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Yann Fournis | Amélie Dumarcher
AUX FRONTIÈRES DU DÉVELOPPEMENT
INNOVATION ET DÉVELOPPEMENT EN PÉRIPHÉRIES-RESSOURCES
Introduction:le
paradoxecanadien
desressources
Les périphéries apparaissent trop souvent comme des culs-de-sac
théoriques, c’est-à-dire des espaces marginaux spatialement mais aussi
intellectuellement (cf. débat sur le post-fordisme), parce que le
développement passerait de plus en plus par les agglomérations (les
plus grandes) ou des logiques de concentration (les milieux de PME) et
de moins en moins par les régions-périphériques (slippery spaces de
Markusen)
Il s’agit d’un paradoxe :
 les ressources ont été centrales historiquement, avec des effets
ambigus mais intéressants, au Canada (cf. « le pays sous-développé
le plus riche du monde » selon Kari Polanyi Levitt)
 elles occupent encore un rôle majeur aujourd’hui, sous des formes
complexes (cf. questionnements actuels : « malédiction », « maladie
hollandaise » ou « reprimarisation », « rentier encombrant », etc.) – cf.
aussi Gudynas sur l’extractivisme, etc.
Deshypothèses
contradictoires
Cette complexité s’explique moins par une tendance dominante, que
selon des hypothèses contradictoires sur l’avenir des ressources (et de
leurs espaces) :
 Avant le boum des ressources des années 2000 : pour certains,
hypothèse du remplacement de l’économie des ressources par
une économie de la connaissance (et déclin des régions-
ressources)
 Après le boum des ressources des années 2000 : pour certains,
hypothèse d’une reprimarisation de l’économie canadienne (J.
Stanford, D. Drache) et de pression accrue pour l’extraction (É.
Pineault),y compris à proximité du Canada central-urbain
Ces hypothèses contradictoires comportent sans doute une part de
vérité : les combiner sous une forme plus complexe …
Unetrajectoire
contradictoire
Hypothèse (cf. T. Hutton) :
 La transition de l’économie canadienne accouche d’une
économie hybride, à la fois de plus en plus marquée par la
« nouvelle » économie du savoir, mais qui ne sera pas sans
la « vieille » économie des ressources premières (cf. débats
post-staples / mature staples)
 Cette transition sera territorialisée : crise territoriale et
recomposition des rapports entre les différents espaces de
l’économie canadienne
Défi intellectuel : un modèle local centré sur les spécificités du
capitalisme canadien, qui éclairerait cette trajectoire hésitante entre
« vieille » et « nouvelle » économie, avec des variations territoriales
significatives (i-e aussi bien en périphérie qu’au centre )
Objectifs
Pour ce faire, entrée sur la pièce maîtresse du développement
territorial (ou de la géographique économique) : l’innovation, mais en
élargissant le regard à ses conditions territoriales d’émergence au
sens très large (i-e le développement territorial).
L’idée est donc de relier systématiquement l’innovation et le
développement sur les territoire par une relecture des processus
d’innovation au prisme de la théorie des staples : l’innovation en
régions-ressources serait difficilement séparable d’un développement
centré sur les ressources naturelles, leurs spatialités (la frontière) et les
modes d’organisation collective de l’appropriation de la rente.
Plan
Ce programme commence modestement, avec :
 Première partie : retour sur les études actuelles de l’innovation au
Québec, dont les définitions sont éclairantes des dynamiques
territoriales sous-tendant l’innovation mais dépendent des facteurs
substantiels inégalement répartis dans l’espace ;
 Deuxième partie : relecture du développement des périphéries-
ressources canadiennes / québécoises pour envisager une
redéfinition drastique de ce qu’est l’innovation ;
Partie1.
