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Les Garanties Constitutionnelles à l’Action de la Société Civile en RDC
                   : Cas de la Diaspora Congolaise-RSA


                             Par: Prof. Dr. YAV KATSHUNG JOSEPH




I. LIMINAIRES

Lorsque les Grecs demandèrent à Solon de leur donner une constitution, celui-ci répondit à la forme interrogative :
« pour quel peuple et quelle époque ? ». En effet, une constitution se présenterait comme réponse à une
attente. Mais elle répondrait à quelle dynamique sociale dans quelle dynamique historique, à quelle ordonnance
du temps?1 Cette demande légitime d'une constitution faite par les Grecs pour régir leur société est également
formulée en République Démocratique du Congo (RDC), sous une autre forme par la population laquelle, se
considérant longtemps marginalisée, revendiquerait un organe pouvant faire entendre ses préoccupations et ses
aspirations. Et pour réponse, on pourrait se demander : quel peut être cet organe ou cette structure, capable de
prendre la défense de la cause de la couche muette incapable de faire prévaloir ses droits et d'obtenir le minimum
social commun dont elle a besoin ?



Dans les pays du Nord comme dans ceux du Sud, l'organe habilité à accomplir une telle mission est celui que
nous appelons sous le vocable de « société civile ». Dans le contexte de la RDC et surtout de cet atelier, l’on
pourrait affirmer que la société civile, c'est ce qui reste d'une société quand l'Etat se désengage
complètement ou n'est pas du tout engagé. Autrement dit, la société civile est l'ensemble des citoyens
d'un Etat qui, pétris de patriotisme, conscients de leur identité propre, s'unissent, s'organisent sur la base
de lois définies, et s'emploient à édifier une nation développée, libre et prospère où chacun s'épanouit et
se réalise sans barbarie militaire, sans chauvinisme partisan ni dogmatisme religieux. En ce sens, en tant
qu’institution intermédiaire entre les citoyens, la société et l’Etat, la société civile se positionne comme le
partenaire du gouvernement dans la réalisation de certaines fonctions régaliennes : éducation des citoyens, la
promotion et la protection des droits et des libertés fondamentales, etc.; elle bénéficie à ce titre d’un jugement
d’impartialité avérée qui non seulement crédibilise ses actions, mais également rassure la population. En tant
qu’institution indépendante, la société civile jouit et devrait exercer à ce titre une fonction socio régulatrice des
forces politiques en présence. En tant que contrepouvoir enfin, la société civile occupe du terrain, peut contrôler et
sanctionner les actions antidémocratiques des politiques, avec l’appui et le relais parfois redoutable d’une presse
indépendante. Ainsi, il est opportun de jeter un regard sur les garanties constitutionnelles à l’action de la société
civile congolaise afin de stimuler la contribution de la diaspora congolaise de l’Afrique du Sud à la refondation de
la nation, a la consolidation de la paix et l’érection d’un état de droit en RDC. Tel est le but de cette
communication.



Mais avant cela, il sied de brosser succinctement les contours de la notion « société civile » tout en ayant à
l’esprit que cette notion est souvent interprétée de différentes manières.



II. LA SOCIETE CIVILE EN QUESTION ET SA NECESSITE POUR LA RDC



La société civile est un concept qui a beaucoup préoccupé les chercheurs depuis les temps anciens. On peut lui
donner des explications philosophiques, sociologiques ou pratiques. L’expression « société civile » sonne si
agréablement à l’oreille que beaucoup de gens ont peine à croire que puisse se cacher quoi que ce soit de
sérieux derrière le débat que cette notion peut provoquer. Pourtant, en RDC comme ailleurs dans le monde, la
société civile est communément considérée comme l’ensemble des citoyens qui n’appartiennent pas au monde
politique. Dans son assertion la plus simple, la société civile est l’ensemble des rapports interindividuels, des
structures sociales, familiales, économiques, culturelles, religieuses qui se déploient dans une société donnée, en
dehors du cadre et de l’intervention de l’Etat. Dans ces conditions, le recours à la société civile constitue un
contrepoids salutaire au tout Etat.



La Société Civile, entendue comme l’ensemble des acteurs non-étatiques tels que les diverses associations et
regroupements de citoyens à but professionnel ou non, les Organisations non gouvernementales, les syndicats,
les communautés de base, les groupes de presses, etc., occupe une place importante dans le développement. 2
C’est donc fort de cela que les observateurs de la démocratie reconnaissent depuis longtemps le rôle vital de la
société civile ainsi entendue. L’on comprend dès lors que si par définition la société civile n’est pas d’essence
politique, ses implications politiques sont profondes. Les actions multiformes de la société civile sont
perceptibles, non seulement au niveau de ses revendications vis–à-vis du secteur public comme privé pour de
meilleures prestations de services, et pour un développement durable, mais aussi à travers, entre autres, les
appuis directs aux populations pour la prise en charge par elles-mêmes de leurs propres conditions d’existence.



Au demeurant, la société civile peut, de ce fait, être considéré comme un des facteurs du processus de
démocratisation, en ce qu’elle contribue à la légitimation des institutions politiques, économiques et sociales. Elle
est également perçue comme un des meilleurs moyens d’asseoir et de promouvoir la bonne gouvernance. Elle
est aussi perçue comme un adjuvant de la paix et de la sécurité publiques ; du fait de son rôle actif dans la
protection de l’environnement, la défense des droits fondamentaux et libertés publiques, du fait aussi de l’offre de
services spécifiques et variés à la communauté qu’elle rend disponible, la société civile contribue à l’éclosion d’un
environnement favorable à la croissance socio-économique. C’est en cela que la diaspora congolaise de l’Afrique
du Sud est aussi importante.
Toutefois, il est prudent de relever que dans son état actuel, la société civile congolaise semble présenter une
insuffisante capacité au plan technique et institutionnel pour prétendre participer, de façon déterminante, comme
partenaire à part entière des secteurs public et privé, dans le processus de formulation des stratégies et de
définition des politiques durables et efficaces. C’est avec raison que dans la motivation de cet atelier, les
organisateurs soulignent qu’à ce jour, la société civile congolaise est ramenée au simple rôle de dénonciateur ou
de sous-traitant des projets de la concurrence internationale, sans capacité de proposer d’alternatives.3



Ainsi, alors que les attentes sont grandes de voir la société civile plus activement impliquée et prenant plus de
responsabilités dans le devenir de notre société, force est de constater que ses capacités internes intrinsèques
sont sinon inexistantes, du moins fortement limitées en matière de plaidoyer social, de planification stratégique, de
formulation et d’exécution de programmes. Il y a donc nécessité d’identifier et de lever les contraintes qui
entravent le bon fonctionnement de la société civile [diaspora RSA] et qui l’empêchent de participer efficacement
au processus de développement tout en donnant la pleine mesure de son potentiel dans la résolution des
problèmes qui justifient son existence. Ainsi, il sied de relever et analyser les principes constitutionnels qui sous-
tendent ou garantissent les actions de la société civile en RDC.



