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ABADIA RETUERTA
“HOMMAGE AUX TERROIRS
HISTORIQUES”
Sur les rives du Douro, à Abadía Retuerta, a eu lieu au
mois de juin une réunion exceptionnelle sur le Terroir,
qui a réuni un groupe hors du commun de personnalités
du monde du vin venant de Toscane, du Piémont, de
Bordeaux, de Bourgogne, du Rhône, de Champagne,
Alsace, Jerez-Sherry, de Castille, de la Rioja et de Porto.
Beaucoup d'entre eux sont membres de l'Académie
Internationale du Vin. Cette rencontre se déroule dans le
cadre des commémorations du 25e anniversaire de la
cave de Sardón de Duero.
Les débats ont porté sur quatre grands thèmes: qu'est-ce
un Terroir , comment le transmettre, comment l'homme
peut-il transcender le Terroir et la renaissance des
Terroirs historiques en Espagne.
Le cadre splendide de l'abbaye Santa María de Retuerta,
du XIIe siècle, qui abrite aujourd'hui un hôtel de luxe et
son jardin où se trouve un vignoble singulier, a servi
d'écrin à l'éclosion des idées.
Homenaje al Terroir
Hommage au Terroir
Tribute to Terroir
17–19th June
CONCLUSIONS :
1. LE RESPECT DE LA TRADITION ET DU TERROIR PAR LE BIAIS DE LA TECHNOLOGIE:
LE FACTEUR HUMAIN
La réflexion n'a pas permis d'aboutir à une définition définitive et consensuelle du Terroir que certains Espagnols appellent
“terruño”. En revanche, elle a donné lieu à des pensées romantiques portant, en particulier, sur l'importance du facteur
humain dans la réussite d'un projet vinicole.
Il est rare d'entendre tant de personnalités de renom s'exprimer dans le seul intérêt de partager leur expérience entre amis.
Résumer signifie choisir et, partant, éliminer. Nous avons opté pour citer quelques phrases qui, telles les arômes émanant
de bons vins, éclairent les débats, menés avec brio par Pascal Delbeck, l'un des principaux architectes du projet de renaissan-
ce vinicole d'Abadía Retuerta.
Il est très difficile de donner une définition du Terroir. Le seul élément indéniable est que l'homme est essentiel à son existen-
ce. Doté d'une véritable personnalité, le mot Terroir n'a ni traduction ni synonyme. Il ne faut confondre le Terroir ni avec
l'AOC ni avec le territoire. Le Terroir a une identité forte, c'est une œuvre humaine, c'est l'observateur des hasards d'une
nature infinie et toujours renouvelée.
L'homme est le chef d'orchestre du Terroir, les instruments en sont le climat, le sol, le vignoble, l'homme composant la
symphonie la plus belle exprimée par ces instruments.
Le cépage est souvent cité comme élément différenciateur, mais le sol, le climat, les techniques et la culture elle-même ont
certainement une influence plus déterminante encore.
“Un grand vin, comme la grande musique, est une interprétation correcte par le viticulteur de sa partition, de ce que lui offre la
nature. Ni trop technique ni trop libre, l'exaltation juste de la partition, du génie d'un lieu. Le Terroir est davantage qu'un
territoire délimité au sens administratif. C'est un sujet au moins aussi philosophique que technique. Il existe une approche
mystique du Terroir”.
Les progrès technologique de l'ère moderne permettent-ils un plus grand respect du Terroir? Sans aucun doute, on se doit
de toujours respecter le Terroir: Les bons Terroir sont ceux qui donnent de bons vins, des vins qui nous plaisent. Car
pendant longtemps, ce que l'on appelait le “goût du Terroir” était considéré comme un défaut. Mais l'œnologie moderne a
redistribué les cartes et le goût du Terroir est devenu un atout, l'œnologue se devant d'en rehausser les traits distinctifs.
Par ailleurs, le professeur Jean-Noël Boidron pense que “Terroir et tradition ne sont pas forcément liés”, ce qui semble
affirmer que le Terroir est un mensonge. À ses yeux, le Terroir se définit comme “des vins nobles issus d'un sol vivant. Il a
pour ennemis les herbicides et l'investisseur dépourvu de conscience”.
“L'œnologie ne s'oppose pas au Terroir. C'est une science pratique qui, en évitant défauts et écarts, notamment en matière
d'hygiène, est à même de mieux exprimer les qualités du Terroir. Cela peut nous aider à prendre une décision concernant les
dates de vendanges et les méthodes de production du vin. Toutefois, il faut éviter les altérations comme l'aromatisation au
moyen de levures ou les colorants, qui n'ont rien à voir avec la technologie”.
Pour Gérard Chave, la notion de Terroir est une question de goût. Car “chaque viticulteur cuisine son Terroir et bien que les
goûts changent, un bon Terroir est toujours en mesure de donner de bons vins, grâce à au recours à une œnologie sincère”.
Jean-Claude Berrouet, grand connaisseur du Terroir, explique que “ce concept peut se résumer en l'expression de trois
notions plus restreintes: l'air, la terre et les cultures. Il est très important de rappeler que le Terroir nécessite de l'homme et
de l'intervention humaine. Sa tâche principale doit se concentrer sur la recherche de l'élégance, sans violence aucune, ce qui,
admet-il, “est différent dans chaque pays et région”. Car “L'homme peut également détruire le Terroir. De nombreux Terroir
évoqués à travers les siècles, depuis l'époque romaine, ont en effet disparu”.
“Le réchauffement change le Terroir. Il est clair qu'il nous faudra changer de cépage. Cela a déjà été fait, par exemple, à
Bordeaux, où le Merlot était pratiquement inconnu jusqu'au XVIIIe siècle”.