Innovation etdéveloppement au(x)Québec(s)
Innovationet
développement
L’innovation désormais considérée comme centrale
pour le développement des territoires
2 entrées en tension (y compris dans la science régionale québécoise)
Mais point commun : supposent des relations fortes entre l’innovation et
l’espace où elle prend forme (ancrage fort et importance de la densité) :
Métropoles et centres urbains
(innovation supportée par spécificités
de l'agglomération)
Source : Polèse, 2009
Terreau local
(innovation comme processus systémique,
interactions denses autour d'un secteur)
Source : Proulx, 2007
L'expérience
contrastéedu
Québec
Des processus de développement soutenu par l'innovation, ancrés dans
leur territoire …
 Fonctionnent dans la zone métropolitaine et dans le "croissant
manufacturier" (Proulx) ou "arc industriel" (Polèse)
Zone dynamique et multipolaire
 Ne fonctionnent que partiellement en périphérie (Côté, Proulx, 2002)
Zones en érosion, avec difficultés, mais émergence d'activités et de
filières innovantes …
Par ex. : La Pocatière (Doloreux, Dionne, Jean), bois en Outaouais
(Robitaille et al.), aluminium au Saguenay (Proulx), maritime dans l'Est
(Doloreux, Shearmur), éolien en Gaspésie (Fournis, Fortin), etc.
Quelquesleçonsdes
périphéries
québécoises
4 leçons de ces expériences…
Pour comprendre ces dynamiques innovantes en périphéries, prendre en
compte :
 Le rôle de l’État et la grande entreprise,
 La proximité relationnelle, pouvant être présente sans concentration,
 La profondeur historique et la trajectoire des processus locaux de
développement
 L’innovation n’est pas simple … sortir d’une conception normative :
pas uniquement des impacts positifs dans les territoires (importée,
réduction des emplois, FIFO, etc.)
Donc, envisager les implications territoriales de l’innovation.
Penserensembleces
expériences
québécoises
contrastées?
Quelquespistes
…
Différentes zones et logiques spatio-économiques (Proulx, 2012, 2014)
En termes d'organisation du territoire et de trajectoires de développement
(1) Zone centrale ("croissant manufacturier" ou "arc industriel")
Répond bien aux modèles par la centralité / diffusion
Relativement dynamique
(2) Zone nordique
Implantation en villes de ressources (mercantile type Vance, cf. Proulx)
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(3) Zone "intermédiaire" en érosion : entre les deux
En dévitalisation, frontières floues et perméables …
Dynamique hybride : rencontre (conflictuelle et complexe) entre
"nouvelle" économie du savoir et "vielle" économie des ressources
Des logiques et processus de développement différents et entremêlés
Si pluralité du développement, alors pluralité de l’innovation …
Appelle à une relecture des composantes et des configurations du
développement (et de l'innovation …)
Partie2.
Desstaplesauxinnovations àlafrontière
1.
DESPRINCIPALES
RESSOURCESÀLA
FRONTIÈRE:
UNEFRONTIÈRE
RESSOURCISTE?
(staplefrontier)
Le développement de l’économie canadienne peut être analysé à partir
d’un modèle alternatif : les staples (H. Innis) ; ette approche présente
plusieurs intérêts :
 offrir un portrait global de la géographie économique canadienne,
dessinant un modèle de développement spécifique, différent des modèles
actuels centré sur les métropoles et leurs agglomérations (cf. schéma) ;
 recentrer la construction sociale du « marché » au Canada sur la
« frontière » géographique des ressources : différente de celle observée
aux États-Unis (cf. F. Turner et le creuset social), la frontière est indissociable
de la rente des ressources naturelles et de leur exploitation par la grande
entreprise ;
 repenser la rencontre actuelle (et houleuse) entre les « vieilles »
ressources et les « nouvelles » dynamiques de l’économie de la
connaissance : la triade innisienne géographie – technologie – institutions
ouvre à une redéfinition de l’innovation en périphérie …
Lemodèlestaple
dedéveloppement
auCanada
(H.Innis)
Source : Drache, 1995, p. xxiii
Ledéveloppementà
lafrontière
Les grandes institutions du capitalisme canadien et l’exploitation
économique des ressources naturelles et de leurs de espaces (cf. les
vagues successives du déploiement spatial des activités extractives)
Selon cette dynamique, la frontière des ressources est mouvante et
plurielle, mais fondée sur une mécanique garantie par l’État
d’appropriation de la rente par la grande entreprise ; très différemment
des États-Unis (F. Turner), la frontière est moins une dynamique sociale de
concurrence entre individus ou groupes autour d’un lieu physique qu’une
dynamique financière d’extension spatiale de la rentabilité des
investissements par les entreprises (cf. Neil Smith)
Cette économie politique de la frontière explique la structuration
spatiale du capitalisme canadien : elle a pu être résumée en termes
simples centre-périphérie, où la périphérie et le centre se nourrissent l’une
l’autre, selon une dynamique contradictoire et asymétrique (cf.
