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Histoire de la
stratégie
Bruno Jarrosson
!
www.bruno-jarrosson.com
Sun Tzu
• «  Celui qui excelle à résoudre
les difficultés les résout avant
qu’elles ne surgissent. Celui qui
excelle à vaincre ses ennemis
triomphe avant que les menaces
de ceux-ci ne se concrétisent. »"
• « La meilleure stratégie est celle
qui permet d’atteindre ses
objectifs sans avoir à se
battre. »"
• « La règle, c'est que le Général
qui triomphe est celui qui est le
mieux informé. »"
• « Tout l'art de la guerre est basé
sur la duperie. »
Les idées-clés de Sun Tzu
• La stratégie est un exercice
de pensée sur le réel."
• La pensée est libre, la
statégie peut donc être
créative."
• La stratégie est une activité
à effet de levier."
• La clé du succès est
l’information."
• L’objectif de la stratégie est
l’harmonie entre ce que
l’on est, ce que l’on veut et
ce que l’on vit.
Karl Von Clausewitz
• «  La guerre est la
p o u r s u i t e d e l a
politique par d’autres
moyens. »"
• «  Quand la supériorité
a b s o l u e n ' e s t p a s
possible, vous devez
r a s s e m b l e r v o s
ressources pour obtenir
la supériorité relative au
point décisif. » Karl Von Clausewitz"
(1780 - 1831)
La liberté de manœuvre
« Le 17 juin à 9 heures du matin, je
m’envolai, avec le général Spears et
le lieutenant de Courcel sur l’avion
britannique qui m’avait transporté la
veille. Le départ eu lieu sans
romantisme et sans difficulté. »"
Mémoires de guerre, L’Appel
De Gaulle lance l’appel du 18 juin depuis Londres parce
qu’il est le seul membre du gouvernement français à
Londres ce jours-là. Et il est à Londres parce que, par-
dessus tout, il a voulu préserver sa liberté de manœuvre,
contrairement à Georges Mandel ou Édouard Daladier.
18 juin 1940
• P o u r q u o i d e
Gaulle était-il à
Londres le 18 juin
1940 ?"
• Pourquoi Daladier
et Mandel n’y
étaient-ils pas
a l o r s q u ’ i l s
étaient opposés à
l’armistice ?
Premier postulat : l’information
5 juin 1942 : l’aviation
américaine coule quatre
porte-avions japonais à
Midway."
!
« Une armée sans agents
secrets est exactement
comme un homme sans
yeux ni oreilles. »"
Sun Tzu
Amiral Chester Nimitz"
(1885 - 1966)
Deuxième postulat : la liberté de
manœuvre
« Pressé fortement
sur ma droite, mon
c e n t r e c è d e ,
impossible de me
mouvoir, situation
e x c e l l e n t e ,
j’attaque. »
Troisième postulat : concentration des
efforts
« La meilleure stratégie est
toujours d'être très fort :
très fort en général, et très
fort au point décisif. »"
!
«  La concentration des
forces doit être considérée
comme la norme, et toute
division conçue comme
une exception qui a besoin
d ' ê t r e j u s t i f i é e .  »
Clausewitz Austerlitz : 2 décembre 1805
Transcription de ces principes
• Information : veille
concurrentielle. Est-ce
la clé de la stratégie ?"
• Liberté de manœuvre :
stratégie de haut de
bilan et focalisation du
bas de bilan."
• Concentration des
e f f o r t s : e f f e t s
d’échelle (cf. BCG).
11
La Grande Guerre
• J a m a i s l a p e n s é e
stratégique n’est tombée
aussi bas que pendant la
Grande Guerre."
• Cette guerre est considérée
c o m m e u n m y s t è r e
aujourd’hui : le suicide de
l’Europe, conscient et bien
organisé."
• Cet échec est celui de la
pensée de Clausewitz.
Les idées-clés de Liddell Hart
• La Grande Guerre signe
l’échec de la pensée de
Clausewitz : montée aux
extrêmes, approche directe,
objectifs étroits."
• La guerre n’est pas une
forme de la politique."
• Les approches indirectes
sont en général supérieures
aux approches directes."
