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2190 Revue Médicale Suisse – www.revmed.ch – 18 novembre 2015
Le secret professionnel est au cœur
de la tension qui peut exister entre
le respect de l’autonomie du patient
et la nécessité de lui apporter l’aide né­
cessaire en situation de vulnéra­bilité
ou de danger. En sus des exceptions
obligatoires et non obligatoires au se­
cret médical, le nouveau droit de pro­
tection de l’adulte et de l’enfant, entré
en vigueur le 1er janvier 2013, prévoit, à
l’article 453 CC, que les personnes liées
par le secret professionnel ou de fonc­
tion pourront signaler à l’autorité de pro­
tection la situation d’un patient qui met­
trait en danger sa vie ou son intégrité
corporelle, ou représenterait ce type de
danger pour autrui. Cette disposition ne
devra être utilisée qu’en dernier recours,
lorsque la personne concernée ne con­
sent pas à la transmission des informa­
tions nécessaires et que tout autre
moyen d’aide aura été inopérant.
introduction
Dans une tradition de médecine huma­
niste et sociale, le rôle du médecin s’est
toujours étendu à une dimension de protec­
tion et d’aide aux patients vulnérables ou en
état de faiblesse.1 Ce rôle d’aide et de sou­
tien, qui dépasse la stricte fonction théra­
peutique, est sous-tendue par un principe
éthiquefondamentaldebienfaisance.2 Quoi­
qu’il soit habituellement reconnu, voire at­
tendu de la part des patients et de leurs
proches, ce rôle d’aide et de soutien est
susceptible d’entrer en conflit dans certains
cas avec la question de l’autonomie des pa­
tients, autre principe éthique fondamental,
très valorisé dans le contexte social con­
temporain.3
Au centre de ce conflit, qui oppose deux
visions contradictoires de la médecine, se
trouve la valeur fondamentale de l’exercice
médical qu’est le secret professionnel. C’est
en effet bien souvent l’usage qui est fait du
secret qui peut orienter l’exercice de la mé­
decine soit dans le sens de l’intervention­
nisme social, soit dans celui du respect de
la liberté individuelle.
Il est généralement admis que le secret
professionnel, s’il est essentiel, n’a cepen­
dant pas un caractère absolu. Les excep­
tions non obligatoires au secret donnent au
médecin la possibilité de choisir de privilé­
gier soit l’autonomie, soit l’aide au patient.
Cependant, ces exceptions non obligatoi­res
sont limitées en nombre et bien circons­
crites dans leur nature : aptitude à la con­
duite des véhicules à moteur, signalement
des patients toxico-dépendants, signalement
des mauvais traitements à l’égard des mi­
neurs.4 Dans de nombreuses situations où
le médecin aurait voulu avoir le choix de si­
gnaler ou de s’abstenir, comme les cas de
maltraitance vis-à-vis de personnes âgées
ou de patients potentiellement dangereux,
il se trouvait jusqu’à récemment astreint,
hormis les situations d’état de nécessité ou
de légitime défense prévues par le Code
pénal, à solliciter l’autorité supérieure ou de
surveillance, selon l’art. 321 ch. 2 Code
pénal (CP), pour demander à être délié de
son secret professionnel.
Le nouveau droit de protection de l’adulte
et de l’enfant, entré en vigueur le 1er janvier
2013, ouvre à travers l’article 453 du Code
Civil (CC) une nouvelle possibilité au méde­
cin de signaler à l’autorité de protection
certains patients vulnérables ou en danger.
Cet article semble cependant encore mé­
connu de la grande majorité du corps médi­
cal et il peut être nécessaire de l’expliquer
et de l’illustrer par quelques exemples.
l’article 453 CC et sa mise
en œuvre
Préambule
Avant d’analyser plus en détail l’art. 453
CC, il peut être utile de rappeler que plu­
sieurs dispositions légales traitent de la
transmission d’informations à l’autorité de
protection de l’adulte et de l’enfant. Nous
nous pencherons brièvement sur les art.
443, 448, 381 al. 3 CC ainsi que l’art. 397a
du Code des obligations (CO). L’art. 443 al.
1 CCa concerne le signalement d’une per­
sonne à l’autorité de protection de l’adulte
et de l’enfant qui ne peut être fait qu’après
avoir été délié du secret professionnel pour
les personnes qui y sont tenues. L’art. 448
CCb pose les conditions de la transmission
de renseignements à l’autorité de protec­
tion de l’adulte et de l’enfant en cours de
procédure devant cette instance. Pour les
professionnels de la santé soumis au secret
professionnel, que sont «les médecins, les
dentistes, les pharmaciens, les sages-fem­
mes ainsi que leurs auxiliaires», l’art. 448 al.
2 CC prévoit qu’ils sont tenus de collaborer
lorsqu’ils ont été déliés du secret profes­
sionnel soit par le patient concerné, soit par
l’autorité supérieure ou de surveillance au
sens de l’art. 321 ch. 2 CP c.
L’art. 381 CC s’inscrit dans le cadre de la
représentation d’un patient incapable de
discernement dans le domaine médical.
Cette disposition concerne l’intervention de
l’autorité de protection de l’adulte et de l’en­
fant dans les situations où il n’y a pas de
personne habilitée à représenter la person­
ne incapable de discernement ou qu’aucune
personne habilitée n’accepte de le faire ;
elle intervient également lorsque le repré­
sentant ne peut être déterminé clairement,
les représentants ne sont pas tous du même
avis et les intérêts de la personne incapable
de discernement sont compromis ou ris­
quent de l’être. L’autorité de protection de
l’adulte agit d’office ou à la demande du mé­
decin ou d’une autre personne proche de
la personne incapable de discernement. La
mention du médecin indique qu’il a la qualité
pour agir selon l’art. 381 CC mais ne consti­
tue pas une exception au secret profes­
Signalement des patients
adultes en situation de danger
L’article 453 CC, une exception méconnue
au secret professionnel
droit et médecine
G. Niveau
T. Wuarin
M. Ummel
S. Burkhardt
Rev Med Suisse 2015 ; 11 : 2190-3
a	 Cf. Steck. Art. 443. In Leuba A, et coll. Protection de
l’adulte. Berne : Staempfli CommFam 2013, p. 833 ss. L’art.