spécialisation massive (intensive ou non) en périphérie : commerce,
transactions et agglomération au centre)
Quelquesnuances
…
NB : ce schéma devrait être nuancé, avec notamment la prise en
compte :
 Des conflits structurels entre la « grande » et la « petite
économie » (cf. Hayter)
 Des évolutions historiques fortes de ce modèle (pré-fordisme,
fordisme et post-fordisme, etc.)
 Des formes spatiales différenciées qu’il peut prendre (sous
forme intensive - villes de ressource – ou extensive – régions-
ressources)
 etc.
Unefrontière
ressourciste
fragiliséeetfluide
Actuellement, déstabilisation de cette économie de la frontière, avec :
 Face à l’économie de la connaissance, recul du rôle des ressources
(débats sur un avenir post-staple) mais aussi de nouveaux projets (stade
mature staple : méga-mines, gaz de schiste, etc.)
 Spatialement, passage d’une organisation à l’échelle canadienne-
provinciale à une organisation à une échelle plus globale (et déliaison
entre les deux pôles), qui oblige chaque territoire à se positionner face
au global en fonction de ses propres potentiels (cf. fluidification de la
frontière, avec une combinaison de déprises et reprises territoriales)
Bref, recombinaison et complexification de la dynamique de fixation de
la frontière, avec une articulation plus exclusive et directe entre des
grandes entreprises globales et des opérateurs localisés pour s’approprier
la rente (et l’espace) des ressources naturelles, en fonction des conditions
posées par les politiques publiques liées aux ressources (cf. économie
politique de la frontière)
2.
L’INNOVATION
AUPRISMEDELA
TRIADEINNISIENNE
Pour envisager ces évolutions récentes, la conception staple du
développement est stimulante, pour opérer un élargissement critique
des notions courantes pour penser le développement à la frontière, à la
fois dans ses dimensions humaine (la frontière physique de l’écoumène) et
économique (la frontière des investissements des grandes entreprises)
En particulier, l’innovation en périphérie apparaît comme assez
hétérodoxe au regard des théories contemporaines d’inspiration urbaine,
mais peut être envisagée à nouveaux frais par la triade innisienne
géographie – technologie – institutions
Géographie
Les staples se réfèrent à la fois à l’environnement naturel et aux
relations particulières de type centre-périphérie qui structurent l’espace
canadien (cf. Côté, Proulx, 2003)
Les transformations de l’économie (globalisation + connaissance) tendent
à accentuer les tendances traditionnelles des économies ressources (i-e
des cycles des marchés et donc des cycles de reprise et de déprise
territoriales), mais aussi à les remettre en cause plus radicalement avec
de nouveaux types plus subtils d’occupation de l’espace (de type FIFO ou
conquête de nouveaux espaces extractifs par la technologie)
Les relations centre-périphérie sont désormais globalisées et remplacées
par des relations extractives glocales (i-e à la fois très globales et très
locales – avec une bien moindre médiation nationale)
Technologie
La technologie est essentielle pour l’exploitation des ressources : elle
détermine « si » et « comment » les ressources sont exploitées et
transportées. Traditionnellement, la technologie utilisée au Canada
était importée et, par nature exogène, fonctionnait plutôt en huis-clos (cf.
l’innovation interne aux entreprises mais dans une logique subalterne)
dans des modes d’exploitation de grande envergure.
Or, non seulement ces caractéristiques perdurent, mais leurs effets
positifs historiques sont remis en cause, à la fois au niveau de la
production (productivité contre emploi) et de l’insertion territoriale de
la technologie (cf. les tensions autour de l’éolien, du gaz de schiste, etc.)
