Présentation diffusée durant l'audition de Mme Séverine LEMIERE, Economiste, Université Paris Descartes et de Mme Rachel SILVERA, Economiste, Université Paris Ouest Nanterre La Défense, par la Section du travail et de l'emploi du CESE dans le cadre du travail de la saisine gouvernementale : "La mixité des métiers".
http://www.lecese.fr/travaux-du-cese/saisines/la-mixite-des-m
Le développement de la culture du dialogue social en France
La mixité des métiers et la revalorisation des emplois à prédominance féminine
1. La mixité des métiers et la
revalorisation des emplois à
prédominance féminine
Séverine Lemière et Rachel Silvera
Audition au CESE
10 septembre 2014
2. Sommaire
Une carte des métiers toujours sexuée
De nombreuses explications à la
ségrégation professionnelle
L’égalité passe aussi par la valorisation
égale des emplois à prédominance
féminine et masculine
3. 1. Une carte des métiers très sexuée
• La ségrégation professionnelle est toujours
importante : les femmes et les hommes occupent
encore des emplois différents : concentration des
femmes dans peu de métiers, dans des emplois
reconnus non qualifiés
• 47% des femmes se concentrent dans 10 familles
professionnelles, alors que les 10 professions les
plus masculines ne représentent que 31% des
hommes (Dares, 2013)
• Les principales professions féminisées restent :
aides à domicile, assistantes maternelles, agentes
d’entretiens, enseignantes , vendeuses...
4. Les métiers qui comptent le plus de femmes
Nombre
d’emplois
‘féminins’ en
milliers
Part des femmes
dans l’emploi
Aides à domicile et aides ménagères, assistantes
maternelles
969 97,7
Secrétaires 424 97,6
Employés de maison 230 94,3
Aides-soignants 521 90,4
Infirmiers, sages-femmes 476 87,7
Employés de la comptabilité 283 84,6
Employés administratifs d’entreprise 303 76,9
Vendeurs 610 73,5
Employés administratifs de la fonction publique 592 73,4
Enseignants 685 65,7
Agents d’entretien 870 70,5
5. Les métiers qui comptent le moins de femmes
Nbre
d’emplois
« féminins »
en milliers
Part des
femmes dans
l’emploi
Agriculteurs, éleveurs, sylviculteurs, bûcherons 147 27,1
Ingénieurs de l’informatique 72 20,3
Ouvriers qualifiés de la manutention 69 15,8
Armée, police, pompiers 58 14,8
Conducteurs de véhicules 79 10,5
Techniciens et agents de maîtrise de la maintenance 39 8,9
Techniciens et agents de maîtrise du BTP 23 7,9
Ouvriers qualifiés du second oeuvre du bâtiment 12 2,1
Ouvriers qualifiés du gros oeuvre du bâtiment 9 2,1
Ensemble des métiers 12 244 47,5
6. • des évolutions existent tout de même :
• A l’horizon de 2020, les créations d’emploi
qualifiés bénéficieront davantage aux
femmes sauf pour les ingénieurs de
l’informatique (Dares, 2012)
• Mais : poursuite de la segmentation des
emplois peu ou non qualifiés : « peu de
femmes dans les chantiers et pas d’hommes
dans les crèches » et fortes créations
d’emplois dans les secteurs déjà féminisés
(surtout l’aide à domicile) (Dares, 2012)
7. 2. De nombreuses explications à la ségrégation
professionnelle
• Malgré d’importantes évolutions (notamment dans les
métiers très qualifiés : médecine, magistrature…), les choix
d’orientation scolaire restent très sexués
– On estime à 60% le poids de la « ségrégation éducative » dans la
ségrégation professionnelle (Couppié, Epiphane, 2006).
– Une ségrégation s’effectue au niveau des spécialités
– L’apprentissage accentue les écarts (Kergoät, 2010)
– Un accueil très différent des filles et des garçons dans les filières
de formation non mixtes (Lemarchant, 2007)
• Les barrières à l’entrée du marché du travail
– Les processus d’appariement sur le marché du travail viennent
parfois compenser et souvent renforcer les ségrégations issues
des orientations scolaires (Couppié, Epiphane, 2006).
