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Frédéric FABRI 
Cycle Beta 
- Collection Romans / Nouvelles - 
Retrouvez cette oeuvre et beaucoup d'autres sur 
http://www.inlibroveritas.net
Table des matières 
Cycle Beta....................................................................................................1 
Préface.................................................................................................2 
Avertissement de l'auteur.....................................................................4 
Débarquement sur B-112.....................................................................7 
Évasion..............................................................................................14 
Unis....................................................................................................18 
Nouvelle vie.......................................................................................28 
Alsyen s'implique..............................................................................34 
Cérémonie de baptême......................................................................40 
Leçon de dressage..............................................................................44 
Progrès et découvertes.......................................................................47 
Drill intensif.......................................................................................56 
Visite des entrepôts............................................................................62 
Simulation globale.............................................................................68 
Revue de chambrée............................................................................84 
Le vétéran..........................................................................................87 
B-006 : Accident dans la jungle........................................................96 
B-006 : Planète tout risque..............................................................110 
B-006 : Expériences douloureuses..................................................121 
B-006 : Recueillement.....................................................................129 
B-006 : Sortie nocturne....................................................................135 
Déparasitage....................................................................................146 
B-069 : Bordée dans l'espace...........................................................153 
Déchirements...................................................................................174 
.........................................................................................................179 
i
Cycle Beta 
Auteur : Frédéric FABRI 
Catégorie : Romans / Nouvelles 
L'expansion humaine suit la mise en place d'un réseau de transmetteurs de 
matière disposés en toile, dont le centre est le niveau alpha. 
Alpha Prime désigne la Terre. 
Les Forces de Colonisation Planétaire ont pour vocation de protéger les 
colons lors de leur installation dans les systèmes solaires. Elles ont aussi la 
lourde tache d'être l'ambassadrice de la Terre lors de la rencontre avec une 
intelligence extra-terrestre. 
Si la rencontre est inéluctable, elle n'a pas encore eu lieu. Chaque système 
planétaire dispose pour sa protection d'un croiseur. Un vaisseau école dans 
le Cercle Bêta, depuis son orbite autour de Bêta 112, envoie ses jeunes 
recrues se dégourdir les jambes sur la terre ferme... 
Licence : Licence Creative Commons (by-nd) 
http://creativecommons.org/licenses/by-nd/2.0/fr/ 
1
Préface 
Je ne connaissais Frédéric que sous un avatar virtuel jusqu'au jour où il 
m'a demandé de préfacer son premier roman. Ému, j'ai commencé à lire 
pour me faire une idée. J'avais peur de retomber dans la collection Fleuve 
Noir que je lisais en cachette durant mon adolescence. Je me disais, « Bon, 
encore un qui va nous téléporter sur des rayons verts et autres trucs pas 
possibles. » 
Et je me suis trompé. J'ai rapidement été conquis par l'histoire qui, 
même si elle recèle de profonds termes et descriptions techniques 
incompréhensibles à un non-scientifique, m'a scotché à plusieurs points de 
vue. 
Je connaissais l'ouverture d'esprit, la franchise et les engagements de 
Frédéric, j'ignorais son côté conteur de belles histoires. Je n'ai 
pratiquement pas quitté Alsyen, cette petite bête que vous allez découvrir 
et qui donne à l'auteur ce détachement indispensable au bon déroulement 
de l'histoire. 
Le caractère humain et parfois bestial de l'histoire ne vous échappera 
pas. Même si j'ai regretté à quelques moments que Frédéric ne se lâche pas 
un peu plus, j'ai découvert une aventure qui m'a tenu en haleine jusqu'au 
bout et dont je n'ai qu'un mot pour la résumer : à quand la suite ? 
Merci Frédéric de tes mots qui m'ont allumé, parfois subjugué, souvent 
distrait de ce monde que je croyais sans vie. Merci, Frédéric d'avoir pu 
m'apporter ce rayon de soleil indispensable à la vie, merci Alsyen de 
m'avoir fait vivre d'heureux moments. 
Comment ? 
Vous n'avez pas encore commencé la lecture ? 
Qu'attendez-vous ? 
Denis Nerincx 
Préface 2
Avertissement de l'auteur 3
Avertissement de l'auteur 
Premier roman, premier tome d'une trilogie, ce « Cycle Bêta » décrit le 
parcours et la formation d'une jeune recrue des temps futurs. L'espèce 
humaine est alors en pleine expansion. La barrière de la vitesse de la 
lumière n'a pas été franchie. Aucune intelligence extra-terrestre n'a été 
rencontrée. Enfin presque… 
Les robots sont peu nombreux et spécialisés. Les ordinateurs permettent 
l'entraînement par la simulation. La vie des militaires est rustique, les 
efforts sont aussi physiques. 
Dans ce contexte, on peut dire que les progrès techniques ne sont pas 
très nombreux. Il n'y a pas de produits miracle. Il n'y a pas une société 
utopique. L'aventure reste humaine. 
Mon passé de militaire m'a servi pour illustrer la vie quotidienne du 
héros. L'exemple de certains de mes chefs aussi. Certains pourraient 
estimer que cette organisation militaire « idéale » est propagandiste. Des 
militaires pourraient nier certaines critiques ou pratiques brutales. Ils ont 
tous raison. Les défauts mis en avant ont été empruntés à une vieille 
expérience. L'idéal mis en avant est le modèle qui était vanté à mon départ 
de l'institution. Et le tout a subi les influences du roman et de l'adaptation à 
une société futuriste. De plus, la première partie de la formation a été 
réalisée sur Terre avec des cadres qui ne savent plus ce que c'est que la 
guerre. Ils appliquent un « manuel » sans en comprendre le fond et avec 
ennui car ils se répètent à chaque contingent. Dans l'espace, les recrues 
sont prises en main par des gens d'expérience et qui sont du métier. On 
peut donc voir l'analogie que j'ai faite entre l'armée d'appelés d'avant 1998 
en France, (même la formation était assurée par des « intérimaires ») et 
Avertissement de l'auteur 4
Cycle Beta 
l'armée professionnelle d'aujourd'hui, où le rôle de chaque individu compte 
et justifie une permanente recherche de l'excellence. 
C'est aussi la description du passage de l'adolescent au stade adulte, 
comme du civil scolaire au soldat confirmé. Cette aventure profite de 
différents décors, de circonstances, d'un processus comme d'une évolution 
intérieure. Ce qui ne rentre pas par les yeux et les oreilles passe par les 
pieds. 
Alsyen n'est pas un simple faire-valoir qui se transforme en « Deus ex 
machina » dès que le besoin s'en fait sentir. Il est à la fois témoin et acteur. 
Par son oeil étranger, et son histoire personnelle, il démontre que pour notre 
société humaine, d'autres choix sont possibles et que nous sommes encore 
nous aussi des enfants dans l'évolution. Par son amitié avec Reno, il 
franchit les espaces interraciaux alors que nous n'avons pas encore 
globalement réussi à franchir l'espace entre deux religions ou deux ethnies 
au sein de notre propre espèce. Et pourtant, heureusement, notre 
« jeunesse » dans l'évolution a quelque chose à lui offrir, à lui, le jeune 
d'une société « mâture ». Enfin, mes personnages ne sont pas des 
philosophes ni des êtres parfaits. Ils sont juste honnêtes, droits et 
recherchent un but digne de leurs efforts. Mais ils sont aussi de chair et de 
sang. 
Les distances aussi sont « en taille réelle ». En interplanétaire, il faut 
compter entre l'accélération et la décélération qui sont les phases les plus 
longues. Au quart de la vitesse lumière, qui est « physiquement » la limite 
atteinte, il faut vingt ans pour arriver sur Alpha du Centaure, et quand 
même six ans pour l'atteindre sous forme dématérialisée. Cela symbolise la 
distance entre la recrue et le monde qu'il a quitté, ainsi que ce que peuvent 
connaître les expatriés au bout du monde. La distance physique interdit le 
contact et isole. Il se crée alors une distance temporelle, entre l'endroit où 
on est qui évolue lentement sans qu'on s'en aperçoive après qu'on l'ait 
découvert, et l'endroit où on revient qui lui a changé d'un coup. La gestion 
des distances a de tout temps été le souci des sociétés en expansion. 
Avertissement de l'auteur 5
Cycle Beta 
Néanmoins, l'homme n'évolue pas vite et si les sociétés s'adaptent aux 
éléments ambiants, elles retombent vite dans les mêmes travers. Le lecteur 
sera donc dépaysé sans être en territoire inconnu. Mon ambition n'a pas été 
de concurrencer des films tels la saga « StarWars », mais de faire parfois 
des clins d'oeil aux classiques de Jules Verne, auteur qui expliquait 
scientifiquement ce qui n'existait pas encore, ou faisait du « journalisme » 
sur les territoires traversés en racontant l'histoire, les conditions 
géographiques, le système social… enfin, tout ce qui venait enrichir ou 
contrarier l'aventure personnelle des héros. 
Car, ce roman se veut être plus une aventure qu'une histoire de 
science-fiction, qu'il s'agisse de défi personnel, d'obstacles à franchir, 
d'épreuves à surmonter ou d'objectif à atteindre… 
Frédéric FABRI 
P. S : je tiens ici à remercier Denis pour son soutien « technique » ainsi 
que mes lecteurs « Bêta », en ligne comme sur papier, qui m'ont soutenu 
moralement lors de l'écriture et de la correction. 
Avertissement de l'auteur 6
Débarquement sur B-112 
Le jeune homme qui posait le pied sur Bêta-112 ressentit une intense 
bouffée d'émotion teintée d'appréhension. C'était la première fois qu'il 
foulait le sol d'une autre planète que la sienne, Alpha Prime, autant dire La 
Terre. 
Il était le dernier du groupe de soldats s'extrayant d'une navette 
mi-hélicoptère, mi-hydroglisseur utilisée pour débarquer des troupes en 
provenance de leur vaisseau amiral, resté en orbite haute. 
L'espace était colonisé par « cercles » autour du système planétaire 
central, codés selon l'alphabet grec, en hommage aux premiers astronomes 
utilisant des lettres et non des hiéroglyphes. La première expédition avait 
quitté la terre trois cent ans auparavant, avec dans ses soutes un 
régénérateur moléculaire. Elle avait atteint Pluton l'orbite servait 
maintenant de base de départ pour les expéditions. 
L'exploration spatiale utilisait deux principes complémentaires pour son 
expansion. Tout d'abord, un vaisseau classique partait avec à son bord un 
régénérateur moléculaire. Il pouvait atteindre après une longue accélération 
la vitesse de 0,21 fois la vitesse de la lumière, soit environ cinq fois moins 
vite. 
Cela équivalait tout de même à six mille kilomètres par seconde ! Mais 
il fallait aussi songer à la longue décélération. 
Une fois arrivé à la destination voulue, le régénérateur moléculaire était 
installé. Les techniciens établissaient le « pont » avec le premier 
régénérateur grâce à un rayon lumineux envoyé déjà quelques années plus 
tôt et qui leur avait servi de fil guide durant le voyage. Une fois 
opérationnel, le « pont » permettait un voyage dans un état dématérialisé 
bien plus rapide puisque proche de la vitesse de la lumière dès le départ et 
sans obligation de décélération. 
Débarquement sur B-112 7
Cycle Beta 
Pour un engin spatial, la vitesse de pointe n'était pas accessible dans le 
seul périmètre du système solaire. 
L'espèce humaine enfin unifiée avait planifié son expansion en commun. 
Pour commencer, elle avait utilisé un énorme vaisseau construit en orbite 
terrestre pour atteindre Pluton et durant quarante ans y avait construit une 
base devant servir de « grand échangeur inter-galactique », point de 
passage obligé pour tout départ vers les étoiles. 
Une fois le régénérateur moléculaire monté sur l'orbite de Pluton , un 
pont d'énergie avait pu être établi avec la station du Pôle Nord. Ce pont, 
sorte de tunnel d'informations énergie, permettait physiquement la 
désintégration et la reconstitution d'organismes vivants, de matières brutes 
ou de matériels sophistiqués. Le régénérateur pouvait servir, soit de point 
d'arrivée, soit d'amplificateur pour relayer le flux au régénérateur suivant, 
bien au-delà. Le système très sophistiqué de redondance de l'information 
permettait la reconstitution parfaite d'un individu viable et le cerveau 
n'était pas affecté par des pertes de mémoire. 
Le flux, bien que composé de protons, se comportait comme un flux 
lumineux sauf que sa vitesse n'excédait pas 0,91 fois la vitesse d'une 
lumière classique. La technologie pour maîtriser le boson restait 
inaccessible et le proton était plus fiable que l'électron pour transmettre 
l'information. 
Pluton fut aussi colonisée pour servir l'expansion afin de fournir 
matériaux et grosses pièces d'infrastructures, trop coûteuses en énergie à 
faire venir de la Terre ou de Mars. L'expansion se plaçait dans la durée. 
Les solutions retenues devaient être pérennes et non servir une cause 
éphémère. Une fois la base au sol construite, un autre régénérateur avait 
donc été installé sur Pluton afin de recevoir directement les hommes et du 
matériel. C'était donc des centaines de milliers d'ouvriers et des millions de 
tonnes de matériel qui avaient permis de rendre Pluton viable, et 
d'exploiter ses gisements de minerais 
Ce régénérateur pouvait aussi servir de régénérateur de secours, mais 
dans les faits il fournissait l'orbite de Pluton en pièces locales. 
Ce « trio » de régénérateur moléculaire permit de mettre au point le 
fonctionnement et la doctrine d'emploi d'un régénérateur dans le cadre des 
missions au long cours. 
Débarquement sur B-112 8
Cycle Beta 
Un régénérateur moléculaire se composait d'un ensemble fixe composé 
d'une extrémité émettrice fixée sur un corps servant à la dématérialisation 
des éléments à expédier, d'un second module servant à la rematérialisation 
et d'une extrémité réceptrice. 
Le flux émis était envoyé sur un miroir distant de plusieurs centaines de 
kilomètres chargé de le réfléchir dans la bonne direction. Il traversait 
ensuite l'espace pour rencontrer aux alentours de sa destination un autre 
miroir qui le dirigeait alors sur la partie arrière d'un autre régénérateur 
moléculaire. Ce régénérateur pouvait alors, soit réexpédier le flux amplifié 
vers son miroir situé à l'avant pour être envoyé vers un régénérateur plus 
distant, soit rematérialiser les éléments transportés par le flux. 
Chaque régénérateur pouvait se tester seul grâce à ses deux miroirs. Les 
miroirs eux se calaient avec un rayon lumineux à travers l'espace et le 
temps. En effet, la position relative des miroirs placés jusqu'à cinq années 
lumière de distance évoluait à chaque seconde de plusieurs centaines de 
kilomètres. Mais de façon régulière et de manière imperceptible au niveau 
angulaire. 
Les principes du voyage, bien compliqués, entre la dématérialisation, le 
flux lumineux, le guidage et le temps étaient sommairement expliqués aux 
voyageurs avec des images de synthèse mais tous préféraient faire 
confiance et en accepter l'existence plutôt que de rechercher des 
explications qui les auraient incités à prendre des vaisseaux spatiaux 
classiques, mais bien moins rapides et qui surtout les laisseraient vieillir 
durant le voyage. 
Les espaces interstellaires sont tellement vastes qu'il avait fallu quarante 
ans et quelque (un milliard de secondes) pour atteindre trois destinations 
(deux vaisseaux étaient considérés comme perdus) et bâtir le premier 
cercle Bêta à seulement 60000 milliards de kilomètres, soit 1,6 parsec ou 
4,9 années lumières. 
À l'issue de ces quarante années de difficile traversée pour l'équipage 
cloîtré et vieillissant parti fort heureusement avec des enfants, un 
régénérateur avait été installé près de Proxima du Centaure. Sous la forme 
d'un faisceau de protons, il ne fallait plus alors que cinq ans et demi à un 
voyageur dématérialisé aux environs de Pluton pour être régénéré à 
l'identique sur ce qui allait devenir une station du second cercle ou Cercle 
Débarquement sur B-112 9
Cycle Beta 
Bêta. Pour communiquer avec la terre, les signaux lumineux ne mettaient 
que six mois de moins. 
Au moment où ce soldat posait le pied sur B-112, il y avait cinq cercles, 
correspondant à trois-cents années de voyages classiques consécutifs et 
permettant à un terrien de parcourir les vingt-huit années lumières de 
distance entre la terre et êta-prime, base la plus éloignée, en trente et un an. 
Vingt-neuf stations de régénérateur moléculaire opérationnelles avaient 
été déployées. Si des planètes avec des formes de vie avaient été 
découvertes, aucune intelligence, et encore moins de puissance galactique 
n'avait été rencontrée. 
Autour de chaque base la colonisation s'établissait, afin de découvrir et 
d'exploiter les matières premières permettant la poursuite de l'exploration. 
Un corps militaire planétaire avait été créé pour protéger les colons dès 
le début de leur implantation :la Force de Colonisation Planétaire ou FCP. 
Quelques membres partaient avec le vaisseau d'exploration, représentant 
dix pour cent des contingents coloniaux à la sortie des régénérateurs. 
Tous les jeunes engagés passaient par une station Bêta avant de 
rejoindre les confins de l'univers connu. Le décalage temporel avec la terre 
n'était que de cinq ans et demi en moyenne quand ils étaient régénérés. 
L'aller-retour durait donc onze ans. S'ils le désiraient, ou parce qu'ils 
n'étaient pas certains de leur choix dans leur première année de formation, 
ils ne pouvaient retrouver leur famille que douze ans plus tard. 
À l'issue de cette année de formation (Quatre mois sur terre, huit mois 
dans la zone Bêta) ils obtenaient une affectation, déterminée par leur choix 
personnel, mais ensuite en fonction des besoins des FCP et de leur 
classement, situées dans des systèmes plus ou moins proches. Partir pour le 
quatrième ou le cercle extérieur signifiait effectuer un voyage sans retour. 
Quel intérêt de revenir sur Terre soixante-deux ans plus tard au minimum ? 
Ce jeune garçon de dix-huit ans s'appelle Reno. Il a suivi quatre mois 
d'instruction en Sibérie pour apprendre les principes du combat 
d'infanterie. À bord du vaisseau station caserne il a appris la vie de 
marsouin de l'espace et son rôle d'adjoint fourrier. Aujourd'hui, il étudie le 
déplacement en groupe de combat pour la première fois en situation 
inconnue sur une planète de type terrestre, où l'air est respirable. Bien bâti, 
il laisse une franche trace de botte taille quarante-deux sur le sol un peu 
Débarquement sur B-112 10
Cycle Beta 
spongieux de Bêta-112 parachevant ainsi le piétinement du reste du 
groupe, suivant son chef qui ouvre la marche à travers la savane bleue. 
C'est un petit pas pour lui, mais il survient après de nombreuses 
avancées pour l'Homme. 
* 
* * 
Glyon et Alsyen se baignaient en toute tranquillité sur cette planète de 
type végétal. Il n'y avait pour eux aucun danger d'agression. L'analyse 
toxicologique de la mare avait révélé une eau quasi pure filtrée par les 
roseaux, et aucun composant chimique ne présentait les caractéristiques 
d'un poison potentiel. 
Leur vaisseau spatial de petite taille était camouflé par un écran de force 
cylindrique qui restituait la lumière au coté opposé de sa réception ce qui 
rendait l'espace protégé invisible. Il était aussi impossible de traverser cet 
écran. Il arrêtait même les ondes lumineuses ou radios sauf les fréquences 
en parfaite opposition de phase. Cette fréquence servait entre autre à la 
télécommande du champ de force. Mais, matériaux, ondes de chocs, bruits 
ne pouvaient ébranler cet écran. 
Celui-ci servait aussi lors de la navigation spatiale afin d'éviter les 
collisions avec la poussière d'étoile ou les morceaux plus petits dans les 
phases de déplacement local. Il n'avait jamais été utilisé durant une guerre, 
les races de la galaxie Zannienne étant pacifiques, mais nul doute qu'il était 
indestructible. 
Glyon et Alsyen, deux adolescents insouciants, avaient violé les limites 
de l'espace interdit. La race humaine, détectée dès son arrivée, avait été 
jugée trop peu évoluée pour pouvoir s'intégrer dans la fédération 
multiraciale de Zanni. La zone étant déserte, elle avait été laissée aux 
humains. Les détecteurs du vaisseau de plaisance Zannien avaient sondé 
seulement la planète à l'arrivée et non l'espace immédiat. Pour ses deux 
occupants, La planète était donc libre pour le jeu et la recherche de 
philloxphène, une plante prohibée dont les effets euphorisants 
agrémentaient les soirées pimentées de l'élite Zannienne. 
Ils en avaient consommé quelques extraits et ils riaient à gorge 
déployée. Glyon lança Alsyen en l'air et alors qu'il allait le rattraper, un 
bruit de tonnerre lui emporta la moitié du crâne. L'onde de choc du 
Débarquement sur B-112 11
Cycle Beta 
projectile sonique atteint aussi Alsyen qui sombra dans l'inconscience. 
* 
* * 
— Qu'en pensez vous Docteur ? 
— Bizarre. Cette planète est considérée comme sans faune. On n'y a 
même pas trouvé d'insectes terrestres et il n'y a que quelques vers dans 
l'eau. Aujourd'hui vous me ramenez d'un coup deux espèces évoluées 
différentes. Il est dommage qu'il y ait un cadavre dans le lot. 
— Si je n'avais pas tué celui-ci, vous seriez allé chercher l'autre dans son 
estomac. 
— Certes. Mais ces deux espèces ne semblent pas partager le même 
biotope. L'une semble amphibie alors que l'autre est manifestement 
arboricole, ce qui ne colle pas à cette planète seulement colonisée par des 
herbes géantes. 
— Le petit singe a des ventouses aux doigts. C'est peut-être pour monter 
à la cime de ces herbes comme le long d'un mât. Et s' il est petit, c'est pour 
ne pas les plier. 
— Et il se nourrirait alors des graines aux extrémités ? Oui, pourquoi 
pas. 
— L'autre me semble d'une force phénoménale. 
— Effectivement. Des membres inférieurs très courts pour marcher, 
mais pas pour courir. Un corps massif et six tentacules terminés par des 
doubles pinces. Une tête couronnée d'yeux dont certains surveillent en l'air. 
On ne distingue l'avant de l'arrière que par cette gueule impressionnante. 
— Le croyez vous herbivore ? 
— Plutôt omnivore. Il a des molaires plates, des canines et des incisives. 
Ses pinces peuvent griffer comme attraper. Au corps à corps, il s'avérerait 
mortel pour n'importe lequel d'entre nous malgré sa taille d'un mètre 
cinquante. C'est un danger potentiel qu'il va falloir cataloguer. En tout cas, 
je vais préconiser au commandement que toutes les sorties se fassent en 
armure et que personne ne se retrouve isolé. 
— Mes camarades n'étaient pas loin. Je m'étais éloigné un peu juste pour 
une envie pressante avec l'accord de mon chef de groupe. Après mon tir, 
ils étaient tous là en moins de deux minutes. 
Débarquement sur B-112 12
Cycle Beta 
— Si cette bestiole avait été tapie dans les herbes et avait surgi à un 
mètre de vous, il lui aurait fallu trente secondes pour vous estourbir et vous 
entraîner sous les eaux . En tout cas, soldat, c'est une belle prise. 
— Que va devenir le petit singe ? 
- Je vais l'observer quelques temps, puis j'en ferai une petite étude plus 
poussée. Enfin, il rejoindra les autres spécimens dans mes bocaux sur les 
étagères. 
- Alors je ne l'ai pas vraiment sauvé en fin de compte… 
— Vous l'avez au moins sauvé de l'oubli… 
Alsyen a repris connaissance depuis un moment déjà dans sa petite cage. 
Même s' il n'a pas compris les paroles des deux humains, il en a saisi le 
sens émotionnel, surtout dans celles de Reno. 
Avec effroi, il a aussi constaté la mort de Glyon, son Zymbreke. 
La dépouille de celui-ci qui avait été à la fois son protecteur, son 
serviteur et son ami lui inspire de la peine, de la souffrance, ainsi qu'un 
sentiment de solitude de culpabilité et de crainte pour son avenir. Il n'a pas 
l'intention de finir son existence plongé dans une solution d'alcool. 
Débarquement sur B-112 13
Évasion 
Dans le dortoir, il règne une bonne ambiance festive. Les douze jeunes 
recrues qui dorment sur des couchettes superposées (par trois) fêtent leur 
sortie sur B-112 autour de la table commune centrale. Tous les écrans sont 
repliés dans le plateau. L'heure n'est pas à l'instruction. Chacun tient dans 
sa main une brique de C'fet, une boisson euphorisante, au goût d'alcool, 
avec des psychotropes non dangereux pour la santé, efficaces très 
rapidement, mais aussi brièvement, et n'entraînant ni ivresse ni 
dépendance. 
