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LA PRATIQUE INFIRMIÈRE EN MILIEU CARCÉRAL : DES DÉTENUS
POUR PATIENTS
Marie Alderson et al.
A.R.S.I. | Recherche en soins infirmiers
2013/2 - N° 113
pages 95 à 95
ISSN 0297-2964
Article disponible en ligne à l'adresse:
--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
http://www.cairn.info/revue-recherche-en-soins-infirmiers-2013-2-page-95.htm
--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
Pour citer cet article :
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Alderson Marie et al., « La pratique infirmière en milieu carcéral : des détenus pour patients »,
Recherche en soins infirmiers, 2013/2 N° 113, p. 95-95.
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Pour citer l’article :
ALDERSON M, SAINT-JEAN M, THERRIAULT PY, RHÉAUME J, RUELLAND I, LAVOIE M. La pratique infirmière en milieu carcéral :
des détenus pour patients. Recherche en soins infirmiers, juin 2013 ; 113 : 95-106
Adresse de correspondance :
Marie ALDERSON : marie.alderson@umontreal.ca
VARIATION
RÉSUMÉ
Il existe peu d’études investiguant le travail d’infirmière et d’infirmier en milieu
carcéral. L’objectif de cet article est de décrire, à partir des données d’une enquête
en psychodynamique du travail et d’une revue des écrits, la pratique de l’infirmière et
de l’infirmier en milieu carcéral à sécurité maximale. Trois infirmiers et deux infirmières
ont participé à trois entrevues collectives de deux heures chacune. L’étendue de
la pratique infirmière ; l’autonomie ainsi que la collaboration avec les médecins ; la
dispensation de soins empreints de non-jugement, d’humanité et de caring ; le désir
de faire la différence dans la vie des détenus ; la fierté reliée à l’inusité ainsi que la
reconnaissance des pairs et des détenus ressortent comme des sources centrales de
plaisir au travail. La réhabilitation constituant un beau mot bien plus qu’une réalité ; le
paradoxe entre les soins et la sécurité ; le caractère anxiogène du travail en solitaire ;
la peur des poursuites judiciaires et le sentiment d’être continuellement observés se
dégagent comme des sources de souffrance. Les résultats sont discutés en considérant
les questions de dissociation entre le patient et le détenu, de non-contamination de
l’identité soignante par le lieu d’exercice, de plénitude de rôle et de sublimation. La
conclusion souligne la tension entre sécurité et caring, distance et proximité.
Mots clés : Milieu carcéral, infirmières/infirmiers, santé mentale au travail.
Marie Alderson
Ph.D., Professeure agrégée, Faculté des sciences infirmières, Université de Montréal.
Micheline Saint-Jean
M.Sc., Professeure agrégée retraitée, Faculté de médecine - Programme d’ergothérapie, Université de Montréal
Pierre-Yves Therriault
Ph.D., Professeur adjoint, Faculté de médecine - Programme d’ergothérapie, Université de Montréal
Jacques Rhéaume
Ph.D., Professeur émérite, Faculté de communication, Université du Québec à Montréal
Isabelle Ruelland
Chargée de cours, Faculté de communication et de l’École de travail social, Université du Québec à Montréal
Myriam Lavoie
Consultante, Les ergonomes associés du Québec
La pratique infirmière en milieu carcéral :
des détenus pour patients
Nursing in prison : inmates as patients
Recherche en soins infirmiers n° 113 - Juin 2013 l
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95
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96 l Recherche en soins infirmiers n° 113 - Juin 2013
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INTRODUCTION
Une enquête en psychodynamique du travail a été réalisée
de 2006 à 2008 dans un pénitencier suite à des événements
critiques ayant mis en lumière une détresse psychologique
importante chez l’ensemble des travailleurs. Des psychologues,
chargés du débriefing (évaluation post-événementielle) ont
relié cette détresse psychologique à un malaise plus global,
ayant des liens avec l’ensemble du fonctionnement de
l’établissement et ce, depuis plusieurs années. Ils rapportent
la situation à la direction régionale du programme d’aide aux
employés. Une demande est adressée à des chercheurs pour
la réalisation d’une étude approfondie du milieu. Ces derniers
proposent une enquête en psychodynamique du travail.
Ce pénitencier concerne une population de détenus ayant
commis des actes violents ; 52 % des employés ont décidé de
participer à l’enquête et 26 groupes de discussion, constitués
de travailleurs occupant des fonctions similaires dans
l’établissement, ont été créés. Ainsi, il y avait des groupes
rassemblant des agents correctionnels, des surveillants, des
agents de libération conditionnelle, des agents de programme,
des cadres intermédiaires, des commis, des employés du
service de santé, des éducateurs d’ateliers industriels, des
employés des services techniques et des employés des
services alimentaires.
L’objectif de cet article est de décrire, à partir des données
d’une enquête en psychodynamique du travail et d’une revue
des écrits, la pratique de l’infirmière et de l’infirmier en milieu
carcéral à sécurité maximale. Ce faisant il contribuera à mieux
faire connaître le travail d’infirmière et d’infirmier en milieu
carcéral. En effet, si beaucoup d’études et d’articles traitent de
la pratique infirmière en général, nettement moins abordent
ladite pratique en milieu carcéral (Drake, 1998) [1].
Dans cet environnement inhabituel de travail, les infirmières
et infirmiers ont à composer avec des phénomènes divers
et complexes : problèmes de santé mentale, toxicomanie,
suicide, violence, tensions interculturelles, propagation de
maladies infectieuses (hépatite, sida), utilisation abusive de
médicaments d’ordonnance, décès causés par des blessures
que s’infligent les détenus (automutilation) ou que d’autres
détenus leur infligent, symptômes de sevrage, solitude, etc. De
manière générale, ces patients bénéficient peu de la sympathie
du public alors qu’ils nécessitent pourtant d’importants soins
et services auxquels ils ont droit.
Les infirmières et infirmiers œuvrant en milieu carcéral font
l’expérience de réalités fort différentes de celles décrites
en milieux hospitalier ou communautaire (Boudoukha,
Hautekeete, Hautekeete-Sence, Cousine, Calesse, 2009) [2] ;
ceci les amène à se questionner sur leur positionnement
au sein de cette relation de soins spécifique (Corvest,
Royer, Dugardin, 2011) [3]. Ramahavita, 2007, [4] note :
« La complexité de la relation soignant-soigné réside dans
le fait qu’elle est duelle. […] Ainsi, le contact entre les
deux sera déterminé par leurs attentes, leurs peurs, leurs
représentations respectives à ce moment précis. Tout l’enjeu
de la responsabilité infirmière se trouve dans sa possibilité de
donner à l’autre l’opportunité de s’inscrire dans une relation
de soin, ce qui est l’objectif de toute relation soignante ».
Cependant et comme le souligne cette dernière : « Dans
l’univers carcéral, le soin n’est pas prépondérant, d’autres
valeurs comme la sécurité sont prioritaires, et cela change
l’approche du soin. Ainsi, la structure de soins intégrée à la
prison est un morceau de l’hôpital dans un lieu d’application
de peine ». Les sociologues Bessin et Lechien (2000, 7) [5]
parlent d’ailleurs d’une enclave, voire même d’un « hôpital
incarcéré » pour référer au Service ou au Centre de santé
de l’établissement pénitentiaire.
There are very few studies investigating the work nurses do in prisons. Based on data
stemming from a research in Psychodynamics of Work and a literature review, this
paper describes nursing practices in a Canadian penitentiary institution.
Three male nurses and two female nurses participated in three two-hour long focus
group sessions. Central sources of pleasure that emerged from the focus groups
were the scope of nursing care practice ; the autonomy and collaboration with
physicians ; nursing care practices devoid of moral value judgments, the humanitarian
approach, caring and the wish to make a difference in the lives of the inmates ; the
pride connected to this unusual professional context, and the recognition by peers
and inmates. The main sources of suffering on the other hand were the feeling that
rehabilitation was more an ideal than reality ; the paradox of providing both care
and safety ; the scary characteristics of working alone ; the fear of lawsuits, and the
feeling of being observed continuously. The resulting data we discuss show the issues
of a certain dissociation that exists between the patient and the inmate, the fear of
contamination of a healthcare nursing identity by the place of practice, but also the
feeling of plenitude and sublimation. The conclusion stresses the tension that exists
between security and caring, distance and proximity.
Key words : Prison, mental health at work.
ABSTRACT
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Recherche en soins infirmiers n° 113 - Juin 2013 l
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97
La pratique infirmière en milieu carcéral :
des détenus pour patients
La relation soignant-soigné est à la base du travail infirmier ;
elle se traduit par une relation d’aide qui, sans être exclusive
à la profession infirmière, en constitue néanmoins l’essence.
La relation d’aide réfère à un accompagnement de la
personne, visant « la compréhension profonde (ou nouvelle)
de ce qui se passe pour le demandeur, la découverte de la
manière dont il éprouve la situation qui lui fait problème,
la clarification progressive de son vécu et la recherche de
moyens ou de ressources permettant un changement »
(Salomé, 1986, 108) [6].
Pour réaliser et réussir cet accompagnement, l’aidant
doit, selon Rogers (1942, 94) [7] détenir quatre qualités :
« une chaleur et une émotion sympathiques », une certaine
permissivité permettant l’expression des sentiments, la
capacité d’instaurer des limites thérapeutiques et l’absence de
« toute forme de pression ou de coercition dans l’entretien
d’aide » contribuant ainsi à la création d’un climat de confiance,
qui « permet à la personne écoutée d’exprimer au maximum
ses sentiments, attitudes et problèmes » (p. 118). Un retour
sera fait dans le cadre de la discussion, sur des thématiques
entourant l’accompagnement et la relation d’aide en milieu
carcéral.
Après avoir présenté les cadres théorique et méthodologique
de l’enquête ayant contribué à recueillir les résultats sur
lesquels s’appuie le présent article, il est fait état de la place
qu’occupent les soins infirmiers au sein du milieu carcéral.
Cette information permet de situer et de contextualiser
le phénomène d’intérêt autour duquel gravite l’article, à
savoir : la pratique infirmière en milieu carcéral. Ensuite et
conformément aux concepts centraux de la psychodynamique
du travail, les résultats sont présentés en référant aux sources
communes de plaisir et de souffrance au travail qui se
dégagent des propos des participants. A des fins d’illustration,
certains résultats sont assortis de verbatim recueillis lors
des rencontres. De plus, des résultats sont commentés
par des écrits recensés qui corroborent ou infirment ces
premiers. Cette option fut privilégiée afin de permettre que
la dernière section, à savoir : la discussion, puisse soulever
des questionnements quelque peu plus globaux comme par
exemple, les stratégies défensives (autre concept central de
la psychodynamique du travail) déployées par les infirmières
et infirmiers rencontrés. Une conclusion clôt l’article tout
en ouvrant sur des pistes de réflexion pour des études
ultérieures.
CADRE DE RéFéRENCE ET
MéTHODE
La psychodynamique du travail a pour objet le rapport entre
le travail et la santé mentale ; elle repose sur l’hypothèse d’un
lien étroit entre l’organisation du travail et ce qu’elle génère
comme « plaisir-souffrance » et « équilibre psychique ».
L’organisation du travail structure les rapports sociaux
vécus à travers des relations hiérarchiques (verticales) et
entre les collègues (horizontales) (Carpentier-Roy, Vézina,
2000) [8].
Selon cette approche, la souffrance est inévitable à tout travail
qui porte aussi en lui la promesse de l’expérience du plaisir.
Cependant, quand le travail devient l’expérience répétée de
la souffrance, que l’organisation du travail ne permet pas son
dépassement et sape tout plaisir, le travail devient un lieu
à risque pour la santé psychologique (Alderson, Saint-Jean,
Rhéaume, Ruelland, 2011) [9].
Au-delà des expériences individuelles, la psychodynamique
du travail s’intéresse à ce qui est vécu collectivement dans
le travail ; l’expérience concrète de travail est partagée le
plus authentiquement possible. Au centre de la démarche
est posée la prémisse théorique que le travailleur demeure
le mieux placé pour exprimer et comprendre comment il
vit son rapport au travail ainsi que les sources de plaisir et
de souffrance que ce dernier génère (Alderson, Saint-Jean,
Rhéaume, Ruelland, 2011) [9]. Cette démarche de recherche
repose sur une approche méthodologique interprétative
basée sur le caractère central de la subjectivité dans les
rapports de travail.
Trois infirmiers et deux infirmières ont participé à l’enquête
en psychodynamique du travail. Deux chercheurs, assistés
d’un agent de recherche, ont encadré trois entretiens
collectifs. Avec l’accord des participants, les rencontres
ont été enregistrées sur support audionumérique aux fins
d’analyse. Ils ont participé à quatre rencontres d’environ
trois heures chacune. Les deux premières visaient à mettre
en commun le vécu du travail. Suite à ces deux rencontres,
les chercheurs ont mis en commun les propos recueillis afin
de les interpréter. L’analyse a été soumise et entérinée par
les participants lors de la troisième rencontre. Elle a donné
lieu à des discussions, des approbations, des nuances et des
précisions. Par la suite, un rapport a été écrit et présenté
aux participants lors de la quatrième rencontre ; l’objectif
de cette dernière étant d’en arriver à une version acceptée
de tous (Dejours, 2000) [10].
Dans l’intérêt des lecteurs, la section ci-après décrit comment
est organisée la prise en charge des besoins en soins et
services de santé des détenus et le rôle joué par les infirmières
et les infirmiers au sein de l’univers carcéral.
LA PIERRE ANGULAIRE DES
SERVICES DE SANTé EN
MILIEU CARCéRAL : LES SOINS
INFIRMIERS
Selon la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté
sous condition, il revient au Service Correctionnel du Canada
(SCC) de veiller à ce que chaque détenu reçoive les soins
de santé essentiels. Chacun doit avoir accès, dans la mesure
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98 l Recherche en soins infirmiers n° 113 - Juin 2013
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du possible, aux soins qui peuvent faciliter sa réadaptation
et sa réinsertion sociale, encourageant la responsabilité
individuelle et contribuant à la sécurité des collectivités
(Service correctionnel Canada, 2012) [11]. La prestation
des soins est assurée par les Services de santé du SCC,
lequel comprend des professionnels de la santé agréés ou
autorisés au Canada.
Les infirmiers sont la pierre angulaire des opérations des
Services de santé du SCC et les principaux fournisseurs de
soins de santé de quelque 21 000 détenus sous la garde et
la surveillance du SCC. L’équipe de soins infirmiers du SCC
compte plus de 700 infirmiers et infirmières qui travaillent dans
des cliniques situées dans les établissements correctionnels du
SCC. Il s’agit du groupe le plus nombreux de professionnels
de la santé œuvrant dans le système correctionnel (Service
correctionnel Canada, 2012) [12].
Si les soins infirmiers en milieu correctionnel avaient
jadis mauvaise réputation, le milieu attire de plus en plus
d’infirmières et d’infirmiers très qualifiés détenant des
expériences professionnelles variées et des savoir-faire
divers (Service correctionnel Canada, 2012) [12]. Ils ont
accès à de la formation et à des cours de perfectionnement
continus et spécialisés dans un large éventail de domaines,
allant de la santé mentale et de la toxicomanie aux soins
chroniques. Au moyen d’une combinaison de formations,
d’éthique professionnelle et de qualités personnelles, les
soins infirmiers en milieu carcéral visent à améliorer la santé
des détenus (Service correctionnel Canada, 2012) [13]. Il
existe des similitudes entre les soins de santé offerts dans les
établissements correctionnels et ceux offerts au grand public ;
comme le reste de la population, la population carcérale
est, en effet, vieillissante et aux prises avec des maladies
du cœur et le diabète (Moncrieff, 2010) [14]. Cela dit, des
particularités caractérisent leur travail, lesquelles semblent
intéressantes à être connues.