“Il est difficile de comparer le Terroir d'aujourd'hui avec celui d'hier. Les consommateurs ont changé, ainsi que les cépages et les
technologies. Les Terroirs varient au gré de l'évolution de leur mise en valeur. Parler de pratiques loyales et traditionnelles,
comme le font les cahiers des charges des appellations, est absurde”.
“Un grand Terroir n'est pas basé sur un type de formation géologique supérieur aux autres ; on peut trouver aussi bien de l'argile
et du calcaire que de l'ardoise ou du grès. Le facteur hydrique, l'exposition et le facteur humain sont, sans aucun doute, les
éléments essentiels. La vigne aime la colline, disait Virgile”.
Pour la part, Dominique Renard souligne que le Terroir favorise les ventes si l'on est capable d'en faire la promotion et de
toucher la clientèle qui saura l'apprécier et l'exiger. “Le Terroir est l'avenir de la mondialisation. À une époque où le monde
devient un village planétaire, nous devons préserver la vraie richesse, la diversité culturelle et des méthodes de culture”.
Julien Barbier nous donne son point de vue depuis la Champagne: “Le Terroir fait partie intrinsèque d’une zone, c’est au
viticulteur d’interpréter et de s’adapter au Terroir”.
La bataille Terroir contre Marque
Alors pourquoi ressent-on le besoin d'expliquer le Terroir? Il convient d'en protéger le magie et le mystère car le mot est
en passe de perdre sa force, de devenir un fourre-tout qui n'acquiert un sens quedans la mesure où les gens l'utilisent.
Il nous faut revenir à une notion de Terroir plus restreinte. Il ne faut pas confondre Terroir et territoire ni Terroir et AOC,
car le Terroir est porteur d'une identité plus puissante. Les grands vins ne sont pas exclusifs des appellations, comme il a
été démontré.
2. LES HÉRITIERS:
COMMENT TRANSMETTRE, RECEVOIR ET PÉRENNISER UN GRAND TERROIR ?
Isabelle Meyer a appris de son père que “l'homme doit être présent mais sans saboter, il doit doter le Terroir d'un esprit et de
sensibilité. Ainsi, avec patience et en laissant le Terroir s'exprimer, il donne de grands vins”.
Étienne de Montille, pour sa part, explique également que son père lui a transmis le respect pour le Terroir et aborde les
difficultés de la transmission d'un patrimoine à travers la succession en Bourgogne. En Bourgogne, les petits domaines sont
des exploitations familiales et les droits de succession sont tels que de nombreux vignerons sont incapables d'y faire face et
sont contraints de vendre tout ou partie de leurs biens qui sont, le plus souvent, acquis par des investisseurs étrangers. Cela
aura-t-il un impact sur le Terroir et, partant, sur la qualité du vin? Étienne évoque la nécessité d'éviter que les vignobles de
Bourgogne ne tombent entre des mains insensibles: “il faut préparer les successions suffisamment à l'avance pour transmettre
le patrimoine sans souffrances. Les propriétaires exploitants créent un lien avec un grand Terroir, un lien exceptionnel. Si la
transmission est impossible d'une génération à l'autre, suite à un décès ou à des obstacles fiscaux, ce type d'exploitation est
appelée à disparaître. Il existe des solutions juridiques mais les viticulteurs ne sont pas toujours bien informés”.
Olivier Guyot parle de son profond respect pour la nature et pour son vignoble, il aborde également la question de la succes-
sion. Il a reçu le Terroir de son père mais se voit dans l'impossibilité de le transmettre à son fils. Car, en Europe, les droits
de succession varient beaucoup. En Suisse, ils n'existent pas et sont minimes dans certaines provinces espagnoles.
Pour Jean-Pierre Perrin, “La transmission n'est pas chose facile. Il faut voir sur le long terme. Les générations actuelles doivent
faire comprendre aux futurs héritiers l'importance de rester à un endroit où la famille imprègne la terre. Plus que de compren-
dre le Terroir, il s'agit là de valeurs. Certaines familles maintiennent ces valeurs au fil des générations, d'autres ne le font pas”.
Le système familial doit former partie de l'ADN du vignoble.
Ainsi, les familles du vin imprègnent le Terroir d'une philosophie différente de celle des investisseurs, qui sont davantage
orientés vers l'aspect commercial. Si nous voulons que le concept de Terroir soit pérennisé, il faut l'accompagner, il doit
continuer à évoluer, tel un enfant, en lui laissant l'espace suffisant pour grandir sans hâte. Les grands Terroir ne sont pas
statiques, ils seront ce que les nouvelles générations décideront d'en faire. Il ne s'agit pas de renoncer à la création d'entre-
prises ou de lignes d'activité mais il faut le faire en préservant le “sanctuaire”.
3. TRANSCENDER LE TERROIR GRÂCE AU SAVOIR-FAIRE OU À LA VOLONTÉ:
S'ADAPTER AU TEMPS PRÉSENT
Pour Juan José Abo, “Le Terroir et la tradition ne se confondent pas; chaque parcelle est un Terroir potentiel, à condition que
l'homme le fasse connaître, le mette en valeur”.
Peter Symington évoque ses Terroirs du Duero et l'énorme personnalité des cépages portugais ainsi que de son interven-
tion pour les maîtriser. “Les terrasses du Douro sont la démonstration de l'influence de l'homme sur le Terroir, car sans
terrasses, pas de vignobles. Et cette terre n'est pas immuable. Autrefois, le vignoble était complètement recouvert, alors
qu'aujourd'hui, on a réorganisé un grand nombre de parcelles pour que chacune accueille un cépage identifié. Par conséquent,
l'homme a radicalement modifié le Terroir”.
