Le secret professionnel est au cœur de la tension qui peut exister entre le respect de l’autonomie du patient et la nécessité de lui apporter l’aide nécessaire en situation de vulnéra bilité ou de danger. En sus des exceptions obligatoires et non obligatoires au secret médical, le nouveau droit de protection de l’adulte et de l’enfant, entré en vigueur le 1er janvier 2013, prévoit, à l’article 453 CC, que les personnes liées par le secret professionnel ou de fonction pourront signaler à l’autorité de protection la situation d’un patient qui mettrait en danger sa vie ou son intégrité corporelle, ou représenterait ce type de danger pour autrui. Cette disposition ne devra être utilisée qu’en dernier recours, lorsque la personne concernée ne consent pas à la transmission des informations nécessaires et que tout autre moyen d’aide aura été inopérant.
Signalement des patients adultes en situation de danger
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Le secret professionnel est au cœur
de la tension qui peut exister entre
le respect de l’autonomie du patient
et la nécessité de lui apporter l’aide né
cessaire en situation de vulnérabilité
ou de danger. En sus des exceptions
obligatoires et non obligatoires au se
cret médical, le nouveau droit de pro
tection de l’adulte et de l’enfant, entré
en vigueur le 1er janvier 2013, prévoit, à
l’article 453 CC, que les personnes liées
par le secret professionnel ou de fonc
tion pourront signaler à l’autorité de pro
tection la situation d’un patient qui met
trait en danger sa vie ou son intégrité
corporelle, ou représenterait ce type de
danger pour autrui. Cette disposition ne
devra être utilisée qu’en dernier recours,
lorsque la personne concernée ne con
sent pas à la transmission des informa
tions nécessaires et que tout autre
moyen d’aide aura été inopérant.
introduction
Dans une tradition de médecine huma
niste et sociale, le rôle du médecin s’est
toujours étendu à une dimension de protec
tion et d’aide aux patients vulnérables ou en
état de faiblesse.1 Ce rôle d’aide et de sou
tien, qui dépasse la stricte fonction théra
peutique, est sous-tendue par un principe
éthiquefondamentaldebienfaisance.2 Quoi
qu’il soit habituellement reconnu, voire at
tendu de la part des patients et de leurs
proches, ce rôle d’aide et de soutien est
susceptible d’entrer en conflit dans certains
cas avec la question de l’autonomie des pa
tients, autre principe éthique fondamental,
très valorisé dans le contexte social con
temporain.3
Au centre de ce conflit, qui oppose deux
visions contradictoires de la médecine, se
trouve la valeur fondamentale de l’exercice
médical qu’est le secret professionnel. C’est
en effet bien souvent l’usage qui est fait du
secret qui peut orienter l’exercice de la mé
decine soit dans le sens de l’intervention
nisme social, soit dans celui du respect de
la liberté individuelle.
Il est généralement admis que le secret
professionnel, s’il est essentiel, n’a cepen
dant pas un caractère absolu. Les excep
tions non obligatoires au secret donnent au
médecin la possibilité de choisir de privilé
gier soit l’autonomie, soit l’aide au patient.
Cependant, ces exceptions non obligatoires
sont limitées en nombre et bien circons
crites dans leur nature : aptitude à la con
duite des véhicules à moteur, signalement
des patients toxico-dépendants, signalement
des mauvais traitements à l’égard des mi
neurs.4 Dans de nombreuses situations où
le médecin aurait voulu avoir le choix de si
gnaler ou de s’abstenir, comme les cas de
maltraitance vis-à-vis de personnes âgées
ou de patients potentiellement dangereux,
il se trouvait jusqu’à récemment astreint,
hormis les situations d’état de nécessité ou
de légitime défense prévues par le Code
pénal, à solliciter l’autorité supérieure ou de
surveillance, selon l’art. 321 ch. 2 Code
pénal (CP), pour demander à être délié de
son secret professionnel.
Le nouveau droit de protection de l’adulte
et de l’enfant, entré en vigueur le 1er janvier
2013, ouvre à travers l’article 453 du Code
Civil (CC) une nouvelle possibilité au méde
cin de signaler à l’autorité de protection
certains patients vulnérables ou en danger.
