Présentation de Rudy CLAUDOT (CESW), Alexandre MOINE (Univ. Bourgogne Franche-Comté), "Quelle intelligence collective autour des coopérations intercommunales ? Le cas de la wallonie (Belgique)", dans l'Atelier 16 "Intelligence collective et développement des territoires" de la XVe Conférence Annuelle Internationale INTI « Économie Sociale et Solidaire dans les territoires », 22-25 novembre 2016, Charleroi et Liège, Belgique.
INTI2016 161125 Quelle intelligence collective autour des coopérations intercommunales ? Le cas de la Wallonie (Belgique)
1. Quelle intelligence collective autour des
coopérations transcommunales ?
Le cas de la Wallonie
Alexandre Moine (professeur de géographie à l’Université Bourgogne-Franche-Comté )
Rudi Claudot (urbaniste-environnementaliste au Conseil économique et social de Wallonie)
Liège - Le 25/11/2016
2. - Le territoire de recherche
- Des formes originales de coopération :
production de biens, services et gestion de biens
publics
- Un cadre communal souvent inadéquat, car trop
exigu, pour résoudre des problèmes de proximité
ou traiter de dossiers structurants
- Des regroupements incités financièrement par les
niveaux de pouvoir et spontanés
- Des acteurs publics et privés : les collectivités
locales sont des partenaires privilégiés et
détiennent les clés de la coopération
- 155 projets de coopération : contrat de rivière,
parc naturel, maison du tourisme, de l’emploi,
de mobilité…
- Les thématiques : environnement, tourisme,
mobilité, culture, économie, emploi, social,
sécurité, logement, urbanisme, énergie,
développement global
- Une production territoriale multiforme,
d’importance croissante en raison du nombre de
projets créés
Introduction (1/2)
4. Il semblerait qu’une nouvelle territorialité rurale émerge en Wallonie dont il importe
de comprendre la dynamique et la complexité. Une enquête fondée sur une centaine
d’entretiens semi-directifs et menée auprès des projets de coopération
permet de s’interroger :
Sur quels fondements se base cette nouvelle territorialité ?
Quels sont les facteurs favorables et défavorables à la mise en place de
coopérations ?
Quelles sont les logiques de regroupement ?
Comment s’organisent et se régulent les coopérations ?
Cette nouvelle territorialité rurale produit-elle de l’intelligence collective et
finalement, de l’intelligence territoriale ?
Pour quelle durabilité et quelle résilience des territoires ?
Questionnements
5. Inscription des coopérations dans un processus de territorialisation de l'action
privilégiant le territoire local pour définir les problèmes publics et les moyens de
prise en charge
Evolution d’ordre organisationnel (coordination des acteurs et actions à différents
niveaux…), spatial (production de nouvelles configurations…), cognitif (émergence
de nouvelles visions du territoire…)
Selon notre acception, le territoire se fonde sur :
- Un construit d’action collective guidé par le projet
- Des interactions, conflits, délibérations et coordinations
- Des ressources diversifiées
- Le développement de relations de proximité
- Des réseaux à forte dimension cognitive
Cela permet : des échanges de connaissances, d’expériences, d’expertise,
d’expertise, l’émergence d’initiatives innovantes favorisant la production de
compétences collectives et de savoirs partagés
Fondements de la nouvelle territorialité rurale
6. Les facteurs favorables :
- L’identité territoriale qui amène les partenaires à agir ensemble…
- L’antériorité territoriale qui fait émerger des ingénieries +/- performantes
- Les complémentarités entre les collectivités locales
- La capacité des acteurs locaux à se fédérer autour d’un projet commun
- Des éléments déclencheurs : problématique, perception d’une menace…
- L’effet d’entraînement suscitant l’adhésion d’acteurs locaux
- Les affinités humaines pour la circulation d’informations, de connaissances…
- Le leadership transcommunal pour le lien entre les échelles d’action…
- La ressource d’expertise : connaissance des procédures et réglementations,
des possibilités de cofinancement, d’autres pratiques et expériences
- La crédibilité et la notoriété des promoteurs de projets
- Le diagnostic territorial partagé qui instaure un processus d’apprentissage
Facteurs (dé)favorables à la mise en place de coopérations (1/2)
7. Facteurs (dé)favorables à la mise en place de coopérations (2/2)
Les facteurs limitant la coopération et sa portée :
- la faiblesse des ressources financières, techniques, humaines pouvant limiter
l’ingénierie
- des modes de financement segmentés suivant les compétences
- la concurrence entre leaders politiques locaux
- la crainte d’être absorbé par un autre et de perdre sa spécificité
- la frilosité des acteurs et le repli localiste liés aux charges administratives ou
financières, à la peur de perdre leurs ressources, leur identité ou la maîtrise de leur
gestion…
- les limites politico-administratives et la rigidité des règlementations
- l’asymétrie institutionnelle transfrontalière
Ces facteurs (dé)favorables ne peuvent être hiérarchisés. Ils interviennent
différemment dans chaque situation, mais certains acteurs locaux vont être partie
prenante de plusieurs systèmes.