Discrimination à l’embauche.
– Des pratiques d’accompagnement dans l’emploi confortant la
ségrégation
8. • Les contraintes organisationnelles (réelles ou
construites) et matérielles
– Conditions de travail, disponibilité et stéréotypes
– Encore des freins matériels (sanitaires et vestiaires)
générés par un cadre légal obsolète
• Le comportement des salariés
– rejet des femmes chez les chirurgiens, par ex (Zolezio,
2009)
– Les difficultés d’insertion de femmes victimes de
violences dans certains univers professionnels « virils »
– Ambiance sexiste au travail
• Des choix professionnels contraints par les
responsabilités domestiques et familiales (Insertion
dans des secteurs et métiers fortement utilisateurs
de TP, moindre mobilité…)
9. 3. Pour une valorisation égale des emplois à
prédominance féminine et masculine
• L’égalité professionnelle et salariale entre femmes et
hommes passe par la mixité des métiers, femmes et
hommes doivent pouvoir accéder à tous les métiers. Mais
l’égalité ne doit pas être résumée à la mixité.
• La valorisation égale des emplois à prédominance féminine
et masculine est une approche alternative et
complémentaire de la mixité. Si les emplois à
prédominance féminine étaient valorisés à leur juste valeur,
cela permettrait d’inciter les hommes à s’y insérer et de
rompre avec les stéréotypes sexués.
• Les emplois à prédominance féminine se sont construits sur
une moindre reconnaissance de leur « valeur », du fait de
compétences supposées innées, « naturelles », ne
nécessitant ni apprentissage, ni expérience…
10. • Cadre légal important : « Tout employeur assure, pour un même travail ou
pour un travail de valeur égale, l’égalité de rémunération entre les
femmes et les hommes » (Article L 3221-2 du Code du travail)
« sont considérés comme ayant une valeur égale les travaux qui exigent
des salariés un ensemble comparable de connaissances professionnelles
consacrées par un titre, un diplôme ou une pratique professionnelle, de
capacités découlant de l’expérience acquise, de responsabilités et de
charge physique ou nerveuse » (L3221-4 du code du travail)
• Cas de jurisprudence, notamment TMS contact c/Mme B, 16 juillet 2010 :
une responsable RH = un directeur financier : approche individuelle.
• Enjeu du passage à un niveau plus collectif : les grilles de classification
Les négociations à l’origine des classifications professionnelles sont des
compromis sociaux sans les femmes, qui ont été calquées dans le champ
des services et pour les filières les plus féminisées.
Guide issu d’un groupe de travail Halde et rédigé par M. Becker, S. Lemière et
R. Silvera, et publié en 2013 par le Défenseur des Droits « pour une
évaluation non discriminante des emplois à prédominance féminine »
http://www.defenseurdesdroits.fr/sites/default/files/upload/guide-salaire-egal-
11. • Réviser les méthodes d’évaluation des emplois et les grilles de
classification professionnelle
• Critères et méthodologie apparemment neutres mais pouvant
générés une sous-valorisation des emplois à prédominance
féminine.
• Préconisations issues du guide concernant les critères
d’évaluation:
– Reconnaître toutes les composantes de la qualification
Niveau vraiment requis et non situation du marché (déclassement
professionnel surtout F dans les services ; pas d’adéquation
poste/qualification)
la formation: non reconnaissance totale des diplômes tertiaires (BTS, bac) par
rapport aux techniques ex Schneider E: BTS tech / BTS admi et CEA
VAE (ex : aides à domicile…) à développer
Expériences et compétences informelles du poste non reconnues du côté des
emplois à prédominance féminine (aides à domicile, infirmières…) ; prendre en
compte le TP, les congés familiaux dans l’expérience
12. – Une autre approche de la technicité /complexité de l’emploi
Technicité : pas seulement industrielles et matérielles, aussi
relationnelles, administratives : compétences génériques,
transversales ;
Résolution de problèmes : problèmes relationnels, résolution de
conflits ; anticipation des problèmes (« savoir-faire discrets ») ex
: panseuses
Multidimensionnalité du poste : flou dans emplois administratifs,
tâches multiples, simultanées…
– Une définition plus large des responsabilités
Responsabilités fonctionnelles pas seulement hiérarchiques.