III. LA CONSTITUTION DE LA RDC ET LES GARANTIES A L’ACTION DE LA SOCIETE CIVILE



3.1. Bref énoncé sur la naissance et la substance de la Constitution de la RDC



La RDC venait de se doter d'une nouvelle constitution, promulguée le 18 février 2006 à Kinshasa par le Président
Joseph Kabila.4 Elle met fin à une longue transition, commencée depuis 1990 sous le Président Mobutu, et fait
tomber le système de 1+4. Elle vient également résoudre la question de légitimité des dirigeants de la RDC. C'est
le peuple qui choisira dorénavant ses dirigeants, au suffrage universel. En guise de rappel, notons que cette
constitution de la RDC a été votée à 84,31% lors du référendum organisé les 18 et 19 décembre 2005 ; contre
15,69% pour le non et 38,03% de votes blancs ou nuls.



Sur le plan substantiel, la Constitution de la RDC est formée d’un ensemble de 8 titres pour 229 articles, dont le
premier titre porte sur les dispositions générales. Le deuxième titre a trait aux droits humains, aux libertés
fondamentales et aux devoirs du citoyen. Le troisième et le quatrième titre traitent respectivement de
l’organisation et de l’exercice du pouvoir ainsi que du Conseil économique et social. Le cinquième titre concerne
les institutions d’appui à la démocratie. Le sixième titre est consacré aux traités et accords internationaux, tandis
que le septième et le huitième parlent respectivement de la révision constitutionnelle et des dispositions
transitoires et finales.
Ainsi, il sied de passer en revue les dispositions constitutionnelles qui régentent le travail ou l’action de la société
civile et voir si dans la pratique, il y a concordance entre le « dire » et le « faire » afin que la diaspora congolaise
d’Afrique du Sud contribue effectivement au travail de la consolidation et de la paix et la [re]construction de la
RDC par son leadership.



3.2. Les Garanties constitutionnelles à l’action de la société civile



A. Les droits constitutionnels de la société civile



Le fonctionnement effectif de la démocratie repose donc nécessairement, selon la formule de Habermas, sur le «
jeu combiné » des institutions politiques et de la société civile5. Les règles de ce jeu, qui déterminent les
conditions légitimes d’exercice du pouvoir, sont établies par la Constitution. Ainsi, dans le cadre de cet atelier qui
traite du «Leadership de la société civile en RDC» : Rôle de la Diaspora congolaise dans la consolidation de la
paix et la reconstruction de la RDC, il est opportun de relever les dispositions constitutionnelles qui garantissent
l’action de la société civile congolaise [Diaspora congolaise] en rapport avec les droits fondamentaux à la paix, à
la démocratie et à la bonne gouvernance.



Toute Constitution repose sur deux piliers fondamentaux, à savoir : une charte des libertés publiques qui
détermine les rapports entre le citoyen et l’Etat vu sous l’angle des droits dont jouissent les citoyens d’une part et
l’autre qui est le code des pouvoirs publics ou mieux le mode de dévolution du pouvoir politique. Une Constitution
est dite démocratique lorsqu’elle tente au mieux de réaliser un équilibre entre ces deux piliers. Dans cette lignée,
en effet, la Constitution de la RDC a pris les dispositions pour un Etat démocratique, un Etat de droit en
garantissant la bonne gouvernance, la lutte contre l’impunité et l’alternance démocratique. De ce fait, elle donne à
la société civile plusieurs possibilités de faire ses actions voire de contrôler l’administration. Elle affirme le principe
démocratique selon lequel tout pouvoir émane du peuple en tant que souverain primaire. Elle réaffirme
l’attachement de la RDC aux Droits humains et aux libertés fondamentales tels que proclamés par les instruments
juridiques internationaux auxquels elle a adhéré. Aussi, a-t-il intégré ces droits et libertés dans le corps même de
la Constitution. Des Droits civils et politiques sont garantis et leur jouissance est reconnue aux Congolais [à la
société civile]. De ce fait, les pouvoirs publics veillent à l’élimination de toute forme de discrimination à l’égard de
la femme et assurent la protection et la promotion de ses droits. Ils prennent, dans tous les domaines, notamment
dans les domaines civil, politique, économique, social et culturel, toutes les mesures appropriées pour assurer le
total épanouissement et la pleine participation de la femme au développement de la nation. La femme a droit à
une représentation équitable au sein des institutions nationales, provinciales et locales. L’Etat garantit la mise en
oeuvre de la parité homme-femme dans lesdites institutions.



Aussi important pour l’action de la société civile, est le fait que la Constitution renforce le fait que :

Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion...
Toute personne a droit à la liberté d’expression. Ce droit implique la liberté d’exprimer ses opinions ou ses
convictions, notamment par la parole, l’écrit et l’image, ...

        Toute personne a droit à l’information. La liberté de presse, la liberté d’information et d’émission par la
        radio et la télévision, la presse écrite ou tout autre moyen de communication sont garanties sous réserve
        du respect de l’ordre public, des bonnes mœurs et des droits d’autrui. Les médias audiovisuels et écrits
        d’Etat sont des services publics dont l’accès est garanti de manière équitable à tous les courants
        politiques et sociaux. Le statut des médias d’Etat est établi par la loi qui garantit l’objectivité, l’impartialité
        et le pluralisme d’opinions dans le traitement et la diffusion de l’information.

        La liberté des réunions pacifiques et sans armes est garantie.

        Droit à la liberté de manifestation est garanti. Toute manifestation sur les voies publiques ou en plein
        air, impose aux organisateurs d’informer par écrit l’autorité administrative compétente. Nul ne peut être
        contraint à prendre part à une manifestation.

        Droit à la liberté d’association. Les pouvoirs publics collaborent avec les associations qui contribuent au
        développement social, économique, intellectuel, moral et spirituel des populations et à l’éducation des
        citoyennes et des citoyens. Cette collaboration peut revêtir la forme d’une subvention. La loi fixe les
        modalités d’exercice de cette liberté.

        Droit à la liberté syndicale est reconnu et garanti. Tous les Congolais ont le droit de fonder des
        syndicats ou de s’y affilier librement, dans les conditions fixées par la loi.