Bruno Prats rappelle l'exemple de Paul Pontallier, directeur emblématique de Château Margaux, où les investisseurs ont
confié la gestion du bien aux anciens propriétaires. “À Bordeaux, les dimensions de certains domaines et leur valeur est telle
que la richesse tente les familles ; mais quand les investisseurs acquièrent ces grands domaines, ils nomment, la plupart du
temps, des responsables issus de familles de vignerons”. Pour lui, un grand Terroir donne des vins qui vieillissent bien, des vins
complexes, grâce à la sagesse et la puissance apporté par le Terroir. Mais un bon vin doit être bon dès le départ. En revenant
au cas des Terroir portugais, il démontre que, contrairement à l'idée générale selon laquelle ceux-ci ne peuvent produire que
des vins généreux, les terrasses du Douro sont capables de produire de grands vins rouges secs. Son expérience au Chili lui
a montré que, pour trouver de bons Terroirs et des cépages adaptés qui donneront de bons vins, il suffit d'écouter et d'obser-
ver les principes du sol, d'être attentif au climat... laisser l'homme imprégner le territoire de sa sagesse. “La marque du grand
vin est sa capacité à vieillir en gagnant en complexité et en dépassant le cépage”. De la sorte, un Terroir comme Constantia,
en Afrique du Sud, qui est sans doute le Terroir le plus ancien du nouveau monde, est une preuve de l'intuition des anciens
qui les a conduit aux meilleurs endroits.
“La conservation des Terroir est une lutte constante. Ainsi, par exemple, près d'Alicante, on arrache les vieux ceps de Monastrell.
Pour notre part, nous nous efforçons de les garder, non seulement pour faire face aux cépages internationaux mais également
aux plantations de jeunes ceps de Monastrell qui n'apportent pas grand-chose”.
Elio Altare, pour sa part, raconte qu'il a été très difficile pour lui de travailler avec son père, lequel a fini par le déshériter et
qu'il a dû racheter sa part à ses frères et sœurs. Ensuite, il s'est directement impliqué dans la révolution du Barolo et a
modifié la méthode traditionnelle de production. Dans ce cas, la tradition constituait un frein à l'expression du Terroir, car
la volonté et la curiosité d'un homme a été capable d'améliorer la tradition. “La transmission, ce n'est pas le respect aveugle
du passé. Mon père a commis des erreurs, en particulier en matière de traitements, je continue à les corriger aujourd'hui. Il faut
également rester ouvert sur le monde. Le vin est un échange de cultures. Par exemple, j'ai puisé une grand part de mon inspira-
tion en Bourgogne. La tradition est une innovation qui a été couronnée de succès”.
Paolo de Marchi est la locomotive de la qualité des vins toscans classiques. (Il s'est érigé en référence du Chianti Classico,
ayant su marier tradition et modernité. Ce vin contient toujours une part de Canaiolo, cépage rarement utilisé de nos jours
mais qui confère une richesse aromatique et une grande finesse au vin. De Marchi ne cherche pas la force ni la concentra-
tion mais l'élégance, la complexité et l'équilibre des vins.
Franco Maria Martinetti dévoile une autre facette du Terroir en se demandant si la gastronomie fait partie du Terroir. Et de
répondre: “Une chose est sûre: elle lui permet de se révéler”. Il estime que le Terroir est beaucoup plus que le vin auquel il donne
la vie, c'est une synthèse de la nature, de la cuisine, de la géographie, de l'art, de l'économie et, surtout, des habitants de la
région et de leurs traditions. Pour transcender un Terroir, il faut en extraire la qualité, l'élégance et l'harmonie. “C'est
dommage que si peu de grands chefs sachent rehausser les grands vins par leur cuisine. La grande cuisine devrait être le temple
d'harmonies splendides mais, trop souvent, le chef pense d'abord à briller, lui, au lieu de privilégier l'expérience globale du repas”.
4. LE RENOUVEAU DES TERROIRS HISTORIQUES EN ESPAGNE:
COMMENT L'HOMME A TRANSCENDÉ LE TERROIR
Eduardo Ojeda résume le Terroir en deux mots: pureté et identification. Parfois, la volonté de l'homme peut occulter, voire
faire disparaître, un Terroir, Jerez en est la preuve mais, même ainsi, il y a encore de grands millésimes. “Un Terroir comme
celui de Macharnudo, au nord de Jerez, était déjà célèbre à l'époque romaine comme un cru exceptionnel. C'est certainement l'un
des plus anciens d'Europe. Exposition, climat, sol et sous-sol: tout lui a été donné. À Jerez, comme ailleurs, beaucoup ont choisi
la voie de la productivité aux dépens de la tradition. Il faut rebrousser chemin pour retrouver l'identité et les cépages du Terroir”.
Carlos Falco, Marquis de Griñon, nous parle de son expérience, de la création de son domaine, de sa volonté de créer de
grands vignobles avec de grands cépages et des méthodes agricoles novatrices. “La recherche de l'excellence est le seul moyen
de survivre face à la concurrence mondiale. C'est l'objectif des domaines qui produisent le vin de Pago, qu'ils fassent partie ou
non de l'appellation. Oui, il est possible de créer de nouveaux grands Terroir. Ou plutôt, on peut les faire connaître.
Juan Carlos Lopez de Lacalle évoque pour nous la grande richesse du vignoble espagnol, “une richesse que l'Espagne est
incapable de mettre en valeur”. Pour lui, le Terroir rime avec diversité, force et famille. Il déplore le manque de respect des
Espagnols pour les Terroir historiques, tout en reconnaissant que, ces derniers temps, il existe une génération de jeunes
vignerons dont il espère qu'ils feront renaître les vins de Terroir. Il aborde les disputes actuelles pour la dégradation générale
de la qualité du vin dans les différentes appellations et, en particulier, dans La Rioja. “L'excellence est un mode de vie, c'est la
prospérité et le bonheur de choisir de bien faire les choses. L'excellence, ce n'est pas le luxe. Notre vocation est de produire du
vin, pas des documents administratifs. La solution passe par ne plus produire à des prix ridicules. L'importance d'une appella-
tion comme Rioja cache une réalité plus précise des lieux. Car c'est le nom qui est mis en valeur et non la qualité. C'est le
triomphe de la médiocrité. Je ne renie pas l'origine, je renie la manipulation, l'usurpation de l'origine.”