Ainsi et au quotidien, les infirmiers et infirmières rencontrés
dans le cadre de l’étude travaillent à l’intérieur des murs
de leur Centre de santé et disent s’y sentir en sécurité.
Des détenus y sont hospitalisés pour de courts séjours et
la sécurité y demeure une occupation centrale, comme
partout ailleurs dans l’établissement. Les participants à
l’étude expriment d’emblée et sans détours que leur travail
se déploie en situation de danger : leur intégrité corporelle
mais aussi psychologique est interpellée, voire menacée, au
quotidien. Ainsi, ils développent, entre eux, des stratégies
de protection, telles le fait de ne jamais laisser un collègue
seul au centre de santé en présence d’un détenu présentant
un fort potentiel de violence.
Les infirmières et infirmiers sont aussi appelés à
aller dispenser des soins sur les différentes unités de
l’établissement carcéral où là encore, la sécurité est une
nécessité incontournable. Ils expriment que leurs outils
de travail sont convoités par certains détenus notamment
les ciseaux et les seringues qui peuvent devenir des armes
potentielles. Ainsi, il ressort de leurs propos qu’outre le
fait de requérir les compétences inhérentes à la profession
infirmière, les infirmières et infirmiers œuvrant en milieu
carcéral ont à développer des compétences importantes de
protection d’eux-mêmes et de leurs instruments. Il apparaît
qu’ils ont à concilier des exigences, somme toute, assez
contraires ou paradoxales : dispenser des soins, parfois de
proximité, tout en assurant leur propre sécurité et celle
d’autrui ; rechercher l’équilibre entre le besoin de sécurité
personnelle et les soins et services infirmiers requis par
les détenus.
Les infirmières et infirmiers rencontrés notent que leur
sécurité dépend aussi considérablement du travail des agents
de correction lesquels, du haut des passerelles, observent en
continu les attitudes et comportements des détenus. Tous
expriment unanimement et à plusieurs reprises leur profonde
reconnaissance à l’endroit des agents de correction ; ceux-ci
les protègent.
La section suivante révèle les résultats en termes de
sources de plaisir et de souffrance qui ont émergé des
rencontres.
RéSULTATS
z LES SOURCES DE PLAISIR AU
TRAVAIL
Sous l’angle de la psychodynamique du travail, le plaisir au
travail est synonyme de bien-être psychique particulièrement
lorsque l’action est en lien avec les désirs du travailleur et que
cette action ouvre sur une reconnaissance du travail accompli
lui permettant de construire son identité de travailleur
(Alderson, 2004) [15]. Ce plaisir est majoré lorsqu’il est
partagé avec les pairs dans des rapports de coopération et
de solidarité.
Les principales sources de plaisir au travail exprimées par
les participants à l’étude sont présentées dans la prochaine
sous-section.
L’étendue de la pratique infirmière
Les infirmières et infirmiers rencontrés expriment avec une
satisfaction non dissimulée, toutes sortes de problèmes de
santé et réfèrent à divers traitements curatifs spécialisés
(ex : hémodialyse, traitement de brûlures importantes).
Ils font état de l’étendue considérable de leur pratique et
soulignent la technicité croissante de leurs actes : « On a
même un patient qui est hémodialysé, … un détenu trois
jours/semaine. Maintenant, on le dialyse ici. Pour éviter de
le sortir à l’extérieur ». « Des fois on a des affaires assez
techniques, assez spéciales, assez pointues ».
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La pratique infirmière en milieu carcéral :
des détenus pour patients
Outre les soins et traitements de nature curative, les infirmiers
et infirmières rencontrés notent que leur travail gravite autour
de trois principaux pôles de prévention. Le premier pôle est
la prévention de la propagation de maladies infectieuses.
En effet, il y a un taux élevé de maladies contagieuses et de
maladies transmises sexuellement en milieu carcéral. Pour
exemple, des détenus sont porteurs du VIH ou de l’hépatite
C ou encore des deux. Il est à noter que le pourcentage de
détenus infectés par le VIH s’élève en milieu carcéral à 1,67 %
alors que, dans la population canadienne, ce taux n’est que
de 0,2 % (Service correctionnel Canada, 2012) [12]. Pour
ce qui est de l’hépatite C, le taux d’infection est de 29,3 %
chez les détenus par rapport à 0,8 % dans la population
canadienne (Moncrieff, 2010) [14]. Dans une perspective de
prévention de la transmission de maladies contagieuses, les
infirmières et infirmiers mentionnent que de l’eau de Javel
pour les aiguilles, des préservatifs et des lubrifiants sont remis
gratuitement aux détenus.
Le deuxième pôle est la prévention de l’utilisation abusive de
médicaments d’ordonnance. Près de 80 % des détenus sous
responsabilité fédérale ont un problème de dépendance
quelconque (Moncrieff, 2010) [14]. Il leur faut aussi
veiller à prévenir que les substances prescrites ne soient
consommées par d’autres personnes que les destinataires
prévus. Ainsi, les détenus qui se sont vus prescrire des
narcotiques, doivent prendre leur dose quotidienne sous
surveillance afin d’éviter qu’ils ne recrachent les comprimés
pour les donner ou les revendre à d’autres détenus. Un
agent correctionnel surveille les détenus pendant 20 minutes
après l’absorption.
Le troisième pôle est la prévention des décès causés par
des blessures que les détenus s’infligent à eux-mêmes ou à
d’autres détenus. Les participants notent qu’ils doivent veiller
à garder les médicaments sous clés, se méfier des liquides
corporels pouvant être infectés et découper ou détruire
tout article (ex : sacs et tubes intraveineux) pouvant être
récupéré par les détenus en vue de fabriquer des substances
illicites, comme par exemple, de l’alcool maison. Par ailleurs,
le taux de suicide est élevé en milieu carcéral. Ainsi, en
2004, il atteignait 86 personnes sur 100 000 alors que dans
la population générale, ce taux se chiffre à 11,3 personnes
sur 100 000 (Moncrieff, 2010) [14].
Un facteur à prendre en considération pour interpréter
les propos énoncés par les infirmières et infirmiers est le
nombre considérable – et son augmentation – de détenus
atteints de troubles mentaux graves. Les troubles mentaux
au Canada sont d’ailleurs deux ou trois fois plus fréquents
chez les détenus que dans la population générale. Les
diagnostics les plus usuels incluent les troubles psychotiques,
l’anxiété, la dépression et la personnalité antisociale (Service
correctionnel Canada) [12]. Ces divers problèmes de santé
sont généralement aggravés par des années de négligence et
l’absence de soins (Service correctionnel Canada) [12].
Cette diversité du travail, longuement décrite par les
participants, émerge de leurs propos comme étant, sans
conteste, une des principales raisons de leur choix de
carrière : travailler en milieu correctionnel n’a rien de
routinier. Ils notent que c’est un milieu optimal pour qui
veut apprendre et soulignent le caractère holistique de
l’approche de soins ainsi que l’interpellation de l’ensemble
de leurs connaissances : « On n’imagine pas à quel point
ce type de soins infirmiers est holistique et fait appel à
tout le savoir-faire infirmier. Je n’aurais peut-être jamais
fait tout ça ailleurs ». L’analogie est très souvent faite par
les participants avec leurs collègues qui travaillent dans le
grand Nord ou dans un dispensaire de brousse. Exercer
en milieu carcéral revient, pour eux, à travailler dans un
hôpital miniature ; ils disent devoir conserver en tout temps
une pleine maîtrise de l’ensemble de leurs compétences :
pas question de perdre la main ! Les propos de Picherie
(2003, 30) [16] vont dans le même sens : « Pour exercer
en milieu pénitentiaire, le soignant doit avoir acquis de
bonnes aptitudes techniques afin de pouvoir répondre à
des demandes très variées sur le plan somatique. […] De
plus, l’infirmier(ère) doit avoir une parfaite connaissance
des gestes d’urgence. Il doit être apte à secourir toute
personne en danger vital, en présence ou en l’absence du
médecin ».
Prodiguer des soins d’urgence aussi bien que des soins
palliatifs, faire la promotion de la santé publique, soutenir
les détenus toxicomanes qui suivent un programme de
sevrage, panser les blessures après une bagarre, prendre
soin d’un détenu sous dialyse, … la variété est sans aucun
doute au rendez-vous : « Beaucoup de prévention, des suivis
de traitements, toutes sortes de traitements. Il y a beaucoup
de maladies infectieuses. Donc on fait de la prévention et
on traite ».
L’autonomie, la sollicitation de leur plein
potentiel, la collaboration étroite avec les
médecins et le caractère inusité de leur travail
Contrairement à l’hôpital où la pratique des soins infirmiers
est encadrée par un système hiérarchique considérable, une
plus grande autonomie de pratique est laissée ou offerte à
chacun et chacune en milieu carcéral. L’autonomie ressort
sans ambiguïté des résultats de l’étude comme étant une
source centrale du plaisir au travail dans l’univers carcéral. Les
participants expriment prendre tous les jours des décisions
qui requièrent leur pleine expérience, leur jugement et leurs
compétences en matière d’évaluation clinique. Pour exemple,
comme le médecin n’est pas présent en permanence, les
infirmières et infirmiers sont sollicités pour effectuer les
évaluations requises préalables à toute intervention. Le
principe d’ordonnance collective soutient leur autonomie et
vient reconnaître leur expertise. Plus précisément, ce principe
fait en sorte que dans le cas des médicaments, par exemple,
certains d’entre eux ne sont pas prescrits à un individu en
particulier ; ils peuvent être administrés à tout détenu qui
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100 l Recherche en soins infirmiers n° 113 - Juin 2013
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selon le jugement de l’infirmière ou l’infirmier en démontre
le besoin. Il revient donc à ces derniers d’évaluer quand et
à quelle dose un individu a besoin de ce médicament. Ceci
exige un jugement clinique aiguisé, lequel se trouve par le
même fait reconnu et valorisé :
« On est autonome ». « On fonctionne avec des ordonnances
collectives ». « On a un médecin qui vient à l’établissement
deux fois/semaine pour voir les détenus qu’on lui réfère.
Puis il signe des ordonnances collectives qui nous donnent
le droit de faire tel, tel, tel acte. L’ordonnance collective
appartient à l’établissement. On aime cela. On a beaucoup
plus d’autonomie que dans les centres hospitaliers ».
Ainsi, l’autonomie professionnelle, facilitée et soutenue par
le principe d’ordonnances collectives, est un élément-clé
de l’appréciation positive qu’ils formulent au regard de leur
travail. Les infirmières et infirmiers rencontrés notent avec
satisfaction que leur expertise en milieu carcéral est en voie de
reconnaissance auprès de l’Ordre des Infirmières et Infirmiers
du Québec : « On commence à être reconnus… ».
Une autre illustration de la sollicitation continuelle mais
salutaire de leur jugement clinique est donnée par les
participants en exprimant qu’ils doivent toujours considérer
une possible manipulation de la part des détenus. Ils disent
trouver stimulant de travailler dans un secteur où ils ne
peuvent pas se fier aux apparences : « On ne peut pas
simplement présumer que le patient dit la vérité ». Une
infirmière prend pour exemple le fait que la plupart des
détenus savent que, s’ils se plaignent de douleurs à la
poitrine, ils seront vraisemblablement transportés à l’hôpital
car le centre de détention ne possède pas l’équipement
ou le personnel requis pour effectuer une évaluation de la
fonction cardiaque. Ils ont donc, en tant qu’infirmière et
infirmier, à procéder à une évaluation clinique rigoureuse
de l’état de santé du détenu qui rapporte des douleurs
thoraciques afin de s’assurer que d’autres motivations,
non exprimées, ne se logent pas sous ses plaintes ; ce
dernier pourrait vouloir sortir de sa cellule, voire même
de l’établissement, parce qu’il s’y sent menacé ou encore,
pour toute autre raison possible.
Le plaisir rattaché à l’autonomie dans le travail et à la
collaboration avec les médecins reconnaissant l’expertise
des infirmières et des infirmiers est relevé par divers auteurs.
Phaneuf, 2008, [17] rapporte qu’en demandant à une infirmière
œuvrant dans les prisons depuis dix ans, ce qu’elle aime dans
son travail, celle-ci énonce qu’elle a détesté son expérience de
travail de six mois dans un hôpital général et que l’autonomie
dans le travail en milieu carcéral constitue le cœur de sa
satisfaction : « […] il faut aimer le travail autonome, les défis
et la prise de décisions instantanées ». Moncrieff, 2010, [14]
relate les propos suivant d’une infirmière ayant consacré 18
ans à soigner des détenus : « Quand les médecins arrivent,
nous leur faisons part de la situation. Nous ne travaillons pas
pour eux, nous travaillons avec eux ». Moncrieff, 2010, [14]
souligne qu’une autre source de satisfaction rapportée est
le grand nombre de défis à relever ainsi que - et l’auteure
souligne : « à la grande surprise de ceux qui ne font pas
partie du système » - le « fait de prodiguer des soins à
des patients détenus ». Phaneuf, 2008, [17] corrobore le
caractère particulier des infirmières aimant travailler auprès
de détenus ; elle conclut que celles-ci appartiennent à une
catégorie à part, ce qui en soi peut aussi constituer une source
de valorisation. En effet, les participants soulignent que le fait
de travailler auprès d’une clientèle inusitée comme le sont
des détenus, revêt un caractère peu ordinaire, particulier,
voire d’exploit. Exercer cet emploi suscite de la curiosité et
de l’intérêt dans le cercle social des infirmières et infirmiers
rencontrés. Le regard que l’autre porte sur l’emploi exercé
n’est pas sans effet valorisant ce qui dénote le caractère de
défi relevé.
Un gestionnaire de services de santé dans un établissement
pénitentiaire canadien note aussi la particularité du travail
d’infirmière et d’infirmier en milieu carcéral qui peut ne pas
être adéquat pour tous : « Ça ne convient pas à tout le monde.
Lorsque j’interviewe des infirmières, je leur dis qu’elles vont
adorer et vouloir toujours y rester, ou bien s’enfuir après cinq
minutes » (Steeves, 2010) [18]. Bennett, Perry et Lapworth,
2010, [19] soulignent quant à eux le caractère central en
milieu carcéral, de l’intelligence émotionnelle, du travail
en équipe ou travail collaboratif et notent l’importance de
l’apprentissage collaboratif (collaborative learning) entre les
officiers et les infirmières (Bennett, Perry, Lapworth, Davies,
Preece, 2010) [20].
Des soins de qualité, comme à l’extérieur,
empreints de non-jugement, d’humanité et de
caring malgré le contexte
Dans leurs propos, les infirmières et infirmiers du service
de santé relèvent à diverses reprises combien ils ont à cœur
d’offrir les meilleurs soins possibles aux détenus et ce, peu
importe la raison pour laquelle ces derniers sont derrière
les barreaux. C’est d’abord un être humain qui a droit aux
soins dont il a besoin, comme s’il était à l’extérieur : « C’est
des êtres humains ». « Un être humain, c’est un être humain.
Un bon samaritain ça existe dans la rue, ça devrait exister
plus encore ou autant ici ». Référant à un détenu qui avait
d’importantes brûlures, ils notent avec une intense satisfaction
professionnelle la qualité du travail de soins réalisé auprès de
lui : « Tu sais, on s’est occupé de lui comme à l’extérieur. On
ne l’a pas jugé pour un détenu […]. On a fait le débridement
de ses plaies comme de… n’importe qui. Tout le monde a
travaillé avec lui. Tu sais, il n’a pas de cicatrice le gars-là. On
a bien travaillé sur ce gars-là. […]».