Reno raconte pour la énième fois son tir sur la créature des marais, avec 
toute l'assurance d'un exterminateur de monstres galactiques, puis le bain 
qu'il a pris pour aller récupérer le petit singe inanimé (et peut-être même 
mort de peur), avant qu'il ne se noie. 
Il rit un peu moins quand il raconte comment le sergent l'a envoyé 
chercher le corps de sa victime. Cependant il l'imite tant bien que mal, 
reprenant tous ses sarcasmes. 
« Vous qui êtes déjà mouillé… qui vous êtes jeté pour sauver des eaux 
un singe au mépris des risques considérables d'attaques de redoutables 
créatures sous-marines… qui d'ailleurs vous ont déjà épargné une fois… 
allez donc maintenant nous ramener votre monstre sanguinaire» 
Malgré toutes ses moqueries, alors que Reno s'embourbait une deuxième 
fois, le sergent avait quand même allumé son détecteur afin de s'assurer 
qu'aucun autre intrus ne surgisse à l'improviste. Cette présence de 
prédateur était plutôt imprévue. 
Cette fois, Reno avait dû toucher le corps hideux, caoutchouteux et 
sanguinolent. Il l'avait tiré par deux tentacules jusqu'à la rive et ses 
camarades un peu effrayés l'avait aidé à le sortir de l'eau. 
Ensuite, à l'aide de quelques herbes assez rigides, ils avaient 
confectionné un brancard de fortune pour pouvoir le ramener jusqu'à la 
Évasion 14
Cycle Beta 
barge. 
Ils avaient marché trois heures et les autres se moquaient de la boue 
séchée qui maculait son uniforme. L'adjudant à son arrivée lui jeta un 
« Alors Reno, le terrain était glissant ? » avant de s'enquérir du mystérieux 
cadavre auprès du sergent. 
Trois briques de C'fet plus tard, Reno épaule toujours son fracasseur, 
mais se propose en plus de faire sauter au passage la tête du sergent, bien 
moins sympathique selon lui que celle d'un acarien grossie 
trois-cent-cinquante-mille fois. 
Si ses accents de matamore provoquent une certaine hilarité, c'est parce 
que Reno n'est pas ce qu'on pourrait appeler un foudre de guerre. Un peu 
rêveur, assez distrait, plutôt malchanceux, il s'est vite fait remarquer à 
l'instruction pour son équipement toujours incomplet, sa maladresse et sa 
poisse, ce qui en a fait très vite le souffre-douleur préféré des cadres et 
l'attraction de la section. Sa gentillesse et sa camaraderie l'ont tout de 
même fait accepter par les autres recrues, bien contentes qu'un seul assume 
ce qui sinon serait distribué plus aléatoirement. Car si Reno est là, c'est que 
tout le monde est présent, si Reno y arrive, les autres doivent y arriver 
aussi, etc. etc. 
Et ce pauvre Reno sert de cobaye pour n'importe quelle démonstration 
de close combat, d'obstacle à franchir ou de question de contrôle… 
Ce soir malgré tout, il est envié même si son triomphe se change petit à 
petit en farce tartarine. 
* 
* * 
Dans le laboratoire, Alsyen est sorti de sa cage et explore la moindre 
anfractuosité des murs et du plafond. Il est allé fermer les quatorze yeux 
restants (sur vingt) de Glyon allongé sur une paillasse et il lui a 
péniblement arrangé les tentacules autour du corps, avec les extrémités sur 
sa poitrine. Il ne sera certes pas enterré ainsi, mais au moins, si son âme se 
retourne un instant, elle verra que son compagnon ne l'a pas oublié. 
Il a compté six grilles de ventilation et chose bizarre, sur chacune des 
ouvertures, il y a des système de fermetures étanches automatiques. Alsyen 
n'en a pas encore tiré toute la signification. Il veut croire à un abri de 
campagne protégé d'une éventuelle contagion de l'extérieur, ou à une pièce 
Évasion 15
Cycle Beta 
pouvant abriter des expériences dangereuses qui pourraient s'avérer 
contagieuses, voire contenir des animaux encore plus petits que lui qui ne 
doivent à aucun prix s'échapper entre des grilles, comme des serpents par 
exemple … 
Mais il n'a pas de tournevis pour les démonter de leur cadre… 
Alsyen, bien qu'il ait enfreint les règlements en franchissant les limites 
interdites est tenu par le respect des règles de survie pour sa race. Les 
Humains, trop immatures, ne doivent pas découvrir l'existence d'une autre 
espèce intelligente. Donc, il ne doit pas tenter de communiquer pour se 
faire reconnaître et obtenir sa libération. Il va devoir jouer serrer. 
Et pour l'instant, il est de retour à sa cage, qu'il a correctement fermée 
pour réfléchir en toute quiétude. 
Primo, il ne doit pas rester sous le coude du scientifique. Sinon, il va y 
passer très prochainement. 
Secundo, il est nu. S'il parvient jusqu'au vaisseau, la puce implantée 
sous sa peau déverrouillera le champ de protection. Dans le cas contraire, il 
doit prendre en considération que sa race n'a plus vécu à l'état sauvage 
depuis trois-cents siècles. Sa vie sur cette planète végétale n'aura de 
l'intérêt que lorsque il trouvera des plants de philloxphène. Mais avoir 
étudié trente ans pour n'avoir que pour seule perspective quatre-cents ans 
de défonce en ermite, est-ce bien un avenir enviable ? 
Tertio, le retour sur Myrna l'enverra directement en disgrâce pour une 
cinquantaine d'années. Au lieu de prospérer dans la société, il deviendra un 
banni condamné à rester en dehors des murs de la cité, récupérant tous les 
jours son minimum vital après avoir travaillé une quinzaine d'heures (la 
période de révolution de Myrna est de trente heures et 54 minutes environ 
). Avec la mort de Glyon, il n'y aura aucune commisération pour lui de la 
part de ses congénères, car en tant que Niumi, il avait la responsabilité de 
son Zymbreke. 
Alsyen choisit de sortir par la porte. Il a déjà touché au cadavre de 
Glyon. Il lui suffit de dissimuler sa cage dans le labo et de s'échapper dès 
que la personne présente regardera ailleurs. Alsyen a d'ailleurs la faculté 
d'inspirer une présence à un cerveau dans une direction précise. 
Il lui suffira d'influencer l'humain pour détourner son regard vers la 
direction opposée à celle de la porte durant quelques secondes… 
Évasion 16
Cycle Beta 
* 
* * 
C'est d'ailleurs un humain chargé du nettoyage qui va lui permettre de 
mettre son plan à exécution quelques heures plus tard. Alsyen pénètre dans 
un couloir et décide d'aller le plus loin possible dans la même direction. 
Grâce à ses ventouses, il progresse au plafond et incite les quelques 
humains qu'il croise à regarder par terre, ce qui est assez simple car ils 
semblent à peine éveillés. 
Certains crient, mais il s'agit plus d'ordres que de cris de bataille ou de 
détresse. Il y a un sentiment de sécurité et d'habitude dans leurs esprits et 
ils semblent au dixième de leurs facultés de réflexion. Au bout de 
trois-cents mètres environ, Alsyen se retrouve à hauteur de la porte du 
labo. 
? ? ?. Alsyen est dérouté. Aucune fois il n'a obliqué à droite ou à gauche. 
Il est vraiment allé tout droit. Lorsque il atteint à nouveau la porte du labo, 
il décide de prendre la première à droite et de continuer tout droit. 
À une dizaine de mètres de l'intersection, il laisse une marque. Au bout 
de quarante mètres, il est bloqué et doit tourné à droite ou à gauche. Il 
choisit la droite après avoir fait une marque. Au bout d'un kilomètre, il 
trouve son trajet bien familier. 
Tout se ressemblerait donc. Il fait une nouvelle marque, marque qu'il 
retrouve trois-cents mètres plus loin avec dix mètres d'avance. Un humain 
est en train de la nettoyer. Il comprend tout d'abord qu'il est dans un espace 
circulaire, et un quart de seconde plus tard prend conscience qu'il est dans 
l'espace. 
La roue tourne sur elle-même afin de générer une force centrifuge qui 
crée un ersatz de gravitation artificielle. Les escaliers qu'il croise 
conduisent vers le centre qui doit être exempt de gravité. À cet axe, il peut 
y avoir un passage pour une autre roue ou pour d'autres éléments d'un 
vaisseau spatial. 
Cette fois, il réalise qu'il ne retournera jamais sur Myrna. 
Évasion 17
Unis 
Reno est un peu fatigué de la soirée précédente. Le C'fet n'y est pour 
rien. Il s'agit du manque de sommeil. La part consacrée au sommeil oscille 
entre six et huit heures par cycle de vingt-quatre heures, en fonction des 
activités. Seulement, cette fois-ci, ils n'ont dormi que quatre heures dans la 
chambrée, et lui-même a tourné et retourné sa journée précédente avant de 
sombrer dans un sommeil agité. 
Pour ne plus y penser et enfin trouver le repos, il a tenté de se souvenir 
des traits d'Alessandra, et des meilleurs moments qu'il a pu passer en sa 
compagnie. Ils se sont fâchés, avant qu'il ne s'engage, mais depuis son 
départ de la Terre, elle en est un peu devenue le symbole. Il y a certes des 
recrues féminines à bord mais elles sont cantonnées dans d'autres quartiers. 
Les mises en contact rares donnent lieu à quelques « échanges » de bons 
procédés pour les plus rapides, échanges n'étant pas du goût de la 
hiérarchie. 
Bien qu'il paraîtrait que certaines auraient un talent d'ubiquité et de 
partage assez étendu… selon des histoires de « grandes gueules ». La 
dernière fois, il a bu quelques C'fet , deviné quelques formes sous les 
combinaisons de travail et juste reniflé quelques effluves de parfum. Sa 
conversation n'a pas été non plus des plus brillantes, bien qu'elle ne le soit 
jamais vraiment. Mais là, il avait touché le fond et continué de creuser tout 
le reste de la soirée. 
Il doit, pour s'acquitter de sa corvée du matin, effectuer le nettoyage du 
couloir de la section C4. Le revêtement sombre, sorte de plastique très dur 
contenant les barres de métal permettant l’aimantation en cas de coupure 
de la gravité a en effet tendance à se ternir au passage des bottes de bord. 
Il s'agit de lui rendre un certain lustre avec la « cireuse ». Il n'y a pas de 
problème de poussières puisque l'atmosphère est filtrée lors de sa 
régénération via les conduits de ventilation qui évacuent les gaz nocifs et 
Unis 18
Cycle Beta 
redistribuent un air plus frais, rechargé en oxygène. Il en est presque à la 
fin du couloir à lustrer au moment où il croise Alsyen. 
Alsyen depuis un moment a reconnu de loin le jeune humain comme 
étant celui qui était avec le scientifique du labo la veille. À ce moment là, 
il avait déjà ressenti chez le jeune humain de l'affection pour lui, confondu 
avec un petit primate sans défense. Cette méprise était tout de même 
préférable à une curiosité scientifique un peu trop poussée. Il décide donc 
de capter son attention par une simulation télépathique pour attirer son 
regard jusqu'alors dirigé sur le sol. 
Reno lui parle doucement pour l'amadouer et s'approche 
précautionneusement pour ne pas l'affoler. « Alors, p'tit tu cherches à te 
barrer ? T'iras pas loin tu sais. Viens me voir. Là . Attend, j'ai un gâteau ». 
Il sort de sa poche un petit sachet de biscuits, reste du précédent petit 
déjeuner, en déchire l'emballage plastique, et tend le petit beurre en 
direction d'Alsyen. L'estomac de celui-ci se crispe. Il n'a pas mangé depuis 
longtemps. Que risque-t-il à goûter de la nourriture étrangère. De toute 
façon, il va mourir de faim s'il n'essaie pas. Il prend le biscuit d'une main, 
puis des deux et pend alors la tête en bas pendant qu'il grignote sans en 
perdre une miette. 
Reno en profite pour le saisir sur les flancs. 
Alsyen se laisse faire et se décroche. Chacun a fait le geste envers 
l'autre. Les deux ont les mains prises. Reno se penche pour observer 
Alsyen. Celui-ci lève alors les yeux pour regarder Reno tout en continuant 
de manger en confiance. 
Le ciment prend. Dès qu'Alsyen a fini le biscuit, Reno lui en donne un 
autre puis il approche le jeune Niumi de son épaule gauche. Alsyen se 
plaque à lui de façon à ne pas le gêner et Reno peut terminer son travail en 
vitesse. 
Il se précipite ensuite vers sa chambre, tentant de dissimuler tant bien 
que mal Alsyen lorsqu'ils croisent quelqu'un. 
Mais son manège ne passerait pas inaperçu si Alsyen ne détournait pas 
l'attention des humains par suggestion télépathique fugitive les incitant à 
regarder dans une autre direction. 
Une fois dans la chambre, Reno ouvre son placard et sort quelques 
friandises pour Alsyen. Celui-ci y fait honneur, et puis fait mine de lui en 
Unis 19
Cycle Beta 
offrir une. Reno sourit et accepte volontiers pour faire plaisir à l'animal. Il 
le caresse pour le remercier en mimant le plaisir de recevoir. Il se sait 
parfaitement ridicule mais ne s'en soucie pas. Par contre, les autres ne vont 
pas tarder à revenir de leurs corvées. Quoi leur dire ? Il décide donc de 
cacher le singe dans le placard. Il prend Alsyen dans les mains et le pose à 
l'étage de la nourriture tout en le caressant. Il lui fait une petite place, y met 
une serviette, l'installe dessus. L'animal semble accepter. Il ferme alors 
lentement la porte. Celui-ci ne semble pas s'en offusquer. Il rouvre. Alsyen 
fait mine de vouloir dormir. Rassuré, Reno referme la porte et met le 
cadenas. 
Alsyen a la certitude que l'humain l'accepte et n'ira pas prévenir le 
scientifique. Lui non plus n'a pas envie d'un Alsyen écorché flottant au sein 
d'une solution alcoolisée dans un bocal. Ici, il est encore en sécurité 
quelques heures. Il a senti au moment où Reno fermait la porte qu'il n'allait 
pas revenir tout de suite et qu'il craignait qu'Alsyen soit bruyant une fois 
enfermé. Alsyen l'a donc rassuré par persuasion télépathique afin qu'il 
puisse partir sans inquiétude. Inquiétude qui aurait pu tenter Reno de le 
ramener au labo. 
Cet humain pourrait-il être un bon remplaçant pour son Zymbreke ? 
Alsyen y pense déjà. 
La journée de Reno, comme celle de ses camarades, est réglée comme 
du papier à musique. Deux heures de sport au gymnase, deux heures de 
cours de spécialité, repas, informations en salle commune, instruction 
combat théorique, simulation de tir, sports de combat, corvées de bord, 
repas et ensuite retour en chambre et/ou foyer du soldat. Ainsi pendant 
deux jours. La troisième journée, c'est loisir, c'est-à-dire compétitions 
sportives et compétitions de jeux intellectuels. Mais il y a toujours une 
heure le matin et une heure le soir consacrées aux corvées de bord. 
Une journée de loisir sur trois, une manoeuvre virtuelle est organisée au 
profit de l'ensemble du vaisseau. Chacun 
est un joueur tenant son propre rôle dans une phase de conflit. Deux 
équipes s'affrontent, avec des variantes de moyens. 
Les gradés jouent la stratégie, mais connaissent aussi les qualités réelles 
de leurs hommes quand ils les font affronter en corps à corps des créatures 
chimériques. En effet, chacun gagne ses points de valeur grâce aux 
Unis 20
Cycle Beta 
contrôles continus dans les vraies matières de l'instruction militaire. 
Les chefs qui gagnent aux jeux virtuels gagnent aussi la considération de 
leurs subordonnés. Il y a deux façons de contrôler son avatar, double 
virtuel incorporé en 3D dans la simulation par les programmeurs lors des 
formalités administratives de la recrue sous la base d'un simple scan de 
l'original. Soit le joueur mime son action, et les nombreuses caméras des 
locaux transmettent l'information au réseau de serveurs affectés à la 
simulation et à sa distribution sur le réseau général, soit il pointe sur son 
écran les actions proposées du type « je tire », "je me mets à l'abri 
derrière » etc. etc. 
Des paroles peuvent être saisies en direct, des ordres notamment... 
D'autres sont simulées par une pré-programmation et lors d'éléments 
imprévus dans le cadre d'une action automatisée, comme un déplacement 
d'un point à un autre, suivi d'une chute malencontreuse dans un piège. Des 
« Aïe », des « Ouille », des jurons fleuris pour « détendre l'atmosphère », 
voire des cris d'agonie aux accents dramatiques, dont le réalisme (parfois 
caricatural) frise le ridicule, font l'objet de sophistications perverses de la 
part des programmeurs. En conséquence, tout soldat appréhende sa propre 
fin de partie, qui risque de déchaîner les rires de ses camarades, mais pas le 
leur. 
L'humour des informaticiens a pour consigne de ne pas respecter les 
gradés non plus. Ainsi, tout le monde se doit d'être aussi prudent, craignant 
pour son image comme il devrait craindre pour sa propre vie dans un 
contexte réel. 
Ces grands jeux en réseau servent donc à la cohésion de l'Armada du 
cercle, tout en ayant des vertus pédagogiques. 
Un soldat inactif est un soldat qui se relâche. Il devient un mort en 
sursis. Dans l'espace, l'ennui est aussi le pire ennemi à craindre pour ses 
conséquences sur le moral. Les activités doivent donc être équilibrées et 
permanentes. 
Bien sûr, dès que la situation l'exige, l'emploi du temps s'adapte aux 
circonstances. La priorité opérationnelle prend le dessus sur l'instruction. 
Durant l'attente, les petits gradés vérifient la parfaite connaissance des 
points-clés de l'action susceptible d'être réalisée. 
Unis 21
Cycle Beta 
C'est vers onze heures de l'heure « Quart C » que l'alerte est donnée. 
Une espèce animale inconnue s'est enfuie d'une enceinte sécurisée. Elle 
peut être n'importe où, il faut la retrouver avant qu'elle ne provoque des 
dégâts. D'aspect simiesque, elle semble tout de même inoffensive. Il faut 
essayer de la capturer vivante, mais aussi se méfier et prendre toutes les 
précautions, en particulier bactériologiques : des germes mortels peuvent 
subsister sous ses griffes, sa morsure peut être contaminante... 
Grâce aux hauts-parleurs intégrés un peu partout dans les cloisons, les 
hommes peuvent entendre le détail de la suite des opérations. La recherche 
va s'organiser secteur par secteur. Ces secteurs seront ensuite condamnés 
de manière étanche. Chaque compagnie va déployer une trentaine 
d'hommes par équipe de dix qui se déplaceront dans leur secteur de 
résidence ou d'entraînement avec des détecteurs de chaleur. 
Les autres équipes ont pour ordre de rejoindre dans un premier temps les 
salles de réunion afin d'y recevoir des consignes de recherche dans les 
zones communes. Les quatre roues, quartiers des escadres, doivent couper 
tout accès entre elles, comme avec la roue de l'état-major. Les secteurs 
périphériques, en apesanteur, réservés au stockage, aux serres et aux postes 
de combat sont eux aussi cloisonnés. 
« Ils vont retrouver le petit singe à tous les coups dans mon casier » 
s'affole Reno. Il se précipite dans sa chambrée au lieu de filer directement 
au foyer, car il n'est désigné dans aucune équipe de détection. 
Il se saisit d'Alsyen. Un instant, il l'abandonnerait bien dans le couloir, 
pour lui laisser sa chance. En aucun cas, il ne voudrait le livrer. Alsyen 
comprend instinctivement le désir de Reno et le rassure par son contact. 
Moins affolé, Reno prend son sac à dos de sport et y dépose doucement 
Alsyen à l'intérieur. Celui-ci se tapit au fond et reste immobile. « On dirait 
qu'il comprend » pense le jeune homme sans vraiment croire à cette réalité. 
Reno croise l'équipe de détection. 
— J'avais oublié mon kimono pour le quart de l'après-midi, dit-il au 
sergent. 
— Toujours la même tête de piaf, lui répond celui-ci, dégage ! 
Le détecteur n'a pas bronché, la signature thermique de l'humain ayant 
masqué celle du Niumi. 
Unis 22
Cycle Beta 
Deux heures plus tard, des rations sont distribuées. Les recherches 
continuent… en vain. 
À la passerelle de commandement, le scientifique en prend pour son 
grade. Il n'est pas le seul à devoir redouter les foudres de la hiérarchie. On 
« découvre » à bord des dizaines de rats, des animaux familiers passés en 
fraude comme des hamsters et même un furet et deux chats. Avec eux, des 
puces à foison, vecteurs potentiels de contamination redoutables. 
Une seule silhouette reste calme et détendue, silencieuse et énigmatique, 
au milieu de l'agitation générale. C'est l' « Amiral ». Son grade sert de 
nom, de prénom, d'épouvantail ou de dieu vivant à bord. Quand on parle de 
Lui, c'est avec crainte et respect, y compris dans son entourage direct, et 
surtout quand « ça chauffe ». On ne l'interroge jamais sur la conduite à 
tenir. On fait ce qu'il dit, on fait ce qu'on pense qu'on doit faire quand il ne 
dit rien, en lui jetant parfois un regard pour tenter de lire sur son visage une 
preuve de son assentiment. Un visage dur, de parchemin cuivré, avec un 
nez crochu, une mâchoire carrée, des lèvres quasi-inexistantes. Des 
cheveux blancs, très courts et drus. Surtout, comme pour les autres 
vétérans, ce qui marque le plus, ce sont ses yeux : tout de marbre blanc, 
veinés à l'or fin, avec un soleil rouge pour iris éclipsé par une pupille gris 
de cendre. 
Entre l'Amiral et son état-major frais émoulu des grandes écoles 
militaires terrestres, il y a encore toute la distance entre la terre et le dernier 
cercle. Il n'y a qu'au milieu de ses vétérans qu'on a pu de loin l'entendre 
rire. Mais pourquoi donc ces vieux débris du siècle dernier ont été rappelés 
dans le cercle Bêta ? 
L'Amiral laisse le soin à son second d'invectiver tous les commandants 
et capitaines pour leur incompétence crasse et l'inefficacité de leurs 
troupes, incapables de retrouver un boeuf dans un couloir. Ceux-ci s'en 
prennent ensuite à leurs lieutenants et leurs sous-officiers par radio, pas 
même fichus de commander un C'Fet au foyer et de trouver leur ... pour 
pisser. À tous les niveaux, les fouilles s'intensifient dans la plus grande 
agitation. Les casiers personnels sont ouverts, fouillés, vidés pour en 
vérifier le moindre recoin. 
La liste des coupables d'infractions aux règlements s'allonge encore. 
Alcools, cigarettes, drogues, et même armes blanches, argent sale, photos 
Unis 23
Cycle Beta 
compromettantes… Rien n'échappe aux équipes de recherche. Pas même, 
dans les zones périphériques, quelques « garçonnières » improvisées au 
milieu des rangées de stockages ou dans les alvéoles d'armement. 
De nouvelles équipes sont constituées, pour aller chercher dans les 
compartiments périphériques, et dans les quartiers des autres escadres. 
Ainsi, personne ne peut être protégé dans son propre secteur de 
responsabilité. 
Une nouvelle moisson d'entorses aux règlements s'annonce. 
Le représentant des vétérans s'insurge. Il demande à parler à l'Amiral. 
Celui-ci, le voyant arriver de loin, le reçoit avec le sourire, mais sans lui 
laisser le temps de prendre la parole. 
— Je sais ce que vous allez me dire. Ces ordres ne s'appliquent pas pour 
vos quartiers, désignez parmi vos hommes ceux qui vont VOUS 
accompagner pour y chercher le singe. 
— Bien Monsieur, à vos ordres. 
Quatre heures plus tard, distribution de rations de type « cycle de 24h » 
à chaque personnel. Les équipes de recherche sont relevées, et le seront à 
nouveau toutes les deux heures. Reno, intégré dans une équipe pour la 
prochaine période, ne s'étonne pas de son culot, oubliant même qu'il est 
porteur de l'objet de toute cette agitation.. Alsyen veille au grain. 
Dans tous les foyers, les commentaires vont bon train. Certains boivent 
plus que de coutume afin de se préparer à leur future sanction. En effet, ils 
savent que ce qu'ils dissimulaient a dû être découvert ou est en passe de 
l'être. D'autres commentent. Jean-Louis, de la chambrée de Reno, en 
profite pour mettre en avant son camarade en lui demandant de raconter à 
nouveau son histoire. Piégé, Reno reprend son récit, pour un public assez 
large cette fois. 
Dans le sac, Alsyen vit au travers des images ressenties dans le souvenir 
de Reno l'histoire telle qu'elle a été vécue par celui-ci. 