La technologie doit donc être évaluée comme participant d’une
tension autour de la captation inégale de la rente (avec ses effets
positifs locaux mais aussi ses effets pervers). Elle peut être utilisée
comme une méthode d’optimisation de la rente, impulsée de l’extérieur
et pas souvent au bénéfice des territoires (exceptions: industrie éolienne
au Québec, pétrole offshore à Terre-Neuve)
Institutions
1/2
L’exploitation des ressources naturelles dépend d’une structuration
institutionnelle qui n’a pas grand-chose à voir avec les marchés
(au sens théorique), du fait du rôle des institutions non-
marchandes (Hollingsworth, Boyer).
Il en résulte une économie hybride de la captation et de la
distribution de la rente, par différents types de régulation (grandes
organisations privées et publiques, processus communautaires) sous la
régulation de l’État ; l’extractivisme est donc peu marchand mais
demande un État régulateur efficace (cf. Hessing et les politiques de
ressource).
Ce schéma était historiquement fondé sur une sorte de contrat
territorial autour de la (re)distribution de la rente : les politiques de
l’État étaient un outil de déplacement de la frontière (en assurant par
la contribution publique la rentabilité des investissements privés dans
de nouveaux espaces d’extraction de la rente), en échange d’une
redistribution des retombées locales (comme substitut à une politique
de développement régional)
Institutions
2/2
Or ce schéma devient de moins en moins soutenable : le style des
politiques publiques continue à favoriser une extension agressive de
la frontière (cf. Anticosti, Plan Nord, etc.) sans pouvoir compter sur des
effets (re)distributifs au niveau local aussi forts que dans le passé
(mais cf. l’éolien)
Bref, la captation de la rente se déterritorialise : il restera à observer si
la crise de légitimité des politiques de ressources (observable au niveau
national) trouvera une expression aussi forte au niveau local (auquel cas
des conflits nombreux pourraient surgir)
3.
REPENSERLA
«NATURE»DE
L’INNOVATION
(SELON CELLEDES
TERRITOIRES)
L’entrée par les staples permet d’inverser les questionnements les plus
courants sur l’innovation en région périphérique, en suggérant qu’elle
est générée au sein d’un arrangement triadique spécifique à
l’économie-frontière (géographie, technologie, institutions) qui lui donne
une configuration particulière.
UNEINNOVATION
PÉRIPHÉRIQUEET
PLURIELLE
Elle peut être abordée comme une innovation :
 pas souvent marchande : le marché « pur » est peu présent en
régions-ressources parce que son extension a été étroitement enserrée
dans une puissante socio-économie de type staple, centrée sur la rente
 marquée par l’existence d’une tension autour de deux types
d’innovation, issus de la « grande » ou de la « petite » économie. Cf.
des types hétérodoxes d’innovation, fonctionnant comme des variantes
plus institutionnelles des systèmes d’innovation : le micro-corporatisme
des grandes organisations (Amable, 2000) et le développement
communautaire ailleurs (cf. Lévesque 2005)
 soutenue par des politiques publiques d’innovation à la fois très
insuffisantes et malgré tout pertinentes : elles visent à compenser par
les ressources proprement publiques l’insuffisance des interactions
innovantes au sein des milieux productifs périphériques : pousse à
envisager l’innovation comme un composé hybride entre différents
types de régulation
CONCLUSION
«BACKTOTHESTRUCTURE(S) »?
CONCLUSION
«BACKTOTHE
STRUCTURE(S)»
 Il faut replacer fermement l’innovation au sein du développement
territorial (ie l’innovation marchande ouverte en milieu urbain,
l’innovation organisationnelle fermée / l’innovation communautaire
ouverte en milieu périphérique).
 Ceci rejoint certaines approches relationnelles de l’espace, qui
questionnent les unités du développement qui génèrent
l’innovation ; or, Latour rappelait que la perspective relationnelle
est par définition une perspective relativiste (et donc à replacer
dans son contexte territorial : cf. Barnes)
 Mais beaucoup des choses se jouent dans les territoires sans être du
territoire, à commencer par la grande entreprise et l’État (i-e les
principales institutions organisant le contexte de l’innovation voire la
générant directement) ...