Cet article semble cependant encore mé
connu de la grande majorité du corps médi
cal et il peut être nécessaire de l’expliquer
et de l’illustrer par quelques exemples.
l’article 453 CC et sa mise
en œuvre
Préambule
Avant d’analyser plus en détail l’art. 453
CC, il peut être utile de rappeler que plu
sieurs dispositions légales traitent de la
transmission d’informations à l’autorité de
protection de l’adulte et de l’enfant. Nous
nous pencherons brièvement sur les art.
443, 448, 381 al. 3 CC ainsi que l’art. 397a
du Code des obligations (CO). L’art. 443 al.
1 CCa concerne le signalement d’une per
sonne à l’autorité de protection de l’adulte
et de l’enfant qui ne peut être fait qu’après
avoir été délié du secret professionnel pour
les personnes qui y sont tenues. L’art. 448
CCb pose les conditions de la transmission
de renseignements à l’autorité de protec
tion de l’adulte et de l’enfant en cours de
procédure devant cette instance. Pour les
professionnels de la santé soumis au secret
professionnel, que sont «les médecins, les
dentistes, les pharmaciens, les sages-fem
mes ainsi que leurs auxiliaires», l’art. 448 al.
2 CC prévoit qu’ils sont tenus de collaborer
lorsqu’ils ont été déliés du secret profes
sionnel soit par le patient concerné, soit par
l’autorité supérieure ou de surveillance au
sens de l’art. 321 ch. 2 CP c.
L’art. 381 CC s’inscrit dans le cadre de la
représentation d’un patient incapable de
discernement dans le domaine médical.
Cette disposition concerne l’intervention de
l’autorité de protection de l’adulte et de l’en
fant dans les situations où il n’y a pas de
personne habilitée à représenter la person
ne incapable de discernement ou qu’aucune
personne habilitée n’accepte de le faire ;
elle intervient également lorsque le repré
sentant ne peut être déterminé clairement,
les représentants ne sont pas tous du même
avis et les intérêts de la personne incapable
de discernement sont compromis ou ris
quent de l’être. L’autorité de protection de
l’adulte agit d’office ou à la demande du mé
decin ou d’une autre personne proche de
la personne incapable de discernement. La
mention du médecin indique qu’il a la qualité
pour agir selon l’art. 381 CC mais ne consti
tue pas une exception au secret profes
Signalement des patients
adultes en situation de danger
L’article 453 CC, une exception méconnue
au secret professionnel
droit et médecine
G. Niveau
T. Wuarin
M. Ummel
S. Burkhardt
Rev Med Suisse 2015 ; 11 : 2190-3
a Cf. Steck. Art. 443. In Leuba A, et coll. Protection de
l’adulte. Berne : Staempfli CommFam 2013, p. 833 ss. L’art.
443 prévoit une obligation de signalement des personnes
qui semblent avoir besoin d’aide pour les personnes qui
ont connaissance de telles situations dans l’exercice de leur
fonction officielle. L’obligation constitue une exception
au secret de fonction et non au secret professionnel. Cf.
Steck. Art. 443 et Art. 448. In Leuba A, et coll. Ibid. 2013,
p. 838 et 875-6.
b Steck. Art. 448. In Leuba A, et coll. Ibid. 2013, p. 876-8.
c A noter que l’art. 448 al. 2 CC prévoit de manière nou-
velle que l’autorité supérieure ou de surveillance peut être
saisie directement par l’autorité de protection de l’adulte
et de l’enfant.
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2. Revue Médicale Suisse – www.revmed.ch – 18 novembre 2015 2191
sionnel. Ainsi, l’art. 443 CC doit être res
pectéd et le médecin doit être délié du se
cret professionnel avant de pouvoir signaler
à l’autorité de protection de l’adulte et de
l’enfantlesproblèmesdereprésentationdans
le domaine médical.
L’art. 397a CO, introduit lors de la révision
de droit de la protection de l’adulte, prévoit
un devoir du mandataire (dont les médecins,
etc.) d’informer l’autorité de protection de
l’adulte lorsque le mandant est frappé d’une
incapacité de discernement probablement
durable, pour autant que la démarche pa
raisse appropriée au regard de la sauve
garde de ses intérêts. Selon la doctrine,e
cette disposition ne serait pas véritablement
une exception au secret professionnel mais
s’articulerait avec les art. 343 CC et 453 CC.