Il entend d'abord ses rires, confondus par l'humain avec des cris de peur. 
Il aperçoit Glyon, son frère spirituel, au travers des yeux de Reno, l'image 
terrible un monstre rugissant jouant avec sa pauvre victime avant de la 
dévorer d'un coup de gueule. Il distingue, au travers du viseur de l'arme, le 
visage de son ami exploser sous l'impact du projectile sonique. Il se voit, 
inanimé, flottant sur le ventre à la surface du plan d'eau, risquant se noyer. 
Unis 24
Cycle Beta 
Il voit Reno, le peureux, se lancer sans réfléchir pour le récupérer. Il voit 
intimement, agir, vibrer, celui qui est à la fois l'assassin de son Zymbreke, 
son sauveur et le responsable de tous ses malheurs. 
Alsyen est bouleversé. Glyon est mort. Il est seul dans le labo. Il a envie 
de le rejoindre. Reno finit son histoire. Alsyen le pousse à montrer ce qu'il 
a dans le sac. Reno lutte. Non, il ne veut pas. Alsyen insiste. Reno a peur 
aussi des représailles du commandement. Alsyen le rassure, puis l'incite à 
nouveau. Reno vide sa brique de C'fet et conclut. 
« Et ce matin, j'ai retrouvé le singe. C'est mon ami. Il est là. » 
Il sort Alsyen du sac. Celui-ci se colle à lui contre l'épaule un instant, 
puis s'y perche. La salle se tait. Alsyen voit ces trois-cents têtes tournées 
vers lui et les affronte du regard. Il saute sur le bar, fait mine de boire du 
C'fet à la paille. L'éclat de rire est général. 
Le spectacle est retransmis à la passerelle. Le chef d'escadre responsable 
de Reno est blanc comme un linge. 
L'amiral contre toute attente sourit. Alsyen a goûté à un hamburger, l'a 
jeté par terre puis se régale avec des cacahuètes, en jette une en l'air, la 
rattrape dans la bouche. Et ainsi de suite... Il effectue des tours de plus en 
plus difficiles et cabotins. Il exécute aussi quelques pas de danse 
improvisés sur le bar, deux trois cabrioles et tout le monde s'esclaffe. Les 
sous-officiers n'arrivent pas à passer pour les rejoindre. L'amiral se tourne 
vers le chef d'escadre. 
— Mon cher Patrick, j'aimerai beaucoup voir ce jeune homme avec son 
animal dans mon bureau dans dix minutes. 
— Je donne les ordres Monsieur. 
— C'est ça. Amenez-les moi. 
Il sort ... prestement. L'Amiral s'adresse alors au reste de son staff, avec 
un petit sourire en coin qu'on ne lui connaissait pas. 
— De temps en temps, une petite mise au point est nécessaire non ? 
J'attends pour demain matin le résultat par escadre de toutes les 
« découvertes ». Je pense que le bilan est très positif et la leçon bonne à 
prendre… 
Le chef de section et son adjoint encadrent Reno et Alsyen. Ils ont 
essayé de les séparer, mais Alsyen s'est agrippé à Reno de toutes ses forces 
en poussant des cris perçants quand ils lui ont tiré sur les membres pour 
Unis 25
Cycle Beta 
tenter de le faire lâcher sa prise. Reno s'est emporté, contre toute attente de 
la part d'une jeune recrue. Alsyen les a intérieurement couverts de honte et 
ils ont préféré capituler. 
Le chef d'escadre marmonne sa vengeance entre les dents. Il ne veut rien 
dire avant la décision de l'amiral, mais Reno comprend qu'il ne perd rien 
pour attendre. La sanction sera exemplaire. Il finira comme cireur de 
godasses pour toute l'escadre. 
Alsyen a retrouvé un peu le moral. Il en veut moins à Reno qui s'est mis, 
pour lui, dans une sacrée mauvaise passe. Seulement, c'est aussi sa survie 
qui se joue. 
Dans la salle d'attente, malgré les sièges confortables, personne ne 
s'assoit. L'amiral est en vidéo-contact permanent, supervisant la fin des 
inspections en cours dans les derniers secteurs qu'il a décidé de mener à 
leur terme. Il faut dire, qu'ironie de l'histoire, on a retrouvé sa cantine 
égarée depuis vingt-sept ans relatifs. Il n'était alors que jeune lieutenant 
muté sur ce vaisseau-école pour se préparer à la conquête des dernières 
planètes delta. Avec trois de ses camarades, disparus aujourd'hui, ils 
avaient été bizutés et ils avaient dû se débrouiller sans leurs affaires 
personnelles durant deux semaines. Par contre, lui avait dû faire sans 
jusqu'à aujourd'hui. À l'époque, il n'y avait qu'une roue centrale. Une 
excellente nouvelle donc. 
Qu'ont-ils bien pu retrouver d'autre qu'ils n'ont pas signalé ? Finalement 
ce vaisseau avait bien besoin d'un peu de remise en ordre. Il n'empêche que 
s'il tenait le petit malin qui à l'époque avait collé l'étiquette « Jouets 
d'enfants 0-3ans » sur sa cantine et l'avait planquée dans une salle 
d'archives... Un pseudo camarade d'alors, sans doute, qui a bien dû se 
moquer de lui dans son dos...mort certainement depuis, avec son petit 
secret. 
N'a-t-il donc survécu que pour la retrouver ? Il sait qu'à l'intérieur, il y 
avait laissé les photos de sa vieille Jessie, une chienne de quinze ans morte 
deux jours avant son embarquement et avec laquelle il avait vécu 
quasiment toute son enfance. 
Alors il a une idée. Une idée pas bien nouvelle puisque elle a juste été 
perdue à l'occasion des débuts de la conquête spatiale. 
Unis 26
Cycle Beta 
Il va restaurer la tradition des mascottes à bord. Les fouilles ont mis à 
jour un cheptel assez conséquent qui en démontre le besoin. Il sait aussi 
que les vétérans cachent une créature bizarre qui ne doit jamais être 
montrée à d'autres. Alors ce petit singe extra-terrestre va devenir la 
mascotte du vaisseau, et ce jeune homme qui a su gagner sa confiance en 
sera le responsable. 
Le scientifique tripailleur et collectionneur de bocaux quant à lui sera 
responsable de l'hygiène et de la santé de tous les animaux classifiés 
« familiers ». 
Pour le désordre induit par cette recherche effrénée, ce seront tous les 
magouilleurs et les tarés qui paieront les pots cassés. L'humanité traîne 
avec elle une fange que l'espace doit permettre de purifier. Mais la vie, si 
rare dans l'univers, est sacrée. Même les rats seront adoptables. Cependant 
leur reproduction va être régulée. 
En plus de la charge d'entretien du petit singe, le jeune va tout de même 
récupérer une corvée moins glorieuse. Le risque sanitaire est un risque à 
prendre au sérieux. 
Une sanction doit donc s'appliquer. Il va devenir durant deux heures par 
cycle jour de douze heures responsable de l'entretien des latrines jusqu'à la 
fin de sa formation. Cela dissuadera les amateurs d'adoption en douce 
d'espèces extra-terrestres à bord. La prochaine planète d'exercice est en 
effet peuplée par une faune parfois redoutable. 
Unis 27
Nouvelle vie 
À peine sorti de chez l'amiral, Reno est devenu le VIP de l'escadre. Mais 
les jeunes évitent pour l'instant de lui manifester leur sympathie car la tête 
sinistre des deux cadres de la section qui l'accompagnent en dit long sur sa 
popularité dans la hiérarchie. 
Pourtant, après que l'amiral l'ait tout de même tancé pour avoir cacher 
l'animal recherché, Reno a été un peu interrogé sur le déroulement de son 
instruction. Il n'a pas critiqué ses chefs malgré les brimades plus ou moins 
légères et au bon goût contestable subies durant sa formation initiale, puis 
au quotidien durant la formation complémentaire actuelle. Il a parlé de la 
peur de voir l'animal disséqué par le vétérinaire scientifique alors qu'il 
pensait lui avoir sauvé la vie pour justifier son acte. Mais Reno n'en menait 
pas large et ses cadres auraient préféré présenter au « grand chef »un 
« velu » plus représentatif de la qualité de leur instruction. 
L'énoncé de la peine ne les a pas satisfaits. Eux vont devoir subir les 
avanies de leurs collègues pour les fouilles entreprises et leurs 
conséquences dérangeantes. Ce Reno porte-poisse est vraiment la pire 
chose qui leur soit arrivée. Il ne manquait plus qu'il devienne un 
« chouchou » intouchable à haut niveau. 
Alsyen, sentant l'animosité des deux humains vis-à-vis de Reno, prend 
parti pour celui-ci même sans en comprendre la raison. (il ne connaît pas 
encore leur langage). Il décide de stimuler un peu plus leur sentiment de 
frustration, ce qui leur serre bien la gorge. Il prend soin aussi de rassurer 
Reno, plutôt bouleversé. 
Heureusement, l'amiral a donné quartier libre pour le reste de la journée 
à toutes les recrues non prises par le service, afin de remettre de l'ordre 
dans leurs affaires. Autre largesse : malgré les rations distribuées, le repas 
chaud devra être prêt pour le soir. Ce sera le premier signe du « retour à 
l'ordre ». 
Nouvelle vie 28
Cycle Beta 
Le sergent Coll quant à lui hérite d'une demande de punition pour avoir 
dissimulé dans son casier un Neurovid avec des contenus pornographiques 
interdits. Ceux-ci montrent des humaines en pleine action avec des 
Alcychiens, animaux pacifiques de la planète Alcyde, domestiqués pour 
protéger les alentours de la base, et dont la tendance aux câlins profonds à 
l'attention des femmes de colons est légendaire. 
Il va aussi subir un examen médical complet, suivi d'une rééducation 
psychologique de plusieurs semaines. À l'origine, un Neurovid était prévu 
pour se connecter directement sur le cerveau à travers les tempes. Une 
émission de rayon photonique à travers le crâne permettait de modifier les 
perceptions visuelles et donc de montrer en grand des scènes virtuelles. 
Mais ils furent interdits après des accidents qui rendirent leurs usagers 
aveugles : les synapses des neurones cognitifs au contact des neurones 
optiques subissaient de graves dommages dus à une sur-stimulation 
d'acétylcholine, et divers autres neuro-transmetteurs habituellement 
sécrétés en quantité infinitésimale. Facteur aggravant : le principe avait 
évolué avec la distribution de ce produit à grande échelle. Le Neurovid 
ressemblait à un simple baladeur avec des écouteurs. Le signal visuel cette 
fois était transmis au cerveau via les nerfs auditifs. Cela permit aux 
premières victimes de l'ancienne technologie de retrouver la vue grâce à 
une caméra fixée sur des lunettes reliées au Neurovid. Mais malgré toutes 
les précautions, à la longue, des troubles auditifs, acouphènes comme 
hypoacousie apparaissaient, ainsi que des altérations irréversibles de 
l'oreille interne. 
Les Neurovids auraient donc dû rapidement tomber dans l'oubli si un 
trafiquant minable n'avait pas eu l'idée de les utiliser pour du porno. Afin 
de s'assurer des clients, il avait fait évoluer le dispositif. Commercialement 
rebaptisé Porn-Neurovid, l'engin fait parvenir par les nerfs optiques non 
seulement des scènes obscènes, mais aussi des signaux « fleshy », 
provoquant une excitation sexuelle artificielle directement au niveau du 
cerveau, puis par réaction, au reste du corps. Un effet de dépendance 
survient alors assez vite, surtout chez des hommes privés de relations 
sexuelles durant de longues périodes, comme ceux contraints à de longs 
trajets dans l'espace par exemple. 
Nouvelle vie 29
Cycle Beta 
Le corps des FCP ne peut tolérer la moindre dépendance psychologique, 
surtout lorsque elle s'accompagne de dégénérescence mentale et physique. 
Le sergent Coll risque se retrouver débarqué au retour sur Bêta prime pour 
redevenir simple colon durant la durée de son contrat initial de vingt ans. 
S'il est reconnu inapte, il va être dégradé et affecté à des tâches 
primaires. 
Cela, les jeunes recrues l'ignorent totalement pour l'instant mais le chef 
de section sait qu'il va regretter ce sergent prometteur, moins « bourrin » 
que le reste de l'encadrement, physiquement « chat maigre » et dont le 
commandement impose naturellement le respect sans contrainte aux 
jeunes. 
Un peu ce qu'il aurait souhaité pour lui-même, mais qu'il n'était pas 
parvenu à réaliser. Trop ambitieux, trop pressé pour prendre le temps 
d'atteindre les objectifs dans les règles de l'art, il s'était rabattu sur « les 
bonnes vieilles méthodes » pour tenter d'y parvenir quand même. 
Dans la chambre de Reno, les recrues se passent et se repassent Alsyen. 
Tout le monde veut le toucher, l'amadouer et Reno n'a pas le coeur de 
refuser ce plaisir à ses camarades. Alsyen n'apprécie pas vraiment mais il 
sent la sympathie communicative de tous ces jeunes humains et il se laisse 
faire avec bonne grâce. Néanmoins, il ne recommence pas son numéro au 
milieu des briques de C'fet. Sinon, la chambre risque devenir un music-hall 
et il estime que même un « animal » doit avoir droit à sa dignité. 
Au réfectoire, Alsyen n'a pu que regarder les humains manger. Son 
dernier repas est assez loin. Heureusement Jean-Louis y pense. 
— Et qu'est ce qu'il mange ton singe ? 
— Pour l'instant, je suis sûr qu'il aime les biscuits, les cacahuètes mais 
pas les hamburgers 
— On a eu des rations. On n'a qu'à les ouvrir et voir ce qui lui plaît 
— Excellente idée. 
— Moi j'ai une numéro 3 avec du porc aux patates. 
— Et moi une 7 avec mouton haricots. 
— Il préférera peut-être la 11 avec des cannelloni. 
— Je suis sûr qu'il aime les corn-flakes au chocolat… 
La table commune se couvre de victuailles industrielles et Reno pose 
Alsyen à côté en lui proposant un biscuit. Alsyen prend le biscuit, le 
Nouvelle vie 30
Cycle Beta 
mange puis, oh quelle intelligence, se met à renifler tout ce qui est sur la 
table. 
I l n e m a n g e j a m a i s d e v i a n d e o u d e p o i s s o n . Q u e s t i o n 
d'éducation. Néanmoins, il lui arrive assez souvent de manger sur Myrna 
certains gros insectes et des sortes d'escargots à condition qu'ils soient 
servis vivants. Les oeufs d'oiseaux comme de reptiles sont aussi des mets 
de choix mais il n'en abuse pas. Les Niumis ne consomment pas de 
nourriture cuite. Omnivores, ils s'astreignent à un régime carné minimum. 
Ils lyophilisent quand même la nourriture pour mieux la conserver sous 
vide ensuite car il s'agit d'une technique dérivée du séchage des fruits. 
Friands de nombreuses espèces de graines,, ils n'ont jamais ressenti le 
besoin d'en faire de la farine pour la cuire. Au contraire, le grain entier se 
conserve mieux dans les filets silos. Déjà, les biscuits plaisent beaucoup à 
Alsyen. Contraints de goûter pour survivre, Alsyen découvre avec plaisir 
les corn-flakes au miel. Ceux au chocolat sont un pur délice. Le fromage 
par contre l'intrigue beaucoup. De peu, il évite de se trahir, tenté un bref 
moment de prendre le verre de lait à la main, malgré sa grosse taille pour 
lui. Il se met donc à laper pour la « première » fois. Par la suite, pour en 
boire d'une manière plus civilisée, il fera quelques simulacres d'imitation, 
feignant ainsi d' « apprendre » à boire au verre. 
Néanmoins, il va lui falloir tout d'abord apprendre à communiquer 
comme un animal mais surtout à comprendre réellement les humains, c'est 
à dire leur langue en plus de leurs émotions et de leurs motivations (Alsyen 
jusqu'à maintenant « sent » le geste de l'humain avant qu'il ne le réalise). 
Ensuite, il lui faudra savoir lire. Malgré son extraordinaire mémoire et 
son intelligence par rapport à un humain, un apprentissage non organisé est 
toujours pénible. Impossible dans son cas de demander un abécédaire avec 
des images, des enregistrements sonores et un professeur. 
Il y a un mot facile à apprendre. Allez, c'est pour maintenant. Alsyen 
prend une poignée de raviolis et la lance sur Reno. Tout le monde rit sauf 
l'intéressé qui part dans une diatribe négative incompréhensible. Donc, 
Alsyen recommence. « Non, arrête » dit Reno. Alsyen reprend une 
poignée. Reno retient son bras. « Non » répète t-il. Alsyen relâche son bras 
puis va pour lancer. Reno le retient à nouveau et lui présente sa main près 
de la tête, comme pour le frapper. « Non » insiste t-il. Alsyen repose les 
Nouvelle vie 31
Cycle Beta 
raviolis dans la boite. « Oui, c'est bien » dit Reno. Alsyen se lèche la main, 
alors qu'il préférerait se l'essuyer, puis va pour se coller contre Reno. 
« Oui, c'est bien. Gentil le singe » 
Reno le caresse. Alsyen peut sentir l'affection qui lui est destinée. Pas 
rancunier l'humain. 
Jean-Louis alors pose la question fatidique. 
— D'abord c'est même pas un singe. Et puis, on va l'appeler 
comment ? 
— Je ne sais pas. 
— Moi je sais. Caubard ! » 
Tout le monde rit. Donner le nom du chef de section au singe, c'est 
amusant, mais plutôt déconseillé. L'humour risquerait ne pas être partagé 
par les cadres. 
— Et pourquoi pas Willy ? 
— C'est nul comme idée. 
— Tarzan. 
— Léon. 
— Non, moi je sais. Flipper. 
— Pff. 
— Nikita ! 
— C'est un mâle ! Arrête de l'appeler comme ça. 
— Rex. 
— C'est pas un chien. 
— Nabudochonossor. 
— C'est Nabuchodonosor et c'est trop long. 
— Rocky. 
— Riton. 
— P'tit louis. 
— Dicentim. 
— Non. Ça va pas. Mais on peut organiser un vote. 
— Oui. On sélectionne plusieurs trucs parmi les meilleures idées et on 
choisit. 
— Ça lui irait bien Coco Barge. 
— On reconnaîtrait encore le chef et ça fait perroquet. 
Nouvelle vie 32
Cycle Beta 
Jean-Louis s'approche de l'oreille d'Alsyen et doucement l'appelle 
« Bleno !». Alsyen tourne la tête et Jean-Louis fait « Vous avez vu ? 
Bleno réagit » 
Reno secoue la tête de gauche à droite. Vraiment, ils sont tous nuls. 
Mais c'est vrai, comment l'appeler ? 
Nouvelle vie 33
Alsyen s'implique 
Alsyen s'est installé sur les cuisses de Reno et fait mine de jouer avec le 
hochet lumineux à variation de spectre en le tournant dans tous les sens et 
en le mordillant. En fait, il observe les doigts de Reno et l'écran. La 
mémoire d'Alsyen lui permettrait déjà de se connecter car sans comprendre 
les caractères, il les a déjà tous retenus, comme enregistré la réaction de 
chacun d'eux à l'écran. 
Les Niumis utilisent des ordinateurs depuis une vingtaine de siècles. 
Néanmoins, leur planète n'est industrialisée qu'à moitié et les Niumis n'ont 
fait aucune découverte technique. Depuis plus de cent-mille ans, ils ont 
évolué de concert avec les Zymbrekes. D'abord symbiotique et animale, la 
relation avec les Zymbrekes a connu les rapports maître-esclave pendant 
cinquante-mille ans. Puis cette situation est devenue insupportable aux 
Niumis, qui, ayant acquis une certaine sagesse, commençaient à influencer 
les cerveaux des Zymbrekes pour les faire accéder à l'intelligence. 
Trente-mille ans plus tard, des colons xhantiens débarquèrent sur Myrna la 
Forestière. Ils s'installèrent près des fleuves, dans les plaines et chassèrent 
les Niumis à coup de désintégrateurs. Mal leur en prit. À chaque violence 
commise par un groupe de colons, ceux-ci se retrouvaient rapidement 
décimés par des Zymbrekes, ayant parvenu mystérieusement à s'introduire 
derrière les barrières de sécurité les plus sophistiquées. 
Les Xhantiens avaient installé une station orbitale. Au télescope, ils 
purent observer Niumis et Zymbrekes découvrant les objets technologiques 
abandonnés, puis apprenant à s'en servir. 
Ils comprirent alors que les massacres à coups de griffes n'étaient donc 
qu'une mise en scène. Dès le départ, ils auraient pu retourner les armes des 
envahisseurs contre eux. Il s'agissait d'espèces intelligentes : il fallait agir 
autrement. 
Alsyen s'implique 34
Cycle Beta 
La troisième expédition xhantienne fut donc précédée d'une navette 
diplomatique sans aucun armement. Un groupe de volontaires se porta à la 
rencontre des Zymbrekes. Lorsque ceux-ci voulurent lancer l'assaut, les 
Xhantiens présentèrent des objets en cadeau. Il n'y eut cette fois aucune 
victime et les trois races sympathisèrent. 
Les armes saisies sur les cadavres furent restituées aux Xhantiens 
spontanément au bout de quelques jours. Alors, les colons xhantiens 
débarquèrent non armés et purent s'installer là où ils le souhaitaient. 
Des couples Niumis-Zymbrekes (Deux Niumis et deux Zymbrekes) se 
présentèrent au devant des implantations et manifestèrent leur désir de 
vivre au sein de la communauté xhantienne. En réciprocité, certains 
Xhantiens durent aller vivre avec les colonies des Niumis. 
En moins d'un siècle, il y avait deux types de quartiers dans les villes de 
Myrna. Celui qui était adapté au mode de vie autochtone, et celui adapté 
aux Xhantiens. Les Xhantiens sont des créatures humanoïdes à la peau 
sombre et écailleuse. Leur nez est presque plat, à quatre fentes. Leurs 
oreilles sont petites et cylindriques de part et d'autre de la tête. Enfin, ils 
mesurent plus de deux mètres cinquante. L'habitat ne peut donc être 
commun avec les Niumis, hauts de quarante centimètres maxi sur la pointe 
des pattes ayant leurs « propres appartements » à l'étage auxquels ils 
accèdent par un pilier-tronc, tandis que le rez-de-chaussée est réservé aux 
Zymbrekes, mesurant environ un mètre cinquante, se déplaçant sur des 
tentacules et souhaitant vivre en permanence sur un sol nu et naturel. 
La « villa-immeuble » est d'ailleurs conçue pour protéger une colonie de 
Niumis à l'étage, avec le nombre équivalent de Zymbrekes au 
rez-de-chaussée. 
Les Niumis permirent aux Xhantiens de régler leurs problèmes 
ethniques sur leur planète, par leur philosophie et leur pacifisme, 
rapidement à la mode au sein de l'élite xhantienne. Ils devinrent très vite 
ambassadeurs adjoints, au service de chaque partie, afin d'arbitrer et régler 
les problèmes internes des Xhantiens avec pragmatisme. Leur 
collectivisme permit aussi de rationaliser la production, de mettre en place 
un partage équitable des ressources et de maintenir la motivation de tous 
les individus en récompensant le travail accompli par des fournitures 
inédites, cependant non vitales. Ils firent aussi redécouvrir aux Xhantiens 
Alsyen s'implique 35
Cycle Beta 
les charmes d'une pharmacopée naturelle grâce à leur excellente 
connaissance de la flore myrnienne, encore intacte et riche en plantes 
médicamenteuses. Les chimistes xhantiens parvinrent d'abord à synthétiser 
les molécules actives, et finalement prirent le parti de la culture des plantes 
elle-mêmes, avec les quelques manipulations génétiques adéquates pour 
améliorer leur rendement et en permettre un développement contrôlé sur 
les sols déserts ou pollués de Xhantios. Diverses techniques d'extraction 
des principes actifs s'avérèrent bien plus profitables que de jouer 
industriellement avec des éprouvettes... 
En échange, les Xhantiens devinrent partenaires pour la réalisation 
d'usines de produits manufacturés pour les Niumis et les Zymbrekes, dont 
la nudité fut déclarée « choquante ». Les Niumis découvrirent donc les 
heures de travail (seulement la moitié de la journée un jour sur deux) pour 
pouvoir se procurer ces produits. Le binôme Zymbreke (avec ses bras et 
tentacules) et Niumi était quand même aussi efficace que six Xhantiens. 
Myrna exporta très rapidement des produits pour Xhantiens fabriqués 
grâces aux ressources naturelles de la planète et grâce au travail 
niumio-zymbreke. Puis, il y eu très rapidement des techniciens, des 
concepteurs et des créateurs niumis car leur vive intelligence était étayée 
par une mémoire phénoménale. 
