SlideShare une entreprise Scribd logo
1  sur  4
METAPHORES DU POUVOIR
DANS LA PROSE HISTORIQUE ROUMAINE (1948-1989)
Asistent asociat Matei Andreea Olivia
Universitatea „Politehnica” București – Facultatea de Inginerie în Limbi Străine
Résumé :
L’étude des mythes politiques de la période communiste et de la manière dont ils se reflètent
dans la littérature nous aide à comprendre l’évolution de la société, à trouver un sens plus profond de
la vie sociale, à manifester notre mécontentement par rapport à la bureaucratie omnipotente et à éviter
les projets de « bonheur obligatoire » ou les utopies de la société purifiée du point de vue ethnique.
Si l’on procède à une relecture mythologique du roman historique, on peut remarquer que le
temps des romans historiques est celui de l’histoire événementielle, mais aussi celui des mœurs
étrangères aux usages contemporains et celui du temps transhistorique des mythes. Le mythe et la
fiction historique entretiennent une relation de parenté. Le mythe transfigure la réalité, conformément
à sa propre logique, et veut trouver une vérité essentielle dans tout acte humain existentiel.
Sous la force du mythe du pouvoir, le roman historique se métamorphose, devient allégorie
ou parabole ayant des connotations philosophiques. L’histoire se révèle alors un moyen pratique et
efficace d’aborder les interrogations contemporaines et on peut citer dans ce sens des romans comme
Groapa, Princepele ou Saptamana nebunilor, d’Eugen Barbu, Calpuzanii, de Silviu Angelescu, ou Printul
Ghica, de Dana Dumitriu.
Mots-clé : prose, histoire, idéologie, mythe, pouvoir
Cet ouvrage se propose d’analyser certains aspects de la prose historique roumaine,
par rapport à l’idéologie qui l’a influencée dans la période 1948-1989. Je considère que ce
type de prose illustre l’idéologie de la société où il est apparu, qu’il est fort influencé par la
doctrine communiste, qui lui impose certaines contraintes, qui le pervertit et l’oblige à
recourir à toute sorte de stratégies de dissimulation pour survivre.
Si l’on procède à une relecture mythologique du roman historique européen, on peut
remarquer que le temps des romans historiques est celui de l’histoire événementielle, mais
aussi celui des mœurs étrangères aux usages contemporains et celui du temps
transhistorique des mythes. Le mythe et la fiction historique entretiennent une relation de
parenté. Le mythe transfigure la réalité, conformément à sa propre logique, et veut trouver
une vérité essentielle dans tout acte humain existentiel.
Le mythe se fige dans ces romans sous la forme de certaines métaphores ; la
métaphore du pouvoir en est une des plus importantes. D′ailleurs, sous la force de cette
métaphore, le roman historique se métamorphose, il devient allégorie ou parabole ayant des
connotations philosophiques. L’histoire se révèle parfois un moyen pratique et efficace
d’aborder les interrogations contemporaines.
Par exemple, Brigitte Krulic analyse les images et les mythes du pouvoir dans le
roman historique français. Elle poursuit l’apparition de l’image du bon et du mauvais
gouvernement dans le roman Les Rois maudits de Maurice Druon et remarque le fait que le
portrait de Philippe le Bel, le « Roi de fer », accentue un certain nombre de traits qui
esquissent le stéréotype politique et idéologique des « rois qui ont fait la France »
abondamment diffusé par les manuels scolaires et l’imagerie républicaine depuis 1880, tant il
importait d’affirmer la légitimité de l’État républicain héritier de la France immémoriale.
On retrouve d’autres hypostases de l’image mythique du gouvernement dans les
romans historiques consacrés à la figure d’Henri IV, Henri le Béarnais. La figure du Béarnais
condense tout à la fois le mythe fondateur du grand homme dont l’œuvre marque l’histoire
1
d’une empreinte durable – la tolérance religieuse, la restauration de l’autorité de l’État, le
progrès économique – et le conte de fées d’une improbable fortune.
Mais Brigitte Krulic accorde une attention particulière au Henri IV d’Heinrich Mann
(le frère aîné de Thomas Mann). Il s’agit de l’œuvre Le Roman d’Henri IV. La jeunesse du roi.
Dans le roman d’Heinrich Mann Henri de Navarre incarne la joie de vivre et d’agir, remplit
la fonction guerrière et la fonction nourricière et représente le prince qui a partagé la vie de
son peuple et en comprend les aspirations et les besoins. Cet Henri IV d’Heinrich Mann
représente la figure symétriquement inversé de la cynique Catherine de Médicis, mais
surtout du dictateur haïssable et des « mauvais rêves » nés d’un abîme où s’engloutissent les
valeurs de la civilisation. L’allusion à Hitler est évidente, mais en fait on peut parler du
dictateur intemporel, de la figure mythique du Dictateur.
Le roman est animé d’idéaux humanitaristes, mais aussi d’une intention
moralisatrice, qui représente en même temps une solution contre les maux infligés aux
hommes par n’importe quel dictateur, de n’importe quelle époque ou espace.
Brigitte Krulic présente ensuite les figures des hommes d’État et des favoris des
princes (le « grand ministre » s’opposant systématiquement au « favori »), les héros « à la
française » et les femmes fatales de l’histoire de la France.
Elle met en évidence le fait que les mythes liés à la fuite du temps se déclinent en
plusieurs versions qui se répondent et se complètent : l’âge d’or, l’éternel retour, la
conspiration, l’âge de la décadence et de la chute, le mythe millénariste du sauveur.
Selon Brigitte Krulic, la mise en scène du passé suggère le désir de se distancier d’un
présent désenchanté, et incite même à penser à un esprit conservateur de ce type de roman.
La fiction du XIXe
siècle représente l’érosion des hiérarchies et la massification sociale et
participe, en s’en démarquant, du désenchantement du monde. C’est un paradoxe encore
plus profond dans le cas du roman historique, car en reconstituant l’âge aristocratique et
monarchique, il recompose en fait le mythe de l’âge d’or.
B. Krulic identifie un certain nombre de constantes de la représentation de « l’âge d’or
aristocratique » : le mépris de l’argent et de l’accumulation des richesses (le « galant
homme »), l’héroïsme, la modestie et la délicatesse, la pratique du duel, qui atteste de la
logique de l’honneur et des « passions énergiques ».
Le souci d’établir un lien entre la France monarchique et la France
postrévolutionnaire est plus qu’évident et il traverse, d’ailleurs, toute l’histoire du XIXe
siècle. On essaie de définir l’identité nationale et cela signifie se situer par rapport à la
tradition et au présent, ce n’est pas, comme dans d’autres pays d’Europe, défendre son droit
à l’existence, le droit d’être une nation indépendante qui a un État.
La fuite du temps peut être vécue comme la perte d’un paradis originel qui
fournissait un point de repère (« c’était mieux avant »). L’histoire semble une succession
imprévisible d’événements et c’est pourquoi on cherche un principe d’intelligibilité qui
puisse lui donner un sens. Voilà la naissance du mythe de la conspiration, dont les phases de
revitalisation correspondent à des périodes de mutations sociales et politiques. Les faits
apparaissent comme calculés et pensés par une volonté souveraine, le plus souvent
maléfique. Mais cette volonté peut être identifiée et combattue. Le recours à ce mythe est
