fantaisiste. Le graphiste Malte Martin leur a alors proposé une ligne très visuelle, s’appuyant sur un lettrage en noir et blanc et la suppression de tout élément « ajoutant du bruit au bruit » selon Clémence Hérout69 . L’accent est ainsi mis sur le texte, tout comme dans le choix des pièces de la programmation : « toute la programmation du théâtre se fait sur le texte. Plus que sur les démarches de mises en scène ». L’Athénée veut se donner l’image « d’un théâtre au fond très sérieux qui s’exprime dans une forme fantaisiste. Du fond dans une forme qui paraît légère », « avec une communication assez décalée »70 . 69 Clémence Hérout, en charge du blog de l’Athénée, entretien réalisé le 19 février 70 Clémence Hérout, en charge du blog de l’Athénée, entretien réalisé le 19 février
  • 36. 36 Illustration 11 : Affiche du théâtre de l’Athénée pour la saison 2008/2009. Affiche diffusée dans le métro, proposant aux passants de deviner qui a dit la phrase citée : « la police c’est vous ! »71 . b. La charte graphique : pont visuel entre les anciens et les nouveaux supports de communication La multiplication des supports et le passage à Internet demande une affirmation accrue de cette identité visuelle, afin d’assurer une certaine continuité et une cohérence avec la communication du théâtre. Au théâtre de l’Athénée par exemple, les moyens traditionnels de communication du théâtre, listés par Yann Leborgne72 : « Affiches 40 par 60, les affiches métro, les flyers, les programmes de salles, les cartons d’invitation, qui sont dans la charte graphique du théâtre et qui sont employés pour chacun des 71 Il s’agit de Bernard Bloch dans Le Tribun Finale par Mauricio Kagel 72 Yann Le Borgne, Directeur de la communication et des relations publiques de l’Athénée, rencontré le 16 mars
  • 37. 37 spectacles. Ensuite les courriers des RP (…) », se sont vus complétés par le site Institutionnel sur Internet, le blog de Clémence, et leurs comptes sur Facebook, Twitter et sites de vidéos respectifs. Aujourd’hui, l’équipe de l’Athénée utilise plus d’une dizaine de supports pour communiquer avec les publics et la cohérence de la charte graphique devient primordiale. Le blog du théâtre de l’Athénée, tenu par Clémence Hérout, est fortement lié au site Institutionnel, et de ce même fait, à l’ensemble de l’identité visuelle du théâtre, par la reprise des mêmes codes visuels. Selon Clémence : lors de la construction du blog, « il fallait vraiment faire des liens avec le site internet, toujours entre les deux, avec la même charte graphique ». Illustration 12 : Affiche de la saison 2009- 2010 du Théâtre de l’Athénée Illustration 13 : Logo du blog du théâtre de l’Athénée, tenu par Clémence Hérout
  • 38. 38 Illustration 14 : Photo de profile sur Facebook de la « Fan page » du blog de l’Athénée Ces trois illustrations permettent de souligner la cohérence visuelle établie entre chaque support de communication (affichage, blog et compte facebook) du théâtre. La charte graphique y est légèrement adaptée par des dessins qui présentent quelques particularités, mais qui restent similaires, tandis que la police et les couleurs sont rigoureusement identiques. Par ailleurs, la construction d’une identité forte, clairement dissociable d’un lieu à un autre, s’inscrit dans un travail de longue durée et dans une volonté d’imprégnation des publics. Dès lors, si la charte graphique est un élément constitutif de l’identité d’un lieu, elle ne peut être changée régulièrement et s’inscrit dans la durée, sous peine de rompre les moyens d’identification du théâtre, retenus par les spectateurs. Selon Arthur Lenoir, Webmaster de la Comédie Française, « une charte graphique, une fois qu’elle est faite c’est pour ne pas y toucher jusqu’à ce qu’on change de charte graphique dix ans plus tard ». Si certains éléments peuvent être modifiés au fil des saisons, il faut pouvoir prévoir ces changements : « D’une saison sur l’autre on change un peu le logo, certains éléments… même si c’est très subtil comme différences ». c. La construction de l’identité numérique Internet et son offre de nouveaux supports de communication sont devenus incontournables par les théâtres. A tel point que les décisions quant à la présentation du site : son ergonomie, l’insertion d’éléments multimédias (vidéos, etc.), de photos, de forum, une priorité aux images ou au rédactionnel, la sélection même du texte à publier, etc., représentent la première image que recevront les spectateurs potentiels du théâtre, venus se renseigner sur Internet. Mais au delà de ces choix, la sélection en elle-même des supports devient génératrice d’identité : un seul site institutionnel pour la Comédie Française, ou à l’inverse, la présence sur la plupart des plateformes de l’Athénée.
