Livre blanc GFI - Réseaux sociaux d'entreprise et logiciels collaboratifs
Piaulet arthur memoire
1. MEMOIRE
En vue de l’obtention du Diplôme de Sup de Co Reims
REIMS MANAGEMENT SCHOOL
CYCLE MASTER
2011 – 2013
L’IMPACT DES RESEAUX SOCIAUX
SUR LE MARCHE DE L’EMPLOI
MEMOIRE ACADEMIQUE
Centre d’intérêt : 11-016 Communication sur les réseaux sociaux
PAR : Arthur PIAULET
TUTEUR : Xavier DEROY Mai 2013
2. 1
Remerciement
Je tenais à remercier l’ensemble des personnes ayant aidée ou participé de près ou de loin à la
réflexion et la réalisation de ce mémoire.
J’aimerais en premier lieu remercier Mon tuteur, M. Xavier DEROY.
J’aimerais également remercier mes parents et mes frères pour leurs soutiens et leurs
encouragements durant la rédaction de ce mémoire.
J’aimerais remercier les 132 candidats ayant répondu à mon questionnaire pour leur
implication. Je pense tout particulièrement aux « travailleurs » de la DGCCRF, à mes anciens
collègues de M&C SAATCHI GAD, FCINQ et RAPP pour le temps qu’ils y ont consacré. Je
vous promets que ma prochaine enquête sera plus courte.
Un grand merci à mes amis rémois et parisiens pour m’avoir poussé à finir ce mémoire. Je
remercie tout particulièrement mes amis Sport’S’Cool pour leur « convivialité » et leurs
« drôleries » tout au long de ces quatre années d’études ; mes colocataires de la Tirelire pour
m’avoir motivé et supporté au cours de ces six derniers mois rémois, ainsi que les
« Charognes » pour leurs repas gargantuesques, toujours source d’inspiration.
3. 2
Table des matières
REMERCIEMENT 1
TABLE DES MATIERES 2
INTRODUCTION GENERALE 5
PREMIERE PARTIE : ETAT DE L’ART 7
1.
L’AVENEMENT DES RESEAUX SOCIAUX ET DU RESEAUTAGE EN LIGNE DANS LE PROCESSUS
DE RECHERCHE D’EMPLOI 7
1.1.
Définition, historique et contexte actuel des réseaux sociaux 7
1.1.1.
Qu’est-ce qu’un site de réseau social ? 7
1.1.2.
Il était une fois… les réseaux sociaux en ligne 8
1.1.3.
Les réseaux sociaux, un phénomène mondial 9
1.1.4.
Les français, de plus en plus connectés aux réseaux sociaux 11
1.2.
Le réseautage professionnel en ligne : l’apparition d’un nouveau comportement
dans la recherche d’emploi 14
1.2.1.
Qu’est ce que le réseautage ? 14
1.2.2.
L’avènement d’Internet et l’apparition de nouveaux outils de réseautage 14
1.2.3.
La répartition du social et du networking par rapport aux différentes phases
d’une carrière professionnelle 15
1.2.4.
L’arrivée des « digital natives » sur le marché de l’emploi 17
1.3.
Les réseaux sociaux : une légitimité et une place croissante dans la recherche
d’emploi et le recrutement ? 17
1.3.1.
Un outil complémentaire pour la recherche d’emploi 18
1.3.2.
L’émergence des réseaux sociaux dans le processus de recrutement 19
1.3.3.
Les réseaux sociaux, un outil complémentaire en devenir pour les recruteurs et
chercheurs d’emplois 20
2.
LES ENJEUX ET THEORIES DES RESEAUX SOCIAUX SUR LE MARCHE DE L’EMPLOI 21
2.1.
Les théories des réseaux sociaux 21
2.1.1.
Définition d’un réseau social 21
2.1.2.
Analyse structurale des réseaux sociaux en sociologie 21
2.1.3.
Les six degrés de séparation de Milgram 24
2.1.4.
L’importance de la structure des réseaux sociaux 24
2.2.
La notion de capital social dans les réseaux sociaux 25
2.2.1.
Introduction au capital social 25
2.2.2.
L’apport du capital social dans un réseau social 26
2.2.3.
Le capital social : une source d’inégalité sur le marché de l’emploi ? 28
4. 3
2.3.
Les réseaux sociaux : quelles perspectives pour le marché de l’emploi ? 28
2.3.1.
Le marché de l’emploi à l’heure d’Internet : le dilemme transparence-bruit 28
2.3.2.
Le rôle des réseaux sociaux dans la reconnaissance des opportunités de marché
30
2.3.3.
Le réseautage en ligne : plus ou moins efficace que le réseautage classique ? 30
3.
CONSTRUIRE ET GERER SON IDENTITE NUMERIQUE : L’IMPACT DES RESEAUX SOCIAUX
SUR LES OPPORTUNITES DE CARRIERE 32
3.1.
La notion de Personal Branding 32
3.1.1.
Comment mieux se connaître ? 33
3.1.2.
Comment mieux vous faire connaître ? 34
3.1.3.
Les barrières du Personal Branding 36
3.2.
Gérer son e-réputation 37
3.2.1.
Le phénomène du Self-Googling et du Name Googling 37
3.2.2.
La notion d’identité numérique et d’e-réputation 38
3.2.3.
Savoir gérer son e-réputation professionnelle 41
3.3.
Les risques associés à l’utilisation des réseaux sociaux dans la construction de son
identité numérique 43
3.3.1.
La distinction entre vie publique et vie privée 43
3.3.2.
Un mauvais contrôle de sa visibilité en ligne 43
3.3.3.
Une maîtrise approximative des paramètres de confidentialité 44
CONCLUSION DE L’ETAT DE L’ART 45
DEUXIEME PARTIE : OBJET DE LA RECHERCHE ET METHODOLOGIE
47
1.
OBJECTIFS 47
1.1.
Rappel de la problématique de recherche 47
1.2.
Formulation des hypothèses de recherche 47
2.
METHODOLOGIE DE VALIDATION DES HYPOTHESES 49
2.1.
Rappel des objectifs de la recherche 49
2.2.
Choix d’une étude quantitative : le questionnaire à choix multiples 49
2.3.
Structure du questionnaire 50
2.4.
Diffusion de l'enquête 50
2.5.
Profil de l’échantillon des répondants 51
TROISIEME PARTIE : ANALYSE DES RESULTATS ET CONFRONTATION
DES HYPOTHESES 52
5. 4
1.
ANALYSE ET INTERPRETATION DES RESULTATS DU QUESTIONNAIRE 52
1.1.
Notoriété et utilisation des sites de réseaux sociaux en France 52
1.1.1.
Le réseautage en ligne, une pratique en pleine maturité 52
1.1.2.
Des usages distincts entre les réseaux sociaux « grands publics » et
professionnels 53
1.2.
Réseaux sociaux et recherche d’emploi 56
1.2.1.
L’usage des réseaux sociaux : une évolution dans les pratiques de recherche
d’emploi en ligne 56
1.2.2.
Des attentes relativement "classiques" et peu différentes des jobs board 57
1.2.3.
Une importance grandissante et une utilisation de plus en plus fréquente 57
1.2.4.
Candidats et recruteurs via les réseaux sociaux : un nouveau mode de contact
plus "direct" à l’efficacité certaine ! 58
1.3.
La gestion de son e-réputation 59
1.3.1.
L’identité numérique, une notion de plus en plus importante 59
1.3.2.
Savoir distinguer vie publique et vie privée sur les réseaux sociaux 60
2.
CONFRONTATION DES RESULTATS AVEC LES HYPOTHESES 63
2.1. Hypothèse 1 63
2.2. Hypothèse 64
2.3. Hypothèse 3 65
CONCLUSION ET LIMITES DE L’ETUDE 66
1.
CONCLUSION DU SUJET D’ETUDE 66
2.
LIMITES DES RECHERCHES EFFECTUEES ET REFLEXIONS 69
BIBLIOGRAPHIE (PAR ORDRE ALPHABETIQUE) 71
SOMMAIRE DES ANNEXES 78
ANNEXE 1 - QUESTIONNAIRE 79
ANNEXE 2 - RESULTATS DE L’ENQUETE 86
ANNEXE 3 - DOCUMENT INTERMEDIAIRE DE MEMOIRE 110
6. 5
Introduction générale
Depuis le milieu des années 90, l’évolution des technologies de l’information et de la
communication a permis l’émergence de nouveaux outils plus interactifs, plus personnalisés
et plus démocratiques. Des outils comme Internet qui permettent, entre autre chose, de
développer et de rendre plus efficient son propre réseau social et qui jouent désormais un rôle
croissant dans la coordination du marché du travail. Devenus un véritable phénomène de
société, les sites de réseaux sociaux (« web-based social network sites », également appelés
SNS1
) occupent désormais une place importante dans la vie quotidienne des français ; nous
sommes à l’ère du web 2.0 « participatif » où la notion de réseau est omniprésente.
Si le phénomène de SNS est devenu populaire lors de la dernière décennie, le concept de
réseau social existe en revanche depuis de nombreuses années. En effet, cette notion fût
utilisée pour la première fois en 1954 par John A. Barnes, anthropologue britannique en
sociologie : « un réseau social est défini comme une entité constituée d’un ensemble
d’individus et des relations qu’ils entretiennent avec les autres, directement ou indirectement
par le biais de chaînes de relations. Les liens qui les relient sont appelés des interactions
sociales » (Barnes, 1954). Avec l’avènement d’Internet et le développement du web 2.0
« participatif », ces réseaux sont simplement devenus « virtuels ». Cependant, les différentes
analyses sociologiques sur la structure des réseaux ne perdent pas de leur intérêt car il s’agit
d’une transposition, d’une informatisation de ces réseaux humains.
Entretenir de bonnes relations est ainsi devenu l’un des éléments clés de réussite dans la vie.
Si les SNSs représentent une nouvelle source d’interactions sociales, de nombreux chercheurs
s’accordent également à dire que l’utilisation de ces nouveaux outils peuvent, dans certains
cas de figure, favoriser les perspectives de réussite professionnelle (Wanberg, Kanker et
Banas, 2000). En effet, l’apparition de ces nouvelles plateformes révolutionne non seulement
la diffusion de l’information et la communication entre les individus, mais aussi les pratiques
de recrutement et de recherche d’emploi en ligne, en offrant de nouveaux canaux pour
communiquer entre recruteurs et candidats.
La problématique de notre étude sera donc la suivante : « dans quelles mesures le réseautage
en ligne, notamment à travers l’utilisation des sites de réseaux sociaux, permet-il d’influer
sur la réussite professionnelle d’un individu dans le cadre de la recherche d’un emploi ? »
1
Nous utiliserons cette abréviation au cours de la suite de notre étude pour désigner les différentes plateformes
de réseautage en ligne.