plus facile que l’accommodation à la réalité opaque.
Souvent, le mythe de l’âge d’or et le mythe de la conspiration se complètent et se
renforcent : la déchéance de la société est imputable aux conspirateurs qui songent à une
transformation radicale. Les plus fréquents sont le complot franc-maçon, le complot juif
mondial (diffusé par la fiction romanesque de la fin du XIXe siècle). Le mythe de la
conspiration apparaît dans les romans consacrés à la Révolution française (Les Dieux ont soif
d’Anatole France, Un conte de deux villes de Charles Dickens, Les Chouans de Balzac,
Quatrevingt-treize de Victor Hugo).
2
Dans la littérature roumaine, un roman très intéressant, à sujet historique, où on
trouve plusieurs métaphores du pouvoir est le roman Princepele (Le Prince) d’Eugen Barbu.
Les opinions critiques vis-à-vis de cette œuvre sont partagées et le roman a été encadré dans
la galerie des romans historiques ou des paraboles ou des romans politiques, totalisateurs ou
baroques.
On peut d’ailleurs le considérer un intertexte postmoderne, une fraude littéraire, un
plagiat ou même un collage, si on pense aux Caietele Princepelui (Les Cahiers du Prince)1
.
Eugen Simion identifie, dans son étude consacré à Eugen Barbu dans le IIème
volume
de Scriitori romani de azi, le modèle stylistique du roman Princepele (qui serait Craii de Curtea
Veche, de Mateiu Caragiale), les sources d’inspiration en ce qui concerne le monde et
l’atmosphère phanariote (les ouvrages de Nicolae Filimon et Ion Ghica) et affirme que toutes
les spéculations qu’on pourrait faire sur l’identité du Prince ou sur la chronologie n’ont pas
d’objet puisque l’intention de l’écrivain n’est pas de décrire une époque historique
strictement délimitée, mais de surprendre l’essence d’un phénomène, l’essence du
phanariotisme2
.
Simion précise qu’il s’agit de trois éléments/ personnages importants dans la
parabole imaginée par Eugen Barbu : le Prince, messer Ottaviano et Ioan Valahul.
Le Prince est un phanariote cultivé, mais aussi cruel et qui souffre à cause d’une
mélancolie sans remède (melanholia). Ottaviano est un chiromancien, un cabaliste et un
alchimiste, qui a visité plusieurs cours européennes. Sa philosophie du pouvoir est celle
du Prince de Machiavel, basée sur l’habileté, sur la science d’être en même temps le renard et
le loup. Ioan Valahul est le troisième élément la parabole et le moins réussi du point de vue
de la construction. Lui aussi, il est un astrologue, mais il illustre la vision populaire sur les
mystères de la vie et du monde, ainsi qu’un autre point de vue sur l’histoire, celui de la
résistance, de la préservation (des valeurs)3
.
Malheureusement, dit le critique cité, le roman ne résiste pas par son aspect
parabolique, mais par son atmosphère, par la peinture d’un monde coloré, fanatique,
crépusculaire.
Alexandru George voit dans Princepele un hybride d’une époque pseudo historique,
un livre qui sert aux buts revendicatifs de l’auteur, avec un personnage et une atmosphère
ratés. Il dit que l’auteur du roman ne connaît qu’une méthode, celle du cumul, d’un cumul
de vulgarité, d’immoralité, qui mélange le vice à l’élégance, le crime à la subtilité et la
dépravation au cynisme4
. Tous ces traits du roman sont pour Doinita Milea des arguments
qui soutiennent l’idée que l’œuvre en discussion, très mobile et très décorée, serait une
œuvre baroque5
.
Donc, Princepele pourrait être un roman historique, placé dans l’époque phanariote,
vers la fin du XVIIIe
siècle, une époque tourmentée par des épidémies de peste, des
complots, des actes de cruauté et des orgies des boyards. L’œuvre finit d’une manière
exemplaire, par la décapitation du Prince et l’arrivée d’un nouveau domnitor… l’histoire se
replie donc sur elle-même, le cercle est complet, puis il s’ouvre à nouveau.
Dans un autre niveau de la lecture, on peut voir dans Princepele un poème du monde
crépusculaire, un espace tragique, tel la Venise d’un autre roman d’Eugen Barbu, Saptamana
nebunilor (La Semaine des fous). L’atmosphère baroque est chargée d’inquiétude, d’anxiété et
de panique ; on assiste à une invasion des papillons, on voit des eaux marécageuses, des
horloges obsessifs, le monde est un théâtre, un carnaval et un labyrinthe.
1
Milea, Doinița, Romanul istoric românesc (thèse de doctorat), coordinateur scientifique Acad. Eugen Simion,
București, Universitatea București, 1998, p. 179
2
Simion, Eugen, Scriitori romani de azi, Bucuresti-Chisinau, Litera International, II, 2002, p. 292
3
Ibidem, p. 293
4
George, Alexandru, Alte note la cazul Eugen Barbu, dans România literară, 27, no. 11, 1994, p. 11
5
Milea, Doinița, op. cit., p. 179
3
Et bien sûr, on pense aussi aux aspects initiatiques et hermétiques de l’œuvre (on
peut citer dans ce sens les préoccupations d’Ottaviano et même d’Ioan Valahul, l’éros comme
facteur cosmique, l’obsession de l’aquatique et du feu, les symboles des maçons etc.).
Enfin, dans ce qu’il a le plus profond, Princepele est une parabole du pouvoir dans un
roman politique. Ottaviano est l’esclave de l’idée du pouvoir, il confie au Prince qu’il n’existe
que pour le servir et pour servir l’idée de pouvoir, mais l’autre, le monarque, est trop fatigué
et dégoûté pour répondre aux aspirations d’Ottaviano, qui recourt alors à toutes les ruses
qu’il connaît pour stimuler son maître dans la quête du pouvoir. Le roman politique devient
encore un pamphlet, une fable sur les mœurs contemporaines (à l’auteur).
Qu’est-ce qu’on peut découvrir derrière ces niveaux de lecture et surtout derrière les
figures du Prince, de messer Ottaviano, d’Ioan Valahul ? Caché derrière le Prince beaucoup
de critiques ont vu le visage d’Eugen Barbu, qui serait donc capable d’un rêve plus grand,
plus profond qu’il ne laissait pas voir : fatigué, dégoûté par les mœurs des contemporains,
par l’atmosphère de l’époque, son âme serait en quête d’une chose invisible, de l’ineffable, de
l’Absolu.
Mais je considère que le mythe du pouvoir, qui constitue l’ossature du roman, peut
être mis en relation surtout avec la figure du grand Conducator, de Nicolae Ceausescu, et du
Dictateur de tous les espaces et de toutes les époques. Voilà le fil qui unit l’œuvre d’Heinrich
Mann et celle d’Eugen Barbu : l’infâme figure du Dictateur, qu’il soit le résultat d’un régime
naziste ou d’un régime communiste, ce qui démontre d’ailleurs l’identité de nature de ces
régimes nés de conjonctures différentes et partant d’idéologies passablement antagonistes. Si
leurs idéologies se distinguent sur plusieurs points, ils ont en commun une haine de la
démocratie et un mépris total de la dignité humaine. Ces deux régimes ne sont que deux
facettes différentes d’un seul phénomène : le totalitarisme.
Bibliographie :
1. Livres
Barbu, Eugen, Princepele, editia a II-a, Cluj, Dacia, 1971
Krulic, Brigitte, Fascination du roman historique: intrigues, héros et femmes fatales, Paris, Autrement, 2007
Mann, Heinrich, Le Roman d’Henri IV. La jeunesse du roi, Paris, Gallimard, 1972
Simion, Eugen, Scriitori romani de azi, Bucuresti-Chisinau, Litera International, II, 2002
2. Articles
George, Alexandru, Alte note la cazul Eugen Barbu, dans România literară, 27, no. 11, 1994, p. 11
3. Autres ressources
Milea, Doinița, Romanul istoric românesc (thèse de doctorat), coordinateur scientifique Acad. Eugen Simion,
Bucuresti, Universitatea Bucuresti, 1998
4

