Usages électoraux des outils numériques marketing : nouvelle étape de la marchandisation du politique ? Philippe Haag, doctorant (dris. O. Galibert & C. Masselot)
Inti17-Usages électoraux des outils numériques marketing-Philippe Haag
2. SOMMAIRE
• I. Contexte de recherche – La gestion de projet électoral.
• II. Contraintes et aspects méthodologiques.
• III. Un terrain d’observation 2.0 – La chaîne organisationnelle du
web.
• IV. L’organisation de campagne politique.
• V. Perspectives de recherche.
• VI. Bibliographie
3. Contexte de recherche – La gestion de projet électoral.
Problématiques de recherche :
- Comment aborder la gestion de projet
électoral avec les savoir-faire propre
aux agences-conseils ?
- Est-il pertinent de professionnaliser
les forces militantes ?
- L’intégration des agences-conseils en
communication est-elle une nécessité
politique ?
A partir de l’approche proposée par les Sciences de l’Information et de la
Communication, notamment en ce qui concerne l’usage des NTIC, leur
optimisation et leur encadrement, il devient possible d’interroger l’objet
d’étude d’une façon tout à fait singulière : comprendre le fonctionnement
d’une campagne électorale à partir des outils utilisés pour l’administrer.
4. Contexte de recherche – La gestion de projet électoral.
Le contexte de recherche se situe dans
l’environnement propre aux organes
politiques et leur candidat
présidentiable. En ce sens,
l’administration des campagnes
électorales par les candidats, leurs
équipes directes, et leurs
représentants territoriaux, ainsi que
leur mode d’organisation, dont la
chaîne de sous-traitance va
particulièrement nous intéresser,
dessinent le périmètre de notre
recherche.
Notre attention est alors concentrée
sur l’implication entre la chaîne de
commandement politique et les agence-
conseils en communication, de façon à
Observation des organes politiques Positionnement du chercheur
Pour appréhender notre sujet de
recherche, nous avons privilégié un
référentiel clair et assumé :
l’observation participante. En ce
sens, nous avons créé une agence-
conseil en communication, « Agence
Com’ingenious » en Juin 2016, et
avons intégré le Conseil
d’Administration de la Section du
Parti Socialiste du Doubs en
septembre 2016, en qualité de
membre directeur.
Grâce à ces deux référentiels, nous
conjuguons deux approches pour
comprendre l’environnement
5. Contexte de recherche – La gestion de projet électoral.
Une fois les acteurs identifiés,
il reste à préciser l’environnement
numérique sur lequel les candidats,
aussi bien que les consultants,
s’entendent pour contracter une
collaboration.
Parmi les technologies utilisées,
nous nous intéresserons à celles
dites « on-line », par opposition
aux outils de communication « off-
line ». En effet, selon les
fonctionnalités des outils
numériques marketing, nous
distinguerons des outils adressés
aux administrateurs (gestion des
data notamment) et ceux adressés
aux utilisateurs.
Il est donc nécessaire de
comprendre l’environnement
numérique d’un point de vue
6. II. Contraintes et aspects
méthodologiques.
Contraintes de recherche
Le temps est un premier facteur
contraignant. Nous avons travaillé
sur les élections présidentielles
2017, ce qui nous a obligé à
prélever les données de façon
« sauvage », sans méthodologie
préalable.
L’accès difficile au terrain est
un autre problème qui doit trouver
sa réponse pour intégrer les
environnements d’observation,
notamment pour l’environnement
politique.
Enfin, la posture d’observation
est une dernière contrainte
Pour interroger notre
problématique avec pertinence, il
est indispensable de connaître les
outils numériques marketing et
leur fonctionnalité, mais aussi de
connaître les NTIC employé dans
l’administration de plateforme
web.
De plus, il est nécessaire de
rendre compte de la relation
inter-professionnelle entre les
acteurs observés (politiques et
agences-conseils), et « intra-
professionnelle » pour saisir les
relations professionnelles dans
les corps de métier observés.
Aspects
méthodologiques
7. II. Contraintes et aspects
méthodologiques.
Section du Parti Socialiste du Doubs
L’activité de la section étant administrée par le Secrétaire de section, le
fonctionnement repose sur un système de commandement pyramidal, dont la
section départementale est la plus petite unité existante. La Section Fédérale
administre l’échelle de la région (grande-région ?), qui elle-même dépend de
l’instance nationale.
Problématique : quelle place occupe la voie du militant dans les débats de
proximité ?
Une antenne partisane de proximité fonctionne grâce à ses adhérents
(militants), sur la base d’un volontariat/bénévolat. Le Conseil
d’Administration est composé de membres à jour de cotisation et tient le rôle
de l’exécutif : organisation, planification, décision.
Toutefois, cette organisation ne rend pas compte des rapports entre les
individus et différents groupes au sein du parti. En effet, l’organisation
humaine dont nous avons été témoin relève d’une complexité où l’investissement
qualitatif de l’individu occupe une place centrale dans l’équilibre du
fonctionnement de l’organisation et de ses membres. Si la délégation des
compétences est accessible à tout ceux qui souhaitent s’investir, l’accès à
8. II. Contraintes et aspects
méthodologiques.
