1. Le transmédia storytelling, ses
nouveaux enjeux de réception :
De l’importance du public fan dans les
industries culturelles.
Université Charles-de-Gaulle - Lille 3
Nouvelles formes de l’échange culturel
Mélissa KERN, Loreen SOMMIER et Mathilde THABUIS
2. Plan
1) Le transmédia storytelling : définitions, contextualisation et mise en
perspective contemporaine.
2) Le dispositif transmédia : en faveur du récepteur ?
3) Réception et production : le fan comme figure essentielle à la logique
transmédia.
3. Partie 1 :
Le transmédia storytelling
: définition,
contextualisation et mise
en perspective
contemporaine.
4. Avant la narration transmédiatique...
Notions frontières du transmédia storytelling, le plurimédia et le cross média s'apparentent
directement au marketing et de visibilité.
- Une même logique de partage mais surtout de diffusion d'un seul message sur différents
médias en vue de toucher un plus large public et de manière plus marquante.
- Préexistante à l'émergence d'internet, celui ci leur a imposé la nécessité de s'ouvrir sur les
nouvelles perspectives qui leur étaient d’ailleurs offertes par le champ de possibilités que
ce média offrait devant eux.
- Le partage et la diffusion de contenus n’est pas la même que pour la narration transmédia,
mais il n’empêche aujourd’hui au transmédia de fortement s’ancrer dans la publicité.
5. Le plurimédia
- Un seul message diffusé sur plusieurs médias à la
fois.
- Indépendant les uns des autres, il n’y a aucune
interaction entre eux.
- Une plus large couverture de cible est ainsi créée
par ce procédé. Le public de télévision voit le même
message que celui qui l’entend à la radio, que celui
qui va le lire dans le journal etc.
- Une répétition en vue de l’imprégnation du
message de manière durable. Le cas est tout
trouvé avec les slogans : plus on les entend et plus
ils sont pérennes.
6. Exemple : publicité Schweppes
- Une même égérie célèbre
- Un même slogan
- Un même scénario ambigu
- Mêmes caractères visuels et sonores
Visuels :
1. Vidéo
2. Papier
3. Affiche
7. Le cross média
- Concept proche du transmédia storytelling
dans ces caractéristiques. Sa grande différence
reste dans le fait qu’il déploie toujours un seul et
même contenu.
- Émergence dans les années 1960-1970, au
moment de la mutation importante que
connaisse les médias et notamment la télévision
et la radio.
- Le procédé d’interaction entre les médias, l’
un menant à l’autre. L'idée que le panneaux
publicitaire dans la rue emmène la cible grâce à
son QR code vers une page internet qui elle
même vous envoie vers une application etc.
8. Exemple : Harry Potter
Qui renvoie
aux films
Mais qui renvoie également aux livres audios
9. Henry Jenkins
Le Transmedias Storytelling trouve sont origine
dans un article éponyme publié dans le
Technological Review of MIT par Henry Jenkins
en 2003.
Il sera ensuite développé et enrichi dans son livre
La convergence des Cultures en 2006.
Depuis 2009, Il est le doyen du Departement of
Journalism and Cinematic Arts à University of
Southern California, où il co-dirige l'Annenberg
Innovation Lab.
Il travaille aussi avec le Orange translab situé dans la
Orange Valley en Califonie.
Henry Jenkins se trouve être aussi le théoricien de la
convergence des cultures et de la culture
participative.
Deux points de bibliographie :
- J.H, Textual poachers Television fans
and particicipatery culture, Routledge,
1992
- J.H, Convergence Culture « When old
and new médias collide », NYU press,
New York, 2006
10. Théorie de la
narration transmédia
“ Un processus à travers lequel les éléments d’une fiction sont dispersés
sur plusieurs plates-formes médiatiques dans le but de créer une
expérience de divertissement coordonnée et unifiée ”
Henry Jenkins, Convergence des cultures,
2006, p. 95-96
11. Théorie de la
narration transmédia
- « La création d'une narration augmentée »
propose aux fans d'interagir et de participer afin
de prendre part à l’expérience et de la vivre au
travers de atouts donnés par le média.