7. 6
Afin de construire notre étude, il conviendra dans un premier temps d’en définir les termes. A
travers la description du concept des SNS et son évolution au cours de la dernière décennie,
nous verrons l’importance du rôle joué par Internet et le web 2.0 « participatif » dans le
développement de ces nouveaux médias. Par conséquent, nous analyserons le succès du
phénomène de réseautage en ligne dans monde, notamment en France, afin d’évaluer la place
qu’occupe désormais cette nouvelle pratique dans les processus de recrutement des
entreprises ainsi que le cadre de la recherche d’un emploi.
En nous basant sur le constat que le réseautage en ligne, à travers l’utilisation des SNS,
représente une transposition du modèle « classique » d’interactions sociales sur Internet, nous
étudierons ensuite les différents enjeux et théories sociologiques des réseaux sociaux qui
puissent expliquer l’influence des SNS sur la détection d’opportunités professionnelles. Que
ce soit par la structure ou la taille du réseau, le type et la force des relations entretenues avec
ses contacts, ou bien encore l’importance du capital social d’un individu. A la suite de cette
étude, nous pourrons ainsi préciser le rôle important joué par les SNS dans la reconnaissance
des opportunités sur le marché, et identifier les avantages supplémentaires que leurs
utilisations offrent par rapport au réseautage « classique ».
A travers la définition de l’e-réputation, nous démontrerons finalement à quel point il est
important pour un individu de savoir gérer son identité numérique et de valoriser sa « marque
personnelle » afin de rendre son réseautage en ligne plus sûr et plus efficace dans le cadre de
la recherche d’un emploi.
A la suite de la présentation et l’étude de ces principales clefs de compréhension de notre
sujet, nous rappellerons brièvement notre problématique, puis dégagerons les différentes
hypothèses de recherche qui en découlent. Nous expliquerons ensuite la raison pour laquelle
nous avons choisi d’adopter une approche quantitative pour valider nos hypothèses. Les
résultats de notre enquête nous permettront ainsi d’étudier la recevabilité des hypothèses
énoncées et de répondre à la problématique posée. Pour conclure notre mémoire, nous
présenterons finalement les limites et les axes de réflexions de notre étude.
8. 7
Première partie : Etat de l’art
Au cours de la première partie de notre étude, nous serons amenés à exposer et développer les
différentes théories relatives à notre sujet et pouvant nous aider à répondre à notre
problématique.
1. L’avènement des réseaux sociaux et du réseautage en ligne dans le
processus de recherche d’emploi
Afin de mieux comprendre le rôle des SNSs dans notre société actuelle, notamment leur
utilité dans le cadre de la recherche d’un emploi, nous décrirons dans un premier temps
l’étendu du succès du réseautage en ligne, puis nous nous attarderons sur l’impact qu’a eu ce
phénomène sur le comportement des demandeurs d’emploi. Pour conclure ce premier chapitre
de notre étude, nous nous interrogerons sur la légitimité du rôle que peut jouer les SNSs dans
les processus de recrutement ou les démarches de recherche d’emplois.
1.1. Définition, historique et contexte actuel des réseaux sociaux
1.1.1. Qu’est-ce qu’un site de réseau social ?
Les SNSs sont considérés comme un ensemble de plateformes virtuelles qui se définissent de
la manière suivante : « les sites de réseaux sociaux sont des services Web qui permettent aux
individus de (1) construire un profil public ou semi-public dans un certain type système, (2)
d’accéder à une liste d'utilisateurs avec lesquels ils partagent des intérêts communs, et (3) de
visualiser la liste de leurs connexions au sein de ce système. Les utilisateurs peuvent ainsi
étendre leur réseau personnel par le biais de ces connexions. La nature et la nomenclature de
ces dernières peuvent varier d'un site à l'autre » (Donelan, Herman & Kear, 2009). La
nouveauté des SNSs ne repose pas sur le fait que les utilisateurs puissent entrer en contact
avec des inconnus, mais plutôt que des contacts existants dans un monde non-virtuel puissent
être affichés sous forme de liste et échanger avec d’autres membres (Haythornthwaite, 2005).
La visualisation de ces contacts et de ces réseaux personnels s’explique grâce à la théorie de
la signalisation (Spence, 1973) qui décrit les principales motivations d’utilisation des SNSs.
Ces motivations se résument en deux objectifs précis : (1) la volonté de vérifier l’identité
d’une personne en dehors du monde réel, et (2) la volonté de garantir la coopération des
réseaux personnels (Donath, Boyd, 2004).
9. 8
Les SNSs peuvent être catégoriser de deux manières distinctes : les réseaux dit « grand
public » et les réseaux dits « professionnels ». Dans les réseaux professionnels, les utilisateurs
se concentrent principalement sur des intérêts professionnels : établir et entretenir de bonnes
relations de travail entre collègues et associés constitue l’un des principaux but de l’utilisation
de ce genre de SNSs. Les profils créés sur ce genre de réseau mettent principalement en avant
des informations pertinentes pour le marché de l’emploi telles que le nom et la localisation de
son employeur, ses expériences professionnelles passées ainsi que ses domaines de
compétences. A l’inverse, les réseaux « grand public » sont essentiellement utilisés dans la
sphère privée afin de maintenir les relations personnelles existantes.
1.1.2. Il était une fois… les réseaux sociaux en ligne
« Six degrees.com » fût le premier site de réseau social. Lancé en 1997, il permettait à ses
utilisateurs de créer leurs profils en ligne, de se connecter à leurs amis, mais il offrait surtout
la possibilité à ces derniers de consulter la liste d’amis de chacun des membres de leur propre
liste. Bien que chacune de ces fonctionnalités existait évidemment avant l’apparition de cette
nouvelle plateforme, SixDegrees est considéré comme le premier réseau social à les avoir
toutes intégrées au sein d’une seule et même plateforme. La possibilité de créer son profil en
ligne existait effectivement déjà sur la plupart des sites de rencontre en ligne ainsi que sur
d’autres sites communautaires. Ce nouvel outil a pour but d’aider les individus à se connecter
et à communiquer entre eux. Cependant, peu d’internautes de l’époque disposait d’un réseau
d’amis étendu sur Internet et les fonctionnalités du site restaient donc limitées, ce qui entraîna
sa fermeture en 2000. Ce premier site de réseau social aura néanmoins permis d’identifier
l’une des caractéristiques fondamentales de ce genre de plateforme. En effet, suite aux
soupçons d’une utilisation frauduleuse des adresses e-mails des utilisateurs par des spammers,
SixDegrees démontra que l’efficacité des SNSs reposait principalement sur la confiance
accordée par les utilisateurs au site.
La deuxième vague de SNSs arriva en 2001 avec le lancement de Ryze.com et marque
l’apparition d’un nouveau genre de SNSs : le réseau social professionnel. Sa principale
fonction est d’aider les individus à étendre et faire prospérer leur réseau professionnel,
permettant ainsi aux professionnels de se connecter entre eux. Par la suite, de nombreux SNSs
adoptant cette même fonctionnalité se développèrent progressivement : Tribe.net, LinkedIn,
Friendster, Xing, Viadeo…; avec plus ou moins de succès. Bien qu’il fût le premier réseau
social professionnel, Ryze.com ne rencontra jamais le succès escompté à l’inverse de
10. 9
LinkedIn, créé en 2003, qui est devenu au fil des années l’un des plus puissants réseaux
sociaux professionnels dans le monde.
Il faudra néanmoins attendre la troisième vague de SNSs et l’apparition de nouveaux sites tels
que MySpace et Facebook pour désigner les réseaux sociaux en ligne comme un véritable
phénomène de société. Fort de son succès et de ses millions d’utilisateurs à travers le monde,
MySpace, plateforme musicale créée en 2002, fût racheté par le conglomérat de média
Newscorp pour la somme de 580 millions. Lancé en 2005, Facebook regroupe désormais plus
d’1 milliard d’utilisateurs à travers la planète. D’abord limité aux étudiants des universités
américaines, il s’agit du premier réseau social nécessitant une adresse e-mail valide pour
s’inscrire. L’adoption de ce principe de précaution permis ainsi de limiter la création de faux
profils et de renforcer la confiance des utilisateurs dans ce genre de sites. A travers son
développement, Facebook a néanmoins montré certaines limites au fil des années. En effet,
des publications de photos choquantes soulevèrent pour la première fois la question de la
confidentialité et de la protection des données personnelles sur ce type de réseau.
1.1.3. Les réseaux sociaux, un phénomène mondial
Selon les données recueillies par le site Alexa2
en décembre 2012, nous avons pu dresser une
cartographie indiquant les réseaux sociaux les plus populaires en fonction de chaque pays.
Figure 1 : Cartographie de l’utilisation des réseaux sociaux par pays en 20123
2
Fondé en avril 1996, le service web Alexa Internet fournit des statistiques sur le trafic des sites, service et
plateformes Internet à travers le monde.
3
Source : http://www.mediassociaux.fr/2013/01/18/etat-des-lieux-des-medias-sociaux-en-2012/
11. 10
Cette cartographie révèle la domination écrasante de Facebook à travers le monde.
Regroupant un milliard d’utilisateurs actifs dans l’ensemble des 137 pays où il est proposé,
Facebook occupe une position de leader dans 127 pays. Nous noterons néanmoins que
certains marchés réfractaires ont développé leur propre réseau social et résistent à cette
tendance. En Russie, le principal réseau social, V Kantakte, compte 190 millions
d’utilisateurs. Quant à la Chine, on dénombre 552 millions d’utilisateurs de QZone qui est
considéré comme le premier réseau social en Asie. Malgré ces deux exceptions, il s’agit donc
d’un véritable raz de marée de la part de Facebook.
Figure 2 : Cartographie de l’utilisation des réseaux sociaux par pays en 2009
Si nous comparons les résultats de 2012 et 2009, nous constatons que la plupart des SNSs ont
disparu au cours des dernières années, non pas parce qu’ils n’existent plus mais en raison de
la concentration de l’audience sur Facebook qui a relégué ces différents sites en deuxième ou
troisième position dans chacun des pays où il est établi, comme nous le montre la figure 3 ci-
dessous.
12. 11
Figure 3 : Classement des réseaux sociaux par pays en 20124
De manière générale, ces différentes figures nous démontrent l’engouement de la population
mondiale pour les réseaux sociaux. En effet, on compte actuellement plus de 1,5 milliards
d’utilisateurs actifs sur les réseaux sociaux dans le monde. Bien qu’il existe une multitude de
plateformes et qui diffèrent en fonction des pays, les figures analysées précédemment
prouvent la suprématie de Facebook à travers le monde. Ce statut s’explique notamment par
le phénomène actuel de concentration des différentes plateformes sociales. Nous citerons
l’exemple du rachat d’Instagram par Facebook en 2012 pour 1 milliards de dollars. Par
ailleurs, bien que la part belle soit faite aux réseaux sociaux bénéficiant d’une présence à
l’international, nous précisons que des réseaux sociaux moins connus et ciblant des régions
plus spécifiques sont également utilisés.
