1. Philippe PANERAI
L’urbanisme: du territoire à l'individu
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2. Laurie Berho – Clothilde Poulain 2
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INTRODUCTION - BIOGRAPHIE............................................................................................3
I. DES THEORIES ET DES METHODES................................................................................4
1) ANALYSE URBAINE .............................................................................................................4
2) PROJET URBAIN .................................................................................................................5
II. EN PRATIQUE.....................................................................................................................8
1) REHABILITATION DU QUARTIER LA TEISSEIRE A GRENOBLE – ATELIER PANERAI, 1997-2010.8
2) ANALYSE CRITIQUE.............................................................................................................9
III. SES APPORTS A L’URBANISME CONTEMPORAIN ....................................................10
1) PARALLELE AVEC LE QUARTIER MALBOSC A MONTPELLIER ................................................10
2) ET POUR NOUS ?..............................................................................................................11
CONCLUSION.......................................................................................................................12
BIBLIOGRAPHIE...................................................................................................................13
ANNEXES..............................................................................................................................14
3. Laurie Berho – Clothilde Poulain 3
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Français - Né en 1940
Architecte de formation initiale, il poursuit ses études en urbanisme en sortant diplômé de l'Institut
d'Urbanisme de l'Université de Paris (IUUP), l'actuel Institut d'Urbanisme de Paris (IUP).
Il fait une carrière d'enseignant-chercheur à l'école d'architecture de Versailles, Paris-Villemin puis
Malaquais et a également enseigné à l’Institut Français d’Urbanisme.
Il est professeur associé à la Faculté d'architecture de l'Université fédérale du Rio Grande do Sul
(Porto Alegre, Brésil). Il est également expert auprès de l'ANRU, membre du Comité d'expertise de la
qualité urbaine (Groupe I3F), membre de la Commission Nationale des Monuments Historiques,
membre du Comité d'orientation des Cahiers de la Recherche Urbaine et Architecturale.
Il est auteur de plusieurs ouvrages de référence sur les villes et les tissus urbains, ainsi que plusieurs
contributions sur l’architecture et l’urbanisme brésiliens.
De nombreux contacts l'ont conduit à réaliser des expertises et des études ou à donner des
conférences en Europe (Italie, Espagne, Pays-Bas, Angleterre), au Maghreb et au Proche-Orient
(Égypte, Liban, Tunisie), en Amérique du Sud (Brésil, Chili, Uruguay, Venezuela), au Canada et aux
États-Unis ou en Extrême-Orient (Taiwan et Chine).
Il a créé assez tardivement, en 1992, l’Atelier Philippe Panerai (devenu depuis Panerai et associés).
L’équipe réunit des compétences en matière d’urbanisme, d’architecture, d’aménagement et de
paysage urbain. Elle possède une solide expérience du projet urbain, de la maîtrise d’œuvre urbaine,
et de la réalisation des espaces publics.
L’équipe travaille sur différentes échelles (du projet territorial au quartier) et différents points de vue
(urbanisme opérationnel et règlementaire, maîtrise d’oeuvre des espaces publics, AMO et suivi).
Il a reçu en 1999 le Grand Prix de l’Urbanisme, en même temps que Nathan Starkman.
Il est actuellement responsable du Plan d’Aménagement de la ville de Témara (Rabat, Maroc).
Il travaille aussi à l’élaboration du Schéma Directeur d’Aménagement du département des Landes
ainsi qu’au Plan d’Aménagement de Reims-Métropole dans le cadre du projet Reims 2020.
Récemment, il a publié un ouvrage qui constitue un essai d'analyse de la forme urbaine de la
métropole parisienne : Paris- Métropole, formes et échelles du Grand Paris (2008) qui a reçu cette
année le prix Haussmann.
Il a d’ailleurs suivi comme membre du Conseil Scientifique la consultation du Grand-Paris.
*** NDR : Pour faciliter la correction, les parties correspondant principalement aux résumés des
lectures sont mises en italique, tandis que nos réflexions et apports personnels restent en style
normal. ***
4. Laurie Berho – Clothilde Poulain 4
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Philippe Panerai a écrit ou participé à l’élaboration de nombreux ouvrages (voir Bibliographie jointe
p.13). Après s’être intéressé à des sujets très spécifiques (la ville de Versailles, les bastides …), il a
choisi de publier en 1999 deux « manuels » d’urbanisme à l’intention des personnes concernées par
le sujet (urbanistes, étudiants, élus) : « Analyse Urbaine » qui comme son nom l’indique pose les
bases d’une analyse efficace et complète d’une ville, et « Projet Urbain », coécrit avec David Mangin,
qui donne des méthodes pour concevoir une ville nouvelle ou une extension. Nous allons vous
exposer ces idées.