Élus, cadres fédéraux et agences-conseils
Contrairement aux cadres de section, les élus d’un même parti politique
peuvent entretenir des relations conflictuelles avec leurs cadres fédéraux.
Cela a pour conséquence, à l’échelle du Doubs, de créer des regroupements
par affinités politiques, complexifiant la nature des rapports entre
adhérents.
Nous avons pu observer qu’à l’échelle du territoire, aucune agence de
communication n’a été mandatée pour effectuer une prestation quelconque.
Néanmoins, les candidats au national font appel à des agences-conseils pour
construire une stratégie de campagne opérationnelle, sans pour autant en
informé les adhérents. Les antennes territoriales se contentent d’appliquer
la marche à suivre proposée par les candidats, et relayée par les partis
politiques auxquels le candidat appartient.
Problématique : Est-il nécessaire d’intégrer l’équipe de campagne nationale
pour rencontrer des professionnels de la communication sur le terrain ?
Étonnamment, nous avons pu observer que certains professionnels de la
communication intervenaient dans des équipes de campagne électorale en
Franche-Comté, non pas en qualité de sous-traitants, mais de militants, ce
qui par ailleurs, correspond tout à fait à la position qui était la nôtre
au sein du comité de campagne du P.S du Doubs lorsque nous nous sommes
9. II. Contraintes et aspects
méthodologiques.
Appréhender une relation
professionnelle complexe
La relation entre un politique et une
agence-conseil en communication est
fort complexe. Luc Hermann, ancien
journaliste à CNN International, puis à
Canal+ durant 19 ans, réalise un
documentaire en deux volets, récompensé
par la Société Civile des Auteurs
Multimédias, et dans lequel il rend
compte du lien entre politique et
agence-conseil. Nous vous proposons de
visionner ce cours passage durant
lequel Nicolas Bordas, directeur de
TBWA France, expose une vision très
intéressante sur la relation
professionnelle de ces deux corps de
métier.
« Les stratèges de la communication », Luc Hermann et Gilles Bovon,
Premières Lignes Production.
10. II. Contraintes et aspects
méthodologiques.
Conclusions préalables
Pour répondre au double objectif que nous nous sommes fixés, à savoir
démontrer que les pratiques (web)marketing marchandisent le politique, et
que ce dernier n’est pas ignorant du processus de marchandisation auquel il
se soumet, nous ferons appel à la « pensée critique ». Cette nouvelle
approche théorique vise à renforcer la performance analytique des sciences
humaines en ouvrant un périmètre d’investigation limité à l’ensemble des
éléments susceptibles de créer du doute, à commencer par les SIC elles-
mêmes, et questionne la pertinence des synergies entre Sciences de Gestion
et Sciences de l’Information et de la Communication. L’objectif étant, dans
le cas présent, de construire une approche théorique qui permette de
répondre à une sociologie des usages.
Nous nous appuierons notamment sur une nouvelle génération de chercheurs, à
la croisée des chemins entre SIC, Sciences de gestion et Sociologie
professionnelle (E. Dacheux, S. Proulx, D. Cardon, F. Granjon, …), grâce
auxquels nous interrogeront l’objet d’étude sous un angle multi
disciplinaire.
11. III. Un terrain d’observation 2.0 –
La chaîne organisationnelle du web.
Données du corpus
Les éléments de corpus que nous vous proposons d’observer proviennent tous
des sites web des différents candidats à la présidentielle 2017, et qui
nous semble particulièrement intéressant à analyser pour rendre compte du
modèle organisationnel de la campagne, tant sur l’aspect stratégique
qu’identitaire. Certains sites de candidats n’étaient pas en accord avec la
législation numérique et ne proposaient pas de « mentions légales »
consultables (Asselinea et Poutou).
L’item de prédilection est la « mention légale », seul dénominateur commun
aux sites internet français. En plus d’être la carte d’identité du site
internet, elle répond à une obligation juridique d’information à
destination de l’usager. Dans cette section doivent figurer :
1- le responsable de publication / identité de l’entreprise
2- la société d’hébergement
3- tout prestataire engagé sur une intervention ayant attrait à
l’administration du site
4- les informations relatives au prélèvement de données (Tracking des
12. III. Un terrain d’observation 2.0 –
La chaîne organisationnelle du web.
Comparaison des « mentions légales »
N. Sarkozy et J-L Mélenchon
13. III. Un terrain d’observation 2.0 –
La chaîne organisationnelle du web.
Les deux candidats, que tout opposent sur
le plan idéologique, font appel au même
prestataire pour administrer leur stratégie
webmarketing et leurs technologies
numériques.
Nation Builder est une société proposant
une suite d’outils webmarketing on-line
pour les projets de gestion électorale. Ils
ont notamment collaboré avec beaucoup de
personnalité politique de droite (Mc Cain,
E. Macron, A. Jupé, N. Sarkozy). Il est
donc étonnant de constater qu’une
personnalité politique, d’orientation
communiste, privilégie une société ayant de
fortes valeurs avec l’idéologie du
capitalisme.