- La métaphore du puzzle est parfaite pour
comprendre le phénomène. L’oeuvre originale
n'est plus maîtresse, chaque médias est porteur
d'un scénario qui lui même apporte sa
contribution à l'ensemble. Pas de nécessité de
rapport entre chacun, ils se complètent et
forment un tout .
- Un concept préexistant à l'ère numérique.
Jenkins aime prendre l'exemple du Magicien d'
Oz pour illustrer cette idée, donnant à voir ce film
comme une oeuvre comme un objet touché par le
transmédia bien avant sa théorisation : film,
dessins animés, bandes dessinées...
- Une envergure collective : il montre à
quel point le travail en collaboration
entre chacun des fans est essentiel et
comment il met en avant une
Intelligence collective. L'expérience
individuelle comme avec la franchise ou
le merchandising se voient oubliés au
profit du collectif. Exemple des Wiki de
fans (Lostpédia, le Wiki Harry Potter…)
- Expérience stimulante mobilisant cet
aspect attracteur et d'activateur
culturelle chez les fans, amenant ainsi
le public à entrer dans l'expérience. Le
fan a quelque chose à faire et à donner.
- La logique d’immersion permet au
public de s’ancrer dans le propos et l’
action au travers de la narration.
- Enjeux à prendre en compte selon lui
par Hollywood mais aussi par les
réalisateurs et les créateurs.
12. Contextualisation
- L'expérience du média internet prend tout son sens au début des années 2000.
Internet se démocratise jusqu’à faire son entrée dans les foyers.
- La série télévisée se démocratise : Lost en 2004, Heroes en 2006 et bien d’autres
vont être les pionnières dans la création de contenu transmédiatique. La série Tv
devient un genre suivi et pris au sérieux.
- Le début d’importantes sagas portées sur le grand écran : comme la saga Harry
Potter.
- Internet ouvre sur le monde et l'émergence à grande échelle du transmédia résulte
aussi de cette ouverture. Les créations de contenus et productions de fans vont
véritablement naître et être partagées d’une nouvelle manière.
13. Mise en place de l’expérience
L'expérience de narration transmédia est favorisée
et mise en place notamment grâce aux nouvelles
technologies, au numérique et à internet.
- La multiplication des écrans est un des
moteurs principale. La navigation sur
différents écrans est favorisée aujourd’hui.
Du smart phone à la télévision, tout autour
de nos les écrans sont présents. Les
contenus sont disponibles partout et tout le
temps.
- L'ouverture par les réseaux sociaux et de
partage. Ils sont indissociables de la notion
de collectif, d’échange et de partage. Ils sont
aussi des lieux de démonstration de
performance.
- Implication des producteurs et des
équipes de production à inclure la
logique transmédiatique dans la narration.
14. Acteurs du phénomène transmédia
Mélanie Bourdaa
Maître de conférence à l'Université Bordeaux III,
elle est la spécialiste française de la narration
transmédia.
- Domaines de recherches : stratégies de
production transmédiatique et les
phénomènes de fans de séries télévisés
américaines.
- Publication de nombreux articles sur internet
et dans des revues de recherche mais aussi
sur son blog. Fondatrice du GREF (Groupe
de recherche et d'étude sur les fans).
- Mélanie Bourdaa est aussi à l’origine d’un
MOCC collaboratif sur le transmedia
storytelling, hébergé sur France Université
Numérique : http://urlz.fr/13J4.
Jeff Gomez
Il est créateur, PDG et producteur dans la société
Starlight Runner : société de création de Story
World (contenu narratif transmédia).
- Dispense de nombreuses Master class à
travers le monde en vue du développement
des contenues transmédiatique.
- Contribution aux conférences Ted.