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Ph. Panerai essaie dans ce livre de donner une méthodologie d'analyse des villes en 7 chapitres (on
retrouve d’ailleurs ce découpage en 7 dans « Projet Urbain » et « Paris Métropole ») évoquant chacun
une étape, que l’on peut résumer ainsi :
! l'évolution du regard sur un territoire: apprendre à voir la ville d'un œil tout d'abord extérieur,
« touriste », subjectif, avant de la considérer de manière plus scientifique (architecte,
urbaniste, géographe) à travers les cartes et les statistiques. Entre ces deux extrêmes se
trouvent l’étape du « regard scrutateur » en réalisant de nombreux croquis de détails ou
panoramiques, et celle de la photographie qui permet un état des lieux rapide mais figé en un
instant donné.
! le repérage des éléments marquants du paysage urbain: les parcours, les « nœuds », les
secteurs, les limites et les repères. Il insiste sur l’importance du déplacement et de considérer
la ville comme une succession de séquences, de plans organisés autour des réseaux.
! la compréhension des étapes de croissance de la ville : comment l’histoire a influé sur la
géographie, les limites d’un territoire et ses axes ou pôles de développement.
! le décorticage des tissus urbains : comprendre les relations de superposition, d’imbrication
des trois ensembles que constituent respectivement le réseau viaire, le découpage foncier
(parcelles) et les constructions (bâti)
! la définition de typologies qui permettent l’inventaire, la comparaison et le classement des
architectures et formes urbaines rencontrées
! la hiérarchisation des tracés de voiries et autres espaces publics qui donnent son unité à la
ville, pas seulement en fonction des flux qui les occupent mais en prenant en compte les
usages qui s’y tiennent, leur rôle dans le quartier, dans la ville.
! l’inventaire et la compréhension des pratiques sociales de l’espace, c’est-à-dire des
activités concrètes qui influencent la vie quotidienne (travail, consommation, fréquentation,
trajets, relations sociales, rites…). L’espace offert aux usagers structure leurs pratiques, induit
des modes de vie, mais l’investissement d’un lieu donné est parfois très différent de ce que
pouvait imaginer son concepteur, l’appropriation change en fonction des cultures, de la
situation économique ou sociale à un moment donné. C’est toute la subtilité de la relation
entre le travail de l’architecte et l’usage de l’habitant.
Ces méthodes sont censées permettre la compréhension d’une ville ou d’un territoire sous tous ses
aspects, à la fois architecturaux et techniques, mais aussi humains, historiques, économiques et
sociaux. La prise en compte de ces enjeux doit permettre par la suite la conception d’un nouveau
projet urbain parfaitement intégré à une ville « vivante », que ce soit en remplacement de l’existant ou
en extension.
L’analyse surpasse le stade de simple lecture du lieu de type descriptive, elle est avant tout d’ordre
prospective, c’est à dire que l’on va analyser dans l’intention première de projeter. Elle doit au final
induire certaines hypothèses de travail.
5. Laurie Berho – Clothilde Poulain 5
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Avec David Mangin, Ph. Panerai écrit cet ouvrage à vocation didactique qui mêle observations,
réflexions personnelles et exemples d’application de projet.
Ce « guide » part du constat que les villes s'étendent par opérations ponctuelles depuis les années 50
sans que l'organisation d'ensemble ne soit pensée ou repensée. Le manque de relation entre les
réseaux viaires existants et les dessertes locales « autoconstruites » crée de nombreuses
discontinuités, et l'aspect des bâtiments est toujours privilégié au détriment des relations de ces
bâtiments entre eux. Il souhaite donc « reprendre à la base » le lien entre théories et pratiques
urbaines.
Tout d'abord, la ville est définie comme un « cadre susceptible de s'adapter aux changements de
modes de vie et aux modifications économiques ». L'hypothèse de travail est donc l'importance d'une
relation entre le découpage du sol et les types de bâtiments à édifier, afin de donner un cadre
initial au tissu urbain qui favorisera par la suite la colonisation des espaces, leur appropriation, leur
adaptation à une évolution certaine, tout en restant le plus économe possible.
