Commentaire analytique de l'épidémie d'Ebola issue du partenariat entre l'Organisation Ouest Africaine de Santé, la Société Française de Médecine de Catastrophe et StratAdviser Ltd, société de conseil en stratégie dans le domaine la santé et sanitaire et le pilotage de crise
Lecture georgetown university on disaster resilience
Point de situation sur Ebola au lundi 15 septembre 2014 OOAS/SFMC/StratAdviser
1. Le point sur Ébola au lundi 15
septembre 2014
Drs Jan-Cédric* et Øivind** Hansen
* Médecin Coordonnateur Hôpital Asselin-Hédelin – Consultant Senior StratAdviser Ltd agence spécialisée en
communication stratégique de crise dans le domaine de la santé ; ** Médecin Anesthésiste-Réanimateur
L’épidémie de fièvre hémorragique virale (FHV) liée au virus Ébola, souche
"Zaïre" qui sévit actuellement depuis le 22 mars 2014 s’est déclarée en
Guinée puis s’est presque immédiatement propagée au Liberia et en Sierra
Leone, pays voisins.
Désormais 5 pays sont officiellement touchés
En Guinée 885/568 cas/décès. La guinée compte 19% des cas d’Ébola.
L’épicentre de l’épidémie est situé en zone forestière, au sud-est du pays
Guekedou (frontalier avec la guinée), Macenta, Kissidougou et Nzérékoré
(frontalier avec la Côte d’Ivoire) où se trouve la 2ème plus grande ville du pays,
mais d’autres districts sont touchés : trois districts du Haut-Guinée Diabola,
Dinguiraye et Kouroussa, Conakry, capitale du pays, en Guinée maritime et
les préfectures de Télimélé et Boffa, enfin, Fria et Pita au nord-ouest du pays,
Siguiri au nord-est (frontalier avec le Mali).
Au Libéria 2 415/1 307 cas/décès. Le Libéria compte 50% des cas
d’Ébola. La totalité des 13 districts du pays ont signalés des cas : Grand Cape
Mount, Bomi, Bong, Lofa (frontalier avec la Guinée), Margibi, Montserrado
(incluant la capitale Monrovia), Nimba, Grand Bassa et River Cess.
En Sierra Leone 1 478/484 cas/décès. La Sierra Leone compte 31%
des cas d’Ébola. Depuis l’arrivée de l’épidémie par le district de Kailahun,
1
2. frontalier avec celui de Guekedou en Guinée via un voyageur ayant séjourné
à Guekedou, ce sont tous les districts qui sont touchés, y compris la capitale
Freetown.
Au Nigeria 15/6 cas/décès1. Les cas suspects et les décès sont pour
l’instant limités aux 59 contacts identifiés d’un passager en provenance du
Liberia (via Lomé au Togo et Accra au Ghana) arrivé le 31 juillet à Lagos par
l’aéroport international Murtala-Muhammed. Les 59 contacts identifiés à ce
jour sont 15 personnels de l’aéroport et 44 de l’hôpital où le passager a été
soigné et est décédé. En ce qui concerne les sujets contacts de l’avion, les
autorités du Ghana, du Nigéria et du Togo collaborent avec l’OOAS et l’OMS
pour les identifier. Cependant, depuis près d’un mois, aucun progrès
significatif n’a été signalé.
Au Sénégal 1/0 cas/décès. Le cas princeps est d'un étudiant qui s'est
soustrait à la surveillance des autorités sanitaires Guinéennes (il était identifié
comme cas contact) qui s’est rendu de manière illégale au Sénégal. Lorsqu’il
a développé les premiers symptômes il a caché son exposition à Ébola aux
professionnels de santé qui l’on pris en charge ce qui a retardé d'autant une
stratégie thérapeutique cohérente.
NB : En RDC on annonce 15 cas qui ne sont pas à ce jour comptabilisés car
réputés relever d’un foyer de contamination distinct. Il existerait 1 cas déclaré
au Venezuela mais pas de précision si c’est un cas importé ou non ni de sa
provenance.