Contenu connexe

Tendances

Le primitivisme en peinture dans la continuité de l'istoria albertienne
Le primitivisme en peinture dans la continuité de l'istoria albertienneLe primitivisme en peinture dans la continuité de l'istoria albertienne
Le primitivisme en peinture dans la continuité de l'istoria albertienneJoin-Lambert Blaise
 
Literatura Francesa del siglo XX
Literatura Francesa del siglo XXLiteratura Francesa del siglo XX
Literatura Francesa del siglo XXSeed Translations
 
TRAVAIL DE LUIS ESPÍN FERNÁNDEZ ET DANIEL MEMBRIVES CÉSPEDES (3 TRIM)
TRAVAIL DE LUIS ESPÍN FERNÁNDEZ ET DANIEL MEMBRIVES CÉSPEDES (3 TRIM)TRAVAIL DE LUIS ESPÍN FERNÁNDEZ ET DANIEL MEMBRIVES CÉSPEDES (3 TRIM)
TRAVAIL DE LUIS ESPÍN FERNÁNDEZ ET DANIEL MEMBRIVES CÉSPEDES (3 TRIM)manusp14
 
Chapitre IV: Un art en délire-3-Vers un art élémentaire
Chapitre IV: Un art en délire-3-Vers un art élémentaireChapitre IV: Un art en délire-3-Vers un art élémentaire
Chapitre IV: Un art en délire-3-Vers un art élémentaireAzzam Madkour
 
BB Le personnage littéraire - Un petit parcours
BB Le personnage littéraire - Un petit parcoursBB Le personnage littéraire - Un petit parcours
BB Le personnage littéraire - Un petit parcoursanniabc
 
Germs Le Mensonge Dans La Figure De L’Art
Germs  Le Mensonge Dans La Figure De L’ArtGerms  Le Mensonge Dans La Figure De L’Art
Germs Le Mensonge Dans La Figure De L’Artgerms
 
Germs Le Mensonge Dans La Figure De Lart 1194189797985920 2
Germs Le Mensonge Dans La Figure De Lart 1194189797985920 2Germs Le Mensonge Dans La Figure De Lart 1194189797985920 2
Germs Le Mensonge Dans La Figure De Lart 1194189797985920 2germs
 
Vivre et penser_comme_des_porcs_-_gilles_chatelet
Vivre et penser_comme_des_porcs_-_gilles_chateletVivre et penser_comme_des_porcs_-_gilles_chatelet
Vivre et penser_comme_des_porcs_-_gilles_chateletElsa von Licy
 
Le personnage mythique, Degrés. Revue de synthèse à orientation sémiologique ...
Le personnage mythique, Degrés. Revue de synthèse à orientation sémiologique ...Le personnage mythique, Degrés. Revue de synthèse à orientation sémiologique ...
Le personnage mythique, Degrés. Revue de synthèse à orientation sémiologique ...Universidad Complutense de Madrid
 
Histoire du XVII au XIX siècle
Histoire du XVII au XIX siècleHistoire du XVII au XIX siècle
Histoire du XVII au XIX sièclecesttresjoli
 
Symbolisme et modernité
Symbolisme et modernitéSymbolisme et modernité
Symbolisme et modernitéBac Français
 
Chapitre III: Vers une épuration de l'art- 1- Les bases de l'épuration au déb...
Chapitre III: Vers une épuration de l'art- 1- Les bases de l'épuration au déb...Chapitre III: Vers une épuration de l'art- 1- Les bases de l'épuration au déb...
Chapitre III: Vers une épuration de l'art- 1- Les bases de l'épuration au déb...Azzam Madkour
 
Germs Le Mensonge Dans La Figure De L’Art
Germs  Le Mensonge Dans La Figure De L’ArtGerms  Le Mensonge Dans La Figure De L’Art
Germs Le Mensonge Dans La Figure De L’Artgerms
 