1.1.4. Les français, de plus en plus connectés aux réseaux sociaux
A ce jour, 99% des internautes connaissent l’existence d’au moins un SNS et on compte
environ 30 millions d’inscrits sur au moins un de ces sites. En décembre 2012, « 8 internautes
sur 10 ont consulté un blog ou un site communautaire, 3 mobinautes sur 4 et 9 utilisateurs de
4
Source : http://www.globalwebindex.net/
13. 12
tablettes sur 10 un site ou une application de cette catégorie » (Etude Médiamétrie5
, 2012).
Les résultats de cette étude révèle également une nouvelle tendance : les internautes français
seraient en moyenne inscrits sur 3,5 réseaux ou médias sociaux (Etude IFOP, 2012). Ainsi,
« Facebook est privilégié pour partager des expériences avec ses proches, Viadeo permet
d’offrir de nouvelles opportunités pour les demandeurs d’emploi, et Twitter est surtout utilisé
pour partager des informations et des articles » (Etude Médiamétrie, 2012). Afin de mieux
mesurer l’importance des SNS dans la vie quotidienne des français, nous dresserons un aperçu
des sites les plus fréquentés en termes de nombres d’utilisateurs6
.
Ø Facebook, l’indétrônable
Facebook compte actuellement plus de 30 millions d’utilisateurs, dont 15 millions qui se
connectent environ 30 minutes quotidiennement. Nous noterons que 70% des entreprises
françaises possèdent une page Facebook. Certaines d’entre elles ont développé un onglet
intitulé « Carrières » ayant pour but de promouvoir leurs offres d’emplois auprès de leurs
« fans ».
Ø Twitter, 140 caractères pour prendre son envol
Le site de microblogging Twitter dénombre 5,5 millions de « twittos » (nom donné aux
utilisateurs de Twitter) en France pour environ 300 millions à travers le monde. Il s’agit du
réseau social qui a enregistré la plus forte progression en termes de nombres d’utilisateurs en
2012 (+53%). La moyenne d’âge d’un utilisateur est de 28 ans.
Ø LinkedIn vs Viadeo
Concernant les réseaux sociaux professionnels, nous assistons actuellement à un match entre
les 2 principaux acteurs présents sur ce segment : LinkedIn et Viadeo. Alors que LinkedIn a
annoncé récemment avoir dépassé les 200 millions de membres, Viadeo ne compte que 45
millions d’utilisateurs à travers le monde. Cependant, il se positionne comme le réseau social
professionnel le plus important en France avec 5,5 millions d’utilisateurs contre seulement 4
millions pour LinkedIn. En B2B, il est important de souligner que les réseaux sociaux
5
Sources : Médiamétrie//NetRatings : Panel Mediametrie//NetRatings et Mesure d’audience de la vidéo - France
- Tous Lieux de connexion - 2 ans et plus ; 8ème Baromètre FEVAD sur les comportements d’achats des
Internautes. Pour télécharger l’étude dans son intégralité :
http://www.mediametrie.fr/internet/communiques/telecharger.php?f=f0adc8838f4bdedde4ec2cfad0515589
6
Source : http://www.lautremedia.com/medias-sociaux/infographie-que-sest-il-passe-sur-les-medias-sociaux-en-
2012/
14. 13
professionnels créent davantage d’opportunités professionnelles (affaire et carrière) que les
réseaux sociaux « grand public ». Cependant, à ce jour, seul 47% des entreprises françaises
ont créé une page sur ces plateformes.
Ø L’émergence des réseaux sociaux d’usage
Au cours de l’année 2012, nous avons finalement pu constater l’émergence d’une nouvelle
tendance, à savoir l’utilisation croissante des réseaux sociaux d’image tels que Instagram et
Pinterest. Malgré les nombreux articles et ouvrages qui ont été publiés sur le sujet, il n’existe
aucunes données exploitables relatives à l’utilisation de ce type de réseaux en France. Nous
fonderons donc notre observation de ce phénomène sur des études menées à l’échelle
mondiale. A ce jour, Instagram compte plus de 100 millions de membres à travers le monde,
avec quelques 800 000 utilisateurs quotidiens et environ 5 millions de cliché publiés chaque
jour. Il s’agit de l’un des réseaux sociaux ayant enregistré la plus forte croissance en 2012
(+566%). Cette forte progression en termes de nombre d’utilisateurs s’explique notamment
par le fait que ce service, auparavant disponible exclusivement sous forme d’application
mobile, est désormais accessible via un site Internet Ce succès n’a d’ailleurs pas échappé à
Facebook qui a racheté le site en août 2012 pour 747 millions de dollars. Quant à Pinterest, il
a enregistré une croissance fulgurante de 2702% en termes de visiteurs uniques en 2012. Ce
chiffre est toutefois à nuancer avec le nombre d’utilisateurs inscrits sur cette plateforme. En
effet, Pinterest n’accueille actuellement que 20 millions d’utilisateurs.
A travers cette étude de la fréquentation des différentes plateformes sociales, nous constatons
donc bien une forte popularité de ces nouveaux outils. Les résultats de ces études confirment
une nouvelle fois l’ampleur du phénomène des réseaux sociaux dans le monde, et notamment
en France. Mais à quel type de réseaux profite cet engouement ? Même si les sites de
microblogging tels que Twitter et les réseaux sociaux « grand public » tels que Google+ ont
connu une augmentation de leur fréquentation en 2012, ce sont principalement les réseaux
sociaux professionnels qui ont su tirer leur épingle du jeu. Ils apparaissent désormais
incontournables pour tout individu désireux de construire ou d’entretenir ses contacts
professionnels. Ainsi, « 40% des utilisateurs de LinkedIn consultent et mettent à jour au
moins une fois par semaine leurs profils » (Etude Mediamétrie, 2012).
15. 14
1.2. Le réseautage professionnel en ligne : l’apparition d’un nouveau
comportement dans la recherche d’emploi
1.2.1. Qu’est ce que le réseautage ?
Le réseautage représente un comportement proactif de la part d’un individu pour développer
et entretenir des relations personnelles et professionnelles avec d’autres personnes, dans le but
d’arriver à un bénéfice mutuel (Forret & Dougherty, 2001). Dans un environnement de travail
mondialisé qui se traduit par une forte mobilité des individus au sein ou entre les différentes
organisations (Arthur & Rousseau, 1996), il devient de plus en plus important pour un
individu de développer des relations intra et inter-organisationnel afin de soutenir sa carrière
professionnelle (Higgins & Kram, 2001). Le développement d’un grand nombre de relations
lui permet de renforcer son capital social et de se constituer de nouvelles ressources sociales
en termes d’accès à l’information et aux opportunités d'emploi (Baker, 2000). Les relations
fondées sur le réseautage facilitent la communication entre les personnes disposant et
souhaitant partager des informations, et ceux qui en ont besoin. Quelque soit le moyen utilisé
(face-à-face, téléphone, lettre, email), les individus cherchent à se connecter aux personnes
pouvant leur fournir des informations utiles. Toutes relations efficaces reposent sur le principe
de confiance existant entre les individus (Baker, 2000). Elle se développe à partir du moment
où deux individus interagissent en bons termes et se soutiennent mutuellement. Construire des
relations de confiance augmente la probabilité que les individus se soutiendront en cas de
besoin et réduit le risque qu’une des parties prenantes essaye d'exploiter l’autre (Gouldner,
1960).
Au cours des quinze dernières années, le développement d’Internet et de nouveaux outils de
réseautage ont ainsi permis dans un premier temps aux demandeurs d’emploi d’augmenter la
taille et la structure de leurs réseaux professionnels, puis d’accéder à de nouvelles
opportunités de carrière, autrefois inaccessibles.
1.2.2. L’avènement d’Internet et l’apparition de nouveaux outils de réseautage
En 2013, on évalue à 2,3 milliards le nombre d’individus qui sont connectés à Internet à
travers la planète, soit un tiers de la population mondiale (+30% par rapport à 2011). En
France, nous dénombrons environ 41,2 millions d’internautes. Ce développement fulgurant
d’Internet et des ses fonctionnalités au cours des vingt dernières années a joué un rôle
déterminant dans le développement des SNSs (Daugherty, 2004). Du fait de l’augmentation
16. 15
de l’utilisation d’Internet au fil des années, il apparaissait nécessaire de développer des outils
et des services adaptés au degré d’utilisation de ce nouveau support : la multiplication des
outils numériques a ainsi permis de transposer les pratiques relationnelles traditionnelles des
individus sur Internet.
Avec l’essor d’Internet, les français se sont progressivement familiarisés avec l’ensemble des
outils qui étaient mis à leur disposition : les e-mails, les blogs, les forums… Par la suite, l’ère
« web 2.0 » a permis de faire évoluer les fonctionnalités afin de permettre aux utilisateurs de
créer et de partager des contenus entre eux. Nous assistons alors au développement des
premiers SNSs tels que « SixDegree.com ». Grâce à ces nouveaux sites communautaires, les
individus peuvent désormais interagir entre eux et partager des informations. Dans un second
temps, l’apparition de ce nouveau type de plateforme a également permis de développer les
outils de base de données numériques.
Selon la plupart des utilisateurs de SNSs, « la principale force de ces plateformes repose sur
leur capacité à proposer des ensembles volumineux de données en un temps record. Les
informations sont immédiatement disponibles et elles sont formalisées. Il est ainsi très facile
d’accéder aux informations recherchées et de les utiliser » (Watts, 2003).
L’avènement d’Internet avec l’apparition du « web 2.0 » permet finalement aux individus
d’interagir plus facilement entre eux grâce au développement de ces nouvelles plateformes de
réseautage en ligne. Elles visent ainsi à améliorer les interactions en ligne et permettent de
rechercher et d’accéder plus facilement aux informations d’autres individus. Par ailleurs, ces
nouveaux outils permettent également à un individu de développer son capital social. A
travers leur utilisation, il construit, structure et améliore les caractéristiques de son réseau
(personnel et professionnel) afin de le rendre davantage efficace.
1.2.3. La répartition du social et du networking par rapport aux différentes
phases d’une carrière professionnelle
Dans le cadre de l’étude de l’influence de l’utilisation des réseaux sociaux sur la recherche
d’emploi, il est intéressant de mesurer l’importance du réseautage au cours de la carrière
professionnelle d’un individu. Dans cette perspective, David Armano7
a réalisé un schéma
7
David Armano est directeur de l’agence de communication Eldeman Digital basée à Chicago. Spécialiste des
médias sociaux, il est également l’auteur d’un blog (http://darmano.typepad.com/) et constitue l’une des
références dans le monde du web 2.0 concernant ce domaine.
17. 16
représentant la répartition entre le « social » (relations amis ou personnelles), le
« networking » (relations professionnelles) ainsi que le degré d’utilisation de chacun au cours
de la carrière d’un individu. Il distingue ainsi quatre périodes distinctes :
- Le début des études supérieures (« early education years ») ;
- La fin des études supérieures (« later education years »), lorsque l’individu recherche
son premier emploi ;
- La période d’activité professionnelle (« career years ») ;
- La fin de la carrière professionnelle (« post career years »).