443 prévoit une obligation de signalement des personnes
qui semblent avoir besoin d’aide pour les personnes qui
ont connaissance de telles situations dans l’exercice de leur
fonction officielle. L’obligation constitue une exception
au secret de fonction et non au secret professionnel. Cf.
Steck. Art. 443 et Art. 448. In Leuba A, et coll. Ibid. 2013,
p. 838 et 875-6.
b	 Steck. Art. 448. In Leuba A, et coll. Ibid. 2013, p. 876-8.
c	 A noter que l’art. 448 al. 2 CC prévoit de manière nou-
velle que l’autorité supérieure ou de surveillance peut être
saisie directement par l’autorité de protection de l’adulte
et de l’enfant.
50_53_38513.indd 1 12.11.15 08:56
Revue Médicale Suisse – www.revmed.ch – 18 novembre 2015 2191
sionnel. Ainsi, l’art. 443 CC doit être res­
pectéd et le médecin doit être délié du se­
cret professionnel avant de pouvoir signaler
à l’autorité de protection de l’adulte et de
l’enfantlesproblèmesdereprésentationdans
le domaine médical.
L’art. 397a CO, introduit lors de la révision
de droit de la protection de l’adulte, prévoit
un devoir du mandataire (dont les médecins,
etc.) d’informer l’autorité de protection de
l’adulte lorsque le mandant est frappé d’une
incapacité de discernement probablement
durable, pour autant que la démarche pa­
raisse appropriée au regard de la sauve­
garde de ses intérêts. Selon la doctrine,e
cette disposition ne serait pas véritablement
une exception au secret professionnel mais
s’articulerait avec les art. 343 CC et 453 CC.
Ainsi, lorsque les circonstances de l’art.
453 CC sont réalisées, le mandataire mé­
decin peut s’adresser à l’autorité de protec­
tion de l’adulte, dans les autres cas, il se fera
délier de son secret professionnel par l’au­
torité compétente.
Art.453 CC
L’article 453 du CC est rédigé ainsi :
«1S’il existe un réel danger qu’une per­
sonne ayant besoin d’aide mette en danger
sa vie ou son intégrité corporelle ou com­
mette un crime ou un délit qui cause un
grave dommage corporel, moral ou matériel
à autrui, l’autorité de protection de l’adulte,
les services concernés et la police sont te­
nus de collaborer.
2Dans un tel cas, les personnes liées par
le secret de fonction ou le secret profes­
sionnel sont autorisées à communiquer les
informations nécessaires à l’autorité de pro­
tection de l’adulte».
But
L’art. 453 CC a été créé pour assurer
«dans des situations exceptionnelles»f une
meilleure collaboration et un échange d’in­
formations dans les cas où il existe un dan­
ger réel qu’une personne qui a besoin d’aide
se mette en danger ou cause un grave dom­
mage à autrui. Il prévoit une obligation de
collaborer de l’autorité de protection de
l’adulte et de l’enfant avec différentes enti­
tés. L’art 453 CC prévoit de plus, dans ces
mêmes situations exceptionnelles, un droit
à transmettre des informations pour des
personnes astreintes au secret de fonction
et au secret professionnel à l’autorité de
protection de l’adulte.
Mise en danger
L’art. 453 CC s’applique lorsqu’il y a «un
réel danger qu’une personne ayant besoin
d’aide mette en danger sa vie ou son inté­
grité corporelle ou commette un crime ou
un délit qui cause un grave dommage cor­
porel, moral ou matériel à autrui».
Selon Cottier et Hässler,g le danger né­
cessite un degré de probabilité élevé exi­
geant un «risque sérieux qu’il y ait une at­
teinte grave». Pour la personne concernée,
ceci serait le cas en présence «d’un grave
état d’abandon, de tendances suicidaires,
d’automutilation, ou de grave atteinte à ses
propres intérêts matériels». Si l’art. 453 CC
prévoit que la personne elle-même se mette
en danger, il nous semble qu’on peut égale­
ment admettre qu’une personne en situation
de vulnérabilité due à un état de faiblesse
ou à une maladie, victime d’une agression
ou de maltraitance commise par un tiers peut
entrer dans le cadre de l’art. 453 CC parce
qu’elle n’est plus en mesure elle-même de
repousser le danger.
En ce qui concerne les tiers, l’art. 453 CC
exige qu’il y ait un danger réel d’un crime
(infractions passibles d’une peine de priva­
tion de liberté supérieure à trois ans) ou
d’un délit (infractions passibles d’une peine
privative de trois ans au plus ou d’une peine
pécuniaire) au sens de l’art. 10 CP. A titre
d’exemple, le meurtre est un crime, alors
que l’homicide par négligence, les lésions
corporelles simples, violation de domicile,
sont des délits.
La formulation de l’art. 453 al. 1 CC laisse
une marge d’appréciation large mais justifie
également qu’elle doit «être interprétée res­
trictivement».h
Obligation de collaborer
Selon le Message du Conseil fédéral :
«Dans des situations exceptionnelles, il est
nécessaire que l’autorité de protection de
l’adulte collabore avec les services concer­
nés et avec la police pour protéger des tiers
ou la personne ayant besoin d’aide… Une
action coordonnée empêche en particulier
des mesures contradictoires, ce qui est
aussi dans l’intérêt de la personne qui a be­
soin d’aide… L’obligation de collaborer est
une tâche de l’autorité de protection…».
Autorités concernées
Les autorités concernées par l’obligation
de collaborer sont l’autorité de protection
de l’adulte ou sur délégation le curateur,i la
police et les services concernés. Cette der­
nière notion comprend, selon le Message
du Conseil fédéral,j « toutes sortes de ser­
vices, comme par exemple, les services so­
ciaux et psychiatriques, l’aide aux victimes,
les soins à domicile, le conseil en matière
de dettes, l’institution de l’assurance sociale,
les tribunaux, les autorités de poursuite et
les autorités d’exécution des peines… les
mandataires pour cause d’inaptitude ou les
proches disposant du pouvoir de représen­
tation ne tombent pas sous le coup de cette
disposition».
Collaboration
La collaboration peut consister en infor­
mations réciproques ou en réunions, con­
trôle de qualité ou directives quant à la ma­
nière de procéder dans une situation parti­
culière. La transmission d’informations porte
atteinte «au droit de la personne concernée
à l’autodétermination informationnelle», c’est-
à-dire le droit de gérer les informations per­
sonnelles reçues et celles qui sont commu­
niquées à des tiers. «L’art. 453 al. 1 CC
donne une base légale pour l’atteinte à ce
droit fondamental», toutefois, le principe de
proportionnalité devra être respecté en limi­
tant au strict nécessaire les informations
transmises.k
A noter encore que l’art. 453 CC ne
concerne que les adultes ; pour les enfants,
c’est l’art. 317 CC qui règle la collaboration
entre autorités.