• Les objectifs stratégiques
doivent se déduire de la 
Grande Stratégie.
Basil Liddell Hart"
(1895 - 1970)
La « grande stratégie » selon Liddell Hart
1.Stratégie indirecte : passer par le
chemin le moins direct"
2.Stratégie réaliste : confronter ses
c r o y a n c e s à d e s r é a l i t é s
observables"
3.Stratégie de moindre attente :
surprendre, attaquer là où on ne
vous attend pas"
4.Stratégie de moindre résistance :
faire porter le point fort sur le point
faible"
5.Se donner des objectifs larges :
déduire les objectifs proches des
objectifs lointains
Les cinq stratégies gagnantes de la Seconde
Guerre mondiale
1. Stratégie indirecte : le débarquement en Afrique du Nord, 8
novembre 1942"
2. Stratégie réaliste (plutôt qu’idéaliste) : la victoire de
Stalingrad, 31 janvier 1943"
3. Stratégie de moindre attente : la percée des Ardennes, 10 mai
1940"
4. Stratégie de moindre résistance : le débarquement en
Normandie, 6 juin 1944"
5. Se donner des objectifs larges : la prise de Berlin, 30 avril 1945
17
Stratégie
indirecte
Réalisme vs
idéalisme
Moindre"
attente
Moindre"
résistance
Objectifs"
larges
Churchill Oui Oui Oui Oui Non
Hitler Oui Non Oui Oui Non
Roosevelt Non Oui Non Non Non
Staline Non Oui Non Non Oui
Cinq stratégies - quatre
stratèges
Roosevelt et Alice au pays des merveilles

« À vrai dire, les intentions du Président me paraissaient du même ordre
que les rêves d’Alice au pays des merveilles. Roosevelt avait risqué déjà
en Afrique du Nord, dans des conditions beaucoup plus favorables à ses
desseins, une entreprise politique analogue à celle qu’il méditait pour la
France. Or, de cette tentative, il ne restait rien. Mon gouvernement exerçait
en Corse, en Algérie, au Maroc, en Tunisie, en Afrique noire, une autorité
sans entraves. […] Les Alliés ne rencontreraient en France d’autres
ministres et d’autres fonctionnaires que ceux que j’aurais instaurés. Ils
n’y trouveraient d’autres troupes françaises que celles dont j’étais le chef.
Sans aucune outrecuidance, je pouvais défier le général Eisenhower d’y
traiter valablement avec quelqu’un que je n’aurais pas désigné. »"
Mémoires de guerre, L’Unité
Dans cette affaire, de Gaulle fait preuve d’un discernement
exceptionnel. Le discernement en l’occurrence consiste à se
concentrer sur les sujets stratégiques et surtout à ne pas s’occuper
de faux sujets. Beaucoup d’autres à sa place auraient consacré
l’essentiel de leur énergie à essayer de faire changer d’avis les
Américains. Sans succès bien sûr. Faire cela, c’eût été s’affaiblir. Le
chef ne discute pas de sa légitimité sans la rendre douteuse.
Influence et réalisme
Idéologue
Lucide
Stratège
Irresponsable
Influent
Non influent
Irréaliste Réaliste
Roosevelt
Churchill
Hitler
Staline
Influence et
réalisme
!
• L’idéologie est l’inverse de la stratégie."
• La stratégie se fonde sur la lucidité (perception
des enjeux du réel) et sur la responsabilité."
• La vision n’est pas la source de la stratégie.
Intelligence et courage
Incompétent
Séducteur
Décideur
Bureaucrate
Courageux
Peu courageux
Peu intelligent Intelligent
Churchill
Staline
Hitler
Roosevelt
Voir loin
« Je crois que la Russie entrera dans la guerre avant
l’Amérique, mais qu’elles y entreront l’une et l’autre.
Avez-vous lu Mein Kampf ? Hitler pense à l’Ukraine. Il
ne résistera pas à l’envie de régler le sort de la
Russie, et ce sera le commencement de sa perte.
[…] Si Hitler avait dû venir à Londres, il y serait déjà.
