Revue "What's Up Doc" n°27 - Juillet Août 2016
Médecin : un métier considéré comme privilégié sur le plan financier aux yeux de la population, et pourtant un métier qui ne paye plus aux yeux des praticiens…
Où en sommes-nous avec l’argent ? Support de fantasmes inconscients, il est le nerf de la guerre entre nos désirs et la réalité. Au quotidien, notre feuille de salaire, notre chiffre d’affaires sont une préoccupation essentielle. Quelle serait notre juste rémunération ? À écouter les syndicats, les médecins seraient plutôt insatisfaits.
Pris entre un système de santé dont le montage financier est à bout de course, la culpabilité de demander rétribution aux patients nécessairement en situation de vulnérabilité, et des idées néanmoins assez précises sur une rémunération minimum attendue, nous sommes bien en peine de nous exprimer à ce sujet. Comme si parler argent était grossier, en tout cas en opposition avec la question du service public et du soin.
De retour sur l’origine de ce tabou qu’est pour nous l’argent, What’s Up Doc trempe ses lèvres afin de tester le goût du fric en santé et d’en livrer les saveurs, douces ou amères…
...
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Gagner du fric sur ordonnance
1. LE Goût DE
L’argent en médecine :
cachez ce fric que je ne saurais voir ! P. 16
"Money is not evil" P. 17
La "Bonne Paye" des médecins P. 18
Petit cours d’économie P. 20
Et si un gynécologue facturait
comme un garagiste ? P. 22
Et s'il fallait apprendre à parler argent ? P. 23
Richologue, une spé à part ? P. 24
Faut-il craindre la banqueroute dans le libéral ? P. 25
Conclusion de l'enquête P. 25
What’s Up Doc? 27 juillet-août 201614
GAGNER DU FRIC SUR ORDONNANCE
EN-
QUÊTE
3. CACHEZ
CE FRIC QUE JE NE
SAURAIS VOIR!
Les médecins sont généralement considérés comme l’une des professions
les plus favorisées sur le plan économique. Mais c’est un sujet dont
nous aimons peu parler…
« Je vois au moins un avantage au tiers-payant
généralisé : je n’aurai plus à demander d’argent
à mes patients ». Léa*, généraliste récemment
installée dans l’Eure-et-Loir, le dit sur le ton
de la confession : « À chaque fois, ça me gêne ».
Même inconfort du côté d’Astrid*, jeune
psychiatre parisienne. « Mon principal souvenir
de rempla en libéral, c’est ma première demande
d'argent pour la consultation » se souvient-elle.
« J'étais très gênée, presque honteuse, j'avais
du mal à trouver les mots, à savoir où mettre
le chèque… »
Une vision du monde antiéconomique
Alors, la relation des praticiens à l’argent serait-elle
le grand tabou de la médecine? Pour le savoir,
posons la question à des observateurs extérieurs,
comme le sociologue et spécialiste des professions
de santé Frédéric Pierru. Celui-ci récuse le terme
de tabou, mais observe tout de même que les
médecins s’appuient sur « une vision du monde
antiéconomique qui les conduit, dans leurs discours,
à une certaine dénégation de leurs intérêts
matériels ».
En clair, les médecins n’ont pas de problème
avec l’argent, c’est juste qu’ils n’aiment pas
en parler car ils s’imaginent en serviteurs
désintéressés de leurs patients.
« Cette caractéristique est commune à tous les
métiers constitués en profession », remarque
le sociologue, « c’est-à-dire à ceux qui partagent
trois caractéristiques : monopole d’une activité,
autorégulation et forte autonomie dans la pratique
quotidienne ».
Euphémisation du fric
Pour Patrick Hassenteufel, chercheur en sciences
politiques, le terme de tabou est également
trop fort pour caractériser la relation entre
les médecins et l’argent : il pense qu’il faudrait
plutôt parler d’euphémisation.