Très souvent, les participants font la comparaison entre
le travail infirmier dans le système de la santé (hôpitaux,
communauté) et le système carcéral. En cela, les résultats
de l’étude rejoignent les travaux de Lhuilier et Lemiszewska
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La pratique infirmière en milieu carcéral :
des détenus pour patients
(2001, 123) [21] soulignant, eux aussi, « La comparaison entre
dedans et dehors ». Picherie (2003, 31) [16] note également :
« Soigner derrière les barreaux, c’est avant tout proposer
la même qualité de soins qu’à l’extérieur, mais c’est aussi
assurer le respect inhérent à la personne humaine ». Par
leurs propos, les participants illustrent que le fait de prendre
soin d’un détenu et de s’en occuper comme d’un patient à
l’extérieur relève de leur idéal de métier d’infirmières et
d’infirmiers.
Malgré le contexte très particulier dans lequel prennent place
les soins, les participants témoignent de ce qui est au cœur
de leur profession : le prendre soin, le « caring » et cette
relation toute particulière qui s’installe lorsqu’on prend soins
du corps de l’autre, quand cet autre souffre et est vulnérable.
Les infirmières et infirmiers soulignent maintes fois que leur
mission principale est de soigner le détenu comme tout
autre être humain qui est dans le besoin. Soigner l’autre
sans jugement apparaît être relié à l’idéal éthique de travail ;
soigner les plaies du corps des détenus et celles de l’âme. Les
participants notent cependant que le caring prend place ou se
déploie, ici, auprès d’une clientèle hautement criminalisée et
présentant une dangerosité certaine ; un potentiel de violence
et d’organisation criminelle plane toujours. Ils en ont bien
conscience et le vivent au quotidien. Doyle, 2001, [22] note
que le caring et sa pratique en milieu carcéral constituent
des enjeux pour la pratique infirmière.
La posture de non-jugement, relevée chez les infirmières
et infirmiers rencontrés, est aussi mentionnée par d’autres
auteurs. Phaneuf, 2008, [17] relate les propos d’une infirmière
œuvrant en milieu carcéral : « Je ne suis pas ici pour porter
un jugement. Mon rôle est de leur offrir les meilleurs soins
possibles […] La plupart du temps, nous ne cherchons
même pas à savoir pourquoi ils sont ici […] Ce qui compte
est leur manière de se conduire lorsqu’ils sont derrière les
barreaux ».
Moncrieff, 2010, [14] souligne que les infirmières considèrent
qu’il ne relève pas de leur rôle de savoir ce qu’a fait le détenu :
« Ce n’est pas mon travail ; c’est aux tribunaux et aux avocats
de s’occuper de ça ». Elle rapporte les propos de Joanne
Barton, infirmière et agente de projet au Service correctionnel
du Canada supervisant les politiques et formulant des conseils
à la haute direction sur des questions relatives à la santé et
aux soins infirmiers partout au pays : « Nous n’approuvons
pas ce qu’ils ont fait, mais ça ne peut pas nuire à la qualité
des soins que nous offrons. Nous mettons nos opinions
de côté et offrons des services qui respectent les normes
professionnelles de notre profession ».
Marmin, 2005, [23] relève cependant le fait que des
infirmières se demandent si elles vont pouvoir demeurer
neutres si elles devaient connaître les motifs d’incarcération :
« Dans les rares fois où elles avaient eu besoin de consulter
les dossiers pénaux des détenus, leur regard sur eux
avait tant changé qu’elles avaient ressenti la nécessité de
passer le relais afin de ne pas les pénaliser lors des soins »
(Ramahavita, 2007) [4]. Bessin et Lechien (2000, 5) [5]
notent d’ailleurs que le milieu carcéral met à l’épreuve « la
neutralité affective affichée »).
Faire la différence dans la vie des détenus
Les infirmières et infirmiers rencontrés expriment un
profond désir de faire la différence dans la vie des détenus.
En effet, sachant que la plupart retourneront un jour dans la
collectivité et considérant que chacun a la capacité de faire
des progrès personnels (et que cette évolution salutaire
peut être facilitée dans l’environnement correctionnel),
ils s’emploient corps et âme à influer positivement sur les
orientations de vies des détenus. Ces résultats rejoignent les
propos de Moncrieff, 2010, [14] qui note que les infirmières
et infirmiers qui choisissent de travailler pour les services
correctionnels ont foi en les gens : « Pour travailler dans
ce domaine et avoir un effet positif, il faut avoir foi en la
capacité des détenus de devenir des citoyens respectueux
des lois ». Finalement, elle note que le personnel infirmier
des services correctionnels doit aussi avoir foi en sa propre
capacité d’améliorer l’état de santé de patients dont peut-
être personne ne s’est occupé avant. Certains détenus n’ont
pas reçu des soins de santé depuis des lustres ; d’autres n’en
ont jamais reçus.
Comme le mentionne Béthoux, 2000, [24], traiter des
détenus de manière humaine et contribuer à changer leurs
vies sans compromettre leur propre sécurité, sont les maîtres
mots de la pratique infirmière en milieu carcéral.
La reconnaissance des pairs et parfois des
détenus
Les participants expriment que la valorisation et la
reconnaissance viennent des collègues. Ils expriment à
diverses reprises qu’ils constituent un groupe qui se tient :
une belle cohésion existe entre eux, ce qui en soi, constitue
une importante source de plaisir au travail.
La reconnaissance des détenus ne semble pas fréquente mais
lorsqu’elle s’exprime, elle les touche au plus profond de leur
identité professionnelle : « Quant aux détenus, ce n’est pas
la clientèle qui nous remercie le plus souvent. On ne se fait
pas prendre la main par cette clientèle-là pour nous dire :
« Merci, vous êtes bien fine, garde ». Mais on a des cartes
de Noël ». Le patient soigné pour brûlures au 3e
degré les a
cependant gratifiés d’une belle reconnaissance : « On a bien
travaillé sur ce gars-là. Il était reconnaissant ».
Autres sources de plaisir
En outre, les participants réfèrent à la stabilité de leur emploi,
à leur statut de fonctionnaire et au fait d’avoir un emploi
proche de leur domicile comme sources de plaisir en lien
avec leur travail. Leurs conditions de travail sont jugées fort
satisfaisantes par eux.
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Dans la section suivante, les sources de souffrance sont
explorées à travers les dires des participants.
z LES SOURCES DE SOUFFRANCE AU
TRAVAIL
Cette section est abordée selon ce qui semble constituer
un risque d’atteinte à l’identité de métier ainsi qu’à l’identité
personnelle. Un paradoxe entre les soins et la sécurité est
relevé et la réhabilitation ne semble pas, aux dires des
infirmières et infirmiers, se conjuguer au quotidien.
La réhabilitation : un beau mot plus qu’une
réalité
Si la réhabilitation est explicitement inscrite dans la mission
de l’institution, les infirmières et infirmiers rencontrés notent
qu’elle n’est guère appuyée, sur le terrain, par des mesures
concrètes. Cet état de faits suscite une certaine détresse,
désillusion et souffrance psychique : ils confrontent au
quotidien le paradoxe entre le discours et la réalité, finissent
par considérer qu’ils sont les seuls à y croire et en arrivent à
douter de l’authenticité du discours institutionnel. L’étude de
Walsh, 2009, [25] documente le travail émotionnel (emotional
labor) des infirmières en milieu carcéral confrontées aux
discours contradictoires émanant des instances et des
intervenants divers qui y œuvrent ; ces derniers sont sources
de tension psychique pour les soignantes.
Le paradoxe entre les soins et la sécurité
Les participants relèvent l’absence de consensus qui prévaut
parfois entre l’univers médical et les services de sécurité :
« Notre patron médical va dire : « Vous voyez les détenus tous
seuls. » Puis le responsable de la sécurité va dire : « Vous ne
voyez pas de détenus sans l’officier. ». Ils soulignent qu’il ne faut
jamais perdre de vue la nécessité de la sécurité maximale qui sied
dans leur contexte spécifique : « Il faut voir la réalité carcérale ;
on ne pourra pas jamais voir de détenu tout seul ».
L’étude française de Bazex et Combalbert, 2009, [26] soulève
aussi la question de l’articulation entre la prise en charge
des besoins en soins et les aspects de sécurité entourant
les détenus transférés du milieu carcéral vers l’hôpital. Les
résultats apportent une lecture clinique des conflits que les
soignants rencontrent dans cette articulation et dans leurs
relations avec les détenus. Les chercheurs notent ainsi que
les infirmières des hôpitaux expriment beaucoup d’empathie
envers ces patients quelque peu inhabituels et se disent
quelquefois frustrées par des contraintes de sécurité. Les
résultats de l’étude soulignent également l’importance de
soutenir les infirmières qui en milieu hospitalier interviennent
auprès d’une clientèle potentiellement dangereuse. Les
chercheurs sont d’avis que des formations et des interventions
en psychopathologie offriraient une opportunité aux soignants
d’exprimer leurs émotions et affects en lien avec leur travail
auprès de ce type de patients et leur permettraient de
développer une pratique professionnelle maîtrisant mieux
la spécificité de la dispensation de soins auprès de celle-ci
(Bazex, Combalbert, 2009) [26].
Le travail en solitaire : la hantise du soir, des
fins de semaine, des jours fériés
Le manque de personnel, lors du quart de travail du soir,
alimente une peur continue. En effet, les restrictions
budgétaires font que les soignants sont souvent seuls à partir
de vingt heures ainsi que les fins de semaine et les jours fériés.
Or, les agressions arrivent généralement en soirée ainsi que
les fins de semaine. Le fait de travailler seul en soirée n’est pas
une mesure constante, elle fluctue en fonction des contraintes
économiques : « On s’est débattu beaucoup pour avoir deux
personnes jusqu’à minuit. Puis ça, on l’a gagné. Cela a été
apprécié de tout le monde. L’employeur a vu également
que c’était un besoin que d’être au moins deux, le soir ».
Ce gain, obtenu dans le passé, est à nouveau compromis,
menacé : « Là ils parlent de nous enlever cette deuxième
personne, le soir. Ils coupent des postes d’officiers ». « Avec
les restrictions budgétaires… on est souvent tout seul à partir
de huit heures. Or, les agressions arrivent généralement en
soirée et les fins de semaine ». Ce nouveau contexte n’est
pas sans susciter de profondes peurs : « Quand tu travailles
tout seul… et qu’il t’arrive des événements majeurs, tu as
une pression énorme ».
Le stress et la peur vécus par les infirmières et les infirmiers
dû au contexte spécifique au milieu carcéral et ses effets
possibles tant sur leur sentiment d’accomplissement
personnel, satisfaction et santé au travail sont documentés
par diverses études (Dvoskin, Spiers, 2004) [27] ; (Flanagan,
Flanagan, 2002) [28] ; (Kirby, Pollock, 1995) [29] ; (Skiles,
Hinson, 1989) [30]. Le sentiment de travail sous pression
psychique est aussi noté par Devaud, Wasem, Peer et Waeny,
2005, [31].
La hantise des poursuites judiciaires et
l’observation en continu
Les participants expriment clairement le souci qu’ils ont
d’avoir des témoins, des preuves, afin de se protéger contre
d’éventuelles poursuites qui seraient intentées à leur endroit :
« On a toujours une sensation de menace au-dessus de notre
tête. À savoir : est-ce que j’ai fait tout ce que je devais
faire ? Est-ce que j’ai bien fait mon job ? ». Ils réfèrent à un
phénomène d’autoprotection qu’ils appellent le « syndrome
de la couverte » : « Le syndrome de la couverte, … je ne sais
pas si vous avez déjà entendu cette expression-là, il s’agit de
se couvrir, de se protéger pour ne pas avoir d’ennuis après.
C’est le syndrome de la couverte ».
La présence de caméras, dans les rangées de cellules, leur sert
d’une certaine façon pour attester du véritable déroulement
des situations et incidents : « Le premier but de ces caméras-
là, c’est d’éviter des poursuites au niveau national, puis les
avocats et tous les frais. Donc, on veut essayer de se protéger
avec ces caméras-là contre les détenus pour pouvoir leur
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La pratique infirmière en milieu carcéral :
des détenus pour patients
dire : « Ah moi ! J’ai ça sur « tape », ce n’est pas vrai, ce que tu
dis là. Tu ne gagneras jamais ta cause. On sait que le premier
but, c’est ça ». Cela dit, les participants notent aussi l’outil
de contrôle que ces caméras constituent, générant par le fait
même une tension psychique : « Ils peuvent voir combien cela
a pris de temps avant que quelqu’un n’ouvre la porte. Le film,
l’enregistrement, est minuté ». « S’ils voient sur la caméra,
l’officier aller dans la cellule… et qu’il s’en vient, en marchant,
en disant : « Il y a un pendu » et qu’ils voient sur la caméra
que cela prend cinq, dix, quinze minutes avant qu’on ouvre
la porte… là… C’est à ça que ça sert aussi ces caméras-là ».
« Elles servent aussi à… évaluer la qualité des soins. Elles
permettent d’évaluer les soins. Cela met un stress… cette
caméra-là ». « Ça nous met un stress, c’est sûr ». « On est
toujours filmé ; ça nous met un stress de plus ».
La peur du blâme les accompagne au quotidien ce qui les porte à
être très vigilants en terme de respect des droits et libertés des
détenus : « Les droits des détenus sont regardés. Nous devons
être bien prudents à ce niveau-là. On est toujours observé à
gauche et à droite. Toute intervention est observée ».
Dans la section qui suit, sont discutées la contamination, ou
non, au sens figuré, des infirmières et infirmiers par le lieu
d’exercice particulier qu’est le milieu carcéral et la sublimation
comme élément central de leur pratique.
DISCUSSION
Chez les infirmières et infirmiers ayant participé à l’étude,
la dissociation qu’ils font entre, d’une part, l’aspect sordide
du détenu ayant commis des actes répréhensibles et,
d’autre part, la personne sous-jacente à ces actes qui
a droit à des soins de qualité, au même titre que toute
autre personne, est perçue. Les participants rencontrés
n’illustrent pas ce que Lhuilier et Lemiszewska (2001,
126-127) [21] expriment, à savoir que les soignants sont
généralement « contaminés » par leur lieu d’exercice : « La
tendance à l’objectivation des personnes, contenue dans
le traitement de la population carcérale, contaminerait
le personnel de santé lui-même, qui se contenterait
d’une médecine à la chaîne […] C’est aussi la peur d’être
contaminé : par la maladie, par le mal ». Si les infirmières et
infirmiers rencontrés dans le cadre de l’étude n’expriment
pas cette peur d’être contaminés par le mal, ils disent
cependant observer une certaine contamination chez
d’autres intervenants du pénitencier : « J’ai l’impression que
les clients déteignent sur les intervenants ». Ils notent que
les rapports entre eux (employés du service de santé) sont
amicaux mais évoquent la rudesse des rapports sociaux
prévalant de manière générale au sein du pénitencier. Ils
mentionnent, par exemple, que le personnel de la sécurité
les bouscule quelquefois et soulignent aussi recevoir,
de la direction, des communications peu agréables,
malvenues.
