Présentation de Cécile Renouard, Religieuse de l’Assomption, Professeure de Philosophie au Centre Sèvres - Facultés jésuites de Paris, Directrice du programme de recherche « CODEV - Entreprises et développement», de l’Institut ESSEC Iréné, dans le cadre des Ateliers du Shift du 10 novembre 2015, lors de la table ronde « La contribution de l’Encyclique du Pape à la COP21 »
2. Laudato si’
1 – Ce qui se passe dans notre maison
2 – L’Evangile de la Création
3 - La racine humaine de la crise écologique
4 – Une écologie intégrale
5 – Quelques lignes d’orientation et d’action
6 – Education et spiritualités écologiques
3. Science sans conscience…
« L’immense progrès technologique n’a pas été
accompagné d’un développement de l’être humain en
responsabilité, en valeurs, en conscience. Chaque époque
tend à développer peu d’auto-conscience de ses propres
limites… L’être humain n’est pas pleinement autonome.
Sa liberté est affectée quand elle se livre aux forces
aveugles de l’inconscient, des nécessités immédiates, de
l’égoïsme, de la violence. En ce sens, l’homme est nu,
exposé à son propre pouvoir toujours grandissant, sans
avoir les éléments pour le contrôler. Il peut disposer de
mécanismes superficiels, mais nous pouvons affirmer
qu’il lui manque aujourd’hui une éthique solide, une
culture et une spiritualité qui le limitent réellement et le
contiennent dans une abnégation lucide. » (105)
4. Pour une justice sociale et écologique
« Aujourd’hui, nous ne pouvons pas nous
empêcher de reconnaître qu’une vraie approche
écologique se transforme toujours en une
approche sociale, qui doit intégrer la justice
dans les discussions sur l’environnement, pour
écouter tant la clameur de la terre que la
clameur des pauvres. » (49)
5. Culture du déchet et doxa économique
« C’est la même logique qui pousse à
l’exploitation sexuelle des enfants ou à
l’abandon de personnes âgées qui ne servent
pas des intérêts personnels. C’est aussi la
logique intérieure de celui qui dit : ‘laissons les
forces invisibles du marché réguler l’économie,
par ce que ses impacts sur la société et sur la
nature sont des dommages inévitables’. » (123)
6. Le leurre de l’approche gagnant-gagnant
« Il ne suffit pas de concilier, en un juste milieu, la protection de la
nature et le profit financier, ou la préservation de l’environnement et
le progrès. Sur ces questions, les justes milieux retardent seulement un
peu l’effondrement. Il s’agit simplement de redéfinir le progrès. Un
développement technologique et économique qui ne laisse pas un
monde meilleur et une qualité de vie intégralement supérieure ne
peut pas être considéré comme un progrès. D’autre part, la qualité
réelle de vie des personnes diminue souvent – à cause de la
détérioration de l’environnement, de la mauvaise qualité des produits
alimentaires eux-mêmes ou de l’épuisement de certaines ressources –
dans un contexte de croissance économique. Dans ce cadre, le discours
de la croissance durable devient souvent un moyen de distraction et
de justification qui enferme les valeurs du discours écologique dans la
logique des finances et de la technocratie ; la responsabilité sociale et
environnementale des entreprises se réduit d’ordinaire à une série
d’actions de marketing et d’image. » (194)
7. La démocratie avant le marché
« Cela n’entraîne pas qu’il faille s’opposer à toute
innovation technologique qui permette d’améliorer la
qualité de vie d’une population. Mais, dans tous les cas, il
doit toujours être bien établi que la rentabilité ne peut
pas être l’unique élément à prendre en compte et que, au
moment où apparaissent de nouveaux critères de
jugement à partir de l’évolution de l’information, il
devrait y avoir une nouvelle évaluation avec la
participation de toutes les parties intéressées. Le résultat
de la discussion pourrait être la décision de ne pas
avancer dans un projet, mais pourrait être aussi sa
modification ou l’élaboration de propositions
alternatives. » (187)
8. « Une étude de l’impact sur l’environnement ne devrait pas être postérieure
à l’élaboration d’un projet de production ou d’une quelconque politique, plan
ou programme à réaliser. Il faut qu’elle soit insérée dès le début, et élaborée
de manière interdisciplinaire, transparente et indépendante de toute
pression économique ou politique. Elle doit être en lien avec l’analyse des
conditions de travail et l’analyse des effets possibles, entre autres, sur la
santé physique et mentale des personnes, sur l’économie locale, sur la
sécurité. Les résultats économiques pourront être ainsi déduits de manière
plus réaliste, prenant en compte les scénarios possibles et prévoyant
éventuellement la nécessité d’un plus grand investissement pour affronter les
effets indésirables qui peuvent être corrigés. Il est toujours nécessaire
d’arriver à un consensus entre les différents acteurs sociaux, qui peuvent
offrir des points de vue, des solutions et des alternatives différents. Mais à la
table de discussion, les habitants locaux doivent avoir une place privilégiée,
eux qui se demandent ce qu’ils veulent pour eux et pour leurs enfants, et qui
peuvent considérer les objectifs qui transcendent l’intérêt économique
immédiat. Il faut cesser de penser en terme d’“interventions” sur
l’environnement, pour élaborer des politiques conçues et discutées par
toutes les parties intéressées. « (183)
Responsabilités sociétale et politique de l’entreprise
9. Quelle créativité?
« Un chemin de développement plus créatif et mieux orienté
pourrait corriger le fait qu’il y a un investissement
technologique excessif pour la consommation et faible pour
résoudre les problèmes en suspens de l’humanité… Ce serait
une créativité capable de faire fleurir de nouveau la noblesse
de l’être humain parce qu’il est plus digne d’utiliser
l’intelligence, avec audace et responsabilité, pour trouver des
formes de développement durable et équitable, dans le cadre
d’une conception plus large de ce qu’est la qualité de vie.
Inversement il est moins digne, il est superficiel et moins
créatif de continuer à créer des formes de pillage de la nature
seulement pour offrir de nouvelles possibilités de
consommation et de gain immédiat. » (192)