- A l’origine avec sa société Starlight Runner de
contenues transmédias dominants de l’industrie
culturelle (MIB III, Pirates des Caraïbes, la
Hapiness Factory de Coca cola, entre autres.)
16. Le deep média
Frank Rose rédacteur chez Wired, un journal
anglais traitant des nouvelles technologies parle
dans son livre Art Of Immersion publié en 2011,
d'une notion nouvelle qui est celle du Deep
médias.
- Très proche du transmédia dans les
grandes lignes, avec un rapport direct à la
narration transmédia.
- Relation et existence par les nouvelles
technologies qui permettent de vivre l’
expérience transmédia.
- Le public devient une audience :
changement de terme qui montre son
importance.
- Principe immersif dans la narration. Le
public devient acteur de celle ci et s’ancre
complètement dans le phénomène
- Le public devient décideur dans la
narration et choisit le destin des
personnages. Il est prit en entière
considération dans sa majorité.
- Un univers unifié qui fait fonctionner
tous les médias ensemble, chacun
apportant aux autres.
- Écho au phénomène japonais Otaku
qui était propre aux personnes qui se
passionnaient d'une façon intense pour
un personnage, une personnalité, un
histoire, au point d’y consacrer leur
apparence et une grande partie de leur
temps et de leur passion.
17. Partie 2 :
Le dispositif transmédia :
en faveur du récepteur ?
18. Stratégie et objectifs du processus
Quelles sont les buts et les stratégies mises en place par les producteurs transmédia pour créer une
audience, et plus particulièrement des récepteurs engagés, des fans ?
Contexte : société de plus en plus connectée, concurrentielle, transécranique et nouvelles pratiques
du numérique (télévision connectée etc.).
La narration transmédia c’est le fait de très succinctement “saisir les opportunités que nous offre les
nouvelles technologies pour élargir un dispositif narratif” et donc, presque immédiatement, élargir son
audience.
Une stratégie qui fait peau neuve ? Penser transmédia au sens de marketing et de publicité est
problématique et réducteur. Les contenus publicitaires ou de promotion vu sous l’angle
transmédiatique, sont davantage là pour renforcer l’identité et l’image d’une marque ou d’un univers
plus que pour faire vendre à proprement parlé.
Il y a une importante ambition créatrice, innovatrice dans le but d’éveiller la curiosité et les capacités
des récepteurs, pro-amateurs, dont le rôle et l’implication évolue de manière remarquable grâce aux
opportunités qui s’offrent à eux.
19. Les objectifs
Quelques objectifs de la narration transmédia :
- Création de franchise (émergence du métier de producteur transmédia)
- Faire perdurer une franchise (préexistante à la multiplicité des supports numériques :
Star Wars)
- Captiver un public engagé, la fan base ou fandom, de manière pérenne
- Augmenter son audience donc ses profits
- Créer ou renforcer une image de marque, un univers
La narration transmédia fonctionne sur une logique participative :
“Participation that drives fandom, and fandom drives a story’s succes”. Nous sommes ici dans une
logique de culture participative et de curiosité, propre aux nouveaux médias. Le récepteur est placé au
centre du dispositif de production. Il s’agit d’imaginer, de concevoir, en fonction des besoins et des
intérêts du récepteur. Il faut rendre le bien attrayant aux yeux du récepteur.
20. La multiplicité des supports en question
Rabbit hole : une logique d’absorption des publics
Le transmédia suppose déjà plusieurs points d’entrées (rabbit hole) vers un univers, cela suppose
donc qu’il y a différentes opportunités pour le public d’accéder à un produit culturel de type série ou
film par exemple. Il peut bien entendu regarder un épisode à la télévision, mais aussi se rendre sur la
page Facebook de cette série, le site officiel, le wiki ou encore s’essayer au jeu vidéo en réalité
alternée (ARG) proposé par nombres d’oeuvres dont la pionnière du genre, Matrix. Cependant il ne
fait aucun doute que le point d’entrée le plus sollicité reste évidemment l’oeuvre mère, c’est à dire la
source du projet.