A première vue, cela nous invite à nous
interroger sur la déontologie du politique
vis à vis de sa chaîne de sous-traitance :
Prestataire retenu par les deux
candidats
14. III. Un terrain d’observation 2.0 –
La chaîne organisationnelle du web.
Mentions légales du
candidat E. Macron.
Nous remarquons que ce
dernier ne mentionne
aucunement sa
collaboration avec la
société « Nation
Builder », et pourtant,
la société rédige un
article élogieux dans
lequel elle démontre
son efficacité en ayant
pourvu le candidat de
son utilitaire
« NationBuilder
Network ».
15. Sources : http://nationbuilder.com/la_republique_en_marche
Publié le 3 octobre 2017
Il est intéressant d’observer que
la collaboration entre le
candidat E. Macron et la société
NationBuilder, n’est rendu
publique que des mois après les
résultats de l’élection.
16. III. Un terrain d’observation 2.0 –
La chaîne organisationnelle du web.
On remarque que certain candidat, notamment J-L
Mélenchon, ont croisé le parcours de navigation
de leur site de campagne avec un blog personnel
et le site du partis politique.
https://avenirencommun.fr/sept-axes-
programmatiques/
https://actus.jlm2017.fr/
https://jlm2017.nationbuilder.com/forms/user_ses
sions/new
20. III. Un terrain d’observation 2.0 –
La chaîne organisationnelle du web.
Conclusions partielles
1- Les premiers indices d’organisation webmarketing apparaissent
obligatoirement dans les mentions légales, sous réserve de sanction par la
CNIL.
2- Ces informations publiques ne rendent pas totalement compte des outils
webmarketing utilisés.
3- La comparaison des différentes mentions légales des sites internet de
candidat offre une visibilité sur le degré de connaissance des uns par
rapport aux autres.
Problématique : est-il pertinent d’envisager une solution technologique
commune pour permettre à chaque candidat de disposer des compétences
communicationnelles et organisationnelles pré-requises à la gestion d’un
site internet de campagne électorale ?
21. IV. L’organisation de campagne
politique.
Données communiquées par les cadres fédéraux
Lors de la campagne présidentielle 2017, l’ensemble des cadres fédéraux ont
suivi une formation à laquelle nous avons participé. Après avoir posé
quelques questions sur l’organisation au national, voici les trois grands
services de compétences :
1- Service audiovisuel
2- Service relation presse
3- Service web
A l’échelle du territoire, les consignes étaient de mobiliser les militants
et planifier des actions de terrains pour rendre visible le candidat avant
sa visite sur le territoire. Nous avons eu l’occasion d’accueillir Arnaud
Montebourg à qui nous avons posé la question suivante après son discour, en
février 2017, durant une réunion publique : « êtes-vous accompagné par des
communicants ? », ce à quoi ce dernier a répondu : « Non, non, non, nous ne
faisons pas appel à des communicants ! ». Les entretiens seront les
prochains outils qui nous l’espérons, permettront de rendre compte d’une
certaine gêne du politique à l’égard de son organisation professionnelle,
22. V. Perspectives de recherche.
Perspectives technologiques et NTIC
Aux vues des éléments que nous avons déjà prélevé, il semble tout indiqué
qu’il existe un véritable besoin du politique en matière de compétence
marketing et webmarketing, tout particulièrement en ce qui concerne l’usage
des réseaux sociaux et des technologies webmarketing permettant aussi bien
de :
1- récolter des dons,
2- partager du contenu (viral marketing),
3- administrer une plate-forme DATA (back office),
4- animer une plate-forme collaborative avec les usagers,
5- technologies de géolocalisation.
Nous n’avons pas encore eu accès à la liste des « ingrédients »
technologique utilisés, c’est pourquoi nous avons pour objectif
d’interroger les agences-conseils ayant collaboré avec les candidats.
L’objectif sera de récolter la recette utilisée pour interroger l’état
d’esprit qu’il y a derrière.
23. VI. Bibliographie indicative
Cardon D., et Granjon F., (2010). Médiactivistes. Paris : Presses de Sciences Po (P.F.N.S.P).
Cardon D., et Casilli A., (2015). Qu’est-ce que le Digital labour ? Bry-sur-Marne : INA, coll. « Études et controverses ».
Dacheux É., (1998) Associations et communication : critique du marketing, Paris, CNRS Editions.
Dacheux É., (2001) Étudier le marketing à la lumière de la communication, Paris, CNRS Editions.
Galibert O., (2014). Approche communicationnelle et organisationnelle des enjeux du Community Management.
Bordeau : PUB.
Granjon F., (2012). Reconnaissance et usages d'Internet une sociologie critique des pratiques de l'informatique
connectée. Paris: Transvalor-Presses des Mines.
Miege B., (2010). L’espace Public contemporain. Grenoble : PUG.
Proulx S., (2014). La contribution en ligne. Pratiques participatives à l’ère du capitalisme informationnel. Québec :
Presses de l’Université du Quebec.
Proulx S., Delcroix E., et Denouël J., (2012). Les réseaux sociaux sont-ils nos amis ? Paris : Édition le Muscadier.