Ainsi, lorsque les circonstances de l’art.
453 CC sont réalisées, le mandataire mé
decin peut s’adresser à l’autorité de protec
tion de l’adulte, dans les autres cas, il se fera
délier de son secret professionnel par l’au
torité compétente.
Art.453 CC
L’article 453 du CC est rédigé ainsi :
«1S’il existe un réel danger qu’une per
sonne ayant besoin d’aide mette en danger
sa vie ou son intégrité corporelle ou com
mette un crime ou un délit qui cause un
grave dommage corporel, moral ou matériel
à autrui, l’autorité de protection de l’adulte,
les services concernés et la police sont te
nus de collaborer.
2Dans un tel cas, les personnes liées par
le secret de fonction ou le secret profes
sionnel sont autorisées à communiquer les
informations nécessaires à l’autorité de pro
tection de l’adulte».
But
L’art. 453 CC a été créé pour assurer
«dans des situations exceptionnelles»f une
meilleure collaboration et un échange d’in
formations dans les cas où il existe un dan
ger réel qu’une personne qui a besoin d’aide
se mette en danger ou cause un grave dom
mage à autrui. Il prévoit une obligation de
collaborer de l’autorité de protection de
l’adulte et de l’enfant avec différentes enti
tés. L’art 453 CC prévoit de plus, dans ces
mêmes situations exceptionnelles, un droit
à transmettre des informations pour des
personnes astreintes au secret de fonction
et au secret professionnel à l’autorité de
protection de l’adulte.
Mise en danger
L’art. 453 CC s’applique lorsqu’il y a «un
réel danger qu’une personne ayant besoin
d’aide mette en danger sa vie ou son inté
grité corporelle ou commette un crime ou
un délit qui cause un grave dommage cor
porel, moral ou matériel à autrui».
Selon Cottier et Hässler,g le danger né
cessite un degré de probabilité élevé exi
geant un «risque sérieux qu’il y ait une at
teinte grave». Pour la personne concernée,
ceci serait le cas en présence «d’un grave
état d’abandon, de tendances suicidaires,
d’automutilation, ou de grave atteinte à ses
propres intérêts matériels». Si l’art. 453 CC
prévoit que la personne elle-même se mette
en danger, il nous semble qu’on peut égale
ment admettre qu’une personne en situation
de vulnérabilité due à un état de faiblesse
ou à une maladie, victime d’une agression
ou de maltraitance commise par un tiers peut
entrer dans le cadre de l’art. 453 CC parce
qu’elle n’est plus en mesure elle-même de
repousser le danger.
En ce qui concerne les tiers, l’art. 453 CC
exige qu’il y ait un danger réel d’un crime
(infractions passibles d’une peine de priva
tion de liberté supérieure à trois ans) ou
d’un délit (infractions passibles d’une peine
privative de trois ans au plus ou d’une peine
pécuniaire) au sens de l’art. 10 CP. A titre
d’exemple, le meurtre est un crime, alors
que l’homicide par négligence, les lésions
corporelles simples, violation de domicile,
sont des délits.
La formulation de l’art. 453 al. 1 CC laisse
une marge d’appréciation large mais justifie
également qu’elle doit «être interprétée res
trictivement».h
Obligation de collaborer
Selon le Message du Conseil fédéral :
«Dans des situations exceptionnelles, il est
nécessaire que l’autorité de protection de
l’adulte collabore avec les services concer
nés et avec la police pour protéger des tiers
ou la personne ayant besoin d’aide… Une
action coordonnée empêche en particulier
des mesures contradictoires, ce qui est
aussi dans l’intérêt de la personne qui a be
soin d’aide… L’obligation de collaborer est
une tâche de l’autorité de protection…».
Autorités concernées
Les autorités concernées par l’obligation
de collaborer sont l’autorité de protection
de l’adulte ou sur délégation le curateur,i la
police et les services concernés. Cette der
nière notion comprend, selon le Message
du Conseil fédéral,j « toutes sortes de ser
vices, comme par exemple, les services so
ciaux et psychiatriques, l’aide aux victimes,
les soins à domicile, le conseil en matière
de dettes, l’institution de l’assurance sociale,
les tribunaux, les autorités de poursuite et
les autorités d’exécution des peines… les
mandataires pour cause d’inaptitude ou les
proches disposant du pouvoir de représen
tation ne tombent pas sous le coup de cette
disposition».
