L'espace pratique du CRDT : Analyse des modes de publication et de diffusion du Centre
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Dossier complet ici : https://www.researchgate.net/institution/Universite_du_Quebec_a_Rimouski_UQAR
Ouvrage ici : https://www.uqar.ca/uqar/recherche/unites_de_recherche/grideq/edition/parution_territoire_du_crdt.pdf
3. Hypothèses
et
démarche
Hypothèse Le CRDT comme entreprise scientifique collective, qui construit un
espace de recherche scientifique propre, observable et mesurable
par ses pratiques de publication, qui permettent de le positionner
dans le champ des sciences sociales québécoises.
(Le « territoire » pratique du CRDT, selon les définitions « réalistes »
des science studies)
Une
analyse
modeste
et limitée
Il faudrait à ces fins étudier l’ensemble des dimensions de la
pratique scientifique (subventions, enseignement, interactions
avec les institutions universitaires, etc.)
Nous nous contenterons ici d’identifier quelques-unes des
caractéristiques des modes de production scientifiques du CRDT à
partir des seules publications.
Démarche
et objectifs
L’étude de certaines caractéristiques générales des publications du
CRDT depuis sa création, pour comprendre son positionnement
entre les différentes disciplines, échelles (localisation,
internationalisation) et univers qui l’entourent (positionnement
académique, ouverture aux milieux extérieurs)
4. Corpus
examiné
POUR CHAQUE RÉFÉRENCE :
Type de publication
(RAC, COC, livre, direction de livre ou revue, actes de colloques, rapports, revue sans comité)
Année de publication
Nombre d’auteurs ayant collaboré
Institution de rattachement des auteurs membres
Langue et pays de publication
Titre
Deux périodes de 6 ans : 2003 à 2008 et 2009 à 2014
Publications recensées dans les rapports annuels présentés au FRQSC
Période : 2003-2014 (11 ans - depuis la création du centre)
Effectif total : 1062 publications
5. Plan
Trois tendances semblent caractériser l’évolution de la
production scientifique québécoise et valides pour
comprendre celle du CRDT :
– la tension entre la recherche individuelle
et la collectivisation croissante de la recherche ;
– la tension entre la localisation et
l’internationalisation de la recherche ;
– la tension entre différents publics, académiques
ou extra-académiques.
7. Deux logiques
de
collectivisation
de la
recherche
(1/2)
La recherche est globalement marquée par la croissance d’une organisation et
d’une production collectives de la science (cf. les « chercheurs collectifs »),
produisant une hausse des collaborations formelles et du nombre moyen
d’auteurs par production. Ces collectivisations se combinent avec
l’internationalisation (Larivière et al., 2006).
Les sciences canadiennes (1980-2002) se caractériseraient par deux logiques de
collectivisation, pertinentes pour analyser la production du CRDT (Larivière et
al., 2006) :
Les taux de publication conjointe révèlent une diversité de voies possibles dans
la création collective :
Sciences humaines
Productions individuelles
(10% de publication
conjointe)
Sciences sociales
Voie intermédiaire
(environ 60% de
productions à auteurs
multiples)
Sciences de la nature et
de l’ingénierie
Production très collective
(plus de 80 voire 90% de
production conjointe)
8. Deux logiques
de
collectivisation
de la
recherche
(2/2)
‚
Les publications conjointes entre auteurs provenant d’institutions
différentes sont d’ampleur variable (26% en sciences de la nature et de
l’ingénierie, contre 22% en sciences sociales et 2-3% en sciences humaines,
en 2002).
Leurs configurations géographiques sont différentes : pour les sciences
de la nature et de l’ingénierie, les liens forts entre institutions d’une même
province sont complétés par des liens solides à l’échelle canadienne, mais
pas pour les sciences sociales.
Il existerait donc un style propre aux sciences sociales québécoises : face
au « champ » anglophone et multiscalaire des sciences de la nature (centré
sur l’Université de Toronto), le « champ » des sciences sociales québécois
est d’abord francophone et provincial (sans doute du fait de la langue).
9. Le CRDT respecte les grandes tendances de la
collaboration interinstitutionnelle dans les sciences
sociales québécoises :
Des liens surtout diffus, avec deux tendances :
– Des liens de portée essentiellement provinciale,
mais nuancée par l’ampleur des collaborations
avec des institutions francophones de provinces
voisines (19 entre l’UQO et l’U. d’Ottawa, 19 entre
l’UQAR et l’U. de Moncton)
– Un centre de gravité constitué par quelques
institutions motrices (UQAR-UQO-UQAC). Ce
triangle se distingue en volume de références
publiées, par son poids dans les effectifs du CRDT,
et sa propension à travailler avec les autres sites.