Tendances (20)

José Manuel Losada: Mythe et transcendance
José Manuel Losada: Mythe et transcendanceJosé Manuel Losada: Mythe et transcendance
José Manuel Losada: Mythe et transcendance
 
Le réalisme
Le réalismeLe réalisme
Le réalisme
 
Le primitivisme en peinture dans la continuité de l'istoria albertienne
Le primitivisme en peinture dans la continuité de l'istoria albertienneLe primitivisme en peinture dans la continuité de l'istoria albertienne
Le primitivisme en peinture dans la continuité de l'istoria albertienne
 
Literatura Francesa del siglo XX
Literatura Francesa del siglo XXLiteratura Francesa del siglo XX
Literatura Francesa del siglo XX
 
Narratologie 10633
Narratologie 10633Narratologie 10633
Narratologie 10633
 
TRAVAIL DE LUIS ESPÍN FERNÁNDEZ ET DANIEL MEMBRIVES CÉSPEDES (3 TRIM)
TRAVAIL DE LUIS ESPÍN FERNÁNDEZ ET DANIEL MEMBRIVES CÉSPEDES (3 TRIM)TRAVAIL DE LUIS ESPÍN FERNÁNDEZ ET DANIEL MEMBRIVES CÉSPEDES (3 TRIM)
TRAVAIL DE LUIS ESPÍN FERNÁNDEZ ET DANIEL MEMBRIVES CÉSPEDES (3 TRIM)
 
Chapitre IV: Un art en délire-3-Vers un art élémentaire
Chapitre IV: Un art en délire-3-Vers un art élémentaireChapitre IV: Un art en délire-3-Vers un art élémentaire
Chapitre IV: Un art en délire-3-Vers un art élémentaire
 
Confronto naturalismo verismo
Confronto naturalismo verismoConfronto naturalismo verismo
Confronto naturalismo verismo
 
La maison nucingen
La maison nucingenLa maison nucingen
La maison nucingen
 
Vi) science fiction
Vi) science   fictionVi) science   fiction
Vi) science fiction
 
179239843
179239843 179239843
179239843
 
BB Le personnage littéraire - Un petit parcours
BB Le personnage littéraire - Un petit parcoursBB Le personnage littéraire - Un petit parcours
BB Le personnage littéraire - Un petit parcours
 
Germs Le Mensonge Dans La Figure De L’Art
Germs  Le Mensonge Dans La Figure De L’ArtGerms  Le Mensonge Dans La Figure De L’Art
Germs Le Mensonge Dans La Figure De L’Art
 
Germs Le Mensonge Dans La Figure De Lart 1194189797985920 2
Germs Le Mensonge Dans La Figure De Lart 1194189797985920 2Germs Le Mensonge Dans La Figure De Lart 1194189797985920 2
Germs Le Mensonge Dans La Figure De Lart 1194189797985920 2
 
Vivre et penser_comme_des_porcs_-_gilles_chatelet
Vivre et penser_comme_des_porcs_-_gilles_chateletVivre et penser_comme_des_porcs_-_gilles_chatelet
Vivre et penser_comme_des_porcs_-_gilles_chatelet
 
Le personnage mythique, Degrés. Revue de synthèse à orientation sémiologique ...
Le personnage mythique, Degrés. Revue de synthèse à orientation sémiologique ...Le personnage mythique, Degrés. Revue de synthèse à orientation sémiologique ...
Le personnage mythique, Degrés. Revue de synthèse à orientation sémiologique ...
 
Histoire du XVII au XIX siècle
Histoire du XVII au XIX siècleHistoire du XVII au XIX siècle
Histoire du XVII au XIX siècle
 
Symbolisme et modernité
Symbolisme et modernitéSymbolisme et modernité
Symbolisme et modernité
 
Chapitre III: Vers une épuration de l'art- 1- Les bases de l'épuration au déb...
Chapitre III: Vers une épuration de l'art- 1- Les bases de l'épuration au déb...Chapitre III: Vers une épuration de l'art- 1- Les bases de l'épuration au déb...
Chapitre III: Vers une épuration de l'art- 1- Les bases de l'épuration au déb...
 
Germs Le Mensonge Dans La Figure De L’Art
Germs  Le Mensonge Dans La Figure De L’ArtGerms  Le Mensonge Dans La Figure De L’Art
Germs Le Mensonge Dans La Figure De L’Art
 

En vedette

Week 2 technology presentation dickerman
Week 2 technology presentation dickermanWeek 2 technology presentation dickerman
Week 2 technology presentation dickermanApril Dickerman
 
Gbe03485 usen
Gbe03485 usenGbe03485 usen
Gbe03485 usenTommy J
 
Corse discours de Bernard Cazeneuve 30 decembre 2015
Corse discours de Bernard Cazeneuve 30 decembre 2015Corse discours de Bernard Cazeneuve 30 decembre 2015
Corse discours de Bernard Cazeneuve 30 decembre 2015Marianne Bliman
 
PRB49FR_Le_registre_unique_indonesien_a_l_usage_des_programmes_de_protection_...
PRB49FR_Le_registre_unique_indonesien_a_l_usage_des_programmes_de_protection_...PRB49FR_Le_registre_unique_indonesien_a_l_usage_des_programmes_de_protection_...
PRB49FR_Le_registre_unique_indonesien_a_l_usage_des_programmes_de_protection_...Amélie Courau
 
Mon Projet d'Identité Visuelle
Mon Projet d'Identité VisuelleMon Projet d'Identité Visuelle
Mon Projet d'Identité VisuelleTitien Leoni
 
CV EU_C. Potin_agro-socio-eco_complet_tout-domaine-de-references_2016
CV EU_C. Potin_agro-socio-eco_complet_tout-domaine-de-references_2016CV EU_C. Potin_agro-socio-eco_complet_tout-domaine-de-references_2016
CV EU_C. Potin_agro-socio-eco_complet_tout-domaine-de-references_2016Christian Potin
 
Andreea Matei Calatoria in basm Simpozion Madgearu 2014
Andreea Matei Calatoria in basm Simpozion Madgearu 2014Andreea Matei Calatoria in basm Simpozion Madgearu 2014
Andreea Matei Calatoria in basm Simpozion Madgearu 2014Andreea-Olivia Matei
 