  • 39. 39 En effet, un lieu qui prendra le parti de s’inscrire sur les réseaux sociaux (par exemple Facebook ou Twitter comme nous l’avons vu dans le premier chapitre) ou encore sur des sites de vidéos, au-delà du simple site institutionnel, se positionne vis-à-vis de son public. L’usage de ces sites, majoritairement utilisés par des jeunes de moins de 35 ans, révèle une volonté de renouveler son public, et de cibler les publics de demain. En entrant dans le réseau de ce public potentiel et en lui communiquant, sans intermédiaire aucun, toutes les informations nécessaires sur la programmation de son lieu, le théâtre vient à lui et lui évite toute démarche de renseignement. Ainsi, par un effet de rétroaction, le milieu théâtral se trouve alors revalorisé par son public comme étant « dans le coup », partageant avec lui les mêmes sites, et se défait progressivement de l’image « d’institution vieillissante ». Les lieux se trouvent alors personnalisés et se dotent d’un visage humain. Plus accessibles, ils parlent directement à leurs spectateurs qui à leur tour peuvent leur répondre. Selon Pascal Bely73 , Facebook est utilisé si le théâtre cherche à créer « de la relation horizontale, (...) des communautés, de la chaleur humaine et pas seulement à s’adresser à des consommateurs de spectacles ». Le théâtre 13 a ainsi lié de façon cohérente son positionnement dans le champ culturel, ses missions à la fois artistiques et sociales, sa charte graphique, et son rapport au public, avec la construction de son identité numérique (choix des supports de communication). Yselle Bazin, attachée aux relations publiques, explique la présence du théâtre sur les réseaux sociaux comme étant dans le prolongement de leur logique de programmation et de leur stratégie de communication. Encourageant la création et la production de jeunes compagnies, visant un public jeune au travers de la charte graphique « dans le sens où les couleurs sont assez flash, assez détonantes (…) dans des visuels décalés, un peu mystérieux… »74 , il était devenu logique de venir à leur rencontre, là où ils sont présents, à savoir, entre autre, sur les sites communautaires comme Facebook ou Twitter. Comme nous l’avons vu précédemment, le théâtre de l’Athénée multiplie les supports de communication et derrière cette volonté d’être présent sur le plus grand nombre de supports possibles ne s’inscrit pas dans une recherche en terme de retombées 73 Pascal Bely, Créateur du blog du Tadorne, entretien par téléphone, le 8 mars 2010 74 Yselle Bazin, Attachée aux relations publiques du Théâtre 13, entretien réalisé le 5 mars
  • 40. 40 économiques mais dans un travail à long terme de fédération d’une communauté. Selon Clémence Hérout, la création du blog, entre autre, s’inscrivait « plus [dans] une démarche de relations publiques que de communication, l’idée de donner un plus au public plutôt que l’idée d’hausser les fréquentations de billetterie ». Le théâtre de la Comédie Française, quant à lui, est pour le moment absent de tous ces sites, et réfléchit au projet de créer une page Facebook. En revanche, l’ouverture d’un compte Tiwtter n’est pas envisageable pour le moment car l’esprit du site et son fonctionnement même est trop éloigné de l’identité de l’Institution. Selon Arthur Lenoir, webmaster du théâtre : « Twitter en tant que format très court ne correspond pas trop à la comédie française, parce que quand on communique sur un spectacle on a plein d’informations à donner, c’est pas juste le titre du spectacle. C’est un peu léger. Donc du coup on est trop limité par le format. » L’importance des choix et la réflexion préalable à toute inscription à un nouveau support sur Internet apparaît donc essentielle dans la logique de communication d’un théâtre. Positionnement dans le champ culturel75 , missions (artistiques, sociales ou financières)76 choisies par le théâtre, charte graphique et identité numérique, sont donc tous intimement liés et s’inscrivent dans une réflexion à long terme, constituant l’identité même du lieu. d. Diffusion de cette identité Pour diffuser cette identité complexe, les théâtres utilisent tous plusieurs médias (en moyenne 6 par lieu77 ). Parmi eux, les plus fréquents restent l’affichage public (publilégal) et privé (métrobus, JC Decaux), la presse et l’audiovisuel. Dans ce cas le pouvoir médiatique qui résulte de leur usage provient du fait que les particuliers soient touchés collectivement et parfois simultanément par l’information diffusée. En effet, une émission où les journalistes débattent, soit à la télévision, soit à la radio (par exemple « le masque et la plume ») des dernières pièces sorties, touche simultanément un grand nombre d’auditeurs ou de téléspectateurs qui garderont collectivement en mémoire ces informations. Par la suite, selon Jean-François Variot, l’arrivée d’Internet 75 Dominique Bourgeon-Renault, op. cit. (note n°3), Chapitre 2, I. c. 76 ibid., Chapitre 2, I. d. 77 ibid., page n°166