Pour cela, les auteurs préconisent de :
- repenser les techniques de lotissement, en prenant en compte plusieurs échelles et situations
différentes, notamment l’évolution des contextes démographiques. Mangin et Panerai insistent sur la
distinction entre le lot, « unité opératoire », soumis à des contraintes techniques ou programmatiques,
et la parcelle, « unité d'usage » individuel ou collectif.
- engager la production courante, c’est-à-dire ne pas se limiter à des « expériences urbaines » isolées
et coûteuses, généraliser de nouveaux processus de production urbaine.
Le projet urbain est « l'instrument de médiation entre l'architecture et la ville », il suggère des formes
plus qu'il ne les dessine, pour permettre l'adaptation à un contexte en constante évolution. Un
élément de définition majeur sera donc la permanence de l’espace public et sa distinction des
espaces privés. Le but affirmé de cet ouvrage est donc de donner des exemples de méthodes pour
« créer les conditions de l'édification et de la gestion du tissu », articuler des architectures
diverses par :
- le contrôle des espaces publics majeurs,
- le définition des caractères typologiques des bâtiments,
- la définition d'un rythme, d'une alternance entre zones actives/secteurs résidentiels/équipements/... ,
le tout dans une démarche rationnelle et économe qui permet par la suite un meilleur entretien.
La première partie de leur méthodologie de projet urbain repose sur le découpage parcellaire.
L'observation des tissus urbains montre que le mélange des types d'édifices est parfois dû à une
pensée initiale, mais bien plus souvent à des substitutions partielles et successives dans un tissu
d'origine homogène. Or les règles d'urbanisme du XX° siècle ont tendance à figer ce tissu dans
un état « idéal », ce qui est à l'encontre de l'évolution normale d'une ville.
La réflexion de Mangin et Panerai va donc se
porter sur les différentes manières d'utiliser un
même lot à l'intérieur d'un même réseau de
voiries, en se basant sur l'exemple « courant »,
défini à partir des contraintes techniques
(fractionnement des constructions en béton armé
de plus de 40m) et d’usage (trames proches de
6m entre voiles pour les logements collectifs ou
pour les maisons en rangées), d'un lot à bâtir A de
36m sur rue par 30m de profondeur (voir schéma
1 ci-contre). Ce découpage simple permet ensuite
par simple division (A/2, A/3, … A/12 – voir
schéma 2 page suivante) d’obtenir des parcelles
régulières de 100 à 1000m2
sans modifier les
conditions de desserte initiales.
Sch. 1 – le lot courant
6. Laurie Berho – Clothilde Poulain 6
Sch. 2 – Exemples de division du lot courant
Ils donnent ensuite par typologies de remplissage les différentes densités d'habitation possibles sur
un tel espace, de la villa individuelle unique avec son grand terrain aux 60 logements permis par un
immeuble collectif sur cour en 5 niveaux, en passant par les maisons jumelées ou les « maisonnettes
superposées » (voir schéma 3 ci-dessous).
Sch. 3 – Exemples d’occupation du lot
Ils soulignent l’importance d’une utilisation rationnelle des terrains pour permettre des économies
de clôtures, de voiries, de réseaux en général et permettre d’être plus généreux pour les espaces
habités. Ils s’interrogent également sur la place de la voiture.
En ce qui concerne les espaces publics,
Mangin et Panerai insistent sur la nécessité d'un
langage commun et d'une simplicité
terminologique pour les définir, car sans ces
espaces aucun trajet ne serait possible en ville,
ce sont eux qui lient et desservent tous les
espaces et bâtiments privés.
Les auteurs raisonnent donc sur les profils en
travers et établissent 9 règles de relations
rue/parcelle (voir encadré ci-contre), par ordre
croissant de contrainte, la rue étant vue à la
fois comme un espace de parcours et le support
de l'édification.
- fixer la largeur de la voie, son emprise (laissant
ainsi l’implantation des bâtiments, leur hauteur, le
traitement des clôtures s’il y en a à l’initiative de
chacun)
- imposer des clôtures, en fixer les dimensions, les
matériaux, voire le dessin
- contrôler la distance entre les clôtures et le bâti
- définir des types de bâtiments
- imposer de construire à l’alignement, sur une rive ou
les deux
- imposer de construire en mitoyenneté, sur une rive
ou sur les deux
- fixer la hauteur de corniche et le gabarit
- définir le vocabulaire formel
- imposer le dessin de la façade et ses matériaux
L'espace public se construit en plusieurs étapes:
- l'installation des réseaux,
- le nivellement du sol,
- le revêtement du sol,
- la pose du mobilier urbain.