Droit de transmettre des infor-
mations des personnes astreintes
au secret de fonction et au secret
professionnel à l’autorité de pro-
tection de l’adulte
L’art. 453 al. 2 CC prévoit que dans les
circonstances de risque sérieux de mise
en danger de la personne ou de tiers, dé­
crites ci-dessus, les personnes astreintes
au secret de fonction et au secret profes­
sionnel sont autorisées à communiquer les
informations nécessaires à l’autorité de pro­
tection de l’adulte. Selon Cottier et Hässler,
d	 Cf. Steinauer PH, Fountoulakis C. Droit des personnes
physiques et de la protection de l’adulte. Berne : Staempfli
2014, p. 448.
e	 Schaller JM. Art. 397a. In Honsell H. OR KurzKommentar.
Bâle : Helbing Lichtenhahn 2014, p. 1437-8. Fellmann W.
Meldepflicht des Beauftragten nach art. 397a OR. Droit de
l’avocat 8/13, p. 354-7.
f	 Message du Conseil fédéral concernant la révision du code
civil suisse (Protection de l’adulte, droit des personnes et
droit de la filiation) du 28 juin 2006. Feuille fédérale FF
2006 p. 6722 (ci-après Message du Conseil fédéral 2006)
et Meier P, Lukic S. Introduction au nouveau droit de la
protection de l’adulte. Genève, Zurich, Bâle : Schulthess
2011, p. 66.
g	 Cottier/Hässler. Art. 453. In Leuba A, et coll. Ibid. 2013,
p. 976-7.
h	 Cottier/Hässler. Art. 453. In Leuba A, et coll. Ibid. 2013,
p. 976.
i	 Message du Conseil fédéral 2006, p. 6722.
j	 Message du Conseil fédéral 2006, p. 6723.
k	 Cottier/Hässler. Art. 453. In Leuba A, et coll. Ibid. 2013,
p. 977.
50_53_38513.indd 2 12.11.15 08:56
2192 Revue Médicale Suisse – www.revmed.ch – 18 novembre 2015
cette disposition est analogue à l’art. 364 CP
pour les mineurs qui permet de signaler à
l’autorité de protection de l’enfant, lorsque
c’est dans son intérêt, les infractions com­
mises à l’encontre d’un mineur. Le déten­
teur du secret devra donc effectuer lui-
même la pesée des intérêts selon «sa libre
appréciation et l’étendue de son mandat»
avant de décider ou non de transmettre les
informations nécessaires à l’autorité de pro­
tection de l’adulte.
Cette possibilité de communiquer des
­informations à l’autorité de protection de
l’adulte sans être délié du secret profes­
sionnel ou de fonction devrait, de l’avis des
auteurs, être utilisée exceptionnellement et
en dernier recours, soit lorsque la person­ne
concernée refuse son consentement à la
transmission des informations nécessaires
et lorsque les autres moyens d’aider la per­
sonne concernée se sont révélés inopé­
rants.
Dans la mesure du possible, du point de
vue éthique et dans le but de ménager la re­
lation médecin-patient, même si l’art. 453 CC
ne le prévoit pas, la personne concernée
sera informée quant à la transmission de
renseignements la concernant sans son
accord à l’autorité de protection de l’adulte.
Communication
L’art. 453 CC ne prévoit rien quant à la
forme de la communication qui peut ainsi
être orale ou écrite.
Le contenu de la communication est dé­
fini comme étant les informations nécessai­
res à l’autorité de protection de l’adulte pour
la protection de la personne concernée. On
peutadmettrequecesinformationspuissent
concerner non seulement la personne ayant
besoin d’aide mais également des tiers.l De
plus, au vu de l’en-tête de l’art. 453 CC
«Obligation de collaborer», on peut déduire
que l’exception au secret professionnel et
de fonction vaut pour l’ensemble des infor­
mations nécessaires à l’autorité de protec­
tion de l’adulte.
L’art. 453 CC ne précise pas le moment
de la communication. Il revient au médecin
de peser à partir de quand les conséquen­
ces qui suivront le fait de passer outre le se­
cret seront moins lourdes que celles qui
­résulteraient du fait de garder le secret.
Considérant le but poursuivi, le cas de figure
sera le plus souvent celui d’information im­
médiate.m
l	 Cf. par analogie avec l’art. 364 CP, Steck. Art. 448. In
Leuba A, et coll. Ibid. 2013, p. 878.
m	 Cottier/Hässler. Art. 453. In Leuba A, et coll. Ibid. 2013,
p. 979.
quelques exemples d’usage
de l’article 453 cc
Afin d’illustrer la pratique médicale en
rap­port avec cet article de loi concernant le
secret professionnel, trois vignettes indirec­
tement issues de situations cliniques réelles
sont présentées ci-dessous.
Situation 1
Le Dr A. est médecin généraliste en
ville. Il suit depuis quinze ans, dans le
cadre de sa consultation, Mme S., âgée
de 84 ans, veuve et sans enfant, qui pos­
sède une fortune considérable. Mme S.
est essentiellement suivie pour des rai­
sonssomatiques(insuffisancecardiaque,
polyarthrite rhumatoïde), mais le Dr A.
constate depuis quelques mois une alté­
ration des fonctions cognitives de sa pa­
tiente, qui lui a, par ailleurs, à plusieurs
reprises, indiqué avoir prêté des som­
mes d’argent considérables à des amis.
Le Dr A., inquiet pour Mme S., sollicite la
Commission du secret professionnel
(CSProf) pour pouvoir signaler la situa­
tion de sa patiente au Tribunal de protec­
tion de l’adulte (TPAE), qui est l’autorité
de protection de l’adulte dans le canton
où il exerce, dans le but de la protéger
d’éventuels abus d’ordre financier. La
CSProf renonce à entrer en matière car,
sur la base de l’article 453 CC, le Dr A.
a la possibilité d’effectuer ce signalement
au TPAE sans levée du secret profes­
sionnel préalable, la situation de Mme S
présentant les critères requis par cet ar­
ticle de loi.