  • 41. 41 dans les processus de communication et de marketing a déplacé le centre de gravité des marques78 , développant des attitudes individuelles ainsi qu’une atomisation des pratiques : « tout le monde ne clique pas au même moment, au même endroit ». Sur Internet, le récepteur du message n’en est plus réellement un puisqu’il « active lui-même la production du message ». Internet dépasse le média au sens restreint du terme79 . Son caractère multimédia réunissant son, image et texte permet d’établir une communication plus complète et complexe que les autres supports médiatiques, à un coût réduit. Avec les forums ou les sites communautaire comme Facebook ou Twitter, les spectateurs internautes peuvent discuter de leur perception de la marque du théâtre, et ainsi « ajuster leur sensations respectives » si elles sont « trop divergentes ». Ces nouveaux supports engendrent un rapport différent au public. L’identité des théâtres n’est plus figée par la charte graphique, mais sans cesse questionnée par une interaction naissante avec les publics. Ces modifications induisent une institutionnalisation de professions émergeantes liées aux médias informatisés. Au métier de Relation Publique s’est ajouté celui de « Community manager » ou animateur de communautés en ligne, dont le travail s’organise autour de trois tâches : porte-parole des utilisateurs en interne, porte-parole de la marque en externe, créateur de lien entre la marque et les utilisateurs80 . 78 Variot Jean-François, op. cit., Chapitre 5 : « Internet déplace le centre de gravité de votre marque », page n° 72 79 ibid., Chapitre 16, « Internet et « nouvelles technologies», p. n°251 80 Guéguen Sylvain, Community manager, un métier en 3 dimensions, 16 mars 2009 - http://www.webmarketing-com.com/2009/03/16/3024-community-manager-un-metier-en-3-dimensions
  • 42. 42 III. Interaction des théâtres avec leur publics et démocratisation L’évolution de la relation des théâtres avec leurs publics, via Internet, tend à donner la parole aux spectateurs, mais offre aussi la possibilité de leur répondre, d’échanger avec eux et favorise ainsi l’interactivité. Les stratégies de communication évoluent vers des méthodes de marketing viral et de « one-to-one ». Par ailleurs, la diffusion à grande échelle des informations par Internet permet de toucher des spectateurs potentiels, qu’il aurait été impossible, ou du moins plus difficile, d’atteindre sans. Les nouveaux supports numériques permettent de leur offrir une première approche du théâtre et de favoriser ainsi une forme de démocratisation culturelle. a. Les facteurs d’interaction entre les théâtres et leurs publics i. Les stratégies marketing d’interaction sur Internet Dans les stratégies de marketing, Scheff Bernstein81 a démontré la nécessité pour les entreprises de faire évoluer le marketing traditionnel vers une approche « connect and collaborate » pour créer, délivrer et partager de la valeur avec les consommateurs. Selon lui, la relation avec les publics est de plus en plus personnalisée et tend à s’approcher d’un marketing One-to-one. Par la multiplication des échanges avec les publics, la marque devient « hyper-relationnelle »82 . 81 Scheff Bernstein, Marketing management for Nonprofit organizations, Oxford University Press, 2007 82 Variot Jean-François, op. cit., Chapitre 5 « Internet déplace le centre de gravité de votre marque », page n°78
  • 43. 43 Schéma 4 : Les stratégies marketing d’offre de spectacle vivant 83 Ce mapping montre les quatre fortes tendances de marketing : one to one, tribal, d’appropriation et de participation. L’axe vertical oppose un marketing qui travaille sur l’échange interindividuel (one to one) à un marketing d’interactions permettant de fonder des communautés vivant des expériences communes autour des lieux (marketing tribal). L’axe horizontal confronte une stratégie marketing d’appropriation qui offre au public la possibilité de co-construire son expérience, avec une stratégie marketing de participation où le spectateur peut seulement réagir face à l’événement proposé. Facebook répond donc à la fois à des logiques one-to-one, puisqu’il permet d’établir des relations privilégiées et individuelles avec un noyau de spectateurs fidèles et investis ; mais il répond également à celles du marketing tribal, puisqu’il favorise la fédération d’une communauté, consciente d’elle-même, autour du lieu. 83 Puhl M., Bourgeon D. et Bouchet P., L’analyse de l’expérience de consommation de spectacles vivants : de nouvelles perspectives managériales, 2005, page n° 702