Decret créant le centre financier de la Gonave
Decret créant le centre financier de la GonaveDecret créant le centre financier de la Gonave
Decret créant le centre financier de la GonaveGenel MILEROSE
 
Mon Personal Branding pour Réussir, par la Consultante Coach Muriel MAX - ver...
Mon Personal Branding pour Réussir, par la Consultante Coach Muriel MAX - ver...Mon Personal Branding pour Réussir, par la Consultante Coach Muriel MAX - ver...
Mon Personal Branding pour Réussir, par la Consultante Coach Muriel MAX - ver...Muriel MAX
 
Les clés pour des campagnes Google Adwords efficaces
Les clés pour des campagnes Google Adwords efficacesLes clés pour des campagnes Google Adwords efficaces
Les clés pour des campagnes Google Adwords efficacesJacques de Vulpillières
 

En vedette (17)

Week 2 technology presentation dickerman
Week 2 technology presentation dickermanWeek 2 technology presentation dickerman
Week 2 technology presentation dickerman
 
Gbe03485 usen
Gbe03485 usenGbe03485 usen
Gbe03485 usen
 
Robots in het onderwijs -- Dichterbij dan u denkt!
Robots in het onderwijs -- Dichterbij dan u denkt!Robots in het onderwijs -- Dichterbij dan u denkt!
Robots in het onderwijs -- Dichterbij dan u denkt!
 
Onderwijs op afstand dichterbij met lesrobots
Onderwijs op afstand dichterbij met lesrobotsOnderwijs op afstand dichterbij met lesrobots
Onderwijs op afstand dichterbij met lesrobots
 
Corse discours de Bernard Cazeneuve 30 decembre 2015
Corse discours de Bernard Cazeneuve 30 decembre 2015Corse discours de Bernard Cazeneuve 30 decembre 2015
Corse discours de Bernard Cazeneuve 30 decembre 2015
 
SoMe at secondary schools
SoMe at secondary schoolsSoMe at secondary schools
SoMe at secondary schools
 
Social Media acceptance: experiences in secondary education
Social Media acceptance: experiences in secondary educationSocial Media acceptance: experiences in secondary education
Social Media acceptance: experiences in secondary education
 
PRB49FR_Le_registre_unique_indonesien_a_l_usage_des_programmes_de_protection_...
PRB49FR_Le_registre_unique_indonesien_a_l_usage_des_programmes_de_protection_...PRB49FR_Le_registre_unique_indonesien_a_l_usage_des_programmes_de_protection_...
PRB49FR_Le_registre_unique_indonesien_a_l_usage_des_programmes_de_protection_...
 
Mon Projet d'Identité Visuelle
Mon Projet d'Identité VisuelleMon Projet d'Identité Visuelle
Mon Projet d'Identité Visuelle
 
CV EU_C. Potin_agro-socio-eco_complet_tout-domaine-de-references_2016
CV EU_C. Potin_agro-socio-eco_complet_tout-domaine-de-references_2016CV EU_C. Potin_agro-socio-eco_complet_tout-domaine-de-references_2016
CV EU_C. Potin_agro-socio-eco_complet_tout-domaine-de-references_2016
 
Andreea Matei Calatoria in basm Simpozion Madgearu 2014
Andreea Matei Calatoria in basm Simpozion Madgearu 2014Andreea Matei Calatoria in basm Simpozion Madgearu 2014
Andreea Matei Calatoria in basm Simpozion Madgearu 2014
 
Decret créant le centre financier de la Gonave
Decret créant le centre financier de la GonaveDecret créant le centre financier de la Gonave
Decret créant le centre financier de la Gonave
 
Crate Training Tips
Crate Training TipsCrate Training Tips
Crate Training Tips
 
Mon Personal Branding pour Réussir, par la Consultante Coach Muriel MAX - ver...
Mon Personal Branding pour Réussir, par la Consultante Coach Muriel MAX - ver...Mon Personal Branding pour Réussir, par la Consultante Coach Muriel MAX - ver...
Mon Personal Branding pour Réussir, par la Consultante Coach Muriel MAX - ver...
 
Belén Cejas
Belén CejasBelén Cejas
Belén Cejas
 
Manisa
ManisaManisa
Manisa
 
Les clés pour des campagnes Google Adwords efficaces
Les clés pour des campagnes Google Adwords efficacesLes clés pour des campagnes Google Adwords efficaces
Les clés pour des campagnes Google Adwords efficaces
 

Similaire à Metaphores_du_pouvoir_dans_la_prose_historique_roumaine_AM_UPB_27_mai_2011

Chatterton ou de l'impossibilité d'etre normal
Chatterton ou de l'impossibilité d'etre normalChatterton ou de l'impossibilité d'etre normal
Chatterton ou de l'impossibilité d'etre normalgiuseppina martoriello
 
Le roman des Lumières. Vin nouveau dans des outres neuves, ou permanence de D...
Le roman des Lumières. Vin nouveau dans des outres neuves, ou permanence de D...Le roman des Lumières. Vin nouveau dans des outres neuves, ou permanence de D...
Le roman des Lumières. Vin nouveau dans des outres neuves, ou permanence de D...Universidad Complutense de Madrid
 
Le XIXe siècle
Le XIXe siècleLe XIXe siècle
Le XIXe siècleAwadnadia
 
Le XIXe siècle
Le XIXe siècleLe XIXe siècle
Le XIXe siècleAwadnadia
 
5 un penseur libre – cyrano de bergerac - pour pdf
5 un penseur libre – cyrano de bergerac - pour pdf5 un penseur libre – cyrano de bergerac - pour pdf
5 un penseur libre – cyrano de bergerac - pour pdfUPIM
 
Mythe et transcendance dans la littérature française du xxe siècle
Mythe et transcendance dans la littérature française du xxe siècleMythe et transcendance dans la littérature française du xxe siècle
Mythe et transcendance dans la littérature française du xxe siècleUniversidad Complutense de Madrid
 
Il n’est de conspiration que la Guerre Froide
Il n’est de conspiration que la Guerre FroideIl n’est de conspiration que la Guerre Froide
Il n’est de conspiration que la Guerre FroideEditions La Dondaine
 
Revue ENA Nationalismes autoritaires
Revue ENA Nationalismes autoritairesRevue ENA Nationalismes autoritaires
Revue ENA Nationalismes autoritairesJean-Yves ARCHER
 
L'antagonique ou l'agonique
L'antagonique ou l'agoniqueL'antagonique ou l'agonique
L'antagonique ou l'agoniqueAbou Aziz
 