Situation 2
Le Dr B. est sollicité par la concierge
de l’immeuble en face de son cabinet
pour venir examiner un de ses anciens
patients qui se trouve sur le palier d’un
escalier de secours. Lorsqu’il arrive sur
place, le Dr B. reconnaît à peine son pa­
tient, qui est ictérique, cachectique et
déshydraté. L’hygiène corporelle et ves­
timentaire est très dégradée. Le patient
refuse tout soin et toute hospitalisation.
Il dit n’avoir plus aucun contact avec sa
famille, des amis ou des proches et vivre
dans la rue. Le Dr B., estimant qu’il existe
un réel danger pour l’intégrité corporelle
du patient et que celui-ci vit dans une si­
tuation assimilable à un état d’abandon,
décide, sur la base de l’article 453 CC,
de dénoncer cette situation à l’autorité
de protection du canton où il exerce.
L’autoritéferahospitaliserlepatientcontre
sa volonté, puis décidera d’un placement
dans un établissement spécialisé.
Situation 3
Un homme de 45 ans, connu et suivi
ambulatoirement pour une pathologie
psychiatrique à type de trouble de la per­
sonnalité, déclare lors d’une consulta­
tion à son médecin psychiatre traitant, le
DrC.,qu’iléprouvedespulsionssexuelles
envers des jeunes filles pré-adolescen­
tes ; il indique toutefois être retenu de
passer à l’acte par crainte des consé­
quences pénales éventuelles.
Le Dr C. considère cependant qu’un
risque d’acte délictueux ne peut pas être
écarté et il souhaite informer une autorité
de justice ou de police dans le but de
protéger d’éventuelles victimes et le pa­
tient lui-même. Il ne souhaite cependant
pas informer son patient de ses dé­
marches, de crainte que cette annonce
entraîne un passage à l’acte ou une fuite
du patient.
Ayant pris contact avec un service juri­
dique professionnel, le médecin se voit
invité à choisir entre faire une demande
de levée du secret médical par la Com­
mission du secret professionnel ou faire
un signalement auprès de l’autorité de
protection de l’adulte du canton où il
exerce. Il choisit cette dernière solution
et adresse donc un courrier au TPAE en
se basant sur l’art. 453 CC. Ce faisant, il
renonce à signaler le cas aux autorités
de police.
conclusion
Le nouveau droit de la protection de
l’adulte, entré en vigueur le 1er janvier 2013,
s’est substitué au droit de la tutelle lequel,
pour l’essentiel, datait de 1907 et reflétait
une conception de la société inspirée du
XIXe siècle.
Les dispositions légales actuelles tien­nent
compte de l’évolution des réalités sociales,
en particulier s’agissant de l’autonomie ac­
cordée à la personne. Ce renforcement de
l’autonomie et de l’autodétermination s’ins­
crit dans la place de plus en plus centrale
qu’occupe l’individu dans nos sociétés par
rapport au collectif. Ainsi que cela a été gé­
néralement constaté, la conception du se­
cret professionnel, en particulier du secret
médical, a accompagné ce mouvement, ce
qui s’est traduit par une pratique plus res­
trictive à cet égard.
Or, les procédures tendant à la levée du
50_53_38513.indd 3 12.11.15 08:56
secret médical peuvent entrer en conflit,
par leur lourdeur et leur durée, avec les ob­
jectifs du droit de la protection de l’adulte,
notamment lorsque la personne qui a be­
soin d’aide est particulièrement exposée et
qu’une structure d’appui doit être mise en
œuvre sans délai.
Les articles 453 CC et 397a CO ap­
portent ainsi une souplesse bienvenue et
nécessaire, dès lors que ces dispositions
permettent que celui qui est lié par le secret
professionnel, qu’il s’agisse du médecin,
mais aussi, par exemple de l’avocat n ou du
notaire,o communique sans délai, aux con­
ditions que ces dispositions définissent, à
l’autorité de protection de l’adulte, les infor­
mations qui lui sont utiles pour entrepren­
dre d’instruire une cause. Ces dispositions
constituent, par conséquent, un outil non
négligeable qui contribue à l’efficacité du
nouveau droit de la protection de l’adulte.

Revue Médicale Suisse – www.revmed.ch – 18 novembre 2015 2193
Drs Gérard Niveau, Marinette Ummel
et Sandra Burkhardt
Centre universitaire romand de médecine
légale
Département de médecine
communautaire, de premier recours
et des urgences
HUG, 1211 Genève 14
gerard.niveau@hcuge.ch
marinette.ummel@hcuge.ch
sandra.burkhardt@hcuge.ch
Me Thierry Wuarin
Tribunal de protection de l’adulte
et de l’enfant
Rue des Glacis-de-Rive 6
Case postale 3950, 1211 Genève 3
thierry.wuarin@justice.ge.ch
Adresses
Implications pratiques
Le secret professionnel est une composante essentielle du respect de l’autonomie du
patient mais il constitue parfois un obstacle lorsqu’il est nécessaire de fournir à celui-ci
une aide en rapport avec une situation de danger ou de vulnérabilité
Le nouveau droit de protection de l’adulte, entré en vigueur le 1er janvier 2013, prévoit
à l’article 453 CC une exception au secret professionnel de nature à permettre au mé-
decin de signaler une situation de danger, pour le patient lui-même ou pour autrui
Le signalement doit dans ce cas être adressé à l’autorité de protection de l’adulte, selon
des modalités et une temporalité qui restent à la libre appréciation du médecin
Cette exception au secret professionnel ne doit être utilisée qu’exceptionnellement et
en dernier recours, lorsque la personne concernée refuse son consentement à la trans-
mission des informations nécessaires et lorsque les autres moyens d’aider la personne
concernée se sont révélés inopérants
E
E
E
E
n	 Chappuis B. La profession d’avocat, Tome I, 2013, p 174.
o	 Mooser M. La responsabilité du notaire en relation avec
le nouveau droit de la protection de l’adulte, in RNRF
94/2013, pp.161-80.
Bibliographie
1	 Miles A. Science, humanism, judgement, ethics :
Person-centered medicine as an emergent model
of modern clinical practice.Folia Med (Plovdiv) 2013;
55:5-24.
2	** Beauchamp TL, Childress JF. Les principes de
l’éthique biomédicale. 3e éd. Paris : Les Belles Lettres,
2008.