C’est souvent cette oeuvre qui est la plus abordable pour le récepteur car la plus compréhensible, là
où se dessinent les bases relatives à la trame narrative de l’univers en question. Puisque dans le cas
du transmédia et contrairement au cross-média, ce ne sont pas uniquement les supports qui sont
multipliés mais aussi les contenus.
21. Rendre chaque expérience unique
Rendre chaque expérience unique est un gage de qualité pour le public, cela permet d’attiser sa
curiosité. La multiplicité des contenus, des formes et des usages rend l’expérience et l’univers d’
autant plus riche. Le public est fidélisé et les fans d’autant plus.
Dans cette même logique d’absorption et de fidélisation du public, la narration transmédia est aussi là
pour amener des éléments de réponse, combler un vide narratif ou tout simplement entretenir l’intérêt
du récepteur.
Plus l’intérêt est grand, plus le public va être fidélisé. La stratégie mise en oeuvre va donc être celle
de l’intégration, de la participation, parfois de la création (cf. Partie 3). Un individu qui participe et un
individu qui va être à même de revenir : il est fidélisé.
Le succès de ce fait est exponentiel. Le succès d’un produit culturel favorise la création d’une
expérience transmédia -les producteurs transmédia investissent là ou le public est réceptif- et dans ce
cas précis, le public, plus particulièrement le fan, contribue directement au contenu.
22. Étude de cas
Parks and recreation (2009-)
Nous avons choisi de vous présenter plus en détails une proposition de dispositif transmédia assez
inédite. En effet le transmédia, largement visible dans l’univers des séries télévisuelles, se cantonne
souvent à des univers complexes et riches qui correspondent davantage aux séries de SF, fantastique
comme Lost ou Game of thrones. Ici nous nous intéressons au genre de la sitcom.
Les sitcoms ont une trame narrative qui a priori ne se prête forcément pas à une narration augmentée
de type transmédia car dans le genre précis l’aspect sérielle est moins développé : c’est à dire qu’on
peut regarder les épisodes de manière décousue sans pour autant être perdu dans l’intrigue qui est
souvent assez pauvre.
Cependant la capacité immersive importante d’une série, aux personnages emblématiques ou
attachants, renforce l’idée que ces personnages continuent de vivre en dehors du temps limité de l’
épisode.
On remarquera également la volonté omniprésente de brouiller les frontières entre réalité et fiction qui
se prête évidement au genre du mockumentary. Pour aller plus loin, nous vous invitons à vous
renseigner sur le dispositif transmédia de la série Lost créée par J. J. Abrams en 2004.
23. Parks and
recreation
Créateurs : Greg Daniels, Michael Schur
Statut : Saison 7 en cours de production
Genre : comédie, mockumentary (faux-documentaire)
Format : 22 minutes
Interprètes principaux : Amy Poehler, Nick Offerman, Aubrey Plaza, Chris Pratt, Rashida Jones, Aziz
Ansari
Particularité : Concept calqué sur la série The Office (2005-2013), créée par Greg Daniels dont elle
devait à l’origine être le spin-off.
Synopsis : Cette série met en scène le quotidien des employés du département des parcs et des
loisirs de la ville de Pawnee dans l'État de l’Indiana. L'intrigue est surtout centrée sur la directrice
adjointe, Leslie Knope, qui a de grandes ambitions professionnelles et politiques.
24. Les dispositifs mis en place pour créer
une narration augmentée
Création du site officiel de la ville de Pawnee (http://www.pawneeindiana.com), lieu où les intrigues de
la série se déroulent. On y retrouve des informations sur l’actualité de la ville, les activités culturelles
proposées, le planning des réunions du conseil municipal etc. Il a tous les attraits d’un site
institutionnel lambda.