Collaboration
La collaboration peut consister en infor
mations réciproques ou en réunions, con
trôle de qualité ou directives quant à la ma
nière de procéder dans une situation parti
culière. La transmission d’informations porte
atteinte «au droit de la personne concernée
à l’autodétermination informationnelle», c’est-
à-dire le droit de gérer les informations per
sonnelles reçues et celles qui sont commu
niquées à des tiers. «L’art. 453 al. 1 CC
donne une base légale pour l’atteinte à ce
droit fondamental», toutefois, le principe de
proportionnalité devra être respecté en limi
tant au strict nécessaire les informations
transmises.k
A noter encore que l’art. 453 CC ne
concerne que les adultes ; pour les enfants,
c’est l’art. 317 CC qui règle la collaboration
entre autorités.
Droit de transmettre des infor-
mations des personnes astreintes
au secret de fonction et au secret
professionnel à l’autorité de pro-
tection de l’adulte
L’art. 453 al. 2 CC prévoit que dans les
circonstances de risque sérieux de mise
en danger de la personne ou de tiers, dé
crites ci-dessus, les personnes astreintes
au secret de fonction et au secret profes
sionnel sont autorisées à communiquer les
informations nécessaires à l’autorité de pro
tection de l’adulte. Selon Cottier et Hässler,
d Cf. Steinauer PH, Fountoulakis C. Droit des personnes
physiques et de la protection de l’adulte. Berne : Staempfli
2014, p. 448.
e Schaller JM. Art. 397a. In Honsell H. OR KurzKommentar.
Bâle : Helbing Lichtenhahn 2014, p. 1437-8. Fellmann W.
Meldepflicht des Beauftragten nach art. 397a OR. Droit de
l’avocat 8/13, p. 354-7.
f Message du Conseil fédéral concernant la révision du code
civil suisse (Protection de l’adulte, droit des personnes et
droit de la filiation) du 28 juin 2006. Feuille fédérale FF
2006 p. 6722 (ci-après Message du Conseil fédéral 2006)
et Meier P, Lukic S. Introduction au nouveau droit de la
protection de l’adulte. Genève, Zurich, Bâle : Schulthess
2011, p. 66.
g Cottier/Hässler. Art. 453. In Leuba A, et coll. Ibid. 2013,
p. 976-7.
h Cottier/Hässler. Art. 453. In Leuba A, et coll. Ibid. 2013,
p. 976.
i Message du Conseil fédéral 2006, p. 6722.
j Message du Conseil fédéral 2006, p. 6723.
k Cottier/Hässler. Art. 453. In Leuba A, et coll. Ibid. 2013,
p. 977.
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cette disposition est analogue à l’art. 364 CP
pour les mineurs qui permet de signaler à
l’autorité de protection de l’enfant, lorsque
c’est dans son intérêt, les infractions com
mises à l’encontre d’un mineur. Le déten
teur du secret devra donc effectuer lui-
même la pesée des intérêts selon «sa libre
appréciation et l’étendue de son mandat»
avant de décider ou non de transmettre les
informations nécessaires à l’autorité de pro
tection de l’adulte.
Cette possibilité de communiquer des
informations à l’autorité de protection de
l’adulte sans être délié du secret profes
sionnel ou de fonction devrait, de l’avis des
auteurs, être utilisée exceptionnellement et
en dernier recours, soit lorsque la personne
concernée refuse son consentement à la
transmission des informations nécessaires
et lorsque les autres moyens d’aider la per
sonne concernée se sont révélés inopé
rants.
Dans la mesure du possible, du point de
vue éthique et dans le but de ménager la re
lation médecin-patient, même si l’art. 453 CC
ne le prévoit pas, la personne concernée
sera informée quant à la transmission de
renseignements la concernant sans son
accord à l’autorité de protection de l’adulte.
Communication
L’art. 453 CC ne prévoit rien quant à la
forme de la communication qui peut ainsi
être orale ou écrite.