3	 Strang DG, Molloy DW, Harrison C. Capacity to
choose place of residence :Autonomy vs beneficen­
ce ? J Palliat Care 1998;14:25-9.
4	* Burkhardt S, Niveau G, La Harpe R, Dumoulin
JF, Ummel M. Secret professionnel : généralités. In :
La Harpe R, Dumoulin JF Ummel eds. Droit de la
santé et médecine légale. Chêne-Bourg : Editions
Médecine et Hygiène, 2014.
50_53_38513.indd 4 12.11.15 08:56

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Signalement des patients adultes en situation de danger

  • 1. 2190 Revue Médicale Suisse – www.revmed.ch – 18 novembre 2015 Le secret professionnel est au cœur de la tension qui peut exister entre le respect de l’autonomie du patient et la nécessité de lui apporter l’aide né­ cessaire en situation de vulnéra­bilité ou de danger. En sus des exceptions obligatoires et non obligatoires au se­ cret médical, le nouveau droit de pro­ tection de l’adulte et de l’enfant, entré en vigueur le 1er janvier 2013, prévoit, à l’article 453 CC, que les personnes liées par le secret professionnel ou de fonc­ tion pourront signaler à l’autorité de pro­ tection la situation d’un patient qui met­ trait en danger sa vie ou son intégrité corporelle, ou représenterait ce type de danger pour autrui. Cette disposition ne devra être utilisée qu’en dernier recours, lorsque la personne concernée ne con­ sent pas à la transmission des informa­ tions nécessaires et que tout autre moyen d’aide aura été inopérant. introduction Dans une tradition de médecine huma­ niste et sociale, le rôle du médecin s’est toujours étendu à une dimension de protec­ tion et d’aide aux patients vulnérables ou en état de faiblesse.1 Ce rôle d’aide et de sou­ tien, qui dépasse la stricte fonction théra­ peutique, est sous-tendue par un principe éthiquefondamentaldebienfaisance.2 Quoi­ qu’il soit habituellement reconnu, voire at­ tendu de la part des patients et de leurs proches, ce rôle d’aide et de soutien est susceptible d’entrer en conflit dans certains cas avec la question de l’autonomie des pa­ tients, autre principe éthique fondamental, très valorisé dans le contexte social con­ temporain.3 Au centre de ce conflit, qui oppose deux visions contradictoires de la médecine, se trouve la valeur fondamentale de l’exercice médical qu’est le secret professionnel. C’est en effet bien souvent l’usage qui est fait du secret qui peut orienter l’exercice de la mé­ decine soit dans le sens de l’intervention­ nisme social, soit dans celui du respect de la liberté individuelle. Il est généralement admis que le secret professionnel, s’il est essentiel, n’a cepen­ dant pas un caractère absolu. Les excep­ tions non obligatoires au secret donnent au médecin la possibilité de choisir de privilé­ gier soit l’autonomie, soit l’aide au patient. Cependant, ces exceptions non obligatoi­res sont limitées en nombre et bien circons­ crites dans leur nature : aptitude à la con­ duite des véhicules à moteur, signalement des patients toxico-dépendants, signalement des mauvais traitements à l’égard des mi­ neurs.4 Dans de nombreuses situations où le médecin aurait voulu avoir le choix de si­ gnaler ou de s’abstenir, comme les cas de maltraitance vis-à-vis de personnes âgées ou de patients potentiellement dangereux, il se trouvait jusqu’à récemment astreint, hormis les situations d’état de nécessité ou de légitime défense prévues par le Code pénal, à solliciter l’autorité supérieure ou de surveillance, selon l’art. 321 ch. 2 Code pénal (CP), pour demander à être délié de son secret professionnel. Le nouveau droit de protection de l’adulte et de l’enfant, entré en vigueur le 1er janvier 2013, ouvre à travers l’article 453 du Code Civil (CC) une nouvelle possibilité au méde­ cin de signaler à l’autorité de protection certains patients vulnérables ou en danger. Cet article semble cependant encore mé­ connu de la grande majorité du corps médi­ cal et il peut être nécessaire de l’expliquer et de l’illustrer par quelques exemples. l’article 453 CC et sa mise en œuvre Préambule Avant d’analyser plus en détail l’art. 453 CC, il peut être utile de rappeler que plu­ sieurs dispositions légales traitent de la transmission d’informations à l’autorité de protection de l’adulte et de l’enfant. Nous nous pencherons brièvement sur les art. 443, 448, 381 al. 3 CC ainsi que l’art. 397a du Code des obligations (CO). L’art. 443 al. 1 CCa concerne le signalement d’une per­ sonne à l’autorité de protection de l’adulte et de l’enfant qui ne peut être fait qu’après avoir été délié du secret professionnel pour les personnes qui y sont tenues. L’art. 448 CCb pose les conditions de la transmission de renseignements à l’autorité de protec­ tion de l’adulte et de l’enfant en cours de procédure devant cette instance. Pour les professionnels de la santé soumis au secret professionnel, que sont «les médecins, les dentistes, les pharmaciens, les sages-fem­ mes ainsi que leurs auxiliaires», l’art. 448 al. 2 CC prévoit qu’ils sont tenus de collaborer lorsqu’ils ont été déliés du secret profes­ sionnel soit par le patient concerné, soit par l’autorité supérieure ou de surveillance au sens de l’art. 321 ch. 2 CP c. L’art. 381 CC s’inscrit dans le cadre de la représentation d’un patient incapable de discernement dans le domaine médical. Cette disposition concerne l’intervention de l’autorité de protection de l’adulte et de l’en­ fant dans les situations où il n’y a pas de personne habilitée à représenter la person­ ne incapable de discernement ou qu’aucune personne habilitée n’accepte de le faire ; elle intervient également lorsque le repré­ sentant ne peut être déterminé clairement, les représentants ne sont pas tous du même avis et les intérêts de la personne incapable de discernement sont compromis ou ris­ quent de l’être. L’autorité de protection de l’adulte agit d’office ou à la demande du mé­ decin ou d’une autre personne proche de la personne incapable de discernement. La mention du médecin indique qu’il a la qualité pour agir selon l’art. 381 CC mais ne consti­ tue pas une exception au secret profes­ Signalement des patients adultes en situation de danger L’article 453 CC, une exception méconnue au secret professionnel droit et médecine G. Niveau T. Wuarin M. Ummel S. Burkhardt Rev Med Suisse 2015 ; 11 : 2190-3 a Cf. Steck. Art. 443. In Leuba A, et coll. Protection de l’adulte. Berne : Staempfli CommFam 2013, p. 833 ss. L’art. 443 prévoit une obligation de signalement des personnes qui semblent avoir besoin d’aide pour les personnes qui ont connaissance de telles situations dans l’exercice de leur fonction officielle. L’obligation constitue une exception au secret de fonction et non au secret professionnel. Cf. Steck. Art. 443 et Art. 448. In Leuba A, et coll. Ibid. 2013, p. 838 et 875-6. b Steck. Art. 448. In Leuba A, et coll. Ibid. 2013, p. 876-8. c A noter que l’art. 448 al. 2 CC prévoit de manière nou- velle que l’autorité supérieure ou de surveillance peut être saisie directement par l’autorité de protection de l’adulte et de l’enfant. 50_53_38513.indd 1 12.11.15 08:56
