LA RÉSILIENCE DES PETITES ET TRÈS PETITES ENTREPRISES FACE À LA COVID
fidélisation 5.pdf
1. UNIVERSITE DE PARIS 1- PANTHEON SORBONNE
INSTITUT DE RECHERCHE ET D’ETUDES SUPERIEURES DU TOURISME
« LE DEVELOPPEMENT D’UNE POLITIQUE DE RECRUTEMENT
ET DE FIDELISATION DES CADRES
DANS L’HOTELLERIE DE CHAINES INTEGREES »
Mémoire professionnel présenté pour l’obtention du
Diplôme de Paris 1- Panthéon Sorbonne
MASTER PROFESSIONNEL « Tourisme » (2ème année)
Spécialité Gestion des Activités Touristiques et Hôtelières
Par Mademoiselle Flavie MARCHAND
Directeur du mémoire : Madame Isabelle Kucharski
Année 2010 - 2011
2. 2
AVANT-PROPOS
Les opinions exprimées dans ce mémoire sont celles de l’auteur et ne sauraient en aucun cas
engager le directeur de mémoire, de l’université de Paris 1 – Panthéon Sorbonne ou de l’Institut
de Recherche et d’Etudes Supérieures du Tourisme.
« L’université n’entend donner aucune approbation ou improbation aux opinions émises dans
les mémoires ou thèses. Ces opinions doivent être considérées comme propres à leurs auteurs. »
3. 3
REMERCIEMENTS
Tout d’abord, je tiens à remercier Monsieur Decelle et Monsieur Tiard, professeurs au sein du
Master 2 G.A.T.H, pour leurs conseils méthodologiques dans mes recherches et lors de la
présentation orale de mon sujet de mémoire, le 12 février 2011.
Je remercie également Madame Kucharski pour avoir accepté de prendre la direction de ce
mémoire.
Je tiens à remercier tout particulièrement les différents participants à cette étude : Madame Le
Carre, Madame Coudane, Madame Revillion, Madame Haret, Madame Cote – Peover et
Monsieur Vievard. Ils ont tous fait en sorte d’être disponibles pour contribuer à l’élaboration de
mon analyse empirique et je les remercie vivement.
Enfin, je remercie toutes les personnes qui m’ont soutenu durant l’élaboration de mon
mémoire.
6. 6
INTRODUCTION
Dans son étude sur les fonctions et rémunérations du secteur de l’hôtellerie et tourisme1
, de
2010, le cabinet de conseil et recrutement Michael Page souligne la pénurie de compétences
opérationnelles qui existe dans ce secteur, déjà impacté par un contexte économique difficile
ces dernières années (baisse de la fréquentation du fait de catastrophes naturelles, réduction des
dépenses en tourisme ….). Or, ce besoin en compétences opérationnelles est particulièrement
important pour les postes de cadres, qui, faute de candidats qualifiés et / ou expérimentés, sont
très difficilement pourvus.
Ce constat n’est d’ailleurs pas nouveau, puisqu’en 2005 déjà, selon une étude publiée par le
CREDOC sur le recrutement des cadres en France2
, sur 3 724 projets de recrutements de cadres
dans l’hôtellerie – restauration, 61 % des cas de recrutements sont jugés difficiles.
Ce qui plaçait ainsi, cette année là, le secteur comme celui où les difficultés de recrutements
étaient les plus élevées avec le secteur de la santé.
Cela démontre également que cette problématique de l’emploi cadre au sein du secteur hôtelier
persiste depuis quelques années déjà, notamment du fait des problèmes structurels
(saisonnalité, etc.) et conjoncturels (inadéquation offre / demande) du secteur.
En effet, les métiers de l’hôtellerie- restauration étant réputés très contraignants en termes de
disponibilité, difficiles et peu rémunérateurs, ils ont du mal à attirer les candidats et les
nouveaux talents. Par ailleurs, l’hôtellerie est un secteur très mobilisateur de la force de travail,
où les formations nécessaires pour exercer ces métiers sont parfois peu diplômantes, très
professionnalisées et très techniques. Nous trouvons là des explications parmi d’autres qui
rendent les métiers de l’hôtellerie - restauration peu attractifs pour les hauts potentiels, qui
optent plus souvent pour le secteur de la finance, de l’industrie ou encore du commerce
international.
Néanmoins, ces difficultés de recrutement, notamment pour les fonctions de management
opérationnel, de développement commercial et de direction d’exploitation, pourraient entrainer,
à moyen ou à long terme, une raréfaction des compétences stratégiques, très préjudiciables pour
les établissements concernés.
1
Etude de fonctions & rémunérations, Hôtellerie, Restauration et Tourisme, Michael Page Hôtellerie &
Tourisme, 2010. Accès le 14/01/2011
http://www.michaelpage.fr/productsApp/newtech/EtudeRemHotellerie_2010.pdf
2
Laurent Pouquet, « Les difficultés de recrutement concernent aussi les cadres », CREDOC, Consommation et
modes de vie, n° 184, Juin 2005. Accès le 22/01/2011
http://www.credoc.fr/pdf/4p/208.pdf
7. 7
Afin de comprendre l’impact des chiffre que nous venons de citer, il convient d’effectuer un
bref rappel de la situation du secteur hôtelier en France ces dernières années.
Selon les chiffres édités par le Ministère de l’Economie, des Finances et de l’Industrie en
20103
, le secteur de l’hôtellerie4
regroupe 20 533 entreprises et emploie environ 138 000
salariés, pour un chiffre d’affaires de plus de 16 milliards d’euros, soit plus de 20% du chiffre
d’affaires de l’industrie touristique française. La grande majorité des entreprises du secteur de
l’hôtellerie sont des Très Petites Entreprises (TPE), c’est à dire employant moins de 10 salariés.
Au sein du secteur de l’hôtellerie de tourisme français, le parc hôtelier en lui – même, c'est-à-
dire l’ensemble des hôtels de tourisme5
homologués et classés (de 0 à 5 étoiles), comprenait, en
janvier 2010, 16 973 hôtels offrant ainsi 596 062 chambres à ses clients6
. Parmi ces hôtels, il
est communément effectué une distinction entre les hôtels « sans »7
et « avec restaurant » ainsi
qu’entre les hôtels indépendants, ceux membres de chaînes volontaires et enfin les hôtels de
chaînes intégrées. Afin de faciliter la distinction et la compréhension de l’analyse qui va
suivre, nous tenterons d’expliquer ces notions.
Les hôtels indépendants sont des exploitations gérées en propre par le propriétaire responsable
de l’hôtel. Il s’agit la plupart du temps de TPE voire d’exploitations familiales (la plupart du
temps sans salarié).
Les chaînes volontaires sont des groupements d’hôtels indépendants qui souhaitent se
regrouper autour de valeurs ou d’un concept semblables tout en conservant leur personnalité à
l’image de la chaine l’Hôtellerie Familiale8
par exemple, ou encore affirmer une identité
commune à l’instar des Logis de France, des hôtels Relais & Châteaux et, dans certains cas,
bénéficier de moyens de production communs (centrale de réservation commune, etc.).
3
Chiffres clés du tourisme, Edition 2010, DGCIS, Ministère de l’Economie, des Finances et de l’Industrie,
http://www.tourisme.gouv.fr/stat_etudes/c_cles/chiffres_cles10.pdf , accès le 17/04/2011
4
Hôtels et hébergements similaires (chambres d’hôtes, etc.)
5
Selon l’INSEE : « les hôtels sont classés ou homologués tourisme par arrêté préfectoral après délibération de la
commission départementale d'action touristique. Ils sont classés en six catégories, de 0 à 5 étoiles, en fonction de
leur confort, de leur équipement et de leurs services. Les critères de classement sont stricts et ont été définis par
arrêté du 14 février 1986. Pour être qualifié d' « hôtel de tourisme », un établissement hôtelier doit comporter au
moins 5 chambres ».
http://www.insee.fr/fr/methodes/default.asp?page=definitions/hotellerie-homologuee.htm . Accès le 17/04/2011
6
L’Industrie Hôtelière Française 2010, p. 10, 33ème
Edition, Tourisme- Hôtellerie- Loisirs, KPMG S.A.
Accès le 18/01/2011 http://www.kpmg.com/FR/fr/IssuesAndInsights/ArticlesPublications/Documents/Industrie-
Hoteliere-Francaise-2010.pdf
7
Les hôtels sans restaurant sont également appelés « hôtels bureaux » et ils ont une propension à attirer plus
facilement une clientèle d’affaires que celle de loisirs.
8
Regroupant plus de 400 hôteliers – exploitants, c’est aujourd’hui le 3ème groupement volontaire en France en
nombre d’établissements adhérents. Accès le 15/06/2011
http://www.lhotelleriefamiliale.com
8. 8
A titre d’exemple, l’adhésion à un réseau de chaine volontaire permet souvent à l’hôtelier
d’arborer un logo (identité visuelle traduisant des caractéristiques spécifiques au réseau) repris
dans les guides touristiques. A l’heure actuelle, seuls 20% des hôtels indépendants adhérent à
des chaînes volontaires.
L’hôtellerie de chaîne intégrée, phénomène apparu dès la fin des années 1960 en France, a
beaucoup modifié le paysage hôtelier qui ne comptait alors que des hôteliers indépendants9
. Les
hôtels de chaîne sont eux des hôtels appartenant à un même groupe hôtelier, donc rassemblés
sous une enseigne commune, quelque soit la nature et le statut juridique des relations qui lient
ces hôtels au groupe (franchise, mandats de gestion, …). Les produits et offres tarifaires sont
souvent très normalisés au sein d’un même chaîne voire au sein du groupe. Selon l’INSEE,
« les hôtels de chaîne sont en grande majorité homologués tourisme. Il arrive cependant qu'une
partie des hôtels d'une même enseigne ne soit pas classée, soit parce que le groupe ne le
demande pas, soit en raison de spécificités locales »10
. Comme exemple d’hôtels de chaîne,
nous pourrions citer, entre autres, les hôtels du groupe Lucien Barrière, les hôtels Hilton, les
établissements du groupe Concorde Hôtels and Resorts ou encore ceux du groupe Accor
Hôtellerie France (Novotel, Mercure, Ibis, Sofitel….).
Davantage présents dans l’espace urbain, les hôtels de chaîne ont un taux d’occupation
supérieur à celui des établissements indépendants (57,2 % contre 47,5 % en 2008)11
. Du fait de
leur implantation géographique, de leurs réseaux commerciaux et de leur stratégie de
partenariat et développement, ils réussissent à attirer une majeure partie de la clientèle affaires
tout en conservant de respectables parts de marché sur le segment loisirs.
De nos jours, l’hôtellerie française est encore dominée par les hôtels indépendants, qui comme
nous pouvons l’observer dans le graphique ci-après, représentent plus de 80% du parc hôtelier
français et 60% des chambres. Néanmoins, depuis une dizaine d’années, on observe une nette
restructuration du secteur au profit des hôtels de chaîne. Plus grands en terme de chambres,
avec une gamme de produits et une offre tarifaire plus développées, bénéficiant de marges de
manœuvre financières souvent plus importantes en terme de volume et de prix et pratiquant le
9
Patrick Babayou, Thierry Racaud , « Quels hôtels de chaînes pour demain? », Etude CREDOC, ISSN 0295-
9976 N° 118 – Mai 1997. Accès le 09/03/2011
http://www.credoc.fr/pdf/4p/118.pdf
10
Hôtellerie de chaîne, définition INSEE. Accès le 17/04/2011
http://www.insee.fr/fr/methodes/default.asp?page=definitions/hotellerie-de-chaine.htm
11
Le 4 pages mensuel de conjoncture hôtelière, Résultats de février 2011 (consolidés), Avril 2011, Direction
Générale de la Compétitivité de l’Industrie et des Services, Ministère de l’Economie, des Finances et de
l’Industrie. Accès le 17/06/2011
http://www.tourisme.gouv.fr/stat_etudes/conj/conj_hotel.php
9. 9
système de franchise, les hôtels de chaîne se développent à grande vitesse , sur le territoire
français comme ailleurs en Europe. Alors qu’ils ne représentaient que 150 000 chambres en
1998 en France, les établissements de chaînes en concentrent en 2008 déjà plus de 250 000.