7. Laurie Berho – Clothilde Poulain 7
Par la suite Mangin et Panerai reviennent sur la définition de tissu urbain donnée dans « Analyse
Urbaine » (voir p.4). Ils soulignent le fait que partout la conception et le tracé des trames viaire et
parcellaire sont assez rapides, mais le remplissage effectif des parcelles est beaucoup plus lent, ce
qui donne les différences entre la forme « réfléchie » du maillage et sa forme « finale ».
Pour les tracés, les auteurs insistent sur l'importance des marques des époques passées (anciens
tracés urbains ou agricoles) en s'appuyant sur des exemples historiques (les voies romaines) ou des
mégalopoles actuelles (Manhattan et Le Caire). D’après eux les nouveaux tracés doivent s'appuyer
sur ces empreintes du passé ainsi que sur des lignes « naturelles » et des pratiques d'usage
(chemin le plus court, sens de l'écoulement de l'eau …).
Un nouveau tracé viaire ou d’espaces publics doit être à la fois un plan d’émergence, et un plan de
suggestions et de prescriptions.
Les activités viennent en général s'implanter le long des voies de liaison les plus anciennes. On
constate depuis toujours un « effet de souk » ; c’est-à-dire le regroupement par type d’activités
marchandes qui stimule la concurrence. L’emplacement des hypermarchés est purement stratégique,
tandis que pour les bureaux, la localisation et le type de bâtiment dépendent plus de la volonté
d'image de l'employeur que de la fonction. Des terrains de sport ou zones de loisirs peuvent
s'implanter sur des lieux désertés ou considérés a priori comme inexploitables (toits de parking !
terrains de tennis, …).
Les auteurs définissent des échelles d'activités: 150m
2
pour un logement, groupe de deux
logements ou commerce traditionnel, 500m2
pour un immeuble ou des services, 1500 à 5000m2
pour
un groupement d'immeubles ou de parcelles bâties, une école, un marché couvert … puis l'îlot pour
les lycées, jardins, terrains de sport ou lieux de culte, le super bloc (groupement d’îlots) pour grosses
institutions (universités, hôpitaux, gares centrales, cimetières, échangeurs d’autoroute) et enfin la
grande maille pour les « grandes compositions » (aéroport, forêt ou zone agricole, parc régional).
Ces « pré-dimensionnements » permettent de faciliter le travail de recherche lorsqu’il s’agit de
réhabilitation ou de réutilisation des friches, mais également dans un projet nouveau de guider
l’implantation des constructions à venir par le simple découpage parcellaire.
Le dernier chapitre se pose la question du temps. Mangin et Panerai font une distinction entre le
temps du montage (qui concerne politique et finances), le temps du projet et des chantiers (avec les
choix des matériaux et les possibilités d'évolution) et le temps de l'usage (création d'un « voisinage »,
identification des lieux).
Leur idée est que « l'ordonnance architecturale » dictée par un projet urbain doit, pour être justifiée
sur le long terme, porter plus sur la relation entre espace public et bâtiments que sur les « objets »
eux-mêmes, et que sa lecture doit être évidente pour tous, donc assez simple et souple, pour
convaincre.
Pour conclure, les auteurs notent l'aspect cinétique des villes d'aujourd'hui, où le déplacement, les
communications et la vitesse sont des valeurs incontournables qui font de la ville un élément à « états
successifs et interactifs ». Le travail urbanistique consiste donc à leur avis à distinguer le
permanent de l'éphémère, le superficiel (surface) de l'artificiel (décor) ; on doit savoir tirer des leçons
de l'Histoire et « construire avec le temps ».
La redéfinition des rapports entre les édifices et la ville, entre l’architecture débarrassée de son
obsession formelle et l’urbanisme délivré de ses pesanteurs technocratiques est une revendication
politique donc, car « elle suppose une nouvelle formulation du rôle des techniciens de
l’aménagement, leurs rapports avec les habitants et les collectivités territoriales. [Mais c’est une]
Revendication théorique également, en ce sens qu’elle appelle de nouveaux outils conceptuels et
de nouvelles techniques de projet ». Panerai et Mangin affirment donc ici que toute activité
d’urbanisme ou de construction a des implications économiques et politiques, et que le « projet
urbain » est un champ pluridisciplinaire qui ne saurait se contenter du simple dessin d’espaces
publics et de voiries.