Maintenant, la bataille d’Angleterre ne se livrera plus
que dans les airs, et j’espère que quelques aviateurs
français y prendront part. […] En somme, la guerre
est un problème terrible, mais résolu. Il reste à
ramener toute la France du bon côté. »"
Jean Lacouture, De Gaulle, 1. Le Rebelle, Seuil, 1984,
p. 392.
Le visionnaire discerne que l’avenir, même s’il n’est pas
connu, doit parler à nos décisions du présent ; il sait qu’à
tout moment le décideur rend des comptes à celui qu’il sera
et qu’il ne connaît pas encore.
Intelligence et
courage
• Les deux qualités clés du décideur sont le courage
(vertu stoïcienne) et l’intelligence stratégique."
• Le courage sans intelligence fait plus de dégâts
que l’intelligence sans courage."
• Les trois lignes de fuite du stratège sont :
l’incompétence, la séduction et la bureaucratie.
Première différence : destruction ou
production de valeur ?
• La stratégie militaire a pour
objectif la soumission de
l’ennemi par sa destruction
partielle : c’est un jeu à
somme négative."
• La stratégie d’entreprise vise
à la conquête d’un client par
la création de valeur : c’est
un jeu à somme positive. On
ne vise pas la destruction du
concurrent.
Montesquieu"
(1689 - 1755)
Le doux commerce
« Le commerce guérit les
préjugés destructeurs ;
et c'est presque une
r è g l e g é n é r a l e q u e
partout où il y a des
mœurs douces, il y a du
commerce ; et partout où
il y a du commerce, il y a
des mœurs douces. »"
Montesquieu
Deuxième différence : la coopération
• L a s t r a t é g i e d a n s
l’univers économique
suppose de coopérer
e n t r o u v a n t l e s
convergences d’intérêts
et en minimisant les
divergences d’intérêts."
• La stratégie militaire se
c o n s t r u i t s u r l a
divergence d’intérêts.
Le dilemme du prisonnier
A coopère A trahit
B coopère 3"
3
5"
0
B trahit 0"
5
1"
1
Première Guerre mondiale : vivre et laisser
vivre
La coopération est un investissement, elle
consiste à maximiser ses gains à long terme
en minimisant ses gains à court terme.!
La coopération, à long terme, est la position
qui maximise les gains (cf. dilemme du
prisonnier itératif).!
La coopération n’est pas fondée sur
l’altruisme mais sur l’égoïsme.!
Les groupes qui pratiquent la coopération
en tirent suffisamment d’avantages pour que
la coopération s’étende et devienne la règle
la plus générale des sociétés humaines.!
Les groupes qui pratiquent la coopération
sont vulnérables aux attaques violentes.
Le dilemme du prisonnier
La coopération peut s’installer si les acteurs perçoivent le long
terme et ont des stratégies lisibles.!
Les acteurs coopératifs prennent en compte le long terme dans
un dilemme du prisonnier itératif."
Ils ont en général une stratégie non agressive, non indulgente et
lisible."
La stratégie donnant – donnant (coopérer le premier coup et
reproduire ensuite le coup précédent de l’adversaire) correspond
à ces critères, elle est considérée comme la meilleure.
31
Kennedy et la Baie des Cochons
Après le désastre de la
Baie des cochons le 17
avril 1961, Kennedy a
réuni son équipe et lui a
dit :"
!
«  Cette opération a été
un désastre et vous me
l’avez tous conseillée.
J e s u i s d o n c
e n t i è r e m e n t
responsable, je n’avais
qu’à pas vous écouter. »
Cuba : 24 octobre 1962
«  Je n’accepte pas
que la seule option
s o i t l a g u e r r e
atomique. »"
John Kennedy
Un point commun : la décision
• La problématique de la
décision est commune
au chef militaire et au
d i r i g e a n t d ’ u n e
organisation."
!
«  Pour prendre une
décision, il faut toujours
être un nombre impair et
jamais plus de deux. »"
Anatole France
Les trois ingrédients de la décision
Solitude"
Incertitude"
Enjeu
!
Challenger"
28 janvier 1986
Les lignes de fuite du non décideur
1. Faire changer
d ’ é p a u l e a u
singe"
2. L’information
infinie "
3. Le gourou (qui
peut se gourer)"
4. Le découpage
de la décision
L’essence de la stratégie
• R é c o n c i l i e r l a
pensée et l’action"
• R é c o n c i l i e r l e
présent et l’avenir"
!