Graphique 1: Evolution du nombre d’hôtels et de chambres (au 1er
janvier de l’année) 12
Source : Insee, Direction du Tourisme, Partenaires Regionaux, Tourism Info Stat
Par ailleurs, ces dernières années, les évolutions du parc hôtelier sont directement liées au
développement de l’hôtellerie de chaîne. En effet, alors que l’hôtellerie indépendante fait face à
de grandes difficultés (obsolescence de l’offre, mises aux normes coûteuses, difficultés à
transmettre l’entreprise et donc disparition de certaines exploitations….), l’hôtellerie de chaîne
intégrée, du fait de ses capacités financières, impulse un mouvement de diversification et de
renforcement qualitatif de l’offre hôtelière en termes de confort, prestations, etc.
Nous noterons, en effet, qu’en parallèle de la nouvelle classification hôtelière prévue pour
201213
, qui impose une amélioration de la qualité des prestations hôtelières avec des critères de
sélectivité très strictes, les hôtels de chaîne sont souvent les premiers à se mettre aux normes.
12
Graphique extrait de L’hôtellerie de tourisme en 2008, étude statistique Tourisme Info Stat, p. 3 N° 2008 – 2,
Mars 2008, Direction du Tourisme, Département de la stratégie, de la prospective, de l’évaluation et des
statistiques - Ministère de l’économie, des finances et de l’emploi. Accès le 08/02/2011
http://www.tourisme.gouv.fr/stat_etudes/tis/2008/tis2008_2.pdf
13
Une nouvelle procédure de classement des hôtels de tourisme a été définie dans le décret n°2009-1652 du 23
décembre 2009. Les nouvelles normes de classement ont pour but de contribuer à l'amélioration de la qualité des
équipements mais aussi des services pour l’ensemble des modes d’hébergement concernés grâce à un modèle plus
exigent et évolutif. La grille de classement contient 246 critères répartis en 3 grands chapitres : équipements,
services au client, accessibilité et développement durable. Ce classement donnera désormais accès à 5 catégories
d’établissement, allant de 1 à 5 étoiles. Il est valable 5 ans, période à l’issue de laquelle l’établissement doit
renouveler la demande de classement. L’ancienne classification cessera définitivement de produire ses effets le 23
juillet 2012.
10. 10
En outre, les ouvertures d’hôtels 4 étoiles et 5 étoiles d’ici deux ans en France, se feront encore
essentiellement au sein de groupes hôteliers.14
Aussi, pour faire face à une concurrence internationale accrue, à la mobilité du personnel et à
ses besoins en compétences stratégiques et opérationnelles, le secteur de hôtellerie est donc
amener à s’interroger sur ces politiques et pratiques RH afin d’attirer ses futurs cadres et de
pérenniser leurs postes et leurs compétences.
En raison de l’actualité de ce sujet mais aussi de sa persistance comme problématique RH au
sein du secteur, nous avons choisi de le traiter en nous demandant quelle politique de gestion
des ressources humaines, les établissements hôteliers doivent-ils mettre en place pour
attirer et fidéliser leur personnel cadres et dirigeants ?
Néanmoins, au vu des différentes structures qu’il est possible de rencontrer dans l’hôtellerie, il
nous est apparu nécessaire d’affiner le contexte de notre étude.
Du fait des capacités de main d’œuvre qu’elle emploie, sans compter les projets de
développement et l’essor que connaissent ces hôtels , nous avons choisi de nous concentrer sur
l’hôtellerie de chaîne intégrée pour étudier le management et la gestion des cadres qui sont
opérés dans cette « branche ». En effet, la difficulté d’étudier la population cadre nous est
apparue évidente dans la « branche » de l’hôtellerie indépendante, qui, pour des raisons
structurelles et conjoncturelles, ne compte pour sa grande majorité que des petites structures,
avec un nombre restreint de salariés, une pyramide d’emplois très réduite et dans laquelle les
cadres et les politiques de gestion dont ils peuvent faire l’objet, semblent soit inexistants soit
peu représentatifs. Et ce, y compris pour les hôteliers indépendants adhérant à des chaînes
volontaires.
A l’inverse, de part les structures (groupes, holdings, réseaux de franchises, etc.…) que l’on
peut rencontrer dans l’hôtellerie de chaîne, de part les capacités volumiques que ces hôtels
représentent en terme d’emplois, d’activité, d’investissements et, enfin du fait des politiques
de gestion (gestion financière, projets de développement, gestion de la qualité, gestion des
ressources humaines, …) qui sont existantes et qui nécessitent certaines capacités managériales,
la « branche » de l’hôtellerie de chaîne intégrée nous est apparue comme la plus propice à
l’étude de la gestion des cadres dans ce secteur d’activité.
14
Source : « Paris renoue avec les palaces : ouverture ce lundi du Royal Monceau » , 18 octobre 2010, la Tribune.
Accès le 08/02/2011
Article de presse relatant l’ouverture des hôtels palaces 5 étoiles Royal Monceau , Mandarin Oriental , Shangri-La
, Peninsula , à Paris entre octobre 2010 et Décembre 2012.
http://www.latribune.fr/entreprises-finance/services/tourisme-loisirs/20101009trib000557361/paris-renoue-avec-
les-palaces-ouverture-ce-lundi-du-royal-monceau.html
11. 11
Aussi, afin de répondre à notre problématique sur la gestion des cadres au sein de l’hôtellerie
de chaîne et d’en comprendre les enjeux et les contraintes, nous étudierons dans un premier
temps l’importance donnée à l’encadrement au sein de l’organisation du travail et notamment
au sein de l’hôtellerie. Par la suite, nous analyserons les outils qu’il est possible d’utiliser en
gestion des ressources humaines afin de déterminer les plus propices au développement des
compétences et à la fidélisation des cadres. Enfin, nous analyserons les avantages et limites
d’un modèle de management face à une politique catégorielle et tenterons d’en sortir des
recommandations quant aux évolutions et aménagements à prévoir dans les politiques de
gestion des cadres à venir.
12. 12
METHODOLOGIE
Ce mémoire a pour but de comprendre et d’analyser les principales causes de cette « pénurie »
de personnel d’encadrement ainsi que de leurs compétences dans le secteur, de soulever les
problématiques qui y sont liées, afin de savoir s’il s’agit de causes plutôt internes ou plutôt
externes et d’y trouver des solutions dans la mesure de nos connaissances. Nous avons souhaité
répondre à ces problématiques en prenant en compte le contexte socio-économique actuel, les
contraintes du secteur et ses usages.
Il nous a semblé évident que ce n’est qu’en analysant et comprenant, de la façon la plus
objective possible, les raisons de ce manque de talents, qu’il nous serait possible de chercher
les solutions les plus adaptées pour y remédier.
Nous sommes conscients que ces solutions ne seront pas forcément exhaustives, en raison de la
diversité des acteurs qui composent ce secteur et de sa dimension internationale. Néanmoins,
cette étude aura pour intérêt de problématiser et d’approfondir ce sujet, à la fois latent et
récurrent dans la profession, tout en proposant des moyens et des voies d’évolution qui
pourront être repris et adaptés par les acteurs concernés, selon leur propre politique de
management, leur stratégie, leur positionnement sur le marché hôtelier et sur le marché de
l’emploi, etc.
Par ailleurs, l’autre intérêt collectif de cette étude vient du fait qu’elle serve en partie
évidemment les intérêts des départements Ressources Humaines mais, plus largement, aussi les
directions d’établissements ou de groupes hôteliers qui souhaiteraient se pencher sur la
question.
En comparaison d’un certain nombre d’études diverses réalisées à la fois sur le domaine de
l’hôtellerie et celui de la restauration, du fait de similitudes reconnues dans les contraintes et
pratiques entre ces secteurs, ce mémoire sera particulièrement consacré au domaine de
l’hôtellerie de chaîne intégrée donc, dans la mesure du possible, moins généraliste et plus
approfondi sur ses spécificités propres.
Notre analyse du sujet et l’étude de la problématique s’est basée sur une méthodologie
chronologique, faisant tout d’abord appel à des apports théoriques.
13. 13
En premier lieu, la lecture de revues et ouvrages spécialisés sur le tourisme et la gestion des
ressources humaines (Cahiers Espaces, Travel and Tourism News, etc.) nous a permis d’être au
fait de l’actualité du secteur, de connaître les problématiques auxquelles il devait faire face,
notamment en termes de management et de gestion des ressources humaines.
Ces lectures nous ont amené à découvrir que le thème de la gestion des cadres et ses
problématiques (emploi, fidélisation, développement des carrières, gestion des seniors, etc.)
étaient, à la fois d’actualité, mais assez peu approfondis comparé à ce qui existe dans d’autres
secteurs, et semblait donc intéressant à traiter.
Une lecture plus poussée d’articles de presse, d’études, d’ouvrages sur le recrutement, la
fidélisation des cadres ou sur l’hôtellerie nous a permis d’affiner notre sujet, notamment
concernant l’hôtellerie de chaîne intégrée, tout en identifiant les sources d’informations plus
pertinentes (statistiques INSEE, CREDOC, sites de recherches spécialisés) donnant ainsi les
premières orientations à notre recherche.
Les principales interrogations que nous nous sommes posées sont les suivantes :
- Les difficultés de recrutement des cadres en hôtellerie sont – elles liées plus au cycle
de vie de l’industrie hôtelière ou aux problèmes d’adaptation de l’offre (type de
formation supérieure, manque de formation adaptée, formation sur le terrain) à la
demande (besoin de compétences, niveau de qualifications managériales requis) sur le
marché de l’emploi hôtelier ?
- Existe-t-il un lien entre la pénurie de compétences et l’âge des salariés du secteur
(problématique de l’emploi et de la gestion des seniors, contrainte de mobilité
professionnelle) ?
- Les entreprises du secteur font elles appel à des canaux de recrutement extérieurs pour
satisfaire leurs besoins? Quelles branches sont privilégiées ?
- Les cadres sont- ils la clé de la transmission du savoir et savoir faire ou sont ils recrutés
pour l’application des processus d’entreprise notamment du fait du développement de
l’industrie hôtelière ?
- Quelles sont les attentes des cadres aujourd’hui et en quoi l’hôtellerie ne répond pas à
ces exigences ? quelles solutions sont envisageables ? Quelles sont les pistes
d’amélioration possibles au sein de la gestion des cadres ?
14. 14
Ces interrogations nous ont permis d’identifier les aspects (place du cadre, outils de
recrutement, développement de carrières, adaptabilité modèle de management, etc.…) qu’il
serait intéressant d’étudier au sein de ce mémoire, donnant ainsi naissance au plan actuel.
Dans les deux premières parties de ce mémoire, nous développerons donc notre recherche
théorique sur la gestion des cadres au sein de l’hôtellerie de chaîne.