Les infirmières et infirmiers rencontrés semblent, d’une
certaine façon, quelque peu épargnés par la contamination
du milieu. Bénéficieraient-ils d’une expérience différenciée,
plus favorable due à la nature même de leur profession et
des valeurs spécifiques de caring que celle-ci véhicule ? Ici,
l’affirmative semble de mise. Comme le disent Lhuilier et
Lemiszewska, 2001, 116, [21] : « On pense ici à l’opposition
entre ceux qui, en prison, se voient attribuer des tâches
nobles (les soins) et une visée de normalisation (soigner
dedans comme dehors) et ceux qui sont chargés du « sale
boulot », des tâches répressives et contraignantes, ceux qu’on
appelle les matons, au mieux les gardiens ».
Au terme de leur étude réalisée en France auprès
d’infirmières œuvrant au sein d’une structure pénitentiaire,
Boudoukha, Hautekeete, Hautekeete-Sence, Cousine
et Calesse, 2009, [2] s’interrogent sur la construction
cognitive de la prison chez les infirmières qui, d’après
eux, dévoile une particularité : les personnes incarcérées
sont, dans les services de soins, des patients. En effet,
dans le cadre des structures soignantes en prison, les
détenus sont, comme dans n’importe quel autre hôpital,
considérés comme des patients. Ces auteurs pensent que
cette perception des détenus en tant que patients, a)
modifie totalement le contexte structurel : ce n’est plus
la prison mais l’hôpital et b) propose un autre mode de
relation : la relation soignant/soigné en place de la relation
surveillant/surveillé. Ils sont d’avis que la partie hospitalière
de la prison n’est pas perçue comme un environnement
menaçant, dangereux et anxiogène. Cette hypothèse
pourrait expliquer d’après eux les niveaux d’anxiété faibles
mesurés chez les infirmières participantes à leur étude
(Boudoukha, Hautekeete, Hautekeete-Sence, Cousine,
Calesse, 2009) [2].
A l’instar de ce qui ressort des résultats, les chercheurs
français, Bessin et Lechien, 2000, [5], notent aussi que
l’exercice infirmier en milieu pénitentiaire est généralement
valorisé ; la plénitude retrouvée de leur rôle en étant, selon
eux, la raison principale. La polyvalence et la variété des
soins, la place prépondérante de l’écoute, l’apprentissage
du soigner sans juger, le travail en équipe, l’autonomie à
travers les actions de santé publique et les consultations
infirmières, la spécificité de la profession en prison… sont
autant de dimensions relevées par ces chercheurs et qui
rejoignent celles dégagées de la présente étude. Ils notent
aussi, à la suite des données découlant de cette enquête, que
la hiérarchie des professions est réduite en milieu carcéral,
favorisant un décloisonnement qui permet des relations
moins inégalitaires avec les médecins. Finalement, ces
auteurs réfèrent aux services de santé comme à des espaces
enclavés où l’ordre pénitentiaire semble temporairement
suspendu et tirant le travail des infirmières vers le
relationnel. Ces services sont souvent perçus comme les
seuls lieux humains et d’écoute au sein des prisons (Bessin,
Lechien, 2000) [5].
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Ainsi et pour exemple, Meeks, Sublett, Kostiwa, Rodgers
et Haddix, 2008, [32] soulignent les effets bénéfiques des
relations thérapeutiques établies par les infirmières avec des
détenus souffrant de dépression ; les résultats de l’étude
révèlent l’établissement et le développement de relations
significatives infirmières-détenus malgré les barrières aux
soins inhérentes au contexte carcéral. Les résultats de
l’étude de Howe et Scott, 2012, [33] éclairent quant à eux
l’importance déterminante des soins palliatifs en milieu
carcéral tout en soulignant le défi que ceux-ci revêtent dans
le contexte spécifique. L’intelligence émotionnelle est relevée
par des auteurs comme étant une compétence pertinente en
milieu carcéral (Bennett, Perry, Lapworth, Davies, Preece,
2010) [20] ; (Walsh, 2009) [25].
En parlant de l’infirmier(ère) œuvrant en milieu carcéral,
Picherie, 2003, [16] note la singularité de son approche, de
son abord : « Lors des consultations, il n’accueille jamais un
individu en tant que détenu, mais en tant qu’être humain avec
son vécu et ses difficultés. Savoir écouter permet de mieux
comprendre, de créer cette relation de confiance indispensable
dans le soin, de signifier au patient qu’il peut être entendu, aidé,
soigné et que la prison n’est plus ce lieu d’exclusion qu’il fut
autrefois. Il est fréquent que ces quelques instants d’échange
fassent réaliser que les maux décrits par le patient ne sont
que la traduction d’un mal-être » (p. 30-31). […] « Reste
maintenant à l’infirmier(ère) à bien connaître ses limites, à
protéger ses propres affects et à garder suffisamment de
distance afin que la relation soignant-soigné demeure saine
et efficace » (p. 31). Lebon-Proust, 2005, [34], ex-cadre d’un
hôpital pénitentiaire de France, note que « la lutte pour exister
en tant que soignant dans ce lieu singulier et potentiellement
dangereux impose de se forger une identité professionnelle au
cœur de laquelle l’empathie aura une place centrale puisque,
sans elle, l’infirmier ne saura éviter les pièges de la compassion
ou de la trop grande distance » (p. 53).
Pour finir, les stratégies défensives qui sont déployées par
les travailleurs afin de minimiser les impacts psychiques de
la souffrance vécue dans le cadre du travail (Alderson, Saint-
Jean, Rhéaume, Ruelland, 2011) [9] sont abordées. Comme
l’indiquent ces derniers, elles constituent des moyens pour
maintenir la santé mentale au travail ; les stratégies défensives
permettant de rendre plus acceptables ou supportables les
situations conflictuelles et anxiogènes vécues dans le cadre du
travail. Ainsi, il se pourrait que le « prendre soin », de qualité,
dont attestent les infirmières et infirmiers rencontrés à l’égard
des détenus soit le fruit ou l’expression d’un processus de
sublimation opéré par ces premiers ; processus relevant de
la stratégie défensive. Ce processus de sublimation pourrait
être vu comme un processus d’idéalisation du métier de
Care et de l’humanisme à l’égard des détenus. Comme
l’énonce Christophe Dejours (2000, 166) [10] père de la
psychodynamique du travail : « Dans le travail, l’idéalisation
porte sur une vocation […] Quand des gens font une œuvre,
ils s’aiment mieux ».
Le concept de la sublimation requiert l’interpellation de
la psychanalyse. Pour la théorie psychanalytique, l’élan
créateur de l’homme est d’origine sexuelle, pulsionnelle et
la sublimation est l’un des destins des pulsions de l’humain
sous la forme d’une activité socialement valorisée : « La
sublimation, introduit une véritable rupture dans l’ordre
érotique, que Freud désigne sous le nom de désexualisation
de la pulsion […] c’est-à-dire le renoncement à la satisfaction
pulsionnelle. Rupture donc dans un premier temps qui permet
d’établir, dans un deuxième temps, une nouvelle continuité
avec la société et les valeurs, entre la pulsion – l’origine
pulsionnelle inconsciente - et la société et les valeurs : c’est
ce que Freud désigne par « activité socialement valorisée ».
Donc un pont jeté en quelque sorte entre l’ordre individuel
de l’inconscient et de la pulsion d’un côté, et l’ordre social
de l’autre » (Dejours, 2010, 132) [36]. Autrement dit, la
sublimation désigne « la capacité d’échanger l’objet et le
but sexuel de la pulsion par un objet et un but non sexuels,
valorisés socialement » (Molinier, 2008, 158) [35]. Comme le
précise encore Freud en d’autres mots : « L’accomplissement
du potentiel développemental de la pulsion passe par une
activité qui rejoint notre échelle de valeurs sociales ; c’est ce
que nous appelons « sublimation » (Freud, 1932 OCFP Tome
XIX, 179). Le travail semble à Freud la voie par excellence de
la sublimation : « Aucune autre technique pour conduire sa
vie ne lie aussi solidement l’individu à la réalité que l’accent
mis sur le travail, qui l’insère sûrement tout au moins dans
un morceau de la réalité, dans la communauté humaine »
(Freud, 1932, 267).
En ce sens, la prise en charge très professionnelle des détenus
pourrait être interprétée comme l’expression de l’élan
créateur des infirmières et infirmiers participants, l’idéal social
étant dans ce cas précis, le prendre soin et la réhabilitation de
« criminels ». Dans cet esprit, il y aurait au cœur des agissements
des infirmières et infirmiers rencontrés, le désir conscient ou
inconscient de « sauver », de réhabiliter l’homme qui s’abrite
sous le détenu. Les résultats de l’étude portent à considérer
cette possibilité. Nasio (cité dans Molinier, 2008, 163, [35])
note : « [Les] œuvres créées par sublimation […] répondent
à des idéaux sociaux élevés, intériorisés subjectivement sous
la forme de l’idéal du moi du créateur ». Nasio circonscrit
ainsi la sublimation au domaine du « sublime », « éblouissant
le spectateur » et suscitant en lui « le même état de passion
et de désir suspendu qui avait porté l’artiste à engendrer
son œuvre » (Molinier, 2008, 163) [35]. C’est assez proche
du ressenti des chercheurs face au travail accompli par les
infirmières et les infirmiers rencontrés : ceux-ci se dépassent et
dépassent tout ce qui pourrait être rébarbatif et repoussant
chez les détenus pour les considérer comme des patients au
même titre que ceux qui sont soignés en milieu hospitalier ou
dans la communauté et leur offrir une qualité de soins égale
à celle dont bénéficient ces derniers.
Des auteurs ont considéré la question du compromis
« sadisme-altruisme » chez les infirmières et infirmiers. Dans
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Recherche en soins infirmiers n° 113 - Juin 2013 l
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105
La pratique infirmière en milieu carcéral :
des détenus pour patients
le contexte sous observation, ceux-ci peuvent être émus
par la détresse du détenu comme ils peuvent être dégoûtés
par l’acte que celui-ci a commis, par son comportement
rébarbatif, par ses attitudes hostiles ou provocantes : « Le
conflit intrapsychique se jouerait alors entre jouissance
sadique et altruisme. […] Toute la difficulté réside alors dans
l’obtention de conditions qui vont favoriser, ou au contraire,
rendre plus malaisée, la mise au travail des pulsions agressives
dans un sens favorable à la mission globale du soin, alliant
l’efficacité avec la recherche du meilleur confort pour le
malade […]. Classiquement, on a tendance à considérer que
le degré de réussite du compromis entre sadisme et altruisme
varie en fonction de la personnalité du soignant et celle du
soigné […] » (Molinier, 2008, 68) [35].
CONCLUSION
Arrivés au terme de cet article et avant de conclure, il
importe de rappeler que le présent écrit prend appui sur
les résultats d’une plus vaste enquête en psychodynamique du
travail réalisé auprès d’une diversité de groupes de travailleurs
œuvrant dans un pénitencier. Le but de cette vaste enquête
était de mieux comprendre les liens entre d’une part, le travail
de différents corps de métiers tel que structuré et organisé
au moment de l’étude et d’autre part, l’expérience subjective
de travail de ces employés. Quant à cet article, il a pris appui
sur les résultats se dégageant des entrevues réalisées auprès
d’un corps de métier spécifique - les infirmières et infirmiers
du service de santé - pour décrire et mieux faire connaître
un environnement de pratique infirmière peu documenté au
Québec, soit celui en milieu carcéral.
En effet, cet article a ainsi permis de mettre en lumière
que la pratique infirmière en milieu carcéral implique ou
constitue un travail en tension entre sécurité et caring,
distance et proximité. La Charte des droits individuels
du détenu porte à privilégier la vision du détenu-citoyen
ayant droit à des soins de qualité au même titre que tout
autre patient. Cela dit, les résultats de l’étude illustrent que
la mission complexe du pénitencier à sécurité maximale
dans lequel se déroule l’enquête est porteuse, pour les
infirmières et infirmiers rencontrés au sein du service de
santé, de belles possibilités mais également de tensions.
Plus précisément, les participants expriment la quête qu’ils
poursuivent afin d’harmoniser, dans un contexte de rareté
des ressources et d’affirmation des droits individuels, l’art
et la science du prendre soin avec les objectifs de sécurité
et de réhabilitation propres à la population carcérale
côtoyée. Ils ont à prendre soin de personnes qui peuvent
être dangereuses et cette situation crée une pratique
des soins infirmiers tout à fait particulière. En effet, si la
relation est au cœur du soin, il s’agit, dans le cas précis,
de prendre soin d’une personne, à l’endroit de laquelle
l’infirmière et l’infirmier auront toujours à garder « une
petite méfiance ».
Grâce à une combinaison d’éléments telle l’autonomie,
l’éthique professionnelle et l’engagement à vouloir faire
une différence dans la vie actuelle et future des détenus,
les infirmiers et infirmières rencontrés disent s’accomplir
pleinement dans le cadre de leur travail. Leur but ultime est
d’aider les détenus à réintégrer la société ; s’ils n’y arrivent
pas, l’ensemble de la société sera perdante. Comme le
note l’éditeur de l’ouvrage « Le choc carcéral » de Lhuilier
et Lemiszewska, 2001, [21] : « On peut vivre en prison ;
exister est plus difficile : c’est une invention, une création,
une conquête ». Les infirmières et infirmiers rencontrés s’y
emploient jour après jour.
D’intéressantes questions seraient à explorer dans des
études ultérieures : est-ce que le soin en milieu carcéral
doit conserver les caractéristiques du soin en établissement
de soins ? Quels sont les effets, sur la santé des infirmières et
infirmiers, de soigner avec le souci constant de la sécurité ?
Est-ce que la réhabilitation du détenu peut passer par le soin,
par le caring ? En d’autres termes, est-ce que le soin, le caring
peuvent contribuer à la réhabilitation d’un détenu ? Si oui,
comment concilier prendre soin et sécurité ?
Y aurait-il dans le fait de vouloir soigner des détenus, le
désir d’œuvrer auprès des marginaux, des exclus ? S’agirait-
il d’une forme d’idéalisation ou de valorisation de soi, à
l’instar d’un « surmoi » dans le sens de « surhomme » ou de
« surfemme » ? Et par ricochet, d’idéal, voire d’idéalisation
du métier ou encore de construction d’un moi professionnel
héroïque ?
Cet article avait comme objectif de faire connaître le travail
d’infirmière et d’infirmier en milieu carcéral. Les participants,
grâce à leurs propos, ont su faire comprendre comme le dit
Lebon-Proust, « la richesse des situations vécues derrière
ces murs » 2005, 53, [34].
Références bibliographiques
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106 l Recherche en soins infirmiers n° 113 - Juin 2013
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La pratique infirmière en milieu carcéral

  • 1. LA PRATIQUE INFIRMIÈRE EN MILIEU CARCÉRAL : DES DÉTENUS POUR PATIENTS Marie Alderson et al. A.R.S.I. | Recherche en soins infirmiers 2013/2 - N° 113 pages 95 à 95 ISSN 0297-2964 Article disponible en ligne à l'adresse: -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- http://www.cairn.info/revue-recherche-en-soins-infirmiers-2013-2-page-95.htm -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Pour citer cet article : -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Alderson Marie et al., « La pratique infirmière en milieu carcéral : des détenus pour patients », Recherche en soins infirmiers, 2013/2 N° 113, p. 95-95. -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Distribution électronique Cairn.info pour A.R.S.I.. © A.R.S.I.. Tous droits réservés pour tous pays. La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre établissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie, sous quelque forme et de quelque manière que ce soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en France. Il est précisé que son stockage dans une base de données est également interdit. Documenttéléchargédepuiswww.cairn.info-UniversitédeMontréal--132.204.3.57-27/04/201402h47.©A.R.S.I. Documenttéléchargédepuiswww.cairn.info-UniversitédeMontréal--132.204.3.57-27/04/201402h47.©A.R.S.I.