Ces acteurs vont de ce fait jouer le rôle d’intermédiaires entre plusieurs
logiques d’action par rapport aux auxquelles ils vont réaliser des économies
d’ingénieries et de plus-values en termes d’informations et de connaissances.
L’intelligence collective qui en découle préfigure l’intelligence territoriale au
travers de postures et de processus d’apprentissage collectif et d’innovation sociétale
qu’incarnent et mobilisent des acteurs locaux pour répondre à une situation donnée.
8. Logiques de regroupement territorial (1/3)
• La logique de l’organisation de territoires à pôle hégémonique
- Développement de services et d’une économie axée sur le commerce et le
tourisme : Arlon, Bastogne, Marche-en-Famenne
- Position forte dans des domaines d’action, capacité à gérer des centralités et à
(co)organiser leur hinterland au-delà du découpage politico-institutionnel
- Interdépendances créant des espaces fonctionnels identifiables
• Y répond une logique de coopération à géométrie variable, les territoires interstitiels
- Petits pôles qui varient leurs réseaux de coopération selon thématiques et enjeux
pour éviter une dépendance à un grand pôle urbain : Virton, Stavelot…
- Territoires situés entre ceux qui sont polarisés par les villes à tendance
hégémonique
• Avec une logique de préservation de la ruralité, les territoires de résistance
- Réaction des collectivités pour échapper à l’hégémonie des pôles proches, faire
face à des regroupements ou surmonter le handicap : Intégra plus, partenariats liés
aux ZAE…
- Coopérations axées sur la complémentarité par des projets de proximité
- Inventivité et originalité des acteurs dans la manière d’affronter les problèmes
9. • La logique de l’organisation de territoires environnementaux
- Expertise acquise par les acteurs pour gérer ensemble des problèmes communs :
parcs naturels, contrats de rivière...
- Porteurs d’une ingénierie au bénéficie des acteurs, développent des contrats
territoriaux...
- Rôle de laboratoire où sont mises en pratique des méthodes et des processus
innovants en matière de développement durable
• La logique de l'organisation de territoires visant un développement global
- Construction d’une identité forte et d’un territoire spécifique : GAL, Pays de
Famenne…
- Capacité de réaction, d'adaptation, d’anticipation au changement
- Pôles d’expertise à la disposition des acteurs, des laboratoires de l’innovation et de
la durabilité
• La logique de l’organisation de territoires d’exploration
- Expériences pilotes fondées sur des apprentissages collectifs : massifs forestiers,
Telbus…
- Nouvelles approches partenariales, pratiques de gestion, formes d’organisation de
services
- Diffusion des innovations pour être adoptées par d’autres acteurs ou territoires
Logiques de regroupement territorial (2/3)
10. Logiques de regroupement territorial (3/3)
Autres logiques dans les organisations de territoires :
- Logique d’aménagement : Territoires organisés selon une hiérarchie bien définie et
des complémentarités spatiales reposant sur des services, des infrastructures et des
équipements (logiques de pôles urbains)
- Logique de résistance : Territoires homogènes non hiérarchisés créés en réponse à
la logique précédente (proches des pôles)
- Logique de marchés se déployant sur des espaces différents de ceux des
services à la population : Territoires dont le fonctionnement n’obéit pas à la logique
d’aménagement (tourisme…)
- Logique biophysique et géographique : Territoires prenant en compte des espaces
naturels différents de ceux définis par la hiérarchie urbaine (réseau hydrographique,
paysages, massifs forestiers...)