En nous appuyant sur des lectures exploratoires, de la littérature et des travaux de recherche
nous analyserons successivement l’émergence de la population cadre, sa place au sein de
l’hôtellerie et notamment au sein de l’hôtellerie de chaîne et les enjeux de la fidélisation de
cette catégorie de salariés au sein d’une organisation. Dans un second temps, nous verrons
également les concepts et outils disponibles pour la mise en place d’une politique de gestion
des cadres attractive et efficace.
Nous avons souhaité également que notre étude soit réaliste quand aux pratiques existantes sur
le terrain.
Aussi, nous avons réalisé une étude empirique, présentée dans la troisième partie de ce travail,
qui a pour but d’analyser les pratiques de gestion des ressources humaines de groupes hôteliers
pour « faire échos » au cadre théorique afin de répondre aux principales hypothèses émises
concernant l’emploi cadre.
Dans cette partie, nous présenterons de nos hypothèses et notre travail de recherche sur le
terrain, nous expliquerons la méthodologie employée pour récolter les informations utiles à
notre recherche. Enfin, nous présenterons les résultats de cette analyse empirique qui, comparés
à notre étude théorique, nous permettront de proposer une réponse à notre problématique.
15. 15
I. L’IMPORTANCE DE L’ENCADREMENT AU SEIN DE
L’ORGANISATION DU TRAVAIL
Dans cette première partie, nous allons procéder à une revue de la littérature afin de situer
notre sujet dans son contexte actuel et d’apporter des éléments de réponses théoriques à notre
problématique.
Dans un premier temps, nous analyserons l’émergence et l’évolution de la population
« cadres » au cours de ces derniers siècles, son importance dans l’organisation du travail
actuelle pour ensuite identifier les enjeux de leur fidélisation. Nous nous concentrerons ensuite
sur la position des cadres au sein du secteur hôtelier, en étudiant les spécificités de l’emploi
cadre et des attentes de cette population au sein de l’hôtellerie de chaîne.
A. Du Taylorisme au cadre du XXIème siècle
1. Emergence de l’encadrement
L’encadrement au sein de l’organisation du travail a de tout temps existé, néanmoins il a pris
une réelle valeur scientifique avec le développement du « scientifique management » au début
du 20ème
siècle avec le mouvement tayloriste15
, au sein duquel Taylor préconisait une gestion
du personnel avec, entre autres, pour principe un contrôle de l’encadrement sur l’exécution du
travail réalisé par les ouvriers. Par ailleurs, il recommandait le développement d’un
management plus fonctionnel, loin du modèle traditionnel de l’époque, qui se baserait sur la
spécialisation des « contremaîtres » soit sur l’encadrement direct des employés (« executive
basses ») soit sur la liaison entre le département d’organisation et les ouvriers (« fonctional
basses »). Dans la même lignée, Ford préconisait également une organisation du travail avec
une séparation totale entre la conception (qui revient à l’encadrement et l’ingénierie) et la
production (attribuée aux ouvriers et employés)16
. Ainsi, les premières fonctions (conception,
contrôle) du cadre apparaissent dès cette période industrielle et se sont développées et adaptées
pour répondre aux exigences d’une économie tournée de plus en plus vers le service.
15
Frederick W. Taylor,« The Principles of Scientific Management» , Harper & Brother publishers, 1911, pp.18-29
16
Source : Pierre Dockès « Les recettes fordistes et les marmites de l'histoire : (1907-1993) », Revue Economique,
1993, volume 44, n°3, pp.485-528.
16. 16
De nombreux sociologues ont mené des études pour comprendre les causes, les raisons de
l’émergence et du développement de cet encadrement intermédiaire ou de proximité, entre le
patronat et les employés.
D’après, L. Boltanski (1982), en France, c’est au moment des la crise des années 30 et des
mouvements populaires que s’est réellement constituée la classe des « cadres » si l’on peut dire,
au travers de la mobilisation d’une « classe moyenne »17
.
En réaction aux grèves de 1936, les ingénieurs salariés de l’époque se sont unis pour fonder un
groupe autonome, en opposition au patronat, mais distinct des organisations ouvrières de
l’époque, de façon à pouvoir accéder aux institutions représentatives et défendre leurs propres
intérêts. Il explique, également, comment le régime de Vichy créa des conditions favorables
pour permettre à cette catégorie, composée d’ingénieurs et de personnel d’encadrement
principalement, une existence à part entière, par le biais d’institutions corporatistes et
l’officialisation du vocable « cadre » de telle sorte que le développement de cette « classe »
n’en fut que croissant.
Il est vrai qu’au milieu du 20ème
siècle, la population cadre est clairement identifiée au sein
des relations collectives puisqu’une Confédération Générale de Cadres (CGC) est crée en
199418
permettant ainsi une réelle objectivité et une réelle représentativité au groupe dans les
débats nationaux. D’après D. Weiss (1983), « quand la CGC élabora, dans l’après guerre, sa
doctrine de recrutement des adhérents, la définition du cadre était la suivante : est cadre tout
agent investi d’une quelconque « responsabilité ». Tout salarié qui détient une parcelle
d’autorité est cadre, indépendamment du coefficient hiérarchique »19
. Selon cette définition,
pouvaient donc être membres à part entière de cette confédération, au titre de « cadre », non
pas seulement des membres de direction ou des ingénieurs mais aussi des agents de maitrise ou
des techniciens (qui avaient une responsabilité au sein de leur organisation). Lorsque l’on
parlait de cadre pour l’époque, la définition était donc très large et n’avait que peu de lien avec
la fonction d’encadrement.
Le 25 avril 1983, cette définition est entérinée par la signature d’un Accord National
Interprofessionnel (ANI) relatif au personnel d’encadrement, qui précise que « le personnel
d’encadrement est constitué d’une part, par les ingénieurs et cadres, d’autres part par les
salariés, tels que les agents de maîtrise, les techniciens et les VRP, dont la compétence, la
qualification et les responsabilités le justifient selon des critères déterminés au sein de chaque
17
Luc Boltanski, « Les cadres: la formation d'un groupe social » les Éditions de Minuit, 1982, 523 pp.
18
Source : site internet de la CFE CGC. http://www.cfecgc.org/ewb_pages/o/origines-cfecgc.php. Accès le
16/06/2011
19
Source : Dimitri Weiss, article de la Revue Relations industrielles, vol. 38, n° 4, 1983, pp. 929-934.
17. 17
branche professionnelle»20
. Cet accord avait, entre autres, pour but, du fait des différences de
types d’encadrement au sein des entreprises françaises, de permettre l’aménagement de
dispositions conventionnelles et de préciser les attributions particulières de l’encadrement.
Par cet accord, nous comprenons qu’à la fin des années 80 non seulement le « cadre », en tant
que tel, fait partie de l’encadrement mais il n’est pas le seul et de plus que son rôle doit de plus
en plus se tourner vers des fonctions d’animations et de coordination d’un collectif plutôt que
de surveillance et de sanctions.
Néanmoins, ces définitions ne permettent pas d’identifier clairement qui sont les « cadres », à
quoi les reconnait-on ? Est-ce par le biais du diplôme ? Il semble, en effet, très difficile de
fixer une limite à cette population très « cosmopolite », aux membres et aux identités diverses
et variées. L. Boltanski (1983), lui – même, identifie la catégorie des cadres comme « un
ensemble flou » et « sans critère d’appartenance unanimement reconnu et explicite ni
frontières nettes (…) ».
De nos jours, certains cadres n’encadrent, ni n’animent de collectif et ont pourtant cette
position au sein de la grille de postes de leur entreprise de par leurs missions ou l’emploi qu’ils
occupent. Nous pouvons donc nous questionner quand à la perte de signification de cette
position. S’agit- il plutôt d’un statut accordé au poste à forte valeur ajoutée ?
Il nous est paru intéressant de nous interroger sur les spécificités de l’emploi « cadre », sur le
statut qui peut lui être attribué et sur la position qu’il occupe au sein de l’organisation du
travail.
2. La place du cadre dans l’organisation du travail
Dans la définition du Larousse, le cadre est un « salarié ayant acquis une formation supérieure
et qui exerce en principe une fonction de commandement, de contrôle ou de direction dans une
entreprise ou une administration (d'ordre technique, administratif ou commercial) en assumant
des responsabilités, et qui bénéficie d'un statut particulier dans de nombreuses conventions
collectives.»21
.
20
Source : Accord National Interprofessionnel du 25 Avril 1983, site internet de l’Union des Industries et des
Métiers de la Métallurgie. Accès le 16/06 /2011.
http://www.uimm.fr/fr/pdf/accords_interpro/ani_25-04-1983.pdf
21
Source : Dictionnaire le Petit Larousse, 2011, Edition Larousse.
18. 18
Cependant, de nos jours, le « statut » cadre est employé dans de nombreux contextes : études,
statistiques, conventions collectives et avenants, institutions et organismes tels que l’AGIRC22
,
l’APEC23
, syndicats, etc., mais tous ces emplois ne font pas référence aux mêmes populations,
ni à la même organisation du travail, selon les critères choisis.
Par ailleurs, jusqu’ à récemment encore, en droit du travail, une distinction était faite entre les
emplois cadres. Il existait, en effet, trois grandes catégories de cadres : les cadres dirigeants, les
cadres dits « intégrés » et les « autres cadres », comprenant notamment les cadres autonomes,
qui étaient respectivement définies aux articles L. 212-15-1, L. 212-15-2 et L. 212-15-3 du
code du travail.
A ce titre, par exemple, étaient considérés comme cadres dirigeants « les cadres auxquels sont
confiées des responsabilités dont l'importance implique une grande indépendance dans
l'organisation de leur emploi du temps, qui sont habilités à prendre des décisions de façon
largement autonome et qui perçoivent une rémunération se situant dans les niveaux les plus
élevés des systèmes de rémunération pratiqués dans l'entreprise ou leur établissement »24
et
cette catégorie bénéficiait d’un régime de travail spécifique.
Les cadres dit « intégrés » étaient soumis au droit commun de la durée du travail et pouvaient
effectuer des heures supplémentaires en nombre limité.
Enfin, les cadres autonomes étaient susceptibles de conclure des conventions individuelles de
forfait jours sur l’année concernant leur temps de travail et étaient identifiables par
l’autonomie dans l’organisation de leur emploi du temps dont ils devaient bénéficier.
Dans cette partie, nous privilégierons une étude commune à tous les secteurs pour favoriser une
certaine objectivité dans notre analyse sur la place des cadres au sein de l’organisation du
travail.
Dans les analyses de l’INSEE, les cadres sont intégrés à la catégorie socioprofessionnelle
« cadres et professions intellectuelles supérieures » qui, selon sa définition regroupe : « des
professeurs et professions scientifiques salariés qui appliquent directement des connaissances
très approfondies dans les domaines des sciences exactes ou humaines, a des activités d'intérêt
général de recherche, d'enseignement ou de santé. Des professionnels de l'information des arts
et des spectacles dont l'activité est liée aux arts et aux médias. Des cadres administratifs et
22
Association Générale des Institutions de Retraite des Cadres
23
Association Pour l’Emploi des Cadres
24
Source : Article L212-15-1 du code du travail abrogé par l’ordonnance n°2007-329 du 12 mars 2007 - art. 12
(VD) JORF 13 mars 2007 en vigueur au plus tard le 1er mars 2008
19. 19
commerciaux d'entreprise, salariés qui ont des responsabilités importantes dans la gestion
des entreprises. Des ingénieurs et cadres techniques d'entreprise, salariés exerçant des
fonctions de responsabilité qui nécessitent des connaissances scientifiques approfondies 25
».
Ainsi, selon cette définition, les cadres exercent des professions de niveau intellectuel
supérieur, nécessitant des connaissances scientifiques certaines mais se distinguent également,
au sein des entreprises, par les responsabilités importantes qu’ils y occupent.
