1. 20 - LE QUOTIDIEN DU PHARMACIEN - N° 3148 - LUNDI 26 JANVIER 2015 - www.lequotidiendupharmacien.fr
DOSSIER OBJECTIF OBSERVANCE
Séjour découverte
des nouveaux parcours d’Essaouira
et Mazagan/El Jadida du 22 au 29 Juin 2015
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Renseignements : Brigitte QUENTIN
Tél : 01 73 28 15 19
mail : brigitte.quentin@gpsante.fr
UN ENTRETIEN AVEC LE PSYCHOLOGUE DENIS FOMPEYRINE
« L’observance, comme
une expérience émotionnelle »Denis Fompeyrine, Docteur
en psychologie, s’est spécialisé
dans le domaine de l’expérience
patient. Son credo : « ne pas
négliger le rapport du patient
à la maladie ». Dans un entretien
au « Quotidien », le coordonnateur
du « Livre blanc de l’observance* »,
explique pourquoi les aides
technologiques et le relationnel
assuré par le professionnel de santé
sont à la fois complémentaires
et indissociables lorsqu’il s’agit
de favoriser l’observance
des traitements prescrits.
LEQUOTIDIENDUPHARMACIEN.-Quelssontles
principaux déterminants psychosociaux de
l’observance des traitements ?
DENIS FOMPEYRINE. - Ils sont
nombreux et leur énumération mérite
un découpage. Il y a en effet plusieurs
aspects : la motivation, l’aspect cultu-
rel, la relation à la maladie… Pour en
avoir une idée plus synthétique, on
pourrait résumer ces différentes ap-
proches sous la forme d’un schéma qui
propose une lecture de l’observance
sous au moins trois dimensions : la di-
mension psychologique, la dimension
médicale et la dimension relationnelle.
À mon sens, l’observance est l’une des
conséquences de la bonne expérience
du patient.
L’expérience patient est vraiment au
centre de mes travaux. Elle consiste à
comprendre quels sont les mécanismes
émotionnels et à cerner les circons-
tances qui sont à l’origine des moments
difficiles, des moments clés dans la re-
lation du patient à sa maladie et à ses
traitements. La finalité étant d’essayer
de modéliser ces situations sans caté-
goriser. J’essaie de ne pas en rester à
une approche comportementaliste. Le
principe, qui revient à catégoriser les
patients, n’est pas mauvais, mais s’il
est appliqué de façon trop dogmatique,
cela ne fonctionne pas.
Pour comprendre les déterminants
psychologiques de l’observance, l’alter-
native consiste à vraiment se mettre à
la place du patient. En pratique, et c’est
ce que nous avons fait récemment dans
le cadre d’une étude au sein de l’Assis-
tance publique, nous laissons parler les
gens librement pour recueillir du verba-
tim, sans les orienter vers une question
ou vers une autre ; sans leur demander :
est-ce que c’est la prise du médicament
qui est compliquée, est-ce que c’est sa
forme galénique qui pose problème,
etc ? La démarche que j’ai entreprise,
dans les pas du Pr Gérard Reach, est
une démarche holistique. À partir du
matériel recueilli au cours de ces entre-
tiens ouverts et libres, l’analyse permet
ensuite de définir les points sur lesquels
les patients ont des efforts à faire pour
améliorer l’observance. Avec cette mé-
thode on a par exemple découvert qu’à
l’hôpital, les patients avaient des stra-
tégies relationnelles avec les soignants
pour obtenir d’être mieux soignés. On
peut d’ailleurs imaginer qu’il en va de
même en ville.
Ce que nous apprennent ces travaux,
c’est qu’au cœur de l’expérience du pa-
tient il y a des dimensions différentes
qui sont propres à chaque pathologie.
Moralement, on a l’obligation d’être
observant, philosophiquement, pas du
tout. Si socialement, le respect du trai-
tement s’avère compliqué – traitement
de l’asthme ou du diabète, par exemple
–, on verra apparaître des obstacles à
l’observance.
Globalement, l’idée de plaquer des
typologies de patients, bons, mauvais,
etc. Cela n’est pas suffisant. Il faut vrai-
ment observer, puis, une fois que le
problème est identifié, porter son atten-
tion là où le patient a le plus d’effort à
faire.
Quelle est la place de la peur et de la confian-
ce dans le respect des traitements prescrits ?
Observe-t-on une défiance nouvelle à l’égard
des médicaments depuis certaines affaires ?
