La gouvernance des ressources premières dans les provinces du Golfe du Saint-Laurent (NFL, NS, NB, IPE, QC). Secteurs présentés ici : pêche et forêt. La présentation propose un croisement entre une entrée sectorielle et une lecture territorialisée, basée sur une vaste revue de littérature en deux volets : 1) dynamiques globales des secteurs; 2) dynamiques de gouvernance et conflits territoriaux.
"Le(s) territoire(s) du CRDT" (3) L'espace pratique - Modes de publication et...
La gouvernance des ressources premières dans les provinces du golfe du Saint-Laurent : un avenir en "communs" ?
1. LA GOUVERNANCE DES RESSOURCES PREMIÈRES
DANS LES PROVINCES DU GOLFE DU SAINT-LAURENT :
UN AVENIR EN « COMMUNS » ?
Amélie Dumarcher - Yann Fournis
2. Le projet ?
La gouvernance des ressources premières
dans les provinces du Golfe du Saint-Laurent
Territoire : cinq provinces bordant le Golfe du Saint-Laurent
Secteurs examinés : forêt, pêche, offshore, éolien
Secteurs présentés ici : pêche et forêt
Revue de littérature en deux temps :
Dynamiques des secteurs
Dynamiques de gouvernance et conflits territoriaux
3. Plan
Croisement entre une entrée sectorielle et une lecture territorialisée
Élaboration d’un cadre et d’hypothèses d’interprétations des
dynamiques d’action collective dans un contexte structurel lourd
L'économie politique des ressources :
Les trajectoires sectorielles, vers une transition ?
La géographie économique des ressources :
Quelles pressions nouvelles pour les territoires ?
Une lecture territorialisée des mécanismes de gouvernance :
Une ouverture aux acteurs territoriaux ? Un effet territoire ?
Les dynamiques de gouvernance :
Des (dés)équilibres de pouvoir ?
5. L'économie
politiquedes
ressources
Une transition ?
(1/2)
L’hypothèse d’une transition économique et politique
(hypothèse post-staples d'Hutton)
Examinée au Canada par les régimes de ressources
(Howlett et Brownsey)
Même lecture conduite ici :
Évolutions production et gouvernance, par secteur, pour évaluer si
émergence d'un "nouveau" stade de développement
Conclusions mitigées, pour le Canada et les terrains examinés …
Secteurs aux trajectoires hésitantes : pas de rupture franche
6. L'économie
politiquedes
ressources
Une transition ?
(2/2)
Cependant, deux points importants :
Crise mutidimensionnelle autour des ressources :
Économique et environnementale, mais surtout crise politique :
crise de légitimité et efficacité du mode de gestion traditionnel
Augmentation des conflits et complexification des acteurs en jeu
Malgré les hésitations, un double virage amorcé :
Le développement lié aux ressources semble ne plus pouvoir se
faire sans une prise en compte des enjeux sociaux et
environnementaux (du moins dans la rhétorique)
8. La géographie
économique des
ressources
De nouvelles
pressionssur les
territoires ?
(1/2)
Triptyque institutions, géographie, technique
(théorie des staples – éclaire la trajectoire canadienne)
oLa géographie des ressources est en mouvement :
Frontières du développement des ressources en redéfinition : plus au Nord
(mines), plus loin en mer (pêche), plus près des lieux occupés (mines,
pétrole, forêt, éolien), passage de la terre à la mer (pétrole), dispersion
(éolien), …
Plus grande proximité / promiscuité avec autres activités et sous-secteurs
Différentes logiques : nouvelles tensions
oDes forces institutionnelles plus complexes :
Augmentation des contestations en régions-ressources, par des acteurs
variés : État, industries, environnementalistes, territoriaux
(Hayter, Barnes, Bradshaw; Fournis - Go habs go)
9. La géographie
économique des
ressources
De nouvelles
pressionssur les
territoires ?
(2/2)
oLa technique : projets avec implications différentes pour les territoires
Modernisation technologique :
Encore largement importée : peu de potentiel de structuration locale
(mais efforts : éolien en Gaspésie, offshore à Terre-Neuve, …)
Hausse de productivité, mais diminution du nombre d’emplois à
production égale (pêche et forêt) : moins de retombées pour les
communautés locales, malgré la santé relative des secteurs
Modernisation organisationnelle :
Formes qui s’accompagnent d’enjeux nouveaux (ex : FIFO)
Développement de la sous-traitance (forêt) : structuration locale, mais
vulnérabilité structurelle des sous-traitants (moindre valeur ajoutée,
fluctuations, et transfert des risques financiers)
En bref, complexification des trajectoires locales et redéfinition du
rapport des projets au territoire (mais peu envisagées)
10. Lesmarges de
manoeuvre
desacteurs
territoriaux
face à ces
pressions ?
Un double virage avec une ouverture des discours et référentiels (enjeux
sociaux et environnementaux), simultanément à de nouvelles pressions et
défis pour les territoires et leurs acteurs …
Invite à s'interroger sur :
(1) Les formes de gouvernance qui traduiraient ce virage : une
ouverture procédurale, vers des mécanismes plus horizontaux et ouverts
?