Collaborations interinstitutionnelles du CRDT (2003 à 2014)
10. Conformément à la vocation du CRDT, ce triangle est original en ce que ces trois pôles sont périphériques
et font du CRDT une entreprise positionnée en décalage avec les logiques générales des sciences sociales
québécoises (centrées sur les grands sites centraux – cf. Larivière et al., 2006).
Structure des collaborations interinstitutionnelles
Structure des collaborations
interinstitutionnelles - sciences sociales
québécoises (Gingras, Larivière, 2005, p. 11)
Structure des collaborations
interinstitutionnelles au CRDT
(Fournis, Dumarcher, 2016)
11. Une seconde tendance de la production du CRDT
est le fort degré de collaboration, qui correspond
exactement aux taux observés dans les sciences
sociales canadiennes en 2002 (Larivière et al.,2006).
– La production individuelle est relativement
importante (39% des publications à un seul
auteur) mais elle est secondaire par rapport
productions collectives signées par plusieurs
auteurs (61%)
– Le centre de gravité est la production à deux et
trois auteurs (respectivement 35% et 16%, pour
un total de 51%), alors que les publications
« massivement » collectives (plus de trois auteurs)
sont nettement plus rares (environ 10%)
Le CRDT confirmerait l’analyse de Gingras et
Larivière (2005) : les chercheurs québécois
suivraient la tendance internationale en
privilégiant une recherche collective – mais sous
des formes modérées.
CRDT – Degré de collaboration
12. CRDT – Évolution du degré de collaboration
ü une baisse des
productions individuelles
(de 45% à 33%),
ü une hausse de tous les
types de production
collective (passent
globalement de 55% à 67%),
ü une hausse marquée des
collaborations de 3 auteurs
et plus, qui passent de 21%
à 31%.
Cette tendance est d’autant plus intéressante qu’elle tend à s’accentuer dans le temps, comme
l’indiquent trois leçons de la comparaison entre deux périodes :
13. Mais ces évolutions ne
transforment pas la base de la
production scientifique du CRDT,
qui reste essentiellement une
production d’un ou deux auteurs
(le plus souvent à hauteur de 70-
80% des publications annuelles).
CRDT – Évolution du nombre d’auteurs des publications
15. Les échelles de
l’espace
scientifique du
CRDT
Entre localisation
et
internationalisation
Une deuxième tendance générale de la recherche scientifique est son
internationalisation croissante, sous la forme de liens de collaboration
internationale de plus en plus nombreux et divers.
Dans ce contexte global, il faut ici encore opérer une distinction entre :
– Les sciences de la nature, qui seraient par leur « nature »
constitutives d’un champ scientifique anglophone global (ou
« universel » au sens de décontextualisé) ;
– Les sciences sociales et humaines francophones, qui
constitueraient un champ académique national (provincial au
Québec), fondé sur la contextualisation des concepts (en particulier
par une tradition scientifique) assurant une audience spécifique
auprès de publics moins globaux par l’intermédiaires de modes et de
lieux de diffusion localisés (i-e francophones et nationaux).
Ce constat n’infirme pas la tendance récente à l’internationalisation de la
science, mais conduit à envisager la structuration des sciences sociales
québécoises en fonction d’une double dynamique : locale (i-e nationale
ou provinciale) et globale (i-e internationale).
Pour le CRDT, l’analyse multi-niveaux de la production scientifique peut
s’observer sous divers indicateurs …
16. Évolution des lieux d’édition des publications: Québec / hors Québec
Deux tendances intéressantes :
– une portion significative est
systématiquement diffusée au Québec
(moyenne de 60% sur l’ensemble de la
période), au point d’être majoritaire la
majeure partie du temps (pour la période
2003-2010 et en 2012) ;
– les publications hors Québec sont
initialement minoritaires (entre 19% en
2006 et 42,3% en 2004), mais
connaissent un essor rapide depuis 2008
et sont depuis régulièrement
équivalentes aux productions au
Québec.
17. Évolution des lieux d’édition des publications: Québec / hors Québec
L’étude des lieux d’édition indique :
1. l’importance relative de la France
(premier lieu de diffusion hors
Québec avec près de 15% de la
production en moyenne - sauf en
2008 et 2010)
2. la relativement faible proportion de
publication au Canada hors Québec
(environ 11% des productions),
rarement premier lieu de diffusion
hors Québec (en 2008 et 2010) voire
négligeable certaines années (4 sur
68 en 2011) ;
3. une diffusion internationale plus
restreinte, sous la forme d’une
bipartition entre le Brésil (4,52% de
la production sur la période et
jusqu’à environ 15% des publications
en 2012-2014) et un ensemble
d’autres pays souvent peu
représentés (Royaume-Uni,
Belgique, États-Unis).