  • 2. Revue Médicale Suisse – www.revmed.ch – 18 novembre 2015 2191 sionnel. Ainsi, l’art. 443 CC doit être res­ pectéd et le médecin doit être délié du se­ cret professionnel avant de pouvoir signaler à l’autorité de protection de l’adulte et de l’enfantlesproblèmesdereprésentationdans le domaine médical. L’art. 397a CO, introduit lors de la révision de droit de la protection de l’adulte, prévoit un devoir du mandataire (dont les médecins, etc.) d’informer l’autorité de protection de l’adulte lorsque le mandant est frappé d’une incapacité de discernement probablement durable, pour autant que la démarche pa­ raisse appropriée au regard de la sauve­ garde de ses intérêts. Selon la doctrine,e cette disposition ne serait pas véritablement une exception au secret professionnel mais s’articulerait avec les art. 343 CC et 453 CC. Ainsi, lorsque les circonstances de l’art. 453 CC sont réalisées, le mandataire mé­ decin peut s’adresser à l’autorité de protec­ tion de l’adulte, dans les autres cas, il se fera délier de son secret professionnel par l’au­ torité compétente. Art.453 CC L’article 453 du CC est rédigé ainsi : «1S’il existe un réel danger qu’une per­ sonne ayant besoin d’aide mette en danger sa vie ou son intégrité corporelle ou com­ mette un crime ou un délit qui cause un grave dommage corporel, moral ou matériel à autrui, l’autorité de protection de l’adulte, les services concernés et la police sont te­ nus de collaborer. 2Dans un tel cas, les personnes liées par le secret de fonction ou le secret profes­ sionnel sont autorisées à communiquer les informations nécessaires à l’autorité de pro­ tection de l’adulte». But L’art. 453 CC a été créé pour assurer «dans des situations exceptionnelles»f une meilleure collaboration et un échange d’in­ formations dans les cas où il existe un dan­ ger réel qu’une personne qui a besoin d’aide se mette en danger ou cause un grave dom­ mage à autrui. Il prévoit une obligation de collaborer de l’autorité de protection de l’adulte et de l’enfant avec différentes enti­ tés. L’art 453 CC prévoit de plus, dans ces mêmes situations exceptionnelles, un droit à transmettre des informations pour des personnes astreintes au secret de fonction et au secret professionnel à l’autorité de protection de l’adulte. Mise en danger L’art. 453 CC s’applique lorsqu’il y a «un réel danger qu’une personne ayant besoin d’aide mette en danger sa vie ou son inté­ grité corporelle ou commette un crime ou un délit qui cause un grave dommage cor­ porel, moral ou matériel à autrui». Selon Cottier et Hässler,g le danger né­ cessite un degré de probabilité élevé exi­ geant un «risque sérieux qu’il y ait une at­ teinte grave». Pour la personne concernée, ceci serait le cas en présence «d’un grave état d’abandon, de tendances suicidaires, d’automutilation, ou de grave atteinte à ses propres intérêts matériels». Si l’art. 453 CC prévoit que la personne elle-même se mette en danger, il nous semble qu’on peut égale­ ment admettre qu’une personne en situation de vulnérabilité due à un état de faiblesse ou à une maladie, victime d’une agression ou de maltraitance commise par un tiers peut entrer dans le cadre de l’art. 453 CC parce qu’elle n’est plus en mesure elle-même de repousser le danger. En ce qui concerne les tiers, l’art. 453 CC exige qu’il y ait un danger réel d’un crime (infractions passibles d’une peine de priva­ tion de liberté supérieure à trois ans) ou d’un délit (infractions passibles d’une peine privative de trois ans au plus ou d’une peine pécuniaire) au sens de l’art. 10 CP. A titre d’exemple, le meurtre est un crime, alors que l’homicide par négligence, les lésions corporelles simples, violation de domicile, sont des délits. La formulation de l’art. 453 al. 1 CC laisse une marge d’appréciation large mais justifie également qu’elle doit «être interprétée res­ trictivement».h Obligation de collaborer Selon le Message du Conseil fédéral : «Dans des situations exceptionnelles, il est nécessaire que l’autorité de protection de l’adulte collabore avec les services concer­ nés et avec la police pour protéger des tiers ou la personne ayant besoin d’aide… Une action coordonnée empêche en particulier des mesures contradictoires, ce qui est aussi dans l’intérêt de la personne qui a be­ soin d’aide… L’obligation de collaborer est une tâche de l’autorité de protection…». Autorités concernées Les autorités concernées par l’obligation de collaborer sont l’autorité de protection de l’adulte ou sur délégation le curateur,i la police et les services concernés. Cette der­ nière notion comprend, selon le Message du Conseil fédéral,j « toutes sortes de ser­ vices, comme par exemple, les services so­ ciaux et psychiatriques, l’aide aux victimes, les soins à domicile, le conseil en matière de dettes, l’institution de l’assurance sociale, les tribunaux, les autorités de poursuite et les autorités d’exécution des peines… les mandataires pour cause d’inaptitude ou les proches disposant du pouvoir de représen­ tation ne tombent pas sous le coup de cette disposition». Collaboration La collaboration peut consister en infor­ mations réciproques ou en réunions, con­ trôle de qualité ou directives quant à la ma­ nière de