8. Laurie Berho – Clothilde Poulain 8
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Dans le cadre de l’agence qu’il a créé, Ph. Panerai a conçu et réalisé de nombreux projets
d’urbanisme : des extensions de villes (quartier du Bourran à Rodez dans les années 90), des
requalifications de quartiers existants (presqu’ile de Caen depuis 2002), des éco-quartiers (les
coteaux de la Seille à Metz), des plans d’orientation d’aménagement (plateau de Satory à Versailles)
et des réhabilitations de Grands Ensembles à Sarcelles, Pau, Aubervilliers … dont l’exemple le plus
marquant fut le quartier La Teisseire à Grenoble, que nous allons détailler ici.
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Ce quartier est composé de nombreux petits
immeubles (barres de 2 à 4 étages) et sept tours
de 11 étages, ce qui représente environ 1250
logements, construits entre 1958 et 1962. Il est
proche du centre et bien pourvu en
équipements, mais a pourtant connu la même
évolution que les autres grands ensembles
construits à cette période : paupérisation des
habitants, dégradation, ghettoïsation.
L’ensemble a fait l’objet d’une première
réhabilitation de 1980 à 1993, mais celle-ci ne
concernait que l’aspect visuel des bâtiments
existants et n’a pas eu d’effet positif visible sur
la vie dans le quartier ni sur son image par
Vue du quartier avant le projet de Panerai rapport au reste de la ville de Grenoble.
La municipalité a donc décidé de lancer une nouvelle étude en 1997 pour définir un véritable projet
urbain sur cette zone, une opération phare qui vise à rompre avec le caractère homogène de ce
quartier et permette de le réinscrire dans la ville (intégration urbaine et sociale).
L’Atelier Panerai a été choisi pour mener à bien ce projet, sur la proposition de créer 24 unités
résidentielles privatisées qui permettent la mixité des statuts d’occupation, la définition d’espaces
bien hiérarchisés et l’introduction d’activités et de commerces. Ce « découpage » qui montre
clairement la propriété de chaque espace doit permettre une meilleure appropriation aux habitants et
une meilleure gestion des espaces communs ou publics.
Les grands principes du projet sont :
- réaménager l’espace public et les équipements Annexe 1
- créer un quartier de jardins Annexe 2
- redistribuer la propriété foncière pour bien distinguer le domaine privé du public et mettre
en place une gestion différenciée, tout en favorisant la participation des habitants
- réhabiliter les immeubles de l’OPALE Annexe 3
- créer des unités résidentielles Annexe 4
- diversifier l’habitat et introduire des activités et des bureaux. Annexe 5
Le réaménagement des voiries doit permettre à la fois une meilleure circulation dans le quartier
(automobile et douce) et un stationnement facilité, mais aussi sa liaison directe avec le reste de la
ville, pour qu’il devienne une partie d’un tout et non plus une enclave à part dans la ville.
Toutes ces actions visent à améliorer non pas les bâtiments eux-mêmes ou l’esthétique du quartier
mais bien la qualité de vie dans celui-ci, à la fois pour le confort des habitants mais aussi pour
permettre l’ouverture aux voisins, faire de cet endroit un lieu vivant et supprimer l’effet d’isolement qui
a conduit à son image de cité malfamée et à sa dégradation.
9. Laurie Berho – Clothilde Poulain 9
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Depuis son lancement, ce projet a suscité des adhésions mais aussi des critiques car les habitants se
sont plaints d’un manque de concertation et parfois d’un manque de prise en compte de leurs
usages. Un travail important d’information a été fait, mais les réunions par unités résidentielles attirent
peu d’habitants, ce qui risque de poser des problèmes quant à leur implication dans l’entretien et la
gestion de ces espaces. Des comités de concertation (instances de débat et de proposition) et des
enquêtes régulières auprès des habitants du quartier, voire de la ville sont envisagés.
Malgré cette « erreur » d’appréciation ou plutôt ces difficultés de communication, on a pu constater à
travers ce projet comme dans ses écrits ou l’ensemble de ses autres réalisations, que Ph. Panerai
s’intéresse davantage aux espaces publics qu’aux bâtiments, aux relations entre les espaces et les
fonctions plutôt qu’à l’architecture.