  • 44. 44 Le blog du Théâtre de l’Athénée, quant à lui, illustre bien le marketing d’appropriation en ayant permis aux lecteurs du blog de rédiger eux-mêmes des articles, et d’en publier les meilleurs. La rubrique a été nommée « le blog est à vous » et a permis d’intégrer momentanément les lecteurs à l’équipe et de les impliquer dans la vie même du théâtre. Enfin, le marketing de participation correspond, quant à lui, à l’action de spectateurs lorsqu’ils postent un commentaire à la suite d’un article sur Facebook ou un blog, le fait de cliquer sur « Like » (ou « J’aime ») sur Facebook pour approuver une action. Comme le montre le mapping, ces différentes stratégies marketing peuvent se cumuler. On peut ainsi obtenir une action de type marketing à la fois tribal et de participation, qui jouera sur l’aspect ludique de son lieu (ou de sa programmation). Par ailleurs, une autre forme de communication a émergé ces dernières années : le marketing viral. Il s’agit d’une technique « qui permet de transformer les internautes en vecteurs de communication qui diffusent le message sur la toile » 84 . Equivalant du bouche à oreille en ligne, l’entreprise doit proposer un fichier court, attractif, drôle ou étonnant, suscitant la curiosité et surtout le désir de le partager avec ses amis. Dans la majorité des cas il s’agit de brèves vidéos, mais il peut y avoir d’autres formats comme des photos, des dessins humoristiques, des musiques, etc. Le risque principal est celui de ne pas plaire aux internautes et d’être ignoré. ii. L’ergonomie des sites Au delà des stratégies de marketing, l’interactivité passe également par l’ergonomie des sites des théâtres. La signalétique85 du site doit être claire et lisible afin de permettre à l’internaute de pouvoir naviguer facilement d’une page à l’autre et d’identifier les contenus proposés. Le site doit également montrer les possibilités d’interaction et les différents services qu’il offre (achat de billet en ligne, demande d’abonnement, contact, etc.). Par exemple, le blog de l’Athénée a été remanié six mois après sa création afin de le rendre plus lisible et ergonomique. Clémence, en charge du 84 Chouchan Lionel, Les Relations publiques, Paris, Puf, Que Sais-Je ?, 2007, page n° 92/93 85 Définition : « ensemble des indications qui permettent de s'orienter dans un lieu, de trouver ce que l'on cherche » - sur http://dictionnaire.reverso.net/francais-definition/signalétique
  • 45. 45 blog, s’explique au sujet de la création des six rubriques regroupant les articles par thèmes : « Ces rubriques n’existaient pas au début, on les a rajouté au bout de six mois. Au départ, j’écrivais à chaque fois sans les regrouper.. Et on s’est rendu compte que les articles pouvaient être regroupés sur ces sujets là (…) ça permettait de faire des recherches sur le blog, beaucoup plus ergonomique. La seule recherche qu’on avait avant c’était par billet ou par date ce qui n’est pas pratique au bout d’un an ! Donc ça permettait au blog d’être plus lisible »86 . La création d’un site ne doit donc jamais être laissée au hasard et chaque élément doit faire sens dans un projet général d’identité et d’expérience utilisateur. b. Vers une démocratisation des contenus et une ouverture à de nouveaux publics i. Diffusion à grande échelle des informations Selon Jean François Variot, Internet est le « lieu d’expression privilégié des valeurs d’usage de la marque »87 , pouvant diffuser des informations à très grande échelle, d’où la nécessité pour le site d’être le plus complet possible. Selon Dominique Bourgeon-Renault, « dans l’histoire de l’évolution des formes culturelles, l’extension du champ culturel aux industries créatives est largement issue d’un changement technologique majeur »88 . Cette affirmation se confirme pleinement avec l’évolution du rapport à la culture des particuliers par Internet. L’accélération du débit Internet, la baisse des prix et une hausse constante du taux d’équipement des ménages (en France, 6 ménages sur 10 ont un ordinateur, et un ménage sur deux a une connexion Internet89 ) participent, entre autre, à l’émergence de nouveaux modes de consommation culturelle. La multitude des nouveaux supports de communication informatisés qui ont découlé de la démocratisation populaire d’Internet, le commerce électronique, les possibilités d’échanges et d’ouvertures sur le monde, ont révolutionné l’accès à l’information, le 86 Clémence Hérout, en charge du blog de l’Athénée, entretien réalisé le 19 février 87 Variot Jean-François, op. cit., chapitre 11, La marque contrat de valeurs, p 179 88 Bourgeon-Renault Dominique, op. cit. (note n°3), Chapitre 1, Champ et produits culturels, page n°18 89 Berret Pierre, Diffusion et utilisation des Tic en France et en Europe, Paris, DEPS/ministère de la Culture et de la Communication, coll. « Culture chiffres », 2008, p. 6.