(2) Quels sont les effets dans les pratiques ?
L'ouverture des cadres et référentiels perceptible dans l'évolution des
régimes se traduit-elle (1) dans les mécanismes institutionnalisés et
(2) dans les pratiques ?
12. Évolutionsde la
gouvernance des
ressources
Recompositions
d'échelles
Processus de (re)légitimation d’un enjeu à une échelle donnée :
Pêche
Centralisation au XXè, du provincial au féderal (1922-82)
Modernisation, ZÉE, crise des stocks, …
Offshore
Féderal, mais pressions, avec virage au provincial (années 80)
Cadres gestion conjointe (NS, NFL, QC projets de loi déposés)
Pas d'indépendance, mais autonomie des provinces
Forêt
Gestion provinciale, mais variations
Illustre que les dynamiques ne sont pas déterminées par l'échelle …
13. Évolutionsde la
gouvernance des
ressources
Recompositions
horizontales
etvariations
territoriales
Forêt : gestion provinciale, mais variations :
Québec :
Ouverture d'espaces par en haut, territorialisation (cf. Chiasson)
Différents mécanismes investis par les acteurs (tables, coops, …)
Traductions différentes et résultats variables
(Ontario : ouverture sélective, via restructuration centralisée …)
Nouveau-Brunswick :
Gestion centralisée, absence de volonté d'ouverture par en haut
Création d'espaces de gestion intégrée : difficile et ascendante
Terre-Neuve-et-Labrador :
Des mécanismes similaires saisis différement par les acteurs des zones de
gestion forestière : exemplaire au Labrador et difficile à NF
Pêche : gestion fédérale centralisée :
Territorialisation minime, selon la ressource
(ex. du homard, espèce et activité avec ancrage local important)
Persistance parfois d'une sphère de régulation locale informelle
Mais dans l'ensemble : déterritorialisation (et individualisation)
14. La gouvernance
desressources
Une lecture
territoriale
Gouvernance sectorielle influencée localement, pour les différents secteurs et
provinces.
Différents espaces de gouvernance, double mouvement : croisement d’initiatives
descendantes (ouverture d'espaces institutionnalisés) et ascendantes (locales)
Des traductions et effets variables selon les territoires
La gouvernance et l'ouverture ne sont pas liées directement aux mécanismes
mais se construisent localement.
Formalisation des initiatives locales irrégulière (efforts et potentiel) :
certaines cherchent une forme d'institutionnalisation (forêt NB, pêche homard)
d'autres restent informelles (mais efficaces – régulation accès pêche, forêt), mais
potentiellement déstabilisées par l'introduction de nouveaux paramètres, si pas
pris en compte (aquaculture NB)
Ainsi, ne pas surestimer les effets de ces mécanismes : évaluer leur ouverture
procédurale, mais aussi les pratiques et leurs effets concrets …
16. Pêche etoffshore
DavidetGoliath
en tête à tête
Variation du pouvoir de négociation des deux secteurs sur la scène
politique
Intérêts de l'offshore prennent depuis longtemps le dessus sur les
pêches dans l'agenda et les conflits (cf. secteur "fort" vs. "faible",
House pour NFL)
Exemple de la construction de la plateforme Hibernia
Début années 90
Pêcheurs marginalisés, voir manipulés par la compagnie
Négociations individuelles, fermées et confidentielles
Accords incompris par les pêcheurs
Stratégies variées de l'industrie : influence et confiance dans le milieu,
contrôle de l'agenda, travail sur le cadrage, etc.
(Cf. Ottenheimer, Sinclair)
Question importante de l'échelle d'analyse ...
17. Pêches
Le Léviathan,
Gulliveret les
liliputiens
Déséquilibres de pouvoir entre sous-secteurs
Initialement, gestion locale et informelle
Mais XXè : modernisation, ZEE, effondrement stocks, …
Pêche de masse, gestion centralisée, efforts de conservation
Conditions d'accès pour soutenir le développement de la pêche hauturière massive
Tendance à la marginalisation (institutionnalisée) des petites pêches côtières et
de subsistance (ayant un ancrage territorial), au profit d'autres sous-secteurs …
Ex 1 - Baie de Fundy (NB) : modes de tenures révisés pour le développement de
l'aquaculture, pressions sur la pêche traditionnelle
Ex 2 - Pêche sportive et tourisme : clés de développement pour NFL, au
détriment de la pêche traditionelle et de subsistance (saumon et truite)
Ex. 3 - Pêche aux crevettes (NFL) : quotas et modes d'approvisionnement hérités,
renforcés par des décisions actuelles, qui affectent la pêche locale et les usines
de transformation (rebond des communautés suite à la crise de la morue)
Marginalisation issues d'héritage ET de choix récents
18. Forêt
Le poidsde
l’héritage,
malgré l’ouverture
(1/2)
L'enjeu de la légitimité des acteurs, aux différents niveaux …
Au Nouveau-Brunswick
Organisme de gestion intégrée (Madawaska-Restigouche)
Difficultés des acteurs territoriaux à se faire reconnaître légitimes
(par l'industrie et le gouvernement / pour la création et les relations)
Poids de l'héritage néocorporatiste
Ouverture à la participation fin 90, mais inversée en 2007 (Beckley)
Marginalisation d'acteurs et sous-secteurs issue de conditions
d'accès institutionnalisées au préalable (droits réservés aux firmes
avec infrastructures de transformation) et de décisions actuelles
(perpétuent cette configuration néocorporatiste).