En 2009, cette catégorie représentait 16,6 % de la population française en emploi, ce qui la
place en 4ème
position après les catégories employés, ouvriers et professions intermédiaires.26
Par ailleurs, selon l’Institut, la part des cadres dans l’emploi a presque triplé en 30 ans, puisque
précédemment ils ne représentaient que 6 % de la population en emploi en France. Ce qui
démontre le poids croissant que prend cette catégorie en termes d’emploi mais aussi, de fait, au
sein des entreprises et de l’organisation du travail.
.
Comme nous l’avons vu précédemment, le rôle du cadre est de plus en plus tourné vers de
l’animation et de la gestion du collectif, à tel point que l’on parle facilement dans la vie
courante de « manager » au lieu de « cadre ». Ce mot, anglo –saxon à la base et qui a été repris
dans la langue française, traduit tout à fait la vision des entreprises vis-à-vis d’une partie de
cette catégorie de professions supérieures, notamment celle qui encadre, leur attribuant ainsi
des missions de gestionnaire, d’animateur, de coordinateur et « d’entraineur » (à l’image du
terme sportif) du personnel pour répondre et satisfaire à la stratégie entrepreneuriale.
Le manager de demain n’est donc plus commandant au sens militaire du terme mais devra faire
converger de nombreuses forces divergentes, dénouer les conflits d’intérêts, fédérer les
antagonismes autours d’un objectif commun (Boumrar & Gilson, 2004).
Cette capacité managériale des niveaux d’encadrement semble faire partie de la richesse de
l’entreprise.
25
Source : Site internet de l’Institut National de la Statistique et des Etudes Economiques, Accès le 16/06/2011.
http://www.insee.fr/fr/methodes/default.asp?page=nomenclatures/pcs2003/n1_3.htm
26
Source : Insee, enquêtes Emploi du 1er au 4ème trimestre 2009, site internet de l’Institut National de la
Statistique et des Etudes Economiques, Accès le 16/06/2011.
http://www.insee.fr/fr/themes/tableau.asp?reg_id=0&ref_id=NATnon03173
20. 20
Selon la littérature, le cadre est vu, tour à tour, comme un exécutant ayant à atteindre des
objectifs clairs et à les faire appliquer, mais qui est également soumis à des politiques qu’il doit
décrypter et respecter au travers de ses actions en créant de la cohérence. Il est aussi vu comme
un membre actif et intégré dans un processus stratégique qui reste un moteur de l’innovation et
du changement dans l’entreprise.
Dans cette dernière optique, le cadre est aussi un stratège, il construit des projets, il prend des
initiatives, etc. Le cadre intermédiaire actuel se caractérise ainsi par l’alignement entre, d’une
part les stratégies et objectifs de l’organisation, et d’autre part les activités opérationnelles27
.
Il est par conséquent un canal de transmission stratégique. Ce qui nous amène à penser que le
cadre, qu’il s’agisse d’un expert technique ou d’un manager, a donc une place centrale au sein
de l’organisation du travail.
Néanmoins, si la fonction d’encadrement, tout comme le personnel d’encadrement, sont
communs à tous les pays où ils bénéficient d’appellations propres, nous pensons que la
catégorie de « cadre » tel qu’elle existe en France reste cependant une spécificité relativement
propre, de part son organisation du travail, la diversité de ses emplois et de leurs réalités et sa
législation qui laisse libres les entreprises et institutions d’en définir les limites par leur
convention.
Il semble cependant que ce « statut » soit communément accordé à des postes à forte valeur
ajoutée au sein des entreprises. Nous analyserons donc l’intérêt de cette fonction et les raisons
pour lesquelles l’entreprise doit porter attention à cette catégorie au sein de sa stratégie de
gestion de ressources humaines.
27
Source : Marielle PAYAUD, Doctorante CNRS – Université J.Moulin, Lyon 3 « Le middle manager dans la
formation de la stratégie : repère théorique et précision empirique », juin 2003, XIIème Conférence de
l'Association Internationale de Management Stratégique
http://www.strategie-aims.com/events/prices/2/theses/5/thesis_assets/5/download Accès le 17/06/ 2011
21. 21
3. Les apports de l’encadrement : pourquoi faut-il fidéliser les cadres ?
Comme nous l’avons vu précédemment, au travers de la nomenclature INSEE, les cadres
exercent des professions intellectuelles supérieures, qui nécessitent généralement un niveau
de formation, des connaissances scientifiques et des savoirs particuliers. Aussi, en premier
lieu, qu’ils soient experts techniques ou managers, les cadres apportent à l’entreprise
l’ensemble de leurs compétences et connaissances et leur force de travail, sans laquelle elle ne
pourrait fonctionner.
De plus, du fait de leur position intermédiaire (hors cadres dirigeants), cette population réussit
à traduire les orientations de la direction d’entreprise pour les matérialiser en actions concrètes
sur le terrain. Par les postes à responsabilité que les cadres occupent, ils contribuent à la prise
de décision et à la mise en place de projets, tout en respectant les normes et principaux
impératifs de l’entreprise, à savoir : les délais, les coûts, la rentabilité, etc.
D’un point de vue managérial et organisationnel, les populations d’encadrants participent à
l’animation des collectifs, à la supervision de la population employés et sont ainsi un axe de
transmission essentiel entre les deux extrémités de l’organisation d’une firme.
Par exemple, le manager explique les directives et objectifs de l’entreprise, organise son équipe
pour satisfaire à ces exigences, il identifie les compétences individuelles et collectives qui
manque à son équipe pour atteindre les objectifs fixés. De même, il connait « le terrain », donc
est au fait des contraintes opérationnelles qui empêcheraient de mettre en place telle action, de
répondre à tel objectif ….
Il est donc le relais entre la direction et les salariés à la fois en matière de production de
service, de gestion financière, de gestion des ressources humaines, en matière de
développement durable, etc. Cette place est transversale et l’ensemble des acteurs de
l’entreprise doivent s’appuyer sur et compter avec le manager pour mettre en place politiques et
actions afin que celles-ci soient relayées et appliquées, voire améliorées.
L’encadrement contribuent aussi à la diffusion de l’information, à la communication
horizontale et verticale au sein de l’entreprise sur le modèle des politiques « top-down » et
« bottom – up » qui sont régulièrement utilisées en management28
, participant ainsi à
l’efficience de ses échanges et à la performance de son activité.
28
Meinolf Dierkes,Ariane Berthoin Antal,John Child , «Handbook of organizational learning and knowledge»,
Oxford University Press, 2003, p. 504
22. 22
Par ailleurs, en participant à la gestion et à l’animation du collectif de travail, les cadres sont
des indicateurs clés du climat social et des partenaires privilégiés dans l’accompagnement du
changement.
C’est pour toutes ces différentes raisons qu’une politique d’organisation repose énormément
sur les cadres comme vecteur de la stratégie de l’entreprise. A fortiori, une politique de
ressources humaines efficace dépendra du rôle accordé et joué par les managers en tant que
partenaire des actions (gestion des emplois, développement des compétences, …) mis en place
par l’entreprise.
Ainsi, nous pensons qu’il est stratégique pour l’entreprise et pour le service des ressources
humaines d’avoir des managers sensibilisés aux valeurs de l’entreprise et à ses projets, qui les
partagent et qui souhaitent y contribuer. Or, il semble logique qu’ils seront, en règle générale,
d’autant plus sensibles à une politique dont ils sont convaincus de ses bienfaits, de ses
avantages pour les avoir vu ou vécu.
Il est donc important de bien prendre en compte la place du cadre, voire du manager lorsque
celui –ci encadre une équipe, de le motiver et de le faire adhérer aux valeurs et projets de
l’entreprise, donc de le fidéliser.
Un sentiment d’inéquité et d’injustice (ce qui n’est pas à négliger) pourrait être ressenti par le
cadre qui verrait sa direction s’intéresser plus à la carrière des employés qu’à la sienne et cela
entrainerait des conséquences négatives sur sa motivation, son efficacité, sa performance en
tant que superviseur et « relais ». De plus, il nous semble pour le moins clair qu’un manager
encouragerait d’autant plus le développement des compétences de ses collaborateurs ou leur
mobilité si lui-même en a bénéficié auparavant, s’il a su en tirer profit. Il en sera de même s’il
est conscient que sa carrière et celle de ses collaborateurs s’inscrivent dans des programmes
suivis qui ont pour but de les développer et donc de les avantager en termes d’employabilité, de
développement personnel, d’expérience, etc.
Par ailleurs, dans un contexte où la performance économique devient de plus en plus
importante et où la transformation des activités nécessite une adaptabilité de plus en plus
rapide aux technologies, aux désirs de la clientèle, les cadres sont souvent considérés comme
les meilleurs potentiels d’une entreprise de par leurs connaissances et savoir-faire évolutifs,
leur niveau de responsabilité élevé et la valeur ajoutée qu’ils apportent à l’entreprise (Boumrar
& Gilson, 2004).
23. 23
Les acteurs de la gestion des ressources humaines doivent en tenir compte et mettre le cadre au
cœur de leur politique et de leurs actions pour qu’il en soit à la fois le bénéficiaire, le
partenaire, le vecteur et le relais de communication auprès des autres membres de l’entreprise.
Cette fidélisation est d’autant plus importante qu’elle semble de plus en plus de « court terme »,
puisque les cadres sont amenés aujourd’hui, de par la conjoncture, à changer plusieurs fois
d’entreprise au cours de leur carrière29
. Ces départs entrainent souvent des coûts financiers
(nouveau recrutement, formation, etc.) mais aussi en termes de perte de temps (temps de
recherche du candidat, temps d’adaptabilité au poste, à la culture, …) pour l’entreprise. Ce qui
est un nouvel argument venant renforcer l’importance de la fidélisation des collaborateurs. Pour
conserver ces talents, ces potentiels, les firmes doivent donc être à même de mobiliser des
dispositifs attractifs et une gestion prévisionnelle des emplois et des compétences adaptée.
A ce propos, nous pourrons rappeler que la fidélité insiste sur les conduites individuelles en
situation professionnelle et que la fidélisation amène l’entreprise à mobiliser des dispositifs de
gestion pour obtenir la fidélité de ses salariés30
.
Après avoir démontré l’importance qui doit être accordée à l’intégration de l’encadrement dans
la politique ressources humaines de toute organisation et afin de comprendre le management
des cadres qui s’opère au sein de l’hôtellerie de chaîne, nous avons souhaité, au préalable,
étudier la place des cadres au sein du secteur hôtelier. En effet, un ensemble de règles et de
problématiques qui s’applique à ce secteur impacte par définition et a fortiori le domaine de
l’hôtellerie de chaîne. De sorte, qu’en analysant les règles et les contraintes auxquelles
l’hôtellerie de chaîne intégrée est soumise, il sera plus aisé, par la suite, de comprendre les
enjeux et les axes de développement d’une gestion des cadres adaptée à cette filière.