        Droit à la pétition

Longtemps perçu comme un aspect de la liberté d’expression, le droit de pétition est resté absent dans l’espace
constitutionnel congolais.6 Il est constitutionnalisé avec l’avènement du vent démocratique des années 90. Il
évolue actuellement comme un droit autonome, indépendamment de la liberté d’expression auquel il est
originairement lié. Il s’agit d’un droit exclusif des citoyens congolais, qui peut s’exercer soit individuellement, soit
collectivement. La lecture de l’article 27 de la Constitution du 18 février 2006 qui stipule que « Tout congolais à le
droit d’adresser individuellement ou collectivement une pétition à une autorité publique qui y répond dans les trois
mois. Nul ne peut faire l’objet d’incrimination sous quelque forme que ce soit pour avoir pris pareille initiative», fait
utilement allusion au droit à la pétition, qui est singulièrement politique. Ce droit s’exerce exclusivement dans les
rapports des individus avec les pouvoirs publics ; ne vise que des objectifs publics, des objectifs d’intérêt collectif.
Il implique des « réclamations » pour l’amélioration d’une législation ou pour l’annulation d’une politique publique.



Des droits collectifs sont garantis car l’Etat protège les droits et les intérêts légitimes des Congolais qui se
trouvent tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du pays. Qu’il a le devoir d’assurer et de promouvoir la coexistence
pacifique et harmonieuse de tous les groupes ethniques du pays. Il assure également la protection et la promotion
des groupes vulnérables et de toutes les minorités. Il veille à leur épanouissement. Que tous les Congolais ont
droit à la paix et à la sécurité, tant sur le plan national qu’international. Que toute personne a droit à un
environnement sain et propice à son épanouissement intégral. Elle a le devoir de le défendre. L’Etat veille à la
protection de l’environnement et à la santé des populations. Que tous les Congolais ont le droit de jouir des
richesses nationales. L’Etat a le devoir de les redistribuer équitablement et de garantir le droit au développement.
B. Des garanties de contrôle de l’action des pouvoirs constitués par la société civile



Les constitutions démocratiques créent effectivement les conditions d’un contrôle permanent par l’opinion
publique de l’action des pouvoirs constitués. Les modalités de ce contrôle s’organisent sur la base de trois grands
principes, garants de la démocratie :

Le premier est le principe de publicité, aux termes duquel les actes des autorités publiques ne peuvent produire
d’effets qu’à la condition d’avoir été préalablement rendus publics. Le plus souvent, nous comprenons ces
dispositions comme des formalités dénuées de substance. Kant y voyait au contraire l’axiome fondamental de la
légalité. Effectivement, la publicité constitue la condition préalable et essentielle d’un contrôle effectif des pouvoirs
constitués. Pour surveiller le pouvoir, encore faut-il savoir ce qu’il fait et ce qu’il décide. Le principe de publicité
contraint les gouvernants à rompre avec le culte du secret, auquel ils inclinent naturellement. Il pose, en droit, que
le pouvoir politique en démocratie, pour prétendre à la légitimité, doit s’exercer au vu et au su de l’opinion.



Le deuxième principe interdit aux pouvoirs constitués d’utiliser la force, la contrainte ou l’intimidation en vue de
contrôler ou d’influencer le cours des débats publics. Il organise ce que Habermas appelle la sanctuarisation de
l’espace public. Il permet aux citoyens de se retrouver et de communiquer entre eux dans des enceintes
informelles, à tous les niveaux, du café du commerce jusqu’à Internet, en passant par les salles de réunion et la
voie publique. Ce principe se décline dans la Constitution en un faisceau de droits et de libertés, qui comportent
une dimension éminemment politique. D’abord, la liberté d’opinion, de conscience et d’expression autorise chaque
citoyen à prendre part au débat public pour y défendre ses idées et ses conceptions. Ensuite, la liberté
d’association permet aux citoyens de se regrouper et de se doter d’organisations, qui canalisent les forces vives
de la société civile. Enfin, la liberté de réunion fonde la légitimité des manifestations et protestations et interdit leur
répression pour autant qu’elles conservent un caractère pacifique.



La liberté de la presse et, plus largement, les règles qui garantissent le pluralisme dans les médias, constituent le
troisième grand principe. Les médias remplissent une fonction indispensable dans les démocraties modernes
dans la mesure où ils pallient l’absence d’agora, c’est-à-dire de lieu spécifique consacré à la communication
politique. Le rassemblement effectif des citoyens en un lieu est d’ailleurs inconcevable à l’échelle nationale. Ils
contribuent à la formation d’un espace public virtuel, où s’informe le grand public, et qui reflète ses centres
d’intérêt et les courants d’opinions qui le traversent. Cependant, ces techniques indispensables constituent des
ressources rares, onéreuses et fragiles, particulièrement exposées aux forces de l’Etat et du marché, qui
cherchent à se les accaparer, pour les museler ou les instrumentaliser à des fins de propagande ou de publicité
commerciale. C’est pourquoi ils font l’objet d’une protection spéciale et de garanties particulières.



Ces trois principes constituent un système cohérent de garanties, grâce auxquelles la société civile dispose, au
moins sur le papier constitutionnel, des moyens de s’informer et de débattre des actes et décisions de l’autorité,
de critiquer ouvertement ceux-ci, et enfin, si nécessaire, de se mobiliser en vue d’infléchir le cours des affaires
publiques. Ce cadre constitutionnel confère à l’opinion publique une fonction importante de contrôle et d’influence
sur les politiques publiques et ceux qui les mettent en œuvre. Il n’accorde par contre à la société civile aucun
pouvoir propre de décision ou d’exécution.



3.3. Du rôle et place de la société civile au regard des garanties constitutionnelles



Comme relevé supra, la Constitution de la RDC garantit l’action à la société civile congolaise dont la diaspora
congolaise. Mais la seule Constitution ne suffit pas ! Du reste, le Général de Gaulle a dit à juste titre qu’«un écrit,
fut-ce sur un parchemin, ne vaut que par l’application.» Ainsi, il appartient à la société civile congolaise de
s’impliquer afin de relever les défis de la démocratie, de la paix et de la reconstruction en RDC et cela nécessite
des réactions de la part de la population7 et de la société civile8. Il faut donc un ajustement aux réalités de
l'interdépendance. Le sort de la démocratie et de la paix dépend non pas de l'importance des défis auxquels elles
sont confrontées, mais de l'ampleur de la volonté politique déployée pour s'atteler aux problèmes. En d'autres
termes, comme toujours, tout dépend de nous.



La reconstruction de la société civile (organisations non gouvernementales, syndicats, associations
professionnelles, humanitaires, culturelles, religieuses etc), basées sur le droit des citoyens de s’associer
librement, en vue de réaliser une série d’intérêts communs et de participer à la vie publique, sociale et culturelle,
est un phénomène pertinent pour la démocratie, la consolidation de la paix et la reconstruction. Ces associations,
ligues et organisations constituent, dans leur diversité, un support de la vie démocratique et un cadre de
manifestation des initiatives des citoyens.