  • 2. Pour citer l’article : ALDERSON M, SAINT-JEAN M, THERRIAULT PY, RHÉAUME J, RUELLAND I, LAVOIE M. La pratique infirmière en milieu carcéral : des détenus pour patients. Recherche en soins infirmiers, juin 2013 ; 113 : 95-106 Adresse de correspondance : Marie ALDERSON : marie.alderson@umontreal.ca VARIATION RÉSUMÉ Il existe peu d’études investiguant le travail d’infirmière et d’infirmier en milieu carcéral. L’objectif de cet article est de décrire, à partir des données d’une enquête en psychodynamique du travail et d’une revue des écrits, la pratique de l’infirmière et de l’infirmier en milieu carcéral à sécurité maximale. Trois infirmiers et deux infirmières ont participé à trois entrevues collectives de deux heures chacune. L’étendue de la pratique infirmière ; l’autonomie ainsi que la collaboration avec les médecins ; la dispensation de soins empreints de non-jugement, d’humanité et de caring ; le désir de faire la différence dans la vie des détenus ; la fierté reliée à l’inusité ainsi que la reconnaissance des pairs et des détenus ressortent comme des sources centrales de plaisir au travail. La réhabilitation constituant un beau mot bien plus qu’une réalité ; le paradoxe entre les soins et la sécurité ; le caractère anxiogène du travail en solitaire ; la peur des poursuites judiciaires et le sentiment d’être continuellement observés se dégagent comme des sources de souffrance. Les résultats sont discutés en considérant les questions de dissociation entre le patient et le détenu, de non-contamination de l’identité soignante par le lieu d’exercice, de plénitude de rôle et de sublimation. La conclusion souligne la tension entre sécurité et caring, distance et proximité. Mots clés : Milieu carcéral, infirmières/infirmiers, santé mentale au travail. Marie Alderson Ph.D., Professeure agrégée, Faculté des sciences infirmières, Université de Montréal. Micheline Saint-Jean M.Sc., Professeure agrégée retraitée, Faculté de médecine - Programme d’ergothérapie, Université de Montréal Pierre-Yves Therriault Ph.D., Professeur adjoint, Faculté de médecine - Programme d’ergothérapie, Université de Montréal Jacques Rhéaume Ph.D., Professeur émérite, Faculté de communication, Université du Québec à Montréal Isabelle Ruelland Chargée de cours, Faculté de communication et de l’École de travail social, Université du Québec à Montréal Myriam Lavoie Consultante, Les ergonomes associés du Québec La pratique infirmière en milieu carcéral : des détenus pour patients Nursing in prison : inmates as patients Recherche en soins infirmiers n° 113 - Juin 2013 l Copyright © ARSI tous droits réservés - 95 Documenttéléchargédepuiswww.cairn.info-UniversitédeMontréal--132.204.3.57-27/04/201402h47.©A.R.S.I. Documenttéléchargédepuiswww.cairn.info-UniversitédeMontréal--132.204.3.57-27/04/201402h47.©A.R.S.I.
  • 3. 96 l Recherche en soins infirmiers n° 113 - Juin 2013 Copyright © ARSI tous droits réservés INTRODUCTION Une enquête en psychodynamique du travail a été réalisée de 2006 à 2008 dans un pénitencier suite à des événements critiques ayant mis en lumière une détresse psychologique importante chez l’ensemble des travailleurs. Des psychologues, chargés du débriefing (évaluation post-événementielle) ont relié cette détresse psychologique à un malaise plus global, ayant des liens avec l’ensemble du fonctionnement de l’établissement et ce, depuis plusieurs années. Ils rapportent la situation à la direction régionale du programme d’aide aux employés. Une demande est adressée à des chercheurs pour la réalisation d’une étude approfondie du milieu. Ces derniers proposent une enquête en psychodynamique du travail. Ce pénitencier concerne une population de détenus ayant commis des actes violents ; 52 % des employés ont décidé de participer à l’enquête et 26 groupes de discussion, constitués de travailleurs occupant des fonctions similaires dans l’établissement, ont été créés. Ainsi, il y avait des groupes rassemblant des agents correctionnels, des surveillants, des agents de libération conditionnelle, des agents de programme, des cadres intermédiaires, des commis, des employés du service de santé, des éducateurs d’ateliers industriels, des employés des services techniques et des employés des services alimentaires. L’objectif de cet article est de décrire, à partir des données d’une enquête en psychodynamique du travail et d’une revue des écrits, la pratique de l’infirmière et de l’infirmier en milieu carcéral à sécurité maximale. Ce faisant il contribuera à mieux faire connaître le travail d’infirmière et d’infirmier en milieu carcéral. En effet, si beaucoup d’études et d’articles traitent de la pratique infirmière en général, nettement moins abordent ladite pratique en milieu carcéral (Drake, 1998) [1]. Dans cet environnement inhabituel de travail, les infirmières et infirmiers ont à composer avec des phénomènes divers et complexes : problèmes de santé mentale, toxicomanie, suicide, violence, tensions interculturelles, propagation de maladies infectieuses (hépatite, sida), utilisation abusive de médicaments d’ordonnance, décès causés par des blessures que s’infligent les détenus (automutilation) ou que d’autres détenus leur infligent, symptômes de sevrage, solitude, etc. De manière générale, ces patients bénéficient peu de la sympathie du public alors qu’ils nécessitent pourtant d’importants soins et services auxquels ils ont droit. Les infirmières et infirmiers œuvrant en milieu carcéral font l’expérience de réalités fort différentes de celles décrites en milieux hospitalier ou communautaire (Boudoukha, Hautekeete, Hautekeete-Sence, Cousine, Calesse, 2009) [2] ; ceci les amène à se questionner sur leur positionnement au sein de cette relation de soins spécifique (Corvest, Royer, Dugardin, 2011) [3]. Ramahavita, 2007, [4] note : « La complexité de la relation soignant-soigné réside dans le fait qu’elle est duelle. […] Ainsi, le contact entre les deux sera déterminé par leurs attentes, leurs peurs, leurs représentations respectives à ce moment précis. Tout l’enjeu de la responsabilité infirmière se trouve dans sa possibilité de donner à l’autre l’opportunité de s’inscrire dans une relation de soin, ce qui est l’objectif de toute relation soignante ». Cependant et comme le souligne cette dernière : « Dans l’univers carcéral, le soin n’est pas prépondérant, d’autres valeurs comme la sécurité sont prioritaires, et cela change l’approche du soin. Ainsi, la structure de soins intégrée à la prison est un morceau de l’hôpital dans un lieu d’application de peine ». Les sociologues Bessin et Lechien (2000, 7) [5] parlent d’ailleurs d’une enclave, voire même d’un « hôpital incarcéré » pour référer au Service ou au Centre de santé de l’établissement pénitentiaire. There are very few studies investigating the work nurses do in prisons. Based on data stemming from a research in Psychodynamics of Work and a literature review, this paper describes nursing practices in a Canadian penitentiary institution. Three male nurses and two female nurses participated in three two-hour long focus group sessions. Central sources of pleasure that emerged from the focus groups were the scope of nursing care practice ; the autonomy and collaboration with physicians ; nursing care practices devoid of moral value judgments, the humanitarian approach, caring and the wish to make a difference in the lives of the inmates ; the pride connected to this unusual professional context, and the recognition by peers and inmates. The main sources of suffering on the other hand were the feeling that rehabilitation was more an ideal than reality ; the paradox of providing both care and safety ; the scary characteristics of working alone ; the fear of lawsuits, and the feeling of being observed continuously. The resulting data we discuss show the issues of a certain dissociation that exists between the patient and the inmate, the fear of contamination of a healthcare nursing identity by the place of practice, but also the feeling of plenitude and sublimation. The conclusion stresses the tension that exists between security and caring, distance and proximity. Key words : Prison, mental health at work. ABSTRACT Documenttéléchargédepuiswww.cairn.info-UniversitédeMontréal--132.204.3.57-27/04/201402h47.©A.R.S.I. Documenttéléchargédepuiswww.cairn.info-UniversitédeMontréal--132.204.3.57-27/04/201402h47.©A.R.S.I.
  • 4. Recherche en soins infirmiers n° 113 - Juin 2013 l Copyright © ARSI tous droits réservés - 97 La pratique infirmière en milieu carcéral : des détenus pour patients La relation soignant-soigné est à la base du travail infirmier ; elle se traduit par une relation d’aide qui, sans être exclusive à la profession infirmière, en constitue néanmoins l’essence. La relation d’aide réfère à un accompagnement de la personne, visant « la compréhension profonde (ou nouvelle) de ce qui se passe pour le demandeur, la découverte de la manière dont il éprouve la situation qui lui fait problème, la clarification progressive de son vécu et la recherche de moyens ou de ressources permettant un changement » (Salomé, 1986, 108) [6]. Pour réaliser et réussir cet accompagnement, l’aidant doit, selon Rogers (1942, 94) [7] détenir quatre qualités : « une chaleur et une émotion sympathiques », une certaine permissivité permettant l’expression des sentiments, la capacité d’instaurer des limites thérapeutiques et l’absence de « toute forme de pression ou de coercition dans l’entretien d’aide » contribuant ainsi à la création d’un climat de confiance, qui « permet à la personne écoutée d’exprimer au maximum ses sentiments, attitudes et problèmes » (p. 118). Un retour sera fait dans le cadre de la discussion, sur des thématiques entourant l’accompagnement et la relation d’aide en milieu carcéral. Après avoir présenté les cadres théorique et méthodologique de l’enquête ayant contribué à recueillir les résultats sur lesquels s’appuie le présent article, il est fait état de la place qu’occupent les soins infirmiers au sein du milieu carcéral. Cette information permet de situer et de contextualiser le phénomène d’intérêt autour duquel gravite l’article, à savoir : la pratique infirmière en milieu carcéral. Ensuite et conformément aux concepts centraux de la psychodynamique du travail, les résultats sont présentés en référant aux sources communes de plaisir et de souffrance au travail qui se dégagent des propos des participants. A des fins d’illustration, certains résultats sont assortis de verbatim recueillis lors des rencontres. De plus, des résultats sont commentés par des écrits recensés qui corroborent ou infirment ces premiers. Cette option fut privilégiée afin de permettre que la dernière section, à savoir : la discussion, puisse soulever des questionnements quelque peu plus globaux comme par exemple, les stratégies défensives (autre concept central de la psychodynamique du travail) déployées par les infirmières et infirmiers rencontrés. Une conclusion clôt l’article tout en ouvrant sur des pistes de réflexion pour des études ultérieures. CADRE DE RéFéRENCE ET MéTHODE La psychodynamique du travail a pour objet le rapport entre le travail et la santé mentale ; elle repose sur l’hypothèse d’un lien étroit entre l’organisation du travail et ce qu’elle génère comme « plaisir-souffrance » et « équilibre psychique ». L’organisation du travail structure les rapports sociaux vécus à travers des relations hiérarchiques (verticales) et entre les collègues (horizontales) (Carpentier-Roy, Vézina, 2000) [8]. Selon cette approche, la souffrance est inévitable à tout travail qui porte aussi en lui la promesse de l’expérience du plaisir. Cependant, quand le travail devient l’expérience répétée de la souffrance, que l’organisation du travail ne permet pas son dépassement et sape tout plaisir, le travail devient un lieu à risque pour la santé psychologique (Alderson, Saint-Jean, Rhéaume, Ruelland, 2011) [9]. Au-delà des expériences individuelles, la psychodynamique du travail s’intéresse à ce qui est vécu collectivement dans le travail ; l’expérience concrète de travail est partagée le plus authentiquement possible. Au centre de la démarche est posée la prémisse théorique que le travailleur demeure le mieux placé pour exprimer et comprendre comment il vit son rapport au travail ainsi que les sources de plaisir et de souffrance que ce dernier génère (Alderson, Saint-Jean, Rhéaume, Ruelland, 2011) [9]. Cette démarche de recherche repose sur une approche méthodologique interprétative basée sur le caractère central de la subjectivité dans les rapports de travail. Trois infirmiers et deux infirmières ont participé à l’enquête en psychodynamique du travail. Deux chercheurs, assistés d’un agent de recherche, ont encadré trois entretiens collectifs. Avec l’accord des participants, les rencontres ont été enregistrées sur support audionumérique aux fins d’analyse. Ils ont participé à quatre rencontres d’environ trois heures chacune. Les deux premières visaient à mettre en commun le vécu du travail. Suite à ces deux rencontres, les chercheurs ont mis en commun les propos recueillis afin de les interpréter. L’analyse a été soumise et entérinée par les participants lors de la troisième rencontre. Elle a donné lieu à des discussions, des approbations, des nuances et des précisions. Par la suite, un rapport a été écrit et présenté aux participants lors de la quatrième rencontre ; l’objectif de cette dernière étant d’en arriver à une version acceptée de tous (Dejours, 2000) [10]. Dans l’intérêt des lecteurs, la section ci-après décrit comment est organisée la prise en charge des besoins en soins et services de santé des détenus et le rôle joué par les infirmières et les infirmiers au sein de l’univers carcéral. LA PIERRE ANGULAIRE DES SERVICES DE SANTé EN MILIEU CARCéRAL : LES SOINS INFIRMIERS Selon la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, il revient au Service Correctionnel du Canada (SCC) de veiller à ce que chaque détenu reçoive les soins de santé essentiels. Chacun doit avoir accès, dans la mesure Documenttéléchargédepuiswww.cairn.info-UniversitédeMontréal--132.204.3.57-27/04/201402h47.©A.R.S.I. Documenttéléchargédepuiswww.cairn.info-UniversitédeMontréal--132.204.3.57-27/04/201402h47.©A.R.S.I.