(ex : agent chef/infirmière) responsabilités sur les dossiers,
mémoire du service, valorisation de l’image de l’entreprise
(y compris postes d’accueil)
Responsabilités envers les personnes : superviser le travail
d’étudiants, de débutants, transmission de savoirs,
sécurité des patients, clients, usagers
13. – Reconnaître les exigences organisationnelles
Les conditions de travail ne sont pas intégrées en France
dans l’évaluation des emplois, alors qu’elles génèrent
d’importantes exigences nécessaire à la tenue de l’emploi
(y compris dans les services)
Exigences physiques : répétition de gestes, ports de corps de
malades… ex arrêt ISAI Champignons 1997: F au tri et H au
chargement
Exigences émotionnelles : peur au travail, danger, risques
émotionnelles pas « naturelles », stress…
Exigences temporelles : contraintes horaires, disponibilité
(pas que chez les cadres).
14. En conclusion
• Poursuivre les politiques de mixité est nécessaire, il s’agit d’un
travail de long terme croisant les systèmes de formation, les
pratiques d’entreprises, la lutte contre les stéréotypes, les
politiques d’accompagnement dans l’emploi… La finalité est un
véritable « déplacement de population » (plus de la moitié des
personnes devraient changer d’emploi).
Mais est-ce suffisant ?
• La revalorisation des métiers féminisés est une approche
complémentaire mais retard français important:
– Pourtant la loi est en avance dans l’application du principe « un salaire égal
pour un travail de valeur égale » depuis 1972.
– Mobilisation des acteurs est lente
– L’impact est collectif et dépasse l’enjeu d’égalité entre femmes et hommes
• La revalorisation des emplois à prédominance féminine va au-delà
de la mixité car elle permettra d’assurer l’égalité salariale.
15. Quelques références bibliographiques
• Couppié T., Epiphane D. (2006), « la ségrégation des hommes et des femmes
dans les métiers : entre héritage scolaire et construction sur le marché du
travail », Formation et Emploi, n°93, janvier - mars.
• Argouarc’h J., Calavrezo O., (2013), « La répartition des hommes et des
femmes par métiers », Dares Analyse, décembre.
• Commissariat général à la stratégie et à la prospective (2014), Lutter contre
les stéréotypes filles / garçons. Un enjeu d’égalité et de mixité dès l’enfance,
rapport coordonné par Naves M.-C., Wisnia-Weil V.
• Kergoat P. (2010), Les formations par apprentissage : un outil au service
d’une démocratisation de l’enseignement supérieur ?, Net.Doc .75, Cereq,
Décembre
• Laine F., Omalek L., (2012), « Les métiers en 2020 : progression et
féminisation des emplois les plus qualifiés ; dynamisme des métiers d’aide et
de soins aux personnes », Dares Analyse, n°22, mars.
• Lemière S. (sous dir.) (2013), L’accès à l’emploi des femmes : une question de
politiques…, rapport remis à la ministre des droits des femmes, décembre.
• Lemière S., Silvera R. (à paraître) « Où en est-on de la ségrégation
professionnelle », Regards croisés de l’économie, n°« Genre et Économie ».
• Zolezio E. (2009), « Des femmes dans un métier d'hommes : l'apprentissage
de la chirurgie », Travail, genre et sociétés, n° 22, p. 117-133
Notes de l'éditeur
En France la notion de salaire d’appoint a disparu qu’en 1946
impact négatif de la maternité ou prise en charge familiale , les femmes sont perçues potentiellement moins disponibles qu’elles aient ou non des enfants