En définitive, quel rôle la Diaspora congolaise en tant maillon de la société civile congolaise doit jouer
dans la promotion de la démocratie et la recherche de la paix?



Paraphrasant le Professeur Yves Naudet dans son livre Ethique et société civile, nous disons que la société
civile ou mieux, la Diaspora congolaise d’Afrique du Sud doit jouer un double rôle ou mission. Premièrement, elle
doit être le catalyseur des aspirations démocratiques des individus en contrôlant l'Etat, et deuxièmement, elle doit
être un producteur de services (assurances, soins, éducation, culture, etc).



Selon lui, la société civile répond à une volonté démocratique de faire connaître la voix de la « grande muette »,
cette partie de la population qui ne peut pas s'exprimer comme le fait la partie bien protégée, celle des agents
politiques. La société civile doit faire marcher la démocratie en dehors de la sphère technocratique, exercer une
forte influence sur le monde politique en l'obligeant à tenir compte des volontés des individus. Contenir l'Etat et le
corps politique, encourager la création des richesses et contrôler les dépenses publiques, tels sont les buts de la
société civile. Cette analyse revient à dire que la croissance d'une culture démocratique dépend de la croissance
d'une société civile vivante ayant la capacité d'agir comme un lien de communication entre la population (avec les
intérêts complexes qui s'enchevêtrent) et l'Etat. Autrement dit, les acteurs de la société civile, en l'occurrence les
leaders doivent se réorganiser en vue de pallier aux insuffisances de la classe politique non dans un élan
concurrentiel, mais dans une approche de complémentarité, les uns éclairant la lanterne des autres. Pour ce faire,
la société civile, dans son rôle de catalyseur des aspirations démocratiques doit être à l'avant-garde de la
promotion de la démocratie participative, gage d'une réelle démocratie.9



Il est donc temps que les organisations de la société civile se consolident et qu’elles dépassent en conséquence,
la phase de stricte attitude critique à l’égard des opérateurs politiques, devenant ainsi, plus aptes à s’impliquer de
manière constructive et à avancer des propositions concrètes visant la refondation de la RDC qui a besoin de
renaître de ses cendres comme le phénix. Cela est d’autant utile car une société civile forte et active représente
une condition indispensable de démocratie et de paix.



IV. CONCLUSION: LA SOCIETE CIVILE [DIASPORA RSA], UN COLIBRI ?



Au regard de ce qui précède, il sied de réfléchir sur le rôle et/ou l’action de la société civile qui en principe a une
place au soleil au regard de la Constitution de la RDC. Mais, remplit-elle effectivement son rôle ? Cela doit
interpeller tout le monde !

Au demeurant, notons simplement que la société civile doit s’inspirer de la légende du Colibri. En effet, un jour,
dit la légende, il y eut un immense incendie de forêt. Tous les animaux terrifiés et atterrés observaient
impuissants le désastre. Seul le petit colibri s'activait, allant chercher quelques gouttes d'eau dans son
bec pou les jeter sur le feu. Au bout d'un moment, le tatou, agacé par ses agissements dérisoires, lui dit :
"Colibri ! Tu n'es pas fou ! Tu crois que c'est avec ces gouttes d'eau que tu vas éteindre le feu ?!" Le
colibri répondit alors : "Je sais, mais je fais ma part."

La légende raconte que chaque animal se sentit concerné, que chacun à sa manière fit sa part, et que la forêt fut
sauvée.



Leçon de cette légende: Face à un problème, un désastre qui nous dépasse par son ampleur, ce qui forcément
est source d'impuissance, la seule solution est que chacun fasse ce qui lui est possible de faire, à son niveau. Il
est donc nécessaire dans un premier temps de se réapproprier notre pouvoir d'action et pour cela d'en déterminer
clairement les limites. De ce pouvoir d'action découle notre part de responsabilité. La multiplication des efforts
personnels, et leur orientation commune vers la réalisation d'un même objectif, permet de concrétiser des actions
d'une ampleur supérieure à l'action d'une seule personne. Que la Diaspora Congolaise d’Afrique du Sud, s’inspire
donc de cette sagesse du colibri en contribuant a l’essor de la démocratie, de la paix et de la reconstruction de la
RDC. Voilà sa part et son rôle !
1 Pour reprendre les termes d'Anaximandre

2 D’ailleurs, pour découvrir la définition de « société civile » dans le Dictionnaire de Philosophie Politique, l’on retrouve plutôt « Etat et
société civile », ce qui démontre l’indissociabilité de la société civile et de l’Etat (selon BURKE,Réflexions sur la révolution de France,
1790). Selon cette première ligne de pensée, les véritables droits de l’Homme sont ceux que leur garantit l’existence d’une société
civilement constituée, laquelle présuppose un « pouvoir indépendant » qui est une institution de contrainte. Le degré de contrainte dont
dispose la société civile étant considéré comme un Indice de Croissance Démocratique (ICD), cet indice étant lui-même tributaire du
degré d’acception des bonnes pratiques liées à la culture démocratique dans un pays considéré. Ensuite, l’originalité du concept de «
société civile » chez le philosophe allemand HEGEL réside dans le fait que la société civile moderne est le terrain de développement de
la culture grâce à laquelle l’autonomie de l’individu et l’autorité suprême de l’Etat cessent d’être comprises comme mutuellement
incompatibles. Selon HEGEL, société civile et Etat sont certes différents, mais ils ne s’opposent pas, et leurs actions se complètent et
s’entremêlent pour la réalisation des idéaux démocratiques.




3 Lire le “concept note” de cet atelier précisément au point II. relatif au rôle de la société civile et de la Diaspora dans l’histoire récente en
RDC.

4 Constitution de la RDC, Journal Officiel de la RDC, 47e année, numéro spécial, Kinshasa, 18 février 2008

5 J. Habermas, Droit et démocratie, Paris, Gallimard, 1997.

6 NGONDANKOY NKOY-ea-LOONGYA, Droit congolais des droits de l’homme, Collection «Bibliothèque de droit africain », academia
Bruylant, Bruxelles, 2004, p. 248.




7 Notons cependant que l’ignorance ou mieux l’analphabétisme de la grande majorité de nos concitoyens est une des causes majeures
de cette apathie et qui constitue un «visa à entrée multiple» pour l’émergence des opérateurs politiques véreux.




8 Aussi, la faible implication de la société civile dans la vie politique semble être la cause majeure de l’étroitesse de la culture
démocratique en RDC - la société civile observe encore plus qu’elle n’agit au moment opportun-.