Le contenu de la communication est dé
fini comme étant les informations nécessai
res à l’autorité de protection de l’adulte pour
la protection de la personne concernée. On
peutadmettrequecesinformationspuissent
concerner non seulement la personne ayant
besoin d’aide mais également des tiers.l De
plus, au vu de l’en-tête de l’art. 453 CC
«Obligation de collaborer», on peut déduire
que l’exception au secret professionnel et
de fonction vaut pour l’ensemble des infor
mations nécessaires à l’autorité de protec
tion de l’adulte.
L’art. 453 CC ne précise pas le moment
de la communication. Il revient au médecin
de peser à partir de quand les conséquen
ces qui suivront le fait de passer outre le se
cret seront moins lourdes que celles qui
résulteraient du fait de garder le secret.
Considérant le but poursuivi, le cas de figure
sera le plus souvent celui d’information im
médiate.m
l Cf. par analogie avec l’art. 364 CP, Steck. Art. 448. In
Leuba A, et coll. Ibid. 2013, p. 878.
m Cottier/Hässler. Art. 453. In Leuba A, et coll. Ibid. 2013,
p. 979.
quelques exemples d’usage
de l’article 453 cc
Afin d’illustrer la pratique médicale en
rapport avec cet article de loi concernant le
secret professionnel, trois vignettes indirec
tement issues de situations cliniques réelles
sont présentées ci-dessous.
Situation 1
Le Dr A. est médecin généraliste en
ville. Il suit depuis quinze ans, dans le
cadre de sa consultation, Mme S., âgée
de 84 ans, veuve et sans enfant, qui pos
sède une fortune considérable. Mme S.
est essentiellement suivie pour des rai
sonssomatiques(insuffisancecardiaque,
polyarthrite rhumatoïde), mais le Dr A.
constate depuis quelques mois une alté
ration des fonctions cognitives de sa pa
tiente, qui lui a, par ailleurs, à plusieurs
reprises, indiqué avoir prêté des som
mes d’argent considérables à des amis.
Le Dr A., inquiet pour Mme S., sollicite la
Commission du secret professionnel
(CSProf) pour pouvoir signaler la situa
tion de sa patiente au Tribunal de protec
tion de l’adulte (TPAE), qui est l’autorité
de protection de l’adulte dans le canton
où il exerce, dans le but de la protéger
d’éventuels abus d’ordre financier. La
CSProf renonce à entrer en matière car,
sur la base de l’article 453 CC, le Dr A.
a la possibilité d’effectuer ce signalement
au TPAE sans levée du secret profes
sionnel préalable, la situation de Mme S
présentant les critères requis par cet ar
ticle de loi.
Situation 2
Le Dr B. est sollicité par la concierge
de l’immeuble en face de son cabinet
pour venir examiner un de ses anciens
patients qui se trouve sur le palier d’un
escalier de secours. Lorsqu’il arrive sur
place, le Dr B. reconnaît à peine son pa
tient, qui est ictérique, cachectique et
déshydraté. L’hygiène corporelle et ves
timentaire est très dégradée. Le patient
refuse tout soin et toute hospitalisation.
Il dit n’avoir plus aucun contact avec sa
famille, des amis ou des proches et vivre
dans la rue. Le Dr B., estimant qu’il existe
un réel danger pour l’intégrité corporelle
du patient et que celui-ci vit dans une si
tuation assimilable à un état d’abandon,
décide, sur la base de l’article 453 CC,
de dénoncer cette situation à l’autorité
de protection du canton où il exerce.
L’autoritéferahospitaliserlepatientcontre
sa volonté, puis décidera d’un placement
dans un établissement spécialisé.
Situation 3
Un homme de 45 ans, connu et suivi
ambulatoirement pour une pathologie
psychiatrique à type de trouble de la per
sonnalité, déclare lors d’une consulta
tion à son médecin psychiatre traitant, le
DrC.,qu’iléprouvedespulsionssexuelles
envers des jeunes filles pré-adolescen
tes ; il indique toutefois être retenu de
passer à l’acte par crainte des consé
quences pénales éventuelles.
Le Dr C. considère cependant qu’un
risque d’acte délictueux ne peut pas être
écarté et il souhaite informer une autorité
de justice ou de police dans le but de
protéger d’éventuelles victimes et le pa
tient lui-même. Il ne souhaite cependant
pas informer son patient de ses dé
marches, de crainte que cette annonce
entraîne un passage à l’acte ou une fuite
du patient.