Cet observateur avisé du syndicalisme médical prend
l’exemple de la Charte de la médecine libérale de 1928,
véritable fondement idéologique de la profession.
« Celle-ci fonde le principe de la libre entente entre
praticien et patient sur les honoraires, mais ce
principe ne s’est jamais traduit par une revendication
explicite en termes de revenus » remarque-t-il.
Assumer la dimension matérielle
Les deux spécialistes reconnaissent que la difficulté
que les médecins éprouvent à évoquer leur
rémunération s’estompe au fil des générations.
Plusieurs facteurs ont favorisé cette évolution,
à commencer par le développement du système
conventionnel.
« Les syndicats sont en négociation permanente
avec l’Assurance maladie, ce qui les a conduits
à davantage assumer la dimension matérielle »
remarque Patrick Hassenteufel. Frédéric Pierru
est plus critique. «Tout se passe comme
si les médecins déléguaient la responsabilité
de parler d’argent à leurs syndicats ».
À nous de reprendre la parole!
* Le prénom a été modifié.
Les médecins
s'imaginent en serviteurs
désintéressés de leurs
patients.
What’s Up Doc? 27 juillet-août 201616
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QUÊTE
4. "MONEY
IS NOT EVIL"
En France, les médecins parlent peu de leurs revenus. Aux USA,
la question se pose ouvertement, pour autant les problématiques ne sont
pas si éloignées des nôtres…
L
’argent et la santé font bon ménage
aux États-Unis, même si, dans le même
temps, chaque décision médicale doit
être pesée : ainsi, mieux vaut être sûr
que son patient a une bonne assurance
avant de lui faire passer scanner et autres
imageries risquant d’irradier son portefeuille.
Vers le milieu du XXe
siècle, la médecine américaine
(tout comme la médecine mondiale) vivait son âge
d’or. L’espérance de vie progressait rapidement,
aidée par le triomphe des sciences médicales.
Les médecins eurent alors leur heure de gloire.
Leur image était incroyablement positive, des
super-héros au pays de Superman.
Durant cette période, les médecins américains,
non mécontents de leur situation, prospéraient sous
un modèle de fee-for-service. Ils pouvaient ainsi
adapter leurs tarifs aux patients, à la plus grande
satisfaction de ces derniers, qui considéraient
alors que le salaire de leur « Doc » était mérité.
Medicare arriva en 1965, la rémunération des
médecins augmenta exponentiellement, leur
revenu moyen atteignant ainsi 6 fois le salaire
médian américain, près de 250000 $. Les médecins
furent alors de plus en plus perçus comme des
« profiteurs du système ».
D’autant qu’en 1974, une enquête du Congrès
montra que les chirurgiens avaient réalisé 2,4 millions
d’opérations inutiles, pour un coût de 4 milliards
de dollars et 12000 morts. La défiance et les
avertissements envers la communauté médicale
se firent de plus en plus pressants. Les médecins
furent alors la cible de critiques virulentes comme
les Américains savent en faire. Une situation qui
persiste aujourd’hui.
Malgré cela, beaucoup de médecins estiment ne pas
gagner assez, avec près d’un demi-million de dollars
de dette lors de l’entrée dans la vie active et
une jeunesse « sacrifiée » (beaucoup en bavent
pendant de nombreuses années).
Mais finalement, plus encore que l’argent, c’est
le temps passé dans la paperasse ainsi qu’un
respect amoindri pour la profession qui les poussent
aujourd’hui à ne plus recommander leur métier
aux jeunes. Ça vous dit quelque chose?