9 La Diaspora congolaise devrait apporter un plus en utilisant par exemple les nouvelles technologies numériques et l'Internet en tant
qu'outils d'engagement et d'éducation civiques par-delà les frontières. En effet, la démocratie repose sur une communication efficace, et
dans un monde plus disparate et complexe que jamais, nous disposons de nouveaux outils qui jusqu'ici étaient utilisés principalement
pour le commerce, mais ne demandent qu'à être utilisés pour l'information civique et l'engagement démocratique.




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  • 1. Les Garanties Constitutionnelles à l’Action de la Société Civile en RDC : Cas de la Diaspora Congolaise-RSA Par: Prof. Dr. YAV KATSHUNG JOSEPH I. LIMINAIRES Lorsque les Grecs demandèrent à Solon de leur donner une constitution, celui-ci répondit à la forme interrogative : « pour quel peuple et quelle époque ? ». En effet, une constitution se présenterait comme réponse à une attente. Mais elle répondrait à quelle dynamique sociale dans quelle dynamique historique, à quelle ordonnance du temps?1 Cette demande légitime d'une constitution faite par les Grecs pour régir leur société est également formulée en République Démocratique du Congo (RDC), sous une autre forme par la population laquelle, se considérant longtemps marginalisée, revendiquerait un organe pouvant faire entendre ses préoccupations et ses aspirations. Et pour réponse, on pourrait se demander : quel peut être cet organe ou cette structure, capable de prendre la défense de la cause de la couche muette incapable de faire prévaloir ses droits et d'obtenir le minimum social commun dont elle a besoin ? Dans les pays du Nord comme dans ceux du Sud, l'organe habilité à accomplir une telle mission est celui que nous appelons sous le vocable de « société civile ». Dans le contexte de la RDC et surtout de cet atelier, l’on pourrait affirmer que la société civile, c'est ce qui reste d'une société quand l'Etat se désengage complètement ou n'est pas du tout engagé. Autrement dit, la société civile est l'ensemble des citoyens d'un Etat qui, pétris de patriotisme, conscients de leur identité propre, s'unissent, s'organisent sur la base de lois définies, et s'emploient à édifier une nation développée, libre et prospère où chacun s'épanouit et se réalise sans barbarie militaire, sans chauvinisme partisan ni dogmatisme religieux. En ce sens, en tant qu’institution intermédiaire entre les citoyens, la société et l’Etat, la société civile se positionne comme le partenaire du gouvernement dans la réalisation de certaines fonctions régaliennes : éducation des citoyens, la promotion et la protection des droits et des libertés fondamentales, etc.; elle bénéficie à ce titre d’un jugement d’impartialité avérée qui non seulement crédibilise ses actions, mais également rassure la population. En tant qu’institution indépendante, la société civile jouit et devrait exercer à ce titre une fonction socio régulatrice des forces politiques en présence. En tant que contrepouvoir enfin, la société civile occupe du terrain, peut contrôler et sanctionner les actions antidémocratiques des politiques, avec l’appui et le relais parfois redoutable d’une presse indépendante. Ainsi, il est opportun de jeter un regard sur les garanties constitutionnelles à l’action de la société civile congolaise afin de stimuler la contribution de la diaspora congolaise de l’Afrique du Sud à la refondation de
  • 2. la nation, a la consolidation de la paix et l’érection d’un état de droit en RDC. Tel est le but de cette communication. Mais avant cela, il sied de brosser succinctement les contours de la notion « société civile » tout en ayant à l’esprit que cette notion est souvent interprétée de différentes manières. II. LA SOCIETE CIVILE EN QUESTION ET SA NECESSITE POUR LA RDC La société civile est un concept qui a beaucoup préoccupé les chercheurs depuis les temps anciens. On peut lui donner des explications philosophiques, sociologiques ou pratiques. L’expression « société civile » sonne si agréablement à l’oreille que beaucoup de gens ont peine à croire que puisse se cacher quoi que ce soit de sérieux derrière le débat que cette notion peut provoquer. Pourtant, en RDC comme ailleurs dans le monde, la société civile est communément considérée comme l’ensemble des citoyens qui n’appartiennent pas au monde politique. Dans son assertion la plus simple, la société civile est l’ensemble des rapports interindividuels, des structures sociales, familiales, économiques, culturelles, religieuses qui se déploient dans une société donnée, en dehors du cadre et de l’intervention de l’Etat. Dans ces conditions, le recours à la société civile constitue un contrepoids salutaire au tout Etat. La Société Civile, entendue comme l’ensemble des acteurs non-étatiques tels que les diverses associations et regroupements de citoyens à but professionnel ou non, les Organisations non gouvernementales, les syndicats, les communautés de base, les groupes de presses, etc., occupe une place importante dans le développement. 2 C’est donc fort de cela que les observateurs de la démocratie reconnaissent depuis longtemps le rôle vital de la société civile ainsi entendue. L’on comprend dès lors que si par définition la société civile n’est pas d’essence politique, ses implications politiques sont profondes. Les actions multiformes de la société civile sont perceptibles, non seulement au niveau de ses revendications vis–à-vis du secteur public comme privé pour de meilleures prestations de services, et pour un développement durable, mais aussi à travers, entre autres, les appuis directs aux populations pour la prise en charge par elles-mêmes de leurs propres conditions d’existence. Au demeurant, la société civile peut, de ce fait, être considéré comme un des facteurs du processus de démocratisation, en ce qu’elle contribue à la légitimation des institutions politiques, économiques et sociales. Elle est également perçue comme un des meilleurs moyens d’asseoir et de promouvoir la bonne gouvernance. Elle est aussi perçue comme un adjuvant de la paix et de la sécurité publiques ; du fait de son rôle actif dans la protection de l’environnement, la défense des droits fondamentaux et libertés publiques, du fait aussi de l’offre de services spécifiques et variés à la communauté qu’elle rend disponible, la société civile contribue à l’éclosion d’un environnement favorable à la croissance socio-économique. C’est en cela que la diaspora congolaise de l’Afrique du Sud est aussi importante.