29
Source : Laure Guilbert, Sana Henda, « La fidélisation des cadres : une étude exploratoire », article publié à
l’occasion de la 5ème journée d’étude sur les carrières, Université Lyon 3, mai 2008. Accès le 04/ 05/2011
http://centremagellan.univ-lyon3.fr/fr/articles/303-304_619.pdf
30
Laure Guilbert, Sana Henda, « La fidélisation des cadres : une étude exploratoire », article publié à l’occasion de
la 5ème journée d’étude sur les carrières, Université Lyon 3, mai 2008. Accès le 04/ 05/2011
http://centremagellan.univ-lyon3.fr/fr/articles/303-304_619.pdf
24. 24
B. Position des cadres dans l’hôtellerie : diagnostic et spécificités
1. Le statut cadre au sein de la convention collective nationale HCR du 30 Avril
199731
Aujourd’hui, le statut cadre ne trouve plus de réelle définition dans le Code du travail. En
revanche, il est pris en compte au sein des conventions collectives pour la plupart et, le plus
souvent, au sein d’accords d’entreprise. Ainsi, ce statut cadre renvoie à des réalités différentes
selon les secteurs et il n’existerait par conséquent non pas un statut cadre mais plutôt des statuts
cadre. De même, ce statut ne semble pas s’assimiler pas à une « catégorie professionnelle » en
tant que telle mais semble plus être un signe de distinction sociale.
Au sein de la Convention collective nationale des hôtels, cafés restaurants (HCR) du 30 avril
1997, publiée au JORF le 6 décembre 1997 et de ces avenants, le statut cadre n’est pas en lui -
même mentionné. Cette convention présente une classification des emplois par échelon (3) et
par niveau (5) selon des critères classants qui sont :
- Compétences (expérience et/ou formation requises) pour exercer le poste (la filière
scolaire, la formation sur le tas, la formation professionnelle, la formation continue)
- Contenu de l'activité (la nature et le degré de difficulté des travaux à exécuter selon le
mode d'organisation du travail dans l'entreprise)
- Autonomie (le degré de liberté dont le salarié dispose dans la réalisation de son travail)
- Responsabilité (face à sa hiérarchie, sur son travail et celui de ses collaborateurs)
31
Convention collective nationale des hôtels, cafés restaurants (HCR) du 30 avril 1997, brochure 3292, JORF 6
décembre 1997. Accès le 05/05/2011.
http://www.legifrance.gouv.fr/affichIDCC.do?idConvention=KALICONT000005635534
25. 25
Tableau 1 : Grille de classification des emplois -
Définition générale du niveau V Echelon 1 - cadres
Source : Convention Collective HCR, IDCC 1979, Annexe d'application n° 1 : grille de classification Extraits
de Définition générale du niveau V - Cadres32
.
32
op.it
NIVEAU V Echelon 1
COMPETENCES
(expérience et/ou formation
requise)
CONTENU DE
L'ACTIVITE
Peut participer à la prévision et à l'élaboration du programme
; de toute façon, il en assure la réalisation, le suivi et le
contrôle des résultats.
AUTONOMIE
A pouvoir de choix et de décision pour tout ce qui concerne
la réalisation, le suivi et le contrôle des programmes qui ont
été décidés par un agent supérieur.
RESPONSABILITE
Conformité et efficacité de la réalisation des programmes
décidés par l'échelon supérieur. Participation à l'élaboration
de ces programmes. Eventuellement encadrement d'agents
de niveaux moins élevés.
26. 26
Tableau 2 : Grille de classification des emplois –
Définition générale du niveau V Echelon 3 - cadres
NIVEAU V Echelon 3
COMPETENCES
(expérience et/ou
formation requise)
CONTENU DE
L'ACTIVITE
Prend l'initiative des travaux d'élaboration des programmes,
coordonne ces travaux, décide de programmes définitifs,
contrôle ou fait contrôler l'application de ceux-ci et en gère les
écarts.
AUTONOMIE
A partir de directives et d'orientations générales qu'il reçoit
habituellement de la direction de l'établissement ou de
l'entreprise, a le pouvoir de susciter la participation de certains
collaborateurs, de décider des programmes définitifs, de décider
des contrôles de réalisation et des mesures correctives à adopter.
RESPONSABILITE
Conformité, efficacité et opportunité des programmes décidés
Efficacité de la participation obtenue de ses collaborateurs à
l'élaboration des programmes.
Source : Convention Collective HCR, IDCC 1979, Annexe d'application n° 1 : grille de classification Extraits
de Définition générale du niveau V - Cadres33
.
D’après cette classification, on comprend que le statut cadre correspond à l’échelon le plus
élevé (V) et aux niveaux allant de I à III, qui selon ces critères, doivent requérir une importante
autonomie, des responsabilités visant à permettre l’organisation et la gestion des activités et un
niveau accru de compétences ( niveau Bac + 3 considéré comme acquis).
33
Op.it
27. 27
Par ailleurs, en annexe de cette convention collective, 45 emplois repères (les plus courants
dans la profession) ont été classés de manière non exhaustive, afin de guider les entreprises
dans la mise en place de leur propre classement.
Néanmoins, l’article 34 de la convention HCR précise que si « l'analyse des fonctions à
l'intérieur d'une entreprise aboutit à l'utilisation d'appellations autres que celles des 45
emplois ou à un positionnement des emplois repères différent de celui de la convention
collective nationale, l'entreprise aura la faculté de conclure un accord afin de mettre en place
une classification adaptée à sa forme d'exploitation. »
Aussi, dans le secteur de l’hôtellerie, le « cadre » n’est pas clairement définit dans la
convention collective qui laisse cette appréciation à l’entreprise.
En effet, ce sont pour la plupart uniquement des accords d’entreprises qui spécifient le statut
cadre. Le cadre en hôtellerie n’existe donc réellement, ou du moins en ce qui concerne son
statut, qu’à l’intérieur du mode d’organisation de l’entreprise.
Il en va de même avec toutes les spécificités liés à ce statut, en terme de temps de travail
(forfait jour, autonomie, horaires hebdomadaires) et de qualifications. Ainsi, au sein du même
secteur pour deux établissements hôteliers différents , un cadre pourra obtenir ce statut avec un
niveau de qualification Bac + 3 reconnu, un niveau d’encadrement et de responsabilité faible et
avoir des horaires respectant les 35 heures hebdomadaires de travail collectif, alors qu’au sein
de l’autre établissement, seuls des postes d’encadrement de niveau important ( chef d’équipe,
membre de la direction) , avec des niveaux d’expérience et de qualification élevés ( Bac + 4,
Bac + 5) et requérant une certaine autonomie dans leur organisation et prise de décision,
pourront bénéficier de ce statut et seront soumis à la convention individuelle de forfait jour.
C’est également le cas de la distinction qui est communément faite entre « cadres autonomes »
et « cadres dirigeants ». La convention collective HCR ne mentionne aucunement la notion de
« cadre dirigeant » dans cette classification et il semble que cette distinction et la définition qui
en découle soit laissée à l’appréciation de l’entreprise et de son organisation.
Ceci vient donc étayer et renforcer notre idée de départ dans ce mémoire, qui nous amène à
supposer que la problématique cadre n’existe réellement que dans des grosses structures
hôtelières, avec une diversification de l’activité et des emplois, des niveaux hiérarchiques
nombreux et un important volume de compétences.
Selon cette réflexion, les cadres de PME et TPE hôtelières (autrement dit d’hôtels
indépendants) n’existeraient pas en tant que tels sauf s’il s’agit des « dirigeants » de ces
28. 28
entreprises. En effet, les TPE et PME hôtelières semble très peu adaptées à une organisation qui
laisserait la place à un « directeur de l’hébergement », un « responsable housekeeping »34
ou à
« un directeur de restauration ». Et quant bien même, certains emplois exercés dans ces
exploitations répondraient aux critères de classification de la convention collective, ils ne
seraient pas reconnus au sein d’accords d’entreprise, souvent inexistants dans ces petites
structures.
Après avoir analysé la place du statut cadre et ses particularités en hôtellerie, il nous semble
intéressant d’étudier quelle est la situation de l’emploi cadre sur le secteur et notamment en ce
qui concerne l’hôtellerie de chaîne intégrée.
2. Les problématiques de l’emploi cadre en hôtellerie
Dans cette partie, nous étudierons les principales problématiques de l’emploi, sans pour autant
considérer celles-ci comme exhaustives, afin de connaître les principales difficultés auxquelles
doivent faire face les directions des ressources humaines au sein du secteur hôtelier et a fortiori
dans l’hôtellerie de chaîne intégrée.
a. Les difficultés du recrutement
Comme nous l’avons expliqué en introduction de ce mémoire, il existe, depuis quelques
années, certaines difficultés de recrutement, notamment en matière d’emploi cadre, induisant
des pénuries de compétences sur certains postes, qui faute de candidats « intéressants » sont
très difficilement pourvus.
Or, l’activité hôtelière est loin de décroître, notamment en France, malgré le contexte de crise
de ces dernières années.
En février 2011, selon la Direction Générale de la Compétitivité de l’Industrie et des Services,
la fréquentation hôtelière a augmenté de 0,5 % par rapport à février 2010, et la variation est de
+ 4, 3% d’augmentation si l’on compare entre Janvier 2010 et Janvier 201135
.
La tendance semble être encore plus visible sur le segment haut de gamme. Ainsi, toujours
selon la Direction Générale de la Compétitivité de l’Industrie et des Services, en février 2011,
le taux d’occupation des hôtels haut de gamme est parmi les plus élevés (54,5 %) et il continue
34
Responsable du ménage et de la lingerie en français
35
Le 4 pages mensuel de conjoncture hôtelière, Résultats de février 2011 (consolidés), Avril 2011, Direction
Générale de la Compétitivité de l’Industrie et des Services, Ministère de l’Economie, des Finances et de
l’Industrie. Accès le 17/06/2011
http://www.tourisme.gouv.fr/stat_etudes/conj/conj_hotel.php
29. 29
à enregistrer la plus forte hausse (+ 3, 6% par rapport à l’an passé). Preuve en est également,
l’ouverture d’une série de palaces et hôtels cinq étoiles à Paris d’ici à 201236
.
On peut donc supposer qu’avec cet accroissement d’activité, les besoins de personnel,
notamment d’encadrement, n’iront que croissants.
Il nous semble intéressant de nous concentrer sur ces freins au recrutement, qu’ils soient
internes ou externes au secteur, afin d’évaluer quelles sont les marges de manœuvre des
entreprises hôtelières, dans le domaine, pour concilier leurs besoins en compétences
stratégiques et opérationnelles et les contraintes économiques, juridiques et de gestion qui
pèsent sur elles.
b. Les barrières internes ou externes au recrutement
Les difficultés de recrutement sont dues à des causes multiples, qui parfois se cumulent entre
elles. La plupart de ces freins sont connus depuis longtemps, bien qu’ils n’en restent pas mieux
solutionnés, mais d’autres sont plus récents.
Il est possible de répartir ces freins au recrutement en quatre groupes distincts qui se rapportent
(Prosperi & Geiser, 2008) :
Aux conditions de travail
A la formation et aux parcours professionnels
A l’organisation du travail et à la rétribution salariale
A l’image de la profession et du secteur
Les barrières liées aux conditions d’activité professionnelle :
Du fait de l’activité permanente au sein de l’hôtellerie restauration, y compris les weekends et
jours fériés, les horaires et cadences de travail sont souvent très soutenus avec du travail en
décalé le soir, les jours de fête.
36
« Paris renoue avec les palaces : ouverture ce lundi du Royal Monceau », la Tribune, 18 Octobre 2010. Accès le
08 /02/2011
http://www.latribune.fr/entreprises-finance/services/tourisme-loisirs/20101009trib000557361/paris-renoue-avec-
les-palaces-ouverture-ce-lundi-du-royal-monceau.html
30. 30
Et ce notamment pour les cadres opérationnels, qui, du fait de leurs fonctions, doivent gérer
l’activité et encadrer leurs collaborateurs. Ils doivent être présents en permanence « sur le
terrain » pour coordonner le service et palier aux éventuels problèmes.