Figure 4 : Répartition réseautage personnelle vs professionnelle8
Qu’il soit personnel ou professionnel, ce schéma révèle que le réseautage peut s’avérer utile à
n’importe quelle étape de la carrière d’un individu. Pendant les deux premières périodes, nous
constatons que les relations personnelles sont considérées comme prédominantes. Les
relations professionnelles deviennent importantes à partir du moment où l’individu arrive sur
le marché du travail. Elles seront par la suite essentielles durant toute la vie active de
l’individu. Nous noterons toutefois que ces relations s’estompent à la fin de sa carrière. Ainsi,
cette représentation montre que le réseautage professionnel apparaît primordial lorsqu’un
8
Source : http://davidarmano.posterous.com/heres-a-visual-i-did-on-why-teens-dont-tweet
18. 17
individu rentre sur le marché du travail. Il existe donc une véritable relation entre les réseaux
sociaux et le marché de l’emploi.
1.2.4. L’arrivée des « digital natives » sur le marché de l’emploi
Faisant suite à la génération des baby-boomers, la « génération Y9
» regroupe tous les
individus nés entre la fin des années 70 et le milieu des années 90. Elle désigne l’ensemble
des personnes, également appelées « Digital natives », qui ont grandi à l’époque de la
révolution numérique, correspondant à l’arrivée et l’évolution d’Internet et de ses
fonctionnalités. De ce fait, elle peut également être désignée sous le terme de « génération
2.010
».
A l’heure actuelle, cette nouvelle génération ne se contente plus de s’informer sur Internet.
Grâce à l’évolution des fonctionnalités du web 2.0, les individus peuvent également
communiquer entre eux, créer et partager des contenus. L’utilisation des outils collaboratifs
2.0 tels que les SNSs est ainsi devenue progressivement un comportement d’usage quotidien
pour notre génération.
En outre, nous assistons depuis une dizaine d’années à l’arrivée de cette génération
« connectée » sur le marché de l’emploi. Elle devrait représenter d’ici à 2015 plus de 40% des
actifs en France. Par conséquent, les individus prennent de plus en plus conscience de
l’importance qu’il existe à savoir utiliser les différents outils du web 2.0, notamment les
SNSs, afin de pouvoir identifier les éventuelles opportunités de carrière dans le cadre d’une
recherche d’emploi.
1.3. Les réseaux sociaux : une légitimité et une place croissante dans la
recherche d’emploi et le recrutement ?
A la suite de l’avènement du « web 2.0 », la recherche d'emploi dans les magazines
spécialisés a progressivement été remplacée par la recherche en ligne sur des sites spécialisés,
9
Le terme « génération Y » apparaît pour la première fois en 1993 dans le magazine américain « Advertising
Age » pour décrire la jeunesse de l’époque et les changements existants entre cette génération et la précédente.
10
Le terme « 2.0 » est utilisé par la première fois en 2004 par l’entrepreneur américain, Dale Dougherty. Il
désigne ainsi la transformation importante que le web allait connaître d’ici les années à venir : il s’agit une
transition importante du web, passant d’une collection de sites à une plateforme informatique fournissant de
véritables applications pour les utilisateurs » (Daugherty, 2004).
19. 18
les « job-boards », ou directement sur les sites de recrutement des entreprises. Face à l’arrivée
à maturation de ces canaux, les réseaux sociaux sont annoncés comme étant la prochaine
révolution à la fois en matière de e-recrutement (ex : ouverture de page Facebook
« Carrière », exclusivement dédiée au recrutement), mais également en matière de recherche
d’emploi (ex : intégration des « job-boards » dans les réseaux sociaux).
1.3.1. Un outil complémentaire pour la recherche d’emploi
Face à cet engouement pour ce nouveau type d’outils, le Groupe Adecco, leader mondial en
solutions de ressources humaines, a réalisé une étude11
en juin 2012 auprès d’un échantillon
de 5 137 personnes afin d’évaluer leur impact dans la recherche d’un emploi.
Les résultats de cette étude révèlent finalement que l’utilisation des réseaux sociaux dans la
recherche d’un emploi reste modérée :
Ø L’utilisation des médias « classiques » (entourage, presse, agences d'emploi) reste la
norme et le premier réflexe en matière de recherche d'emploi. Nous noterons que le niveau
d’études ainsi que le niveau hiérarchique joue un rôle déterminant quant au choix des
canaux utilisés par les individus.
Ø Même s’ils jouissent d’une très forte notoriété, les réseaux sociaux dits « grands publics »
tels que Facebook, Youtube ou les sites de microblogging tels que Twitter ne sont pas
encore perçus comme des canaux "naturels" pour rechercher un emploi.
Ø Cependant, les réseaux professionnels tels que Viadeo et LinkedIn apparaissent comme des
leviers complémentaires et efficaces pour trouver un emploi. Leur utilité est notamment
plébiscitée par les cadres. En revanche, l’ensemble des fonctionnalités propres à ce type de
SNSs (ex : les groupes de discussion) sont peu connus des utilisateurs, ce qui explique une
utilisation encore "classique", similaire à celle des jobs-board.
Il est cependant important de nuancer les résultats de cette étude. En effet, même si
l’utilisation des réseaux sociaux reste encore modérer dans la perspective d‘une recherche
d’emploi, cette étude révèle également qu’elle constitue l’une des principales pratiques
d’usage des réseaux sociaux, derrière le divertissement et la gestion de son réseau personnel
11
Source : http://www.groupe-adecco-france.fr/Lists/Comm%20Presse/Attachments/128/Groupe-Adecco-
France_Etude-Reseaux-Sociaux_17-septembre-2012.pdf
20. 19
(Etude Adecco, 2012). A la vue de ces différents résultats, nous pouvons donc conclure que
les réseaux sociaux disposent d'un potentiel encore inexploité.
1.3.2. L’émergence des réseaux sociaux dans le processus de recrutement
Du côté du recrutement, le cabinet d’études Ipsos Loyalty a réalisé en septembre 2012 une
enquête12
auprès de 390 Directeurs des Ressources Humaines (DRH) afin d’évaluer le degré
d’utilisation des différents types de SNSs dans le processus de recrutement. Ainsi, les
résultats de l’étude mettent en évidence le rôle croissant des réseaux sociaux dans le
recrutement. Nous devons cependant distinguer les réseaux sociaux « professionnels » et
réseaux sociaux « grand public ». En effet, « 77% des personnes interrogées estiment que les
réseaux sociaux professionnels jouent un rôle de plus en plus important dans le recrutement,
contre 54% pour les autres types de SNSs. Parmi eux, 63,8% utilisent régulièrement les SNSs
(grand public et professionnels) dans le cadre d’un recrutement » (Etude Ipsos Loyalty,
2012). Selon eux, l’utilisation des SNSs permettrait de limiter les principales difficultés
rencontrées à l’heure actuelle lors d’une phase de recrutement, à savoir la pénurie de
candidats qualifiés et les contraintes budgétaires. En outre, « nous constatons que cette
tendance s’accompagne logiquement d’une place accrue de l’interne, les salariés étant de
plus en plus amenés à jouer un rôle d’ambassadeur pour leur employeur » (Etude Ipsos
Loyalty, 2012).
Cette émergence d’un nouveau mode de recrutement ne se fait toutefois pas nécessairement
au détriment des canaux plus traditionnels tels que les « job-boards » ou les sites de
recrutement des entreprises. Selon les DRH interrogés, « un rééquilibrage se dessine
néanmoins au profit des réseaux sociaux sans entrainer un bouleversement profond des
pratiques à ce stade. L’adjectif décrivant le mieux le recrutement à une échéance de cinq ans
est en effet multi-canal » (Etude Ipsos Loyalty, 2012). Ce « rééquilibrage » s’explique
notamment par l’importance des relations écoles qui constituent l’un des principaux postes de
dépense pour les recruteurs. En effet, le recrutement sur les réseaux sociaux est jugé plus
efficace pour les jeunes diplômés, derrière celui des cadres, car ce mode de recrutement
facilite la mise en relation avec les candidats potentiels et permet de communiquer sur des
offres d’emplois spécifiques. Cette relation directe, interactive et personnalisée est
généralement préférée par les jeunes diplômés.
12
Source : http://www.ipsos.fr/ipsos-loyalty/paroles-experts/2012-10-25-l-avenir-recrutement-l-ere-web-20-et-
reseaux-sociaux
21. 20
Cependant, nous nuancerons les résultats de cette étude avec ceux de l’enquête réalisée en
octobre 2012 par l’agence SuccessFactors13
auprès de 1 500 recruteurs et professionnels des
ressources humaines dans 6 pays, dont la France (Etats-Unis, Australie, Pays-Bas, Allemagne
et au Royaume-Uni). Elle révèle effectivement que « les recruteurs français sont ceux qui
utilisent le moins les SNSs pour identifier les candidats car ils considèrent que leurs
utilisateurs sont majoritairement des jeunes actifs de 18-34 ans » (Etude HR SuccessFactors,
2012). En outre, la difficulté à mesurer le ROI (Return On Investment) constitue également un
frein pour la mise en place de ce nouveau dispositif de recrutement.
1.3.3. Les réseaux sociaux, un outil complémentaire en devenir pour les
recruteurs et chercheurs d’emplois
Malgré une utilisation encore modérée à l’heure actuelle, les réseaux sociaux semblent
s’installer progressivement et naturellement dans le mode de recrutement des DRH et la
démarche de recherche des demandeurs d’emploi. Au cours des années à venir, nous pouvons
donc supposer que ce nouvel outil ne sera plus seulement complémentaire mais essentiel. En
effet, les phases de sourcing de candidat et d’emploi à travers l’utilisation des SNSs, aussi
bien grand public que professionnel, vont inévitablement devenir usuelles notamment en
raison du gain de temps et d’argent que cela apporte. Par ailleurs, dans la suite logique du
développement de ce sourcing sur les SNSs, nous pouvons envisager qu’à l’avenir, certains
entretiens de pré-sélection pourraient éventuellement s’effectuer via ces outils grâce
notamment à la visioconférence. Elles laisseront ensuite place aux traditionnels entretiens
physiques en entreprise.
Comme nous avons pu l’étudier au cours de ce premier chapitre, les réseaux sociaux font
désormais partie intégrante de la vie quotidienne des français. Cette évolution culturelle se
traduit notamment par un changement de comportement dans les habitudes de recherche
d’emploi. Avec l’arrivée de ces nouveaux médias, le réseautage « classique » ne suffit plus ; il
doit désormais se poursuivre en ligne car il offre de nouvelles opportunités. Dans le deuxième
chapitre, nous commencerons par définir les réseaux sociaux de manière théorique et
sociologique, puis nous étudierons la manière dont leurs utilisations peuvent avoir un impact
sur la détection d’opportunités d’emploi.