  • 3. Toutefois, il est prudent de relever que dans son état actuel, la société civile congolaise semble présenter une insuffisante capacité au plan technique et institutionnel pour prétendre participer, de façon déterminante, comme partenaire à part entière des secteurs public et privé, dans le processus de formulation des stratégies et de définition des politiques durables et efficaces. C’est avec raison que dans la motivation de cet atelier, les organisateurs soulignent qu’à ce jour, la société civile congolaise est ramenée au simple rôle de dénonciateur ou de sous-traitant des projets de la concurrence internationale, sans capacité de proposer d’alternatives.3 Ainsi, alors que les attentes sont grandes de voir la société civile plus activement impliquée et prenant plus de responsabilités dans le devenir de notre société, force est de constater que ses capacités internes intrinsèques sont sinon inexistantes, du moins fortement limitées en matière de plaidoyer social, de planification stratégique, de formulation et d’exécution de programmes. Il y a donc nécessité d’identifier et de lever les contraintes qui entravent le bon fonctionnement de la société civile [diaspora RSA] et qui l’empêchent de participer efficacement au processus de développement tout en donnant la pleine mesure de son potentiel dans la résolution des problèmes qui justifient son existence. Ainsi, il sied de relever et analyser les principes constitutionnels qui sous- tendent ou garantissent les actions de la société civile en RDC. III. LA CONSTITUTION DE LA RDC ET LES GARANTIES A L’ACTION DE LA SOCIETE CIVILE 3.1. Bref énoncé sur la naissance et la substance de la Constitution de la RDC La RDC venait de se doter d'une nouvelle constitution, promulguée le 18 février 2006 à Kinshasa par le Président Joseph Kabila.4 Elle met fin à une longue transition, commencée depuis 1990 sous le Président Mobutu, et fait tomber le système de 1+4. Elle vient également résoudre la question de légitimité des dirigeants de la RDC. C'est le peuple qui choisira dorénavant ses dirigeants, au suffrage universel. En guise de rappel, notons que cette constitution de la RDC a été votée à 84,31% lors du référendum organisé les 18 et 19 décembre 2005 ; contre 15,69% pour le non et 38,03% de votes blancs ou nuls. Sur le plan substantiel, la Constitution de la RDC est formée d’un ensemble de 8 titres pour 229 articles, dont le premier titre porte sur les dispositions générales. Le deuxième titre a trait aux droits humains, aux libertés fondamentales et aux devoirs du citoyen. Le troisième et le quatrième titre traitent respectivement de l’organisation et de l’exercice du pouvoir ainsi que du Conseil économique et social. Le cinquième titre concerne les institutions d’appui à la démocratie. Le sixième titre est consacré aux traités et accords internationaux, tandis que le septième et le huitième parlent respectivement de la révision constitutionnelle et des dispositions transitoires et finales.
  • 4. Ainsi, il sied de passer en revue les dispositions constitutionnelles qui régentent le travail ou l’action de la société civile et voir si dans la pratique, il y a concordance entre le « dire » et le « faire » afin que la diaspora congolaise d’Afrique du Sud contribue effectivement au travail de la consolidation et de la paix et la [re]construction de la RDC par son leadership. 3.2. Les Garanties constitutionnelles à l’action de la société civile A. Les droits constitutionnels de la société civile Le fonctionnement effectif de la démocratie repose donc nécessairement, selon la formule de Habermas, sur le « jeu combiné » des institutions politiques et de la société civile5. Les règles de ce jeu, qui déterminent les conditions légitimes d’exercice du pouvoir, sont établies par la Constitution. Ainsi, dans le cadre de cet atelier qui traite du «Leadership de la société civile en RDC» : Rôle de la Diaspora congolaise dans la consolidation de la paix et la reconstruction de la RDC, il est opportun de relever les dispositions constitutionnelles qui garantissent l’action de la société civile congolaise [Diaspora congolaise] en rapport avec les droits fondamentaux à la paix, à la démocratie et à la bonne gouvernance. Toute Constitution repose sur deux piliers fondamentaux, à savoir : une charte des libertés publiques qui détermine les rapports entre le citoyen et l’Etat vu sous l’angle des droits dont jouissent les citoyens d’une part et l’autre qui est le code des pouvoirs publics ou mieux le mode de dévolution du pouvoir politique. Une Constitution est dite démocratique lorsqu’elle tente au mieux de réaliser un équilibre entre ces deux piliers. Dans cette lignée, en effet, la Constitution de la RDC a pris les dispositions pour un Etat démocratique, un Etat de droit en garantissant la bonne gouvernance, la lutte contre l’impunité et l’alternance démocratique. De ce fait, elle donne à la société civile plusieurs possibilités de faire ses actions voire de contrôler l’administration. Elle affirme le principe démocratique selon lequel tout pouvoir émane du peuple en tant que souverain primaire. Elle réaffirme l’attachement de la RDC aux Droits humains et aux libertés fondamentales tels que proclamés par les instruments juridiques internationaux auxquels elle a adhéré. Aussi, a-t-il intégré ces droits et libertés dans le corps même de la Constitution. Des Droits civils et politiques sont garantis et leur jouissance est reconnue aux Congolais [à la société civile]. De ce fait, les pouvoirs publics veillent à l’élimination de toute forme de discrimination à l’égard de la femme et assurent la protection et la promotion de ses droits. Ils prennent, dans tous les domaines, notamment dans les domaines civil, politique, économique, social et culturel, toutes les mesures appropriées pour assurer le total épanouissement et la pleine participation de la femme au développement de la nation. La femme a droit à une représentation équitable au sein des institutions nationales, provinciales et locales. L’Etat garantit la mise en oeuvre de la parité homme-femme dans lesdites institutions. Aussi important pour l’action de la société civile, est le fait que la Constitution renforce le fait que : Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion...
  • 5. Toute personne a droit à la liberté d’expression. Ce droit implique la liberté d’exprimer ses opinions ou ses convictions, notamment par la parole, l’écrit et l’image, ... Toute personne a droit à l’information. La liberté de presse, la liberté d’information et d’émission par la radio et la télévision, la presse écrite ou tout autre moyen de communication sont garanties sous réserve du respect de l’ordre public, des bonnes mœurs et des droits d’autrui. Les médias audiovisuels et écrits d’Etat sont des services publics dont l’accès est garanti de manière équitable à tous les courants politiques et sociaux. Le statut des médias d’Etat est établi par la loi qui garantit l’objectivité, l’impartialité et le pluralisme d’opinions dans le traitement et la diffusion de l’information. La liberté des réunions pacifiques et sans armes est garantie. Droit à la liberté de manifestation est garanti. Toute manifestation sur les voies publiques ou en plein air, impose aux organisateurs d’informer par écrit l’autorité administrative compétente. Nul ne peut être contraint à prendre part à une manifestation. Droit à la liberté d’association. Les pouvoirs publics collaborent avec les associations qui contribuent au développement social, économique, intellectuel, moral et spirituel des populations et à l’éducation des citoyennes et des citoyens. Cette collaboration peut revêtir la forme d’une subvention. La loi fixe les modalités d’exercice de cette liberté. Droit à la liberté syndicale est reconnu et garanti. Tous les Congolais ont le droit de fonder des syndicats ou de s’y affilier librement, dans les conditions fixées par la loi. Droit à la pétition Longtemps perçu comme un aspect de la liberté