Histoire littéraire : le roman et ses personnages.
Histoire littéraire : le roman et ses personnages.Histoire littéraire : le roman et ses personnages.
Histoire littéraire : le roman et ses personnages.pierrecorneille
 
Pres mouvements littéraires 2016
Pres mouvements littéraires 2016Pres mouvements littéraires 2016
Pres mouvements littéraires 2016Philippe Campet
 
Tableau diptyque programme français
Tableau diptyque programme françaisTableau diptyque programme français
Tableau diptyque programme françaisArnaud Darville
 
Le romantisme.pdf
Le romantisme.pdfLe romantisme.pdf
Le romantisme.pdflynn503907
 

Similaire à Metaphores_du_pouvoir_dans_la_prose_historique_roumaine_AM_UPB_27_mai_2011 (20)

Chatterton ou de l'impossibilité d'etre normal
Chatterton ou de l'impossibilité d'etre normalChatterton ou de l'impossibilité d'etre normal
Chatterton ou de l'impossibilité d'etre normal
 
Le roman des Lumières. Vin nouveau dans des outres neuves, ou permanence de D...
Le roman des Lumières. Vin nouveau dans des outres neuves, ou permanence de D...Le roman des Lumières. Vin nouveau dans des outres neuves, ou permanence de D...
Le roman des Lumières. Vin nouveau dans des outres neuves, ou permanence de D...
 
Preface - Prefacio
Preface - PrefacioPreface - Prefacio
Preface - Prefacio
 
Le realisme
Le realismeLe realisme
Le realisme
 
Le XIXe siècle
Le XIXe siècleLe XIXe siècle
Le XIXe siècle
 
Le XIXe siècle
Le XIXe siècleLe XIXe siècle
Le XIXe siècle
 
Conspirational Cold War
Conspirational Cold WarConspirational Cold War
Conspirational Cold War
 
5 un penseur libre – cyrano de bergerac - pour pdf
5 un penseur libre – cyrano de bergerac - pour pdf5 un penseur libre – cyrano de bergerac - pour pdf
5 un penseur libre – cyrano de bergerac - pour pdf
 
Mythe et transcendance dans la littérature française du xxe siècle
Mythe et transcendance dans la littérature française du xxe siècleMythe et transcendance dans la littérature française du xxe siècle
Mythe et transcendance dans la littérature française du xxe siècle
 
Il n’est de conspiration que la Guerre Froide
Il n’est de conspiration que la Guerre FroideIl n’est de conspiration que la Guerre Froide
Il n’est de conspiration que la Guerre Froide
 
1815 - 1870
1815 - 18701815 - 1870
1815 - 1870
 
Revue ENA Nationalismes autoritaires
Revue ENA Nationalismes autoritairesRevue ENA Nationalismes autoritaires
Revue ENA Nationalismes autoritaires
 
L'antagonique ou l'agonique
L'antagonique ou l'agoniqueL'antagonique ou l'agonique
L'antagonique ou l'agonique
 
Le romantisme fr
Le romantisme frLe romantisme fr
Le romantisme fr
 
Histoire littéraire : le roman et ses personnages.
Histoire littéraire : le roman et ses personnages.Histoire littéraire : le roman et ses personnages.
Histoire littéraire : le roman et ses personnages.
 
Victor Hugo et le mythe de Don Juan.pdf
Victor Hugo et le mythe de Don Juan.pdfVictor Hugo et le mythe de Don Juan.pdf
Victor Hugo et le mythe de Don Juan.pdf
 
architecture et symbolisme.pdf
architecture et symbolisme.pdfarchitecture et symbolisme.pdf
architecture et symbolisme.pdf
 
Pres mouvements littéraires 2016
Pres mouvements littéraires 2016Pres mouvements littéraires 2016
Pres mouvements littéraires 2016
 
Tableau diptyque programme français
Tableau diptyque programme françaisTableau diptyque programme français
Tableau diptyque programme français
 