Marcos Eguren narre son histoire personnelle dans la Rioja et à Toro. Il parle également de l'évolution de ces appellations
et de la qualité des vins.
Angel Anocibar parle de la renaissance d'Abadía Retuerta, de sa rencontre avec Pascal Delbeck, de l'évolution des vins en
parallèle avec celle du Terroir, et de la manière dont sa compréhension de l'écosystème lui a permis de faire évoluer le
vignoble et, partant, d'augmenter la qualité des vins. Aujourd'hui, 25 ans après les débuts de son domaine, il commence à
comprendre que c'est l'ensemble constitué par la faune, le climat, le sol et son équipe qui a progressivement amélioré la
qualité et a su exprimer ce grand Terroir dans le vin.“En 40 ans, La Ribera est passé de 8 000 à 24 000 ha, de la sélection
massive à une multitude de clones de Tempranillo importés, dont beaucoup ont été conçus pour leur productivité”.
Mariano García nous communique sa passion pour les grands vins, en évoquant la naissance et la transformation du vin
Ribera del Duero, appellation qu'il connaît sur le bout des doigts. Il reconnaît qu'il faut revenir aux origines mais, sa vision
du Terroir ayant changé, il ne cherche plus à faire des vins parfaits. “Le Terroir doit donner des vins modernes mais enracinés.
Il faut avoir les idées claires et cibler des grands vins qui reflètent leur Terroir. Le Ribera del Duero doit tirer parti de la diversité
de ses Terroirs”.
RÉFLEXIONS DES OBSERVATEURS
Sarah Janes Evans: “Le Terroir, c'est l'humain, ce qui est fascinant. Il est temps pour l'Espagne de monter dans le train du
changement”.
Luis Gutiérrez souligne le changement de ton entre vins français et espagnols. Il est convaincu que de jeunes Espagnols
sauront hisser leur pays au niveau de l'Italie et de la France. Il est d'accord sur le fait que nous vivons une époque fascinante.
Juan Luis Asenjo relève l’effet du changement climatique sur le Terroir: “Il est vrai que d’une certaine matière les conditions
climatiques se reproduisent dans diverses zones, mais c’est le facteur humain qui différencie un Terroir”.
Quim Vila a relevé les affirmations suivantes lors de la rencontre: “Nous commençons à être de vieilles grappes... les jeunes
sont là!; La tradition, c'est l'innovation; Le monde est devenu un village (phrase clé pour comprendre vers quoi nous allons);
Tout le monde a droit au mot Terroir; Sans erreurs, pas de progrès; Moi, je déguste le vin avec la bouche; Le Terroir, c'est le
paysage perçu par les hommes”. 
Steven Spurrier: “Le Terroir parle, nous a fait parler et parlera de nous”.
Victor de la Serna: “À un moment où le vigneron se reconnecte à ses racines du Terroir, il existe une logique industrielle qui
peut l'écraser. En Castille, par exemple, la nouvelle administration régionale a l'intention de fusionner les coopératives pour
qu'il n'en reste que 5 au plus, qui produiront en vrac, avec l'approbation des appellations. Plus généralement, dans l'Espagne
d'aujourd'hui, les pouvoirs publics misent sur le volume, alors que le succès, face à la concurrence mondiale, dépendra de
l'identité des vins”.
Marie-Louise Banyol: “Le vin est fils du soleil et de la terre, mais son travail est d'engendrer”.
Hervé Lalau: “Le goût du grand Terroir est un goût de trop peu”.
Enrique Valero: “Le monde du vin envisage les choses à long terme”. “En définitive, c’est le facteur humain, c’est-à-dire les
personnes qui, comprenant le lieu, son histoire, sa climatologie, sont à même de tirer le meilleur parti d’un Terroir ou, au
contraire, de le détruire”.
EN GUISE DE CONCLUSION...
L'accent mis par Enrique Valero sur le mot “partager” a marqué toute la rencontre.
Un débat plus philosophique que technique a dominé la rencontre, lequel a clairement précisé certains concepts comme
l'importance fondamentale de l'intervention humaine sur le Terroir, d'autres notions étant moins claires. De nombreuses
questions restent donc ouvertes et pourront être débattues lors de rencontres ultérieures.
IDÉES FORCE:
• Le Terroir est un prisme à multiples facettes, avec une terre, un sol vivant riche en microorganismes, la géographie, la
géologie, la géomorphologie, la géopolitique, l'approche de l'homme et de sa philosophie.
• Le Terroir est un équilibre instable.
• La reconnaissance gustative d'un Terroir existe.
• Le Terroir dégusté ou consommé est une rencontre heureuse entre l'homme et la terre, tout simplement en partageant un verre...
• Le Terroir est à la viticulture ce que la haute couture est à la robe.
• Le temps n'aime pas ce qui est fait sans lui, le Terroir non plus.
• Le Terroir n'existe pas sans l'homme.
• Le système familial doit faire partie de l'ADN du vignoble.
• Le grand Terroir n'est pas statique ; il sera ce que les nouvelles générations en feront.
• Terroir et tradition ne vont pas nécessairement de pair.
• Il nous faut revenir à une notion de Terroir plus restreinte.
• Il faut transmettre la sagesse acquise du Terroir.
• Le Terroir doit conserver sa dimension mystérieuse, de rêve et de poésie ; c'est l'enveloppe d'un art créatif mais avant tout
d'un art de vivre.