d’expression, le droit de pétition est resté absent dans l’espace constitutionnel congolais.6 Il est constitutionnalisé avec l’avènement du vent démocratique des années 90. Il évolue actuellement comme un droit autonome, indépendamment de la liberté d’expression auquel il est originairement lié. Il s’agit d’un droit exclusif des citoyens congolais, qui peut s’exercer soit individuellement, soit collectivement. La lecture de l’article 27 de la Constitution du 18 février 2006 qui stipule que « Tout congolais à le droit d’adresser individuellement ou collectivement une pétition à une autorité publique qui y répond dans les trois mois. Nul ne peut faire l’objet d’incrimination sous quelque forme que ce soit pour avoir pris pareille initiative», fait utilement allusion au droit à la pétition, qui est singulièrement politique. Ce droit s’exerce exclusivement dans les rapports des individus avec les pouvoirs publics ; ne vise que des objectifs publics, des objectifs d’intérêt collectif. Il implique des « réclamations » pour l’amélioration d’une législation ou pour l’annulation d’une politique publique. Des droits collectifs sont garantis car l’Etat protège les droits et les intérêts légitimes des Congolais qui se trouvent tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du pays. Qu’il a le devoir d’assurer et de promouvoir la coexistence pacifique et harmonieuse de tous les groupes ethniques du pays. Il assure également la protection et la promotion des groupes vulnérables et de toutes les minorités. Il veille à leur épanouissement. Que tous les Congolais ont droit à la paix et à la sécurité, tant sur le plan national qu’international. Que toute personne a droit à un environnement sain et propice à son épanouissement intégral. Elle a le devoir de le défendre. L’Etat veille à la protection de l’environnement et à la santé des populations. Que tous les Congolais ont le droit de jouir des richesses nationales. L’Etat a le devoir de les redistribuer équitablement et de garantir le droit au développement.
  • 6. B. Des garanties de contrôle de l’action des pouvoirs constitués par la société civile Les constitutions démocratiques créent effectivement les conditions d’un contrôle permanent par l’opinion publique de l’action des pouvoirs constitués. Les modalités de ce contrôle s’organisent sur la base de trois grands principes, garants de la démocratie : Le premier est le principe de publicité, aux termes duquel les actes des autorités publiques ne peuvent produire d’effets qu’à la condition d’avoir été préalablement rendus publics. Le plus souvent, nous comprenons ces dispositions comme des formalités dénuées de substance. Kant y voyait au contraire l’axiome fondamental de la légalité. Effectivement, la publicité constitue la condition préalable et essentielle d’un contrôle effectif des pouvoirs constitués. Pour surveiller le pouvoir, encore faut-il savoir ce qu’il fait et ce qu’il décide. Le principe de publicité contraint les gouvernants à rompre avec le culte du secret, auquel ils inclinent naturellement. Il pose, en droit, que le pouvoir politique en démocratie, pour prétendre à la légitimité, doit s’exercer au vu et au su de l’opinion. Le deuxième principe interdit aux pouvoirs constitués d’utiliser la force, la contrainte ou l’intimidation en vue de contrôler ou d’influencer le cours des débats publics. Il organise ce que Habermas appelle la sanctuarisation de l’espace public. Il permet aux citoyens de se retrouver et de communiquer entre eux dans des enceintes informelles, à tous les niveaux, du café du commerce jusqu’à Internet, en passant par les salles de réunion et la voie publique. Ce principe se décline dans la Constitution en un faisceau de droits et de libertés, qui comportent une dimension éminemment politique. D’abord, la liberté d’opinion, de conscience et d’expression autorise chaque citoyen à prendre part au débat public pour y défendre ses idées et ses conceptions. Ensuite, la liberté d’association permet aux citoyens de se regrouper et de se doter d’organisations, qui canalisent les forces vives de la société civile. Enfin, la liberté de réunion fonde la légitimité des manifestations et protestations et interdit leur répression pour autant qu’elles conservent un caractère pacifique. La liberté de la presse et, plus largement, les règles qui garantissent le pluralisme dans les médias, constituent le troisième grand principe. Les médias remplissent une fonction indispensable dans les démocraties modernes dans la mesure où ils pallient l’absence d’agora, c’est-à-dire de lieu spécifique consacré à la communication politique. Le rassemblement effectif des citoyens en un lieu est d’ailleurs inconcevable à l’échelle nationale. Ils contribuent à la formation d’un espace public virtuel, où s’informe le grand public, et qui reflète ses centres d’intérêt et les courants d’opinions qui le traversent. Cependant, ces techniques indispensables constituent des ressources rares, onéreuses et fragiles, particulièrement exposées aux forces de l’Etat et du marché, qui cherchent à se les accaparer, pour les museler ou les instrumentaliser à des fins de propagande ou de publicité commerciale. C’est pourquoi ils font l’objet d’une protection spéciale et de garanties particulières. Ces trois principes constituent un système cohérent de garanties, grâce auxquelles la société civile dispose, au moins sur le papier constitutionnel, des moyens de s’informer et de débattre des actes et décisions de l’autorité, de critiquer ouvertement ceux-ci, et enfin, si nécessaire, de se mobiliser en vue d’infléchir le cours des affaires publiques. Ce cadre constitutionnel confère à l’opinion publique une fonction importante de contrôle et d’influence
  • 7. sur les politiques publiques et ceux qui les mettent en œuvre. Il n’accorde par contre à la société civile aucun pouvoir propre de décision ou d’exécution. 3.3. Du rôle et place de la société civile au regard des garanties constitutionnelles Comme relevé supra, la Constitution de la RDC garantit l’action à la société civile congolaise dont la diaspora congolaise. Mais la seule Constitution ne suffit pas ! Du reste, le Général de Gaulle a dit à juste titre qu’«un écrit, fut-ce sur un parchemin, ne vaut que par l’application.» Ainsi, il appartient à la société civile congolaise de s’impliquer afin de relever les défis de la démocratie, de la paix et de la reconstruction en RDC et cela nécessite des réactions de la part de la population7 et de la société civile8. Il faut donc un ajustement aux réalités de l'interdépendance. Le sort de la démocratie et de la paix dépend non pas de l'importance des défis auxquels elles sont confrontées, mais de l'ampleur de la volonté politique déployée pour s'atteler aux problèmes. En d'autres termes, comme toujours, tout dépend de nous. La reconstruction de la société civile (organisations non gouvernementales, syndicats, associations professionnelles, humanitaires, culturelles, religieuses etc), basées sur le droit des citoyens de s’associer librement, en vue de réaliser une série d’intérêts communs et de participer à la vie publique, sociale et culturelle, est un phénomène pertinent pour la démocratie, la consolidation de la paix et la reconstruction. Ces associations, ligues