13
Source : http://www.modesrh.com/index.php/post/2012/10/29/RH-et-medias-sociaux-les-recruteurs-francais-
a-la-traine
22. 21
2. Les enjeux et théories des réseaux sociaux sur le marché de l’emploi
Il convient à présent de définir les différentes théories qui conceptualisent la notion de
réseaux sociaux d’un point de vue sociologique afin de mieux comprendre les effets de leur
utilisation sur le réseautage en ligne et notamment sur la détection d’opportunités
professionnelles pour les demandeurs d’emploi.
2.1. Les théories des réseaux sociaux
2.1.1. Définition d’un réseau social
Un réseau social est le terme utilisé par les chercheurs en sciences sociales pour désigner les
nombreux liens interpersonnels qui peuvent apparaître dans l’environnement d’un individu
(Cohen et Syme, 1985 ; Fischer, 1982, Wellman, 1979). En d’autres termes, il reflète le large
éventail de relations qu’un individu entretient avec d’autres personnes et qui peut avoir un
impact direct sur son bien être (Hammer, 1983 ; Thoits, 1982 ; Wills, 1985). Au sein d’un
réseau dit social, les individus peuvent facilement se présenter et permettre à d’autres
personnes de se lier à eux en fonction des informations auxquelles elles auront pu accéder sur
leurs profils. Nous assistons ainsi à la formation d’une structure sociale constituée d’individus
(ou d’organisation) définis sous le terme de « nœuds ». L’interdépendance entre ces nœuds
représente l’ensemble des relations (personnelles ou professionnelles) existant entre les
différents individus.
2.1.2. Analyse structurale des réseaux sociaux en sociologie
Trois travaux ont fourni une analyse rigoureuse sur la façon dont la structure des réseaux
sociaux pouvait avoir une influence sur les perspectives de carrière professionnelle d’un
individu. Ces travaux sont présentés ci-dessous :
Ø La théorie des « liens faibles » (Mark Granovetter, 1973)
Ø La théorie des « trous structuraux » (Ronald S. Buart, 1992)
Ø La théorie des ressources sociales (Nan Lin, 1990)
L’ensemble de ces théories s’accordent pour dire que le réseautage permet d’améliorer les
opportunités de carrière d’un individu en agissant à la fois sur (a) la taille de son réseau
social, (b) sur la force et (c) la structure de ses relations, ainsi que sur (d) les ressources de
son réseau social (Forret, 2006).
23. 22
(a) La taille d’un réseau correspond au nombre de membres qui composent le réseau social
d’un individu. Grâce au réseautage, les individus peuvent élargir leur cercle de relations
sociales en établissant des relations avec des personnes internes et externes à l'organisation
(Higgins et Kram, 2001). En outre, un large réseau présente de nombreux avantages. S’il
constitue un indice d’intégration sociale (Morrison, 2002), la taille d’un réseau permet
également d’accéder à un nombre plus ou moins important d’informations stratégiques,
pouvant être liées à des opportunités d’emplois (Podolny et Baron, 1997).
(b) La force d’un lien relationnel correspond au degré de proximité qui caractérise cette
relation. Elle est déterminée à partir de trois critères : la fréquence des contacts, le degré
d'intimité et l'investissement affectif (Granovetter, 1973)14
. On distingue ainsi deux types de
liens : les liens forts (famille et amis proches) qui relient les individus au sein d’un même
groupe, et les liens faibles (connaissances) qui constituent des « ponts » entre différents
groupes (Granovetter, 1973). A la suite d’une enquête réalisée auprès de 300 cadres dans la
ville de Boston, le sociologue américain affirme que « les liens faibles constituent une
meilleure source d’information que les liens forts concernant les offres d'emploi ». Ce constat
ne concerne pas uniquement le fait de trouver un emploi plus rapidement, mais également le
fait d'obtenir des résultats plus pertinents en termes de carrière professionnelle. Ainsi, les
relations fondées sur des liens faibles sont plus utiles pour trouver un emploi que celles
fondées sur des liens forts car elles constituent une source d'informations et de ressources
uniques. A l’inverse, les informations détenues par nos amis proches sont redondantes ; il
s’avère effectivement que les contacts fortement liés tendent souvent à posséder des
informations similaires (Granovetter, 1973). Ainsi, les informations provenant des liens
faibles seront donc plus efficaces.
(c) La théorie des trous structuraux de Ronald S. Burt (1992) se concentre sur la structure des
relations au sein d’un réseau social afin de déterminer la manière dont les personnes
appartenant au réseau social d'un individu sont connectées entre elles. Un trou structural se
caractérise par l’absence de lien entre les membres d’un réseau social. Afin de mieux
comprendre cette définition, nous vous proposons le schéma ci-dessous qui constitue une
représentation de la structure d’un réseau.
14 « La force des liens faibles » est une théorie énoncée par le sociologue américain, Mark Granovetter (1973).
Depuis les années 1970, ce professeur de l'université de Stanford a été l’auteur de nombreuses théories en
sociologie moderne. La théorie de « la force des liens faibles » est considérée comme l'une des études les plus
influentes en sociologie économique, notamment concernant les réseaux sociaux.
24. 23
Figure 5 : Représentation des trous structuraux dans la structure d’un réseau15
L’un des principaux avantages des réseaux riches en trous structuraux est le suivant : « les
contacts non connectés, dits non-redondants (dans la cas présent, A, B, C, D, E et F),
appartenant à un même réseau sont plus susceptibles d’offrir un accès unique à une grand
quantité d’informations et de ressources » (Burt, 1992). En se fondant sur l’atteinte des
objectifs de carrière d'un individu, de nombreux auteurs recommandent de construire son
réseautage en fonction de son organisation, sa profession et sa communauté de classer afin
d’établir des relations bien distinctes avec et entre les différents membres de son réseau
(Forret et Sullivan, 2002). En effet, la probabilité qu’un collègue de travail d’un individu
connaisse l’un des membres de son équipe de football est faible. Ainsi, « les trous structuraux
procurent un avantage concurrentiel distinctif pour les individus qui détiennent la position de
pont entre individus non connectés » (Burt, 1992). Finalement, cette théorie démontre que les
professionnels possédant un réseau social riche en trous structuraux (c’est-à-dire ceux qui
savent les identifier et jouer un rôle d’intermédiaire dans leur création) sont les individus qui
rencontrent les meilleures opportunités de carrière (Burt, 1997).
(d) Les ressources d'un réseau social se référent aux avantages qui peuvent être tirés de son
utilisation. Dans un cadre professionnel, développer des liens avec des personnes occupant un
poste hiérarchique supérieur au sien est susceptible de fournir des résultats plus intéressants
que de développer des liens avec des personnes ayant un poste similaire. Les résultats de
nombreuses études réalisées auprès de demandeurs d’emploi révèlent que le statut
hiérarchique d’un contact au sein d’une organisation peut s’avérer déterminant pour
15 Dans le cadre de l’analyse de la structure d’un réseau personnel, il est de coutume de dénommer « ego »
l’unité d’analyse considérée et « alter » toute unité faisant partie de son portefeuille de relations.
25. 24
l’obtention d’un poste (Lin, Ensel, et Vaughn, 1981). Par conséquent, seuls les contacts
occupant des postes supérieurs au sien peuvent être considérés comme des ressources sociales
viables car ils exercent un pouvoir et une influence suffisamment importants dans la
hiérarchie de l’organisation pour fournir une meilleure situation professionnelle à un individu.
2.1.3. Les six degrés de séparation de Milgram
La théorie du petit monde étudie l’interaction entre les personnes ainsi que la probabilité que
deux personnes se connaissent. Dans les années 1960, le psychologue et sociologue
américain, Stanley Milgram, réalisa une expérience étonnante : il sélectionna 300 personnes
tirées au hasard et leur donna à chacune une lettre destinée à une autre personne. Chaque paire
(expéditeur et destinataire) ne se connaissait pas. Pour envoyer la lettre, Milgram mit à
disposition de chaque expéditeur un ensemble de renseignements concernant le destinataire :
le collège où il a fait ses études, son lieu de résidence, sa profession…mais aucun nom, ni
adresse. Il leur demanda ensuite d’envoyer la lettre à la personne la plus susceptible selon eux
d’être ou de connaître le destinataire. L’action devait être répétée jusqu’à ce que la lettre
parvienne au bon destinataire. A travers cette expérience, Milgram put ainsi démontrer que
deux inconnus étaient en moyenne séparés par cinq à six connexions. Par la suite, de
nombreuses études ont été réalisées afin de confirmer cette théorie du « petit monde » et de
valider le fait que ces résultats soient stables (Kochen, 1989 ; Barabasi et Watts, 2002).
Cependant, avec l’explosion des réseaux sociaux en ligne, les chiffres ont été revus à la
baisse : les six degrés de séparation sont passés à 4,6 degrés. Par conséquent, à l’échelle du
monde entier, un individu peut désormais être connecté à n’importe quel autre individu via
4,6 amis.
2.1.4. L’importance de la structure des réseaux sociaux
A travers leurs théories, Granovetter et Burt démontre l’importance de la structure d’un réseau
social dans la recherche d’un emploi. En effet, le nombre de trous structuraux et la force des
liens faibles jouent un rôle déterminant dans l’efficacité d’un réseau : ces deux critères
permettent à la fois de développer la taille du réseau, mais favorisent également les
interactions entre les différents cercles sociaux permettant ainsi l’accès à une source
d’information riche et unique. Selon les deux sociologues américains, « la structure d’un
réseau représente la résultante des choix individuels d’interaction » (Burt, 2004).
26. 25
L'avènement des SNSs est ainsi considéré par de nombreux sociologues comme le
phénomène ouvrant de nouvelles perspectives en termes de communication et de partage de
contenus. Ils présentent de nombreux avantages, notamment celui de pouvoir jouer facilement
sur la structure du réseau social d’un individu. En effet, l’utilisation des SNSs permet
d’augmenter la taille de son réseau en favorisant la création de liens avec des individus
appartenant à des groupes sociaux différents (liens faibles). Grâce à ces nouveaux contacts, un
individu en recherche d’emploi aura la possibilité d’accéder à de nouvelles opportunités de
carrière. Par conséquent, à travers cette hypothèse, nous pouvons supposer que les SNSs
peuvent améliorer les perspectives de carrière d’un individu.
2.2. La notion de capital social dans les réseaux sociaux
2.2.1. Introduction au capital social
Selon le sociologue français Pierre Bourdieu, le capital social se définit comme « l’ensemble
des ressources actuelles ou potentielles qui sont liées à la possession d’un réseau durable de
relations plus ou moins institutionnalisées d’interconnaissance et d’interconnaissance »
(Bourdieu, 1983). En d’autres termes, il correspond à l’ensemble des ressources d’un réseau
social disponibles et pouvant être utilisées par ses membres dans un but individuel ou
collectif. Afin d’illustrer cette notion, nous citerons l’exemple donné par le sociologue
américain Nan Lin dans son ouvrage « Building a Network Theory of Social Capital » : «
deux individus, A et B, appartiennent à deux cliques sociales distinctes. Si nous considérons
que A fait quelque chose pour B en utilisant les ressources sociales de son groupe, l’individu
B se sentira nécessairement redevable envers l’individu A. Si nous supposons que A n’a pas
agit en fonction du futur rendement d’une action, nous pouvons conclure qu’une relation
d’échange s’est créée entre les deux individus. Cette action peut être considérée comme un
investissement. Par conséquent, l’ensemble des actions menées forme le capital social de
l’individu A » (Lin, 2001).