• Un grand Terroir donne des vins capables de bien vieillir.
• Terroir: Pureté, identification, excellence.
• L'innovation est tradition, il n'y a pas de certitudes.
AB
A
D
Í A R E T U E
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A
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I V E R S A R
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Conclusions #ARTerroir #25Aniversaire

  • 1. ABADIA RETUERTA “HOMMAGE AUX TERROIRS HISTORIQUES” Sur les rives du Douro, à Abadía Retuerta, a eu lieu au mois de juin une réunion exceptionnelle sur le Terroir, qui a réuni un groupe hors du commun de personnalités du monde du vin venant de Toscane, du Piémont, de Bordeaux, de Bourgogne, du Rhône, de Champagne, Alsace, Jerez-Sherry, de Castille, de la Rioja et de Porto. Beaucoup d'entre eux sont membres de l'Académie Internationale du Vin. Cette rencontre se déroule dans le cadre des commémorations du 25e anniversaire de la cave de Sardón de Duero. Les débats ont porté sur quatre grands thèmes: qu'est-ce un Terroir , comment le transmettre, comment l'homme peut-il transcender le Terroir et la renaissance des Terroirs historiques en Espagne. Le cadre splendide de l'abbaye Santa María de Retuerta, du XIIe siècle, qui abrite aujourd'hui un hôtel de luxe et son jardin où se trouve un vignoble singulier, a servi d'écrin à l'éclosion des idées. Homenaje al Terroir Hommage au Terroir Tribute to Terroir 17–19th June CONCLUSIONS : 1. LE RESPECT DE LA TRADITION ET DU TERROIR PAR LE BIAIS DE LA TECHNOLOGIE: LE FACTEUR HUMAIN La réflexion n'a pas permis d'aboutir à une définition définitive et consensuelle du Terroir que certains Espagnols appellent “terruño”. En revanche, elle a donné lieu à des pensées romantiques portant, en particulier, sur l'importance du facteur humain dans la réussite d'un projet vinicole. Il est rare d'entendre tant de personnalités de renom s'exprimer dans le seul intérêt de partager leur expérience entre amis. Résumer signifie choisir et, partant, éliminer. Nous avons opté pour citer quelques phrases qui, telles les arômes émanant de bons vins, éclairent les débats, menés avec brio par Pascal Delbeck, l'un des principaux architectes du projet de renaissan- ce vinicole d'Abadía Retuerta. Il est très difficile de donner une définition du Terroir. Le seul élément indéniable est que l'homme est essentiel à son existen- ce. Doté d'une véritable personnalité, le mot Terroir n'a ni traduction ni synonyme. Il ne faut confondre le Terroir ni avec l'AOC ni avec le territoire. Le Terroir a une identité forte, c'est une œuvre humaine, c'est l'observateur des hasards d'une nature infinie et toujours renouvelée. L'homme est le chef d'orchestre du Terroir, les instruments en sont le climat, le sol, le vignoble, l'homme composant la symphonie la plus belle exprimée par ces instruments. Le cépage est souvent cité comme élément différenciateur, mais le sol, le climat, les techniques et la culture elle-même ont certainement une influence plus déterminante encore. “Un grand vin, comme la grande musique, est une interprétation correcte par le viticulteur de sa partition, de ce que lui offre la nature. Ni trop technique ni trop libre, l'exaltation juste de la partition, du génie d'un lieu. Le Terroir est davantage qu'un territoire délimité au sens administratif. C'est un sujet au moins aussi philosophique que technique. Il existe une approche mystique du Terroir”. Les progrès technologique de l'ère moderne permettent-ils un plus grand respect du Terroir? Sans aucun doute, on se doit de toujours respecter le Terroir: Les bons Terroir sont ceux qui donnent de bons vins, des vins qui nous plaisent. Car pendant longtemps, ce que l'on appelait le “goût du Terroir” était considéré comme un défaut. Mais l'œnologie moderne a redistribué les cartes et le goût du Terroir est devenu un atout, l'œnologue se devant d'en rehausser les traits distinctifs.
  • 2. Par ailleurs, le professeur Jean-Noël Boidron pense que “Terroir et tradition ne sont pas forcément liés”, ce qui semble affirmer que le Terroir est un mensonge. À ses yeux, le Terroir se définit comme “des vins nobles issus d'un sol vivant. Il a pour ennemis les herbicides et l'investisseur dépourvu de conscience”. “L'œnologie ne s'oppose pas au Terroir. C'est une science pratique qui, en évitant défauts et écarts, notamment en matière d'hygiène, est à même de mieux exprimer les qualités du Terroir. Cela peut nous aider à prendre une décision concernant les dates de vendanges et les méthodes de production du vin. Toutefois, il faut éviter les altérations comme l'aromatisation au moyen de levures ou les colorants, qui n'ont rien à voir avec la technologie”. Pour Gérard Chave, la notion de Terroir est une question de goût. Car “chaque viticulteur cuisine son Terroir et bien que les goûts changent, un bon Terroir est toujours en mesure de donner de bons vins, grâce à au recours à une œnologie sincère”. Jean-Claude Berrouet, grand connaisseur du Terroir, explique que “ce concept peut se résumer en l'expression de trois notions plus restreintes: l'air, la terre et les cultures. Il est très important de rappeler que le Terroir nécessite de l'homme et de l'intervention humaine. Sa tâche principale doit se concentrer sur la recherche de l'élégance, sans violence aucune, ce qui, admet-il, “est différent dans chaque pays et région”. Car “L'homme peut également détruire le Terroir. De nombreux Terroir évoqués à travers les siècles, depuis l'époque romaine, ont en effet disparu”. “Le réchauffement change le Terroir. Il est clair qu'il nous faudra changer de cépage. Cela a déjà été fait, par exemple, à Bordeaux, où le