Cette épidémie est atypique tant du point de vue du nombre de cas
rapportés (le seuil psychologique du doublement du nombre de cas déclarés
depuis 1976 est largement franchi : 2 387 cas cumulés entre 1976 et 2013,
4794 cas pour 2014 à ce jour), de la zone géographique touchée (Afrique de
1 L’OOAS dénombre 15/6 cas/décès alors que le CDC en annonce 21/7 cas/décès au 31 août
2
3. l’Ouest vs Afrique Centrale) et de son étendue (plusieurs districts de plusieurs
pays limitrophes et sauts de puce de plusieurs centaines de kilomètres – 1
141 km entre Conakry et Dakar via Tambacounda) enfin, de la transmission
avérée en zone urbaine (vs zone forestières ou rurales exclusives des
épisodes précédents) en suivant apparemment les axes commerciaux de la
zone (terrestres, maritimes et aériens).
Point de situation au 15 septembre 2014
Au total, au 15 septembre 2014, 4 794 cas et 2 365 décès ont été rapportés à
l’OOAS pour la CEDEAO. Le temps de doublement actuel est de l’ordre de 27
jours ce qui signifie que selon toute vraisemblance et en l’absence
d’évènement venant modifier significativement la cinétique de l’épidémie, le
seuil des 6 000 cas sera franchit à la fin du mois de septembre. La létalité
observée est de 49,3 % dans les 5 pays affectés (Figure 1). On notera que
cette létalité permet paradoxalement une plus grande diffusion de l’épidémie
puisque la moitié des malades ne décédant pas, ils sont potentiellement
contaminant plus longtemps pour un plus grand nombre de contacts. On
notera aussi que le nombre de cas pauci-symptomatiques est inconnu à ce
jour. Ce paramètre est pourtant essentiel car il permettrait de savoir si une
partie de la population des pays touchés développe à bas bruit une
immunisation qui aboutirait in fine à « l’endémisation » de l’épidémie dans la
région.
Pour mémoire, les autres maladies à potentiel épidémiques sévissant
actuellement en Afrique de l’Ouest (choléra, Méningite, Rougeole, Fièvre
Jaune et Fièvre de Lassa) avaient cumulés 67 307 cas déclarés (dont 29 777
pour le seul choléra) et 1 338 décès (dont 606 pour la seule méningite) au 17
août 2014 contre 2 565 cas déclarés et 1 365 décès pour Ébola à la même
date. En 5 mois l’épidémie d’Ébola a donc tué autant que les 6 autres en 8
3
4. mois. Pour les 4 pays directement concernés le nombre de décès
documentés pour les 6 maladies à potentiel épidémique surveillées est de
seulement 767. L’épidémie d’Ébola a donc triplé le nombre de décès d’origine
épidémique pour ces 4 pays.
8,000
7,000
6,000
5,000
4,000
3,000
2,000
1,000
15/09/14 Infographie : Dr Jan-Cedric Hansen
4 774 : seuil de
doublement du
nombre de cas
cumulés en 2013
3 180 : seuil de
doublement du
nombre de décès
cumulés en 2013
Fig1. Nombre cumulé de caset de décès
Cumula ve number of cases& deaths
0
1976
1977
1978
1979
1980
1981
1982
1983
1984
1985
1986
1987
1988
1989
1990
1991
1992
1993
1994
1995
1996
1997
1998
1999
2000
2001
2002
2003
2004
2005
2006
2007
2008
2009
2010
2011
2012
2013
2014
AxisTitle
Cas
Décés
Au niveau de la cinétique on ne constate pas de modification significative des
comportements : l’épidémie Guinéenne a toujours un comportement (affine)
qui contraste avec celle (exponentielle) de deux des pays touchés par un cas
source voyageur en provenance de l’épicentre, le Libéria et la Sierra-Léone.
Les deux courbes suggèrent une contamination interhumaine autonomisée
que rien ne vient contredire à ce jour (figure 2). L’amorce du comportement
exponentiel de la courbe Guinéenne notée dans le point de situation
précédent semble se confirmer. À suivre. Pour ce qui concerne le Nigeria et le
Sénégal qui eux aussi ont reçus un cas source en provenance de l’épicentre,
4
5. c’est une dynamique affine qui prévaut pour l’instant mais il y a trop peu de
cas pour conclure.