Il convient de faire la distinction entre capital et réseau social. A l'heure actuelle, même si le
capital social d’un individu est représentatif de son réseau social, il apparaît évident que les
deux termes ne sont ni équivalents ni interchangeables. Les réseaux offrent la possibilité
d’accéder et d’utiliser des ressources intégrées. Sans réseau, il est donc impossible de se servir
de ces ressources. Il est important de différencier les ressources intégrées à un réseau de ses
caractéristiques qui peuvent avoir un impact sur les ressources. Par exemple, les réseaux
27. 26
denses et fermés permettent d’accroître le partage des ressources entre les membres à titre
individuel et/ou en groupe (Bourdieu, 1983; Coleman, 1990). Les réseaux ouverts facilitent,
quant à eux, l'accès à des ressources plus variées ou de meilleures qualités (Burt, 1997; Lin,
2001). Par conséquent, assimiler le réseau au simple capital social est une erreur. Pour
analyser l’influence que ces deux éléments ont l’un sur l’autre, il est nécessaire de préciser les
paramètres selon lesquelles certaines caractéristiques d’un réseau (ex : densité, degré
d’ouverture) peuvent mener à l’usage de ses ressources (Burt, 1997). Une fois ces variables
déterminées, il sera alors possible de modéliser et d’analyser l’apport du capital social dans un
réseau (Lin, 2001).
2.2.2. L’apport du capital social dans un réseau social
La théorie des réseaux sociaux par le capital social s’appuie sur les modèles des relations
sociales. Ils varient en fonction de l'intensité et de la réciprocité des relations entre les liens. A
partir de ces deux variables, Lin (1981) différencie trois niveaux de relations sociales :
a) La couche la plus interne est caractérisée par des relations intimes basées sur la confiance
(ex : famille, proches). Elles impliquent une forte réciprocité et intensité dans les échanges, et
établissent des liens forts entre les individus au sein d’un réseau dense. Nous soulignerons que
ce type de relations est contraignant en raison de leur réciprocité.
b) La couche intermédiaire est caractérisée par des relations de partage (informations et
ressources), mais pas nécessairement entre des individus possédant des liens directs ou forts
entre eux. Elles représentent la plupart des relations qui constitue un réseau social : un
mélange de liens forts et faibles, aussi bien directs qu’indirects, qui se fondent sur le partage
d’intérêts et de valeurs communes.
c) Quant à la couche externe, elle est caractérisée par le partage d’une appartenance ou d’une
identité (groupe ou organisation), même si leurs membres peuvent ou non interagir entre eux.
Ce type de relation offre aux membres de ces groupes un sentiment d'appartenance.
L’utilisation d’un de ces différents niveaux de relations dépend des objectifs qu’un individu
souhaite atteindre. Comme cela a été souligné précédemment, le capital social sert à deux fins
différentes : instrumental et expressive (Lin, 2001). Alors le but d’une action instrumentale
est d'obtenir des ressources nouvelles ou supplémentaires (ex : obtenir un meilleur emploi,
28. 27
une promotion), le but d’une action expressive est de maintenir et de préserver les ressources
existantes (ex : garder son travail).
La stratégie de réseau à adopter pour mener une action expressive est facile : il suffit de se lier
avec des individus qui partagent les mêmes ressources et qui s’accordent à les préserver, mais
surtout qui sont prêts à lui apporter leur soutien dans cette démarche. Par conséquent,
l’individu devra utiliser la couche interne et intermédiaire de ses relations pour accéder et
mobiliser les ressources nécessaires à ce type d’action (Lin et Ensel, 1981). A l’inverse, la
stratégie de réseau à adopter pour mener une action instrumentale est plus complexe. Il est
effectivement difficile de déterminer quel type de relations il sera nécessaire de mobiliser
pour obtenir des ressources nouvelles ou supplémentaires. Afin d’effectuer son choix, un
individu devra ainsi analyser la richesse en capital social de chacune de ses couches de
relations (interne, intermédiaire et externe).
Un principe bien connu en sociologie permet d'évaluer la probabilité d'un ensemble de
relations à fournir des ressources importantes : le principe de l'homogénéité des relations
(Wellman, 1979; Lin, 1981). Il suggère qu'il existe une forte correspondance entre l'intensité
des liens et les ressources partagées. Ainsi, plus le lien existant entre deux individus est fort,
plus les ressources partagées seront similaires. A l’inverse, selon le principe d’hétérogénéité
(Burt, 1992), plus un individu s’éloigne de son cercle d’amis proches, plus il sera susceptible
d’établir des liens avec des personnes possédant des ressources variées. Par conséquent,
l’établissement de relations fondées sur des liens faibles permet à un individu d’accéder à des
ressources nouvelles ou supplémentaires.
A travers cette étude des différentes niveaux de relations, actions et ressources pouvant être
utilisées au sein d’un réseau, nous avons ainsi pu distinguer deux dimensions du capital
social : le « bonding capital » et le « bridging capital » (Putnam, 2000). Au sein d’un réseau,
la mobilisation de ces différents types de capitaux dépend de la finalité de l’action recherchée
par l’individu. Néanmoins, aux vues de la problématique de notre recherche, il est évident que
le « bridging capital » peut être considéré comme la meilleure approche à adopter par un
individu afin d’améliorer sa carrière professionnelle. Il est effectivement important de mieux
comprendre la façon dont les individus sont liés entre eux (Norris, 2002; Hemmer et al, 2006)
et d’identifier les leviers sociaux pouvant influer sur la réussite d’une carrière professionnelle
(Granovetter, 1973; Helliwell et Putnam, 2004).
29. 28
A travers cette analyse, nous démontrons l’importance que peut jouer le capital social d’un
individu dans le cadre d’une recherche d’emploi. Cet argument vient ainsi renforcer
l’hypothèse selon laquelle les SNSs peuvent avoir un impact significatif sur les opportunités
de carrière professionnelle d’un individu car leurs bonnes utilisations peuvent améliorer son
capital social.
2.2.3. Le capital social : une source d’inégalité sur le marché de l’emploi ?
Comme nous avons pu le voir précédemment, la bonne utilisation des SNSs présentent de
nombreux avantages, dont celui de renforcer le capital social d’un individu. En nous basant
sur ce constat et sur l’importance de la structure du réseau dans le cadre d’une recherche
d’emploi, il apparaît cependant que ces plateformes de réseautage en ligne peuvent également
engendrer des inégalités. En effet, en fonction de la structure de son réseau (nombre de liens
faibles et trous structuraux) et de la « force » de son capital social, un individu n’aura peut
être pas les mêmes opportunités professionnelles qu’un autre. Dans ce cas de figure,
l’utilisation des réseaux sociaux pourrait s’avérer plus ou moins efficaces.
Toutefois, l’une des principales fonctionnalités des SNSs est la possibilité pour un individu de
pouvoir structurer son réseau selon ses attentes. De plus, ils offrent la possibilité de créer des
liens avec des personnes appartenant à de cliques sociales différentes. Ils favorisent donc la
création de liens faibles entre les utilisateurs, et par conséquent de trous structuraux. Ainsi, un
demandeur d’emploi utilisant efficacement les SNSs renforcera dans un premier temps son
capital social, puis augmentera fortement ses chances de se créer des opportunités
professionnelles. A l’inverse, la mauvaise ou non utilisation de ces outils de réseautage en
ligne pourra logiquement lui être dommageable. Il semblerait donc que les SNSs puissent
avoir un impact significatif (positif que négatif) sur le marché de l’emploi.
2.3. Les réseaux sociaux : quelles perspectives pour le marché de l’emploi ?
2.3.1. Le marché de l’emploi à l’heure d’Internet : le dilemme transparence-
bruit
Yannick Fondeur, chercheur français à l’Institut de Recherches Economiques et Sociales
(IRES) définit le marché de l’emploi selon deux variables : la transparence et le bruit. La
notion de transparence correspond au « degré d’accessibilité de l’information sur les postes à
pourvoir » (Fondeur, 2006). Quant au bruit, il représente « le niveau moyen d’informations
30. 29
non pertinentes et redondantes reçues par les recruteurs et les demandeurs d’emploi »
(Fondeur, 2006). Dans le cadre d’une recherche d’emploi, le cas de figure idéal serait donc de
maximiser la transparence tout en minimisant le bruit.
L’arrivé d’Internet et plus récemment l’avènement du web 2.0 ont considérablement modifié
le rapport entre ces deux variables. Malheureusement, nous constatons que cette évolution
technologique a apporté autant de transparence que de bruit. Pour limiter cette variable, la
plupart des sites spécialisés dans le recrutement et la recherche d’emploi ont mis à la
disposition de leurs utilisateurs des outils de gestion permettant d’affiner les critères de
recherche afin de minimiser au maximum le bruit.
Figure 6 : Aperçu des principaux outils de recrutement et de recherche d’emploi en
fonction de leur rapport transparence-bruit16
Ce schéma nous révèle que le recours aux plateformes de réseautage en ligne (plateformes de
cooptation et de mise en relation professionnelle) dans le cadre de la recherche d’un emploi
ou d’un recrutement permet de limiter le bruit et donc de faciliter la détection d’opportunités
professionnelles ou de candidats. Selon l’auteur, « elles permettent d’utiliser les réseaux
interpersonnels à la fois pour diffuser l’information selon un mode viral, mais également
pour bénéficier d’un processus social de recommandation permettant de qualifier les
candidatures et les offres d’emploi » (Fondeur, 2006). Grâce à son réseau, un individu pourra
ainsi recevoir des offres plus pertinentes vis-à-vis de ses attentes, tandis qu’un recruteur
pourra affiner sa recherche et ainsi faciliter sa sélection des candidats adéquats.
16
Source : Fondeur Y. (2006), « Recrutement par Internet : le dilemme transparence-bruit », in Personnel, n°
472, pp. 46-48.
31. 30
Le succès de l’usage des SNSs dans ces différentes pratiques repose sur l’évolution du rapport
transparence-bruit dans le processus d’e-recrutement. A la vue de ce schéma, nous
remarquons effectivement que l’utilisation de cette méthode implique à la fois une baisse du
bruit, mais également de la transparence. Cependant, cette modification du rapport
transparence-bruit à travers l’utilisation des SNSs dans le recrutement permet de faciliter et
donc de renforcer la relation entre candidats et recruteurs.