Ayant pris contact avec un service juri
dique professionnel, le médecin se voit
invité à choisir entre faire une demande
de levée du secret médical par la Com
mission du secret professionnel ou faire
un signalement auprès de l’autorité de
protection de l’adulte du canton où il
exerce. Il choisit cette dernière solution
et adresse donc un courrier au TPAE en
se basant sur l’art. 453 CC. Ce faisant, il
renonce à signaler le cas aux autorités
de police.
conclusion
Le nouveau droit de la protection de
l’adulte, entré en vigueur le 1er janvier 2013,
s’est substitué au droit de la tutelle lequel,
pour l’essentiel, datait de 1907 et reflétait
une conception de la société inspirée du
XIXe siècle.
Les dispositions légales actuelles tiennent
compte de l’évolution des réalités sociales,
en particulier s’agissant de l’autonomie ac
cordée à la personne. Ce renforcement de
l’autonomie et de l’autodétermination s’ins
crit dans la place de plus en plus centrale
qu’occupe l’individu dans nos sociétés par
rapport au collectif. Ainsi que cela a été gé
néralement constaté, la conception du se
cret professionnel, en particulier du secret
médical, a accompagné ce mouvement, ce
qui s’est traduit par une pratique plus res
trictive à cet égard.
Or, les procédures tendant à la levée du
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4. secret médical peuvent entrer en conflit,
par leur lourdeur et leur durée, avec les ob
jectifs du droit de la protection de l’adulte,
notamment lorsque la personne qui a be
soin d’aide est particulièrement exposée et
qu’une structure d’appui doit être mise en
œuvre sans délai.
Les articles 453 CC et 397a CO ap
portent ainsi une souplesse bienvenue et
nécessaire, dès lors que ces dispositions
permettent que celui qui est lié par le secret
professionnel, qu’il s’agisse du médecin,
mais aussi, par exemple de l’avocat n ou du
notaire,o communique sans délai, aux con
ditions que ces dispositions définissent, à
l’autorité de protection de l’adulte, les infor
mations qui lui sont utiles pour entrepren
dre d’instruire une cause. Ces dispositions
constituent, par conséquent, un outil non
négligeable qui contribue à l’efficacité du
nouveau droit de la protection de l’adulte.
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Drs Gérard Niveau, Marinette Ummel
et Sandra Burkhardt
Centre universitaire romand de médecine
légale
Département de médecine
communautaire, de premier recours
et des urgences
HUG, 1211 Genève 14
gerard.niveau@hcuge.ch
marinette.ummel@hcuge.ch
sandra.burkhardt@hcuge.ch
Me Thierry Wuarin
Tribunal de protection de l’adulte
et de l’enfant
Rue des Glacis-de-Rive 6
Case postale 3950, 1211 Genève 3
thierry.wuarin@justice.ge.ch
Adresses
Implications pratiques
Le secret professionnel est une composante essentielle du respect de l’autonomie du
patient mais il constitue parfois un obstacle lorsqu’il est nécessaire de fournir à celui-ci
une aide en rapport avec une situation de danger ou de vulnérabilité
Le nouveau droit de protection de l’adulte, entré en vigueur le 1er janvier 2013, prévoit
à l’article 453 CC une exception au secret professionnel de nature à permettre au mé-
decin de signaler une situation de danger, pour le patient lui-même ou pour autrui
Le signalement doit dans ce cas être adressé à l’autorité de protection de l’adulte, selon
des modalités et une temporalité qui restent à la libre appréciation du médecin
Cette exception au secret professionnel ne doit être utilisée qu’exceptionnellement et
en dernier recours, lorsque la personne concernée refuse son consentement à la trans-
mission des informations nécessaires et lorsque les autres moyens d’aider la personne
concernée se sont révélés inopérants
E
E
E
E
n Chappuis B. La profession d’avocat, Tome I, 2013, p 174.
o Mooser M. La responsabilité du notaire en relation avec
le nouveau droit de la protection de l’adulte, in RNRF
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Médecine et Hygiène, 2014.
50_53_38513.indd 4 12.11.15 08:56