19. Évolution des lieux d’édition des publications: Québec / hors Québec
Les langues de publication
confirment l’existence d’un espace
scientifique à plusieurs niveaux, où:
– le français a un statut particulier
en ce qu’il représente à la fois la
langue locale et l’une des
langues internationales : il est
largement majoritaire sur
l’ensemble de la période (jamais
moins de 70% publications),
– suivi de très loin par deux
langues d’internationalisation
(anglais et portugais)
21. L’évolution des
productions
scientifiques
Une troisième tendance fondamentale dans la recherche
contemporaine : l’alignement croissant des recherches scientifiques
les plus diverses sur le modèle dominant dans les sciences
naturelles, qui favorise certains types très formatés de production
scientifique. Ici encore, une distinction entre :
– Les sciences naturelles, où la relative indépendance des faits
observables par rapport au contexte oriente vers la
communauté scientifique internationale, selon des modes de
diffusion internationaux (typiquement les RAC dans des
revues de portée internationale, rédigées en anglais)
– Les sciences sociales, où la dépendance des faits au contexte
implique un public scientifique national, selon des modes de
diffusion plus diversifiés.
22. Interpréter la production du CRDT au regard de ces pratiques demande
une certaine prudence : il faudrait reprendre les références une par une,
pour les classer plus solidement au regard de leur insertion dans leur
contexte, selon qu’il est :
– académique (par ex. RAC et COL, strictement académiques, DIR,
COC et LIV publiés par des éditions universitaires)
– ou non-académique (par ex. RAP non scientifique, VULG et LIV
publiés dans des éditions non universitaires).
Autre subdivision possible :
– les produits « purs » (répondant strictement aux normes de leur
contexte, académique ou appliqué) et
– les produits « composés » (i-e répondant à une pluralité de normes
assurant une certaine liberté de ton au regard du contexte,
académique ou social).
Ces catégorisations demeurent à renforcer, mais permettent une
première lecture partielle des pratiques du CRDT…
Les modes de
publications du
CRDT
Quelques
précautions
et questions
…
23. Répartition des types de publications du CRDT (2003-2014)
Selon la catégorisation académique / non-académique, le
CRDT a un profil académique : il produit essentiellement
des RAC et des COC (32% de RAC et 30% de COC, pour
un total de 61%) puis, à nette distance, des rapports
(18%) et dans une moindre mesure d’autres types de
production ;
Selon la catégorisation produits scientifiques « purs » /
« composés »), la conformité « stricte » aux normes
universitaires (avec la production notamment de RAC,
LIV, COL, DIR pour un total de 44% ; RAP à hauteur de
18%) n’empêche pas la développement d’une
importante production moins strictement conforme
(38% des publications, avec les COC à hauteur de 30% et
les articles sans comité de lecture à hauteur de 8%).
Au-delà de la participation au champ académique
« standard », le CRDT conserverait une part
d’autonomie substantielle.
24. Évolution de la répartitiondes types de publicationsdu CRDT
Dans le temps, ce profil académique « pur » semble s’accentuer, avec une hausse des RAC (qui passent
de 29% à 35% des publications) au détriment de tous les autres types de publication - reflux simultané
des produits non académiques et des produits académiques « composés » (la part des COC décroît de
31% à 28%)
25. Proportion des différentes langues d'édition, par types de publications
Si l’on observe le rapport entre les
pratiques et leur échelle de diffusion :
Le français est la langue dominante,
mais cette domination linguistique est
plus forte pour les produits à usage
local et pouvant être destiné à un
public élargi (rapports (96%), ouvrages
(86%) ou COC (83%)).
Le français est moins exclusif pour
certains produits les plus strictement
scientifiques (70% des actes de
colloque et 73% des RAC).
26. Pays de diffusion - par type de publications
Les produits les plus « strictement
scientifiques » ont une audience
nettement plus internationale que les
autres productions.
Les rapports sont édités au Québec à
88%, alors que les RAC ont une diffusion
un peu plus équilibrée : 42% au Québec,
18,8% en France, 15,3% au Canada
hors Québec et 26% ailleurs.