 Sous cette perspective, il faut aussi relativiser le relativisme pour
donner toute leur place aux structures ... En ce sens, l’innovation
ressemble à s’y méprendre au développement en acte.
Aux frontières du développement. Innovation et développement en périphéries-ressources.

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"Le(s) territoire(s) du CRDT" (1) Présentation du projet
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"Le(s) territoire(s) du CRDT" (3) L'espace pratique - Modes de publication et...
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Aux frontières du développement. Innovation et développement en périphéries-ressources.

  • 1. Yann Fournis | Amélie Dumarcher AUX FRONTIÈRES DU DÉVELOPPEMENT INNOVATION ET DÉVELOPPEMENT EN PÉRIPHÉRIES-RESSOURCES
  • 2. Introduction:le paradoxecanadien desressources Les périphéries apparaissent trop souvent comme des culs-de-sac théoriques, c’est-à-dire des espaces marginaux spatialement mais aussi intellectuellement (cf. débat sur le post-fordisme), parce que le développement passerait de plus en plus par les agglomérations (les plus grandes) ou des logiques de concentration (les milieux de PME) et de moins en moins par les régions-périphériques (slippery spaces de Markusen) Il s’agit d’un paradoxe :  les ressources ont été centrales historiquement, avec des effets ambigus mais intéressants, au Canada (cf. « le pays sous-développé le plus riche du monde » selon Kari Polanyi Levitt)  elles occupent encore un rôle majeur aujourd’hui, sous des formes complexes (cf. questionnements actuels : « malédiction », « maladie hollandaise » ou « reprimarisation », « rentier encombrant », etc.) – cf. aussi Gudynas sur l’extractivisme, etc.
  • 3. Deshypothèses contradictoires Cette complexité s’explique moins par une tendance dominante, que selon des hypothèses contradictoires sur l’avenir des ressources (et de leurs espaces) :  Avant le boum des ressources des années 2000 : pour certains, hypothèse du remplacement de l’économie des ressources par une économie de la connaissance (et déclin des régions- ressources)  Après le boum des ressources des années 2000 : pour certains, hypothèse d’une reprimarisation de l’économie canadienne (J. Stanford, D. Drache) et de pression accrue pour l’extraction (É. Pineault),y compris à proximité du Canada central-urbain Ces hypothèses contradictoires comportent sans doute une part de vérité : les combiner sous une forme plus complexe …
  • 4. Unetrajectoire contradictoire Hypothèse (cf. T. Hutton) :  La transition de l’économie canadienne accouche d’une économie hybride, à la fois de plus en plus marquée par la « nouvelle » économie du savoir, mais qui ne sera pas sans la « vieille » économie des ressources premières (cf. débats post-staples / mature staples)  Cette transition sera territorialisée : crise territoriale et recomposition des rapports entre les différents espaces de l’économie canadienne Défi intellectuel : un modèle local centré sur les spécificités du capitalisme canadien, qui éclairerait cette trajectoire hésitante entre « vieille » et « nouvelle » économie, avec des variations territoriales significatives (i-e aussi bien en périphérie qu’au centre )
  • 5. Objectifs Pour ce faire, entrée sur la pièce maîtresse du développement territorial (ou de la géographique économique) : l’innovation, mais en élargissant le regard à ses conditions territoriales d’émergence au sens très large (i-e le développement territorial). L’idée est donc de relier systématiquement l’innovation et le développement sur les territoire par une relecture des processus d’innovation au prisme de la théorie des staples : l’innovation en régions-ressources serait difficilement séparable d’un développement centré sur les ressources naturelles, leurs spatialités (la frontière) et les modes d’organisation collective de l’appropriation de la rente.