  • 46. 46 partage, le commerce et la consommation des biens culturels en les rendant beaucoup plus accessibles qu’auparavant. ii. Cyberdémocratie - la démocratie électronique 90 Les nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC) ont un fort impact politique sur les sociétés contemporaines91 , qui reposent largement sur le numérique (système financier, médias et monde de l’information, télécommunication – téléphonie mobile, ordinateurs, etc.). Elles modifient le rapport entre l’espace public et l’espace privé selon Patrice Flichy92 , brouillent et déplacent leurs frontières. Ces nouveaux supports informatisés permettent d’approcher une société utopique qui se passe de tout intermédiaire, où les citoyens « éclairés » sont mieux informés et plus actifs par l’accès aux sites web, libres de s’exprimer sur les forums, ou par commentaires sur les blogs et réseaux sociaux, le tout dans un cadre de « "démocratie forte" , directe et unanimiste », selon la description faite par le chercheur américain Benjamin Barber. L’interactivité prend le pas sur l’affirmation unilatérale. Ainsi, grâce à Internet, les théâtres peuvent diffuser à grande échelle leurs informations, touchant potentiellement un grand nombre de « non-publics » et leur offrant la possibilité d’avoir un premier contact avec le théâtre. Les internautes peuvent ainsi se familiariser avec l’identité du lieu, ses choix et son positionnement dans le champ culturel, et pourront, par la suite, se renseigner facilement et aussi régulièrement qu’ils le désirent. iii. Démocratisation de l’accès aux informations culturelles Cette diffusion à grande échelle pourrait donc, en ce sens, participer à une démocratisation de l’accès aux informations culturelles, puisqu’elle permet aux théâtres de cibler de nouveaux « non-publics », difficilement atteignables avant Internet. Si l’on 90 Terme repris de Variot Jean-François, op. cit., Chapitre 16, Internet et les « nouvelles technologies de l’information », page n° 249 91 Variot Jean-François, op. cit., chapitre 5, « Internet déplace le centre de gravité de votre marque », page n°78 92 Patrice Flichy, Une histoire de la communication moderne : espace public et vie privé́e, Paris, La découverte, 1991, 281 pages
  • 47. 47 s’attache à l’analyse des mécanismes de décision93 , les sources d’information en sont les principaux moteurs : allant de la communication interpersonnelle (bouche à oreille), à la publicité (internet, radio, affiches, etc), en passant par la critique (presse) et la promotion (par interview de comédiens, de metteurs en scène, l’obtention de Molières, etc.). Internet permet de concentrer ces informations (podcast d’émissions radios, d’interviews, de vidéos, mise en ligne des articles de presse, etc.) et de les diffuser largement au grand public. Selon Arthur Lenoir94 , l’enjeu vital est de communiquer auprès des jeunes, la priorité étant de les informer, de « leur montrer que ça existe » car un grand nombre d’entre eux « ne savent pas que ça existe, ou ne savent pas ce que c’est vraiment ». Ces Nouvelles Technologies de l’Information et de la Communication comme moyen d’accès aux informations permettent, par ailleurs, d’estomper des barrières entre les différents groupes sociaux. Les trois principaux obstacles au passage à l’acte d’aller au théâtre ont été recensés par Dominique Bourgeon-Renault95 , il s’agit avant tout de l’éloignement géographique. Arthur Lenoir96 considère que la mise en place d’un site riche en informations, en photos et en vidéo « permettrait aux gens qui sont loin de Paris, ou du fin fond d’une banlieue, de voir comment ça se passe, (…) et de se effectivement ça me plaît, je vais y aller. Alors que là, s’ils ne viennent pas à Paris pour se renseigner, ils n’ont pas de possibilité de se renseigner concrètement sur ce que c’est avant de s’y rendre ». Ce témoignage révèle l’importance de l’accès à l’information comme première étape de démocratisation culturelle. Il faut d’abord informer les gens des programmations et des lieux existants avant d’espérer pouvoir obtenir des retombées claires en terme de statistiques. Par ailleurs, la seconde barrière est celle de la distance psychologique et intellectuelle à l’égard de l’objet culturel. Il est difficile de démontrer que le recours à Internet comme support de communication des théâtres participe à l’effacement de ce type de fossé. Du moins, il peut faciliter l’approche du milieu pour les personnes 93 Bourgeon-Renault Dominique, op. cit. (note n° 3), Chapitre 3, Le comportement de consommation culturelle, page n°87 94 Arthur Lenoir, webmaster de la comédie française, rencontré le 16 mars 95 Bourgeon-Renault Dominique, op. cit. (note n°3), La distance culturelle, page n° 76 96 Arthur Lenoir, webmaster de la comédie française, rencontré le 16 mars.