Aspects interactifs :
- Les mises à jour du site résonnent avec
les épisodes de la série
- Les personnages principaux y sont
présentés en tant qu’employés
- Une newsletter écrite par le personnage
de Leslie Knope informe les internautes de
l’actualité de la ville et donc de la série,
faisant office de bande-annonce des
intrigues à venir
25. La stratégie est répétée concernant des lieux, événements ou faits marquants de la trame narrative de
la série. En voici quelques exemples :
- Le groupe de musique de Ron Swanson : http://www.dukesilver.com/
- Le groupe de musique d’Andy : http://www.scarecrowboat.com/about.shtml
- Le road trip d’Andy et April : On en entend parler dans la série mais pour le visionner (quatre
web-épisodes) il faut se rendre sur internet.
26. Adresses aux fans : création d’un
sentiment d’appartenance ?
Un événement est particulièrement important dans la
série, la campagne pour l’élection du nouveau maire.
Lors de cette période l’interactivité est d’autant plus forte
que le personnage de Leslie Knope, candidate, avait une
réelle présence sur les réseaux sociaux. Elle sollicitait
les “habitants de Pawnee” afin de choisir l’affiche de sa
campagne.
On retrouve régulièrement sur les réseaux sociaux des
adresses aux fans sous forme de demandes à
contribution. Les community managers demandent
directement et concrètement leur avis aux fans. Cela va
du simple vote pour élire l’épisode ou le personnage
préféré (South Park) à la demande de création et
partage de fanart (Hunger Games). Cf. ci-après.
27. Quelques exemples d’adresses aux fans :
- https://www.facebook.com/southpark?fref=ts
- http://capitolcouture.pn/tagged/Citizen%
20Activity
28. Partie 3 :
Réception et production : le fan
comme figure essentielle à la
logique transmédia
29. Le fan d’hier et d’aujourd’hui : nouvelles
formes de réception
Le fan et les communautés de fans sont aujourd’hui des acteurs déterminants dans le phénomène de
la narration transmédiatique et acquièrent une reconnaissance toute particulière.
Les fans prennent une place centrale à la fois dans la circulation et la production de contenus. Tour à
tour consommateurs, producteurs, médiateurs, experts ; ils prolongent toujours plus loin l’expérience
narrative.
le contexte numérique et transmédiatique, internet devient le lieu d’expression au travers de diverses
plates-formes d’échange.
La pluralité des recherches portées par les Cultural Studies sur le phénomène des fans mettent en
avant une nouvelle vision de ces derniers : ils seraient l’exemple d’un public désormais producteur et
donc actif, créatif et impliqué, mettant en place leurs propres formes d’expression et, en un sens des
formes de résistance aux industries culturelles…
30. Le fan d’hier et d’aujourd’hui : nouvelles
formes de réception
Connoté de manière péjorative même avant l’ère numérique encore plus après, les fans représentait
avant tout un public de consommateurs passif, peu coopératif voire résistant, marginal et surtout
économiquement peu viable pour les industries culturelles.
En témoignent les propos d’Emmanuelle Debats* à propos de son Web documentaire (produit par
France Télévision) Citizenfan, lui-même consacré aux pratiques des fans « Ce mot de fan, a
beaucoup inquiété et déplu autour de moi, à commencer par certains membres des équipes de
France Tv. A cause de ce mot, on a levé des barrages sur ma route (…) A l’IRI (Informations
Ressources Inc.) où j’étais allé présenter mon projet, ils m’ont dit « Nous, nous les nommons «
amateurs » nous préférons ce terme au mot « fan » ». Finalement, le mot « Fan » était un « gros »
mot ! »
*interview de Mélanie Bourdaa
31. Du fan passif au fan actif-participatif
Avec les recherches pionnières d’Henry Jenkins, on passe progressivement d’une définition du fan
dite “identitaire” à celle proposée en terme de champ et intensité d’action.
Jenkins et ses pairs replacent le récepteur dans un rôle profondément actif de par leur production, leur
activisme, leur liberté de choix et l’organisation employée pour faire circuler leurs actions.