  • 6. Plan Ce programme commence modestement, avec :  Première partie : retour sur les études actuelles de l’innovation au Québec, dont les définitions sont éclairantes des dynamiques territoriales sous-tendant l’innovation mais dépendent des facteurs substantiels inégalement répartis dans l’espace ;  Deuxième partie : relecture du développement des périphéries- ressources canadiennes / québécoises pour envisager une redéfinition drastique de ce qu’est l’innovation ;
  • 8. Innovationet développement L’innovation désormais considérée comme centrale pour le développement des territoires 2 entrées en tension (y compris dans la science régionale québécoise) Mais point commun : supposent des relations fortes entre l’innovation et l’espace où elle prend forme (ancrage fort et importance de la densité) : Métropoles et centres urbains (innovation supportée par spécificités de l'agglomération) Source : Polèse, 2009 Terreau local (innovation comme processus systémique, interactions denses autour d'un secteur) Source : Proulx, 2007
  • 9. L'expérience contrastéedu Québec Des processus de développement soutenu par l'innovation, ancrés dans leur territoire …  Fonctionnent dans la zone métropolitaine et dans le "croissant manufacturier" (Proulx) ou "arc industriel" (Polèse) Zone dynamique et multipolaire  Ne fonctionnent que partiellement en périphérie (Côté, Proulx, 2002) Zones en érosion, avec difficultés, mais émergence d'activités et de filières innovantes … Par ex. : La Pocatière (Doloreux, Dionne, Jean), bois en Outaouais (Robitaille et al.), aluminium au Saguenay (Proulx), maritime dans l'Est (Doloreux, Shearmur), éolien en Gaspésie (Fournis, Fortin), etc.
  • 10. Quelquesleçonsdes périphéries québécoises 4 leçons de ces expériences… Pour comprendre ces dynamiques innovantes en périphéries, prendre en compte :  Le rôle de l’État et la grande entreprise,  La proximité relationnelle, pouvant être présente sans concentration,  La profondeur historique et la trajectoire des processus locaux de développement  L’innovation n’est pas simple … sortir d’une conception normative : pas uniquement des impacts positifs dans les territoires (importée, réduction des emplois, FIFO, etc.) Donc, envisager les implications territoriales de l’innovation.
  • 11. Penserensembleces expériences québécoises contrastées? Quelquespistes … Différentes zones et logiques spatio-économiques (Proulx, 2012, 2014) En termes d'organisation du territoire et de trajectoires de développement (1) Zone centrale ("croissant manufacturier" ou "arc industriel") Répond bien aux modèles par la centralité / diffusion Relativement dynamique (2) Zone nordique Implantation en villes de ressources (mercantile type Vance, cf. Proulx) Boom ressourciste : nouveau cycle (3) Zone "intermédiaire" en érosion : entre les deux En dévitalisation, frontières floues et perméables … Dynamique hybride : rencontre (conflictuelle et complexe) entre "nouvelle" économie du savoir et "vielle" économie des ressources Des logiques et processus de développement différents et entremêlés Si pluralité du développement, alors pluralité de l’innovation … Appelle à une relecture des composantes et des configurations du développement (et de l'innovation …)
  • 13. 1. DESPRINCIPALES RESSOURCESÀLA FRONTIÈRE: UNEFRONTIÈRE RESSOURCISTE? (staplefrontier) Le développement de l’économie canadienne peut être analysé à partir d’un modèle alternatif : les staples (H. Innis) ; ette approche présente plusieurs intérêts :  offrir un portrait global de la géographie économique canadienne, dessinant un modèle de développement spécifique, différent des modèles actuels centré sur les métropoles et leurs agglomérations (cf. schéma) ;  recentrer la construction sociale du « marché » au Canada sur la « frontière » géographique des ressources : différente de celle observée aux États-Unis (cf. F. Turner et le creuset social), la frontière est indissociable de la rente des ressources naturelles et de leur exploitation par la grande entreprise ;  repenser la rencontre actuelle (et houleuse) entre les « vieilles » ressources et les « nouvelles » dynamiques de l’économie de la connaissance : la triade innisienne géographie – technologie – institutions ouvre à une redéfinition de l’innovation en périphérie …
  • 15. Ledéveloppementà lafrontière Les grandes institutions du capitalisme canadien et l’exploitation économique des ressources naturelles et de leurs de espaces (cf. les vagues successives du déploiement spatial des activités extractives) Selon cette dynamique, la frontière des ressources est mouvante et plurielle, mais fondée sur une mécanique garantie par l’État d’appropriation de la rente par la grande entreprise ; très différemment des États-Unis (F. Turner), la frontière est moins une dynamique sociale de concurrence entre individus ou groupes autour d’un lieu physique qu’une dynamique financière d’extension spatiale de la rentabilité des investissements par les entreprises (cf. Neil Smith) Cette économie politique de la frontière explique la structuration spatiale du capitalisme canadien : elle a pu être résumée en termes simples centre-périphérie, où la périphérie et le centre se nourrissent l’une l’autre, selon une dynamique contradictoire et asymétrique (cf. spécialisation massive (intensive ou non) en périphérie : commerce, transactions et agglomération au centre)
  • 16. Quelquesnuances … NB : ce schéma devrait être nuancé, avec notamment la prise en compte :  Des conflits structurels entre la « grande » et la « petite économie » (cf. Hayter)  Des évolutions historiques fortes de ce modèle (pré-fordisme, fordisme et post-fordisme, etc.)  Des formes spatiales différenciées qu’il peut prendre (sous forme intensive - villes de ressource – ou extensive – régions- ressources)  etc.