Merlot était pratiquement inconnu jusqu'au XVIIIe siècle”. “Il est difficile de comparer le Terroir d'aujourd'hui avec celui d'hier. Les consommateurs ont changé, ainsi que les cépages et les technologies. Les Terroirs varient au gré de l'évolution de leur mise en valeur. Parler de pratiques loyales et traditionnelles, comme le font les cahiers des charges des appellations, est absurde”. “Un grand Terroir n'est pas basé sur un type de formation géologique supérieur aux autres ; on peut trouver aussi bien de l'argile et du calcaire que de l'ardoise ou du grès. Le facteur hydrique, l'exposition et le facteur humain sont, sans aucun doute, les éléments essentiels. La vigne aime la colline, disait Virgile”. Pour la part, Dominique Renard souligne que le Terroir favorise les ventes si l'on est capable d'en faire la promotion et de toucher la clientèle qui saura l'apprécier et l'exiger. “Le Terroir est l'avenir de la mondialisation. À une époque où le monde devient un village planétaire, nous devons préserver la vraie richesse, la diversité culturelle et des méthodes de culture”. Julien Barbier nous donne son point de vue depuis la Champagne: “Le Terroir fait partie intrinsèque d’une zone, c’est au viticulteur d’interpréter et de s’adapter au Terroir”. La bataille Terroir contre Marque Alors pourquoi ressent-on le besoin d'expliquer le Terroir? Il convient d'en protéger le magie et le mystère car le mot est en passe de perdre sa force, de devenir un fourre-tout qui n'acquiert un sens quedans la mesure où les gens l'utilisent. Il nous faut revenir à une notion de Terroir plus restreinte. Il ne faut pas confondre Terroir et territoire ni Terroir et AOC, car le Terroir est porteur d'une identité plus puissante. Les grands vins ne sont pas exclusifs des appellations, comme il a été démontré. 2. LES HÉRITIERS: COMMENT TRANSMETTRE, RECEVOIR ET PÉRENNISER UN GRAND TERROIR ? Isabelle Meyer a appris de son père que “l'homme doit être présent mais sans saboter, il doit doter le Terroir d'un esprit et de sensibilité. Ainsi, avec patience et en laissant le Terroir s'exprimer, il donne de grands vins”. Étienne de Montille, pour sa part, explique également que son père lui a transmis le respect pour le Terroir et aborde les difficultés de la transmission d'un patrimoine à travers la succession en Bourgogne. En Bourgogne, les petits domaines sont des exploitations familiales et les droits de succession sont tels que de nombreux vignerons sont incapables d'y faire face et sont contraints de vendre tout ou partie de leurs biens qui sont, le plus souvent, acquis par des investisseurs étrangers. Cela aura-t-il un impact sur le Terroir et, partant, sur la qualité du vin? Étienne évoque la nécessité d'éviter que les vignobles de Bourgogne ne tombent entre des mains insensibles: “il faut préparer les successions suffisamment à l'avance pour transmettre le patrimoine sans souffrances. Les propriétaires exploitants créent un lien avec un grand Terroir, un lien exceptionnel. Si la transmission est impossible d'une génération à l'autre, suite à un décès ou à des obstacles fiscaux, ce type d'exploitation est appelée à disparaître. Il existe des solutions juridiques mais les viticulteurs ne sont pas toujours bien informés”.
  • 3. Olivier Guyot parle de son profond respect pour la nature et pour son vignoble, il aborde également la question de la succes- sion. Il a reçu le Terroir de son père mais se voit dans l'impossibilité de le transmettre à son fils. Car, en Europe, les droits de succession varient beaucoup. En Suisse, ils n'existent pas et sont minimes dans certaines provinces espagnoles. Pour Jean-Pierre Perrin, “La transmission n'est pas chose facile. Il faut voir sur le long terme. Les générations actuelles doivent faire comprendre aux futurs héritiers l'importance de rester à un endroit où la famille imprègne la terre. Plus que de compren- dre le Terroir, il s'agit là de valeurs. Certaines familles maintiennent ces valeurs au fil des générations, d'autres ne le font pas”. Le système familial doit former partie de l'ADN du vignoble. Ainsi, les familles du vin imprègnent le Terroir d'une philosophie différente de celle des investisseurs, qui sont davantage orientés vers l'aspect commercial. Si nous voulons que le concept de Terroir soit pérennisé, il faut l'accompagner, il doit continuer à évoluer, tel un enfant, en lui laissant l'espace suffisant pour grandir sans hâte. Les grands Terroir ne sont pas statiques, ils seront ce que les nouvelles générations décideront d'en faire. Il ne s'agit pas de renoncer à la création d'entre- prises ou de lignes d'activité mais il faut le faire en préservant le “sanctuaire”. 3. TRANSCENDER LE TERROIR GRÂCE AU SAVOIR-FAIRE OU À LA VOLONTÉ: S'ADAPTER AU TEMPS PRÉSENT Pour Juan José Abo, “Le Terroir et la tradition ne se confondent pas; chaque parcelle est un Terroir potentiel, à condition que l'homme le fasse connaître, le mette en valeur”. Peter Symington évoque ses Terroirs du Duero et l'énorme personnalité des cépages portugais ainsi que de son interven- tion pour les maîtriser. “Les terrasses du Douro sont la démonstration de l'influence de l'homme sur le Terroir, car sans terrasses, pas de vignobles. Et cette terre n'est pas immuable. Autrefois, le vignoble était complètement recouvert, alors qu'aujourd'hui, on a réorganisé un grand nombre de parcelles pour que chacune accueille un cépage identifié. Par conséquent, l'homme a radicalement modifié le Terroir”. Bruno Prats rappelle l'exemple de Paul Pontallier, directeur emblématique de Château Margaux, où les investisseurs ont confié la gestion du bien aux anciens propriétaires. “À