Nous sommes donc loin du récepteur de contenus “viraux” absent de tout engagement dans les
pratiques sociales et culturelles. L’ampleur et la richesse du travail collaboratif, autant que la
production, témoignent de l’intelligence collective de l’audience.
Les fans deviennent aussi bien curateurs que médiateurs au regard de la diversité et de la multiplicité
des expériences médiatiques et transmédiatiques.
Bien que soulevant d’importants enjeux dans les industries culturelles et pour les auteurs et créateurs,
l’expérience transmédiatique de fans ne procède pas dans une logique économique.
32. Du fan consommateur et spectateur au fan
producteur créateur
La réception n’est plus seulement assimilée à la consommation d’un produit culturel, sans avoir ni
recul réflexif ni activité productrice, il aussi a un ensemble organisationnel basé sur la participation
permettant de créer et partagé des contenus.
Jenkins souligne le fait que « les fans de médias sont des consommateurs qui produisent, des
lecteurs qui écrivent et des spectateurs qui participent ».
Paul Booth résume le propos en un mot: le “produser” qu’il explique par le fait que « le produser crée
et partage des contenus médiatiques de façon quasi-professionnelle et se rapproche de la définition
du fan créateur : il est à la fois un producteur et un lecteur de contenus médiatiques, il appartient à
une communauté, il est un pilier de la culture participative et collaborative »
Cf. le « pro-am » de Charles Leadbeater
33. Du fan à l’expert
En plus du statut de pro-am ou de produser, les communautés de fans produisent de la valeur sur les
contenus et permettent souvent d’en développer une expertise.
Dès lors le fan et la communauté de fans deviennent des références expertes traitant de sujets peu ou
pas expertisés par les instances classiques de légitimation.
La collaboration collective et l’aspect “multi-tâche” qu’endosse la réception permettent une expertise de
qualité et une multiplicité des connaissances sur un bien culturel.
Par ailleurs tout fan n’a pas la même implication dans la circulation et la production de contenu ce que
nous allons voir de suite dans un second point.
34. Les différents degrés d’implication des
publics
Selon Jenkins il existe différents degrés d’implication des fans et du public, cela peut être dû à la
fracture géographique numérique autant qu’au simple degré d’intérêt de la personne pour l’objet
culturel qu’il cultive.
Une étude d’Andrea Phillips parue dans son livre A
creator’s guide to transmedia storytelling (2012) permet
de nous éclairer davantage sur cette notion d’
engagement du public.
Phillips part du postulat que 80% de l’activité d’une
expérience provient de seulement 20% de son audience.
Elle explique cela par la hiérarchisation de l’audience
dont voici le schéma :
35. Le fan au coeur de l’expérience narrative
transmédia: production et médiation
Retenons quatre grandes logiques d’implication
et participation du fan :
- le désir d’un prolongement de la narration
- d’appropriation de la narration
- de construction d’une expérience
collective et d’une force d’engagement
dans sa circulation
- enfin de construction identitaire.
36. Le prolongement de la narration
La Fanfiction
- L’écriture de textes qui sont en filiation
directe avec l’objet du fan.
- Prolongement de l’expérience narrative en
partant de l’oeuvre mère (ou canon) pour
écrire de nouvelle histoire.
- Le fan fiction prolonge la narration vers ce
que le fan désire s'approprier dans l’
histoire (Préface, suite, entre deux ou
encore le récit entier).
- Recherche d’une construction plus en
profondeur des personnages ou de l’
histoire.
- Reprise d’élément passager d’une histoire
pour en faire une nouvelle fiction.
37. Le désir d’appropriation de la narration
Les profils fictifs
- Sur les réseaux sociaux, les fans se
réapproprient les personnages en créant
des profils fictifs ou alors conversent et
interagissent avec des personnages fictifs.