D’après lui, la réussite d’une implantation de bâti repose sur le rapport au sol et à la rue, à l’encontre
des principes de la Cité Radieuse qui est pour lui une « négation de la ville » (Formes Urbaines, de
l’îlot à la barre, 1997). Au contraire, l'ilot s'impose comme unité constitutive du tissu urbain, il assure à
chaque espace un statut reconnu par la pratique.
Pour lui, l’hétérogénéité des grands ensembles est source de qualités et invalide leur démolition
systématique (il l’assimile à une volonté de supprimer l’image de ce qui gêne). Les aides aux
banlieues devraient se concentrer sur le désenclavement et l’inégalité du système actuel de
transports en commun plutôt que sur la démolition de tours ou de barres (comme le résume sa propre
conclusion de Paris-Métropole : « la carte d'un Grand-Paris plus juste et plus solidaire sera le plan de
ses transports en commun »).
A l’encontre des règlementations rigides fondées sur l’esthétique ou l’hygiénisme des villes modernes,
il a développé une vision très sociale de la ville, qui privilégie la communication, les déplacements, le
confort de la vie quotidienne à la fois dans le logement et en dehors grâce à la qualification des
espaces extérieurs, des lieux de transition.
Bien qu’il travaille sur des projets de grande envergure, il place l’individu et l’usage au centre des
espaces qu’il imagine.
Il nous apparaît donc que pour Ph. Panerai, la question de l’urbanisme ne tourne pas autour de la
ville, mais autour de l’humain et de ses modes de vie.
10. Laurie Berho – Clothilde Poulain 10
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Nous avons souhaité analyser un projet réalisé récemment, après l’écriture de ces ouvrages, mais par
un autre urbaniste français, afin de comparer les thèmes traités. Un exemple proche de nous et en
cours d’achèvement est le quartier Malbosc à Montpellier, conçu par François Kern depuis 1999. Le
but est de faire un parallèle entre les « enseignements » de Ph. Panerai et un projet que nous
connaissons bien, afin de comprendre ce que nous pouvons en tirer en tant qu’étudiants architectes
en 2010.
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Le quartier Malbosc situé au nord-ouest de Montpellier, est organisé en fonction de la richesse
naturelle du site, de son relief et de ses espaces verts. Sa conception s'appuie sur l'idée de nature
dominante et la combinaison de différents aménagements paysagers à différents types d'habitat :
habitats individuels, collectifs et maisons de ville.
L’ensemble du site est organisé autour d’une place centrale qui a pour vocation d'accueillir les
services (station de tramway, commerces, équipement scolaire…) et d'offrir la convivialité d'un lieu à
l'entrée du quartier. A partir de cette grande place, l'urbanisation s'adapte aux caprices du relief : des
immeubles collectifs à l'habitat individuel en passant par des maisons individuelles superposées, en
terrasse à flanc de pente.
"Le projet s'inscrit comme une déclinaison du thème du parc dans les différentes parties du quartier,
déclinaison réactive aux identités locales, typographiques et paysagères s'adaptant à la mémoire des
lieux. Dans ce nouveau quartier, l'idée de nature est dominante, "un quartier dans un parc", mais
aussi celle des identités locales que produisent des lieux dits intimistes et adaptés aux différents types
d'habitat. On passe de l'échelle du parc "public" à celle du jardin plus "privé". François KERN
La ZAC Malbosc représente 2.100 logements (1100 collectifs, 600 individuels superposés et 400
individuels), des équipements publics (écoles, maison de retraite, plateau sportif, Maison Pour Tous
Rosa Parks), ainsi que des commerces de proximité, une supérette de quartier et un « pôle
affaires » marquant la transition avec Euromédecine.
Le premier travail que l’on remarque sur ce quartier est celui de la voirie. Les voies existantes ont été
conservées et intégrées (la rue de Malbosc au Sud et l’avenue Ernest Hemingway au Nord).