«  Je ne crois aux
s t a t i s t i q u e s q u e
lorsque je les ai moi-
même falsifiées.  »
Winston Churchill

Le non plan stratégique type
• Nous voulons être les
leaders de…"
• Nous voulons nous
différencier de nos
concurrents."
• Nous voulons mettre le
client au centre de
l’entreprise."
• Nous voulons être
t o u j o u r s p l u s
innovants."
• Nous visons toujours
plus d’excellence.
La grille des métiers
Fragmentés
Concentrés
Spécialisés
Impasse
concurrentielle
Fort potentiel de
différenciation
Faible potentiel de
différenciation
Faible effet
d’échelle
Fort effet
d’échelle
La grille attraits - atouts
Dilemme
Vache à lait
Vedette
Poids mort
Attraits forts
Attraits faibles
Atouts faibles Atouts forts
Les sept péchés capitaux"
de la stratégie
1. Raisonner par analogie,"
2. Confondre force et atout,"
3. Mixer la différenciation et le
low cost,"
4. Sous-investir sur une étoile,"
5. Faire de la différenciation
s a n s p o t e n t i e l d e
différenciation,"
6. Croire à des effets d’échelle
fictifs,"
7. Changer de métier avant de
bien faire son métier.
Grille de Michael Porter
Facteurs
technologiques
Menace des
produits de
substitution
Facteurs de
comportements et
de mode de vie
Pouvoir de
négociation
des clients
Entreprise /
concurrents
directs
Menace des
nouveaux
entrants
Pouvoir de
négociation des
fournisseurs
Facteurs
réglementaires
Facteurs
économiques
Client des
clients
Valeur ajoutée et valeur stratégique
Les composantes du rapport de
forces :"
1. La concentration relative des
secteurs : cf. le Schwerpunkt."
2. La détention d’actifs spécifiques :
cf. stratégie de moindre attente."
3. La détention d’une marque : cf.
l’information."
4. Le coût de transfert : cf. stratégie
de moindre résistance."
Les principes ont tendance à
s’inverser : largeur de gamme,
adaptation au marché, visibilité,
grande résistance.

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Histoire de la stratégie

  • 1. Histoire de la stratégie Bruno Jarrosson ! www.bruno-jarrosson.com
  • 2. Sun Tzu • «  Celui qui excelle à résoudre les difficultés les résout avant qu’elles ne surgissent. Celui qui excelle à vaincre ses ennemis triomphe avant que les menaces de ceux-ci ne se concrétisent. »" • « La meilleure stratégie est celle qui permet d’atteindre ses objectifs sans avoir à se battre. »" • « La règle, c'est que le Général qui triomphe est celui qui est le mieux informé. »" • « Tout l'art de la guerre est basé sur la duperie. »
  • 3. Les idées-clés de Sun Tzu • La stratégie est un exercice de pensée sur le réel." • La pensée est libre, la statégie peut donc être créative." • La stratégie est une activité à effet de levier." • La clé du succès est l’information." • L’objectif de la stratégie est l’harmonie entre ce que l’on est, ce que l’on veut et ce que l’on vit.
  • 4. Karl Von Clausewitz • «  La guerre est la p o u r s u i t e d e l a politique par d’autres moyens. »" • «  Quand la supériorité a b s o l u e n ' e s t p a s possible, vous devez r a s s e m b l e r v o s ressources pour obtenir la supériorité relative au point décisif. » Karl Von Clausewitz" (1780 - 1831)
  • 5. La liberté de manœuvre « Le 17 juin à 9 heures du matin, je m’envolai, avec le général Spears et le lieutenant de Courcel sur l’avion britannique qui m’avait transporté la veille. Le départ eu lieu sans romantisme et sans difficulté. »" Mémoires de guerre, L’Appel De Gaulle lance l’appel du 18 juin depuis Londres parce qu’il est le seul membre du gouvernement français à Londres ce jours-là. Et il est à Londres parce que, par- dessus tout, il a voulu préserver sa liberté de manœuvre, contrairement à Georges Mandel ou Édouard Daladier.