Enfin, en dehors de leurs heures de travail, les Niumis élaborèrent des 
dictionnaires, des méthodes d'apprentissage, des bilans de découvertes... 
sur leur réseau informatique global. Ils accédèrent ainsi à une culture de 
l'écrit, une révolution, car jusqu'alors, toute la transmission des savoirs et 
des traditions était orale et télépathique. Aucunement pervertis par une 
histoire sanglante et des idéologies hégémoniques, tout à fait innocents 
face à l’oedipe, incapables de comprendre le besoin de richesses, leur 
motivation était la recherche de la connaissance et de la sagesse. 
La possibilité de voyager loin allait perturber quelques équilibres. Pour 
pouvoir s'offrir des vaisseaux spatiaux, il fallait quand même gagner 
beaucoup de crédits. De plus, les plaisirs d'une drogue concentrée (alors 
que les Niumis en consommaient seulement sous forme naturelle le soir 
pour se détacher l'esprit), interdite de surcroît encouragèrent quelques 
comportements déviants comme l'escroquerie et la masturbation en public. 
Mais il n'y eu jamais violence ou meurtre en effet secondaire. 
Alsyen s'implique 36
Cycle Beta 
Alsyen faisait donc partie d'une famille aisée. Ele possédait d'ailleurs 
deux vaisseaux spatiaux. Celui qu'il avait « emprunté » pour sa petite virée 
funeste dans l'espoir d'un « détachement » plus jouissif retournerait de 
lui-même au bercail après une centaine d'alternances jour/nuit … 
Tenir compagnie à Reno durant ses cours l'avait déjà amené à apprendre 
notre alphabet dans l'ordre des touches du clavier. De plus, comme souvent 
Reno répondait au logiciel en parlant à voix basse mais perceptible par un 
micro d'oreille interprétant les vibrations des os de la mâchoire, et que le 
logiciel de synthèse vocale affichait la réponse dans les cadres de saisie, 
Alsyen connaissait déjà un certain nombre de phonèmes à la fin de la 
journée. 
Il pouvait ainsi reconnaître dans une phrase un objet nommé en sa 
présence assez rapidement. Il y avait tout de même une difficulté 
particulière à la langue humaine. Aucune des trois langues (Niumi, 
Zymbreke, Xhantien) connues d'Alsyen ne comportaient d'articles et il 
existait quatre genres : masculin, féminin, neutre et associatif (genre 
réservé au binôme Niumi-Zymbreke). Avec le nombre et la fonction dans 
la phrase, tout était une question de déclinaison à la fin du mot. Le verbe 
était donné accordé en début de phrase, puis suivait l'adverbe éventuel, le 
groupe sujet, (un groupe est composé d'adjectifs invariables car c'est le 
nom commun qui porte la marque du genre et nombre) toujours sans 
subordonnée à l'intérieur, et enfin le groupe action, suivis des groupes 
circonstanciels, toujours sans subordonnées. Voila pour le langage parlé. 
Dans le langage écrit par contre, après le dernier groupe circonstanciel, on 
introduisait les subordonnées par un pronom qui indiquait, soit le groupe 
objet, soit le groupe action, soit enfin le numéro du groupe circonstanciel. 
Les pronoms personnels sujets n'existaient pas puisque le verbe, accordé 
par un suffixe à la bonne personne du singulier ou du pluriel, indiquait déjà 
les renseignements. Cela donnait des phrases du genre « Boije » (je bois). 
« Boije eau quiobjet coule dans grande forêt qui1 recouvre verte planète ». 
La négation, quant à elle, se plaçait devant le verbe quand il y avait lieu. 
Quelques autres règles avec des conjonctions de coordination 
régentaient les règles de position, d'appartenance, d'antériorité etc. etc. 
Alsyen allait avoir au début un peu de mal à s'y retrouver, malgré son 
intelligence et sa mémoire. Les langages de la terre avaient fusionné en un 
Alsyen s'implique 37
Cycle Beta 
franglais extrêmement compliqué à cause de l'exception culturelle d'un 
petit pays de trente millions d'habitants. Celui-ci, héritier d'une « Grande 
Histoire de Lui-Même », avait voulu, et obtenu par influence une 
académie planétaire composée « d'immortels » pour régenter le bon emploi 
des mots et leur certification, comptant ainsi éviter des termes « locaux » 
même dans les futures terres conquises. 
Le pire vint ensuite des huit cents « immortels », menant de grandes 
luttes d'influence et d'ego tout en prétendant sauvegarder l'étymologie des 
mots alors qu'ils devaient être homogénéisés. Quant aux phrases, les 
grammairiens menaient d'épiques batailles pour défendre telle ou telle 
exception dans les règles universelles. Sans les correcteurs 
orthographiques ou les logiciels de synthèse vocale, nul n'écrirait de terrien 
académiquement correct. 
D'où un retour à un langage parlé universel assez fruste qui 
correspondait très bien à l'action en ces périodes d'émancipation. Mêmes 
certaines onomatopées pouvaient être lourdes de sens chez quelques 
taciturnes, significations très accessibles à la télépathie d'Alsyen se basant 
sur les émotions et les motivations liées au déclenchement de l'usage de la 
parole. Mieux, Alsyen pouvait sentir le mensonge ou la méchanceté 
derrière chaque message apparemment sibyllin chez la plupart des 
créatures intelligentes. 
* 
* * 
À la mi-journée, alors que toute la section finissait son repas, Reno 
amena Alsyen en chambre dans les locaux de la section. Il croisa le sergent 
Coll, ou plutôt l'ombre du sergent Coll. Celui-ci revenait de la visite 
médicale et les résultats d'analyse étaient mauvais. Le docteur avait décidé 
de temporiser la décision du commandement en prévoyant une 
contre-visite trente cycles/jour plus tard pour jauger d'une éventuelle 
amélioration après suppression par le sujet de l'usage de sa Neurovid. 
Néanmoins, il pensait certains dommages irréversibles. 
À sa vue, et sans connaître la cause de sa tristesse, Reno proposa de bon 
coeur au sergent Coll une C'fet et celui-ci accepta. La conversation resta 
anodine et tourna autour d'Alsyen tandis que celui-ci mangeait. Alsyen 
Alsyen s'implique 38
Cycle Beta 
perçut la détresse du sergent et les dégâts occasionnés par le Neurovid sur 
ses zones temporales. 
Entraîné par la sympathie de Reno, il décida donc de stimuler certaines 
synapses qui allaient relancer la production d'hormones et de 
neurotransmetteurs qui eux-mêmes déclencheraient les réparations de 
manière naturelle. Le Neurovid « désamorçait » et déréglait trop de 
mécanismes pour que la réparation se relance d'elle-même. Il faudrait juste 
que pendant deux semaines, Alsyen puisse croiser Coll quotidiennement 
pour re-stimuler l'ensemble et ensuite, les choses se soigneraient 
d'elles-mêmes progressivement, totalement en quelques mois, mais déjà 
aux trois-quarts dans les deux premières semaines. 
Coll prit congé de Reno avec un « Merci, c'était sympa de ta part, Reno. 
Mais fait gaffe, Caubard t'a dans le nez et il veut ta peau » 
Alsyen s'implique 39
Cérémonie de baptême 
Alsyen va être baptisé au cours d'une petite fête surprise pour les recrues 
de l'escadre, mais préparée dans les moindres détails par l'équipe désignée 
par le chef d'escadre. En effet, l'Amiral a précédemment décidé une visite 
d'inspection dans toutes les unités élémentaires du vaisseau. À l'issue de 
celle-ci, la mascotte de chacune de ces unités va connaître son nom. Une 
manière de vérifier que la leçon a porté et qu'après les sanctions et les 
mises au point, les escadres sont à nouveau irréprochables et dignes de la 
confiance de leur chef. 
Cela donne aussi l'occasion aux recrues de voir leur chef suprême à des 
millions de kilomètres à la ronde. Les chambres ont été rangées « au 
carré », les couloirs ont leurs parois étincelantes, les lourdes portes 
coulissent au petit poil et toutes les ampoules fonctionnent. Les sanitaires 
eux aussi ont eu droit à un nettoyage en règle, et durant les deux heures 
précédant la visite, puis pendant l'heure d'inspection, personne n'a eu le 
droit de les utiliser, d'où quelques grimaces de la part de certains. 
Les deux-cents recrues non prises par le service sont maintenant au 
garde-à-vous devant leur amiral, section par section, avec leur 
encadrement, dans le réfectoire réaménagé pour l'occasion… 
La corvée de Reno pour cette cérémonie a été de nettoyer Alsyen et de 
mettre en valeur sa fourrure. Il a fait ça au labo du « tripailleur », dans le 
bac d'une paillasse. 
Si Alsyen ne craint pas l'eau, il n'a pas du tout apprécié le savon au 
citron mais Reno, malgré les sollicitations télépathiques a été intraitable. 
Lui aussi a donc été abondamment mouillé malgré le tablier en plastique 
que lui a prêté le « tripailleur ». Le plus pénible a été le nettoyage de la 
tête. Même les poissons dans leur aquarium se sont cachés suite à 
l'émission de détresse télépathique d'Alsyen, le passage de la tête sous l'eau 
étant équivalent pour sa race à un véritable supplice. 
Cérémonie de baptême 40
Cycle Beta 
Sorti du bac, Alsyen semblait squelettique et pitoyable. Son air outré fit 
sourire Reno et Alsyen dut s'incliner et rire de son propre ridicule. Il se 
laissa donc faire durant la séance de sèche-cheveux, puis Reno le brossa en 
faisant bouffer les poils très fins. Alsyen reprit ainsi une forme plus 
présentable. Reno lui coupa au carré les poils qui sortaient des oreilles. 
Alsyen se trouva beau dans la glace que lui présenta Reno. 
Il dut aussi enfiler l'uniforme réalisé par le maître-tailleur d'après les 
images prises par l'ordinateur spécialisé. Alsyen résista un peu pour la 
forme. Il était censé être un primate sauvage à peine apprivoisé. 
Néanmoins, ce cadeau imprévu qui lui redonnait toute sa prestance de 
Niumi civilisé lui fit énormément plaisir. 
Un grand soin spécifique avait été apporté à sa conception. Sa queue 
avait son propre compartiment interne mais n'était pas visible de l'extérieur 
afin certainement d'éviter qu'elle puisse rester coincée dans une porte. Le 
tissu, multicouche, était bien sûr indéchirable. Les agrafes pour y fixer de 
façon étanche une capuche sous casque scaphandre afin de sortir dans 
l'espace étaient présentes. En avait-il un prévu pour lui ? (Plus tard, il 
s'avéra que oui. Reno reçut ainsi un paquetage complet pour son protégé, 
avec même des vêtements civils et une trousse de toilette adaptée. Ah, les 
applications du règlement parfois). 
Cette combinaison était auto-respirante, anti-allergique, anti-odeur. 
Équipée d'un convecteur, elle récupérait la chaleur corporelle de l'individu 
pour recharger ses batteries, partie prenantes de la matière du vêtement 
elle-même. La polarisation variable des fibres permettait le détachage de 
toute matière organique interne et externe, ce qui permettait au vêtement 
de rester toujours propre. Plusieurs couches totalement isolantes pouvaient 
s'activer d'elles-mêmes en fonction de la température extérieure (sécurité) 
ou sur commande. D'anti-transpirant, le vêtement devenait alors totalement 
étanche. La transpiration collectée au niveau de la peau s'accumulait dans 
la doublure, comme les excréments liquides. Sel et eau était récupérés et 
utilisables en cas de besoin. 
Ainsi, le recyclage des liquides, avec élimination des déchets dangereux 
permettaient à un naufragé de survivre plus longtemps. La plupart du 
temps, dès le retour dans une atmosphère sécurisée, il suffisait de vider les 
poches réservoir situées à l'extérieur des cuisses. Leur contenu était recyclé 
Cérémonie de baptême 41
Cycle Beta 
une deuxième fois à bord du vaisseau, car dans ce cas-là, personne ne 
pensait plus à l'origine de l'eau. 
Les hommes ne portaient pas cette tenue en permanence. Mais elle leur 
servait aussi d'uniforme d'apparat, en particulier lors des escales. Le tissu 
infroissable, brillant et coupé sur mesure impressionnait les colons. Dans 
l'espace, en cas d'alerte, les hommes devaient l'enfiler au plus vite. Un 
autre modèle de combat au sol, plus résistant, prévu pour emporter armes, 
munitions, protégeant aussi des rayons laser de faible intensité, des impacts 
de projectiles de première catégorie et des champs magnéto-soniques, était 
rangé dans les casiers de chaque recrue. Différents modèles de bottes 
avaient aussi été conçus pour la compléter efficacement en fonction des 
circonstances. (température au sol, dans l'espace, résistance à l'eau, à 
l'incendie, poids et souplesse si long déplacement pédestre...) 
Après essayage des gants et des chaussons à doigts pour Alsyen, ceux-ci 
lui furent retirés et rangés dans une poche dans son dos. Ainsi, en temps 
normal, il gardait toute son « adhérence naturelle » à Reno. 
* 
* * 
La cérémonie commence. 
Après la présentation des troupes par le chef d'escadre, l'amiral ordonne 
le « repos » puis entame son petit discours traditionnel. Il les félicite pour 
l'état impeccable de leurs quartiers pourtant vétustes puisqu'ils sont logés 
dans la roue la plus ancienne du vaisseau. Il félicite en particulier les 
cadres qui donnent le meilleur d'eux-mêmes pour la formation et les 
recrues ayant les meilleurs résultats aux tests continus. Il leur annonce un 
nouveau décor pour la prochaine simulation tactique globale, sans en trahir 
le secret du thème. « Mais il va y avoir de l'action et chacun devra être au 
maximum de son potentiel ». 
Pour conclure, avant que chacun puisse goûter ce que l'excellente équipe 
de cuisiniers a préparé comme buffet, il décide de présenter une nouvelle 
recrue à l'escadre, dans la nouvelle fonction de mascotte. 
Reno s'avance donc droit comme un « i » et au pas vers l'Amiral, avec 
Alsyen tenu sous les aisselles au bout de ses bras. Un haut tabouret est 
amené près de l'Amiral et Reno y dépose Alsyen. Celui-ci ne fait pas 
d'histoire, mais joue un peu l'apeuré, sans se forcer vraiment car il a aussi 
Cérémonie de baptême 42
Cycle Beta 
le trac d'avoir tous ces yeux fixés sur lui. 
L'amiral sourit, puis se tourna vers les troupes. 
— J'ai choisi pour notre ami un nom prestigieux de notre histoire. Un 
militaire bien sûr, qui s'est battu pour la grandeur de sa cité, pour ses 
valeurs, pour sa survie, son expansion et son rayonnement sur le monde 
d'alors. Je vous présente Scipion. 
Il y a un blanc. Tout le monde ne connaît pas ce général romain. Puis les 
cadres de haut rang commencent à applaudir, vite suivis par le reste de 
l'assemblée. 
« Et maintenant, la main dessus » (Vieille expression terrienne dont 
l'origine s'est perdue signifiant qu'on peut se servir au buffet). 
Dans un joyeux brouhaha, tout le monde se rend auprès des tables 
chargées de boissons et de toasts disposées contre les cloisons. 
— Venez avec nous au buffet officiel mon garçon , dit le second à Reno 
qui vient de récupérer Alsyen. Scipion est parfait. Il ne lui manque plus 
que la parole. 
Cérémonie de baptême 43
Leçon de dressage 
Tout le monde observe de son lit ou d'une chaise le duo Alsyen-Reno. 
Le spectacle attendu est une pièce comique. 
Reno dépose Alsyen à une extrémité de la pièce. Puis il va à l'autre bout, 
tenant à la main une petite boite de croquettes de chocolat. 
— Scipion ici ! ordonne-t-il. 
Reno a décidé de dresser Alsyen. Maintenant qu'il a un nom, il va 
pouvoir le lui apprendre. Alsyen comprend déjà une bonne partie du 
langage courant et s'est même habitué à son rôle. Mais là, sa fierté en prend 
un coup. Il a décidé de se jouer de son dresseur dès qu'il le pourra. 
Donc, Scipion ne bouge pas. Reno répète en lui tendant les bras. Scipion 
fait mine de se gratter les fesses. 
- Allez, viens ici Scipion ! Insiste Reno en secouant la boite de 
croquettes. 
Cette fois, Alsyen est d'accord. Aucun animal n'est censé refuser un 
appel direct à l'estomac. 
— Bien Scipion bien, dit Reno en lui refilant une croquette. 
Il s'éloigne et Alsyen le suit. Alors Reno revient et lui dit « Pas 
bouger ». Scipion s'assied donc. Reno repart. Alsyen aussi. « Non, Scipion, 
non ». 
Reno le pose à nouveau au sol. « Scipion pas bouger ». Il parcourt un 
mètre. Scipion le regarde sans bouger. Reno revient, lui donne une 
croquette en lui disant « Bien, Scipion, bien ». 
— Scipion, pas bouger. 
Il s'éloigne et Scipion suit. Même jeu une dizaine de fois. Reno ne peut 
pas s'éloigner de plus de deux mètres après avoir donné une croquette. 
Puis Alsyen le laisse traverser la pièce. Reno revient. Le félicite. Lui 
donne une croquette. Il le laisse sans rien dire. Alsyen le suit donc. Retour 
sur l'endroit, « pas bouger Scipion » puis Reno se place à l'autre bout de la 
Leçon de dressage 44
Cycle Beta 
salle 
— Viens, Scipion. Viens, ordonne Reno. 
Scipion s'étire. Le regarde, avance un peu. « Allez oui, viens Scipion ». 
Il décide de ne pas se presser. Reno secoue la boite. Alsyen s'arrête. 
— Il n'a plus faim, fait Jean-Louis. 
— Il est trop bête, ajoute Paulo. 
— Allez viens Scipion, implore Reno. 
Sur ce ton-là, Alsyen veut bien. Nouvelle croquette et deux trois 
caresses. « Pas bouger Scipion » et Reno s'éloigne. 
— Viens, Scipion, viens. 
Il en a assez Alsyen, et il tient à le faire savoir. À mi-parcours, il s'arrête 
et défèque. 
Toute la chambre écarquille les yeux. Scipion n'a jamais fait cela 
auparavant. Et d'ailleurs personne ne sait ce qu'il fait d'habitude. Bien sûr 
que jamais personne n'a pu penser que Scipion pouvait ne rien faire. Mais, 
on s'imaginait qu'il allait plus loin, durant les périodes nocturnes, qu'une 
autre section devait nettoyer sans rien dire… 
Tout le monde rit, sauf Reno qui sait qu'il va devoir nettoyer. 
— Scipion vilain, sermonne Reno. 
— Il faut le gronder, dit Jean-Louis,. Il y a un truc qui marche bien, c'est 
lui mettre le nez dedans. 
Alsyen sent tout son poil se hérisser. « Non, Reno, non. Tu ne vas pas 
faire ça ? » songe t-il effrayé. 
Reno se rapproche d'Alsyen. Si, il va le faire ! Alsyen s'enfuit mais la 
porte est fermée. Il tente en sautant d'atteindre le bouton, mais le manque 
sous la précipitation. 
— Pas bête le singe, dit Jean-Louis, on dirait qu'il a compris. Attrape-le 
avant qu'il réussisse à se tirer ailleurs. 
Reno l'attrape au vol. 
Alsyen s'accroche à son bras, lui envoie télépathiquement des ondes de 
remords de sa part, de honte pour lui s'il lui faisait subir ça… Reno sait que 
tout le monde le regarde. Il ne peut plus reculer, sinon, il est bon pour 
nettoyer en permanence. Les corvées du matin et du soir lui suffisent. 
Alsyen appelle à l'aide toute la chambrée, se crispe, jette sa tête en arrière, 
fait les gros yeux gémit bruyamment mais rien n'y fait et Reno inflexible 
Leçon de dressage 45
Cycle Beta 
lui souille la truffe. 
Les griffes rétractiles d'Alsyen, oubliées par Reno habitué aux ventouses 
qui les dissimulent jaillissent et en un éclair lacèrent Reno aux bras, 
déchirant combinaison et peau comme un simple film de plastique. Il lâche 
Alsyen, qui en profite pour se dissimuler sous un lit, en répandant des 
ondes de honte à la ronde. 
Fin de la leçon d'aujourd'hui. Les deux ont appris plus qu'ils n'auraient 
voulu et chacun d'eux le regrette car chacun a sa part de responsabilité. 
Alsyen finalement ému par le désarroi de Reno cesse ses stimulations 
télépathiques. Reno nettoie les dégâts et personne ne rit. Il se promet 
demain de consulter en ligne les principes d'un bon dressage plutôt que 
d'improviser. Un animal, ça se respecte. Jean-Louis va chercher dans sa 
trousse individuelle des pansements hémostatiques et désinfectants à base 
de cyanoacrylate en tube (Les modèles en bombe sont interdits dans 
l'espace). 
Alsyen remonte alors télépathiquement le moral des troupes et suggère 
une petite soif de C'fet à tous. Quand les premiers rires fusent à nouveau, il 
sort de sa cachette et va se blottir contre Reno qui discrètement le serre 
contre lui avec une effusion qu'il tente de masquer. 
Leçon de dressage 46
Progrès et découvertes 
Quinze cycles jours se sont écoulés. Aujourd'hui, Alsyen est capable de 
comprendre l'intégralité des conversations en cours autour de lui. Il sait 
aussi lire. Ayant mémorisé le code d'accès de Reno, il va pouvoir se 
connecter sur le réseau interne du vaisseau et étendre sa connaissance de la 
culture des humains. 
Le sergent Coll est enfin sorti d'affaire avec ses problèmes médicaux. Le 
médecin de bord ne s'explique pas la régénérescence aussi rapide des 
neurones endommagés et le sevrage sans troubles psychologiques au 
Neurovid. Sur la feuille de soin, il a présumé d'une détérioration très rapide 
mais non définitive, donc réversible grâce à un emploi antérieur très peu 
fréquent. Cette conclusion de « très peu fréquent » permet aussi d'appliquer 
un bémol à la punition en cours et ne remet plus en cause de manière 
catégorique la suite de la carrière du jeune gradé. 
Coll trouvant Reno très sympathique, il interagit sur le chef de groupe 
en titre de celui-ci, le sergent Sancruz afin de le convaincre de cesser les 
petites vexations quotidiennes imposées à Reno. D'ailleurs Alsyen lui aussi 
encourage le tourmenteur à plus de retenue, surtout verbale en lui simulant 
des goûts écoeurants lors de l'emploi de termes blessants à l'égard de son 
subordonné. Le sergent Sancruz va finir par devenir poli avec tout le 
monde à la longue, bien conscient de ce « problème » dont il n'ose parler à 
qui que ce soit. 
Quant à Reno, il prend du poil de la bête. Son assurance s'affirme 
vis-à-vis de ses camarades et il est moins gaffeur dans la vie quotidienne. Il 
faut dire qu'il bénéficie de l'aura de « responsable de mascotte ». Il est 
devenu une célébrité sur le vaisseau. Son singe savant en jette tout de 
même plus que les cochons d'Inde ou les souris blanches des autres unités. 
Alsyen n'est pas étranger à cet état. 
Progrès et découvertes 47
Cycle Beta 
Il a de moins en moins besoin d'influer sur le rythme cardiaque ou les 
nerfs de son protégé/partenaire. En effet, il a corrigé le petit défaut 
congénital de Reno en stimulant quelques neurones jouant sur les 
sécrétions de l'hypophyse. Il a aussi un peu modifié les taux de sécrétions 
hormonales et bidouillé quelques neurones du cervelet pour finir de 
« câbler » les hémisphères cérébraux. Reno dispose aujourd'hui du double 
de neurones cognitifs par rapport à la grande majorité de ses congénères. 
Les performances de sa mémoire et de ses dispositifs mentaux en sont 
sur-multipliés. Reste à les lui faire utiliser à autre chose que ses maigres 
cours théoriques et le comptage de chaussettes auxquels il est destiné dans 
le cadre de son orientation initiale. 
Alsyen a aussi corrigé le caractère naturellement indolent de Reno. 
Rêveur timide et maladroit, Reno ne se donnait que des buts étriqués à 
atteindre afin de ne pas être dépassé et son manque d'ambition pouvait le 
cantonner aux échelons subalternes de la hiérarchie. Aujourd'hui, Reno a 
envie de faire du sport, de progresser dans tous les domaines possibles. Il 
attribue cette nouvelle boulimie d'intérêts à la relative inactivité après ses 
classes à bord du vaisseau. Heureusement, il peut accéder à une salle de 
sport, et il commence à s'y rendre de plus en plus souvent en dehors des 
heures obligatoires en section. Les premiers progrès sont très 
encourageants et sa maîtrise de mouvement, qu'il s'agisse de sport de 
combat ou de geste technique, s'est bien améliorée, surtout qu'auparavant, 
trop craintif, il tremblait presque d'appréhension à chaque mise à l'épreuve, 
ce qui l'inhibait totalement. Alsyen, toujours à ses côtés veille au grain. 