- Logique de production de connaissances, de diffusion et de valorisation des
acquis : Territoires de l’action sociale obéissant à des règles de proximité cognitive
(DEFITS)
11. Organisation et régulation des coopérations
Arrangements collectifs
- Résultant de jeux d’acteurs en relation les uns avec les autres
- Acteurs rarement égaux mais émergence d’une règle générale
- Postule non pas une égalité mais une juste proportionnalité des avantages
Sur quoi porte cette règle d’équité?
- Sur les coûts à consentir et à répartir entre les collectivités locales
- Sur les bénéfices directs et indirects à répartir
- Sur les modes de décision à organiser
Absence de délégation de l’exercice de compétences à une structure
supracommunale
- Maintien de l’autonomie, identité, pouvoir de négociation
- Consultation obligatoire et accord pour les choix stratégiques
- Maintien des intérêts et droit de sortie au projet
Mécanismes plus ou moins stables de partage des coûts, du pouvoir et des
bénéfices
- Laboratoires d’une nouvelle forme de gouvernance locale
- Savoir-faire et intelligence collective permettant des apprentissages
12. Conclusion (1/2)
Du point de vue spatial
Les regroupements s’opèrent différemment selon les thématiques, les enjeux, les
intérêts. Une collectivité peut participer à différents regroupements suivant les opportunités,
sans pour autant s’appuyer sur les mêmes partenaires :
- Les domaines de la coopération n'impliquent pas les mêmes découpages spatiaux.
- Les regroupements sont fonction des logiques d’hinterland, des concurrences entre villes et
des polarisations des différentes villes.
- Différents registres de coopération existent, selon qu’il s’agit de partager des équipements
ou d’échanger des compétences qui seraient difficilement accessibles à une seule
collectivité.
Du point de vue organisationnel
La dynamique est favorable à l’éclosion d’initiatives de proximité MAIS la coordination est
souvent problématique. Chaque collectivité veut maintenir son autonomie, son pouvoir de
négociation, son identité, et il n’existe pas de délégation de l’exercice de compétences à une
entité supracommunale.
Il s’agit de créer des lieux souples de coordination et d’arbitrage autour des
projets et des actions entreprises à une échelle sous-régionale, créant ainsi
de l’inter-territorialité
13. Conclusion (2/2)
Du point de vue de l’innovation et de l’intelligence territoriale
- La nouvelle territorialité s’appuie sur des compétences, la capacité
d’initiative, les échanges d’expériences ou la construction de connaissances
partagées.
- Les coopérations sont moins liées à des proximités spatiales et à des
équipements et infrastructures qu´à la capacité de mobiliser les connaissances
et les compétences.
- Elles créent une intelligence collective à la condition que les données,
informations et connaissances mobilisées soient pérennisées vers une durabilité
de l’action.
- Cette intelligence collective considérée au prisme des nouveaux territoires de
coopération qui se dessinent et se chevauchent spatialement, est une
intelligence territoriale.
Il faut accepter ces multiples chevauchements qui interrogent la
manière de faire ensemble, et l’intelligence collective qui en découle
pour produire de l’intelligence territoriale comme support à la co-
construction de nouvelles dynamiques pour une meilleure résilience…
14. Merci pour votre attention…
Pour plus d’infos sur la recherche :
http://spw.wallonie.be/dgo4/site_amenagement/index.php/site/actu#collapseArchive85
Rudi CLAUDOT :
Mobile : 0494816567
rudi.claudot@skynet.be