  • 5. 98 l Recherche en soins infirmiers n° 113 - Juin 2013 Copyright © ARSI tous droits réservés du possible, aux soins qui peuvent faciliter sa réadaptation et sa réinsertion sociale, encourageant la responsabilité individuelle et contribuant à la sécurité des collectivités (Service correctionnel Canada, 2012) [11]. La prestation des soins est assurée par les Services de santé du SCC, lequel comprend des professionnels de la santé agréés ou autorisés au Canada. Les infirmiers sont la pierre angulaire des opérations des Services de santé du SCC et les principaux fournisseurs de soins de santé de quelque 21 000 détenus sous la garde et la surveillance du SCC. L’équipe de soins infirmiers du SCC compte plus de 700 infirmiers et infirmières qui travaillent dans des cliniques situées dans les établissements correctionnels du SCC. Il s’agit du groupe le plus nombreux de professionnels de la santé œuvrant dans le système correctionnel (Service correctionnel Canada, 2012) [12]. Si les soins infirmiers en milieu correctionnel avaient jadis mauvaise réputation, le milieu attire de plus en plus d’infirmières et d’infirmiers très qualifiés détenant des expériences professionnelles variées et des savoir-faire divers (Service correctionnel Canada, 2012) [12]. Ils ont accès à de la formation et à des cours de perfectionnement continus et spécialisés dans un large éventail de domaines, allant de la santé mentale et de la toxicomanie aux soins chroniques. Au moyen d’une combinaison de formations, d’éthique professionnelle et de qualités personnelles, les soins infirmiers en milieu carcéral visent à améliorer la santé des détenus (Service correctionnel Canada, 2012) [13]. Il existe des similitudes entre les soins de santé offerts dans les établissements correctionnels et ceux offerts au grand public ; comme le reste de la population, la population carcérale est, en effet, vieillissante et aux prises avec des maladies du cœur et le diabète (Moncrieff, 2010) [14]. Cela dit, des particularités caractérisent leur travail, lesquelles semblent intéressantes à être connues. Ainsi et au quotidien, les infirmiers et infirmières rencontrés dans le cadre de l’étude travaillent à l’intérieur des murs de leur Centre de santé et disent s’y sentir en sécurité. Des détenus y sont hospitalisés pour de courts séjours et la sécurité y demeure une occupation centrale, comme partout ailleurs dans l’établissement. Les participants à l’étude expriment d’emblée et sans détours que leur travail se déploie en situation de danger : leur intégrité corporelle mais aussi psychologique est interpellée, voire menacée, au quotidien. Ainsi, ils développent, entre eux, des stratégies de protection, telles le fait de ne jamais laisser un collègue seul au centre de santé en présence d’un détenu présentant un fort potentiel de violence. Les infirmières et infirmiers sont aussi appelés à aller dispenser des soins sur les différentes unités de l’établissement carcéral où là encore, la sécurité est une nécessité incontournable. Ils expriment que leurs outils de travail sont convoités par certains détenus notamment les ciseaux et les seringues qui peuvent devenir des armes potentielles. Ainsi, il ressort de leurs propos qu’outre le fait de requérir les compétences inhérentes à la profession infirmière, les infirmières et infirmiers œuvrant en milieu carcéral ont à développer des compétences importantes de protection d’eux-mêmes et de leurs instruments. Il apparaît qu’ils ont à concilier des exigences, somme toute, assez contraires ou paradoxales : dispenser des soins, parfois de proximité, tout en assurant leur propre sécurité et celle d’autrui ; rechercher l’équilibre entre le besoin de sécurité personnelle et les soins et services infirmiers requis par les détenus. Les infirmières et infirmiers rencontrés notent que leur sécurité dépend aussi considérablement du travail des agents de correction lesquels, du haut des passerelles, observent en continu les attitudes et comportements des détenus. Tous expriment unanimement et à plusieurs reprises leur profonde reconnaissance à l’endroit des agents de correction ; ceux-ci les protègent. La section suivante révèle les résultats en termes de sources de plaisir et de souffrance qui ont émergé des rencontres. RéSULTATS z LES SOURCES DE PLAISIR AU TRAVAIL Sous l’angle de la psychodynamique du travail, le plaisir au travail est synonyme de bien-être psychique particulièrement lorsque l’action est en lien avec les désirs du travailleur et que cette action ouvre sur une reconnaissance du travail accompli lui permettant de construire son identité de travailleur (Alderson, 2004) [15]. Ce plaisir est majoré lorsqu’il est partagé avec les pairs dans des rapports de coopération et de solidarité. Les principales sources de plaisir au travail exprimées par les participants à l’étude sont présentées dans la prochaine sous-section. L’étendue de la pratique infirmière Les infirmières et infirmiers rencontrés expriment avec une satisfaction non dissimulée, toutes sortes de problèmes de santé et réfèrent à divers traitements curatifs spécialisés (ex : hémodialyse, traitement de brûlures importantes). Ils font état de l’étendue considérable de leur pratique et soulignent la technicité croissante de leurs actes : « On a même un patient qui est hémodialysé, … un détenu trois jours/semaine. Maintenant, on le dialyse ici. Pour éviter de le sortir à l’extérieur ». « Des fois on a des affaires assez techniques, assez spéciales, assez pointues ». Documenttéléchargédepuiswww.cairn.info-UniversitédeMontréal--132.204.3.57-27/04/201402h47.©A.R.S.I. Documenttéléchargédepuiswww.cairn.info-UniversitédeMontréal--132.204.3.57-27/04/201402h47.©A.R.S.I.
  • 6. Recherche en soins infirmiers n° 113 - Juin 2013 l Copyright © ARSI tous droits réservés - 99 La pratique infirmière en milieu carcéral : des détenus pour patients Outre les soins et traitements de nature curative, les infirmiers et infirmières rencontrés notent que leur travail gravite autour de trois principaux pôles de prévention. Le premier pôle est la prévention de la propagation de maladies infectieuses. En effet, il y a un taux élevé de maladies contagieuses et de maladies transmises sexuellement en milieu carcéral. Pour exemple, des détenus sont porteurs du VIH ou de l’hépatite C ou encore des deux. Il est à noter que le pourcentage de détenus infectés par le VIH s’élève en milieu carcéral à 1,67 % alors que, dans la population canadienne, ce taux n’est que de 0,2 % (Service correctionnel Canada, 2012) [12]. Pour ce qui est de l’hépatite C, le taux d’infection est de 29,3 % chez les détenus par rapport à 0,8 % dans la population canadienne (Moncrieff, 2010) [14]. Dans une perspective de prévention de la transmission de maladies contagieuses, les infirmières et infirmiers mentionnent que de l’eau de Javel pour les aiguilles, des préservatifs et des lubrifiants sont remis gratuitement aux détenus. Le deuxième pôle est la prévention de l’utilisation abusive de médicaments d’ordonnance. Près de 80 % des détenus sous responsabilité fédérale ont un problème de dépendance quelconque (Moncrieff, 2010) [14]. Il leur faut aussi veiller à prévenir que les substances prescrites ne soient consommées par d’autres personnes que les destinataires prévus. Ainsi, les détenus qui se sont vus prescrire des narcotiques, doivent prendre leur dose quotidienne sous surveillance afin d’éviter qu’ils ne recrachent les comprimés pour les donner ou les revendre à d’autres détenus. Un agent correctionnel surveille les détenus pendant 20 minutes après l’absorption. Le troisième pôle est la prévention des décès causés par des blessures que les détenus s’infligent à eux-mêmes ou à d’autres détenus. Les participants notent qu’ils doivent veiller à garder les médicaments sous clés, se méfier des liquides corporels pouvant être infectés et découper ou détruire tout article (ex : sacs et tubes intraveineux) pouvant être récupéré par les détenus en vue de fabriquer des substances illicites, comme par exemple, de l’alcool maison. Par ailleurs, le taux de suicide est élevé en milieu carcéral. Ainsi, en 2004, il atteignait 86 personnes sur 100 000 alors que dans la population générale, ce taux se chiffre à 11,3 personnes sur 100 000 (Moncrieff, 2010) [14]. Un facteur à prendre en considération pour interpréter les propos énoncés par les infirmières et infirmiers est le nombre considérable – et son augmentation – de détenus atteints de troubles mentaux graves. Les troubles mentaux au Canada sont d’ailleurs deux ou trois fois plus fréquents chez les détenus que dans la population générale. Les diagnostics les plus usuels incluent les troubles psychotiques, l’anxiété, la dépression et la personnalité antisociale (Service correctionnel Canada) [12]. Ces divers problèmes de santé sont généralement aggravés par des années de négligence et l’absence de soins (Service correctionnel Canada) [12]. Cette diversité du travail, longuement décrite par les participants, émerge de leurs propos comme étant, sans conteste, une des principales raisons de leur choix de carrière : travailler en milieu correctionnel n’a rien de routinier. Ils notent que c’est un milieu optimal pour qui veut apprendre et soulignent le caractère holistique de l’approche de soins ainsi que l’interpellation de l’ensemble de leurs connaissances : « On n’imagine pas à quel point ce type de soins infirmiers est holistique et fait appel à tout le savoir-faire infirmier. Je n’aurais peut-être jamais fait tout ça ailleurs ». L’analogie est très souvent faite par les participants avec leurs collègues qui travaillent dans le grand Nord ou dans un dispensaire de brousse. Exercer en milieu carcéral revient, pour eux, à travailler dans un hôpital miniature ; ils disent devoir conserver en tout temps une pleine maîtrise de l’ensemble de leurs compétences : pas question de perdre la main ! Les propos de Picherie (2003, 30) [16] vont dans le même sens : « Pour exercer en milieu pénitentiaire, le soignant doit avoir acquis de bonnes aptitudes techniques afin de pouvoir répondre à des demandes très variées sur le plan somatique. […] De plus, l’infirmier(ère) doit avoir une parfaite connaissance des gestes d’urgence. Il doit être apte à secourir toute personne en danger vital, en présence ou en l’absence du médecin ». Prodiguer des soins d’urgence aussi bien que des soins palliatifs, faire la promotion de la santé publique, soutenir les détenus toxicomanes qui suivent un programme de sevrage, panser les blessures après une bagarre, prendre soin d’un détenu sous dialyse, … la variété est sans aucun doute au rendez-vous : « Beaucoup de prévention, des suivis de traitements, toutes sortes de traitements. Il y a beaucoup de maladies infectieuses. Donc on fait de la prévention et on traite ». L’autonomie, la sollicitation de leur plein potentiel, la collaboration étroite avec les médecins et le caractère inusité de leur travail Contrairement à l’hôpital où la pratique des soins infirmiers est encadrée par un système hiérarchique considérable, une plus grande autonomie de pratique est laissée ou offerte à chacun et chacune en milieu carcéral. L’autonomie ressort sans ambiguïté des résultats de l’étude comme étant une source centrale du plaisir au travail dans l’univers carcéral. Les participants expriment prendre tous les jours des décisions qui requièrent leur pleine expérience, leur jugement et leurs compétences en matière d’évaluation clinique. Pour exemple, comme le médecin n’est pas présent en permanence, les infirmières et infirmiers sont sollicités pour effectuer les évaluations requises préalables à toute intervention. Le principe d’ordonnance collective soutient leur autonomie et vient reconnaître leur expertise. Plus précisément, ce principe fait en sorte que dans le cas des médicaments, par exemple, certains d’entre eux ne sont pas prescrits à un individu en particulier ; ils peuvent être administrés à tout détenu qui Documenttéléchargédepuiswww.cairn.info-UniversitédeMontréal--132.204.3.57-27/04/201402h47.©A.R.S.I. Documenttéléchargédepuiswww.cairn.info-UniversitédeMontréal--132.204.3.57-27/04/201402h47.©A.R.S.I.
  • 7. 100 l Recherche en soins infirmiers n° 113 - Juin 2013 Copyright © ARSI tous droits réservés selon le jugement de l’infirmière ou l’infirmier en démontre le besoin. Il revient donc à ces derniers d’évaluer quand et à quelle dose un individu a besoin de ce médicament. Ceci exige un jugement clinique aiguisé, lequel se trouve par le même fait reconnu et valorisé : « On est autonome ». « On fonctionne avec des ordonnances collectives ». « On a un médecin qui vient à l’établissement deux fois/semaine pour voir les détenus qu’on lui réfère. Puis il signe des ordonnances collectives qui nous donnent le droit de faire tel, tel, tel acte. L’ordonnance collective appartient à l’établissement. On aime cela. On a beaucoup plus d’autonomie que dans les centres hospitaliers ». Ainsi, l’autonomie professionnelle, facilitée et soutenue par le principe d’ordonnances collectives, est un élément-clé de l’appréciation positive qu’ils formulent au regard de leur travail. Les infirmières et infirmiers rencontrés notent avec satisfaction que leur expertise en milieu carcéral est en voie de reconnaissance auprès de l’Ordre des Infirmières et Infirmiers du Québec : « On commence à être reconnus… ». Une autre illustration de la sollicitation continuelle mais salutaire de leur jugement clinique est donnée par les participants en exprimant qu’ils doivent toujours considérer une possible manipulation de la part des détenus. Ils disent trouver stimulant de travailler dans un secteur où ils ne peuvent pas se fier aux apparences : « On ne peut pas simplement présumer que le patient dit la vérité ». Une infirmière prend pour exemple le fait que la plupart des détenus savent que, s’ils se plaignent de douleurs à la poitrine, ils seront vraisemblablement transportés à l’hôpital car le centre de détention ne possède pas l’équipement ou le personnel requis pour effectuer une évaluation de la fonction cardiaque. Ils ont donc, en tant qu’infirmière et infirmier, à procéder à une évaluation clinique rigoureuse de l’état de santé du détenu qui rapporte des douleurs thoraciques afin de s’assurer que d’autres motivations, non exprimées, ne se logent pas sous ses plaintes ; ce dernier pourrait vouloir sortir de sa cellule, voire même de l’établissement, parce qu’il s’y sent menacé ou encore, pour toute autre raison possible. Le plaisir rattaché à l’autonomie dans le travail et à la collaboration avec les médecins reconnaissant l’expertise des infirmières et des infirmiers est relevé par divers auteurs. Phaneuf, 2008, [17] rapporte qu’en demandant à une infirmière œuvrant dans les prisons depuis dix ans, ce qu’elle aime dans son travail, celle-ci énonce qu’elle a détesté son expérience de travail de six mois dans un hôpital général et que l’autonomie dans le travail en milieu carcéral constitue le cœur de sa satisfaction : « […] il faut aimer le travail autonome, les défis et la prise de décisions instantanées ». Moncrieff, 2010, [14] relate les propos suivant d’une infirmière ayant consacré 18 ans à soigner des détenus : « Quand les médecins arrivent, nous leur faisons part de la situation. Nous ne travaillons pas pour eux, nous travaillons avec eux ». Moncrieff, 2010, [14] souligne qu’une autre source de satisfaction rapportée est le grand nombre de défis à relever ainsi que - et l’auteure souligne : « à la grande surprise de ceux qui ne font pas partie du système » - le « fait de prodiguer des soins à des patients détenus ». Phaneuf, 2008, [17] corrobore le caractère particulier des infirmières aimant travailler auprès de détenus ; elle conclut que celles-ci appartiennent à une catégorie à part, ce qui en soi peut aussi constituer une source de valorisation. En effet, les participants soulignent que le fait de travailler auprès d’une clientèle inusitée comme le sont des détenus, revêt un caractère peu ordinaire, particulier, voire d’exploit. Exercer cet emploi suscite de la curiosité et de l’intérêt dans le cercle social des infirmières et infirmiers rencontrés. Le regard que l’autre porte sur l’emploi exercé n’est pas sans effet valorisant ce qui dénote le caractère de défi relevé. Un gestionnaire de services de santé dans un établissement pénitentiaire canadien note aussi la particularité du travail d’infirmière et d’infirmier en milieu carcéral qui peut ne pas être adéquat pour tous : « Ça ne convient pas à tout le monde. Lorsque j’interviewe des infirmières, je leur dis qu’elles vont adorer et vouloir toujours y rester, ou bien s’enfuir après cinq minutes » (Steeves, 2010) [18]. Bennett, Perry et Lapworth, 2010, [19] soulignent quant à eux le caractère central en milieu carcéral, de l’intelligence émotionnelle, du travail en équipe ou travail collaboratif et notent l’importance de l’apprentissage collaboratif (collaborative learning) entre les officiers et les infirmières (Bennett, Perry, Lapworth, Davies, Preece, 2010) [20]. Des soins de qualité, comme à l’extérieur, empreints de non-jugement, d’humanité et de caring malgré le contexte Dans leurs propos, les infirmières et infirmiers du service de santé relèvent à diverses reprises combien ils ont à cœur d’offrir les meilleurs soins possibles aux détenus et ce, peu importe la raison pour laquelle ces derniers sont derrière les barreaux. C’est d’abord un être humain qui a droit aux soins dont il a besoin, comme s’il était à l’extérieur : « C’est des êtres humains ». « Un être humain, c’est un être humain. Un bon samaritain ça existe dans la rue, ça devrait exister plus encore ou autant ici ». Référant à un détenu qui avait d’importantes brûlures, ils notent avec une intense satisfaction professionnelle la qualité du travail de soins réalisé auprès de lui : « Tu sais, on s’est occupé de lui comme à l’extérieur. On ne l’a pas jugé pour un détenu […]. On a fait le débridement de ses plaies comme de… n’importe qui. Tout le monde a travaillé avec lui. Tu sais, il n’a pas de cicatrice le gars-là. On a bien travaillé sur ce gars-là. […]». Très souvent, les participants font la comparaison entre le travail infirmier dans le système de la santé (hôpitaux, communauté) et le système carcéral. En cela, les résultats de l’étude rejoignent les travaux de Lhuilier et Lemiszewska Documenttéléchargédepuiswww.cairn.info-UniversitédeMontréal--132.204.3.57-27/04/201402h47.©A.R.S.I. Documenttéléchargédepuiswww.cairn.info-UniversitédeMontréal--132.204.3.57-27/04/201402h47.©A.R.S.I.