2.3.2.Le rôle des réseaux sociaux dans la reconnaissance des opportunités de
marché
A partir des conclusions apportées par les théories de Granovetter et Burt concernant le rôle
de la structure des réseaux sociaux, Didier Chabaud et Joseph Ngigol, respectivement maître
de conférence à l’université Paris IX et Paris XIII, démontrent le rôle des réseaux sociaux
dans la reconnaissance des opportunités de marché. Selon eux, les individus disposant d’un
réseau riche en trous structuraux présentent trois avantages principaux :
a) Un accès unique et rapide à une plus grande quantité d’informations
b) Un pouvoir de négociation plus important qui se traduit par un meilleur contrôle des
ressources et l’obtention de résultats plus satisfaisants
c) Une meilleure visibilité et des opportunités de carrière dans le système social global
Ces « intermédiaires » jouant la fonction de « pont » entre des individus déconnectés auront
donc davantage de chances de détecter les opportunités de marché. Selon les conclusions de
Burt, « les individus faisant le pont entre des personnes appartenant à des cliques sociales
différentes sont ceux qui rencontrent les meilleures opportunités de carrière » (Burt, 1997).
Ainsi, les deux auteurs soulignent une fois de plus l’importance que joue la structure d’un
réseau social dans la détection d’opportunités d’emploi. Les SNSs constituent donc un atout
pour les demandeurs d’emploi car ils leur permettent de structurer et de renforcer
efficacement leurs relations professionnelles.
2.3.3. Le réseautage en ligne : plus ou moins efficace que le réseautage
classique ?
Certains auteurs suggèrent que le réseautage en ligne est plus facile que le réseautage
classique dit « en face à face ». Ils soutiennent que les SNSs « facilitent la mise en relation
avec d’autres individus » (Donath et Boyd, 2004). En effet, les SNSs rendent les connexions
32. 31
personnelles visibles (à travers les connexions mutuelles) et accessibles (grâce aux moteurs de
recherche intégrés des sites). Selon eux, le réseautage en ligne constitue « un moyen plus
facile pour construire son réseau » (Hansen, 2012), ou pour « cibler de potentiels contacts
occupant des postes bien spécifiques ou ayant des intérêts communs » (Borzo, 2004). Bien
que les avis divergent sur les opportunités offertes par les SNSs, la plupart des auteurs
s’accordent sur l’idée que l’un des principaux avantages du réseautage en ligne reste
néanmoins « la possibilité pour un individu de consulter la liste de contacts d’un membre de
son réseau sans qu’ils ne le sachent, et de pouvoir demander à ce dernier de les mettre en
relation » (Schuller, 2000). Dans certains cas de figure, cet avantage permet d’accéder à des
personnes occupant un poste décisionnaire dans le processus de recrutement (Borzo, 2004).
Cependant, d’autres auteurs contredisent cette hypothèse selon laquelle le réseautage en ligne
serait plus efficace que le réseautage classique, et avancent en retour l’idée que les deux
nécessitent autant d’efforts. Cela dépend notamment de l’objectif que l’utilisateur souhaite
atteindre : cherche-t-il à créer du lien pour connaître de nouvelles personnes ? Où cherche-t-il
à identifier une opportunité professionnelle ? (Weddle, 2006). Ainsi, en fonction des besoins
de l’utilisateur, nous ciblerons différents types de SNSs : les réseaux sociaux dits « grand
public » (ex : Facebook), orientés vers le réseautage sociale ; ou les réseaux sociaux dits
« professionnels », orientés vers le réseautage professionnel (ex : LinkedIn).
D’un point de vue globale, les auteurs encouragent les utilisateurs à créer le maximum de
contacts possibles : « plus vous avez de contacts au sein de votre réseau, plus vous aurez de
chance d’identifier un futur employeur ou un contact clé qui pourra vous introduire auprès
d’un futur employeur » (Schuller, 2000). Cependant, cette hypothèse soulève une question
importante : au sein de son réseau, quelles types de connexions est-il pertinent d’utiliser pour
être efficace dans sa recherche d’emploi ? Si certains affirment que la qualité du réseau est
plus importante que la quantité (Meyer et Shadle, 1994), beaucoup s’accordent sur le fait que
le type de contact et la qualité de l’information reçu de la part de ces contacts auront une
influence importante sur les opportunités d’embauche d’un demandeur d’emploi. La structure
et la composition du réseau apparaissent donc comme des caractéristiques importantes dans le
cadre de la recherche d’un emploi.
Finalement, la valeur ajoutée des SNSs repose sur les connexions « potentielles » existantes
entre les différents utilisateurs. Haythornthwaite (2002) définit cette connexion comme « un
lien latent » : ce terme désigne l’existence éventuelle d’un lien entre deux personnes à travers
33. 32
leurs contacts interpersonnels. Les SNSs permettent également d’augmenter la visibilité des
demandeurs d’emploi et d’améliorer leur e-réputation dans la mesure où ces derniers savent
gérer leurs profils sur les SNSs et ainsi valoriser les bonnes informations auprès des potentiels
recruteurs.
3. Construire et gérer son identité numérique : l’impact des réseaux
sociaux sur les opportunités de carrière
Avec l’essor du Web 2.0 et la multiplication des SNSs, il devient de plus en plus important
pour un individu de savoir surveiller et entretenir son e-réputation. Dans le cadre de la
recherche d’un emploi, un individu dispose de deux stratégies différentes pour gérer son
identité numérique : il peut soit décider de réduire la visibilité de sa marque personnelle, en
utilisant notamment les paramètres de confidentialités des SNSs, soit professionnaliser son
profil. Cette décision repose à la fois sur la connaissance et la capacité de l’individu à savoir
utiliser les outils de gestion de profil des différents sites sur lesquels il est inscrit, mais
également sur l’objectif professionnel qu’il souhaite atteindre.
3.1. La notion de Personal Branding
Le terme de « Personal Branding » a été utilisé pour la première fois en 1997 par Tom Peters.
Il sera défini quelques années plus tard de la manière suivante : « le concept de marque
personnelle repose sur l'idée d'appliquer à une personne, connue ou non, les techniques de
communication utilisées pour les marques » (Lair, Sullivan & Cheney, 2005). Ainsi, pour
aller plus loin, Chris Brogan17
affirme qu’une « marque personnelle donne la possibilité à un
individu de se démarquer d’une multitude de produits similaires. En fait, il s’agit d’apprendre
à se vendre comme quelque chose de différent du reste du lot » (Brogan, 2011).
Avec l’essor des nouvelles technologies de communication et d’information sur Internet, il est
désormais possible de construire et d’entretenir en ligne son image comme une marque afin
de se différencier des autres individus. Il est donc essentiel de s'assurer que la nature de
l'information qu’un individu diffuse sur Internet va encourager plutôt que décourager un
17 Journaliste américain, spécialiste en social media marketing. Pour plus d’information : www.chrisbrogan.com.
34. 33
employeur potentiel. Selon une enquête récente menée par l’institut Ipsos Loyalty18
sur plus
de 390 DRH et spécialistes du recrutement, plus d'un employeur sur cinq consulte le profil de
ses candidats sur les sites des réseaux sociaux. Prenons un exemple : si un recruteur rentre le
nom d'un candidat dans un moteur de recherche, quels résultats va-t-il obtenir ? Des photos
embarrassantes mises en ligne sur Facebook… ou bien il pourrait s’agir d’un lien redirigeant
vers son blog mettant en valeur ses centres d’intérêts et son expérience professionnelle, ou
encore son profil LinkedIn qui comprend plusieurs témoignages élogieux à l’égard de son
travail.
Il devient donc de plus en plus important pour un individu de connaître et de maîtriser les
outils nécessaires pour surveiller et entretenir son e-réputation. Afin de définir de manière
efficace sa marque personnelle et lui donner de la visibilité, un individu devra préalablement
s’appuyer sur deux notions stratégiques importantes : mieux se connaître pour mieux se faire
connaître (Montoya, 2008).
3.1.1. Comment mieux se connaître ?
Pour réussir cet exercice, Peter Montoya19
recommande d’effectuer l’auto-évaluation de son
profil, ce qui n’est pas forcément une pratique évidente pour tous les individus. Il est alors
important de se poser la question suivante : « quelles informations voulez-vous que vos
collègues de travail ou éventuels recruteurs puissent voir s’ils consultent votre profil sur
Internet ? » (Doyle, 2011). Il s’agit pour l’individu de définir les informations qu’il souhaite
mettre en valeur, tout en contrôlant son image (Lorenz, 2009). Dans le cadre de cette
démarche, il peut s’avérer utile pour l’individu de questionner son entourage. En effet, comme
évoqué précédemment, la méthode d’auto-évaluation peut s’avérer difficile pour un individu
et faire appel à un point de vue extérieur peut lui permettre d’identifier de nouveaux éléments
sur sa personnalité. Dans son ouvrage, Montoya souligne également l’importance du nombre
18 390 DRH, responsables du recrutement, du sourcing et de la marque employeur ont répondu à cette étude
online au mois de septembre 2012. Les secteurs qui recrutent le plus en France sont représentés dans
l’échantillon. Etude réalisée par le pôle ‘ERM’ (Employee Relationship Management) d’Ipsos Loyalty. Pour
consulter les résultats de l’étude : http://www.ipsos.fr/ipsos-loyalty/actualites/2012-10-25-l-avenir-recrutement-l-
ere-web-20-et-reseaux-sociaux
19 Peter Montoya est l'auteur du livre « The Brand Called You ». Paru en 2008, il explique le concept de
« Personal Branding » et la manière dont valoriser sa marque personnelle à travers l’étude de différents cas de
figure.
35. 34
de retours recueillis sur la personnalité d’un individu : plus il y a de sources différentes, plus il
sera effectivement facile pour lui d’identifier ses principaux points forts (Montoya, 2008).
Cette démarche permettra à un individu de déterminer de manière précise les atouts de sa
marque personnelle afin de pouvoir les mettre en avant par la suite pour mieux se faire
connaître.
3.1.2. Comment mieux vous faire connaître ?
Selon un rapport publié en 2010 par l’institut PEW Internet20
, « 57% des actifs américains
(contre 47% en 2006) ont déjà vérifié ce qui se disait d’eux sur les réseaux ». Cette
observation démontre une véritable prise de conscience de la part des individus concernant la
portée des informations qui circulent sur eux sur Internet, et sur la nécessité de savoir
maîtriser leur identité numérique et mettre en avant les points forts de leur marque
personnelle. Nous nous poserons toutefois la question de savoir quel(s) type(s) de démarche il
est nécessaire d’adopter pour un individu afin de mieux valoriser son profil sur Internet.