Comme ce fameux jour de la dernière décade... Reno s'entraînait à la 
boxe française contre un simple sac rembourré de mousse. Les trois 
sergents de la section sont arrivés pour s'entraîner entre eux. Surpris par la 
présence d'une recrue en ces lieux en dehors des heures imposées, Sancruz 
a décidé de le prendre pour adversaire au « full contact ». Reno monta 
alors sur le ring la tête basse. 
Les trente premières secondes, ce fut un massacre. Reno tentait de parer, 
mais les coups de poing mêmes amortis par les gants, l'étourdissaient. Son 
adversaire en profitait pour l'accabler sous une grêle de coups de plus en 
plus appuyés et précis en toute liberté. Alsyen dissipa alors ses malaises en 
augmentant son rythme cardiaque, en stimulant quelques glandes pour 
Progrès et découvertes 48
Cycle Beta 
dilater les veines, puis coupa les récepteurs de la douleur, simula en Reno 
une sourde colère et lui suggéra quelques enchaînements. Deux minutes 
après, un uppercut envoyait proprement Sancruz au tapis, alors que les 
deux autres n'avaient rien remarqué d'étrange en ce subit revirement de 
situation. Alsyen calma instantanément Reno avant qu'il n'y ait risque de 
débordement et celui-ci, avec sa gentillesse habituelle proposa alors sa 
main à son adversaire pour l'aider à se relever. Sancruz préféra refuser 
l'aide inattendue, prétexta une douleur au poignet et quitta le ring, baignant 
dans un mélange de surprise et de dépit. Reno n'en ressentit pas 
immédiatement de la fierté car Alsyen bloqua ce sentiment. Il ne fallait pas 
que la métamorphose semblât trop rapide. 
Mais depuis cette raclée inattendue, Sancruz choisissait un autre cobaye 
pour ses démonstrations au niveau section et les vexations se raréfièrent 
pour disparaître totalement. 
Reno doit encore intellectuellement beaucoup progresser, pour parvenir 
au niveau souhaité par Alsyen. Celui-ci stimule les centres de la curiosité, 
mais l'emploi du temps est chargé et les accès aux informations sont 
peut-être analysés. Alsyen s'oblige à la prudence et apprend simultanément 
les mêmes choses que Reno. 
Lorsque la « roue » est endormie, Reno en profite pour allumer un des 
ordinateurs intégrés dans la table de la chambre. Il trouve enfin un 
descriptif du vaisseau école, avec une représentation visuelle et un 
descriptif technique, dans les grandes lignes. Derrière lui, Alsyen est 
horrifié. Les humains ont un tel retard technologique. Mais on ne peut leur 
dénier un certain sens pratique et un sacré courage pour s'embarquer sur de 
telles casseroles. 
Le vaisseau est composé d'une base propulsive circulaire. À chaque 
extrémité d'un diamètre, deux grandes colonnes s'élèvent 
perpendiculairement à cette base. Ces deux colonnes supportent un axe les 
reliant entre elles. Cet axe est aussi celui de cinq roues internes (Mais on 
pourrait encore en rajouter deux à l'intérieur des colonnes). Rien 
n'interdirait d'avoir un jour des roues tournant à l'extérieur des colonnes, 
mais pour l'instant, il y a deux roues cylindriques stables de part et d'autre 
de l'ensemble. 
Progrès et découvertes 49
Frederic fabri cycle beta
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Frederic fabri cycle beta

  • 1. Frédéric FABRI Cycle Beta - Collection Romans / Nouvelles - Retrouvez cette oeuvre et beaucoup d'autres sur http://www.inlibroveritas.net
  • 2.
  • 3. Table des matières Cycle Beta....................................................................................................1 Préface.................................................................................................2 Avertissement de l'auteur.....................................................................4 Débarquement sur B-112.....................................................................7 Évasion..............................................................................................14 Unis....................................................................................................18 Nouvelle vie.......................................................................................28 Alsyen s'implique..............................................................................34 Cérémonie de baptême......................................................................40 Leçon de dressage..............................................................................44 Progrès et découvertes.......................................................................47 Drill intensif.......................................................................................56 Visite des entrepôts............................................................................62 Simulation globale.............................................................................68 Revue de chambrée............................................................................84 Le vétéran..........................................................................................87 B-006 : Accident dans la jungle........................................................96 B-006 : Planète tout risque..............................................................110 B-006 : Expériences douloureuses..................................................121 B-006 : Recueillement.....................................................................129 B-006 : Sortie nocturne....................................................................135 Déparasitage....................................................................................146 B-069 : Bordée dans l'espace...........................................................153 Déchirements...................................................................................174 .........................................................................................................179 i
  • 4. Cycle Beta Auteur : Frédéric FABRI Catégorie : Romans / Nouvelles L'expansion humaine suit la mise en place d'un réseau de transmetteurs de matière disposés en toile, dont le centre est le niveau alpha. Alpha Prime désigne la Terre. Les Forces de Colonisation Planétaire ont pour vocation de protéger les colons lors de leur installation dans les systèmes solaires. Elles ont aussi la lourde tache d'être l'ambassadrice de la Terre lors de la rencontre avec une intelligence extra-terrestre. Si la rencontre est inéluctable, elle n'a pas encore eu lieu. Chaque système planétaire dispose pour sa protection d'un croiseur. Un vaisseau école dans le Cercle Bêta, depuis son orbite autour de Bêta 112, envoie ses jeunes recrues se dégourdir les jambes sur la terre ferme... Licence : Licence Creative Commons (by-nd) http://creativecommons.org/licenses/by-nd/2.0/fr/ 1
  • 5. Préface Je ne connaissais Frédéric que sous un avatar virtuel jusqu'au jour où il m'a demandé de préfacer son premier roman. Ému, j'ai commencé à lire pour me faire une idée. J'avais peur de retomber dans la collection Fleuve Noir que je lisais en cachette durant mon adolescence. Je me disais, « Bon, encore un qui va nous téléporter sur des rayons verts et autres trucs pas possibles. » Et je me suis trompé. J'ai rapidement été conquis par l'histoire qui, même si elle recèle de profonds termes et descriptions techniques incompréhensibles à un non-scientifique, m'a scotché à plusieurs points de vue. Je connaissais l'ouverture d'esprit, la franchise et les engagements de Frédéric, j'ignorais son côté conteur de belles histoires. Je n'ai pratiquement pas quitté Alsyen, cette petite bête que vous allez découvrir et qui donne à l'auteur ce détachement indispensable au bon déroulement de l'histoire. Le caractère humain et parfois bestial de l'histoire ne vous échappera pas. Même si j'ai regretté à quelques moments que Frédéric ne se lâche pas un peu plus, j'ai découvert une aventure qui m'a tenu en haleine jusqu'au bout et dont je n'ai qu'un mot pour la résumer : à quand la suite ? Merci Frédéric de tes mots qui m'ont allumé, parfois subjugué, souvent distrait de ce monde que je croyais sans vie. Merci, Frédéric d'avoir pu m'apporter ce rayon de soleil indispensable à la vie, merci Alsyen de m'avoir fait vivre d'heureux moments. Comment ? Vous n'avez pas encore commencé la lecture ? Qu'attendez-vous ? Denis Nerincx Préface 2
  • 7. Avertissement de l'auteur Premier roman, premier tome d'une trilogie, ce « Cycle Bêta » décrit le parcours et la formation d'une jeune recrue des temps futurs. L'espèce humaine est alors en pleine expansion. La barrière de la vitesse de la lumière n'a pas été franchie. Aucune intelligence extra-terrestre n'a été rencontrée. Enfin presque… Les robots sont peu nombreux et spécialisés. Les ordinateurs permettent l'entraînement par la simulation. La vie des militaires est rustique, les efforts sont aussi physiques. Dans ce contexte, on peut dire que les progrès techniques ne sont pas très nombreux. Il n'y a pas de produits miracle. Il n'y a pas une société utopique. L'aventure reste humaine. Mon passé de militaire m'a servi pour illustrer la vie quotidienne du héros. L'exemple de certains de mes chefs aussi. Certains pourraient estimer que cette organisation militaire « idéale » est propagandiste. Des militaires pourraient nier certaines critiques ou pratiques brutales. Ils ont tous raison. Les défauts mis en avant ont été empruntés à une vieille expérience. L'idéal mis en avant est le modèle qui était vanté à mon départ de l'institution. Et le tout a subi les influences du roman et de l'adaptation à une société futuriste. De plus, la première partie de la formation a été réalisée sur Terre avec des cadres qui ne savent plus ce que c'est que la guerre. Ils appliquent un « manuel » sans en comprendre le fond et avec ennui car ils se répètent à chaque contingent. Dans l'espace, les recrues sont prises en main par des gens d'expérience et qui sont du métier. On peut donc voir l'analogie que j'ai faite entre l'armée d'appelés d'avant 1998 en France, (même la formation était assurée par des « intérimaires ») et Avertissement de l'auteur 4
  • 8. Cycle Beta l'armée professionnelle d'aujourd'hui, où le rôle de chaque individu compte et justifie une permanente recherche de l'excellence. C'est aussi la description du passage de l'adolescent au stade adulte, comme du civil scolaire au soldat confirmé. Cette aventure profite de différents décors, de circonstances, d'un processus comme d'une évolution intérieure. Ce qui ne rentre pas par les yeux et les oreilles passe par les pieds. Alsyen n'est pas un simple faire-valoir qui se transforme en « Deus ex machina » dès que le besoin s'en fait sentir. Il est à la fois témoin et acteur. Par son oeil étranger, et son histoire personnelle, il démontre que pour notre société humaine, d'autres choix sont possibles et que nous sommes encore nous aussi des enfants dans l'évolution. Par son amitié avec Reno, il franchit les espaces interraciaux alors que nous n'avons pas encore globalement réussi à franchir l'espace entre deux religions ou deux ethnies au sein de notre propre espèce. Et pourtant, heureusement, notre « jeunesse » dans l'évolution a quelque chose à lui offrir, à lui, le jeune d'une société « mâture ». Enfin, mes personnages ne sont pas des philosophes ni des êtres parfaits. Ils sont juste honnêtes, droits et recherchent un but digne de leurs efforts. Mais ils sont aussi de chair et de sang. Les distances aussi sont « en taille réelle ». En interplanétaire, il faut compter entre l'accélération et la décélération qui sont les phases les plus longues. Au quart de la vitesse lumière, qui est « physiquement » la limite atteinte, il faut vingt ans pour arriver sur Alpha du Centaure, et quand même six ans pour l'atteindre sous forme dématérialisée. Cela symbolise la distance entre la recrue et le monde qu'il a quitté, ainsi que ce que peuvent connaître les expatriés au bout du monde. La distance physique interdit le contact et isole. Il se crée alors une distance temporelle, entre l'endroit où on est qui évolue lentement sans qu'on s'en aperçoive après qu'on l'ait découvert, et l'endroit où on revient qui lui a changé d'un coup. La gestion des distances a de tout temps été le souci des sociétés en expansion. Avertissement de l'auteur 5
  • 9. Cycle Beta Néanmoins, l'homme n'évolue pas vite et si les sociétés s'adaptent aux éléments ambiants, elles retombent vite dans les mêmes travers. Le lecteur sera donc dépaysé sans être en territoire inconnu. Mon ambition n'a pas été de concurrencer des films tels la saga « StarWars », mais de faire parfois des clins d'oeil aux classiques de Jules Verne, auteur qui expliquait scientifiquement ce qui n'existait pas encore, ou faisait du « journalisme » sur les territoires traversés en racontant l'histoire, les conditions géographiques, le système social… enfin, tout ce qui venait enrichir ou contrarier l'aventure personnelle des héros. Car, ce roman se veut être plus une aventure qu'une histoire de science-fiction, qu'il s'agisse de défi personnel, d'obstacles à franchir, d'épreuves à surmonter ou d'objectif à atteindre… Frédéric FABRI P. S : je tiens ici à remercier Denis pour son soutien « technique » ainsi que mes lecteurs « Bêta », en ligne comme sur papier, qui m'ont soutenu moralement lors de l'écriture et de la correction. Avertissement de l'auteur 6
  • 10. Débarquement sur B-112 Le jeune homme qui posait le pied sur Bêta-112 ressentit une intense bouffée d'émotion teintée d'appréhension. C'était la première fois qu'il foulait le sol d'une autre planète que la sienne, Alpha Prime, autant dire La Terre. Il était le dernier du groupe de soldats s'extrayant d'une navette mi-hélicoptère, mi-hydroglisseur utilisée pour débarquer des troupes en provenance de leur vaisseau amiral, resté en orbite haute. L'espace était colonisé par « cercles » autour du système planétaire central, codés selon l'alphabet grec, en hommage aux premiers astronomes utilisant des lettres et non des hiéroglyphes. La première expédition avait quitté la terre trois cent ans auparavant, avec dans ses soutes un régénérateur moléculaire. Elle avait atteint Pluton l'orbite servait maintenant de base de départ pour les expéditions. L'exploration spatiale utilisait deux principes complémentaires pour son expansion. Tout d'abord, un vaisseau classique partait avec à son bord un régénérateur moléculaire. Il pouvait atteindre après une longue accélération la vitesse de 0,21 fois la vitesse de la lumière, soit environ cinq fois moins vite. Cela équivalait tout de même à six mille kilomètres par seconde ! Mais il fallait aussi songer à la longue décélération. Une fois arrivé à la destination voulue, le régénérateur moléculaire était installé. Les techniciens établissaient le « pont » avec le premier régénérateur grâce à un rayon lumineux envoyé déjà quelques années plus tôt et qui leur avait servi de fil guide durant le voyage. Une fois opérationnel, le « pont » permettait un voyage dans un état dématérialisé bien plus rapide puisque proche de la vitesse de la lumière dès le départ et sans obligation de décélération. Débarquement sur B-112 7
  • 11. Cycle Beta Pour un engin spatial, la vitesse de pointe n'était pas accessible dans le seul périmètre du système solaire. L'espèce humaine enfin unifiée avait planifié son expansion en commun. Pour commencer, elle avait utilisé un énorme vaisseau construit en orbite terrestre pour atteindre Pluton et durant quarante ans y avait construit une base devant servir de « grand échangeur inter-galactique », point de passage obligé pour tout départ vers les étoiles. Une fois le régénérateur moléculaire monté sur l'orbite de Pluton , un pont d'énergie avait pu être établi avec la station du Pôle Nord. Ce pont, sorte de tunnel d'informations énergie, permettait physiquement la désintégration et la reconstitution d'organismes vivants, de matières brutes ou de matériels sophistiqués. Le régénérateur pouvait servir, soit de point d'arrivée, soit d'amplificateur pour relayer le flux au régénérateur suivant, bien au-delà. Le système très sophistiqué de redondance de l'information permettait la reconstitution parfaite d'un individu viable et le cerveau n'était pas affecté par des pertes de mémoire. Le flux, bien que composé de protons, se comportait comme un flux lumineux sauf que sa vitesse n'excédait pas 0,91 fois la vitesse d'une lumière classique. La technologie pour maîtriser le boson restait inaccessible et le proton était plus fiable que l'électron pour transmettre l'information. Pluton fut aussi colonisée pour servir l'expansion afin de fournir matériaux et grosses pièces d'infrastructures, trop coûteuses en énergie à faire venir de la Terre ou de Mars. L'expansion se plaçait dans la durée. Les solutions retenues devaient être pérennes et non servir une cause éphémère. Une fois la base au sol construite, un autre régénérateur avait donc été installé sur Pluton afin de recevoir directement les hommes et du matériel. C'était donc des centaines de milliers d'ouvriers et des millions de tonnes de matériel qui avaient permis de rendre Pluton viable, et d'exploiter ses gisements de minerais Ce régénérateur pouvait aussi servir de régénérateur de secours, mais dans les faits il fournissait l'orbite de Pluton en pièces locales. Ce « trio » de régénérateur moléculaire permit de mettre au point le fonctionnement et la doctrine d'emploi d'un régénérateur dans le cadre des missions au long cours. Débarquement sur B-112 8
  • 12. Cycle Beta Un régénérateur moléculaire se composait d'un ensemble fixe composé d'une extrémité émettrice fixée sur un corps servant à la dématérialisation des éléments à expédier, d'un second module servant à la rematérialisation et d'une extrémité réceptrice. Le flux émis était envoyé sur un miroir distant de plusieurs centaines de kilomètres chargé de le réfléchir dans la bonne direction. Il traversait ensuite l'espace pour rencontrer aux alentours de sa destination un autre miroir qui le dirigeait alors sur la partie arrière d'un autre régénérateur moléculaire. Ce régénérateur pouvait alors, soit réexpédier le flux amplifié vers son miroir situé à l'avant pour être envoyé vers un régénérateur plus distant, soit rematérialiser les éléments transportés par le flux. Chaque régénérateur pouvait se tester seul grâce à ses deux miroirs. Les miroirs eux se calaient avec un rayon lumineux à travers l'espace et le temps. En effet, la position relative des miroirs placés jusqu'à cinq années lumière de distance évoluait à chaque seconde de plusieurs centaines de kilomètres. Mais de façon régulière et de manière imperceptible au niveau angulaire. Les principes du voyage, bien compliqués, entre la dématérialisation, le flux lumineux, le guidage et le temps étaient sommairement expliqués aux voyageurs avec des images de synthèse mais tous préféraient faire confiance et en accepter l'existence plutôt que de rechercher des explications qui les auraient incités à prendre des vaisseaux spatiaux classiques, mais bien moins rapides et qui surtout les laisseraient vieillir durant le voyage. Les espaces interstellaires sont tellement vastes qu'il avait fallu quarante ans et quelque (un milliard de secondes) pour atteindre trois destinations (deux vaisseaux étaient considérés comme perdus) et bâtir le premier cercle Bêta à seulement 60000 milliards de kilomètres, soit 1,6 parsec ou 4,9 années lumières. À l'issue de ces quarante années de difficile traversée pour l'équipage cloîtré et vieillissant parti fort heureusement avec des enfants, un régénérateur avait été installé près de Proxima du Centaure. Sous la forme d'un faisceau de protons, il ne fallait plus alors que cinq ans et demi à un voyageur dématérialisé aux environs de Pluton pour être régénéré à l'identique sur ce qui allait devenir une station du second cercle ou Cercle Débarquement sur B-112 9
  • 13. Cycle Beta Bêta. Pour communiquer avec la terre, les signaux lumineux ne mettaient que six mois de moins. Au moment où ce soldat posait le pied sur B-112, il y avait cinq cercles, correspondant à trois-cents années de voyages classiques consécutifs et permettant à un terrien de parcourir les vingt-huit années lumières de distance entre la terre et êta-prime, base la plus éloignée, en trente et un an. Vingt-neuf stations de régénérateur moléculaire opérationnelles avaient été déployées. Si des planètes avec des formes de vie avaient été découvertes, aucune intelligence, et encore moins de puissance galactique n'avait été rencontrée. Autour de chaque base la colonisation s'établissait, afin de découvrir et d'exploiter les matières premières permettant la poursuite de l'exploration. Un corps militaire planétaire avait été créé pour protéger les colons dès le début de leur implantation :la Force de Colonisation Planétaire ou FCP. Quelques membres partaient avec le vaisseau d'exploration, représentant dix pour cent des contingents coloniaux à la sortie des régénérateurs. Tous les jeunes engagés passaient par une station Bêta avant de rejoindre les confins de l'univers connu. Le décalage temporel avec la terre n'était que de cinq ans et demi en moyenne quand ils étaient régénérés. L'aller-retour durait donc onze ans. S'ils le désiraient, ou parce qu'ils n'étaient pas certains de leur choix dans leur première année de formation, ils ne pouvaient retrouver leur famille que douze ans plus tard. À l'issue de cette année de formation (Quatre mois sur terre, huit mois dans la zone Bêta) ils obtenaient une affectation, déterminée par leur choix personnel, mais ensuite en fonction des besoins des FCP et de leur classement, situées dans des systèmes plus ou moins proches. Partir pour le quatrième ou le cercle extérieur signifiait effectuer un voyage sans retour. Quel intérêt de revenir sur Terre soixante-deux ans plus tard au minimum ? Ce jeune garçon de dix-huit ans s'appelle Reno. Il a suivi quatre mois d'instruction en Sibérie pour apprendre les principes du combat d'infanterie. À bord du vaisseau station caserne il a appris la vie de marsouin de l'espace et son rôle d'adjoint fourrier. Aujourd'hui, il étudie le déplacement en groupe de combat pour la première fois en situation inconnue sur une planète de type terrestre, où l'air est respirable. Bien bâti, il laisse une franche trace de botte taille quarante-deux sur le sol un peu Débarquement sur B-112 10
  • 14. Cycle Beta spongieux de Bêta-112 parachevant ainsi le piétinement du reste du groupe, suivant son chef qui ouvre la marche à travers la savane bleue. C'est un petit pas pour lui, mais il survient après de nombreuses avancées pour l'Homme. * * * Glyon et Alsyen se baignaient en toute tranquillité sur cette planète de type végétal. Il n'y avait pour eux aucun danger d'agression. L'analyse toxicologique de la mare avait révélé une eau quasi pure filtrée par les roseaux, et aucun composant chimique ne présentait les caractéristiques d'un poison potentiel. Leur vaisseau spatial de petite taille était camouflé par un écran de force cylindrique qui restituait la lumière au coté opposé de sa réception ce qui rendait l'espace protégé invisible. Il était aussi impossible de traverser cet écran. Il arrêtait même les ondes lumineuses ou radios sauf les fréquences en parfaite opposition de phase. Cette fréquence servait entre autre à la télécommande du champ de force. Mais, matériaux, ondes de chocs, bruits ne pouvaient ébranler cet écran. Celui-ci servait aussi lors de la navigation spatiale afin d'éviter les collisions avec la poussière d'étoile ou les morceaux plus petits dans les phases de déplacement local. Il n'avait jamais été utilisé durant une guerre, les races de la galaxie Zannienne étant pacifiques, mais nul doute qu'il était indestructible. Glyon et Alsyen, deux adolescents insouciants, avaient violé les limites de l'espace interdit. La race humaine, détectée dès son arrivée, avait été jugée trop peu évoluée pour pouvoir s'intégrer dans la fédération multiraciale de Zanni. La zone étant déserte, elle avait été laissée aux humains. Les détecteurs du vaisseau de plaisance Zannien avaient sondé seulement la planète à l'arrivée et non l'espace immédiat. Pour ses deux occupants, La planète était donc libre pour le jeu et la recherche de philloxphène, une plante prohibée dont les effets euphorisants agrémentaient les soirées pimentées de l'élite Zannienne. Ils en avaient consommé quelques extraits et ils riaient à gorge déployée. Glyon lança Alsyen en l'air et alors qu'il allait le rattraper, un bruit de tonnerre lui emporta la moitié du crâne. L'onde de choc du Débarquement sur B-112 11