  • 8. Recherche en soins infirmiers n° 113 - Juin 2013 l Copyright © ARSI tous droits réservés - 101 La pratique infirmière en milieu carcéral : des détenus pour patients (2001, 123) [21] soulignant, eux aussi, « La comparaison entre dedans et dehors ». Picherie (2003, 31) [16] note également : « Soigner derrière les barreaux, c’est avant tout proposer la même qualité de soins qu’à l’extérieur, mais c’est aussi assurer le respect inhérent à la personne humaine ». Par leurs propos, les participants illustrent que le fait de prendre soin d’un détenu et de s’en occuper comme d’un patient à l’extérieur relève de leur idéal de métier d’infirmières et d’infirmiers. Malgré le contexte très particulier dans lequel prennent place les soins, les participants témoignent de ce qui est au cœur de leur profession : le prendre soin, le « caring » et cette relation toute particulière qui s’installe lorsqu’on prend soins du corps de l’autre, quand cet autre souffre et est vulnérable. Les infirmières et infirmiers soulignent maintes fois que leur mission principale est de soigner le détenu comme tout autre être humain qui est dans le besoin. Soigner l’autre sans jugement apparaît être relié à l’idéal éthique de travail ; soigner les plaies du corps des détenus et celles de l’âme. Les participants notent cependant que le caring prend place ou se déploie, ici, auprès d’une clientèle hautement criminalisée et présentant une dangerosité certaine ; un potentiel de violence et d’organisation criminelle plane toujours. Ils en ont bien conscience et le vivent au quotidien. Doyle, 2001, [22] note que le caring et sa pratique en milieu carcéral constituent des enjeux pour la pratique infirmière. La posture de non-jugement, relevée chez les infirmières et infirmiers rencontrés, est aussi mentionnée par d’autres auteurs. Phaneuf, 2008, [17] relate les propos d’une infirmière œuvrant en milieu carcéral : « Je ne suis pas ici pour porter un jugement. Mon rôle est de leur offrir les meilleurs soins possibles […] La plupart du temps, nous ne cherchons même pas à savoir pourquoi ils sont ici […] Ce qui compte est leur manière de se conduire lorsqu’ils sont derrière les barreaux ». Moncrieff, 2010, [14] souligne que les infirmières considèrent qu’il ne relève pas de leur rôle de savoir ce qu’a fait le détenu : « Ce n’est pas mon travail ; c’est aux tribunaux et aux avocats de s’occuper de ça ». Elle rapporte les propos de Joanne Barton, infirmière et agente de projet au Service correctionnel du Canada supervisant les politiques et formulant des conseils à la haute direction sur des questions relatives à la santé et aux soins infirmiers partout au pays : « Nous n’approuvons pas ce qu’ils ont fait, mais ça ne peut pas nuire à la qualité des soins que nous offrons. Nous mettons nos opinions de côté et offrons des services qui respectent les normes professionnelles de notre profession ». Marmin, 2005, [23] relève cependant le fait que des infirmières se demandent si elles vont pouvoir demeurer neutres si elles devaient connaître les motifs d’incarcération : « Dans les rares fois où elles avaient eu besoin de consulter les dossiers pénaux des détenus, leur regard sur eux avait tant changé qu’elles avaient ressenti la nécessité de passer le relais afin de ne pas les pénaliser lors des soins » (Ramahavita, 2007) [4]. Bessin et Lechien (2000, 5) [5] notent d’ailleurs que le milieu carcéral met à l’épreuve « la neutralité affective affichée »). Faire la différence dans la vie des détenus Les infirmières et infirmiers rencontrés expriment un profond désir de faire la différence dans la vie des détenus. En effet, sachant que la plupart retourneront un jour dans la collectivité et considérant que chacun a la capacité de faire des progrès personnels (et que cette évolution salutaire peut être facilitée dans l’environnement correctionnel), ils s’emploient corps et âme à influer positivement sur les orientations de vies des détenus. Ces résultats rejoignent les propos de Moncrieff, 2010, [14] qui note que les infirmières et infirmiers qui choisissent de travailler pour les services correctionnels ont foi en les gens : « Pour travailler dans ce domaine et avoir un effet positif, il faut avoir foi en la capacité des détenus de devenir des citoyens respectueux des lois ». Finalement, elle note que le personnel infirmier des services correctionnels doit aussi avoir foi en sa propre capacité d’améliorer l’état de santé de patients dont peut- être personne ne s’est occupé avant. Certains détenus n’ont pas reçu des soins de santé depuis des lustres ; d’autres n’en ont jamais reçus. Comme le mentionne Béthoux, 2000, [24], traiter des détenus de manière humaine et contribuer à changer leurs vies sans compromettre leur propre sécurité, sont les maîtres mots de la pratique infirmière en milieu carcéral. La reconnaissance des pairs et parfois des détenus Les participants expriment que la valorisation et la reconnaissance viennent des collègues. Ils expriment à diverses reprises qu’ils constituent un groupe qui se tient : une belle cohésion existe entre eux, ce qui en soi, constitue une importante source de plaisir au travail. La reconnaissance des détenus ne semble pas fréquente mais lorsqu’elle s’exprime, elle les touche au plus profond de leur identité professionnelle : « Quant aux détenus, ce n’est pas la clientèle qui nous remercie le plus souvent. On ne se fait pas prendre la main par cette clientèle-là pour nous dire : « Merci, vous êtes bien fine, garde ». Mais on a des cartes de Noël ». Le patient soigné pour brûlures au 3e degré les a cependant gratifiés d’une belle reconnaissance : « On a bien travaillé sur ce gars-là. Il était reconnaissant ». Autres sources de plaisir En outre, les participants réfèrent à la stabilité de leur emploi, à leur statut de fonctionnaire et au fait d’avoir un emploi proche de leur domicile comme sources de plaisir en lien avec leur travail. Leurs conditions de travail sont jugées fort satisfaisantes par eux. Documenttéléchargédepuiswww.cairn.info-UniversitédeMontréal--132.204.3.57-27/04/201402h47.©A.R.S.I. Documenttéléchargédepuiswww.cairn.info-UniversitédeMontréal--132.204.3.57-27/04/201402h47.©A.R.S.I.
  • 9. 102 l Recherche en soins infirmiers n° 113 - Juin 2013 Copyright © ARSI tous droits réservés Dans la section suivante, les sources de souffrance sont explorées à travers les dires des participants. z LES SOURCES DE SOUFFRANCE AU TRAVAIL Cette section est abordée selon ce qui semble constituer un risque d’atteinte à l’identité de métier ainsi qu’à l’identité personnelle. Un paradoxe entre les soins et la sécurité est relevé et la réhabilitation ne semble pas, aux dires des infirmières et infirmiers, se conjuguer au quotidien. La réhabilitation : un beau mot plus qu’une réalité Si la réhabilitation est explicitement inscrite dans la mission de l’institution, les infirmières et infirmiers rencontrés notent qu’elle n’est guère appuyée, sur le terrain, par des mesures concrètes. Cet état de faits suscite une certaine détresse, désillusion et souffrance psychique : ils confrontent au quotidien le paradoxe entre le discours et la réalité, finissent par considérer qu’ils sont les seuls à y croire et en arrivent à douter de l’authenticité du discours institutionnel. L’étude de Walsh, 2009, [25] documente le travail émotionnel (emotional labor) des infirmières en milieu carcéral confrontées aux discours contradictoires émanant des instances et des intervenants divers qui y œuvrent ; ces derniers sont sources de tension psychique pour les soignantes. Le paradoxe entre les soins et la sécurité Les participants relèvent l’absence de consensus qui prévaut parfois entre l’univers médical et les services de sécurité : « Notre patron médical va dire : « Vous voyez les détenus tous seuls. » Puis le responsable de la sécurité va dire : « Vous ne voyez pas de détenus sans l’officier. ». Ils soulignent qu’il ne faut jamais perdre de vue la nécessité de la sécurité maximale qui sied dans leur contexte spécifique : « Il faut voir la réalité carcérale ; on ne pourra pas jamais voir de détenu tout seul ». L’étude française de Bazex et Combalbert, 2009, [26] soulève aussi la question de l’articulation entre la prise en charge des besoins en soins et les aspects de sécurité entourant les détenus transférés du milieu carcéral vers l’hôpital. Les résultats apportent une lecture clinique des conflits que les soignants rencontrent dans cette articulation et dans leurs relations avec les détenus. Les chercheurs notent ainsi que les infirmières des hôpitaux expriment beaucoup d’empathie envers ces patients quelque peu inhabituels et se disent quelquefois frustrées par des contraintes de sécurité. Les résultats de l’étude soulignent également l’importance de soutenir les infirmières qui en milieu hospitalier interviennent auprès d’une clientèle potentiellement dangereuse. Les chercheurs sont d’avis que des formations et des interventions en psychopathologie offriraient une opportunité aux soignants d’exprimer leurs émotions et affects en lien avec leur travail auprès de ce type de patients et leur permettraient de développer une pratique professionnelle maîtrisant mieux la spécificité de la dispensation de soins auprès de celle-ci (Bazex, Combalbert, 2009) [26]. Le travail en solitaire : la hantise du soir, des fins de semaine, des jours fériés Le manque de personnel, lors du quart de travail du soir, alimente une peur continue. En effet, les restrictions budgétaires font que les soignants sont souvent seuls à partir de vingt heures ainsi que les fins de semaine et les jours fériés. Or, les agressions arrivent généralement en soirée ainsi que les fins de semaine. Le fait de travailler seul en soirée n’est pas une mesure constante, elle fluctue en fonction des contraintes économiques : « On s’est débattu beaucoup pour avoir deux personnes jusqu’à minuit. Puis ça, on l’a gagné. Cela a été apprécié de tout le monde. L’employeur a vu également que c’était un besoin que d’être au moins deux, le soir ». Ce gain, obtenu dans le passé, est à nouveau compromis, menacé : « Là ils parlent de nous enlever cette deuxième personne, le soir. Ils coupent des postes d’officiers ». « Avec les restrictions budgétaires… on est souvent tout seul à partir de huit heures. Or, les agressions arrivent généralement en soirée et les fins de semaine ». Ce nouveau contexte n’est pas sans susciter de profondes peurs : « Quand tu travailles tout seul… et qu’il t’arrive des événements majeurs, tu as une pression énorme ». Le stress et la peur vécus par les infirmières et les infirmiers dû au contexte spécifique au milieu carcéral et ses effets possibles tant sur leur sentiment d’accomplissement personnel, satisfaction et santé au travail sont documentés par diverses études (Dvoskin, Spiers, 2004) [27] ; (Flanagan, Flanagan, 2002) [28] ; (Kirby, Pollock, 1995) [29] ; (Skiles, Hinson, 1989) [30]. Le sentiment de travail sous pression psychique est aussi noté par Devaud, Wasem, Peer et Waeny, 2005, [31]. La hantise des poursuites judiciaires et l’observation en continu Les participants expriment clairement le souci qu’ils ont d’avoir des témoins, des preuves, afin de se protéger contre d’éventuelles poursuites qui seraient intentées à leur endroit : « On a toujours une sensation de menace au-dessus de notre tête. À savoir : est-ce que j’ai fait tout ce que je devais faire ? Est-ce que j’ai bien fait mon job ? ». Ils réfèrent à un phénomène d’autoprotection qu’ils appellent le « syndrome de la couverte » : « Le syndrome de la couverte, … je ne sais pas si vous avez déjà entendu cette expression-là, il s’agit de se couvrir, de se protéger pour ne pas avoir d’ennuis après. C’est le syndrome de la couverte ». La présence de caméras, dans les rangées de cellules, leur sert d’une certaine façon pour attester du véritable déroulement des situations et incidents : « Le premier but de ces caméras- là, c’est d’éviter des poursuites au niveau national, puis les avocats et tous les frais. Donc, on veut essayer de se protéger avec ces caméras-là contre les détenus pour pouvoir leur Documenttéléchargédepuiswww.cairn.info-UniversitédeMontréal--132.204.3.57-27/04/201402h47.©A.R.S.I. Documenttéléchargédepuiswww.cairn.info-UniversitédeMontréal--132.204.3.57-27/04/201402h47.©A.R.S.I.