procéder dans une situation parti­ culière. La transmission d’informations porte atteinte «au droit de la personne concernée à l’autodétermination informationnelle», c’est- à-dire le droit de gérer les informations per­ sonnelles reçues et celles qui sont commu­ niquées à des tiers. «L’art. 453 al. 1 CC donne une base légale pour l’atteinte à ce droit fondamental», toutefois, le principe de proportionnalité devra être respecté en limi­ tant au strict nécessaire les informations transmises.k A noter encore que l’art. 453 CC ne concerne que les adultes ; pour les enfants, c’est l’art. 317 CC qui règle la collaboration entre autorités. Droit de transmettre des infor- mations des personnes astreintes au secret de fonction et au secret professionnel à l’autorité de pro- tection de l’adulte L’art. 453 al. 2 CC prévoit que dans les circonstances de risque sérieux de mise en danger de la personne ou de tiers, dé­ crites ci-dessus, les personnes astreintes au secret de fonction et au secret profes­ sionnel sont autorisées à communiquer les informations nécessaires à l’autorité de pro­ tection de l’adulte. Selon Cottier et Hässler, d Cf. Steinauer PH, Fountoulakis C. Droit des personnes physiques et de la protection de l’adulte. Berne : Staempfli 2014, p. 448. e Schaller JM. Art. 397a. In Honsell H. OR KurzKommentar. Bâle : Helbing Lichtenhahn 2014, p. 1437-8. Fellmann W. Meldepflicht des Beauftragten nach art. 397a OR. Droit de l’avocat 8/13, p. 354-7. f Message du Conseil fédéral concernant la révision du code civil suisse (Protection de l’adulte, droit des personnes et droit de la filiation) du 28 juin 2006. Feuille fédérale FF 2006 p. 6722 (ci-après Message du Conseil fédéral 2006) et Meier P, Lukic S. Introduction au nouveau droit de la protection de l’adulte. Genève, Zurich, Bâle : Schulthess 2011, p. 66. g Cottier/Hässler. Art. 453. In Leuba A, et coll. Ibid. 2013, p. 976-7. h Cottier/Hässler. Art. 453. In Leuba A, et coll. Ibid. 2013, p. 976. i Message du Conseil fédéral 2006, p. 6722. j Message du Conseil fédéral 2006, p. 6723. k Cottier/Hässler. Art. 453. In Leuba A, et coll. Ibid. 2013, p. 977. 50_53_38513.indd 2 12.11.15 08:56
  • 3. 2192 Revue Médicale Suisse – www.revmed.ch – 18 novembre 2015 cette disposition est analogue à l’art. 364 CP pour les mineurs qui permet de signaler à l’autorité de protection de l’enfant, lorsque c’est dans son intérêt, les infractions com­ mises à l’encontre d’un mineur. Le déten­ teur du secret devra donc effectuer lui- même la pesée des intérêts selon «sa libre appréciation et l’étendue de son mandat» avant de décider ou non de transmettre les informations nécessaires à l’autorité de pro­ tection de l’adulte. Cette possibilité de communiquer des ­informations à l’autorité de protection de l’adulte sans être délié du secret profes­ sionnel ou de fonction devrait, de l’avis des auteurs, être utilisée exceptionnellement et en dernier recours, soit lorsque la person­ne concernée refuse son consentement à la transmission des informations nécessaires et lorsque les autres moyens d’aider la per­ sonne concernée se sont révélés inopé­ rants. Dans la mesure du possible, du point de vue éthique et dans le but de ménager la re­ lation médecin-patient, même si l’art. 453 CC ne le prévoit pas, la personne concernée sera informée quant à la transmission de renseignements la concernant sans son accord à l’autorité de protection de l’adulte. Communication L’art. 453 CC ne prévoit rien quant à la forme de la communication qui peut ainsi être orale ou écrite. Le contenu de la communication est dé­ fini comme étant les informations nécessai­ res à l’autorité de protection de l’adulte pour la protection de la personne concernée. On peutadmettrequecesinformationspuissent concerner non seulement la personne ayant besoin d’aide mais également des tiers.l De plus, au vu de l’en-tête de l’art. 453 CC «Obligation de collaborer», on peut déduire que l’exception au secret professionnel et de fonction vaut pour l’ensemble des infor­ mations nécessaires à l’autorité de protec­ tion de l’adulte. L’art. 453 CC ne précise pas le moment de la communication. Il revient au médecin de peser à partir de quand les conséquen­ ces qui suivront le fait de passer outre le se­ cret seront moins lourdes que celles qui ­résulteraient du fait de garder le secret. Considérant le but poursuivi, le cas de figure sera le plus souvent celui d’information im­ médiate.m l Cf. par analogie avec l’art. 364 CP, Steck. Art. 448. In Leuba A, et coll. Ibid. 2013, p. 878. m Cottier/Hässler. Art. 453. In Leuba A, et coll. Ibid. 2013, p. 979. quelques exemples d’usage de l’article 453 cc Afin d’illustrer la pratique médicale en rap­port avec cet article de loi concernant le secret professionnel, trois vignettes indirec­ tement issues de situations cliniques réelles sont présentées ci-dessous. Situation 1 Le Dr A. est médecin généraliste en ville. Il suit depuis quinze ans, dans le cadre de sa consultation, Mme S., âgée de 84 ans, veuve et sans enfant, qui pos­ sède une fortune considérable. Mme S. est essentiellement suivie pour des rai­ sonssomatiques(insuffisancecardiaque, polyarthrite rhumatoïde), mais le Dr A. constate depuis quelques mois une alté­ ration des fonctions cognitives de sa pa­ tiente, qui lui a, par ailleurs, à plusieurs reprises, indiqué avoir prêté des som­ mes d’argent considérables à des amis. Le Dr A., inquiet pour Mme S., sollicite la Commission du secret professionnel (CSProf) pour pouvoir signaler la situa­ tion de sa patiente au Tribunal de protec­ tion de l’adulte (TPAE), qui est l’autorité de protection de l’adulte dans le canton où il exerce, dans le but de la protéger d’éventuels abus d’ordre financier. La CSProf renonce à entrer en matière car, sur la base de l’article 453 CC, le Dr A. a la possibilité d’effectuer ce signalement au TPAE sans levée du secret profes­ sionnel préalable, la situation de Mme S présentant les critères requis par cet ar­ ticle de loi. Situation 2 Le Dr B. est sollicité par la concierge de l’immeuble en face de son cabinet pour venir examiner un de ses anciens patients qui se