Source Année
Médecins
concernés
Revenu
annuel moyen
Bas
de la fourchette
Haut
de la fourchette
CARMF 2013 Libéraux 84 800 € 39 400 €
(gériatres secteur 2)
184 500 €
(anesth-réa’ secteur 2)
DREES 2012 Secteur public 66 700 € 39 400 €
(assistants)
103 600 €
(PU-PH)
juillet-août 2016 What’s Up Doc? 27 17
5. Que l’on soit hospitalier ou libéral, pas facile de se
SébASTIEN
COURAUD
Revenus nets par mois :
Salaire hospitalier 1922€
Indemnité de service
public exclusif 488€
Gardes et astreintes 474€
Salaire universitaire 2372€
Activités accessoires
(labos) 1411€
Droits d'auteur (ouvrages) 417€
TOTAL 7084 €
À L’HÔPITAL
Revenu
hospitalier
La base de la rémunération,
dépend de l’ancienneté. Pour
un PH à temps plein, comptez
3500 € net en début de carrière,
et jusqu’à plus de 6000 € à
l’orée de la retraite (sans primes
ni permanences des soins).
Lancez un dé.
Revenu
universitaire
Vous êtes hospitalo?
Félicitations, vous gagnez
un autre employeur pour
un meilleur salaire (de 4500 €
à plus de 8000 € net mensuels
sans prime ni permanence
de soins pour les PUPH)!
Piochez 2 cartes.
Gardes et
astreintes
Fatiguant, mais ça fait plaisir
au portefeuille.
Rejouez immédiatement.
Primes et
indemnités
Indemnité multisite pour
les nomades (416 €), sectorielle
pour les psy (416 €), de fonction
pour les mandarins, part variable
pour les chir’, sans oublier la
prime de service public (488 €)…
Il y en a pour tous, servez-vous.
Travailler +
pour gagner +?
Temps additionnel pour
les praticiens concernés,
CET pour d'autres.
Exercice libéral
à l’hôpital
Pour cette audacieuse
excursion en territoire libéral,
touchez le bonus sans passer
par la case départ.
Autres
activités
D’autres bonus? Enseignement,
droits d’auteur, expertises…
Piochez une carte événement.
Ils ont joué le jeu
What’s Up Doc? 27 juillet-août 201618
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6. contrat d’accès
aux soins
Avec le CAS, l’Assurance maladie
se charge d’une partie des
cotisations sociales : 4300 €/an
en moyenne. Rappelons que
le secteur 1 offre le maximum
d’avantages sociaux !
Libre
tarification
Sinon, place aux compléments
d’honoraires du secteur 2, voire
au déconventionnement –
« avec tact et mesure ».
Lancer deux dés.
Autres
activités
Possible aussi
en libéral : enseignement,
écriture, expertise…
Piochez une carte événement.
permanence
des soins
Pour les gardes : 50 € / 4h et
les visites sont valorisées.
Sautez une case.
acile de se repérer dans le maquis des revenus.
*FMT:forfaitmédecintraitant.**MPA:majorationpersonneâgée
***RMT:rémunérationmédecintraitantpourpatientenaffectiondelonguedurée.
ÉmILIE COUDERc
Recettes et charges
(moyenne mensuelle) :
Honoraires + FMT 9020€
Rosp 560€
Retraite -1190€
Loyer -900€
Cotisations sociales -610€
Secrétariat -400 €
Taxes + Assurances -150€
Frais divers (matériel, entretien…)
-600€
TOTAL 5730 €
EN LIBÉRAL
revenu
d’activité
L’essentiel de la rémunération
provient de l’activité, donc
du nombre de patients et d'actes.
Passez un tour.
rémunération
sur objectifs
de santé
publique (Rosp)
Sous réserve de respecter une
longue liste d’indicateurs, la Rosp
peut constituer un vrai 13e
mois.
Comptez 4500 €/an en
moyenne, et plus de 6700 €
chez les généralistes.
Piochez une carte.
rémunération
du médecin
traitant
Les médecins traitants
reçoivent une part
de rémunération au forfait.
Ils ont joué le jeuIlII sll eu
juillet-août 2016 What’s Up Doc? 27 19
7. PETIT COURS
D’ÉCONOMIE
L
a théorie économique n’est généralement pas le fort des médecins.