  • 10. Recherche en soins infirmiers n° 113 - Juin 2013 l Copyright © ARSI tous droits réservés - 103 La pratique infirmière en milieu carcéral : des détenus pour patients dire : « Ah moi ! J’ai ça sur « tape », ce n’est pas vrai, ce que tu dis là. Tu ne gagneras jamais ta cause. On sait que le premier but, c’est ça ». Cela dit, les participants notent aussi l’outil de contrôle que ces caméras constituent, générant par le fait même une tension psychique : « Ils peuvent voir combien cela a pris de temps avant que quelqu’un n’ouvre la porte. Le film, l’enregistrement, est minuté ». « S’ils voient sur la caméra, l’officier aller dans la cellule… et qu’il s’en vient, en marchant, en disant : « Il y a un pendu » et qu’ils voient sur la caméra que cela prend cinq, dix, quinze minutes avant qu’on ouvre la porte… là… C’est à ça que ça sert aussi ces caméras-là ». « Elles servent aussi à… évaluer la qualité des soins. Elles permettent d’évaluer les soins. Cela met un stress… cette caméra-là ». « Ça nous met un stress, c’est sûr ». « On est toujours filmé ; ça nous met un stress de plus ». La peur du blâme les accompagne au quotidien ce qui les porte à être très vigilants en terme de respect des droits et libertés des détenus : « Les droits des détenus sont regardés. Nous devons être bien prudents à ce niveau-là. On est toujours observé à gauche et à droite. Toute intervention est observée ». Dans la section qui suit, sont discutées la contamination, ou non, au sens figuré, des infirmières et infirmiers par le lieu d’exercice particulier qu’est le milieu carcéral et la sublimation comme élément central de leur pratique. DISCUSSION Chez les infirmières et infirmiers ayant participé à l’étude, la dissociation qu’ils font entre, d’une part, l’aspect sordide du détenu ayant commis des actes répréhensibles et, d’autre part, la personne sous-jacente à ces actes qui a droit à des soins de qualité, au même titre que toute autre personne, est perçue. Les participants rencontrés n’illustrent pas ce que Lhuilier et Lemiszewska (2001, 126-127) [21] expriment, à savoir que les soignants sont généralement « contaminés » par leur lieu d’exercice : « La tendance à l’objectivation des personnes, contenue dans le traitement de la population carcérale, contaminerait le personnel de santé lui-même, qui se contenterait d’une médecine à la chaîne […] C’est aussi la peur d’être contaminé : par la maladie, par le mal ». Si les infirmières et infirmiers rencontrés dans le cadre de l’étude n’expriment pas cette peur d’être contaminés par le mal, ils disent cependant observer une certaine contamination chez d’autres intervenants du pénitencier : « J’ai l’impression que les clients déteignent sur les intervenants ». Ils notent que les rapports entre eux (employés du service de santé) sont amicaux mais évoquent la rudesse des rapports sociaux prévalant de manière générale au sein du pénitencier. Ils mentionnent, par exemple, que le personnel de la sécurité les bouscule quelquefois et soulignent aussi recevoir, de la direction, des communications peu agréables, malvenues. Les infirmières et infirmiers rencontrés semblent, d’une certaine façon, quelque peu épargnés par la contamination du milieu. Bénéficieraient-ils d’une expérience différenciée, plus favorable due à la nature même de leur profession et des valeurs spécifiques de caring que celle-ci véhicule ? Ici, l’affirmative semble de mise. Comme le disent Lhuilier et Lemiszewska, 2001, 116, [21] : « On pense ici à l’opposition entre ceux qui, en prison, se voient attribuer des tâches nobles (les soins) et une visée de normalisation (soigner dedans comme dehors) et ceux qui sont chargés du « sale boulot », des tâches répressives et contraignantes, ceux qu’on appelle les matons, au mieux les gardiens ». Au terme de leur étude réalisée en France auprès d’infirmières œuvrant au sein d’une structure pénitentiaire, Boudoukha, Hautekeete, Hautekeete-Sence, Cousine et Calesse, 2009, [2] s’interrogent sur la construction cognitive de la prison chez les infirmières qui, d’après eux, dévoile une particularité : les personnes incarcérées sont, dans les services de soins, des patients. En effet, dans le cadre des structures soignantes en prison, les détenus sont, comme dans n’importe quel autre hôpital, considérés comme des patients. Ces auteurs pensent que cette perception des détenus en tant que patients, a) modifie totalement le contexte structurel : ce n’est plus la prison mais l’hôpital et b) propose un autre mode de relation : la relation soignant/soigné en place de la relation surveillant/surveillé. Ils sont d’avis que la partie hospitalière de la prison n’est pas perçue comme un environnement menaçant, dangereux et anxiogène. Cette hypothèse pourrait expliquer d’après eux les niveaux d’anxiété faibles mesurés chez les infirmières participantes à leur étude (Boudoukha, Hautekeete, Hautekeete-Sence, Cousine, Calesse, 2009) [2]. A l’instar de ce qui ressort des résultats, les chercheurs français, Bessin et Lechien, 2000, [5], notent aussi que l’exercice infirmier en milieu pénitentiaire est généralement valorisé ; la plénitude retrouvée de leur rôle en étant, selon eux, la raison principale. La polyvalence et la variété des soins, la place prépondérante de l’écoute, l’apprentissage du soigner sans juger, le travail en équipe, l’autonomie à travers les actions de santé publique et les consultations infirmières, la spécificité de la profession en prison… sont autant de dimensions relevées par ces chercheurs et qui rejoignent celles dégagées de la présente étude. Ils notent aussi, à la suite des données découlant de cette enquête, que la hiérarchie des professions est réduite en milieu carcéral, favorisant un décloisonnement qui permet des relations moins inégalitaires avec les médecins. Finalement, ces auteurs réfèrent aux services de santé comme à des espaces enclavés où l’ordre pénitentiaire semble temporairement suspendu et tirant le travail des infirmières vers le relationnel. Ces services sont souvent perçus comme les seuls lieux humains et d’écoute au sein des prisons (Bessin, Lechien, 2000) [5]. Documenttéléchargédepuiswww.cairn.info-UniversitédeMontréal--132.204.3.57-27/04/201402h47.©A.R.S.I. Documenttéléchargédepuiswww.cairn.info-UniversitédeMontréal--132.204.3.57-27/04/201402h47.©A.R.S.I.
  • 11. 104 l Recherche en soins infirmiers n° 113 - Juin 2013 Copyright © ARSI tous droits réservés Ainsi et pour exemple, Meeks, Sublett, Kostiwa, Rodgers et Haddix, 2008, [32] soulignent les effets bénéfiques des relations thérapeutiques établies par les infirmières avec des détenus souffrant de dépression ; les résultats de l’étude révèlent l’établissement et le développement de relations significatives infirmières-détenus malgré les barrières aux soins inhérentes au contexte carcéral. Les résultats de l’étude de Howe et Scott, 2012, [33] éclairent quant à eux l’importance déterminante des soins palliatifs en milieu carcéral tout en soulignant le défi que ceux-ci revêtent dans le contexte spécifique. L’intelligence émotionnelle est relevée par des auteurs comme étant une compétence pertinente en milieu carcéral (Bennett, Perry, Lapworth, Davies, Preece, 2010) [20] ; (Walsh, 2009) [25]. En parlant de l’infirmier(ère) œuvrant en milieu carcéral, Picherie, 2003, [16] note la singularité de son approche, de son abord : « Lors des consultations, il n’accueille jamais un individu en tant que détenu, mais en tant qu’être humain avec son vécu et ses difficultés. Savoir écouter permet de mieux comprendre, de créer cette relation de confiance indispensable dans le soin, de signifier au patient qu’il peut être entendu, aidé, soigné et que la prison n’est plus ce lieu d’exclusion qu’il fut autrefois. Il est fréquent que ces quelques instants d’échange fassent réaliser que les maux décrits par le patient ne sont que la traduction d’un mal-être » (p. 30-31). […] « Reste maintenant à l’infirmier(ère) à bien connaître ses limites, à protéger ses propres affects et à garder suffisamment de distance afin que la relation soignant-soigné demeure saine et efficace » (p. 31). Lebon-Proust, 2005, [34], ex-cadre d’un hôpital pénitentiaire de France, note que « la lutte pour exister en tant que soignant dans ce lieu singulier et potentiellement dangereux impose de se forger une identité professionnelle au cœur de laquelle l’empathie aura une place centrale puisque, sans elle, l’infirmier ne saura éviter les pièges de la compassion ou de la trop grande distance » (p. 53). Pour finir, les stratégies défensives qui sont déployées par les travailleurs afin de minimiser les impacts psychiques de la souffrance vécue dans le cadre du travail (Alderson, Saint- Jean, Rhéaume, Ruelland, 2011) [9] sont abordées. Comme l’indiquent ces derniers, elles constituent des moyens pour maintenir la santé mentale au travail ; les stratégies défensives permettant de rendre plus acceptables ou supportables les situations conflictuelles et anxiogènes vécues dans le cadre du travail. Ainsi, il se pourrait que le « prendre soin », de qualité, dont attestent les infirmières et infirmiers rencontrés à l’égard des détenus soit le fruit ou l’expression d’un processus de sublimation opéré par ces premiers ; processus relevant de la stratégie défensive. Ce processus de sublimation pourrait être vu comme un processus d’idéalisation du métier de Care et de l’humanisme à l’égard des détenus. Comme l’énonce Christophe Dejours (2000, 166) [10] père de la psychodynamique du travail : « Dans le travail, l’idéalisation porte sur une vocation […] Quand des gens font une œuvre, ils s’aiment mieux ». Le concept de la sublimation requiert l’interpellation de la psychanalyse. Pour la théorie psychanalytique, l’élan créateur de l’homme est d’origine sexuelle, pulsionnelle et la sublimation est l’un des destins des pulsions de l’humain sous la forme d’une activité socialement valorisée : « La sublimation, introduit une véritable rupture dans l’ordre érotique, que Freud désigne sous le nom de désexualisation de la pulsion […] c’est-à-dire le renoncement à la satisfaction pulsionnelle. Rupture donc dans un premier temps qui permet d’établir, dans un deuxième temps, une nouvelle continuité avec la société et les valeurs, entre la pulsion – l’origine pulsionnelle inconsciente - et la société et les valeurs : c’est ce que Freud désigne par « activité socialement valorisée ». Donc un pont jeté en quelque sorte entre l’ordre individuel de l’inconscient et de la pulsion d’un côté, et l’ordre social de l’autre » (Dejours, 2010, 132) [36]. Autrement dit, la sublimation désigne « la capacité d’échanger l’objet et le but sexuel de la pulsion par un objet et un but non sexuels, valorisés socialement » (Molinier, 2008, 158) [35]. Comme le précise encore Freud en d’autres mots : « L’accomplissement du potentiel développemental de la pulsion passe par une activité qui rejoint notre échelle de valeurs sociales ; c’est ce que nous appelons « sublimation » (Freud, 1932 OCFP Tome XIX, 179). Le travail semble à Freud la voie par excellence de la sublimation : « Aucune autre technique pour conduire sa vie ne lie aussi solidement l’individu à la réalité que l’accent mis sur le travail, qui l’insère sûrement tout au moins dans un morceau de la réalité, dans la communauté humaine » (Freud, 1932, 267). En ce sens, la prise en charge très professionnelle des détenus pourrait être interprétée comme l’expression de l’élan créateur des infirmières et infirmiers participants, l’idéal social étant dans ce cas précis, le prendre soin et la réhabilitation de « criminels ». Dans cet esprit, il y aurait au cœur des agissements des infirmières et infirmiers rencontrés, le désir conscient ou inconscient de « sauver », de réhabiliter l’homme qui s’abrite sous le détenu. Les résultats de l’étude portent à considérer cette possibilité. Nasio (cité dans Molinier, 2008, 163, [35]) note : « [Les] œuvres créées par sublimation […] répondent à des idéaux sociaux élevés, intériorisés subjectivement sous la forme de l’idéal du moi du créateur ». Nasio circonscrit ainsi la sublimation au domaine du « sublime », « éblouissant le spectateur » et suscitant en lui « le même état de passion et de désir suspendu qui avait porté l’artiste à engendrer son œuvre » (Molinier, 2008, 163) [35]. C’est assez proche du ressenti des chercheurs face au travail accompli par les infirmières et les infirmiers rencontrés : ceux-ci se dépassent et dépassent tout ce qui pourrait être rébarbatif et repoussant chez les détenus pour les considérer comme des patients au même titre que ceux qui sont soignés en milieu hospitalier ou dans la communauté et leur offrir une qualité de soins égale à celle dont bénéficient ces derniers. Des auteurs ont considéré la question du compromis « sadisme-altruisme » chez les infirmières et infirmiers. Dans Documenttéléchargédepuiswww.cairn.info-UniversitédeMontréal--132.204.3.57-27/04/201402h47.©A.R.S.I. Documenttéléchargédepuiswww.cairn.info-UniversitédeMontréal--132.204.3.57-27/04/201402h47.©A.R.S.I.
  • 12. Recherche en soins infirmiers n° 113 - Juin 2013 l Copyright © ARSI tous droits réservés - 105 La pratique infirmière en milieu carcéral : des détenus pour patients le contexte sous observation, ceux-ci peuvent être émus par la détresse du détenu comme ils peuvent être dégoûtés par l’acte que celui-ci a commis, par son comportement rébarbatif, par ses attitudes hostiles ou provocantes : « Le conflit intrapsychique se jouerait alors entre jouissance sadique et altruisme. […] Toute la difficulté réside alors dans l’obtention de conditions qui vont favoriser, ou au contraire, rendre plus malaisée, la mise au travail des pulsions agressives dans un sens favorable à la mission globale du soin, alliant l’efficacité avec la recherche du meilleur confort pour le malade […]. Classiquement, on a tendance à considérer que le degré de réussite du compromis entre sadisme et altruisme varie en fonction de la personnalité du soignant et celle du soigné […] » (Molinier, 2008, 68) [35]. CONCLUSION Arrivés au terme de cet article et avant de conclure, il importe de rappeler que le présent écrit prend appui sur les résultats d’une plus vaste enquête en psychodynamique du travail réalisé auprès d’une diversité de groupes de travailleurs œuvrant dans un pénitencier. Le but de cette vaste enquête était de mieux comprendre les liens entre d’une part, le travail de différents corps de métiers tel que structuré et organisé au moment de l’étude et d’autre part, l’expérience subjective de travail de ces employés. Quant à cet article, il a pris appui sur les résultats se dégageant des entrevues réalisées auprès d’un corps de métier spécifique - les infirmières et infirmiers du service de santé - pour décrire et mieux faire connaître un environnement de pratique infirmière peu documenté au Québec, soit celui en milieu carcéral. En effet, cet article a ainsi permis de mettre en lumière que la pratique infirmière en milieu carcéral implique ou constitue un travail en tension entre sécurité et caring, distance et proximité. La Charte des droits individuels du détenu porte à privilégier la vision du détenu-citoyen ayant droit à des soins de qualité au même titre que tout autre patient. Cela dit, les résultats de l’étude illustrent que la mission complexe du pénitencier à sécurité maximale dans lequel se déroule l’enquête est porteuse, pour les infirmières et infirmiers rencontrés au sein du service de santé, de belles possibilités mais également de tensions. Plus précisément, les participants expriment la quête qu’ils poursuivent afin d’harmoniser, dans un contexte de rareté des ressources et d’affirmation des droits individuels, l’art et la science du prendre soin avec les objectifs de sécurité et de réhabilitation propres à la population carcérale côtoyée. Ils ont à prendre soin de personnes qui peuvent être dangereuses et cette situation crée une pratique des soins infirmiers tout à fait particulière. En effet, si la relation est au cœur du soin, il s’agit, dans le cas précis, de prendre soin d’une personne, à l’endroit de laquelle l’infirmière et l’infirmier auront toujours à garder « une petite méfiance ». Grâce à une combinaison d’éléments telle l’autonomie, l’éthique professionnelle et l’engagement à vouloir faire une différence dans la vie actuelle et future des détenus, les infirmiers et infirmières rencontrés disent s’accomplir pleinement dans le cadre de leur travail. Leur but ultime est d’aider les détenus à réintégrer la société ; s’ils n’y arrivent pas, l’ensemble de la société sera perdante. Comme le note l’éditeur de l’ouvrage « Le choc carcéral » de Lhuilier et Lemiszewska, 2001, [21] : « On peut vivre en prison ; exister est plus difficile : c’est une invention, une création, une conquête ». Les infirmières et infirmiers rencontrés s’y emploient jour après jour. D’intéressantes questions seraient à explorer dans des études ultérieures : est-ce que le soin en milieu carcéral doit conserver les caractéristiques du soin en établissement de soins ? Quels sont les effets, sur la santé des infirmières et infirmiers, de soigner avec le souci constant de la sécurité ? Est-ce que la réhabilitation du détenu peut passer par le soin, par le caring ? En d’autres termes, est-ce que le soin, le caring peuvent contribuer à la réhabilitation d’un détenu ? Si oui, comment concilier prendre soin et sécurité ? Y aurait-il dans le fait de vouloir soigner des détenus, le désir d’œuvrer auprès des marginaux, des exclus ? S’agirait- il d’une forme d’idéalisation ou de valorisation de soi, à l’instar d’un « surmoi » dans le sens de « surhomme » ou de « surfemme » ? Et par ricochet, d’idéal, voire d’idéalisation du métier ou encore de construction d’un moi professionnel héroïque ? Cet article avait comme objectif de faire connaître le travail d’infirmière et d’infirmier en milieu carcéral. Les participants, grâce à leurs propos, ont su faire comprendre comme le dit Lebon-Proust, « la richesse des situations vécues derrière ces murs » 2005, 53, [34]. Références bibliographiques 1. DRAKE VK. Process, perils, and pitfalls of research in prison. Issues in Mental Health Nursing, 1998 ; 19 : 41-52. 2. BOUDOUKHA AH, HAUTEKEETE M, HAUTEKEETE-SENCE D, COUSINE V, CALESSE F. Anxiété et coping des soignants : la prison est-elle un facteur de protection ? Annales Medico-Psychologiques, 2009 ; 167 : 583-590. 3. CORVEST K, ROYER GR, DUGARDIN T. Former en Ifsi à la prise en charge de patients auteurs d’actes criminels. Soins Psychiatrie, 2011 ; 32 : 35-38. 4. RAMAHAVITA S. La relation soignant-soigné en prison. Travail de fin d’études. Diplôme d’Etat. 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