et organisations constituent, dans leur diversité, un support de la vie démocratique et un cadre de manifestation des initiatives des citoyens. En définitive, quel rôle la Diaspora congolaise en tant maillon de la société civile congolaise doit jouer dans la promotion de la démocratie et la recherche de la paix? Paraphrasant le Professeur Yves Naudet dans son livre Ethique et société civile, nous disons que la société civile ou mieux, la Diaspora congolaise d’Afrique du Sud doit jouer un double rôle ou mission. Premièrement, elle doit être le catalyseur des aspirations démocratiques des individus en contrôlant l'Etat, et deuxièmement, elle doit être un producteur de services (assurances, soins, éducation, culture, etc). Selon lui, la société civile répond à une volonté démocratique de faire connaître la voix de la « grande muette », cette partie de la population qui ne peut pas s'exprimer comme le fait la partie bien protégée, celle des agents politiques. La société civile doit faire marcher la démocratie en dehors de la sphère technocratique, exercer une forte influence sur le monde politique en l'obligeant à tenir compte des volontés des individus. Contenir l'Etat et le corps politique, encourager la création des richesses et contrôler les dépenses publiques, tels sont les buts de la société civile. Cette analyse revient à dire que la croissance d'une culture démocratique dépend de la croissance d'une société civile vivante ayant la capacité d'agir comme un lien de communication entre la population (avec les
  • 8. intérêts complexes qui s'enchevêtrent) et l'Etat. Autrement dit, les acteurs de la société civile, en l'occurrence les leaders doivent se réorganiser en vue de pallier aux insuffisances de la classe politique non dans un élan concurrentiel, mais dans une approche de complémentarité, les uns éclairant la lanterne des autres. Pour ce faire, la société civile, dans son rôle de catalyseur des aspirations démocratiques doit être à l'avant-garde de la promotion de la démocratie participative, gage d'une réelle démocratie.9 Il est donc temps que les organisations de la société civile se consolident et qu’elles dépassent en conséquence, la phase de stricte attitude critique à l’égard des opérateurs politiques, devenant ainsi, plus aptes à s’impliquer de manière constructive et à avancer des propositions concrètes visant la refondation de la RDC qui a besoin de renaître de ses cendres comme le phénix. Cela est d’autant utile car une société civile forte et active représente une condition indispensable de démocratie et de paix. IV. CONCLUSION: LA SOCIETE CIVILE [DIASPORA RSA], UN COLIBRI ? Au regard de ce qui précède, il sied de réfléchir sur le rôle et/ou l’action de la société civile qui en principe a une place au soleil au regard de la Constitution de la RDC. Mais, remplit-elle effectivement son rôle ? Cela doit interpeller tout le monde ! Au demeurant, notons simplement que la société civile doit s’inspirer de la légende du Colibri. En effet, un jour, dit la légende, il y eut un immense incendie de forêt. Tous les animaux terrifiés et atterrés observaient impuissants le désastre. Seul le petit colibri s'activait, allant chercher quelques gouttes d'eau dans son bec pou les jeter sur le feu. Au bout d'un moment, le tatou, agacé par ses agissements dérisoires, lui dit : "Colibri ! Tu n'es pas fou ! Tu crois que c'est avec ces gouttes d'eau que tu vas éteindre le feu ?!" Le colibri répondit alors : "Je sais, mais je fais ma part." La légende raconte que chaque animal se sentit concerné, que chacun à sa manière fit sa part, et que la forêt fut sauvée. Leçon de cette légende: Face à un problème, un désastre qui nous dépasse par son ampleur, ce qui forcément est source d'impuissance, la seule solution est que chacun fasse ce qui lui est possible de faire, à son niveau. Il est donc nécessaire dans un premier temps de se réapproprier notre pouvoir d'action et pour cela d'en déterminer clairement les limites. De ce pouvoir d'action découle notre part de responsabilité. La multiplication des efforts personnels, et leur orientation commune vers la réalisation d'un même objectif, permet de concrétiser des actions d'une ampleur supérieure à l'action d'une seule personne. Que la Diaspora Congolaise d’Afrique du Sud, s’inspire donc de cette sagesse du colibri en contribuant a l’essor de la démocratie, de la paix et de la reconstruction de la RDC. Voilà sa part et son rôle !
  • 9. 1 Pour reprendre les termes d'Anaximandre 2 D’ailleurs, pour découvrir la définition de « société civile » dans le Dictionnaire de Philosophie Politique, l’on retrouve plutôt « Etat et société civile », ce qui démontre l’indissociabilité de la société civile et de l’Etat (selon BURKE,Réflexions sur la révolution de France, 1790). Selon cette première ligne de pensée, les véritables droits de l’Homme sont ceux que leur garantit l’existence d’une société civilement constituée, laquelle présuppose un « pouvoir indépendant » qui est une institution de contrainte. Le degré de contrainte dont dispose la société civile étant considéré comme un Indice de Croissance Démocratique (ICD), cet indice étant lui-même tributaire du degré d’acception des bonnes pratiques liées à la culture démocratique dans un pays considéré. Ensuite, l’originalité du concept de « société civile » chez le philosophe allemand HEGEL réside dans le fait que la société civile moderne est le terrain de développement de la culture grâce à laquelle l’autonomie de l’individu et l’autorité suprême de l’Etat cessent d’être comprises comme mutuellement incompatibles. Selon HEGEL, société civile et Etat sont certes différents, mais ils ne s’opposent pas, et leurs actions se complètent et s’entremêlent pour la réalisation des idéaux démocratiques. 3 Lire le “concept note” de cet atelier précisément au point II. relatif au rôle de la société civile et de la Diaspora dans l’histoire récente en RDC. 4 Constitution de la RDC, Journal Officiel de la RDC, 47e année, numéro spécial, Kinshasa, 18 février 2008 5 J. Habermas, Droit et démocratie, Paris, Gallimard, 1997. 6 NGONDANKOY NKOY-ea-LOONGYA, Droit congolais des droits de l’homme, Collection «Bibliothèque de droit africain », academia Bruylant, Bruxelles, 2004, p. 248. 7 Notons cependant que l’ignorance ou mieux l’analphabétisme de la grande majorité de nos concitoyens est une des causes majeures de cette apathie et qui constitue un «visa à entrée multiple» pour l’émergence des opérateurs politiques véreux. 8 Aussi, la faible implication de la société civile dans la vie politique semble être la cause majeure de l’étroitesse de la culture démocratique en RDC - la société civile observe encore plus qu’elle n’agit au moment opportun-. 9 La Diaspora congolaise devrait apporter un plus en utilisant par exemple les nouvelles technologies numériques et l'Internet en tant qu'outils d'engagement et d'éducation civiques par-delà les frontières. En effet, la démocratie repose sur une communication efficace, et
  • 10. dans un monde plus disparate et complexe que jamais, nous disposons de nouveaux outils qui jusqu'ici étaient utilisés principalement pour le commerce, mais ne demandent qu'à être utilisés pour l'information civique et l'engagement démocratique. 1