  • 15. Cycle Beta projectile sonique atteint aussi Alsyen qui sombra dans l'inconscience. * * * — Qu'en pensez vous Docteur ? — Bizarre. Cette planète est considérée comme sans faune. On n'y a même pas trouvé d'insectes terrestres et il n'y a que quelques vers dans l'eau. Aujourd'hui vous me ramenez d'un coup deux espèces évoluées différentes. Il est dommage qu'il y ait un cadavre dans le lot. — Si je n'avais pas tué celui-ci, vous seriez allé chercher l'autre dans son estomac. — Certes. Mais ces deux espèces ne semblent pas partager le même biotope. L'une semble amphibie alors que l'autre est manifestement arboricole, ce qui ne colle pas à cette planète seulement colonisée par des herbes géantes. — Le petit singe a des ventouses aux doigts. C'est peut-être pour monter à la cime de ces herbes comme le long d'un mât. Et s' il est petit, c'est pour ne pas les plier. — Et il se nourrirait alors des graines aux extrémités ? Oui, pourquoi pas. — L'autre me semble d'une force phénoménale. — Effectivement. Des membres inférieurs très courts pour marcher, mais pas pour courir. Un corps massif et six tentacules terminés par des doubles pinces. Une tête couronnée d'yeux dont certains surveillent en l'air. On ne distingue l'avant de l'arrière que par cette gueule impressionnante. — Le croyez vous herbivore ? — Plutôt omnivore. Il a des molaires plates, des canines et des incisives. Ses pinces peuvent griffer comme attraper. Au corps à corps, il s'avérerait mortel pour n'importe lequel d'entre nous malgré sa taille d'un mètre cinquante. C'est un danger potentiel qu'il va falloir cataloguer. En tout cas, je vais préconiser au commandement que toutes les sorties se fassent en armure et que personne ne se retrouve isolé. — Mes camarades n'étaient pas loin. Je m'étais éloigné un peu juste pour une envie pressante avec l'accord de mon chef de groupe. Après mon tir, ils étaient tous là en moins de deux minutes. Débarquement sur B-112 12
  • 16. Cycle Beta — Si cette bestiole avait été tapie dans les herbes et avait surgi à un mètre de vous, il lui aurait fallu trente secondes pour vous estourbir et vous entraîner sous les eaux . En tout cas, soldat, c'est une belle prise. — Que va devenir le petit singe ? - Je vais l'observer quelques temps, puis j'en ferai une petite étude plus poussée. Enfin, il rejoindra les autres spécimens dans mes bocaux sur les étagères. - Alors je ne l'ai pas vraiment sauvé en fin de compte… — Vous l'avez au moins sauvé de l'oubli… Alsyen a repris connaissance depuis un moment déjà dans sa petite cage. Même s' il n'a pas compris les paroles des deux humains, il en a saisi le sens émotionnel, surtout dans celles de Reno. Avec effroi, il a aussi constaté la mort de Glyon, son Zymbreke. La dépouille de celui-ci qui avait été à la fois son protecteur, son serviteur et son ami lui inspire de la peine, de la souffrance, ainsi qu'un sentiment de solitude de culpabilité et de crainte pour son avenir. Il n'a pas l'intention de finir son existence plongé dans une solution d'alcool. Débarquement sur B-112 13
  • 17. Évasion Dans le dortoir, il règne une bonne ambiance festive. Les douze jeunes recrues qui dorment sur des couchettes superposées (par trois) fêtent leur sortie sur B-112 autour de la table commune centrale. Tous les écrans sont repliés dans le plateau. L'heure n'est pas à l'instruction. Chacun tient dans sa main une brique de C'fet, une boisson euphorisante, au goût d'alcool, avec des psychotropes non dangereux pour la santé, efficaces très rapidement, mais aussi brièvement, et n'entraînant ni ivresse ni dépendance. Reno raconte pour la énième fois son tir sur la créature des marais, avec toute l'assurance d'un exterminateur de monstres galactiques, puis le bain qu'il a pris pour aller récupérer le petit singe inanimé (et peut-être même mort de peur), avant qu'il ne se noie. Il rit un peu moins quand il raconte comment le sergent l'a envoyé chercher le corps de sa victime. Cependant il l'imite tant bien que mal, reprenant tous ses sarcasmes. « Vous qui êtes déjà mouillé… qui vous êtes jeté pour sauver des eaux un singe au mépris des risques considérables d'attaques de redoutables créatures sous-marines… qui d'ailleurs vous ont déjà épargné une fois… allez donc maintenant nous ramener votre monstre sanguinaire» Malgré toutes ses moqueries, alors que Reno s'embourbait une deuxième fois, le sergent avait quand même allumé son détecteur afin de s'assurer qu'aucun autre intrus ne surgisse à l'improviste. Cette présence de prédateur était plutôt imprévue. Cette fois, Reno avait dû toucher le corps hideux, caoutchouteux et sanguinolent. Il l'avait tiré par deux tentacules jusqu'à la rive et ses camarades un peu effrayés l'avait aidé à le sortir de l'eau. Ensuite, à l'aide de quelques herbes assez rigides, ils avaient confectionné un brancard de fortune pour pouvoir le ramener jusqu'à la Évasion 14
  • 18. Cycle Beta barge. Ils avaient marché trois heures et les autres se moquaient de la boue séchée qui maculait son uniforme. L'adjudant à son arrivée lui jeta un « Alors Reno, le terrain était glissant ? » avant de s'enquérir du mystérieux cadavre auprès du sergent. Trois briques de C'fet plus tard, Reno épaule toujours son fracasseur, mais se propose en plus de faire sauter au passage la tête du sergent, bien moins sympathique selon lui que celle d'un acarien grossie trois-cent-cinquante-mille fois. Si ses accents de matamore provoquent une certaine hilarité, c'est parce que Reno n'est pas ce qu'on pourrait appeler un foudre de guerre. Un peu rêveur, assez distrait, plutôt malchanceux, il s'est vite fait remarquer à l'instruction pour son équipement toujours incomplet, sa maladresse et sa poisse, ce qui en a fait très vite le souffre-douleur préféré des cadres et l'attraction de la section. Sa gentillesse et sa camaraderie l'ont tout de même fait accepter par les autres recrues, bien contentes qu'un seul assume ce qui sinon serait distribué plus aléatoirement. Car si Reno est là, c'est que tout le monde est présent, si Reno y arrive, les autres doivent y arriver aussi, etc. etc. Et ce pauvre Reno sert de cobaye pour n'importe quelle démonstration de close combat, d'obstacle à franchir ou de question de contrôle… Ce soir malgré tout, il est envié même si son triomphe se change petit à petit en farce tartarine. * * * Dans le laboratoire, Alsyen est sorti de sa cage et explore la moindre anfractuosité des murs et du plafond. Il est allé fermer les quatorze yeux restants (sur vingt) de Glyon allongé sur une paillasse et il lui a péniblement arrangé les tentacules autour du corps, avec les extrémités sur sa poitrine. Il ne sera certes pas enterré ainsi, mais au moins, si son âme se retourne un instant, elle verra que son compagnon ne l'a pas oublié. Il a compté six grilles de ventilation et chose bizarre, sur chacune des ouvertures, il y a des système de fermetures étanches automatiques. Alsyen n'en a pas encore tiré toute la signification. Il veut croire à un abri de campagne protégé d'une éventuelle contagion de l'extérieur, ou à une pièce Évasion 15
  • 19. Cycle Beta pouvant abriter des expériences dangereuses qui pourraient s'avérer contagieuses, voire contenir des animaux encore plus petits que lui qui ne doivent à aucun prix s'échapper entre des grilles, comme des serpents par exemple … Mais il n'a pas de tournevis pour les démonter de leur cadre… Alsyen, bien qu'il ait enfreint les règlements en franchissant les limites interdites est tenu par le respect des règles de survie pour sa race. Les Humains, trop immatures, ne doivent pas découvrir l'existence d'une autre espèce intelligente. Donc, il ne doit pas tenter de communiquer pour se faire reconnaître et obtenir sa libération. Il va devoir jouer serrer. Et pour l'instant, il est de retour à sa cage, qu'il a correctement fermée pour réfléchir en toute quiétude. Primo, il ne doit pas rester sous le coude du scientifique. Sinon, il va y passer très prochainement. Secundo, il est nu. S'il parvient jusqu'au vaisseau, la puce implantée sous sa peau déverrouillera le champ de protection. Dans le cas contraire, il doit prendre en considération que sa race n'a plus vécu à l'état sauvage depuis trois-cents siècles. Sa vie sur cette planète végétale n'aura de l'intérêt que lorsque il trouvera des plants de philloxphène. Mais avoir étudié trente ans pour n'avoir que pour seule perspective quatre-cents ans de défonce en ermite, est-ce bien un avenir enviable ? Tertio, le retour sur Myrna l'enverra directement en disgrâce pour une cinquantaine d'années. Au lieu de prospérer dans la société, il deviendra un banni condamné à rester en dehors des murs de la cité, récupérant tous les jours son minimum vital après avoir travaillé une quinzaine d'heures (la période de révolution de Myrna est de trente heures et 54 minutes environ ). Avec la mort de Glyon, il n'y aura aucune commisération pour lui de la part de ses congénères, car en tant que Niumi, il avait la responsabilité de son Zymbreke. Alsyen choisit de sortir par la porte. Il a déjà touché au cadavre de Glyon. Il lui suffit de dissimuler sa cage dans le labo et de s'échapper dès que la personne présente regardera ailleurs. Alsyen a d'ailleurs la faculté d'inspirer une présence à un cerveau dans une direction précise. Il lui suffira d'influencer l'humain pour détourner son regard vers la direction opposée à celle de la porte durant quelques secondes… Évasion 16
  • 20. Cycle Beta * * * C'est d'ailleurs un humain chargé du nettoyage qui va lui permettre de mettre son plan à exécution quelques heures plus tard. Alsyen pénètre dans un couloir et décide d'aller le plus loin possible dans la même direction. Grâce à ses ventouses, il progresse au plafond et incite les quelques humains qu'il croise à regarder par terre, ce qui est assez simple car ils semblent à peine éveillés. Certains crient, mais il s'agit plus d'ordres que de cris de bataille ou de détresse. Il y a un sentiment de sécurité et d'habitude dans leurs esprits et ils semblent au dixième de leurs facultés de réflexion. Au bout de trois-cents mètres environ, Alsyen se retrouve à hauteur de la porte du labo. ? ? ?. Alsyen est dérouté. Aucune fois il n'a obliqué à droite ou à gauche. Il est vraiment allé tout droit. Lorsque il atteint à nouveau la porte du labo, il décide de prendre la première à droite et de continuer tout droit. À une dizaine de mètres de l'intersection, il laisse une marque. Au bout de quarante mètres, il est bloqué et doit tourné à droite ou à gauche. Il choisit la droite après avoir fait une marque. Au bout d'un kilomètre, il trouve son trajet bien familier. Tout se ressemblerait donc. Il fait une nouvelle marque, marque qu'il retrouve trois-cents mètres plus loin avec dix mètres d'avance. Un humain est en train de la nettoyer. Il comprend tout d'abord qu'il est dans un espace circulaire, et un quart de seconde plus tard prend conscience qu'il est dans l'espace. La roue tourne sur elle-même afin de générer une force centrifuge qui crée un ersatz de gravitation artificielle. Les escaliers qu'il croise conduisent vers le centre qui doit être exempt de gravité. À cet axe, il peut y avoir un passage pour une autre roue ou pour d'autres éléments d'un vaisseau spatial. Cette fois, il réalise qu'il ne retournera jamais sur Myrna. Évasion 17
  • 21. Unis Reno est un peu fatigué de la soirée précédente. Le C'fet n'y est pour rien. Il s'agit du manque de sommeil. La part consacrée au sommeil oscille entre six et huit heures par cycle de vingt-quatre heures, en fonction des activités. Seulement, cette fois-ci, ils n'ont dormi que quatre heures dans la chambrée, et lui-même a tourné et retourné sa journée précédente avant de sombrer dans un sommeil agité. Pour ne plus y penser et enfin trouver le repos, il a tenté de se souvenir des traits d'Alessandra, et des meilleurs moments qu'il a pu passer en sa compagnie. Ils se sont fâchés, avant qu'il ne s'engage, mais depuis son départ de la Terre, elle en est un peu devenue le symbole. Il y a certes des recrues féminines à bord mais elles sont cantonnées dans d'autres quartiers. Les mises en contact rares donnent lieu à quelques « échanges » de bons procédés pour les plus rapides, échanges n'étant pas du goût de la hiérarchie. Bien qu'il paraîtrait que certaines auraient un talent d'ubiquité et de partage assez étendu… selon des histoires de « grandes gueules ». La dernière fois, il a bu quelques C'fet , deviné quelques formes sous les combinaisons de travail et juste reniflé quelques effluves de parfum. Sa conversation n'a pas été non plus des plus brillantes, bien qu'elle ne le soit jamais vraiment. Mais là, il avait touché le fond et continué de creuser tout le reste de la soirée. Il doit, pour s'acquitter de sa corvée du matin, effectuer le nettoyage du couloir de la section C4. Le revêtement sombre, sorte de plastique très dur contenant les barres de métal permettant l’aimantation en cas de coupure de la gravité a en effet tendance à se ternir au passage des bottes de bord. Il s'agit de lui rendre un certain lustre avec la « cireuse ». Il n'y a pas de problème de poussières puisque l'atmosphère est filtrée lors de sa régénération via les conduits de ventilation qui évacuent les gaz nocifs et Unis 18
  • 22. Cycle Beta redistribuent un air plus frais, rechargé en oxygène. Il en est presque à la fin du couloir à lustrer au moment où il croise Alsyen. Alsyen depuis un moment a reconnu de loin le jeune humain comme étant celui qui était avec le scientifique du labo la veille. À ce moment là, il avait déjà ressenti chez le jeune humain de l'affection pour lui, confondu avec un petit primate sans défense. Cette méprise était tout de même préférable à une curiosité scientifique un peu trop poussée. Il décide donc de capter son attention par une simulation télépathique pour attirer son regard jusqu'alors dirigé sur le sol. Reno lui parle doucement pour l'amadouer et s'approche précautionneusement pour ne pas l'affoler. « Alors, p'tit tu cherches à te barrer ? T'iras pas loin tu sais. Viens me voir. Là . Attend, j'ai un gâteau ». Il sort de sa poche un petit sachet de biscuits, reste du précédent petit déjeuner, en déchire l'emballage plastique, et tend le petit beurre en direction d'Alsyen. L'estomac de celui-ci se crispe. Il n'a pas mangé depuis longtemps. Que risque-t-il à goûter de la nourriture étrangère. De toute façon, il va mourir de faim s'il n'essaie pas. Il prend le biscuit d'une main, puis des deux et pend alors la tête en bas pendant qu'il grignote sans en perdre une miette. Reno en profite pour le saisir sur les flancs. Alsyen se laisse faire et se décroche. Chacun a fait le geste envers l'autre. Les deux ont les mains prises. Reno se penche pour observer Alsyen. Celui-ci lève alors les yeux pour regarder Reno tout en continuant de manger en confiance. Le ciment prend. Dès qu'Alsyen a fini le biscuit, Reno lui en donne un autre puis il approche le jeune Niumi de son épaule gauche. Alsyen se plaque à lui de façon à ne pas le gêner et Reno peut terminer son travail en vitesse. Il se précipite ensuite vers sa chambre, tentant de dissimuler tant bien que mal Alsyen lorsqu'ils croisent quelqu'un. Mais son manège ne passerait pas inaperçu si Alsyen ne détournait pas l'attention des humains par suggestion télépathique fugitive les incitant à regarder dans une autre direction. Une fois dans la chambre, Reno ouvre son placard et sort quelques friandises pour Alsyen. Celui-ci y fait honneur, et puis fait mine de lui en Unis 19
  • 23. Cycle Beta offrir une. Reno sourit et accepte volontiers pour faire plaisir à l'animal. Il le caresse pour le remercier en mimant le plaisir de recevoir. Il se sait parfaitement ridicule mais ne s'en soucie pas. Par contre, les autres ne vont pas tarder à revenir de leurs corvées. Quoi leur dire ? Il décide donc de cacher le singe dans le placard. Il prend Alsyen dans les mains et le pose à l'étage de la nourriture tout en le caressant. Il lui fait une petite place, y met une serviette, l'installe dessus. L'animal semble accepter. Il ferme alors lentement la porte. Celui-ci ne semble pas s'en offusquer. Il rouvre. Alsyen fait mine de vouloir dormir. Rassuré, Reno referme la porte et met le cadenas. Alsyen a la certitude que l'humain l'accepte et n'ira pas prévenir le scientifique. Lui non plus n'a pas envie d'un Alsyen écorché flottant au sein d'une solution alcoolisée dans un bocal. Ici, il est encore en sécurité quelques heures. Il a senti au moment où Reno fermait la porte qu'il n'allait pas revenir tout de suite et qu'il craignait qu'Alsyen soit bruyant une fois enfermé. Alsyen l'a donc rassuré par persuasion télépathique afin qu'il puisse partir sans inquiétude. Inquiétude qui aurait pu tenter Reno de le ramener au labo. Cet humain pourrait-il être un bon remplaçant pour son Zymbreke ? Alsyen y pense déjà. La journée de Reno, comme celle de ses camarades, est réglée comme du papier à musique. Deux heures de sport au gymnase, deux heures de cours de spécialité, repas, informations en salle commune, instruction combat théorique, simulation de tir, sports de combat, corvées de bord, repas et ensuite retour en chambre et/ou foyer du soldat. Ainsi pendant deux jours. La troisième journée, c'est loisir, c'est-à-dire compétitions sportives et compétitions de jeux intellectuels. Mais il y a toujours une heure le matin et une heure le soir consacrées aux corvées de bord. Une journée de loisir sur trois, une manoeuvre virtuelle est organisée au profit de l'ensemble du vaisseau. Chacun est un joueur tenant son propre rôle dans une phase de conflit. Deux équipes s'affrontent, avec des variantes de moyens. Les gradés jouent la stratégie, mais connaissent aussi les qualités réelles de leurs hommes quand ils les font affronter en corps à corps des créatures chimériques. En effet, chacun gagne ses points de valeur grâce aux Unis 20
  • 24. Cycle Beta contrôles continus dans les vraies matières de l'instruction militaire. Les chefs qui gagnent aux jeux virtuels gagnent aussi la considération de leurs subordonnés. Il y a deux façons de contrôler son avatar, double virtuel incorporé en 3D dans la simulation par les programmeurs lors des formalités administratives de la recrue sous la base d'un simple scan de l'original. Soit le joueur mime son action, et les nombreuses caméras des locaux transmettent l'information au réseau de serveurs affectés à la simulation et à sa distribution sur le réseau général, soit il pointe sur son écran les actions proposées du type « je tire », "je me mets à l'abri derrière » etc. etc. Des paroles peuvent être saisies en direct, des ordres notamment... D'autres sont simulées par une pré-programmation et lors d'éléments imprévus dans le cadre d'une action automatisée, comme un déplacement d'un point à un autre, suivi d'une chute malencontreuse dans un piège. Des « Aïe », des « Ouille », des jurons fleuris pour « détendre l'atmosphère », voire des cris d'agonie aux accents dramatiques, dont le réalisme (parfois caricatural) frise le ridicule, font l'objet de sophistications perverses de la part des programmeurs. En conséquence, tout soldat appréhende sa propre fin de partie, qui risque de déchaîner les rires de ses camarades, mais pas le leur. L'humour des informaticiens a pour consigne de ne pas respecter les gradés non plus. Ainsi, tout le monde se doit d'être aussi prudent, craignant pour son image comme il devrait craindre pour sa propre vie dans un contexte réel. Ces grands jeux en réseau servent donc à la cohésion de l'Armada du cercle, tout en ayant des vertus pédagogiques. Un soldat inactif est un soldat qui se relâche. Il devient un mort en sursis. Dans l'espace, l'ennui est aussi le pire ennemi à craindre pour ses conséquences sur le moral. Les activités doivent donc être équilibrées et permanentes. Bien sûr, dès que la situation l'exige, l'emploi du temps s'adapte aux circonstances. La priorité opérationnelle prend le dessus sur l'instruction. Durant l'attente, les petits gradés vérifient la parfaite connaissance des points-clés de l'action susceptible d'être réalisée. Unis 21
  • 25. Cycle Beta C'est vers onze heures de l'heure « Quart C » que l'alerte est donnée. Une espèce animale inconnue s'est enfuie d'une enceinte sécurisée. Elle peut être n'importe où, il faut la retrouver avant qu'elle ne provoque des dégâts. D'aspect simiesque, elle semble tout de même inoffensive. Il faut essayer de la capturer vivante, mais aussi se méfier et prendre toutes les précautions, en particulier bactériologiques : des germes mortels peuvent subsister sous ses griffes, sa morsure peut être contaminante... Grâce aux hauts-parleurs intégrés un peu partout dans les cloisons, les hommes peuvent entendre le détail de la suite des opérations. La recherche va s'organiser secteur par secteur. Ces secteurs seront ensuite condamnés de manière étanche. Chaque compagnie va déployer une trentaine d'hommes par équipe de dix qui se déplaceront dans leur secteur de résidence ou d'entraînement avec des détecteurs de chaleur. Les autres équipes ont pour ordre de rejoindre dans un premier temps les salles de réunion afin d'y recevoir des consignes de recherche dans les zones communes. Les quatre roues, quartiers des escadres, doivent couper tout accès entre elles, comme avec la roue de l'état-major. Les secteurs périphériques, en apesanteur, réservés au stockage, aux serres et aux postes de combat sont eux aussi cloisonnés. « Ils vont retrouver le petit singe à tous les coups dans mon casier » s'affole Reno. Il se précipite dans sa chambrée au lieu de filer directement au foyer, car il n'est désigné dans aucune équipe de détection. Il se saisit d'Alsyen. Un instant, il l'abandonnerait bien dans le couloir, pour lui laisser sa chance. En aucun cas, il ne voudrait le livrer. Alsyen comprend instinctivement le désir de Reno et le rassure par son contact. Moins affolé, Reno prend son sac à dos de sport et y dépose doucement Alsyen à l'intérieur. Celui-ci se tapit au fond et reste immobile. « On dirait qu'il comprend » pense le jeune homme sans vraiment croire à cette réalité. Reno croise l'équipe de détection. — J'avais oublié mon kimono pour le quart de l'après-midi, dit-il au sergent. — Toujours la même tête de piaf, lui répond celui-ci, dégage ! Le détecteur n'a pas bronché, la signature thermique de l'humain ayant masqué celle du Niumi. Unis 22
  • 26. Cycle Beta Deux heures plus tard, des rations sont distribuées. Les recherches continuent… en vain. À la passerelle de commandement, le scientifique en prend pour son grade. Il n'est pas le seul à devoir redouter les foudres de la hiérarchie. On « découvre » à bord des dizaines de rats, des animaux familiers passés en fraude comme des hamsters et même un furet et deux chats. Avec eux, des puces à foison, vecteurs potentiels de contamination redoutables. Une seule silhouette reste calme et détendue, silencieuse et énigmatique, au milieu de l'agitation générale. C'est l' « Amiral ». Son grade sert de nom, de prénom, d'épouvantail ou de dieu vivant à bord. Quand on parle de Lui, c'est avec crainte et respect, y compris dans son entourage direct, et surtout quand « ça chauffe ». On ne l'interroge jamais sur la conduite à tenir. On fait ce qu'il dit, on fait ce qu'on pense qu'on doit faire quand il ne dit rien, en lui jetant parfois un regard pour tenter de lire sur son visage une preuve de son assentiment. Un visage dur, de parchemin cuivré, avec un nez crochu, une mâchoire carrée, des lèvres quasi-inexistantes. Des cheveux blancs, très courts et drus. Surtout, comme pour les autres vétérans, ce qui marque le plus, ce sont ses yeux : tout de marbre blanc, veinés à l'or fin, avec un soleil rouge pour iris éclipsé par une pupille gris de cendre. Entre l'Amiral et son état-major frais émoulu des grandes écoles militaires terrestres, il y a encore toute la distance entre la terre et le dernier cercle. Il n'y a qu'au milieu de ses vétérans qu'on a pu de loin l'entendre rire. Mais pourquoi donc ces vieux débris du siècle dernier ont été rappelés dans le cercle Bêta ? L'Amiral laisse le soin à son second d'invectiver tous les commandants et capitaines pour leur incompétence crasse et l'inefficacité de leurs troupes, incapables de retrouver un boeuf dans un couloir. Ceux-ci s'en prennent ensuite à leurs lieutenants et leurs sous-officiers par radio, pas même fichus de commander un C'Fet au foyer et de trouver leur ... pour pisser. À tous les niveaux, les fouilles s'intensifient dans la plus grande agitation. Les casiers personnels sont ouverts, fouillés, vidés pour en vérifier le moindre recoin. La liste des coupables d'infractions aux règlements s'allonge encore. Alcools, cigarettes, drogues, et même armes blanches, argent sale, photos Unis 23