28. L’espace pratique
du CRDT
Le CRDT a été considéré comme une entreprise
scientifique collective, qui construit un espace de
recherche scientifique propre, observable et mesurable
par ses pratiques de publication, qui permettent de le
positionner dans le champ des sciences sociales
québécoises.
Trois conclusions se dégagent de cette étude, qui
convergent pour insister sur le volontarisme dans la
construction d’un positionnement scientifique original.
29. Conclusion
(1/3)
Les deux
collectivisations de
la recherche
Selon une perspective quantitative, le CRDT se distingue peu : de manière
peu surprenante, il accompagne la tendance forte à la collectivisation de la
production et de l’organisation des sciences sociales au Canada, signant sa
bonne l’insertion dans les sciences sociales québécoises, dont il épouse
étroitement les évolutions : production à auteurs multiples en groupes
restreints de 2 à 3 auteurs ; collaborations interinstitutionnelles diffuses, dans
un champ à la fois assez éclaté (avec moins de 25% de coopération
interinstitutionnelle) et fortement provincialisé (sous l’effet du grand partage
linguistique canadien)
Selon une perspective qualitative, l’originalité du CRDT est plus forte, parce
le centre de gravité des coopérations interinstitutionnelles est un triangle de
sites périphériques au Québec (UQAR, UQO, UQAC), complété par un
débordement remarquable vers certaines individualités, selon une structure
très différente de celle de l’ensemble des sciences sociales canadiennes de
langue française, essentiellement centrée sur les universités urbaines centrales
(Universités de Montréal, Laval, McGill et UQAM : Larivière et al. (2006, p. 530).
Ce renversement de la structuration géographique de la recherche
québécoise en sciences sociales ouvre à l’hypothèse d’un embryon d’espace
académique alternatif, organisé par les institutions périphériques du réseau
de l’Université du Québec et certains « alliés » francophones.
30. Conclusion
(2/3)
Entre
localisation et
internationalisation
Le CRDT est un cas d’école de la subtilité de l’internationalisation
de la production scientifique dans les sciences sociales
québécoises, avec :
– une tendance générale à l’internationalisation des productions,
qui se combine avec une inscription dans l’espace académique
québécois (mais pas canadien – cf. les deux solitudes), plus affirmée
que dans les sciences naturelles et le génie (Larivière et al., 2006).
– Cette internationalisation ouvre des marges de manœuvre à
l’entreprise du CRDT qui, loin de suivre la voie de la globalisation
anglophone, privilégie systématiquement les liens avec la
recherche française (conformément au style québécois en sciences
sociales), conférant un poids secondaire aux autres langues
internationales (où l’anglais est moins systématique qu’attendu).
Ainsi, si internationalisation et nationalisation de la recherche vont
de pair, ces deux échelles sont des espaces dynamiques où se
déploient des stratégies propres.
31. Conclusion
(3/3)
Les deux horizons
de la recherche du
CRDT
Dans les tensions structurant le champ académique québécois
(autonomie/hétéronomie), le positionnement du CRDT apparaît comme
à dominante de type science « pure », nuancée par son insertion locale :
– D’un côté, le profil du CRDT est strictement académique : initialement
dominant, il s’accroît dans le temps – en décalage sensible avec les analyses
qualitatives des sciences régionales (qui dressent plutôt le portrait d’une
discipline « appliquée » et perméable aux modes extrascientifiques) ;
hypothèse : le CRDT a opté pour un positionnement volontariste et original
dans le champ des sciences régionales québécoises, comme pôle de
scientificité « pure » (aux côtés d’autres recherches : GRIR, GRIDEQ, etc.) ;
– D’un autre côté, les publications révèlent une image plus nuancée, avec
la domination de deux types de publication aux horizons sensiblement
différents : les RAC (comme produits purement « scientifiques »,
relativement bien placés dans différents pays) et les COC (composant avec
leur environnement et à vocation plus locale) ; hypothèse d’une recherche
scientifique mais dont la nature (sciences sociales) conduit à un double
positionnement, global et local
Finalement, le positionnement du CRDT semble double : la contribution
aux débats académiques internationaux est inséparable d’une entreprise
de construction d’un espace national de débats (académique mais nourri
de recherches moins conformes ou « alternatives »).
32. L’espace pratique
du CRDT :
la construction
d’un espace
académique
original ?
Ces trois tendances dessinent donc un espace
académique propre au CRDT, en ce qu’il est :
– à la fois collectif et à distance des sciences sociales
québécoises (à dominante urbaine),
– très internationalisé mais avec des destinations
spécifiques (la France, le Brésil), et
– de teinte « purement » académique mais inséré
dans son environnement sociétal.