L’importance des traces anciennes est également soulignée par la préservation en partie Sud des
terres agricoles rentables (vignes) à proximité du Parc Malbosc réaménagé. Le réseau des nouvelles
voiries est clairement hiérarchisé : les voies d’entrée/sortie dans le quartier sont fortement marquées
par rapport aux voies secondaires, qui elles mêmes communiquent avec un réseau discret de
dessertes privées. Annexe 6
Les activités sont principalement implantées le long de l’avenue de Fès, ceci afin d’en faire l’axe
principal du quartier et d’inciter les habitants à pratiquer le nouveau réseau, ainsi que les voisins à
entrer au cœur du quartier au lieu de se concentrer sur les tracés plus anciens en limite de la zone.
Les espaces publics sont nombreux, avec une priorité donnée aux espaces « verts » ou paysagés.
Cependant on constate que si le Parc et les placettes ou squares aménagés avec des aires de jeux
pour les enfants sont très pratiqués, les autres sont assez déserts (notamment la « place centrale »
en entrée de quartier dont l’aménagement en bassin de rétention n’est même pas terminé et la
« coulée verte » qui lie cet espace au Parc).
De même, on constate des dysfonctionnements dans les relations bâtiment / espace public.
Certes les logements respectent des règles d’alignements, les typologies de bâti et les hauteurs sont
définies en fonction du relief du site (collectif en R+4 sur la partie basse au Nord, individuel en R+1
maximum sur la partie élevée au Sud), mais certains espaces manquent de clarté en ce qui concerne
leur statut (public/privé), et sont donc délaissés ou au contraire colonisés à tort. Annexe 7
Quant aux commerces, leur signalétique est faible, l’éclairage purement fonctionnel pour la
chaussée, et l’absence de stationnements réservés induit de gros encombrements des chaussées aux
heures de pointe. Ce sont des commerces de proximité utiles à la ZAC elle-même mais qui, en dehors
de la supérette « Simply Market », n’ont pas d’impact sur les quartiers environnants et n’incitent pas
les « voisins » à venir pratiquer ce nouveau quartier.
11. Laurie Berho – Clothilde Poulain 11
On peut se demander comment va évoluer ce quartier tout neuf (certaines constructions sont encore
en cours), si les habitants vont finalement réussir à s’approprier l’ensemble des espaces qui leurs sont
offerts ou continuer à se retrancher dans leurs logements.
Une question majeure se pose sur l’évolution même du bâti : les tracés actuels semblent prédéfinis
depuis l’origine du projet, il y a déjà plus de 10 ans, que va-t-il se passer quand les constructions
actuelles deviendront obsolètes ? Quelles règles guideront leur remplacement ? C’est dans cette
optique du long terme que les travaux de Panerai et sa définition d’un cadre pérenne prennent tout
leur sens.
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De tout cela ressort l’importance du dessin et de l’aménagement des espaces publics, non pas pour
leur esthétique, mais bien en fonction des usages qu’on leur imagine. Il ne suffit pas de laisser un
espace vide pour en faire une place, il faut lui amener des qualités d’ambiance, des équipements, une
desserte suffisante pour que cet espace prenne vie et à son tour crée « la ville ». Il faut que le
dialogue entre public et privé, souvent entre « vide » et « plein », se fasse dans les deux sens : le bâti
donne un sens au vide qui en échange lui apporte confort visuel, pratique, sensation d’espace ou
végétation…
A cette relation permanente vient s’ajouter la question de la densité, à quel degré se fait le contraste
entre le construit et le non-construit ? C’est une question que Ph. Panerai s’est également posé dans
son essai Paris métropole : Formes et échelles du Grand-Paris.
La maîtrise de la densité permet de dépasser la contradiction entre construire pour loger et limiter
l'étalement urbain. Une même densité peut se traduire par des dispositions formelles diverses (une
tour / 2 immeubles / rangée de maisons = même densité mais occupation du sol différente).
Mais comme il dit, « la sensation de densité est la somme d'impressions personnelles, variables, où la
concentration, l'accumulation, l'encombrement jouent un rôle plus important que la densité mesurée ».
C’est bien le rapport des objets entre eux plus que leur taille ou leur nombre qui va donner des
sensations de confort ou au contraire d’étouffement.
Au final, on comprend que quelle que soit l’époque, la culture, le lieu dans lequel un projet urbain est
conçu, sa force résidera dans son aptitude à comprendre les usages qu’il doit accueillir ou induire, et
à s’adapter à leur évolution. Ce ne sont pas les contraintes techniques ou financières qui vont guider
la réussite d’une greffe urbaine mais bien les individus qui la pratiqueront au quotidien.