Et pourtant, elle leur est indispensable pour comprendre
le monde dans lequel ils évoluent. a pris un cours
.
What’s Up Doc. La culture économique
des médecins vous semble-t-elle suffisante ?
Bien sûr que non. Si je voulais être
méchant, je dirais que le niveau moyen des médecins
en économie est à peu près comparable à mon
niveau en médecine. Mais je pourrais dire cela de
beaucoup de professions : la culture économique en
France est de manière générale extrêmement faible.
WUD Quelles sont les conséquences
des lacunes des médecins en la matière ?
Elles peuvent être importantes, dans la
mesure où notre système de santé fait face à
une double problématique économique. Tout
d’abord, les comptes de l’Assurance maladie sont
structurellement déficitaires. Mais l’économie,
ce n’est pas uniquement dépenser moins.
C’est aussi la question de l’efficience, de la justice et
de l’équité : comment dépenser de façon intelligente,
productive et juste? Les médecins envisagent trop
souvent les problématiques économiques sous
l’angle financier et punitif. Il faudrait les sensibiliser
davantage.
WUD Et bien commençons !
Qu’est-ce qui caractérise le marché médical ?
Tout d’abord, le marché de la santé est en France
extrêmement réglementé, à tel point qu’on peut
à peine parler de marché : avec la T2A par exemple,
on a des prix administrés qui rappellent le système
soviétique. La deuxième spécificité, c’est qu’on
a dans le secteur de la santé une problématique
d’équité qui est plus forte qu’ailleurs. Sur le marché
de l’habillement, cela ne choque personne que les
gens riches aient des vêtements plus chers que les
autres. Mais dans la santé, on considère que tous
les Français doivent avoir accès aux mêmes soins.
Et c’est très bien!
WUD Ce n’est sûrement pas tout ce qui fait
la particularité du secteur de la santé aux yeux
des économistes…
Non. Il y a des spécificités inhérentes à
ce marché : on les aurait même s’il était libre.
moyen des médecins
près comparable
What’s Up Doc? 27 juillet-août 201620
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8. Tout d’abord, l’asymétrie d’information :
les médecins savent ce qu’ils « vendent »,
mais les patients ne savent pas ce qu’ils
« achètent ». Cette asymétrie est telle que
le médecin peut imposer au patient de revenir
le voir régulièrement, par exemple. D’autre part,
on note dans le secteur de la santé une présence
très importante des assurances. Quand les
patients cotisent et que leur achat est remboursé,
cela peut entraîner une certaine tendance à
la surconsommation.
WUD Sur ce marché si particulier, comment
s’ajustent l’offre, la demande et les prix ?
Sur un marché libre, le prix est là pour équilibrer
l’offre et la demande, et éviter le rationnement.
Mais dans la santé, les prix sont fixés de l’extérieur.
Dans certains cas comme celui de la consultation
de médecine générale en secteur 1, ils le sont à un
niveau extrêmement bas. Cela se traduit par une
demande énorme, et des files d’attente. Cela renvoie
évidemment à la problématique des déserts
médicaux.
WUD
rémunération des médecins permettrait de
résoudre les problèmes de pénurie médicale ?
Il y a une crise d’attractivité de la profession,
et celle-ci est clairement liée à la rémunération.
23 ou 25 € pour une consultation en secteur 1,
cela ne correspond ni au niveau de responsabilité,
ni au niveau d’études des médecins.
WUD Si on fait les comptes, les particularités
du marché de la santé jouent-elles en faveur
des médecins?
Elles leur sont plutôt favorables. Le problème
des files d’attente leur assure un certain volume
d’activité. L’asymétrie d’information leur donne
une grande latitude pour prescrire.
Mais fort heureusement, il n’y a pas beaucoup de
médecins type « Dr Knock » pour abuser de leur
position dominante : les médecins ont un Ordre,
une éthique, le serment d’Hippocrate, autant
de facteurs qui leur permettent de s’autoréguler.