Le romantisme.pdf
Le romantisme.pdfLe romantisme.pdf
Le romantisme.pdf
 

Metaphores_du_pouvoir_dans_la_prose_historique_roumaine_AM_UPB_27_mai_2011

  • 1. METAPHORES DU POUVOIR DANS LA PROSE HISTORIQUE ROUMAINE (1948-1989) Asistent asociat Matei Andreea Olivia Universitatea „Politehnica” București – Facultatea de Inginerie în Limbi Străine Résumé : L’étude des mythes politiques de la période communiste et de la manière dont ils se reflètent dans la littérature nous aide à comprendre l’évolution de la société, à trouver un sens plus profond de la vie sociale, à manifester notre mécontentement par rapport à la bureaucratie omnipotente et à éviter les projets de « bonheur obligatoire » ou les utopies de la société purifiée du point de vue ethnique. Si l’on procède à une relecture mythologique du roman historique, on peut remarquer que le temps des romans historiques est celui de l’histoire événementielle, mais aussi celui des mœurs étrangères aux usages contemporains et celui du temps transhistorique des mythes. Le mythe et la fiction historique entretiennent une relation de parenté. Le mythe transfigure la réalité, conformément à sa propre logique, et veut trouver une vérité essentielle dans tout acte humain existentiel. Sous la force du mythe du pouvoir, le roman historique se métamorphose, devient allégorie ou parabole ayant des connotations philosophiques. L’histoire se révèle alors un moyen pratique et efficace d’aborder les interrogations contemporaines et on peut citer dans ce sens des romans comme Groapa, Princepele ou Saptamana nebunilor, d’Eugen Barbu, Calpuzanii, de Silviu Angelescu, ou Printul Ghica, de Dana Dumitriu. Mots-clé : prose, histoire, idéologie, mythe, pouvoir Cet ouvrage se propose d’analyser certains aspects de la prose historique roumaine, par rapport à l’idéologie qui l’a influencée dans la période 1948-1989. Je considère que ce type de prose illustre l’idéologie de la société où il est apparu, qu’il est fort influencé par la doctrine communiste, qui lui impose certaines contraintes, qui le pervertit et l’oblige à recourir à toute sorte de stratégies de dissimulation pour survivre. Si l’on procède à une relecture mythologique du roman historique européen, on peut remarquer que le temps des romans historiques est celui de l’histoire événementielle, mais aussi celui des mœurs étrangères aux usages contemporains et celui du temps transhistorique des mythes. Le mythe et la fiction historique entretiennent une relation de parenté. Le mythe transfigure la réalité, conformément à sa propre logique, et veut trouver une vérité essentielle dans tout acte humain existentiel. Le mythe se fige dans ces romans sous la forme de certaines métaphores ; la métaphore du pouvoir en est une des plus importantes. D′ailleurs, sous la force de cette métaphore, le roman historique se métamorphose, il devient allégorie ou parabole ayant des connotations philosophiques. L’histoire se révèle parfois un moyen pratique et efficace d’aborder les interrogations contemporaines. Par exemple, Brigitte Krulic analyse les images et les mythes du pouvoir dans le roman historique français. Elle poursuit l’apparition de l’image du bon et du mauvais gouvernement dans le roman Les Rois maudits de Maurice Druon et remarque le fait que le portrait de Philippe le Bel, le « Roi de fer », accentue un certain nombre de traits qui esquissent le stéréotype politique et idéologique des « rois qui ont fait la France » abondamment diffusé par les manuels scolaires et l’imagerie républicaine depuis 1880, tant il importait d’affirmer la légitimité de l’État républicain héritier de la France immémoriale. On retrouve d’autres hypostases de l’image mythique du gouvernement dans les romans historiques consacrés à la figure d’Henri IV, Henri le Béarnais. La figure du Béarnais condense tout à la fois le mythe fondateur du grand homme dont l’œuvre marque l’histoire 1
  • 2. d’une empreinte durable – la tolérance religieuse, la restauration de l’autorité de l’État, le progrès économique – et le conte de fées d’une improbable fortune. Mais Brigitte Krulic accorde une attention particulière au Henri IV d’Heinrich Mann (le frère aîné de Thomas Mann). Il s’agit de l’œuvre Le Roman d’Henri IV. La jeunesse du roi. Dans le roman d’Heinrich Mann Henri de Navarre incarne la joie de vivre et d’agir, remplit la fonction guerrière et la fonction nourricière et représente le prince qui a partagé la vie de son peuple et en comprend les aspirations et les besoins. Cet Henri IV d’Heinrich Mann représente la figure symétriquement inversé de la cynique Catherine de Médicis, mais surtout du dictateur haïssable et des « mauvais rêves » nés d’un abîme où s’engloutissent les valeurs de la civilisation. L’allusion à Hitler est évidente, mais en fait on peut parler du dictateur intemporel, de la figure mythique du Dictateur. Le roman est animé d’idéaux humanitaristes, mais aussi d’une intention moralisatrice, qui représente en même temps une solution contre les maux infligés aux hommes par n’importe quel dictateur, de n’importe quelle époque ou espace. Brigitte Krulic présente ensuite les figures des hommes d’État et des favoris des princes (le « grand ministre » s’opposant systématiquement au « favori »), les héros « à la française » et les femmes fatales de l’histoire de la France. Elle met en évidence le fait que les mythes liés à la fuite du temps se déclinent en plusieurs versions qui se répondent et se complètent : l’âge d’or, l’éternel retour, la conspiration, l’âge de la décadence et de la chute, le mythe millénariste du sauveur. Selon Brigitte Krulic, la mise en scène du passé suggère le désir de se distancier d’un présent désenchanté, et incite même à penser à un esprit conservateur de ce type de roman. La fiction du XIXe siècle représente l’érosion des hiérarchies et la massification sociale et participe, en s’en démarquant, du désenchantement du monde. C’est un paradoxe encore plus profond dans le cas du roman historique, car en reconstituant l’âge aristocratique et monarchique, il recompose en fait le mythe de l’âge d’or. B. Krulic identifie un certain nombre de constantes de la représentation de « l’âge d’or aristocratique » : le mépris de l’argent et de l’accumulation des richesses (le « galant homme »), l’héroïsme, la modestie et la délicatesse, la pratique du duel, qui atteste de la logique de l’honneur et des « passions énergiques ». Le souci d’établir un lien entre la France monarchique et la France postrévolutionnaire est plus qu’évident et il traverse, d’ailleurs, toute l’histoire du XIXe siècle. On essaie de définir l’identité nationale et cela signifie se situer par rapport à la tradition et au présent, ce n’est pas, comme dans d’autres pays d’Europe, défendre son droit à l’existence, le droit d’être une nation indépendante qui a un État. La fuite du temps peut être vécue comme la perte d’un paradis originel qui fournissait un point de repère (« c’était mieux avant »). L’histoire semble une succession imprévisible d’événements et c’est pourquoi on cherche un principe d’intelligibilité qui puisse lui donner un sens. Voilà la naissance du mythe de la conspiration, dont les phases de revitalisation correspondent à des périodes de mutations sociales et politiques. Les faits apparaissent comme calculés et pensés par une volonté souveraine, le plus souvent maléfique. Mais cette volonté peut être identifiée et combattue. Le recours à ce mythe est plus facile que l’accommodation à la réalité opaque. Souvent, le mythe de l’âge d’or et le mythe de la conspiration se complètent et se renforcent : la déchéance de la société est imputable aux conspirateurs qui songent à une transformation radicale. Les plus fréquents sont le complot franc-maçon, le complot juif mondial (diffusé par la fiction romanesque de la fin du XIXe siècle). Le mythe de la conspiration apparaît dans les romans consacrés à la Révolution française (Les Dieux ont soif d’Anatole France, Un conte de deux villes de Charles Dickens, Les Chouans de Balzac, Quatrevingt-treize de Victor Hugo). 2