  • 27. Cycle Beta compromettantes… Rien n'échappe aux équipes de recherche. Pas même, dans les zones périphériques, quelques « garçonnières » improvisées au milieu des rangées de stockages ou dans les alvéoles d'armement. De nouvelles équipes sont constituées, pour aller chercher dans les compartiments périphériques, et dans les quartiers des autres escadres. Ainsi, personne ne peut être protégé dans son propre secteur de responsabilité. Une nouvelle moisson d'entorses aux règlements s'annonce. Le représentant des vétérans s'insurge. Il demande à parler à l'Amiral. Celui-ci, le voyant arriver de loin, le reçoit avec le sourire, mais sans lui laisser le temps de prendre la parole. — Je sais ce que vous allez me dire. Ces ordres ne s'appliquent pas pour vos quartiers, désignez parmi vos hommes ceux qui vont VOUS accompagner pour y chercher le singe. — Bien Monsieur, à vos ordres. Quatre heures plus tard, distribution de rations de type « cycle de 24h » à chaque personnel. Les équipes de recherche sont relevées, et le seront à nouveau toutes les deux heures. Reno, intégré dans une équipe pour la prochaine période, ne s'étonne pas de son culot, oubliant même qu'il est porteur de l'objet de toute cette agitation.. Alsyen veille au grain. Dans tous les foyers, les commentaires vont bon train. Certains boivent plus que de coutume afin de se préparer à leur future sanction. En effet, ils savent que ce qu'ils dissimulaient a dû être découvert ou est en passe de l'être. D'autres commentent. Jean-Louis, de la chambrée de Reno, en profite pour mettre en avant son camarade en lui demandant de raconter à nouveau son histoire. Piégé, Reno reprend son récit, pour un public assez large cette fois. Dans le sac, Alsyen vit au travers des images ressenties dans le souvenir de Reno l'histoire telle qu'elle a été vécue par celui-ci. Il entend d'abord ses rires, confondus par l'humain avec des cris de peur. Il aperçoit Glyon, son frère spirituel, au travers des yeux de Reno, l'image terrible un monstre rugissant jouant avec sa pauvre victime avant de la dévorer d'un coup de gueule. Il distingue, au travers du viseur de l'arme, le visage de son ami exploser sous l'impact du projectile sonique. Il se voit, inanimé, flottant sur le ventre à la surface du plan d'eau, risquant se noyer. Unis 24
  • 28. Cycle Beta Il voit Reno, le peureux, se lancer sans réfléchir pour le récupérer. Il voit intimement, agir, vibrer, celui qui est à la fois l'assassin de son Zymbreke, son sauveur et le responsable de tous ses malheurs. Alsyen est bouleversé. Glyon est mort. Il est seul dans le labo. Il a envie de le rejoindre. Reno finit son histoire. Alsyen le pousse à montrer ce qu'il a dans le sac. Reno lutte. Non, il ne veut pas. Alsyen insiste. Reno a peur aussi des représailles du commandement. Alsyen le rassure, puis l'incite à nouveau. Reno vide sa brique de C'fet et conclut. « Et ce matin, j'ai retrouvé le singe. C'est mon ami. Il est là. » Il sort Alsyen du sac. Celui-ci se colle à lui contre l'épaule un instant, puis s'y perche. La salle se tait. Alsyen voit ces trois-cents têtes tournées vers lui et les affronte du regard. Il saute sur le bar, fait mine de boire du C'fet à la paille. L'éclat de rire est général. Le spectacle est retransmis à la passerelle. Le chef d'escadre responsable de Reno est blanc comme un linge. L'amiral contre toute attente sourit. Alsyen a goûté à un hamburger, l'a jeté par terre puis se régale avec des cacahuètes, en jette une en l'air, la rattrape dans la bouche. Et ainsi de suite... Il effectue des tours de plus en plus difficiles et cabotins. Il exécute aussi quelques pas de danse improvisés sur le bar, deux trois cabrioles et tout le monde s'esclaffe. Les sous-officiers n'arrivent pas à passer pour les rejoindre. L'amiral se tourne vers le chef d'escadre. — Mon cher Patrick, j'aimerai beaucoup voir ce jeune homme avec son animal dans mon bureau dans dix minutes. — Je donne les ordres Monsieur. — C'est ça. Amenez-les moi. Il sort ... prestement. L'Amiral s'adresse alors au reste de son staff, avec un petit sourire en coin qu'on ne lui connaissait pas. — De temps en temps, une petite mise au point est nécessaire non ? J'attends pour demain matin le résultat par escadre de toutes les « découvertes ». Je pense que le bilan est très positif et la leçon bonne à prendre… Le chef de section et son adjoint encadrent Reno et Alsyen. Ils ont essayé de les séparer, mais Alsyen s'est agrippé à Reno de toutes ses forces en poussant des cris perçants quand ils lui ont tiré sur les membres pour Unis 25
  • 29. Cycle Beta tenter de le faire lâcher sa prise. Reno s'est emporté, contre toute attente de la part d'une jeune recrue. Alsyen les a intérieurement couverts de honte et ils ont préféré capituler. Le chef d'escadre marmonne sa vengeance entre les dents. Il ne veut rien dire avant la décision de l'amiral, mais Reno comprend qu'il ne perd rien pour attendre. La sanction sera exemplaire. Il finira comme cireur de godasses pour toute l'escadre. Alsyen a retrouvé un peu le moral. Il en veut moins à Reno qui s'est mis, pour lui, dans une sacrée mauvaise passe. Seulement, c'est aussi sa survie qui se joue. Dans la salle d'attente, malgré les sièges confortables, personne ne s'assoit. L'amiral est en vidéo-contact permanent, supervisant la fin des inspections en cours dans les derniers secteurs qu'il a décidé de mener à leur terme. Il faut dire, qu'ironie de l'histoire, on a retrouvé sa cantine égarée depuis vingt-sept ans relatifs. Il n'était alors que jeune lieutenant muté sur ce vaisseau-école pour se préparer à la conquête des dernières planètes delta. Avec trois de ses camarades, disparus aujourd'hui, ils avaient été bizutés et ils avaient dû se débrouiller sans leurs affaires personnelles durant deux semaines. Par contre, lui avait dû faire sans jusqu'à aujourd'hui. À l'époque, il n'y avait qu'une roue centrale. Une excellente nouvelle donc. Qu'ont-ils bien pu retrouver d'autre qu'ils n'ont pas signalé ? Finalement ce vaisseau avait bien besoin d'un peu de remise en ordre. Il n'empêche que s'il tenait le petit malin qui à l'époque avait collé l'étiquette « Jouets d'enfants 0-3ans » sur sa cantine et l'avait planquée dans une salle d'archives... Un pseudo camarade d'alors, sans doute, qui a bien dû se moquer de lui dans son dos...mort certainement depuis, avec son petit secret. N'a-t-il donc survécu que pour la retrouver ? Il sait qu'à l'intérieur, il y avait laissé les photos de sa vieille Jessie, une chienne de quinze ans morte deux jours avant son embarquement et avec laquelle il avait vécu quasiment toute son enfance. Alors il a une idée. Une idée pas bien nouvelle puisque elle a juste été perdue à l'occasion des débuts de la conquête spatiale. Unis 26
  • 30. Cycle Beta Il va restaurer la tradition des mascottes à bord. Les fouilles ont mis à jour un cheptel assez conséquent qui en démontre le besoin. Il sait aussi que les vétérans cachent une créature bizarre qui ne doit jamais être montrée à d'autres. Alors ce petit singe extra-terrestre va devenir la mascotte du vaisseau, et ce jeune homme qui a su gagner sa confiance en sera le responsable. Le scientifique tripailleur et collectionneur de bocaux quant à lui sera responsable de l'hygiène et de la santé de tous les animaux classifiés « familiers ». Pour le désordre induit par cette recherche effrénée, ce seront tous les magouilleurs et les tarés qui paieront les pots cassés. L'humanité traîne avec elle une fange que l'espace doit permettre de purifier. Mais la vie, si rare dans l'univers, est sacrée. Même les rats seront adoptables. Cependant leur reproduction va être régulée. En plus de la charge d'entretien du petit singe, le jeune va tout de même récupérer une corvée moins glorieuse. Le risque sanitaire est un risque à prendre au sérieux. Une sanction doit donc s'appliquer. Il va devenir durant deux heures par cycle jour de douze heures responsable de l'entretien des latrines jusqu'à la fin de sa formation. Cela dissuadera les amateurs d'adoption en douce d'espèces extra-terrestres à bord. La prochaine planète d'exercice est en effet peuplée par une faune parfois redoutable. Unis 27
  • 31. Nouvelle vie À peine sorti de chez l'amiral, Reno est devenu le VIP de l'escadre. Mais les jeunes évitent pour l'instant de lui manifester leur sympathie car la tête sinistre des deux cadres de la section qui l'accompagnent en dit long sur sa popularité dans la hiérarchie. Pourtant, après que l'amiral l'ait tout de même tancé pour avoir cacher l'animal recherché, Reno a été un peu interrogé sur le déroulement de son instruction. Il n'a pas critiqué ses chefs malgré les brimades plus ou moins légères et au bon goût contestable subies durant sa formation initiale, puis au quotidien durant la formation complémentaire actuelle. Il a parlé de la peur de voir l'animal disséqué par le vétérinaire scientifique alors qu'il pensait lui avoir sauvé la vie pour justifier son acte. Mais Reno n'en menait pas large et ses cadres auraient préféré présenter au « grand chef »un « velu » plus représentatif de la qualité de leur instruction. L'énoncé de la peine ne les a pas satisfaits. Eux vont devoir subir les avanies de leurs collègues pour les fouilles entreprises et leurs conséquences dérangeantes. Ce Reno porte-poisse est vraiment la pire chose qui leur soit arrivée. Il ne manquait plus qu'il devienne un « chouchou » intouchable à haut niveau. Alsyen, sentant l'animosité des deux humains vis-à-vis de Reno, prend parti pour celui-ci même sans en comprendre la raison. (il ne connaît pas encore leur langage). Il décide de stimuler un peu plus leur sentiment de frustration, ce qui leur serre bien la gorge. Il prend soin aussi de rassurer Reno, plutôt bouleversé. Heureusement, l'amiral a donné quartier libre pour le reste de la journée à toutes les recrues non prises par le service, afin de remettre de l'ordre dans leurs affaires. Autre largesse : malgré les rations distribuées, le repas chaud devra être prêt pour le soir. Ce sera le premier signe du « retour à l'ordre ». Nouvelle vie 28
  • 32. Cycle Beta Le sergent Coll quant à lui hérite d'une demande de punition pour avoir dissimulé dans son casier un Neurovid avec des contenus pornographiques interdits. Ceux-ci montrent des humaines en pleine action avec des Alcychiens, animaux pacifiques de la planète Alcyde, domestiqués pour protéger les alentours de la base, et dont la tendance aux câlins profonds à l'attention des femmes de colons est légendaire. Il va aussi subir un examen médical complet, suivi d'une rééducation psychologique de plusieurs semaines. À l'origine, un Neurovid était prévu pour se connecter directement sur le cerveau à travers les tempes. Une émission de rayon photonique à travers le crâne permettait de modifier les perceptions visuelles et donc de montrer en grand des scènes virtuelles. Mais ils furent interdits après des accidents qui rendirent leurs usagers aveugles : les synapses des neurones cognitifs au contact des neurones optiques subissaient de graves dommages dus à une sur-stimulation d'acétylcholine, et divers autres neuro-transmetteurs habituellement sécrétés en quantité infinitésimale. Facteur aggravant : le principe avait évolué avec la distribution de ce produit à grande échelle. Le Neurovid ressemblait à un simple baladeur avec des écouteurs. Le signal visuel cette fois était transmis au cerveau via les nerfs auditifs. Cela permit aux premières victimes de l'ancienne technologie de retrouver la vue grâce à une caméra fixée sur des lunettes reliées au Neurovid. Mais malgré toutes les précautions, à la longue, des troubles auditifs, acouphènes comme hypoacousie apparaissaient, ainsi que des altérations irréversibles de l'oreille interne. Les Neurovids auraient donc dû rapidement tomber dans l'oubli si un trafiquant minable n'avait pas eu l'idée de les utiliser pour du porno. Afin de s'assurer des clients, il avait fait évoluer le dispositif. Commercialement rebaptisé Porn-Neurovid, l'engin fait parvenir par les nerfs optiques non seulement des scènes obscènes, mais aussi des signaux « fleshy », provoquant une excitation sexuelle artificielle directement au niveau du cerveau, puis par réaction, au reste du corps. Un effet de dépendance survient alors assez vite, surtout chez des hommes privés de relations sexuelles durant de longues périodes, comme ceux contraints à de longs trajets dans l'espace par exemple. Nouvelle vie 29
  • 33. Cycle Beta Le corps des FCP ne peut tolérer la moindre dépendance psychologique, surtout lorsque elle s'accompagne de dégénérescence mentale et physique. Le sergent Coll risque se retrouver débarqué au retour sur Bêta prime pour redevenir simple colon durant la durée de son contrat initial de vingt ans. S'il est reconnu inapte, il va être dégradé et affecté à des tâches primaires. Cela, les jeunes recrues l'ignorent totalement pour l'instant mais le chef de section sait qu'il va regretter ce sergent prometteur, moins « bourrin » que le reste de l'encadrement, physiquement « chat maigre » et dont le commandement impose naturellement le respect sans contrainte aux jeunes. Un peu ce qu'il aurait souhaité pour lui-même, mais qu'il n'était pas parvenu à réaliser. Trop ambitieux, trop pressé pour prendre le temps d'atteindre les objectifs dans les règles de l'art, il s'était rabattu sur « les bonnes vieilles méthodes » pour tenter d'y parvenir quand même. Dans la chambre de Reno, les recrues se passent et se repassent Alsyen. Tout le monde veut le toucher, l'amadouer et Reno n'a pas le coeur de refuser ce plaisir à ses camarades. Alsyen n'apprécie pas vraiment mais il sent la sympathie communicative de tous ces jeunes humains et il se laisse faire avec bonne grâce. Néanmoins, il ne recommence pas son numéro au milieu des briques de C'fet. Sinon, la chambre risque devenir un music-hall et il estime que même un « animal » doit avoir droit à sa dignité. Au réfectoire, Alsyen n'a pu que regarder les humains manger. Son dernier repas est assez loin. Heureusement Jean-Louis y pense. — Et qu'est ce qu'il mange ton singe ? — Pour l'instant, je suis sûr qu'il aime les biscuits, les cacahuètes mais pas les hamburgers — On a eu des rations. On n'a qu'à les ouvrir et voir ce qui lui plaît — Excellente idée. — Moi j'ai une numéro 3 avec du porc aux patates. — Et moi une 7 avec mouton haricots. — Il préférera peut-être la 11 avec des cannelloni. — Je suis sûr qu'il aime les corn-flakes au chocolat… La table commune se couvre de victuailles industrielles et Reno pose Alsyen à côté en lui proposant un biscuit. Alsyen prend le biscuit, le Nouvelle vie 30
  • 34. Cycle Beta mange puis, oh quelle intelligence, se met à renifler tout ce qui est sur la table. I l n e m a n g e j a m a i s d e v i a n d e o u d e p o i s s o n . Q u e s t i o n d'éducation. Néanmoins, il lui arrive assez souvent de manger sur Myrna certains gros insectes et des sortes d'escargots à condition qu'ils soient servis vivants. Les oeufs d'oiseaux comme de reptiles sont aussi des mets de choix mais il n'en abuse pas. Les Niumis ne consomment pas de nourriture cuite. Omnivores, ils s'astreignent à un régime carné minimum. Ils lyophilisent quand même la nourriture pour mieux la conserver sous vide ensuite car il s'agit d'une technique dérivée du séchage des fruits. Friands de nombreuses espèces de graines,, ils n'ont jamais ressenti le besoin d'en faire de la farine pour la cuire. Au contraire, le grain entier se conserve mieux dans les filets silos. Déjà, les biscuits plaisent beaucoup à Alsyen. Contraints de goûter pour survivre, Alsyen découvre avec plaisir les corn-flakes au miel. Ceux au chocolat sont un pur délice. Le fromage par contre l'intrigue beaucoup. De peu, il évite de se trahir, tenté un bref moment de prendre le verre de lait à la main, malgré sa grosse taille pour lui. Il se met donc à laper pour la « première » fois. Par la suite, pour en boire d'une manière plus civilisée, il fera quelques simulacres d'imitation, feignant ainsi d' « apprendre » à boire au verre. Néanmoins, il va lui falloir tout d'abord apprendre à communiquer comme un animal mais surtout à comprendre réellement les humains, c'est à dire leur langue en plus de leurs émotions et de leurs motivations (Alsyen jusqu'à maintenant « sent » le geste de l'humain avant qu'il ne le réalise). Ensuite, il lui faudra savoir lire. Malgré son extraordinaire mémoire et son intelligence par rapport à un humain, un apprentissage non organisé est toujours pénible. Impossible dans son cas de demander un abécédaire avec des images, des enregistrements sonores et un professeur. Il y a un mot facile à apprendre. Allez, c'est pour maintenant. Alsyen prend une poignée de raviolis et la lance sur Reno. Tout le monde rit sauf l'intéressé qui part dans une diatribe négative incompréhensible. Donc, Alsyen recommence. « Non, arrête » dit Reno. Alsyen reprend une poignée. Reno retient son bras. « Non » répète t-il. Alsyen relâche son bras puis va pour lancer. Reno le retient à nouveau et lui présente sa main près de la tête, comme pour le frapper. « Non » insiste t-il. Alsyen repose les Nouvelle vie 31
  • 35. Cycle Beta raviolis dans la boite. « Oui, c'est bien » dit Reno. Alsyen se lèche la main, alors qu'il préférerait se l'essuyer, puis va pour se coller contre Reno. « Oui, c'est bien. Gentil le singe » Reno le caresse. Alsyen peut sentir l'affection qui lui est destinée. Pas rancunier l'humain. Jean-Louis alors pose la question fatidique. — D'abord c'est même pas un singe. Et puis, on va l'appeler comment ? — Je ne sais pas. — Moi je sais. Caubard ! » Tout le monde rit. Donner le nom du chef de section au singe, c'est amusant, mais plutôt déconseillé. L'humour risquerait ne pas être partagé par les cadres. — Et pourquoi pas Willy ? — C'est nul comme idée. — Tarzan. — Léon. — Non, moi je sais. Flipper. — Pff. — Nikita ! — C'est un mâle ! Arrête de l'appeler comme ça. — Rex. — C'est pas un chien. — Nabudochonossor. — C'est Nabuchodonosor et c'est trop long. — Rocky. — Riton. — P'tit louis. — Dicentim. — Non. Ça va pas. Mais on peut organiser un vote. — Oui. On sélectionne plusieurs trucs parmi les meilleures idées et on choisit. — Ça lui irait bien Coco Barge. — On reconnaîtrait encore le chef et ça fait perroquet. Nouvelle vie 32
  • 36. Cycle Beta Jean-Louis s'approche de l'oreille d'Alsyen et doucement l'appelle « Bleno !». Alsyen tourne la tête et Jean-Louis fait « Vous avez vu ? Bleno réagit » Reno secoue la tête de gauche à droite. Vraiment, ils sont tous nuls. Mais c'est vrai, comment l'appeler ? Nouvelle vie 33
  • 37. Alsyen s'implique Alsyen s'est installé sur les cuisses de Reno et fait mine de jouer avec le hochet lumineux à variation de spectre en le tournant dans tous les sens et en le mordillant. En fait, il observe les doigts de Reno et l'écran. La mémoire d'Alsyen lui permettrait déjà de se connecter car sans comprendre les caractères, il les a déjà tous retenus, comme enregistré la réaction de chacun d'eux à l'écran. Les Niumis utilisent des ordinateurs depuis une vingtaine de siècles. Néanmoins, leur planète n'est industrialisée qu'à moitié et les Niumis n'ont fait aucune découverte technique. Depuis plus de cent-mille ans, ils ont évolué de concert avec les Zymbrekes. D'abord symbiotique et animale, la relation avec les Zymbrekes a connu les rapports maître-esclave pendant cinquante-mille ans. Puis cette situation est devenue insupportable aux Niumis, qui, ayant acquis une certaine sagesse, commençaient à influencer les cerveaux des Zymbrekes pour les faire accéder à l'intelligence. Trente-mille ans plus tard, des colons xhantiens débarquèrent sur Myrna la Forestière. Ils s'installèrent près des fleuves, dans les plaines et chassèrent les Niumis à coup de désintégrateurs. Mal leur en prit. À chaque violence commise par un groupe de colons, ceux-ci se retrouvaient rapidement décimés par des Zymbrekes, ayant parvenu mystérieusement à s'introduire derrière les barrières de sécurité les plus sophistiquées. Les Xhantiens avaient installé une station orbitale. Au télescope, ils purent observer Niumis et Zymbrekes découvrant les objets technologiques abandonnés, puis apprenant à s'en servir. Ils comprirent alors que les massacres à coups de griffes n'étaient donc qu'une mise en scène. Dès le départ, ils auraient pu retourner les armes des envahisseurs contre eux. Il s'agissait d'espèces intelligentes : il fallait agir autrement. Alsyen s'implique 34
  • 38. Cycle Beta La troisième expédition xhantienne fut donc précédée d'une navette diplomatique sans aucun armement. Un groupe de volontaires se porta à la rencontre des Zymbrekes. Lorsque ceux-ci voulurent lancer l'assaut, les Xhantiens présentèrent des objets en cadeau. Il n'y eut cette fois aucune victime et les trois races sympathisèrent. Les armes saisies sur les cadavres furent restituées aux Xhantiens spontanément au bout de quelques jours. Alors, les colons xhantiens débarquèrent non armés et purent s'installer là où ils le souhaitaient. Des couples Niumis-Zymbrekes (Deux Niumis et deux Zymbrekes) se présentèrent au devant des implantations et manifestèrent leur désir de vivre au sein de la communauté xhantienne. En réciprocité, certains Xhantiens durent aller vivre avec les colonies des Niumis. En moins d'un siècle, il y avait deux types de quartiers dans les villes de Myrna. Celui qui était adapté au mode de vie autochtone, et celui adapté aux Xhantiens. Les Xhantiens sont des créatures humanoïdes à la peau sombre et écailleuse. Leur nez est presque plat, à quatre fentes. Leurs oreilles sont petites et cylindriques de part et d'autre de la tête. Enfin, ils mesurent plus de deux mètres cinquante. L'habitat ne peut donc être commun avec les Niumis, hauts de quarante centimètres maxi sur la pointe des pattes ayant leurs « propres appartements » à l'étage auxquels ils accèdent par un pilier-tronc, tandis que le rez-de-chaussée est réservé aux Zymbrekes, mesurant environ un mètre cinquante, se déplaçant sur des tentacules et souhaitant vivre en permanence sur un sol nu et naturel. La « villa-immeuble » est d'ailleurs conçue pour protéger une colonie de Niumis à l'étage, avec le nombre équivalent de Zymbrekes au rez-de-chaussée. Les Niumis permirent aux Xhantiens de régler leurs problèmes ethniques sur leur planète, par leur philosophie et leur pacifisme, rapidement à la mode au sein de l'élite xhantienne. Ils devinrent très vite ambassadeurs adjoints, au service de chaque partie, afin d'arbitrer et régler les problèmes internes des Xhantiens avec pragmatisme. Leur collectivisme permit aussi de rationaliser la production, de mettre en place un partage équitable des ressources et de maintenir la motivation de tous les individus en récompensant le travail accompli par des fournitures inédites, cependant non vitales. Ils firent aussi redécouvrir aux Xhantiens Alsyen s'implique 35
  • 39. Cycle Beta les charmes d'une pharmacopée naturelle grâce à leur excellente connaissance de la flore myrnienne, encore intacte et riche en plantes médicamenteuses. Les chimistes xhantiens parvinrent d'abord à synthétiser les molécules actives, et finalement prirent le parti de la culture des plantes elle-mêmes, avec les quelques manipulations génétiques adéquates pour améliorer leur rendement et en permettre un développement contrôlé sur les sols déserts ou pollués de Xhantios. Diverses techniques d'extraction des principes actifs s'avérèrent bien plus profitables que de jouer industriellement avec des éprouvettes... En échange, les Xhantiens devinrent partenaires pour la réalisation d'usines de produits manufacturés pour les Niumis et les Zymbrekes, dont la nudité fut déclarée « choquante ». Les Niumis découvrirent donc les heures de travail (seulement la moitié de la journée un jour sur deux) pour pouvoir se procurer ces produits. Le binôme Zymbreke (avec ses bras et tentacules) et Niumi était quand même aussi efficace que six Xhantiens. Myrna exporta très rapidement des produits pour Xhantiens fabriqués grâces aux ressources naturelles de la planète et grâce au travail niumio-zymbreke. Puis, il y eu très rapidement des techniciens, des concepteurs et des créateurs niumis car leur vive intelligence était étayée par une mémoire phénoménale. Enfin, en dehors de leurs heures de travail, les Niumis élaborèrent des dictionnaires, des méthodes d'apprentissage, des bilans de découvertes... sur leur réseau informatique global. Ils accédèrent ainsi à une culture de l'écrit, une révolution, car jusqu'alors, toute la transmission des savoirs et des traditions était orale et télépathique. Aucunement pervertis par une histoire sanglante et des idéologies hégémoniques, tout à fait innocents face à l’oedipe, incapables de comprendre le besoin de richesses, leur motivation était la recherche de la connaissance et de la sagesse. La possibilité de voyager loin allait perturber quelques équilibres. Pour pouvoir s'offrir des vaisseaux spatiaux, il fallait quand même gagner beaucoup de crédits. De plus, les plaisirs d'une drogue concentrée (alors que les Niumis en consommaient seulement sous forme naturelle le soir pour se détacher l'esprit), interdite de surcroît encouragèrent quelques comportements déviants comme l'escroquerie et la masturbation en public. Mais il n'y eu jamais violence ou meurtre en effet secondaire. Alsyen s'implique 36