  • 17. Unefrontière ressourciste fragiliséeetfluide Actuellement, déstabilisation de cette économie de la frontière, avec :  Face à l’économie de la connaissance, recul du rôle des ressources (débats sur un avenir post-staple) mais aussi de nouveaux projets (stade mature staple : méga-mines, gaz de schiste, etc.)  Spatialement, passage d’une organisation à l’échelle canadienne- provinciale à une organisation à une échelle plus globale (et déliaison entre les deux pôles), qui oblige chaque territoire à se positionner face au global en fonction de ses propres potentiels (cf. fluidification de la frontière, avec une combinaison de déprises et reprises territoriales) Bref, recombinaison et complexification de la dynamique de fixation de la frontière, avec une articulation plus exclusive et directe entre des grandes entreprises globales et des opérateurs localisés pour s’approprier la rente (et l’espace) des ressources naturelles, en fonction des conditions posées par les politiques publiques liées aux ressources (cf. économie politique de la frontière)
  • 18. 2. L’INNOVATION AUPRISMEDELA TRIADEINNISIENNE Pour envisager ces évolutions récentes, la conception staple du développement est stimulante, pour opérer un élargissement critique des notions courantes pour penser le développement à la frontière, à la fois dans ses dimensions humaine (la frontière physique de l’écoumène) et économique (la frontière des investissements des grandes entreprises) En particulier, l’innovation en périphérie apparaît comme assez hétérodoxe au regard des théories contemporaines d’inspiration urbaine, mais peut être envisagée à nouveaux frais par la triade innisienne géographie – technologie – institutions
  • 19. Géographie Les staples se réfèrent à la fois à l’environnement naturel et aux relations particulières de type centre-périphérie qui structurent l’espace canadien (cf. Côté, Proulx, 2003) Les transformations de l’économie (globalisation + connaissance) tendent à accentuer les tendances traditionnelles des économies ressources (i-e des cycles des marchés et donc des cycles de reprise et de déprise territoriales), mais aussi à les remettre en cause plus radicalement avec de nouveaux types plus subtils d’occupation de l’espace (de type FIFO ou conquête de nouveaux espaces extractifs par la technologie) Les relations centre-périphérie sont désormais globalisées et remplacées par des relations extractives glocales (i-e à la fois très globales et très locales – avec une bien moindre médiation nationale)
  • 20. Technologie La technologie est essentielle pour l’exploitation des ressources : elle détermine « si » et « comment » les ressources sont exploitées et transportées. Traditionnellement, la technologie utilisée au Canada était importée et, par nature exogène, fonctionnait plutôt en huis-clos (cf. l’innovation interne aux entreprises mais dans une logique subalterne) dans des modes d’exploitation de grande envergure. Or, non seulement ces caractéristiques perdurent, mais leurs effets positifs historiques sont remis en cause, à la fois au niveau de la production (productivité contre emploi) et de l’insertion territoriale de la technologie (cf. les tensions autour de l’éolien, du gaz de schiste, etc.) La technologie doit donc être évaluée comme participant d’une tension autour de la captation inégale de la rente (avec ses effets positifs locaux mais aussi ses effets pervers). Elle peut être utilisée comme une méthode d’optimisation de la rente, impulsée de l’extérieur et pas souvent au bénéfice des territoires (exceptions: industrie éolienne au Québec, pétrole offshore à Terre-Neuve)