L’individu doit préalablement diagnostiquer sa réputation numérique : il s’agit pour lui de
tester la visibilité de son identité numérique en recherchant son nom et prénom dans les
différents moteurs de recherche (ex : Google, Yahoo, Bing). Cette approche lui permettra
dans un premier temps de déterminer quels types d’informations (personnelles ou
professionnelles) sont disponibles sur lui puis, dans un second temps, d’évaluer le retravail à
réaliser afin de mieux positionner et valoriser sa marque personnelle. A titre d’exemple, j'ai
effectué une recherche Google sur mon nom et prénom. Et voici les résultats de la première
page :
20 Pour en savoir plus : http://pewinternet.org/Static-Pages/Trend-Data-%28Adults%29/Online-Activites-
Total.aspx
36. 35
Figure 7 : Aperçu des résultats à travers l’utilisation de la méthode du « Self Googling »
Parmi les résultats affichés sur la première page de recherche, nous constaterons qu’aucun
homonyme n’apparaît. Chaque lien correspond effectivement à l’un de mes profils
numériques, évitant ainsi toute confusion. Nous remarquerons également que mon profil
professionnel sur LinkedIn arrive en première position, ce qui constitue un point positif
puisqu’il s’agit de la principale plateforme sur laquelle je valorise mon image dans le cadre de
mes recherches de stage/emploi. Cette pratique21
permet ainsi à un individu de savoir ce
qu’un autre internaute peut apprendre sur lui en consultant son profil sur Internet.
Une fois ce diagnostic effectué, l’individu peut alors débuter la promotion de son identité
numérique. Grâce à l’essor du Web 2.0, ils existent désormais de nombreux sites où il est
possible de créer un profil public ou semi-public tels que les sites professionnels spécialisés
(DoyouBuzz, CV 2.0, BranchOut, Indeed) ou encore les SNSs grand public (Facebook,
Twitter, Tumblr, Pinterest) et professionnel (Xing, Viadeo, LinkedIn). Dans le cadre d’une
recherche d’emploi, un individu devra favoriser la mise en avant des éléments suivants :
présentation des domaines de compétences, description des expériences professionnelles
passées avec retours sur expériences et apports, références… (Haefner, 2007 ; Doyle, 2011).
21
Cette pratique est définie sous le terme de « Googling » dans la suite de notre recherche.
37. 36
Par ailleurs, afin de se différencier, les demandeurs d’emploi sont encouragés à personnaliser
leur profil à travers l’utilisation de mots-clés (Boyd, 2008) en plus des traditionnels
curriculum vitae et lettre de motivation. Suite à la création de ses différents profils, il existe
une manière simple et efficace de promouvoir sa marque personnelle : elle consiste à rajouter
le lien redirigeant sur son profil en ligne sur ses différents outils de communication (email,
courrier, blog, CV). Les utilisateurs des SNSs ont donc l’opportunité de gérer leur identité
numérique et de décider de la manière dont ils veulent valoriser leur profil auprès des
membres de leur réseau, notamment les recruteurs.
L’individu devra également entretenir sa marque personnelle. En effet, il doit avoir
conscience que la gestion de son identité numérique nécessite un investissement en termes de
temps et d’énergie. A titre d’exemple, la gestion et la mise à jour fréquente de plusieurs
profils peut s’avérer être une charge de travail importante. Cependant, laisser un blog à
l’abandon ou ne pas mettre à jour un profil peut constituer un frein pour la recherche d’un
emploi. Le « Personal Branding » demande donc à l’individu de réfléchir préalablement à
l’énergie et au temps dont il dispose pour effectuer cet exercice.
3.1.3. Les barrières du Personal Branding
Contrairement aux États-Unis où la pratique est de plus en plus répandue chez les individus,
le « Personal Branding » n’est encore qu’à ces débuts en France. Son développement est
notamment freiné par le fait que les français voient dans cette pratique une déshumanisation
de l’individu. En effet, il est difficile pour eux de se représenter comme un produit que l’on
doit vendre. Dans la culture nord-américaine, « le rôle de l’explicite correspond à l’idée que
la collectivité - et, par voie de conséquence, les individus - a plus à gagner qu’à perdre en
mettant le plus d’informations possible sur la place publique » (Baudry, 2003).
La culture française est complètement différente. La majorité des français restent perplexes
sur le but de cette pratique, à savoir communiquer sur ses atouts et se faire connaître afin
d’accroître son réseau professionnel. Nombreux sont ceux qui ne comprennent pas encore
l’intérêt de développer sa marque personnelle. Alors que les américains voient dans cette
pratique un moyen de se créer des opportunités professionnelles, les français ont tendance à
croire qu’il s’agit d’une perte de temps.
38. 37
Avec l’arrivée de la génération Y sur le marché de l’emploi, nous pouvons toutefois prédire
une évolution dans la pratique du Personal Branding en France. Face à l’essor du Web 2.0 et
la multiplication des SNSs, de plus en plus d’actifs français, notamment les demandeurs
d’emplois, comprennent désormais l’intérêt qu’il existe pour eux d’être connus et reconnus
sur Internet.
3.2. Gérer son e-réputation
3.2.1. Le phénomène du Self-Googling et du Name Googling
Au cours de la dernière décennie, rechercher des informations sur soi-même sur Internet est
devenu une pratique de plus en plus populaire. Le phénomène dit du « self-googling22
» prend
notamment de plus en plus d’ampleur en raison de l’usage désormais quotidien des moteurs
de recherche à des fins sociales. Avec l’augmentation du nombre de SNSs et autres
applications sociales sur Internet et autres terminaux mobiles, de plus en plus d’individus
prennent progressivement conscience que les informations personnelles qu’ils publient sur
Internet peuvent être suivies et reliées entre elles. D’après une étude23
publiée en 2010, la
majorité des américains actifs (57%) surveille leur identité numérique à travers notamment la
pratique du « self-googling ». Nous supposerons que ce chiffre a dû augmenter de manière
significative au cours des trois dernières années avec la multiplication des différentes
plateformes sociales24
.
Comment expliquer le développement d’une telle pratique ? Si les individus font désormais
davantage attention à leur présence en ligne, c’est avant tout en raison du fait que d’autres
personnes peuvent avoir accès à certaines de leurs informations personnelles. D’après une
étude25
réalisée en France en 2012, plus d’un recruteur sur deux pratique le « Name
Googling » pour se renseigner sur un candidat potentiel. Cependant, il est important de
22 Il est important de distinguer la notion de « self-googling » et celle de « name googling ». Le « self-googling »
correspond à la recherche en ligne d’informations sur soi-même, alors que le « name googling » correspond à
une recherche effectuée sur le nom et le prénom d’un autre individu.
23 Cette étude, basée sur les résultats d’entrevues téléphoniques réalisées auprès de 2253 personnes en 2009, a
été menée aux Etats-Unis par the Pew Research Center’s Internet & American Life Project. Elle révèle la prise
de conscience globale de l’importance de la gestion de identité numérique.
24 Aucunes données récentes n’ont été publiées sur le degré d’utilisation du self-googling en France. Dans le
cadre de notre recherche, nous supposerons que les chiffres sont sensiblement similaires aux Etats-Unis.
25 Selon une enquête menée par Regions Job en 2012, 68% des recruteurs indiquent faire des recherches en ligne
pour se renseigner et faire le tri parmi les candidats à un poste.
39. 38
recouper cette information avec les autres résultats obtenus à l’issu de cette étude : 27% des
recruteurs avouent effectivement avoir déjà engagé un collaborateur car sa présence en ligne
était positive. A l’inverse, ils sont 25% à avoir écarté un candidat pour la raison inverse. De
quoi faire réfléchir les individus actuellement en recherche d’emplois.
D’autre part, les recruteurs sont de plus en plus nombreux à utiliser les SNSs. En effet, ils
profitent de cette tendance pour mieux recruter et évaluer les candidats à l’embauche. Nous
avons toutefois pu remarquer durant notre recherche que ce genre de pratique dans le
processus de recrutement reste limité. Le degré d’usage varie en fonction du type d’industrie
ou de compagnies, mais également en fonction de la taille de l’entreprise. Néanmoins, alors
que cette pratique était auparavant réservée principalement aux industries technologiques,
l’utilisation des SNSs dans le processus de recrutement s’est désormais démocratisée dans
tous les types d’industrie (Athavaley, 2007). Comme nous avons pu le souligner
précédemment, cette nouvelle tendance reste cependant difficile à évaluer, notamment
concernant le degré d’usage de cette nouvelle pratique et le type de candidats ciblés.
En outre, la popularité des moteurs de recherche de personnes26
(ex : 123People) prouvent
l’intérêt que les individus portent aux informations (personnelles et professionnelles) d’autres
personnes. Aux vues de l’analyse de ces nouvelles pratiques, il apparaît désormais
indispensable pour un demandeur d’emploi de savoir vérifier et gérer son identité numérique.
3.2.2. La notion d’identité numérique et d’e-réputation
Avant de mieux comprendre comment construire et gérer son identité numérique, il convient
préalablement de définir cette notion. Selon Fred Cavazza27
, « l’identité numérique constitue
pour une entité (personne, marque, entreprise) ses différentes présences (profils, adresses
email) que l’on puisse identifier d’une manière ou d’une autre au travers de l’ensemble des
données disponibles sur le net, visible ou invisible, émise ou non par l’entité, quelle que soit
la notion de temps et l’usage qui en fait ou sera fait » (Fred Cavazza, 2006). Afin de mieux
26
Il s’agit de nouveaux moteurs de recherche visant à recueillir l’ensemble des informations disponibles en
ligne sur un individu et à les agréger sur une seule et même plateforme.
27
Consultant et conférencier, Fred Cavazza est un spécialiste des métiers de l’Internet (e-marketing, médias
sociaux, commerce en ligne, mobilité). Rédacteur de différents blogs sur le sujet (FredCavazza.net,
Entreprise20.fr, RichCommerce.fr), il conseille les entreprises et individus sur la gestion de leur identité
numérique. Il est le premier à définir cette notion de manière précise en 2006.
40. 39
appréhender cette définition, nous avons représenté sous forme de carte les différents aspects
de l’identité numérique d’un individu.
Figure 8 : Cartographie de l’identité numérique d’un individu28
L'identité numérique correspond donc à l’ensemble des données, volontaires ou involontaires,
accessibles sur Internet sur un individu. Elle est généralement composée des informations
suivantes :
Ø Les caractéristiques innées : d’où vient cette personne et qui est-elle ? Elles correspondent
à des informations personnelles telles que la date de naissance, le sexe ou la nationalité.
Ø Les caractéristiques acquises : quelle est l'histoire de cette personne? Dans ce cas,
l'adresse, le dossier médical et l'historique d'achat constituent des informations pertinentes.
Ø Les préférences individuelles : Qu'est-ce que l’individu aime? Elles correspondent à des
informations telles que les intérêts, les loisirs, les groupes de musique et émissions de
télévision préférées de l’individu.
Les « traces numériques » d’un individu peuvent ensuite être catégorisées de la manière
suivante (Fred Cavazza, 2006) : ses connaissances (ce qu’il sait), son audience (qui il connaît
et à qui il s’adresse), ses avatars (ce qui le représente sur Internet), ses hobbies (ce qui le
28 Source : http://www.mediassociaux.fr/2013/04/16/panorama-des-medias-sociaux-
2013/?utm_source=feedburner&utm_medium=feed&utm_campaign=Feed%3A+mediassociaux+%28MediasSoc
iaux.fr%29