WUD
marché de la santé pour qu’il fonctionne mieux ?
Il faut bien entendu augmenter la rémunération
des médecins, mais cela ne serait pas sans
répercussions sur les comptes publics. Tous les
échelons doivent donc monter en productivité.
Les médecins doivent se concentrer sur les actes
à forte valeur ajoutée. Il faut donc favoriser les
délégations de tâches : il est anormal d’aller chez
le médecin pour un vaccin ou un mal de gorge.
Le médecin de ville pourrait de son côté assumer
des tâches actuellement effectuées par l’hôpital.
Cela suppose de diversifier la valeur des actes :
toutes les consultations ne doivent pas être payées
le même montant, certaines doivent pouvoir être
payées 50, voire 100 €.
ce qu’ils "vendent",
ne doivent pas être payées
doivent pouvoir être payées
Nicolas Bouzou
juillet-août 2016 What’s Up Doc? 27 21
9. ET SI UN GYNÉCOLOGUE
FACTURAIT COMME
UN GARAGISTE?
médicaux entre matériel et main-d’œuvre. Imaginons un peu que notre garagiste
Ce que reçoit le client du garagiste
Ce que recevrait la patiente si son gynéco
facturait comme un garagiste
Ce que reçoit la patiente de la Sécuaprès une écho obstétricale
Ce que recevrait
le client du garagiste avec ameli.fr
What’s Up Doc? 27 juillet-août 201622
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10. ET S'IL FALLAIT
APPRENDRE À
PARLER ARGENT?
Gérer un cabinet, négocier sa fiche de salaire,
savoir comment marche la compta, c’est bien souvent
plus compliqué que de comprendre un Japonais
tentant de parler russe. Il est en effet rare que,
pendant un stage, on aborde le côté très rébarbatif
de la gestion d’un cabinet ou d’un service hospitalier.
« Oh là, vous savez, moi j’en sais rien, je gère une dizaine de
formations, je crois pas qu’on ait ça dans notre université ». « Ça »,
c’est une formation à la gestion d’un cabinet, aux rouages délicats de
la compta. Lorsqu’on demande aux facs ce qu’elles proposent comme
formation dans ce domaine, elles sont bien surprises… avant de
répondre sèchement qu’elles n’en savent rien et de prendre congé.
« L’information sur la professionnalisation a été abandonnée par les facs,
ou bien elle n’a jamais existé » déplore Maxime Rifad, vice-président
de l’ANEMF. « La gestion de pôle, surtout en libéral, ça effraie pourtant
beaucoup d’internes ». Un saut dans l’inconnu d’autant plus déroutant
qu’un jeune médecin ne sait pas vraiment à quel saint se vouer.
Une rapide recherche sur Internet révèle en effet tout le flou qui
entoure les démarches d’installation et de gestion.
« Nous avons une demande très forte de la part des internes pour
intégrer des formations sur la gestion d'un cabinet et plus généralement
sur le management de carrière et les nouveaux modes d'exercice »
explique Maxime. Un desiderata qui n'est pas resté lettre morte puisque
dans les « Propositions pour une restructuration du troisième cycle
des études médicales » rédigé par les Prs François Couraud et
François-René Pruvot, commandé par Marisol Touraine, la formation
des étudiants à la gestion de cabinet « au sens large » fait partie
intégrante de l'organisation du cursus de formation.
Pourtant, ces formations universitaires existent; mais elles sont
très peu relayées et figurent principalement en médecine générale.
À l'université Paris-Descartes par exemple, le Pr Serge Gilberg, directeur
du département de Médecine gé, et le Dr Robert Sourzac organisent
2 séminaires par an. Mutualisés par les 7 départements de Médecine
générale d’Île-de-France, ils proposent des ateliers consacrés à
la gestion du cabinet libéral. Quant à savoir si on y parle
concrètement de la relation à l'argent... Pas de réponse.
juillet-août 2016 What’s Up Doc? 27 23
11. RICHOLOGUE,
UNE SPÉ À PART?