  • 21. Institutions 1/2 L’exploitation des ressources naturelles dépend d’une structuration institutionnelle qui n’a pas grand-chose à voir avec les marchés (au sens théorique), du fait du rôle des institutions non- marchandes (Hollingsworth, Boyer). Il en résulte une économie hybride de la captation et de la distribution de la rente, par différents types de régulation (grandes organisations privées et publiques, processus communautaires) sous la régulation de l’État ; l’extractivisme est donc peu marchand mais demande un État régulateur efficace (cf. Hessing et les politiques de ressource). Ce schéma était historiquement fondé sur une sorte de contrat territorial autour de la (re)distribution de la rente : les politiques de l’État étaient un outil de déplacement de la frontière (en assurant par la contribution publique la rentabilité des investissements privés dans de nouveaux espaces d’extraction de la rente), en échange d’une redistribution des retombées locales (comme substitut à une politique de développement régional)
  • 22. Institutions 2/2 Or ce schéma devient de moins en moins soutenable : le style des politiques publiques continue à favoriser une extension agressive de la frontière (cf. Anticosti, Plan Nord, etc.) sans pouvoir compter sur des effets (re)distributifs au niveau local aussi forts que dans le passé (mais cf. l’éolien) Bref, la captation de la rente se déterritorialise : il restera à observer si la crise de légitimité des politiques de ressources (observable au niveau national) trouvera une expression aussi forte au niveau local (auquel cas des conflits nombreux pourraient surgir)
  • 23. 3. REPENSERLA «NATURE»DE L’INNOVATION (SELON CELLEDES TERRITOIRES) L’entrée par les staples permet d’inverser les questionnements les plus courants sur l’innovation en région périphérique, en suggérant qu’elle est générée au sein d’un arrangement triadique spécifique à l’économie-frontière (géographie, technologie, institutions) qui lui donne une configuration particulière.
  • 24. UNEINNOVATION PÉRIPHÉRIQUEET PLURIELLE Elle peut être abordée comme une innovation :  pas souvent marchande : le marché « pur » est peu présent en régions-ressources parce que son extension a été étroitement enserrée dans une puissante socio-économie de type staple, centrée sur la rente  marquée par l’existence d’une tension autour de deux types d’innovation, issus de la « grande » ou de la « petite » économie. Cf. des types hétérodoxes d’innovation, fonctionnant comme des variantes plus institutionnelles des systèmes d’innovation : le micro-corporatisme des grandes organisations (Amable, 2000) et le développement communautaire ailleurs (cf. Lévesque 2005)  soutenue par des politiques publiques d’innovation à la fois très insuffisantes et malgré tout pertinentes : elles visent à compenser par les ressources proprement publiques l’insuffisance des interactions innovantes au sein des milieux productifs périphériques : pousse à envisager l’innovation comme un composé hybride entre différents types de régulation
  • 26. CONCLUSION «BACKTOTHE STRUCTURE(S)»  Il faut replacer fermement l’innovation au sein du développement territorial (ie l’innovation marchande ouverte en milieu urbain, l’innovation organisationnelle fermée / l’innovation communautaire ouverte en milieu périphérique).  Ceci rejoint certaines approches relationnelles de l’espace, qui questionnent les unités du développement qui génèrent l’innovation ; or, Latour rappelait que la perspective relationnelle est par définition une perspective relativiste (et donc à replacer dans son contexte territorial : cf. Barnes)  Mais beaucoup des choses se jouent dans les territoires sans être du territoire, à commencer par la grande entreprise et l’État (i-e les principales institutions organisant le contexte de l’innovation voire la générant directement) ...  Sous cette perspective, il faut aussi relativiser le relativisme pour donner toute leur place aux structures ... En ce sens, l’innovation ressemble à s’y méprendre au développement en acte.