trouve sur le palier d’un escalier de secours. Lorsqu’il arrive sur place, le Dr B. reconnaît à peine son pa­ tient, qui est ictérique, cachectique et déshydraté. L’hygiène corporelle et ves­ timentaire est très dégradée. Le patient refuse tout soin et toute hospitalisation. Il dit n’avoir plus aucun contact avec sa famille, des amis ou des proches et vivre dans la rue. Le Dr B., estimant qu’il existe un réel danger pour l’intégrité corporelle du patient et que celui-ci vit dans une si­ tuation assimilable à un état d’abandon, décide, sur la base de l’article 453 CC, de dénoncer cette situation à l’autorité de protection du canton où il exerce. L’autoritéferahospitaliserlepatientcontre sa volonté, puis décidera d’un placement dans un établissement spécialisé. Situation 3 Un homme de 45 ans, connu et suivi ambulatoirement pour une pathologie psychiatrique à type de trouble de la per­ sonnalité, déclare lors d’une consulta­ tion à son médecin psychiatre traitant, le DrC.,qu’iléprouvedespulsionssexuelles envers des jeunes filles pré-adolescen­ tes ; il indique toutefois être retenu de passer à l’acte par crainte des consé­ quences pénales éventuelles. Le Dr C. considère cependant qu’un risque d’acte délictueux ne peut pas être écarté et il souhaite informer une autorité de justice ou de police dans le but de protéger d’éventuelles victimes et le pa­ tient lui-même. Il ne souhaite cependant pas informer son patient de ses dé­ marches, de crainte que cette annonce entraîne un passage à l’acte ou une fuite du patient. Ayant pris contact avec un service juri­ dique professionnel, le médecin se voit invité à choisir entre faire une demande de levée du secret médical par la Com­ mission du secret professionnel ou faire un signalement auprès de l’autorité de protection de l’adulte du canton où il exerce. Il choisit cette dernière solution et adresse donc un courrier au TPAE en se basant sur l’art. 453 CC. Ce faisant, il renonce à signaler le cas aux autorités de police. conclusion Le nouveau droit de la protection de l’adulte, entré en vigueur le 1er janvier 2013, s’est substitué au droit de la tutelle lequel, pour l’essentiel, datait de 1907 et reflétait une conception de la société inspirée du XIXe siècle. Les dispositions légales actuelles tien­nent compte de l’évolution des réalités sociales, en particulier s’agissant de l’autonomie ac­ cordée à la personne. Ce renforcement de l’autonomie et de l’autodétermination s’ins­ crit dans la place de plus en plus centrale qu’occupe l’individu dans nos sociétés par rapport au collectif. Ainsi que cela a été gé­ néralement constaté, la conception du se­ cret professionnel, en particulier du secret médical, a accompagné ce mouvement, ce qui s’est traduit par une pratique plus res­ trictive à cet égard. Or, les procédures tendant à la levée du 50_53_38513.indd 3 12.11.15 08:56
  • 4. secret médical peuvent entrer en conflit, par leur lourdeur et leur durée, avec les ob­ jectifs du droit de la protection de l’adulte, notamment lorsque la personne qui a be­ soin d’aide est particulièrement exposée et qu’une structure d’appui doit être mise en œuvre sans délai. Les articles 453 CC et 397a CO ap­ portent ainsi une souplesse bienvenue et nécessaire, dès lors que ces dispositions permettent que celui qui est lié par le secret professionnel, qu’il s’agisse du médecin, mais aussi, par exemple de l’avocat n ou du notaire,o communique sans délai, aux con­ ditions que ces dispositions définissent, à l’autorité de protection de l’adulte, les infor­ mations qui lui sont utiles pour entrepren­ dre d’instruire une cause. Ces dispositions constituent, par conséquent, un outil non négligeable qui contribue à l’efficacité du nouveau droit de la protection de l’adulte. Revue Médicale Suisse – www.revmed.ch – 18 novembre 2015 2193 Drs Gérard Niveau, Marinette Ummel et Sandra Burkhardt Centre universitaire romand de médecine légale Département de médecine communautaire, de premier recours et des urgences HUG, 1211 Genève 14 gerard.niveau@hcuge.ch marinette.ummel@hcuge.ch sandra.burkhardt@hcuge.ch Me Thierry Wuarin Tribunal de protection de l’adulte et de l’enfant Rue des Glacis-de-Rive 6 Case postale 3950, 1211 Genève 3 thierry.wuarin@justice.ge.ch Adresses Implications pratiques Le secret professionnel est une composante essentielle du respect de l’autonomie du patient mais il constitue parfois un obstacle lorsqu’il est nécessaire de fournir à celui-ci une aide en rapport avec une situation de danger ou de vulnérabilité Le nouveau droit de protection de l’adulte, entré en vigueur le 1er janvier 2013, prévoit à l’article 453 CC une exception au secret professionnel de nature à permettre au mé- decin de signaler une situation de danger, pour le patient lui-même ou pour autrui Le signalement doit dans ce cas être adressé à l’autorité de protection de l’adulte, selon des modalités et une temporalité qui restent à la libre appréciation du médecin Cette exception au secret professionnel ne doit être utilisée qu’exceptionnellement et en dernier recours, lorsque la personne concernée refuse son consentement à la trans- mission des informations nécessaires et lorsque les autres moyens d’aider la personne concernée se sont révélés inopérants E E E E n Chappuis B. La profession d’avocat, Tome I, 2013, p 174. o Mooser M. La responsabilité du notaire en relation avec le nouveau droit de la protection de l’adulte, in RNRF 94/2013, pp.161-80. Bibliographie 1 Miles A. Science, humanism, judgement, ethics : Person-centered medicine as an emergent model of modern clinical practice.Folia Med (Plovdiv) 2013; 55:5-24. 2 ** Beauchamp TL, Childress JF. Les principes de l’éthique biomédicale. 3e éd. Paris : Les Belles Lettres, 2008. 3 Strang DG, Molloy DW, Harrison C. Capacity to choose place of residence :Autonomy vs beneficen­ ce ? J Palliat Care 1998;14:25-9. 4 * Burkhardt S, Niveau G, La Harpe R, Dumoulin JF, Ummel M. Secret professionnel : généralités. In : La Harpe R, Dumoulin JF Ummel eds. Droit de la santé et médecine légale. Chêne-Bourg : Editions Médecine et Hygiène, 2014. 50_53_38513.indd 4 12.11.15 08:56