  • 6. 18 juin 1940 • P o u r q u o i d e Gaulle était-il à Londres le 18 juin 1940 ?" • Pourquoi Daladier et Mandel n’y étaient-ils pas a l o r s q u ’ i l s étaient opposés à l’armistice ?
  • 7. Premier postulat : l’information 5 juin 1942 : l’aviation américaine coule quatre porte-avions japonais à Midway." ! « Une armée sans agents secrets est exactement comme un homme sans yeux ni oreilles. »" Sun Tzu Amiral Chester Nimitz" (1885 - 1966)
  • 8. Deuxième postulat : la liberté de manœuvre « Pressé fortement sur ma droite, mon c e n t r e c è d e , impossible de me mouvoir, situation e x c e l l e n t e , j’attaque. »
  • 9. Troisième postulat : concentration des efforts « La meilleure stratégie est toujours d'être très fort : très fort en général, et très fort au point décisif. »" ! «  La concentration des forces doit être considérée comme la norme, et toute division conçue comme une exception qui a besoin d ' ê t r e j u s t i f i é e .  » Clausewitz Austerlitz : 2 décembre 1805
  • 10. Transcription de ces principes • Information : veille concurrentielle. Est-ce la clé de la stratégie ?" • Liberté de manœuvre : stratégie de haut de bilan et focalisation du bas de bilan." • Concentration des e f f o r t s : e f f e t s d’échelle (cf. BCG).
  • 11. 11
  • 12. La Grande Guerre • J a m a i s l a p e n s é e stratégique n’est tombée aussi bas que pendant la Grande Guerre." • Cette guerre est considérée c o m m e u n m y s t è r e aujourd’hui : le suicide de l’Europe, conscient et bien organisé." • Cet échec est celui de la pensée de Clausewitz.
  • 13. Les idées-clés de Liddell Hart • La Grande Guerre signe l’échec de la pensée de Clausewitz : montée aux extrêmes, approche directe, objectifs étroits." • La guerre n’est pas une forme de la politique." • Les approches indirectes sont en général supérieures aux approches directes." • Les objectifs stratégiques doivent se déduire de la  Grande Stratégie. Basil Liddell Hart" (1895 - 1970)
  • 14. La « grande stratégie » selon Liddell Hart 1.Stratégie indirecte : passer par le chemin le moins direct" 2.Stratégie réaliste : confronter ses c r o y a n c e s à d e s r é a l i t é s observables" 3.Stratégie de moindre attente : surprendre, attaquer là où on ne vous attend pas" 4.Stratégie de moindre résistance : faire porter le point fort sur le point faible" 5.Se donner des objectifs larges : déduire les objectifs proches des objectifs lointains
  • 15.
  • 16. Les cinq stratégies gagnantes de la Seconde Guerre mondiale 1. Stratégie indirecte : le débarquement en Afrique du Nord, 8 novembre 1942" 2. Stratégie réaliste (plutôt qu’idéaliste) : la victoire de Stalingrad, 31 janvier 1943" 3. Stratégie de moindre attente : la percée des Ardennes, 10 mai 1940" 4. Stratégie de moindre résistance : le débarquement en Normandie, 6 juin 1944" 5. Se donner des objectifs larges : la prise de Berlin, 30 avril 1945
  • 17. 17 Stratégie indirecte Réalisme vs idéalisme Moindre" attente Moindre" résistance Objectifs" larges Churchill Oui Oui Oui Oui Non Hitler Oui Non Oui Oui Non Roosevelt Non Oui Non Non Non Staline Non Oui Non Non Oui Cinq stratégies - quatre stratèges
  • 18. Roosevelt et Alice au pays des merveilles
 « À vrai dire, les intentions du Président me paraissaient du même ordre que les rêves d’Alice au pays des merveilles. Roosevelt avait risqué déjà en Afrique du Nord, dans des conditions beaucoup plus favorables à ses desseins, une entreprise politique analogue à celle qu’il méditait pour la France. Or, de cette tentative, il ne restait rien. Mon gouvernement exerçait en Corse, en Algérie, au Maroc, en Tunisie, en Afrique noire, une autorité sans entraves. […] Les Alliés ne rencontreraient en France d’autres ministres et d’autres fonctionnaires que ceux que j’aurais instaurés. Ils n’y trouveraient d’autres troupes françaises que celles dont j’étais le chef. Sans aucune outrecuidance, je pouvais défier le général Eisenhower d’y traiter valablement avec quelqu’un que je n’aurais pas désigné. »" Mémoires de guerre, L’Unité Dans cette affaire, de Gaulle fait preuve d’un discernement exceptionnel. Le discernement en l’occurrence consiste à se concentrer sur les sujets stratégiques et surtout à ne pas s’occuper de faux sujets. Beaucoup d’autres à sa place auraient consacré l’essentiel de leur énergie à essayer de faire changer d’avis les Américains. Sans succès bien sûr. Faire cela, c’eût été s’affaiblir. Le chef ne discute pas de sa légitimité sans la rendre douteuse.