12. Laurie Berho – Clothilde Poulain 12
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Il y a dans les essais de Panerai une volonté affirmée de pédagogie et d’information. Il définit un
certain nombre de grands thèmes urbains de base qui sont des outils et des repères primordiaux dans
toute conception de projet sur un territoire.
Il travaille sur la question urbaine à partir de trois axes :
- la formation du tissu urbain et les manières d'habiter de la ville contemporaine
- le projet d'espaces publics et l'intégration des infrastructures techniques
- l'échelle territoriale et la forme de l'agglomération.
Son approche de l’analyse fait que ses ouvrages sont devenus des références pour une approche
méthodologique du projet urbain, méthodologie aussi bien destinée à des étudiants qu’à des
urbanistes confirmés.
13. Laurie Berho – Clothilde Poulain 13
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- Philippe Panerai, Critique architecturale, Institut de l'environnement, 1975
- Philippe Panerai, Katherine Burlen, Jean Castex, Patrick Céleste, Catherine Furet, Versailles :
lecture d'une ville. Développement morphologique et typologie architecturale de la ville de Versailles,
éd. Paris : ADROS, 1978
- Philippe Panerai, Jean Castex, Patrick Céleste, François Delorme, Jean-Charles Depaule, Marcelle
Demorgon, Richard Sabatier, Architecture contemporaine à Versailles : critiques et alternatives,
parcours, écriture, dessins, éd. Versailles : ADROS, 1980
- F. Divome, Philippe Panerai, Bernard Lavergne, Les Bastides d'Aquitaine du Bas-Languedoc et du
Béarn, décembre 1985
- Marcelle Demorgon, Philippe Panerai, Richard Sabatier, Evelyne Volpe, La banlieue comme
territoire structuré. Etude d'une route : la N.192 et la N.308, de la Défense au pont de Maisons-Laffitte,
éd. Versailles : ADROS, 1985
- Philippe Panerai, Bernard Gendre, Anne-Marie Chatelet, Villes neuves et villes nouvelles : les
composantes rationnelles de l'urbanisme français, éd. Paris : MELATT, 1986
- David Mangin, Philippe Panerai, Le temps de la ville : l'économie raisonnée des tracés urbain,
éd.Paris : MELT, 1988
- Jean Castex, Philippe Panerai, Jean-Charles Depaule, Formes urbaines, de l'îlot à la barre, éd.
Parenthèses, 1997
- préface de Autobiographie de Frank Lloyd Wright, (éd. De La Passion, 1998)
- Philippe Panerai, Jean-Charles Depaule, Marcelle Demorgon, Analyse urbaine, éd. Parenthèses,
1999
- David Mangin, Philippe Panerai, Projet urbain, éd. Parenthèses, 1999
- Philippe Panerai, Formes urbaines, tissus urbains : Essai de bibliographie raisonnée, 1940-2000,
Ministère de l'équipement, des transports et du logement, Direction générale de l'urbanisme, de
l'habitat et de la construction, Centre de documentation de l'urbanisme, 2001
- Philippe Panerai, Paris métropole : Formes et échelles du Grand-Paris, Éditions de La Villette, 2008
14. 14Laurie Berho - Clothilde Poulain
ANNEXES
La voie d’accès principale Le supermarché de proximité
Au programme: réaménagement de la Place des Buttes, création de jardins privatifs pour les logements
en RDC, cours de stationnement plantées, jardins communs en cœur d’îlot...
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entrées, création de jardins privatifs, mise
en place d’une gestion des résidences
espaces privés n’est pas aussi nette que
dans le reste de la ville. On y trouve plutôt
des espaces collectifs indifférenciés qui
accaparés par certains groupes.
nettement des espaces privés doit
permettre de résoudre ces questions.
L’apparition de nouvelles typologies de
logements, de nouvelles activités et la mixité des
statuts d’occupation doit entraîner l’intégration de
nouveaux types de population plus actifs, plus
aisés, ce qui permet l’ouverture du quartier sur
16. voies existantes
axe principal : avenue de Fès
voies principales d’entrée/sortie
voies secondaires
voies de simple desserte
ou piétonnes
statut ?
16Laurie Berho - Clothilde Poulain
voirie par des espaces verts privatifs communs, hélas
inutilisés.
Au niveau des logements individuels, la frontière
s’approprient alors les espaces intermédiaires pour le
stationnement, ce qui gêne la circulation piétonne.