Ces affaires ont eu un impact sur le
comportement des patients. D’abord
leur niveau de connaissance sur le
médicament s’est globalement élevé.
Reste que leur appréciation du rapport
bénéfice/risque est encore imparfaite.
Je pense que sur ces questions, la
communauté médicale est un peu au-
tocentrée. Si on se place du point de
vue du patient qui lui, n’est pas un
scientifique, son seul souhait est de bé-
néficier d’un traitement avec le moins
possible d’effets secondaires et le plus
d’efficacité possible.
Je crois que pour le public, peu im-
porte la réputation de tel ou tel traite-
ment, l’observance dépend surtout, du
point de vue individuel, du rapport à la
vie de chacun.
On a le sentiment qu’avec le nouveau partage
du savoir médical, les patients ne sont plus
prêts à avaler n’importe quoi. Pensez-vous
que des freins à l’observance sont ainsi
apparus ?
La science s’approprie le monopole
du réel. Elle a de moins en moins de
limite, mais elle n’explique pas tout.
On ne le dit pas assez, mais les labora-
toires pharmaceutiques ont transformé
notre rapport à la vie. Certes le patient
est de moins en moins mal informé, et
son désir d’avoir le contrôle sur sa mala-
die a évolué également. Mais au total,
reprendre le pouvoir sur son corps,
voilà le vrai sujet.
Quels comportements les professionnels
de santé, et notamment les pharmaciens,
doivent-ils privilégier pour favoriser l’obser-
vance des traitements par leurs patients ?
Je pense que les pharmaciens font
cela naturellement. D’autant que ces
professionnels connaissent générale-
ment bien jusqu’aux habitudes de vie
des patients qui fréquentent leur offi-
cine. L’idéal serait de modéliser les pa-
thologies, mais rien ne remplace l’en-
tretien ouvert avec le patient.
En l’occurrence, le pharmacien bé-
néficie d’un rapport régulier et pres-
que quotidien avec ses patients. Aus-
si, c’est peut-être plus facile pour lui,
que pour d’autres professionnels de
santé, de dégager le profil de chacun
d’entre eux et d’apporter une réponse
adaptée au profit de l’observance des
traitements. En cela, le pharmacien est
irremplaçable.
Les progrès galéniques (formes à libération
prolongée, etc) et, plus largement, tous les
programmes d’aide au respect de l’observan-
ce, ne risquent-ils pas, à terme, de déchar-
ger les patients de leurs responsabilités à
l’égard du traitement ?
Tous ces moyens, notamment tech-
niques, ont beaucoup d’avenir. D’autant
que la conscience du patient est modi-
fiée par la maladie. Lorsqu’on est ma-
lade, on a une conscience altérée de la
vie. Certes, il existe des mécanismes de
sauvegarde psychiques qui, potentielle-
ment, vont se déclencher à l’annonce
d’une maladie grave.
L’angoisse sera favorable à l’obser-
vance, mais à l’inverse, le patient chro-
nique peut avoir envie, de temps en
temps, de ne pas penser à sa maladie,
d’où un certain lâcher prise par rapport
au traitement.
Voilà pourquoi les deux démarches
sont complémentaires : le contact hu-
main et le relationnel assurés par le
professionnel de santé sont néces-
saires, de même que les applications qui
permettent d’accompagner le malade,
notamment au moment où des efforts
particuliers lui sont demandés. Mais ce
qu’il faut bien comprendre, c’est que ce
n’est pas toujours le discours scienti-
fique qui doit l’emporter. Il existe des
situations où un discours intelligent et
éclairé s’impose qui correspond à ce
que vivent émotionnellement les gens.
Parce qu’il faut se rappeler que, princi-
palement, le circuit de la décision est
basé sur les émotions.
Au total, l’aide technique et le pou-
voir d’interprétation du médecin sont
parfaitement complémentaires.
Sans oublier qu’une des plus grandes
révolutions en faveur de l’observance
a été permise par les progrès de la ga-
lénique. Aller dans le sens du confort
du patient et de la rapidité de guérison,
voilà des avancées fantastiques.
> PROPOS RECUEILLIS PAR DIDIER DOUKHAN
* Livre Blanc de la Fondation Concorde,
« L’observance des traitements :
un défi aux politiques de santé », mars 2014.
DenisFompeyrine:«L’observanceestl’une
desconséquencesdelabonneexpériencedupatient»
DR