Bordeaux, les dimensions de certains domaines et leur valeur est telle que la richesse tente les familles ; mais quand les investisseurs acquièrent ces grands domaines, ils nomment, la plupart du temps, des responsables issus de familles de vignerons”. Pour lui, un grand Terroir donne des vins qui vieillissent bien, des vins complexes, grâce à la sagesse et la puissance apporté par le Terroir. Mais un bon vin doit être bon dès le départ. En revenant au cas des Terroir portugais, il démontre que, contrairement à l'idée générale selon laquelle ceux-ci ne peuvent produire que des vins généreux, les terrasses du Douro sont capables de produire de grands vins rouges secs. Son expérience au Chili lui a montré que, pour trouver de bons Terroirs et des cépages adaptés qui donneront de bons vins, il suffit d'écouter et d'obser- ver les principes du sol, d'être attentif au climat... laisser l'homme imprégner le territoire de sa sagesse. “La marque du grand vin est sa capacité à vieillir en gagnant en complexité et en dépassant le cépage”. De la sorte, un Terroir comme Constantia, en Afrique du Sud, qui est sans doute le Terroir le plus ancien du nouveau monde, est une preuve de l'intuition des anciens qui les a conduit aux meilleurs endroits. “La conservation des Terroir est une lutte constante. Ainsi, par exemple, près d'Alicante, on arrache les vieux ceps de Monastrell. Pour notre part, nous nous efforçons de les garder, non seulement pour faire face aux cépages internationaux mais également aux plantations de jeunes ceps de Monastrell qui n'apportent pas grand-chose”. Elio Altare, pour sa part, raconte qu'il a été très difficile pour lui de travailler avec son père, lequel a fini par le déshériter et qu'il a dû racheter sa part à ses frères et sœurs. Ensuite, il s'est directement impliqué dans la révolution du Barolo et a modifié la méthode traditionnelle de production. Dans ce cas, la tradition constituait un frein à l'expression du Terroir, car la volonté et la curiosité d'un homme a été capable d'améliorer la tradition. “La transmission, ce n'est pas le respect aveugle du passé. Mon père a commis des erreurs, en particulier en matière de traitements, je continue à les corriger aujourd'hui. Il faut également rester ouvert sur le monde. Le vin est un échange de cultures. Par exemple, j'ai puisé une grand part de mon inspira- tion en Bourgogne. La tradition est une innovation qui a été couronnée de succès”. Paolo de Marchi est la locomotive de la qualité des vins toscans classiques. (Il s'est érigé en référence du Chianti Classico, ayant su marier tradition et modernité. Ce vin contient toujours une part de Canaiolo, cépage rarement utilisé de nos jours mais qui confère une richesse aromatique et une grande finesse au vin. De Marchi ne cherche pas la force ni la concentra- tion mais l'élégance, la complexité et l'équilibre des vins. Franco Maria Martinetti dévoile une autre facette du Terroir en se demandant si la gastronomie fait partie du Terroir. Et de répondre: “Une chose est sûre: elle lui permet de se révéler”. Il estime que le Terroir est beaucoup plus que le vin auquel il donne la vie, c'est une synthèse de la nature, de la cuisine, de la géographie, de l'art, de l'économie et, surtout, des habitants de la
  • 4. région et de leurs traditions. Pour transcender un Terroir, il faut en extraire la qualité, l'élégance et l'harmonie. “C'est dommage que si peu de grands chefs sachent rehausser les grands vins par leur cuisine. La grande cuisine devrait être le temple d'harmonies splendides mais, trop souvent, le chef pense d'abord à briller, lui, au lieu de privilégier l'expérience globale du repas”. 4. LE RENOUVEAU DES TERROIRS HISTORIQUES EN ESPAGNE: COMMENT L'HOMME A TRANSCENDÉ LE TERROIR Eduardo Ojeda résume le Terroir en deux mots: pureté et identification. Parfois, la volonté de l'homme peut occulter, voire faire disparaître, un Terroir, Jerez en est la preuve mais, même ainsi, il y a encore de grands millésimes. “Un Terroir comme celui de Macharnudo, au nord de Jerez, était déjà célèbre à l'époque romaine comme un cru exceptionnel. C'est certainement l'un des plus anciens d'Europe. Exposition, climat, sol et sous-sol: tout lui a été donné. À Jerez, comme ailleurs, beaucoup ont choisi la voie de la productivité aux dépens de la tradition. Il faut rebrousser chemin pour retrouver l'identité et les cépages du Terroir”. Carlos Falco, Marquis de Griñon, nous parle de son expérience, de la création de son domaine, de sa volonté de créer de grands vignobles avec de grands cépages et des méthodes agricoles novatrices. “La recherche de l'excellence est le seul moyen de survivre face à la concurrence mondiale. C'est l'objectif des domaines qui produisent le vin de Pago, qu'ils fassent partie ou non de l'appellation. Oui, il est possible de créer de nouveaux grands Terroir. Ou plutôt, on peut les faire connaître. Juan Carlos Lopez de Lacalle évoque pour nous la grande richesse du vignoble espagnol, “une richesse que l'Espagne est incapable de mettre en valeur”. Pour lui, le Terroir rime avec diversité, force et famille. Il déplore le manque de respect des Espagnols pour les Terroir historiques, tout en reconnaissant que, ces derniers temps, il existe une génération de jeunes vignerons dont il espère qu'ils feront renaître les vins de Terroir. Il aborde les disputes actuelles pour la dégradation générale de la qualité du vin dans les différentes appellations et, en particulier, dans La Rioja. “L'excellence est un mode de vie, c'est la prospérité et le bonheur de choisir de bien faire les choses. L'excellence, ce n'est pas le luxe. Notre vocation est de