  • 48. 48 « éloignées » intellectuellement, en leur permettant de découvrir chaque lieu depuis chez elles, à travers l’écran de leur ordinateur, et d’avoir éventuellement une idée des codes sociaux tacites qui les régissent. Enfin, les barrières sociologiques correspondent aux effets de la classe sociale sur les comportements culturels des individus. Selon Gottesdiener97 , ce n’est pas le prix d’entrée qui constitue le principal frein à la consommation mais la distance culturelle. De même, Bourdieu98 estime que les différences entre niveau de revenus et niveau d’éducation impliquent une concurrence entre les individus dans la consommation de produits culturels. Il distingue ainsi le goût dominant (relatif aux œuvres légitimes ou majeures), le goût moyen (correspondant aux œuvres mineures des arts majeurs et aux œuvres majeures des arts mineurs), et le goût populaire (à relier aux œuvres dépourvues de toute ambition artistique). Cette dernière barrière est probablement la plus difficile à estomper puisqu’elle relève de l’éducation même des individus, de leur histoire, de la classe sociale de leurs ancêtres, etc. Ainsi, les nouveaux supports proposés par Internet, ont permis de développer une communication plus efficace. Les théâtres peuvent désormais diffuser à grande échelle toutes les informations importantes pour la promotion de leurs spectacles, mais ils peuvent également toucher individuellement chaque personne appartenant à leur réseau. En ce sens, Internet est à la fois un média de masse et un média qui favorise une certaine proximité et qui permet surtout une forte interaction entre les théâtres et leurs spectateurs. Les organisations peuvent ainsi mieux cibler leurs publics, et adapter la communication au cas par cas. Ce processus d’information personnalisé est généralement mis en place par les professionnels dans un but de démocratisation de l’art dramatique. Nous verrons donc dans le Chapitre 3, dans quelle mesure les stratégies menées par les professionnels ont des répercussions sensibles sur les pratiques culturelles des Français et sur leur rapport au théâtre. 97 Gottesdiener Hanna, Freins et motivations à la visite des musées d’art, Ministère de la culture, 1992 98 Bourdieu, La distinction, Editions de Minuit, 1979, 670 p.
  • 49. 49 Chapitre 3 : Démocratisation du théâtre et Internet Nous avons analysé, du point de vue de l’offre, comment les théâtres se sont positionnés sur Internet vis-à-vis de leurs publics, à travers des plates-formes ludiques d’interaction, recherchant une certaine démocratisation du Théâtre. Nous tâcherons ici de déterminer, du point de vue de la réception des spectateurs internautes, s’il existe une corrélation entre leur utilisation d’Internet et une éventuelle démocratisation du théâtre, en nous appuyant sur des statistiques officielles et notre propre étude, réalisée auprès de cent personnes. I. Les analyses officielles - les français et le spectacle vivant quelles tendances ? La question des pratiques culturelles des français et de leur « démocratisation » a été régulièrement étudiée depuis les années 1960 et les débuts de la statistique culturelle. Elle s’est peu à peu institutionnalisée, avec la création du ministère des Affaires culturelles et la création du service des études et de la recherche (SER) devenu Département des études et de la prospective (DEP). Les résultats de ces études régulières ont permis de mettre en lien les taux de fréquentation du spectacle vivant avec divers indicateurs, tels que l’état social des personnes, l’âge, le genre, le niveau d’instruction, la catégorie socioprofessionnelle, la taille de l’agglomération de résidence, la région d’habitation, etc.