  • 3. Dans la littérature roumaine, un roman très intéressant, à sujet historique, où on trouve plusieurs métaphores du pouvoir est le roman Princepele (Le Prince) d’Eugen Barbu. Les opinions critiques vis-à-vis de cette œuvre sont partagées et le roman a été encadré dans la galerie des romans historiques ou des paraboles ou des romans politiques, totalisateurs ou baroques. On peut d’ailleurs le considérer un intertexte postmoderne, une fraude littéraire, un plagiat ou même un collage, si on pense aux Caietele Princepelui (Les Cahiers du Prince)1 . Eugen Simion identifie, dans son étude consacré à Eugen Barbu dans le IIème volume de Scriitori romani de azi, le modèle stylistique du roman Princepele (qui serait Craii de Curtea Veche, de Mateiu Caragiale), les sources d’inspiration en ce qui concerne le monde et l’atmosphère phanariote (les ouvrages de Nicolae Filimon et Ion Ghica) et affirme que toutes les spéculations qu’on pourrait faire sur l’identité du Prince ou sur la chronologie n’ont pas d’objet puisque l’intention de l’écrivain n’est pas de décrire une époque historique strictement délimitée, mais de surprendre l’essence d’un phénomène, l’essence du phanariotisme2 . Simion précise qu’il s’agit de trois éléments/ personnages importants dans la parabole imaginée par Eugen Barbu : le Prince, messer Ottaviano et Ioan Valahul. Le Prince est un phanariote cultivé, mais aussi cruel et qui souffre à cause d’une mélancolie sans remède (melanholia). Ottaviano est un chiromancien, un cabaliste et un alchimiste, qui a visité plusieurs cours européennes. Sa philosophie du pouvoir est celle du Prince de Machiavel, basée sur l’habileté, sur la science d’être en même temps le renard et le loup. Ioan Valahul est le troisième élément la parabole et le moins réussi du point de vue de la construction. Lui aussi, il est un astrologue, mais il illustre la vision populaire sur les mystères de la vie et du monde, ainsi qu’un autre point de vue sur l’histoire, celui de la résistance, de la préservation (des valeurs)3 . Malheureusement, dit le critique cité, le roman ne résiste pas par son aspect parabolique, mais par son atmosphère, par la peinture d’un monde coloré, fanatique, crépusculaire. Alexandru George voit dans Princepele un hybride d’une époque pseudo historique, un livre qui sert aux buts revendicatifs de l’auteur, avec un personnage et une atmosphère ratés. Il dit que l’auteur du roman ne connaît qu’une méthode, celle du cumul, d’un cumul de vulgarité, d’immoralité, qui mélange le vice à l’élégance, le crime à la subtilité et la dépravation au cynisme4 . Tous ces traits du roman sont pour Doinita Milea des arguments qui soutiennent l’idée que l’œuvre en discussion, très mobile et très décorée, serait une œuvre baroque5 . Donc, Princepele pourrait être un roman historique, placé dans l’époque phanariote, vers la fin du XVIIIe siècle, une époque tourmentée par des épidémies de peste, des complots, des actes de cruauté et des orgies des boyards. L’œuvre finit d’une manière exemplaire, par la décapitation du Prince et l’arrivée d’un nouveau domnitor… l’histoire se replie donc sur elle-même, le cercle est complet, puis il s’ouvre à nouveau. Dans un autre niveau de la lecture, on peut voir dans Princepele un poème du monde crépusculaire, un espace tragique, tel la Venise d’un autre roman d’Eugen Barbu, Saptamana nebunilor (La Semaine des fous). L’atmosphère baroque est chargée d’inquiétude, d’anxiété et de panique ; on assiste à une invasion des papillons, on voit des eaux marécageuses, des horloges obsessifs, le monde est un théâtre, un carnaval et un labyrinthe. 1 Milea, Doinița, Romanul istoric românesc (thèse de doctorat), coordinateur scientifique Acad. Eugen Simion, București, Universitatea București, 1998, p. 179 2 Simion, Eugen, Scriitori romani de azi, Bucuresti-Chisinau, Litera International, II, 2002, p. 292 3 Ibidem, p. 293 4 George, Alexandru, Alte note la cazul Eugen Barbu, dans România literară, 27, no. 11, 1994, p. 11 5 Milea, Doinița, op. cit., p. 179 3
  • 4. Et bien sûr, on pense aussi aux aspects initiatiques et hermétiques de l’œuvre (on peut citer dans ce sens les préoccupations d’Ottaviano et même d’Ioan Valahul, l’éros comme facteur cosmique, l’obsession de l’aquatique et du feu, les symboles des maçons etc.). Enfin, dans ce qu’il a le plus profond, Princepele est une parabole du pouvoir dans un roman politique. Ottaviano est l’esclave de l’idée du pouvoir, il confie au Prince qu’il n’existe que pour le servir et pour servir l’idée de pouvoir, mais l’autre, le monarque, est trop fatigué et dégoûté pour répondre aux aspirations d’Ottaviano, qui recourt alors à toutes les ruses qu’il connaît pour stimuler son maître dans la quête du pouvoir. Le roman politique devient encore un pamphlet, une fable sur les mœurs contemporaines (à l’auteur). Qu’est-ce qu’on peut découvrir derrière ces niveaux de lecture et surtout derrière les figures du Prince, de messer Ottaviano, d’Ioan Valahul ? Caché derrière le Prince beaucoup de critiques ont vu le visage d’Eugen Barbu, qui serait donc capable d’un rêve plus grand, plus profond qu’il ne laissait pas voir : fatigué, dégoûté par les mœurs des contemporains, par l’atmosphère de l’époque, son âme serait en quête d’une chose invisible, de l’ineffable, de l’Absolu. Mais je considère que le mythe du pouvoir, qui constitue l’ossature du roman, peut être mis en relation surtout avec la figure du grand Conducator, de Nicolae Ceausescu, et du Dictateur de tous les espaces et de toutes les époques. Voilà le fil qui unit l’œuvre d’Heinrich Mann et celle d’Eugen Barbu : l’infâme figure du Dictateur, qu’il soit le résultat d’un régime naziste ou d’un régime communiste, ce qui démontre d’ailleurs l’identité de nature de ces régimes nés de conjonctures différentes et partant d’idéologies passablement antagonistes. Si leurs idéologies se distinguent sur plusieurs points, ils ont en commun une haine de la démocratie et un mépris total de la dignité humaine. Ces deux régimes ne sont que deux facettes différentes d’un seul phénomène : le totalitarisme. Bibliographie : 1. Livres Barbu, Eugen, Princepele, editia a II-a, Cluj, Dacia, 1971 Krulic, Brigitte, Fascination du roman historique: intrigues, héros et femmes fatales, Paris, Autrement, 2007 Mann, Heinrich, Le Roman d’Henri IV. La jeunesse du roi, Paris, Gallimard, 1972 Simion, Eugen, Scriitori romani de azi, Bucuresti-Chisinau, Litera International, II, 2002 2. Articles George, Alexandru, Alte note la cazul Eugen Barbu, dans România literară, 27, no. 11, 1994, p. 11 3. Autres ressources Milea, Doinița, Romanul istoric românesc (thèse de doctorat), coordinateur scientifique Acad. Eugen Simion, Bucuresti, Universitatea Bucuresti, 1998 4