Médecins vénaux, s’abstenir
Premier étonnement : les patients milliardaires
ne sont pas des vaches à lait. « La plupart ont
beaucoup de succès dans les affaires, et n’ont
qu’une obsession : ne pas se faire avoir! » dixit
Philippe. Ainsi, le médecin escroc sera très vite
démasqué, et sa réputation ternie dans le « milieu ».
Car, comme on se passerait l’adresse d’un coiffeur
ou d’un conseiller financier, les noms des médecins
du gotha s’échangent sous le manteau et c’est ainsi
que se constitue une patientèle de beautiful people.
Quid du tarif des consultations? Entre 100 et 150 €
selon le site de l’Hôpital américain. Pour ce prix, la
patientèle 36 carats exige un service de standing.
Compétence, rapidité et disponibilité permanente :
traiter les VIP n’est pas de tout repos, ni sans risque.
Les patients, et leur entourage, n’hésiteront pas
à faire sentir l’épée de Damoclès médicolégale
au-dessus du stétho, quand on ausculte un politique
(très) haut placé, ou un ténor du CAC 40, bref
une huile. Par exemple, le tollé médiatique auquel
a fait face le Dr Delajoux, neurochirurgien ayant
opéré notre Johnny Hallyday en 2009 pour
une sciatique, compliquée en post-op', peut
sonner le glas d’une carrière.
Si les VIP sont satisfaits, ils pourront cependant
être très généreux. Ou pas… Certains patients
type french actress demandent affablement :
« Est-ce que je vous dois quelque chose? » déjà un
pied dans la berline, considérant qu’examiner un être
aussi précieux est déjà une considérable rétribution.
L’exigence qui caractérise ce type de service, selon
Philippe, devrait pourtant être la norme. Et il peut
prendre des accents de Nuit Debout quand il enjoint
les jeunes médecins à battre le pavé pour exiger une
hausse du tarif de la consultation. À moins de 100 €,
on fait de l’abattage pas du travail de qualité.
Mme la Ministre de la Santé ne fréquente pas
« l’Américain », semble-t-il…
*Propofol, Philippe Siou, Éditions Léo Scheer
La patientèle 36 carats
exige un service de standing.
Compétence, rapidité
et disponibilité permanente.
UNE SPÉ À PUNE SPÉ À PUNE SPÉ À PUNE SPÉ À PUNE SPÉ À PUNE SPÉ À PUNE SPÉ À PUNE SPÉ À P
What’s Up Doc? 27 juillet-août 201624
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QUÊTE
12. DE L’ENQUÊTE
CONCLU
-SIONFAUT-IL CRAINDRE
LA BANQUEROUTE
DANS LE LIBÉRAL?
L’exercice de la médecine libérale n’est pas
toujours concluant, et certains préfèrent
une activité salariée.
Selon le directeur administratif d’une association de gestion agréée
(AGA) spécialisée dans les professions de santé*, qui a vu passer
plusieurs milliers de dossiers de médecins, la banqueroute des
libéraux n’existe pas vraiment. Les difficultés financières qu’ils peuvent
rencontrer viennent toujours de leurs finances privées (prélèvements
« perso » sur le compte « pro » qui ne sont pas adaptés) et non pas
des charges professionnelles de l’exercice libéral. Les prélèvements
perso sur le compte pro ne devraient pas être, en début d’exercice
notamment, alors que le niveau des cotisations sociales et de caisse
de retraite n’est pas encore connu et ajusté sur les recettes.
Mais les déçus de l’exercice libéral ne le sont pas souvent pour
des contraintes financières auxquelles ils n’ont pas pu faire face :
rythme d’activité, charges administratives… y sont pour beaucoup.
*Rappelons que les AGA ont une mission de prévention économique.
→
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N
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