  • 50. 50 a. Principales tendances Selon l’enquête sur les pratiques culturelles des Français réalisée par Olivier Donnat en 200399 , « 7% de Français âgés de 15 ans et plus n’ont jamais assisté à un spectacle vivant de leur vie ». En revanche, si l’on s’attache au théâtre à proprement parler, le pourcentage s’élève à 43%, le cirque à 22%. La même enquête estime à 55% la proportion de Français âgés de 15 ans et plus qui, au cours des douze derniers mois précédant l’enquête, auraient assisté hors de chez eux à un spectacle vivant professionnel, dont 15 % au théâtre, et 29 % à un spectacle de rue. Ces chiffres ont évolué depuis cette enquête, et selon l’INSEE, en 2006, 17% des français sont allés au moins une fois voir une pièce de théâtre dans l’année. Enfin, l’enquête de Donnat révèle que le nombre de spectateurs occasionnels (allant entre une et deux fois par an au théâtre) est toujours nettement supérieur à celui des « non-occasionnels », et que le nombre de spectateurs réguliers y allant plus de trois fois par an, « s’avère [être] le fait d’une infime minorité »100 . b. L’influence du niveau d’études sur les sorties au théâtre Parmi les principaux facteurs influant sur la fréquentation du Théâtre, c’est le niveau d’instruction qui induit les variations les plus importantes. Les taux de fréquentation varient, du simple au double (pour le cirque et le spectacle de rue) voire du simple au triple (pour le théâtre), entre les personnes peu ou non-diplômées et les Français titulaires d’un diplôme de l’enseignement supérieur. Ainsi, l’enquête révèle que seul 10% des personnes peu ou non diplômées, ont vu un spectacle de théâtre, tandis que la proportion s’élève à 38% chez les diplômés. Il s’agit donc ici de la confirmation statistique des barrières sociologiques évoquées page 39, d’après Dominique Bourgeon-Renault101 . 99 Donnat Olivier, Tolila Paul, Le(s) public(s) de la culture, Vol. 2, 2003 – Chapitre 16, « Les publics du spectacle vivant » 100 Le(s) public(s) de la culture, Tome 2, Olivier Donnat, Paul Tolila, 2003 – Chapitre 16, « Les publics du spectacle vivant » 101 Bourgeon-Renault Dominique, op. cit. (note n°48), « La distance culturelle », page n° 76
  • 51. 51 Tableau 1 : Influence des catégories Socioprofessionnelles sur les sorties Catégorie socioprofessionnelle Théâtre ou concert (%) Agriculteur exploitant 12 Artisan, commerçant, chef d’entreprise 24 Cadre et profession libérale 60 Profession intermédiaire 41 Employé 25 Ouvrier 14 Étudiant 44 Chômeur et inactif 16 Ce tableau met en évidence l’influence de la catégorie socioprofessionnelle des individus sur le nombre de sorties au théâtre ou au concert par an. Ainsi, un français cadre ou de profession libérale va deux fois plus au théâtre qu’un artisan et quatre fois plus qu’un ouvrier en un an. c. L’influence du sexe, de l’âge et du lieu de résidences sur les sorties au théâtre L’étude d’Olivier Donnat montre que d’autres facteurs influencent les sorties culturelles. Il s’agit principalement de l’âge, du sexe et du lieu de résidence des Français. Tableau 2 : Pourcentages des sorties Culturelles en fonction de l’âge et du sexe, durant les 12 derniers mois en France en 2006 102 Avez-vous pratiqué une telle activité au cours des douze derniers mois ? 16-24 ans 25-39 ans 40-59 ans 60 ans ou plus Ensemble Oui Non Oui Non Oui Non Oui Non Oui Non Aller au théâtre ou au café- théâtre Femmes 20 80 18 82 22 78 15 85 19 81 Hommes 13 87 14 86 16 84 14 86 15 85 Ensemble 16 84 16 84 19 81 15 85 17 83 Ce tableau croise deux des facteurs les plus importants dans les pratiques culturelles : l’âge et le sexe des particuliers. 102 INSEE « Sorties culturelles au cours des douze derniers mois », 2006 - http://www.insee.fr/fr/themes/tableau.asp?ref_id=NATCCF05413&reg_id=0