  • 40. Cycle Beta Alsyen faisait donc partie d'une famille aisée. Ele possédait d'ailleurs deux vaisseaux spatiaux. Celui qu'il avait « emprunté » pour sa petite virée funeste dans l'espoir d'un « détachement » plus jouissif retournerait de lui-même au bercail après une centaine d'alternances jour/nuit … Tenir compagnie à Reno durant ses cours l'avait déjà amené à apprendre notre alphabet dans l'ordre des touches du clavier. De plus, comme souvent Reno répondait au logiciel en parlant à voix basse mais perceptible par un micro d'oreille interprétant les vibrations des os de la mâchoire, et que le logiciel de synthèse vocale affichait la réponse dans les cadres de saisie, Alsyen connaissait déjà un certain nombre de phonèmes à la fin de la journée. Il pouvait ainsi reconnaître dans une phrase un objet nommé en sa présence assez rapidement. Il y avait tout de même une difficulté particulière à la langue humaine. Aucune des trois langues (Niumi, Zymbreke, Xhantien) connues d'Alsyen ne comportaient d'articles et il existait quatre genres : masculin, féminin, neutre et associatif (genre réservé au binôme Niumi-Zymbreke). Avec le nombre et la fonction dans la phrase, tout était une question de déclinaison à la fin du mot. Le verbe était donné accordé en début de phrase, puis suivait l'adverbe éventuel, le groupe sujet, (un groupe est composé d'adjectifs invariables car c'est le nom commun qui porte la marque du genre et nombre) toujours sans subordonnée à l'intérieur, et enfin le groupe action, suivis des groupes circonstanciels, toujours sans subordonnées. Voila pour le langage parlé. Dans le langage écrit par contre, après le dernier groupe circonstanciel, on introduisait les subordonnées par un pronom qui indiquait, soit le groupe objet, soit le groupe action, soit enfin le numéro du groupe circonstanciel. Les pronoms personnels sujets n'existaient pas puisque le verbe, accordé par un suffixe à la bonne personne du singulier ou du pluriel, indiquait déjà les renseignements. Cela donnait des phrases du genre « Boije » (je bois). « Boije eau quiobjet coule dans grande forêt qui1 recouvre verte planète ». La négation, quant à elle, se plaçait devant le verbe quand il y avait lieu. Quelques autres règles avec des conjonctions de coordination régentaient les règles de position, d'appartenance, d'antériorité etc. etc. Alsyen allait avoir au début un peu de mal à s'y retrouver, malgré son intelligence et sa mémoire. Les langages de la terre avaient fusionné en un Alsyen s'implique 37
  • 41. Cycle Beta franglais extrêmement compliqué à cause de l'exception culturelle d'un petit pays de trente millions d'habitants. Celui-ci, héritier d'une « Grande Histoire de Lui-Même », avait voulu, et obtenu par influence une académie planétaire composée « d'immortels » pour régenter le bon emploi des mots et leur certification, comptant ainsi éviter des termes « locaux » même dans les futures terres conquises. Le pire vint ensuite des huit cents « immortels », menant de grandes luttes d'influence et d'ego tout en prétendant sauvegarder l'étymologie des mots alors qu'ils devaient être homogénéisés. Quant aux phrases, les grammairiens menaient d'épiques batailles pour défendre telle ou telle exception dans les règles universelles. Sans les correcteurs orthographiques ou les logiciels de synthèse vocale, nul n'écrirait de terrien académiquement correct. D'où un retour à un langage parlé universel assez fruste qui correspondait très bien à l'action en ces périodes d'émancipation. Mêmes certaines onomatopées pouvaient être lourdes de sens chez quelques taciturnes, significations très accessibles à la télépathie d'Alsyen se basant sur les émotions et les motivations liées au déclenchement de l'usage de la parole. Mieux, Alsyen pouvait sentir le mensonge ou la méchanceté derrière chaque message apparemment sibyllin chez la plupart des créatures intelligentes. * * * À la mi-journée, alors que toute la section finissait son repas, Reno amena Alsyen en chambre dans les locaux de la section. Il croisa le sergent Coll, ou plutôt l'ombre du sergent Coll. Celui-ci revenait de la visite médicale et les résultats d'analyse étaient mauvais. Le docteur avait décidé de temporiser la décision du commandement en prévoyant une contre-visite trente cycles/jour plus tard pour jauger d'une éventuelle amélioration après suppression par le sujet de l'usage de sa Neurovid. Néanmoins, il pensait certains dommages irréversibles. À sa vue, et sans connaître la cause de sa tristesse, Reno proposa de bon coeur au sergent Coll une C'fet et celui-ci accepta. La conversation resta anodine et tourna autour d'Alsyen tandis que celui-ci mangeait. Alsyen Alsyen s'implique 38
  • 42. Cycle Beta perçut la détresse du sergent et les dégâts occasionnés par le Neurovid sur ses zones temporales. Entraîné par la sympathie de Reno, il décida donc de stimuler certaines synapses qui allaient relancer la production d'hormones et de neurotransmetteurs qui eux-mêmes déclencheraient les réparations de manière naturelle. Le Neurovid « désamorçait » et déréglait trop de mécanismes pour que la réparation se relance d'elle-même. Il faudrait juste que pendant deux semaines, Alsyen puisse croiser Coll quotidiennement pour re-stimuler l'ensemble et ensuite, les choses se soigneraient d'elles-mêmes progressivement, totalement en quelques mois, mais déjà aux trois-quarts dans les deux premières semaines. Coll prit congé de Reno avec un « Merci, c'était sympa de ta part, Reno. Mais fait gaffe, Caubard t'a dans le nez et il veut ta peau » Alsyen s'implique 39
  • 43. Cérémonie de baptême Alsyen va être baptisé au cours d'une petite fête surprise pour les recrues de l'escadre, mais préparée dans les moindres détails par l'équipe désignée par le chef d'escadre. En effet, l'Amiral a précédemment décidé une visite d'inspection dans toutes les unités élémentaires du vaisseau. À l'issue de celle-ci, la mascotte de chacune de ces unités va connaître son nom. Une manière de vérifier que la leçon a porté et qu'après les sanctions et les mises au point, les escadres sont à nouveau irréprochables et dignes de la confiance de leur chef. Cela donne aussi l'occasion aux recrues de voir leur chef suprême à des millions de kilomètres à la ronde. Les chambres ont été rangées « au carré », les couloirs ont leurs parois étincelantes, les lourdes portes coulissent au petit poil et toutes les ampoules fonctionnent. Les sanitaires eux aussi ont eu droit à un nettoyage en règle, et durant les deux heures précédant la visite, puis pendant l'heure d'inspection, personne n'a eu le droit de les utiliser, d'où quelques grimaces de la part de certains. Les deux-cents recrues non prises par le service sont maintenant au garde-à-vous devant leur amiral, section par section, avec leur encadrement, dans le réfectoire réaménagé pour l'occasion… La corvée de Reno pour cette cérémonie a été de nettoyer Alsyen et de mettre en valeur sa fourrure. Il a fait ça au labo du « tripailleur », dans le bac d'une paillasse. Si Alsyen ne craint pas l'eau, il n'a pas du tout apprécié le savon au citron mais Reno, malgré les sollicitations télépathiques a été intraitable. Lui aussi a donc été abondamment mouillé malgré le tablier en plastique que lui a prêté le « tripailleur ». Le plus pénible a été le nettoyage de la tête. Même les poissons dans leur aquarium se sont cachés suite à l'émission de détresse télépathique d'Alsyen, le passage de la tête sous l'eau étant équivalent pour sa race à un véritable supplice. Cérémonie de baptême 40
  • 44. Cycle Beta Sorti du bac, Alsyen semblait squelettique et pitoyable. Son air outré fit sourire Reno et Alsyen dut s'incliner et rire de son propre ridicule. Il se laissa donc faire durant la séance de sèche-cheveux, puis Reno le brossa en faisant bouffer les poils très fins. Alsyen reprit ainsi une forme plus présentable. Reno lui coupa au carré les poils qui sortaient des oreilles. Alsyen se trouva beau dans la glace que lui présenta Reno. Il dut aussi enfiler l'uniforme réalisé par le maître-tailleur d'après les images prises par l'ordinateur spécialisé. Alsyen résista un peu pour la forme. Il était censé être un primate sauvage à peine apprivoisé. Néanmoins, ce cadeau imprévu qui lui redonnait toute sa prestance de Niumi civilisé lui fit énormément plaisir. Un grand soin spécifique avait été apporté à sa conception. Sa queue avait son propre compartiment interne mais n'était pas visible de l'extérieur afin certainement d'éviter qu'elle puisse rester coincée dans une porte. Le tissu, multicouche, était bien sûr indéchirable. Les agrafes pour y fixer de façon étanche une capuche sous casque scaphandre afin de sortir dans l'espace étaient présentes. En avait-il un prévu pour lui ? (Plus tard, il s'avéra que oui. Reno reçut ainsi un paquetage complet pour son protégé, avec même des vêtements civils et une trousse de toilette adaptée. Ah, les applications du règlement parfois). Cette combinaison était auto-respirante, anti-allergique, anti-odeur. Équipée d'un convecteur, elle récupérait la chaleur corporelle de l'individu pour recharger ses batteries, partie prenantes de la matière du vêtement elle-même. La polarisation variable des fibres permettait le détachage de toute matière organique interne et externe, ce qui permettait au vêtement de rester toujours propre. Plusieurs couches totalement isolantes pouvaient s'activer d'elles-mêmes en fonction de la température extérieure (sécurité) ou sur commande. D'anti-transpirant, le vêtement devenait alors totalement étanche. La transpiration collectée au niveau de la peau s'accumulait dans la doublure, comme les excréments liquides. Sel et eau était récupérés et utilisables en cas de besoin. Ainsi, le recyclage des liquides, avec élimination des déchets dangereux permettaient à un naufragé de survivre plus longtemps. La plupart du temps, dès le retour dans une atmosphère sécurisée, il suffisait de vider les poches réservoir situées à l'extérieur des cuisses. Leur contenu était recyclé Cérémonie de baptême 41
  • 45. Cycle Beta une deuxième fois à bord du vaisseau, car dans ce cas-là, personne ne pensait plus à l'origine de l'eau. Les hommes ne portaient pas cette tenue en permanence. Mais elle leur servait aussi d'uniforme d'apparat, en particulier lors des escales. Le tissu infroissable, brillant et coupé sur mesure impressionnait les colons. Dans l'espace, en cas d'alerte, les hommes devaient l'enfiler au plus vite. Un autre modèle de combat au sol, plus résistant, prévu pour emporter armes, munitions, protégeant aussi des rayons laser de faible intensité, des impacts de projectiles de première catégorie et des champs magnéto-soniques, était rangé dans les casiers de chaque recrue. Différents modèles de bottes avaient aussi été conçus pour la compléter efficacement en fonction des circonstances. (température au sol, dans l'espace, résistance à l'eau, à l'incendie, poids et souplesse si long déplacement pédestre...) Après essayage des gants et des chaussons à doigts pour Alsyen, ceux-ci lui furent retirés et rangés dans une poche dans son dos. Ainsi, en temps normal, il gardait toute son « adhérence naturelle » à Reno. * * * La cérémonie commence. Après la présentation des troupes par le chef d'escadre, l'amiral ordonne le « repos » puis entame son petit discours traditionnel. Il les félicite pour l'état impeccable de leurs quartiers pourtant vétustes puisqu'ils sont logés dans la roue la plus ancienne du vaisseau. Il félicite en particulier les cadres qui donnent le meilleur d'eux-mêmes pour la formation et les recrues ayant les meilleurs résultats aux tests continus. Il leur annonce un nouveau décor pour la prochaine simulation tactique globale, sans en trahir le secret du thème. « Mais il va y avoir de l'action et chacun devra être au maximum de son potentiel ». Pour conclure, avant que chacun puisse goûter ce que l'excellente équipe de cuisiniers a préparé comme buffet, il décide de présenter une nouvelle recrue à l'escadre, dans la nouvelle fonction de mascotte. Reno s'avance donc droit comme un « i » et au pas vers l'Amiral, avec Alsyen tenu sous les aisselles au bout de ses bras. Un haut tabouret est amené près de l'Amiral et Reno y dépose Alsyen. Celui-ci ne fait pas d'histoire, mais joue un peu l'apeuré, sans se forcer vraiment car il a aussi Cérémonie de baptême 42
  • 46. Cycle Beta le trac d'avoir tous ces yeux fixés sur lui. L'amiral sourit, puis se tourna vers les troupes. — J'ai choisi pour notre ami un nom prestigieux de notre histoire. Un militaire bien sûr, qui s'est battu pour la grandeur de sa cité, pour ses valeurs, pour sa survie, son expansion et son rayonnement sur le monde d'alors. Je vous présente Scipion. Il y a un blanc. Tout le monde ne connaît pas ce général romain. Puis les cadres de haut rang commencent à applaudir, vite suivis par le reste de l'assemblée. « Et maintenant, la main dessus » (Vieille expression terrienne dont l'origine s'est perdue signifiant qu'on peut se servir au buffet). Dans un joyeux brouhaha, tout le monde se rend auprès des tables chargées de boissons et de toasts disposées contre les cloisons. — Venez avec nous au buffet officiel mon garçon , dit le second à Reno qui vient de récupérer Alsyen. Scipion est parfait. Il ne lui manque plus que la parole. Cérémonie de baptême 43
  • 47. Leçon de dressage Tout le monde observe de son lit ou d'une chaise le duo Alsyen-Reno. Le spectacle attendu est une pièce comique. Reno dépose Alsyen à une extrémité de la pièce. Puis il va à l'autre bout, tenant à la main une petite boite de croquettes de chocolat. — Scipion ici ! ordonne-t-il. Reno a décidé de dresser Alsyen. Maintenant qu'il a un nom, il va pouvoir le lui apprendre. Alsyen comprend déjà une bonne partie du langage courant et s'est même habitué à son rôle. Mais là, sa fierté en prend un coup. Il a décidé de se jouer de son dresseur dès qu'il le pourra. Donc, Scipion ne bouge pas. Reno répète en lui tendant les bras. Scipion fait mine de se gratter les fesses. - Allez, viens ici Scipion ! Insiste Reno en secouant la boite de croquettes. Cette fois, Alsyen est d'accord. Aucun animal n'est censé refuser un appel direct à l'estomac. — Bien Scipion bien, dit Reno en lui refilant une croquette. Il s'éloigne et Alsyen le suit. Alors Reno revient et lui dit « Pas bouger ». Scipion s'assied donc. Reno repart. Alsyen aussi. « Non, Scipion, non ». Reno le pose à nouveau au sol. « Scipion pas bouger ». Il parcourt un mètre. Scipion le regarde sans bouger. Reno revient, lui donne une croquette en lui disant « Bien, Scipion, bien ». — Scipion, pas bouger. Il s'éloigne et Scipion suit. Même jeu une dizaine de fois. Reno ne peut pas s'éloigner de plus de deux mètres après avoir donné une croquette. Puis Alsyen le laisse traverser la pièce. Reno revient. Le félicite. Lui donne une croquette. Il le laisse sans rien dire. Alsyen le suit donc. Retour sur l'endroit, « pas bouger Scipion » puis Reno se place à l'autre bout de la Leçon de dressage 44
  • 48. Cycle Beta salle — Viens, Scipion. Viens, ordonne Reno. Scipion s'étire. Le regarde, avance un peu. « Allez oui, viens Scipion ». Il décide de ne pas se presser. Reno secoue la boite. Alsyen s'arrête. — Il n'a plus faim, fait Jean-Louis. — Il est trop bête, ajoute Paulo. — Allez viens Scipion, implore Reno. Sur ce ton-là, Alsyen veut bien. Nouvelle croquette et deux trois caresses. « Pas bouger Scipion » et Reno s'éloigne. — Viens, Scipion, viens. Il en a assez Alsyen, et il tient à le faire savoir. À mi-parcours, il s'arrête et défèque. Toute la chambre écarquille les yeux. Scipion n'a jamais fait cela auparavant. Et d'ailleurs personne ne sait ce qu'il fait d'habitude. Bien sûr que jamais personne n'a pu penser que Scipion pouvait ne rien faire. Mais, on s'imaginait qu'il allait plus loin, durant les périodes nocturnes, qu'une autre section devait nettoyer sans rien dire… Tout le monde rit, sauf Reno qui sait qu'il va devoir nettoyer. — Scipion vilain, sermonne Reno. — Il faut le gronder, dit Jean-Louis,. Il y a un truc qui marche bien, c'est lui mettre le nez dedans. Alsyen sent tout son poil se hérisser. « Non, Reno, non. Tu ne vas pas faire ça ? » songe t-il effrayé. Reno se rapproche d'Alsyen. Si, il va le faire ! Alsyen s'enfuit mais la porte est fermée. Il tente en sautant d'atteindre le bouton, mais le manque sous la précipitation. — Pas bête le singe, dit Jean-Louis, on dirait qu'il a compris. Attrape-le avant qu'il réussisse à se tirer ailleurs. Reno l'attrape au vol. Alsyen s'accroche à son bras, lui envoie télépathiquement des ondes de remords de sa part, de honte pour lui s'il lui faisait subir ça… Reno sait que tout le monde le regarde. Il ne peut plus reculer, sinon, il est bon pour nettoyer en permanence. Les corvées du matin et du soir lui suffisent. Alsyen appelle à l'aide toute la chambrée, se crispe, jette sa tête en arrière, fait les gros yeux gémit bruyamment mais rien n'y fait et Reno inflexible Leçon de dressage 45
  • 49. Cycle Beta lui souille la truffe. Les griffes rétractiles d'Alsyen, oubliées par Reno habitué aux ventouses qui les dissimulent jaillissent et en un éclair lacèrent Reno aux bras, déchirant combinaison et peau comme un simple film de plastique. Il lâche Alsyen, qui en profite pour se dissimuler sous un lit, en répandant des ondes de honte à la ronde. Fin de la leçon d'aujourd'hui. Les deux ont appris plus qu'ils n'auraient voulu et chacun d'eux le regrette car chacun a sa part de responsabilité. Alsyen finalement ému par le désarroi de Reno cesse ses stimulations télépathiques. Reno nettoie les dégâts et personne ne rit. Il se promet demain de consulter en ligne les principes d'un bon dressage plutôt que d'improviser. Un animal, ça se respecte. Jean-Louis va chercher dans sa trousse individuelle des pansements hémostatiques et désinfectants à base de cyanoacrylate en tube (Les modèles en bombe sont interdits dans l'espace). Alsyen remonte alors télépathiquement le moral des troupes et suggère une petite soif de C'fet à tous. Quand les premiers rires fusent à nouveau, il sort de sa cachette et va se blottir contre Reno qui discrètement le serre contre lui avec une effusion qu'il tente de masquer. Leçon de dressage 46
  • 50. Progrès et découvertes Quinze cycles jours se sont écoulés. Aujourd'hui, Alsyen est capable de comprendre l'intégralité des conversations en cours autour de lui. Il sait aussi lire. Ayant mémorisé le code d'accès de Reno, il va pouvoir se connecter sur le réseau interne du vaisseau et étendre sa connaissance de la culture des humains. Le sergent Coll est enfin sorti d'affaire avec ses problèmes médicaux. Le médecin de bord ne s'explique pas la régénérescence aussi rapide des neurones endommagés et le sevrage sans troubles psychologiques au Neurovid. Sur la feuille de soin, il a présumé d'une détérioration très rapide mais non définitive, donc réversible grâce à un emploi antérieur très peu fréquent. Cette conclusion de « très peu fréquent » permet aussi d'appliquer un bémol à la punition en cours et ne remet plus en cause de manière catégorique la suite de la carrière du jeune gradé. Coll trouvant Reno très sympathique, il interagit sur le chef de groupe en titre de celui-ci, le sergent Sancruz afin de le convaincre de cesser les petites vexations quotidiennes imposées à Reno. D'ailleurs Alsyen lui aussi encourage le tourmenteur à plus de retenue, surtout verbale en lui simulant des goûts écoeurants lors de l'emploi de termes blessants à l'égard de son subordonné. Le sergent Sancruz va finir par devenir poli avec tout le monde à la longue, bien conscient de ce « problème » dont il n'ose parler à qui que ce soit. Quant à Reno, il prend du poil de la bête. Son assurance s'affirme vis-à-vis de ses camarades et il est moins gaffeur dans la vie quotidienne. Il faut dire qu'il bénéficie de l'aura de « responsable de mascotte ». Il est devenu une célébrité sur le vaisseau. Son singe savant en jette tout de même plus que les cochons d'Inde ou les souris blanches des autres unités. Alsyen n'est pas étranger à cet état. Progrès et découvertes 47
  • 51. Cycle Beta Il a de moins en moins besoin d'influer sur le rythme cardiaque ou les nerfs de son protégé/partenaire. En effet, il a corrigé le petit défaut congénital de Reno en stimulant quelques neurones jouant sur les sécrétions de l'hypophyse. Il a aussi un peu modifié les taux de sécrétions hormonales et bidouillé quelques neurones du cervelet pour finir de « câbler » les hémisphères cérébraux. Reno dispose aujourd'hui du double de neurones cognitifs par rapport à la grande majorité de ses congénères. Les performances de sa mémoire et de ses dispositifs mentaux en sont sur-multipliés. Reste à les lui faire utiliser à autre chose que ses maigres cours théoriques et le comptage de chaussettes auxquels il est destiné dans le cadre de son orientation initiale. Alsyen a aussi corrigé le caractère naturellement indolent de Reno. Rêveur timide et maladroit, Reno ne se donnait que des buts étriqués à atteindre afin de ne pas être dépassé et son manque d'ambition pouvait le cantonner aux échelons subalternes de la hiérarchie. Aujourd'hui, Reno a envie de faire du sport, de progresser dans tous les domaines possibles. Il attribue cette nouvelle boulimie d'intérêts à la relative inactivité après ses classes à bord du vaisseau. Heureusement, il peut accéder à une salle de sport, et il commence à s'y rendre de plus en plus souvent en dehors des heures obligatoires en section. Les premiers progrès sont très encourageants et sa maîtrise de mouvement, qu'il s'agisse de sport de combat ou de geste technique, s'est bien améliorée, surtout qu'auparavant, trop craintif, il tremblait presque d'appréhension à chaque mise à l'épreuve, ce qui l'inhibait totalement. Alsyen, toujours à ses côtés veille au grain. Comme ce fameux jour de la dernière décade... Reno s'entraînait à la boxe française contre un simple sac rembourré de mousse. Les trois sergents de la section sont arrivés pour s'entraîner entre eux. Surpris par la présence d'une recrue en ces lieux en dehors des heures imposées, Sancruz a décidé de le prendre pour adversaire au « full contact ». Reno monta alors sur le ring la tête basse. Les trente premières secondes, ce fut un massacre. Reno tentait de parer, mais les coups de poing mêmes amortis par les gants, l'étourdissaient. Son adversaire en profitait pour l'accabler sous une grêle de coups de plus en plus appuyés et précis en toute liberté. Alsyen dissipa alors ses malaises en augmentant son rythme cardiaque, en stimulant quelques glandes pour Progrès et découvertes 48
  • 52. Cycle Beta dilater les veines, puis coupa les récepteurs de la douleur, simula en Reno une sourde colère et lui suggéra quelques enchaînements. Deux minutes après, un uppercut envoyait proprement Sancruz au tapis, alors que les deux autres n'avaient rien remarqué d'étrange en ce subit revirement de situation. Alsyen calma instantanément Reno avant qu'il n'y ait risque de débordement et celui-ci, avec sa gentillesse habituelle proposa alors sa main à son adversaire pour l'aider à se relever. Sancruz préféra refuser l'aide inattendue, prétexta une douleur au poignet et quitta le ring, baignant dans un mélange de surprise et de dépit. Reno n'en ressentit pas immédiatement de la fierté car Alsyen bloqua ce sentiment. Il ne fallait pas que la métamorphose semblât trop rapide. Mais depuis cette raclée inattendue, Sancruz choisissait un autre cobaye pour ses démonstrations au niveau section et les vexations se raréfièrent pour disparaître totalement. Reno doit encore intellectuellement beaucoup progresser, pour parvenir au niveau souhaité par Alsyen. Celui-ci stimule les centres de la curiosité, mais l'emploi du temps est chargé et les accès aux informations sont peut-être analysés. Alsyen s'oblige à la prudence et apprend simultanément les mêmes choses que Reno. Lorsque la « roue » est endormie, Reno en profite pour allumer un des ordinateurs intégrés dans la table de la chambre. Il trouve enfin un descriptif du vaisseau école, avec une représentation visuelle et un descriptif technique, dans les grandes lignes. Derrière lui, Alsyen est horrifié. Les humains ont un tel retard technologique. Mais on ne peut leur dénier un certain sens pratique et un sacré courage pour s'embarquer sur de telles casseroles. Le vaisseau est composé d'une base propulsive circulaire. À chaque extrémité d'un diamètre, deux grandes colonnes s'élèvent perpendiculairement à cette base. Ces deux colonnes supportent un axe les reliant entre elles. Cet axe est aussi celui de cinq roues internes (Mais on pourrait encore en rajouter deux à l'intérieur des colonnes). Rien n'interdirait d'avoir un jour des roues tournant à l'extérieur des colonnes, mais pour l'instant, il y a deux roues cylindriques stables de part et d'autre de l'ensemble. Progrès et découvertes 49