19. Forêt
Le poidsde
l’héritage,
malgré l’ouverture
(2/2)
Au Québec :
Réformes successives : nouveaux acteurs dans nouveaux mécanismes
visant leur participation. Mais …
- des expériences encore limitées et marginales,
- des résultats variables, et des déséquilibres persistants.
Ces mécanismes et l'ouverture procédurale ne suffisent pas : il
reste des déséquilibres de pouvoir, marqués par des logiques
néocorporatistes lourdes.
20. Référentielset
pratiques,
une disjonction?
Les dynamiques observées révèlent une disjonction entre :
Référentiels des discours-cadres
Évolution : importance d'enjeux sociaux et environnementaux
Pratiques observées
Traduisent peu ces grands principes (peu d’ouverture, déséquilibres de
pouvoir entre acteurs, entre secteurs, et entre sous-secteurs …)
Vulnérabilité structurelle (configurations héritées et choix actuels)
Persistance des idées et configurations "classiques" (domination du
binôme État-industrie)
Ainsi, dans ces deux secteurs :
Acteurs territoriaux : difficulté à se faire reconnaître
Des processus plus ouverts et l'absence de conflit visible ne veulent pas
dire qu'il ne se passe rien ...
L'institutionnalisation des conflits donne lieu à des micro-relations de
pouvoir moins frontales et visibles, plus subtiles et plus complexes.
22. L’importance
de relier
action collective
et
action publique
L’analyse a mis à jour l'importance de :
réinsérer l'action collective dans une économie politique plus vaste,
notamment dans des contextes structurels lourds,
d’aborder la question en termes de marge de manœuvre des acteurs
territoriaux dans des processus de décision.
Ainsi, des conclusions contre-intuitives :
Ne pas surestimer des formes de gouvernance apparemment ouvertes :
elles n'éliminent pas nécessairement les déséquilibres de pouvoir.
Même en l'absence d’événement contestataire, il se passe des choses.
L’institutionnalisation du conflit, rassemblant les acteurs autour d’une
table, dans des mécanismes plus horizontaux, définit d'autres scènes et
champ de luttes, avec de nouveaux rapports de force plus discrets.
23. Diversitédes
scènes et défis
L’éclairagedes
régimes
Pour saisir la diversité des scènes et enjeux de pouvoir, il faut sortir :
des seuls rapports et conflits frontaux : intégrer des mécanismes plus subtils
(contrôle de la mise à l'agenda, cadrage des enjeux - Lukes),
des seules relations micro d’agency (entre acteurs dans des institutions leviers) :
réinsérer ces relations dans leur cadre structurel (place et poids des institutions).
La notion de régime et ses trois composantes autorisent un élargissement,
qui permet de saisir la diversité des luttes dans la gouvernance des ressources :
Luttes pour être partie prenante, reconnu comme un acteur légitime
Volet relationnel (acteurs)
Luttes pour la (re)définition des compromis sociaux et référentiels dominants
Volet cognitif (idées)
Luttes pour la (re)définition des paramètres établis, traduisant ces grands
compromis
Volet institutionnel (institutions et instruments)
(Quel est le problème ? Les possibilités d'influence ? Les paramètres pertinents ?)
24. Hésitationde la
trajectoire actuelle
Desluttespour
la définition
descadres et
compromis ?
Série de tensions structurantes (ce qui peut être exploité, par qui, qui doit être
intégré aux décisions, selon quel degré de participation ?)
Ces enjeux tournent autour de notions relativement malléables et
incontournables (développement durable, concertation, participation,
acceptabilité sociale, gestion intégrée, …)
La souplesse de ces notions permet, sur le plan normatif, de légitimer différentes
stratégies des acteurs, elles sont ainsi :
l’objet de luttes entre différents acteurs (pour faire reconnaître leur définition
comme conforme à l'intérêt général),
des objet de compromis (en ce que, non stabilisées, elles organisent un débat
reconnu comme incontournable).
L’hésitation de la trajectoire actuelle se comprendrait comme une lutte pour la
définition des cadres de références.
Le stade de développement actuel se prêterait assez mal à une lecture en
termes de rupture : une transition vers un nouveau stade passe par la
convergence de différentes dimensions … mais cette convergence est difficile
et donne lieu à des luttes complexes, à différents niveaux.
25. RAPPORT DISPONIBLE EN LIGNE :
DUMARCHER Amélie et FOURNIS Yann, 2015, Penser le renouvellement des économies atlantiques: Enjeux et conflits
territoriaux en zones côtières, Rimouski, Université du Québec à Rimouski, 58p.
MERCI !