Il en va de même, en terme de saisonnalité : l’activité touristique étant souvent fluctuante et
sujette à diverses manifestations (manifestations sportives, salons professionnels, etc.), qui ne
sont pas toujours prévisibles, le rythme de travail en est affecté.
L’hôtellerie est une industrie constamment obligée de s’adapter à l’évolution de la demande, à
une concurrence de plus en plus rude et aux renversements du marché lors de conjonctures
défavorables (Franco, 2003).
Ces contraintes horaires et hebdomadaires sont souvent difficilement conjugables avec une vie
de privée et difficiles à tenir à long terme. Sans compter que ces contraintes sont parfois
cumulables avec d’autres difficultés quotidiennes (problème de transport la nuit, le weekend,
obligation de logement à proximité, etc.).
Ces pressions sont donc l’une des causes soit de la non insertion , soit du départ « anticipé » de
professionnels dans le secteur, et donc l’un des vecteurs qui expliquerait que, malgré la
situation économique actuelle37
(chômage y compris des populations qualifiées, diplômées), il
existe une impossibilité de pourvoir à des emplois pour lesquels nombre de personnes seraient
potentiellement aptes à occuper.
Ces barrières sont plutôt internes au secteur, ce qui nous amène à penser qu’il est possible
d’agir dessus, soit en mettant en place une organisation du travail et d’autres dispositifs adaptés
(nombreux roulements, augmentation du nombre d’encadrants, communication, etc.) même si
nous sommes conscients que cela aurait des conséquences financières importantes que toutes
les structures ne seraient pas disposées à assumer.
Enfin, nous pourrons relativiser l’aspect négatif des contraintes de travail de l’activité hôtelière
en précisant que celles-ci impactent moins fortement les fonctions supports du secteur, telles la
comptabilité, la gestion des ressources humaines, le marketing et achats, etc., qui elles ne sont
pas en contact direct avec la clientèle.
37
Selon l’enquête emploi de l’INSEE du deuxième semestre 2011, 9, 6 % de la population active était au chômage
en France au 1er
Juin 2011.
31. 31
Les barrières liées à la formation et parcours professionnels
L’offre de formation n’est pas forcément adaptée aux emplois cadres dont ont besoin les
établissements.
D’après A. Franco (2003), l’offre de formation aux métiers du tourisme en France n’est pas
assez claire, la lisibilité des formations supérieures n’est pas toujours évidente quand aux
débouchés professionnels auxquels ils préparent et elles intègrent parfois des contenus peu
pertinents. Par ailleurs, même si la tendance actuelle favorise le recrutement de jeunes issus de
formations spécialisées38
, ce qui peut être un problème car ces jeunes ne sont par conséquent
pas toujours formés au management, les formations en hôtellerie restauration sont de plus en
plus concurrencées par des formations classiques de l’enseignement supérieur.
L’inverse est également vrai puisque l’évolution au sein de l’hôtellerie se fait souvent selon une
échelle très hiérarchisée, les postes à haute responsabilité étant proposés après de nombreuses
années d’expérience, ils ne correspondent pas forcément aux attentes qu’ont les jeunes
diplômés à l’issue de leur formation Bac+ 3 à Bac +5. Seules 8% des offres de cadres en
hôtellerie sont ainsi proposées à de jeunes diplomés39
.Ceci ne les rend donc pas ou peu
attractives pour les hauts potentiels et les diplômés de gestion et de management.
Ouvert à l’intégration de personnel même peu qualifié et très favorable à la formation par
l’apprentissage, le secteur hôtelier privilégie les formations courtes de CAP ou BEP ainsi que
la validation des acquis professionnels, mais il reste cependant encore relativement fermé à
l’enseignement supérieur et aux études universitaires, qui se multiplient pourtant (Franco,
2003).
De plus, la grande diversité des entreprises, leur dispersion et la méconnaissance des activités
du secteur, du fait d’un manque de campagnes de communication dans le domaine, rend peu
lisibles pour les personnes qui s'y présentent, les parcours et perspectives professionnels.
Pour toutes ces raisons, il existe une inadéquation entre l’offre et la demande sur le marché de
l’emploi cadre en hôtellerie, entraînant les difficultés de recrutement que nous avons évoqué
précédemment.
38
Source : Arlette Franco, rapport sur les diplômes et les formations aux métiers du tourisme », Mai 2003, p. 37
39
Source : Etude APEC, bases d’offre d’emplois, 2006, Accès le 05/08 /2011
http://jd.apec.fr/delia/core/common/delia/ApecPrintDossierComplet/currentArticle_ART_6503/currentFolder_FO
L_null/Tourisme,+h%C3%B4tellerie.html
32. 32
Ce secteur exige la plupart du temps des connaissances en langues étrangères et des
expériences à l’international. Or, à l’heure actuelle, les possibilités offertes, en cours de
formation initiale, d'acquérir une expérience auprès d'entreprises situées à l'étranger sont
réduites. En effet, bien que cela se développe, il existe encore de grandes difficultés au sein du
système de formation français pour permettre à un étudiant, apprenti ou non, de partir pour
plusieurs semaines ou quelques mois à l'étranger pour enrichir son expérience. Cette
problématique creuse encore plus l’inadéquation qui existe entre les besoins de compétences
nécessaires au sein du secteur et l’offre sur le marché de l’emploi.
Les barrières liées à l’organisation du travail et à la rétribution salariale
Comme nous l’avons étudié précédemment, l’activité hôtelière est très exigeante en termes de
disponibilité. Selon une étude statistique menée par la DARES sur le secteur de l’hôtellerie
restauration en 200540
, la durée du travail du secteur est parmi les plus élevées : 62 heures
hebdomadaires, bien qu’en baisse tout de même par rapport à 1997.
Néanmoins, nous sommes loin des 35 heures ou 39 heures hebdomadaires préconisées par la
réglementation. Ceci entraine des difficultés de conciliation entre vie privée et vie
professionnelle pour les éventuels candidats à ces offres d’emploi. En outre, le faible accès à
des dispositifs qui permettent d’aménager l’organisation du travail, entraine d’importants
conflits au regard des obligations légales de travail auxquelles est soumise la gestion des
ressources humaines (11 heures de repos entre deux jours de travail effectif41
, etc.).
Le système de coupure, par exemple, utilisé depuis longtemps en restauration pour permettre de
s’adapter à l’activité tout en respectant la réglementation, est de moins en moins plébiscité et
apprécié par les salariés du secteur. Ceci pose des problèmes de gestion et constitue un frein
aux embauches mais également au de maintien du personnel en place.
De plus, en comparaison avec les heures de travail effectuées, le secteur semble peu
rémunérateur, et notamment au niveau des emplois cadres . Cette inégalité du rapport « temps
de travail / rémunération » est une nouvelle cause de non attractivité de ces postes.
40
Etude DARES, S3 : Patrons d’hôtels, cafés, restaurants, Les Portraits Statistiques - 1982 – 2002, Novembre
2005. Accès le 02/02/2011
http://www.travail-emploi-sante.gouv.fr/IMG/pdf/Vue_de_Synthese_-
_S3__Patrons_d_hotels_cafes_restaurants.pdf
41
Source : Article L3131-1 du code du travail
33. 33
Selon une étude APEC, au sein des activités tertiaires, alors que le salaire médian proposé aux
jeunes diplômés du secteur bancaire est de 33 K€, il est de seulement de 26 K€ pour ceux du
secteur hôtelier par exemple. Ce constat est encore plus flagrant pour les cadres confirmés
puisque si les offres d’emplois du secteur bancaire leur offre un salaire médian de 40 K€,
celles du secteur hôtelier leur propose seulement 34 K€42
.
En 2010, au sein d’une chaîne hôtelière 3 à 4 *, un chef de réception est rémunéré en moyenne
35 K€43
.
Graphique 2 : Rémunérations du secteur hôtelier, 2010
Source : les salaires par fonction, APEC, 2010
Graphique 3 : Rémunérations du secteur bancaire, 2010
Source : les salaires par fonction, APEC, 2010
42
Source : Etude APEC sur les rémunérations, « les salaires par fonction », Fiche APEC, 2010. Accès le
07/07/2011.
http://cadres.apec.fr/Emploi/Marche-Emploi/Fiches-Apec/Les-salaires-par-fonction/Les-grandes-
fonctions/Activite-tertiaire/Les-salaires-en-tourisme-hotellerie
43
Source : Etude de fonctions & rémunérations, Hôtellerie, Restauration et Tourisme, Michael Page Hôtellerie &
Tourisme, 2010. Accès le 14/01/2011
http://www.michaelpage.fr/productsApp/newtech/EtudeRemHotellerie_2010.pdf
34. 34
Le niveau des rémunérations, en comparaison avec celles pratiquées dans d'autres secteurs aux
rythmes d'activités différents, parfois moins soutenus, est également une cause de départ
prématuré de personnes qui ne trouvent pas de contreparties à leur expérience et à leur
compétence croissante au sein de leur entreprise.
Même pour les jeunes issus de formations supérieures en apprentissage, l’avantage salarial
n’est pas significatif ( Molinari, 2010).
A ce titre, A. Franco souligne que pour les emplois de niveau III (de type licence), alors que les
formations ont permis une meilleure qualification, les rémunérations restent de niveau IV44
.
Malgré les charges que fait peser la main d’œuvre sur les coûts des entreprises hôtelières, des
efforts restent à faire de la part de ces entreprises en termes de rémunération, pour être
attractives et conserver leur main d’œuvre, notamment sur les emplois de niveau I, II et III qui
sont ceux qui correspondent le plus souvent aux poste de cadres.
Outre les salaires à proprement parlé, le secteur de l’hôtellerie est encore en retard en terme
d’avancées sociales. Les avantages sociaux induits par la convention collective HCR sont
souvent peu nombreux au regard d’autres branches , telles que les branches pharmaceutiques ou
bancaires par exemple. Seuls les accords d’entreprise peuvent remédier à cela et ils sont encore
trop peu nombreux dans le domaine, ce qui pèse en défaveur du secteur encore une fois.
Les barrières liées à l’image du secteur et à ses perspectives
Pour toutes les raisons évoquées précédemment, l’image des métiers de l’hôtellerie et par
conséquent des emplois cadres n’est que peu attirante pour les diplômés et professionnels qui
pourraient y prétendre. En effet, l’hôtellerie, comme la sphère loisirs, pâtît de préjugés négatifs.
A.Franco (2003), dans son analyse sur les formations aux métiers du tourisme, préconise de la
part des institutions, une campagne publicitaire de valorisation des métiers du tourisme, pour
favoriser l’attractivité de ces professions.
Néanmoins, on constate malheureusement que lorsqu’il y a médiatisation de certaines activités,
elle semble très éloignée de la réalité et ne transmet pas une information fiable et complète.
Il semble donc nécessaire d’inclure les professionnels du secteur au sein des campagnes
institutionnelles qui verraient le jour.
44
La graduation des niveaux de formation est inversée, allant de V pour les emplois les moins diplômées à I pour
les postes requérant des niveaux de formation supérieure élevés.
Arlette Franco, « rapport sur les diplômes et les formations aux métiers du tourisme », Mai 2003, p.22
35. 35
Par ailleurs, les perspectives de carrière au sein de la branche ou d’un groupe sont souvent
méconnues ou ignorées, alors qu’elles offrent parfois des perspectives durables et une certaine
stabilité dans le parcours professionnel.
Ces phénomènes sont amplifiés par la déception ressentie par ceux qui, à la sortie de leur
formation, ne trouvent pas d'emploi en correspondance avec l'image qu'ils s'en étaient
construite.