produire du vin, pas des documents administratifs. La solution passe par ne plus produire à des prix ridicules. L'importance d'une appella- tion comme Rioja cache une réalité plus précise des lieux. Car c'est le nom qui est mis en valeur et non la qualité. C'est le triomphe de la médiocrité. Je ne renie pas l'origine, je renie la manipulation, l'usurpation de l'origine.” Marcos Eguren narre son histoire personnelle dans la Rioja et à Toro. Il parle également de l'évolution de ces appellations et de la qualité des vins. Angel Anocibar parle de la renaissance d'Abadía Retuerta, de sa rencontre avec Pascal Delbeck, de l'évolution des vins en parallèle avec celle du Terroir, et de la manière dont sa compréhension de l'écosystème lui a permis de faire évoluer le vignoble et, partant, d'augmenter la qualité des vins. Aujourd'hui, 25 ans après les débuts de son domaine, il commence à comprendre que c'est l'ensemble constitué par la faune, le climat, le sol et son équipe qui a progressivement amélioré la qualité et a su exprimer ce grand Terroir dans le vin.“En 40 ans, La Ribera est passé de 8 000 à 24 000 ha, de la sélection massive à une multitude de clones de Tempranillo importés, dont beaucoup ont été conçus pour leur productivité”. Mariano García nous communique sa passion pour les grands vins, en évoquant la naissance et la transformation du vin Ribera del Duero, appellation qu'il connaît sur le bout des doigts. Il reconnaît qu'il faut revenir aux origines mais, sa vision du Terroir ayant changé, il ne cherche plus à faire des vins parfaits. “Le Terroir doit donner des vins modernes mais enracinés. Il faut avoir les idées claires et cibler des grands vins qui reflètent leur Terroir. Le Ribera del Duero doit tirer parti de la diversité de ses Terroirs”. RÉFLEXIONS DES OBSERVATEURS Sarah Janes Evans: “Le Terroir, c'est l'humain, ce qui est fascinant. Il est temps pour l'Espagne de monter dans le train du changement”. Luis Gutiérrez souligne le changement de ton entre vins français et espagnols. Il est convaincu que de jeunes Espagnols sauront hisser leur pays au niveau de l'Italie et de la France. Il est d'accord sur le fait que nous vivons une époque fascinante. Juan Luis Asenjo relève l’effet du changement climatique sur le Terroir: “Il est vrai que d’une certaine matière les conditions climatiques se reproduisent dans diverses zones, mais c’est le facteur humain qui différencie un Terroir”. Quim Vila a relevé les affirmations suivantes lors de la rencontre: “Nous commençons à être de vieilles grappes... les jeunes sont là!; La tradition, c'est l'innovation; Le monde est devenu un village (phrase clé pour comprendre vers quoi nous allons); Tout le monde a droit au mot Terroir; Sans erreurs, pas de progrès; Moi, je déguste le vin avec la bouche; Le Terroir, c'est le paysage perçu par les hommes”.  Steven Spurrier: “Le Terroir parle, nous a fait parler et parlera de nous”.
  • 5. Victor de la Serna: “À un moment où le vigneron se reconnecte à ses racines du Terroir, il existe une logique industrielle qui peut l'écraser. En Castille, par exemple, la nouvelle administration régionale a l'intention de fusionner les coopératives pour qu'il n'en reste que 5 au plus, qui produiront en vrac, avec l'approbation des appellations. Plus généralement, dans l'Espagne d'aujourd'hui, les pouvoirs publics misent sur le volume, alors que le succès, face à la concurrence mondiale, dépendra de l'identité des vins”. Marie-Louise Banyol: “Le vin est fils du soleil et de la terre, mais son travail est d'engendrer”. Hervé Lalau: “Le goût du grand Terroir est un goût de trop peu”. Enrique Valero: “Le monde du vin envisage les choses à long terme”. “En définitive, c’est le facteur humain, c’est-à-dire les personnes qui, comprenant le lieu, son histoire, sa climatologie, sont à même de tirer le meilleur parti d’un Terroir ou, au contraire, de le détruire”. EN GUISE DE CONCLUSION... L'accent mis par Enrique Valero sur le mot “partager” a marqué toute la rencontre. Un débat plus philosophique que technique a dominé la rencontre, lequel a clairement précisé certains concepts comme l'importance fondamentale de l'intervention humaine sur le Terroir, d'autres notions étant moins claires. De nombreuses questions restent donc ouvertes et pourront être débattues lors de rencontres ultérieures. IDÉES FORCE: • Le Terroir est un prisme à multiples facettes, avec une terre, un sol vivant riche en microorganismes, la géographie, la géologie, la géomorphologie, la géopolitique, l'approche de l'homme et de sa philosophie. • Le Terroir est un équilibre instable. • La reconnaissance gustative d'un Terroir existe. • Le Terroir dégusté ou consommé est une rencontre heureuse entre l'homme et la terre, tout simplement en partageant un verre... • Le Terroir est à la viticulture ce que la haute couture est à la robe. • Le temps n'aime pas ce qui est fait sans lui, le Terroir non plus. • Le Terroir n'existe pas sans l'homme. • Le système familial doit faire partie de l'ADN du vignoble. • Le grand Terroir n'est pas statique ; il sera ce que les nouvelles générations en feront. • Terroir et tradition ne vont pas nécessairement de pair. • Il nous faut revenir à une notion de Terroir plus restreinte. • Il faut transmettre la sagesse acquise du Terroir. • Le Terroir doit conserver sa dimension mystérieuse, de rêve et de poésie ; c'est l'enveloppe d'un art créatif mais avant tout d'un art de vivre. • Un grand Terroir donne des vins capables de bien vieillir. • Terroir: Pureté, identification, excellence. • L'innovation est tradition, il n'y a pas de certitudes. AB A D Í A R E T U E R TA A N I V E R S A R I O