  • 52. 52 Selon Olivier Donnat, la proportion des femmes fréquentant les salles de théâtres « est systématiquement supérieure à celle des hommes ». Ce tableau nous montre qu’en 2006, il existait 4% de décalage entre le nombre de femmes françaises ayant assisté au moins une fois à une pièce de théâtre dans l’année (19%) et celui des hommes (15%). Néanmoins, ces chiffres sont à modérer puisqu’en France, les femmes sont plus nombreuses (environ 1 point supplémentaire) que les hommes. Ces chiffres surreprésentent donc les femmes au sein des publics. Les variations selon l’âge, quant à elles, dépendent du genre de spectacle. Selon Olivier Donnat, de manière générale, les jeunes sont plus nombreux à sortir que leurs aînés. Le pourcentage de français étant allé au théâtre au moins une fois dans l’année est stable d’une fourchette d’âge à l’autre, hormis la catégorie des 40-59 ans, qui sont entre 3 et 4% plus nombreux que les autres. Enfin, la taille de l’agglomération de résidence exerce également une influence sensible sur les pratiques des habitants. Tableau 3 : Influence de la taille de l’agglomération sur les pratiques culturelles en France en 2000 103 Lieu de résidence Théâtre ou Concert (%) Commune rurale 22 Moins de 100 000 habitants 24 100 000 habitants et plus 33 Unité urbaine de Paris 44 Ce tableau permet de marquer les différences quant aux sorties au théâtre et au concert entre une commune, une ville petite ou moyenne, une grande ville et Paris. D’après Olivier Donnat, les taux de fréquentation en région parisienne sont généralement entre deux et cinq fois supérieurs aux autres villes. En effet, un Parisien sur deux va au théâtre dans l’année contre seulement 10% des personnes résidant dans une ville de moins de 20 000 habitants et 15% de celles qui vivent dans une ville de taille supérieure. 103 INSEE, Enquête permanente sur les conditions de vie, octobre 2000, http://www.insee.fr/fr/ffc/docs_ffc/ip883.pdf
  • 53. 53 L’étude des pratiques culturelles des Français et plus précisément, celle des sorties au théâtre, révèle des ruptures à tous niveaux de la population très hétérogène. Si l’on devait établir le profil type des français fréquentant les théâtres, il s’agirait donc d’avantage de femmes, ayant majoritairement entre 40 et 59 ans, cadres ou de profession libérale et habitant Paris ou une grande ville (Lyon ou Marseille par exemple). II. Publics et Internet, quels recours ? Les résultats de notre enquête a. Les spécificités de notre étude : la surreprésentaniont des CSP+ Nous avons réalisé une étude104 auprès de cent personnes afin de vérifier les éventuels rapports entre les spectateurs allant au théâtre et leurs usages d’Internet. Nous l’avons mise en ligne afin de leur faciliter la réponse. Illustration 15 : Nombres de réponses au questionnaire, par jour. Cette courbe montre la rapidité avec laquelle s’est répandu notre questionnaire. Nous avons obtenu 95 réponses en dix jours. En recoupant les réponses des cent personnes interrogées, elles semblent s’approcher en plusieurs points du profil type esquissé précédemment. 104 Voir la grille de questionnaire en annexe
  • 54. 54 Illustration 16 : Une majorité de femmes ont répondu à notre questionnaire En effet, de la même façon que le monde culturel est plus fréquenté par des femmes que par des hommes, une nette majorité de femmes se sont intéressées à notre sujet : 65% contre 35 % seulement d’hommes. Elles sont donc surreprésentées dans notre pannel. Par ailleurs, notre panel est, majoritairement, fortement diplômé : une forte proportion est constituée de professeurs (en particulier des agrégés en Lettres Modernes), 37% ont un « bac + 4 » et 28% un « bac +5 ». Le reste des réponses provient d’étudiants en art ou en communication, d’ingénieurs du son et de l’image, ou encore de graphistes… Illustration 17 : Le niveau d’étude de notre panel