D’après M. Molinari(2010), les jeunes issus de formation de niveau I et II (de type maitrise et
plus) ont souvent du mal à se positionner sur les emplois du secteur et « au bout de trois années
passées sur le marché du travail, les jeunes ont tendance à quitter le secteur pour d’autres activités »45
.
L’absence de personnel formé et qualifié, du fait de ces départs précoces, constitue une perte de
savoir- faire pour le secteur et contribue au manque d'expérience de la population employée
pour occuper des postes de cadre dans les établissements concernés, notamment dans les
établissements de chaîne.
Ainsi, comme nous avons pu le constater, l’ensemble de ces facteurs crée un paradoxe entre la
situation des structures hôtelières qui éprouvent des difficultés de recrutement et l’afflux
conséquent de jeunes adultes qui arrivent chaque année sur le marché du travail à la recherche
d’un emploi caractéristique46
.
Bien qu’il faille reconnaître que ces tensions sont récurrentes à tous les niveaux du secteur
(employés, agents de maîtrise, cadres), elles ne sont pourtant pas uniformes. Il semble clair
qu’elles ne toucheront évidemment pas de façon identique les emplois, selon que ceux-ci
puissent être pourvus par des débutants ou qu’ils exigent une expérience professionnelle
réussie. Or, si les tensions sur le marché de l’emploi cadre n’en sont que plus accrues, c’est
bien évidemment du fait que ces derniers exigent une certaine expérience et des savoir- faire en
conséquence.
45
Source : Mickaële Molinari, « L’insertion des jeunes dans l’hôtellerie-restauration », Net.doc. 73, Cereq,
Novembre 2010
46
Source : Michel Prosperi, Michel Geiser, « Comment résoudre la pénurie de main d’œuvre dans le secteur de
l’hôtellerie restauration », Février 2008, Conseil national du tourisme, Section de l'Economie touristique,
Ministère de l’économie, des Finances et de l’emploi. Accès le 05/05/2011
http://www.tourisme.gouv.fr/cnt/publications/2008-2009-penurie-main-oeuvre.pdf
36. 36
c. Le besoin d’expérience
On constate que, contrairement à la pyramide des âges classique des emplois de l’hôtellerie -
restauration qui est relativement équilibrée, du fait de la présence importante de jeunes dans
certaines professions (cuisiniers, commis, serveur, etc.) et des types de formations du secteur
(apprentissage, professionnalisation,....), la pyramide des âges des cadres et dirigeants de
l’hôtellerie est beaucoup moins équilibrée.
Graphique 4 : Pyramide des âges des patrons d’hôtels, cafés, restaurants
Source : enquête emploi INSEE, traitement par la DARES47
En effet, selon l’étude statistique de la DARES de novembre 2005 sur le patronat HCR, l’âge
moyen des patrons d’entreprises HCR est de 40 ans et rares sont les dirigeants de moins de 30
ans. Si cette étude n’est pas spécifique à l’hôtellerie de chaînes intégrées, faute de support
disponible en la matière, elle nous amène cependant à penser que les salariés occupant des
postes de management et de direction, donc entre autres de cadres, sont en pratique
relativement âgés.
Ce qui laisse entrevoir les exigences du secteur en terme d’expérience mais surtout pose la
question de l’emploi senior et du renouvellement des compétences.
Selon cette même étude, il existe une conséquente proportion des cadres de l’hôtellerie-
restauration qui assurent en temps que « salariés » la gestion d’établissements, notamment pour
les grandes chaînes. On pourra citer en exemple la chaîne hôtelière B&B Hôtels qui possède
des hôtels salariés, des hôtels en gérance mandat et enfin des hôtels franchisés48
.
47
Source : Etude DARES, S3 : Patrons d’hôtels, cafés, restaurants, Les Portraits Statistiques - 1982 – 2002,
Novembre 2005. Accès le 02/02/2011 http://www.travail-emploi-sante.gouv.fr/IMG/pdf/Vue_de_Synthese_-
_S3__Patrons_d_hotels_cafes_restaurants.pdf
37. 37
L’autre fait révélé par cette étude concerne le niveau de qualification de ces « patrons » de
l’hôtellerie et de la restauration qui ont pour 40% d’entre eux un CAP ou BEP et, pour 30%
aucun diplôme. Ces chiffres s’expliquent par la forte proportion de café –restaurants et petites
structures hôtelières qui composent le secteur de l’hôtellerie. Le marché hôtelier permet encore
à ces « dirigeants » de petites et moyennes d’administrer leur structure avec de faible niveau de
qualification mais une longue expérience du métier.
Néanmoins, le développement des chaînes hôtelières et l’accroissement du nombre de
formations aux métiers de l’hôtellerie-restauration ont favorisé le besoin en nouvelles
compétences et l’élévation des niveaux de qualifications requises. Les formations aux métiers
de la gestion hôtelière et du management sont pour la plupart désormais de niveau I à III, soit
de type licence et plus. Contrairement à leurs ainés, de nos jours, de plus en plus de futurs
cadres sortent avec d’importants niveaux de qualifications, notamment généralistes, et moins
d’expérience terrain.
Ceci nous amène à nous interroger sur la maturité du secteur et les perspectives de carrière qu’il
propose. Pour se faire, nous analyserons donc la prévision de l’emploi cadre au sein de
l’hôtellerie de chaînes afin de connaitre les dispositifs employés pour prévoir les besoins de
compétences et de postes sur cette catégorie mais aussi pour les adapter à la conjoncture et au
marché de l’emploi.
48
Source : Entretien avec Christine LE CARRE, Responsable Ressources Humaines, Groupe B&B Hôtels, le
24.06.2011
38. 38
3. La prévision de l’emploi cadre dans l’hôtellerie de chaîne intégrée
D’après P. Laborieux Delorme (2009), le recrutement de cadre par les enseignes hôtelières,
notamment celles de prestige, est mal appréhendé, ce qui fragiliserait la sphère managériale.
Selon lui, dans ces groupes, il existe une culture du collectif et du processus forte, qui les
amène à recruter plutôt des candidats aptes à transposer des procédures et à les faire appliquer
par le collectif (souvent issus de groupe aux méthodes reconnus) plutôt que de rechercher des
compétences et un savoir faire managérial fondé à la fois sur du collectif et sur des
individualités.
Dans cette optique, le recrutement et la gestion des cadres doit se faire sur un mode plus
professionnalisant et moins basé sur l’affect, « sous peine de pénaliser la viabilité de
l’entreprise »49
.
Il est certain que le recrutement est un moment privilégié au sein de la gestion des ressources
humaines. Ce processus est primordial pour détecter les meilleurs potentiels, notamment lors
de périodes de crise telles qu’a connues le secteur du tourisme à la fin des années 2000, et
durant lesquelles les entreprises avaient besoin d’excellents profils favorisant une dynamique
vers la reprise.
D’une manière générale, les chaînes hôtelières comme les autres groupes, se livrent à « une
course des talents » afin de contribuer à leur performance économique, il est donc nécessaire
de prévoir ces recrutements pour être le plus efficace possible.
Dans ce cadre, la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC) devient un
outil indispensable aux entreprises.
Cet instrument, apparu au sein de la gestion des ressources humaines au début des années 8050
,
s’est institutionnalisé par la suite, notamment grâce la loi n° 2005 - 32 de programmation pour
la cohésion sociale du 18 Janvier 2005, dite « loi Borloo » qui a, entre autres, instauré une
obligation triennale de négociation entre les partenaires sociaux, les obligeant pour certains à
conclure un accord de mise en place d’une GPEC.
49
Source : Patrick Laborieux Delorme, « Le recrutement des cadres dans les hôtels de prestige, un enjeu mal
appréhendé », Gestion des ressources humaines & tourisme, Cahiers Espaces, n° 101, Mai 2009.
50
Source : Jacques Aubret, Patrick Gilbert, Frédérique Pigeyre, « Management des compétences, réalisation,
concept, analyse », Ed. Dunod, 2002, p. 15- 19
39. 39
Ce dispositif qui est désormais inscrit au code du travail 51
permet d’anticiper l’évolution des
emplois, des besoins en qualification et en hommes au sein des entreprises françaises. Si elle
est menée à bien, entre autres, elle permet ( Aubret, Gilbert & Pigeyre, 2002)
- L’analyse et une meilleure maîtrise des conséquences des changements
technologiques et économiques.
- L’anticipation des besoins en emplois à venir
Une meilleure anticipation de l’adaptation des compétences aux emplois.
- Une réduction des risques et des coûts liés aux déséquilibres de fait.
- Une synthèse entre facteurs de compétitivité, organisation qualifiante et besoins
en développement de compétences des salariés
- Des sélections et programmations des actions d’ajustement nécessaire
- Une meilleure gestion des carrières.
Pour se faire, la GPEC comprend une analyse de l’organisation de l’entreprise, de ses
compétences clés, de l’évolution des postes et des emplois et des actions d’adaptation au
contexte professionnel (formation, développement des compétences, etc.).
Afin d’évaluer comment les chaînes hôtelières préparent leurs besoins en compétence
stratégiques et prévoient leur recrutement de cadres afin de prévenir toute faiblesse dans le
système managérial ainsi qu’une crise de compétences opérationnelles, nous étudierons
l’accord GPEC conclu au sein du groupe ACCOR52
, acteur majeur de l’hôtellerie de chaîne.
ACCOR Hôtellerie France a, en effet, été l’un des premiers groupes au sein du secteur hôtelier
français à signer, en Décembre 2008, un accord de GPEC avec les principales organisations
syndicales (CFDT, CFTC, CGC et FO). Cet accord concerne les hôtels Sofitel, Pullman,
MGallery, Novotel, Mercure, Suitehotel, Ibis, All seasons, Etap Hotel et hotelF1 français.
51
Selon l’article L2323-56 du code du travail , dans les entreprises de plus de 300 salariés, le comité d'entreprise
est informé et consulté sur l'évolution de l'emploi et des qualifications dans l'entreprise et sur les prévisions
annuelles et les actions, notamment de prévention et de formation, que l'employeur envisage de mettre en œuvre.
52
Source : Accord sur la Gestion Prévisionnelle des Emplois et des Compétences au sein de l’hôtellerie ACCOR
fililale France, 2009-2011, site internet de l’ ANACT, Accès le 07/07 /2011
http://www.anact.fr/portal/pls/portal/docs/1/1600354.PDF
40. 40
Conclu pour la période 2009-2011, il prévoit plusieurs volets tels le dialogue social pour
favoriser une gestion anticipative des emplois (Chapitre 1), la mise en place d’une cartographie
et d’un observatoire des métiers de son organisation (Chapitre 2), le développement durable des
compétences pour favoriser l’employabilité par la formation (Chapitre 3), etc.
On remarque que si cet accord prévoit une réelle analyse des métiers ainsi qu’un observatoire
paritaire pour anticiper leur évolution, les fins utiles de ces deux outils n’y sont pourtant pas
mentionnées. Il est simplement écrit pour l’observatoire paritaire, par exemple, que ce dernier
a pour but de « favoriser une réflexion prospective, des échanges de vues et d’information ». Il
existe donc une réelle volonté au sein du groupe de prévoir les évolutions de son
environnement et leurs conséquences sur son activité et ses emplois, mais l’on peut s’interroger
quand à la finalité de ces actions. L’accord ne mentionne que les actions de communication qui
seront faites auprès des partenaires sociaux (rapport sur l’évolution de l’emploi auprès du
comité d’entreprise,…).