- Paul Booth a analysé le phénomène sur
Myspace mais ses conclusions peuvent s’
appliquer à d’autres réseaux sociaux et
particulièrement à Twitter et Facebook.
- Phénomène de performance du côté des
fans qui participent au brouillage de la
frontière entre réalité et fiction.
38. Page de Facebook de Jamie Lannister (Games of Thrones) et page Twitter Barney Stinson (HIMYM)
39. Construction d’une expérience collective
comme médiation
Le fansubbing
- Communauté de fans pratiquant le sous-titrage de
fictions (séries, dessins-animés, films…) en une langue
donnée.
- Le travail se fait par collaboration afin de produire un
contenu de qualité maximale.
- La pratique vise avant tout le partage, la diffusion et la
compréhension de produits culturels a priori
inaccessibles à une audience qui a la langue comme
barrière.
- Cette logique de médiation s’inscrit dans une volonté
de faire connaître des oeuvres aux plus grands
nombres d’usagers.
40. Construction identitaire
Le Cosplay
- Pratique assimilée aux jeux de rôle dont l’
action est performative.
- Le prolongement narratif se fait par l’
incarnation physique d’un personnage
issu d’une oeuvre (dessins-animés, séries,
mangas, films…). Un travail conséquent
de confection de costumes affirme la
performance.
- Pratique qui participe à l’épanouissement
et la construction identitaire personnelle
par le biais de la fiction.
41. Conclusion
La narration transmédia est favorisée par l’entrée dans l’ère du numérique. Les États-Unis du point
de vue de la production et de la recherche sont un lieu véritablement déterminant. La
démocratisation est en marche en France, où le concept transmédia a mis 3 ans avant d’arriver.
Parallèlement à une approche en terme de marketing, c’est avant tout dans une logique de création
et de prolifération d’expériences que les producteurs transmédia agissent, pour mettre en place des
univers toujours mieux exploités et fédérateurs.
Depuis toujours le fan est producteur de contenus et prolongateur d’expérience narrative mais c’est
à l’ère numérique qu’il acquiert une véritable reconnaissance et qu’il représente un intérêt tout
particulier pour les industries culturelles.
42. Thanks for
watching
Ron Swanson (Parks and recreation) and Mona Lisa
mashup
par Raoqwerty
43. Sitographie
- MOOC : Comprendre le Transmedia Storytelling [en ligne], The Rabbit Hole [consulté le 8
octobre 2014] URL : http://www.therabbithole.fr/2013/10/02/mooc-comprendre-le-transmedia-storytelling/
- Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur le MOOC Transmédia [en ligne], Mooc
Francophone [consulté le 8 octobre 2014] URL : http://mooc-francophone.com/interview-melanie-
bourdaa-tout-ce-que-vous-avez-toujours-voulu-savoir-sur-le-mooc-transmedia/
- Qu’est-ce que le transmédia ? [en ligne], Ina Global [consulté le 8 octobre 2014] URL : http:
//www.inaglobal.fr/numerique/dossier/quest-ce-que-le-transmedia?tq=7
- Le transmédia [en ligne], Bigger than fiction [consulté le 8 octobre 2014] URL : http://www.
biggerthanfiction.com/le-transmedia/
- Entretien Henry Jenkins sur le Transmédia Storytelling [ en ligne], Culture Visuelle [consulté le
8 octobre 2014] URL : http://culturevisuelle.org/narration/archives/6
- Parks & Recreaction : Quand NBC étend l’univers de sa série au delà du petit écran [en ligne],
Transmedia Lab [consulté le 11 octobre 2014] URL : http://www.transmedialab.org/the-blog/
case-study/parks-recreation-quand-nbc-etend-lunivers-de-sa-serie-au-dela-du-petit-ecran/
44. Bibliographie
- JENKINS H., Textual poachers Television fans and particicipatery culture, 1992
- JENKINS H., Convergence Culture “When old and new médias collide”, 2006
- PHILLIPS A., A creator’s guide to transmedia storytelling, 2012