Fig2. Ciné que descasEbola - Ebola caseskine c
3000
2500
2000
1500
1000
500
0
22-Mar
29-Mar
5-Apr
12-Apr
19-Apr
26-Apr
3-May
10-May
17-May
24-May
31-May
7-Jun
14-Jun
21-Jun
28-Jun
5-Jul
12-Jul
19-Jul
26-Jul
2-Aug
9-Aug
16-Aug
23-Aug
30-Aug
6-Sep
13-Sep
AxisTitle
15/09/14 Infographie : Dr Jan-Cedric Hansen
Guinée
Libéria
Sierra-Leone
Nigéria
Sénégal
Lorsque les ressources en moyens de santé sont saturés par le nombre de
victimes, on se trouve en situation de médecine de catastrophe. Se pose
alors la nécessité de mettre en place les méthode de triage adaptée. Pour ce
faire, il conviendrait d’avoir des elements cliniques prédictifs de l’evolution des
cas d’Ébola. Par exemple la durée de la période de latence ou la température
à J4 de l’irruption des premiers signes sont-ils prédictifs de l’issue ? Il
conviendrait de repérer de tels facteurs prédictifs, s’ils existent, pour identifier
les morituri et concentrer les efforts de prise en charge sur ceux qui ont une
bonne probabilité de survie. Symétriquement, il conviendrait de repérer les
formes bénignes ou pauci-symptomatiques pour limiter, là aussi, un
investissement disproportionné en moyens ou en soignants, compte tenu d’un
5
6. pronostic favorable d’emblé, même si cela allonge la durée de la maladie ou
de la convalescence. Il convient de colliger les données cliniques disponibles
et de les analyser pour identifier les facteurs pronostic pertinents.
Pour ce qui est de la dynamique des nouveaux cas (figure 3), après un net
ralentissement durant la première quinzaine d’août, l’epidemie reprend
explicitement son cours et connait une accelleration sans précédent. La
fiabilité des données notamment les difficultés operationelles du reporting
peuvent expliquer, à elles seules, les variations du nombres de nouveaux cas
constatées en août.
Fig3. Dynamique desnouveauxcas- Trendof new cases
4000
3500
3000
2500
2000
1500
1000
500
0
-500
25-Mar
1-Apr
8-Apr
15-Apr
22-Apr
29-Apr
6-May
13-May
20-May
27-May
3-Jun
10-Jun
17-Jun
24-Jun
1-Jul
8-Jul
15-Jul
22-Jul
29-Jul
5-Aug
12-Aug
19-Aug
26-Aug
2-Sep
9-Sep
15/09/14 Infographie : Dr Jan-Cedric Hansen
delta cas
delta décès
Au niveau du rapprochement entre les corridors de communication, les voies
maritimes et aériennes avec les zones des districts touchés on constate
toujours une corrélation assez forte (figure 4). L’observation de la carte laisse
entrevoir des cas non déclarés en Guinée-Bissau et en Côte d’Ivoire. Ils sont
6
8. goutelettes de Pflügge, et pouvant rendre compte du nombre de cas
important parmis les soignants
2. la cinétique inhomogène des 5 pays concernés avec une cinétique
affine pour la Guinée et le Nigeria et une cinétique exponentielle pour
la Sierra-Leone et le Libéria peut s’expliquer par des problèmes de
retard de diagnostic et de receuil des cas et ne pas reflèter fidèlement
la propagation des cas
3. la sous déclaration multifactorielle des cas (diagnostics differentiels
nombreux, frein economique et social de l’accès au soin, non respect
des rites sociaux et funéraires “sacrés” pour les individus déclarés
contaminés et donc “beneficie/risque” peu ou pas ecceptable pour
l’interessé et son entourage, …)
4. l’illusion des mesures de confinement qui sont contournées par les
impératifs socioéconomiques locaux et par la pratique
“institutionalisée” du contournment des régles contre rétribution
5. le risque de cas importés en Europe via l’immigration clandestine et les
passeurs des autres traffics illicites qui, par nature, contournent tous
les systèmes de contrôle
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