Par ailleurs, si cet accord s’adresse indirectement à la population des cadres, par le biais des
dispositions communes à l’ensemble des salariés qui y sont relatées, telles que la valorisation
du Droit Individuel à la Formation (DIF) ou encore l’entretien de seconde partie de carrière
pour tous les salariés à partir de 45 ans (chapitre 5), aucune mesure spécifique à cette
population n’y est envisagée. En effet, seules des mesures particulières sont préconisées pour
les métiers pénibles et à faible niveau de qualification (femme de chambre, etc.) Or, comme
nous l’avons vu précédemment, il est important de s’intéresser à cette catégorie qui est à la fois
un vecteur et un partenaire stratégique dans une politique de développement.
Isabelle Haret, déléguée Régionale Emploi Accor IDF et OUEST, que nous avons rencontré,
précise elle –même « pour le moment, nous n’avons pas de thématique « cadres » pour la
GPEC, en revanche nous avons une réflexion sur les seniors au sens large du terme, avec une
commission qui vient tout juste de se créer.»53
. Elle explique qu’en termes de GPEC, sur de
nombreux aspects (gestion des séniors, nouvelles générations, etc.) le groupe est encore dans
une phase de réflexion et de communication et que peu de processus ont donc été mis en
œuvre.
53
Entretien avec Isabelle HARET- Déléguée Régionale Emploi Accor IDF et OUEST, Groupe ACCOR, le
04.07.2011
41. 41
S’il est vrai que la mise en place de ces processus, pour être efficace, nécessite une réflexion et
des temps d’adaptation, il semble que l’accord GPEC d’ Accor Hôtellerie France réponde,
pour le moment, plus au respect d’une obligation légale qu’à la mise en œuvre d’une politique
concrète de gestion des emplois et des carrières, notamment pour les cadres.
Par conséquent, Accor représentant au travers de ses marques et de ses établissements une
importante part de l’hôtellerie de chaîne française, il apparait que des efforts restent à faire
encore sur le secteur en termes de gestion du capital humain, notamment pour prévenir une
défaillance du corps managérial et pour répondre aux attentes de la catégorie des « cadres ».
4. Les attentes des cadres de nos jours
Selon une étude demandée par CFE – CGC sur les attentes des cadres en 2009, il semble que
ces derniers font de l’emploi, de la protection sociale et de l’évolution des salaires des sujets
tout à fait prioritaires54
.
L’évolution des salaires et du pouvoir d’achat seraient d’ailleurs une préoccupation plus forte
chez les jeunes cadres. Plus de 80% des cadres, tout âge confondu, trouvent également l’enjeu
des conditions de travail très important au sein d’une politique économique et sociale et au
moins un cadre sur deux trouve le sujet tout à fait prioritaire.
Selon cette même enquête, les cadres affirment que ces sujets sont ceux sur lesquels les
syndicats devraient se préoccuper en premier et négocier avec la direction.
Selon E. Vievard, Directeur Restauration au sein du groupe Raffles55
, l’évolution de carrière est
fréquemment mise en avant par les cadres au sein des chaînes hôtelières et cette évolution doit
être de plus en plus rapide. D’après lui, « avant ils attendaient trois à quatre ans pour
demander une promotion, maintenant, au bout d’un un an voire dix huit mois, ils pensent avoir
tout vu et souhaitent évoluer.».
Dans ces hôtels de chaîne se développe donc le concept de « fast food carreer » (Laborieux
Delorme, 2009)
54
Source : Etude « attentes des cadres » réalisée par le cabinet Opinion Way pour la CFE CGC, baromètre
Janvier 2009, CFE CGC.Accès le 07/07/2011
http://www.cfecgc.org/e_upload/pdf/barometreattentesdescadresjanv09.pdf
55
Source : Entretien avec Eric Vievard, Directeur Restauration de l’hôtel Royal Monceau Raffles Paris, Groupe
Raffles, le 17.06.2011
42. 42
Dans la littérature, ces arguments sont étayés par le fait que la société évolue très vite, les
cadres, et notamment les jeunes, souhaitent la sécurité d’une entreprise apprenante, qui leur
donne des responsabilités mais surtout qui leur offre des perspectives d’évolution
professionnelle.
Ainsi, les nouvelles générations de salariés, parfois nommées « Génération X » (née entre les
années 65 et 80) et « Génération Y » (née à partir des années 80) seraient moins loyales envers
l’entreprise que leurs ainées et privilégieraient des stratégies personnelles pour atteindre leurs
objectifs d’évolution de carrière, de réalisation de soi et de bonheur personnel en dehors du
travail56
. Ils entendent être plus reconnus et respectés pour leurs contributions et leurs apports
individuels.
Ceci est d’autant plus vrai pour les cadres qui ont des connaissances polyvalentes et des
qualifications nécessaires pour évoluer rapidement.
Mais les cadres seniors, c'est-à-dire ayant 45 ans et plus, ne sont pas à négliger non plus et il
semble que leurs préoccupations quand à l’emploi et leurs perspectives d’évolution
professionnelle soient tout aussi vives (enquête CFE CGC, 2009).
Dans ce contexte, le contrat de confiance qui existe entre l’employeur et le salarié-cadre doit
donc être régulièrement renouvelé pour retenir les collaborateurs. Une dégradation du contrat
se traduirait de fait par une remise en question du lien avec l’employeur, et donc par la
recherche d’un nouvel environnement.
Si les grands groupes intégrés attirent « naturellement » à eux de nouveaux collaborateurs,
l’enjeu pour eux, consiste à fidéliser la ressource par une gestion raisonnée des ressources
humaines ( Labeille, 2009).
Des outils sont donc à mettre en place pour favoriser la visibilité des cadres sur la stratégie
d’entreprise et sur les conséquences sur leurs emplois.
56
Source : Jean Michel Estrade, article « La génération Y, un nouveau rapport avec l’employeur », les Echos, 20
avril 2011. Accès le 07/07 /2011.
http://lecercle.lesechos.fr/node/34644
43. 43
Au travers de ce premier chapitre, nous avons vu que la place des cadres et de leur statut en
hôtellerie dépendait essentiellement des limites et critères fixés quelque peu par la branche
mais surtout et avant tout par les entreprises elles - mêmes.
La population cadre étant souvent un axe intermédiaire essentiel entre les employés et la
direction au sein des entreprises, et qui occupe des postes clés, qu’ils soient d’experts ou de
chefs d’équipe, elle est ainsi un partenaire de la stratégie de l’entreprise et l’un des moteurs
pour l’accompagnement des collectifs vers le changement. Nous avons pu en déduire à quel
point il était stratégique pour les entreprises et notamment pour les chaînes hôtelières de mettre
en place une politique de gestion efficace, favorisant un recrutement attractif et une fidélisation
de la part de ses collaborateurs afin de conserver ses potentiels qui peuvent se révéler être une
réelle richesse dans le contexte de performance économique actuel.
La fidélité permet, en effet, la pérennité des liens entre le collaborateur et son organisation,
l’implication des salariés dans l’organisation, et le développement de démarches pro-actives.
Pour nombre d’auteurs, elle est essentielle car elle sert les besoins de l’entreprise57
.
Par nos lectures et part l’étude d’un accord GPEC d’une grande chaîne hôtelière, nous avons
noté que le recrutement et certains aspects de la gestion prévisionnelle des emplois et des
compétences étaient encore mal appréhendés au niveau des cadres et que des efforts restent à
faire en termes de gestion du capital humain.
Nous avons également constaté, notamment au sein de l’hôtellerie de chaîne, que les attentes de
la population « cadre » sont nombreuses, se portant énormément sur l’emploi, les conditions de
travail et la protection sociale, mais surtout sur la rémunération et les perspectives d’évolution
professionnelles, en particulier chez les nouvelles générations.
Nous souhaitons donc étudier, dans un second chapitre, les concepts et les outils à la
disposition des chaînes hôtelières intégrées pour mettre en place une politique de gestion des
ressources humaines attractive, motivante visant à fidéliser leurs cadres et à répondre à leurs
attentes
57
Laure Guilbert, Sana Henda, « La fidélisation des cadres : une étude exploratoire », article publié à l’occasion
de la 5ème journée d’étude sur les carrières, Université Lyon 3, mai 2008. Accès le 04/ 05/2011
http://centremagellan.univ-lyon3.fr/fr/articles/303-304_619.pdf
44. 44
II. OUTILS DE FIDELISATION ET DE DEVELOPPEMENT DES
CADRES
Dans cette seconde partie, nous poursuivrons notre analyse de la littérature pour apporter des
réponses théoriques à notre problématique sur la gestion et la fidélisation des cadres au sein des
groupes hôteliers.
Nous étudierons tout d’abord les éléments de motivation propices à la fidélisation des salariés.
Puis nous nous concentrerons sur les outils de gestion des ressources humaines favorables au
développement de carrière et à l’évolution professionnelle ainsi que sur la question du
développement des compétences.
Nous tenterons d’analyser, parmi ces concepts et ces outils, ceux qui sont les plus utiles et
adaptables à la gestion des cadres au sein de l’industrie de chaînes hôtelières.
A. Les éléments de motivation - fidélisation
Comme nous l’avons évoqué précédemment, une politique de fidélisation des salariés, et à
fortiori des cadres, permettant de conserver ses meilleurs potentiels, est stratégique pour les
entreprises, notamment dans un contexte de course à la performance et de transformations
économiques et technologiques perpétuelles.
Pour que celle –ci soit efficace, les entreprises doivent s’intéresser aux motivations de leurs
salariés pour pouvoir répondre à leurs attentes. Selon Vallerand et Thill (1993) la motivation
correspond aux « forces internes et externes favorisant le déclenchement, l’intensité et la
persistance des comportements »58
. Se faisant donc, les directions renforceront l’attachement et
l’engagement de leurs collaborateurs et indirectement leur performance.
58
Laure Guilbert, Sana Henda, « La fidélisation des cadres : une étude exploratoire », article publié à l’occasion de
la 5ème journée d’étude sur les carrières, Université Lyon 3, mai 2008. Accès le 04/05/2011
http://centremagellan.univ-lyon3.fr/fr/articles/303-304_619.pdf
45. 45
Ainsi, la motivation peut se découper en quatre caractéristiques distinctes (Bourmar & Gilson,
2004) :
Le déclenchement du comportement : la motivation fournissant l’énergie nécessaire
pour effectuer le comportement.
La direction du comportement : la motivation dirige le comportement dans le sens
qui convient, c'est-à-dire des objectifs à atteindre.
D’un point de vue professionnel, on comprend donc ici que la motivation sert, entre
autres, les intérêts de l’entreprise.
L’intensité du comportement : la motivation se manifeste par le niveau d’efforts
physiques, intellectuels et mentaux déployés dans le travail.
La persistance du comportement : la motivation incite à dépenser l’énergie
nécessaire à l’exécution fréquente de tâches et à la réalisation régulière d’objectifs.
Dans ce sens, la motivation peut servir les intérêts de l’entreprise sur le long terme.
Pour comprendre sur quels éléments de la motivation l’entreprise peut bâtir son « contrat
social » et sa politique de fidélisation, nous analyserons quelques théories existantes, sans que
celles-ci soient exhaustives, sur la motivation.
1. Les théories de la motivation :
Théorie des besoins de Maslow
Cette théorie du célèbre psychologue américain, est la plus connue de toutes dans le domaine,
nous ne ferons donc que la présenter brièvement.
Présentée sous la forme d’une pyramide, on y distingue différents besoins afférents au genre
humain : besoins physiologiques, besoin de sécurité, besoins sociaux, besoin d’estime et besoin
de réalisation. Cette théorie nous explique que la satisfaction des besoins supérieurs (besoin
d’estime et de réalisation), ne peut être atteinte que lorsque les trois premiers besoins le sont
déjà.