  • 19. Influence et réalisme Idéologue Lucide Stratège Irresponsable Influent Non influent Irréaliste Réaliste Roosevelt Churchill Hitler Staline
  • 20. Influence et réalisme ! • L’idéologie est l’inverse de la stratégie." • La stratégie se fonde sur la lucidité (perception des enjeux du réel) et sur la responsabilité." • La vision n’est pas la source de la stratégie.
  • 21. Intelligence et courage Incompétent Séducteur Décideur Bureaucrate Courageux Peu courageux Peu intelligent Intelligent Churchill Staline Hitler Roosevelt
  • 22. Voir loin « Je crois que la Russie entrera dans la guerre avant l’Amérique, mais qu’elles y entreront l’une et l’autre. Avez-vous lu Mein Kampf ? Hitler pense à l’Ukraine. Il ne résistera pas à l’envie de régler le sort de la Russie, et ce sera le commencement de sa perte. […] Si Hitler avait dû venir à Londres, il y serait déjà. Maintenant, la bataille d’Angleterre ne se livrera plus que dans les airs, et j’espère que quelques aviateurs français y prendront part. […] En somme, la guerre est un problème terrible, mais résolu. Il reste à ramener toute la France du bon côté. »" Jean Lacouture, De Gaulle, 1. Le Rebelle, Seuil, 1984, p. 392. Le visionnaire discerne que l’avenir, même s’il n’est pas connu, doit parler à nos décisions du présent ; il sait qu’à tout moment le décideur rend des comptes à celui qu’il sera et qu’il ne connaît pas encore.
  • 23. Intelligence et courage • Les deux qualités clés du décideur sont le courage (vertu stoïcienne) et l’intelligence stratégique." • Le courage sans intelligence fait plus de dégâts que l’intelligence sans courage." • Les trois lignes de fuite du stratège sont : l’incompétence, la séduction et la bureaucratie.
  • 24. Première différence : destruction ou production de valeur ? • La stratégie militaire a pour objectif la soumission de l’ennemi par sa destruction partielle : c’est un jeu à somme négative." • La stratégie d’entreprise vise à la conquête d’un client par la création de valeur : c’est un jeu à somme positive. On ne vise pas la destruction du concurrent. Montesquieu" (1689 - 1755)
  • 25. Le doux commerce « Le commerce guérit les préjugés destructeurs ; et c'est presque une r è g l e g é n é r a l e q u e partout où il y a des mœurs douces, il y a du commerce ; et partout où il y a du commerce, il y a des mœurs douces. »" Montesquieu
  • 26.
  • 27. Deuxième différence : la coopération • L a s t r a t é g i e d a n s l’univers économique suppose de coopérer e n t r o u v a n t l e s convergences d’intérêts et en minimisant les divergences d’intérêts." • La stratégie militaire se c o n s t r u i t s u r l a divergence d’intérêts.
  • 28. Le dilemme du prisonnier A coopère A trahit B coopère 3" 3 5" 0 B trahit 0" 5 1" 1
  • 29. Première Guerre mondiale : vivre et laisser vivre La coopération est un investissement, elle consiste à maximiser ses gains à long terme en minimisant ses gains à court terme.! La coopération, à long terme, est la position qui maximise les gains (cf. dilemme du prisonnier itératif).! La coopération n’est pas fondée sur l’altruisme mais sur l’égoïsme.! Les groupes qui pratiquent la coopération en tirent suffisamment d’avantages pour que la coopération s’étende et devienne la règle la plus générale des sociétés humaines.! Les groupes qui pratiquent la coopération sont vulnérables aux attaques violentes.
  • 30. Le dilemme du prisonnier La coopération peut s’installer si les acteurs perçoivent le long terme et ont des stratégies lisibles.! Les acteurs coopératifs prennent en compte le long terme dans un dilemme du prisonnier itératif." Ils ont en général une stratégie non agressive, non indulgente et lisible." La stratégie donnant – donnant (coopérer le premier coup et reproduire ensuite le coup précédent de l’adversaire) correspond à ces critères, elle est considérée comme la meilleure.
  • 31. 31
  • 32. Kennedy et la Baie des Cochons Après le désastre de la Baie des cochons le 17 avril 1961, Kennedy a réuni son équipe et lui a dit :" ! «  Cette opération a été un désastre et vous me l’avez tous conseillée. J e s u i s d o n c e n t i è r e m e n t responsable, je n’avais qu’à pas vous écouter. »
  • 33. Cuba : 24 octobre 1962 «  Je n’accepte pas que la seule option s o i t l a g u e r r e atomique. »" John Kennedy
  • 34. Un point commun : la décision • La problématique de la décision est commune au chef militaire et au d i r i g e a n t d ’ u n e organisation." ! «  Pour prendre une décision, il faut toujours être un nombre impair et jamais plus de deux. »" Anatole France
  • 35. Les trois ingrédients de la décision Solitude" Incertitude" Enjeu ! Challenger" 28 janvier 1986
  • 36.
  • 37. Les lignes de fuite du non décideur 1. Faire changer d ’ é p a u l e a u singe" 2. L’information infinie " 3. Le gourou (qui peut se gourer)" 4. Le découpage de la décision
  • 38. L’essence de la stratégie • R é c o n c i l i e r l a pensée et l’action" • R é c o n c i l i e r l e présent et l’avenir" ! «  Je ne crois aux s t a t i s t i q u e s q u e lorsque je les ai moi- même falsifiées.  » Winston Churchill

  • 39. Le non plan stratégique type • Nous voulons être les leaders de…" • Nous voulons nous différencier de nos concurrents." • Nous voulons mettre le client au centre de l’entreprise." • Nous voulons être t o u j o u r s p l u s innovants." • Nous visons toujours plus d’excellence.
  • 40.
  • 41. La grille des métiers Fragmentés Concentrés Spécialisés Impasse concurrentielle Fort potentiel de différenciation Faible potentiel de différenciation Faible effet d’échelle Fort effet d’échelle
  • 42. La grille attraits - atouts Dilemme Vache à lait Vedette Poids mort Attraits forts Attraits faibles Atouts faibles Atouts forts
  • 43. Les sept péchés capitaux" de la stratégie 1. Raisonner par analogie," 2. Confondre force et atout," 3. Mixer la différenciation et le low cost," 4. Sous-investir sur une étoile," 5. Faire de la différenciation s a n s p o t e n t i e l d e différenciation," 6. Croire à des effets d’échelle fictifs," 7. Changer de métier avant de bien faire son métier.
  • 44. Grille de Michael Porter Facteurs technologiques Menace des produits de substitution Facteurs de comportements et de mode de vie Pouvoir de négociation des clients Entreprise / concurrents directs Menace des nouveaux entrants Pouvoir de négociation des fournisseurs Facteurs réglementaires Facteurs économiques Client des clients
  • 45. Valeur ajoutée et valeur stratégique Les composantes du rapport de forces :" 1. La concentration relative des secteurs : cf. le Schwerpunkt." 2. La détention d’actifs spécifiques : cf. stratégie de moindre attente." 3. La détention d’une marque : cf. l’information." 4. Le coût de transfert : cf. stratégie de moindre résistance." Les principes ont tendance à s’inverser : largeur de gamme, adaptation au marché, visibilité, grande résistance.