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Nous voudrions remercier le Pr Pierre Carpentier, les Dr Caroline Bertrand, Stépane Escure,
Michel Pompignoli, Mesdames Catherine Nardari, Sophie Nithard,
Messieurs Jean-Yves Ciers, Bruno Dumeignil, Guy Pennequin
pour l'aide directe et indirecte qu'ils nous ont apportée
dans la réalisation de cet ouvrage.
•
© Quintessence International, 2004
11 bis, rue d'Aguesseau
75008 Paris
ISBN 2-912550-30-0
La loi du 11 mars 1957 n'autorisant, aux termes des alinéas 2 et 3 de l'article 41, d'une part, que les «copies ou repro-
ductions strictement réservées à l'usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective » et, d'autre part,
que les analyses et courtes citations dans un but d'exemple et d'illustration, « toute représentation intégrale ou partielle
faite sans le consentement de l'auteur, de ses ayants droit ou ayants cause est illicite » (alinéa 1er
de l'article 40).
Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanc-
tionnée par les articles 425 et suivants du Code pénal.
Conception graphique : STDI, Lassay-les-Châteaux
Impression et façonnage : EMD, Lassay-les-Châteaux
Imprimé en France
N° 11421 - Dépôt légal : novembre 2003
Préface IX
Foreword X
Préambule XI
Épidémiologie des patients édentés totaux ou chronique d'une mort annoncée
Le vieillissement de la population 1
L'augmentation de l'espérance de vie 1
La santé bucco-dentaire 2
L'état de santé et la dépendance des patients âgés 2
La longévité et le renouvellement des prothèses 3
Les tissus de soutien
Le tissu osseux 5
La muqueuse buccale 8
L'articulation temporo-mandibulaire 12
La salive 14
La fonction chez l'édenté total
La mastication 17
La déglutition 18
La gustation 19
La phonation 20
Prothèse complète
Les empreintes secondaires
La phase préparatoire 81
L'adaptation du porte-empreinte 81
La phase d'empreinte 86
Le traitement au laboratoire 92
Les empreintes préliminaires
L'examen clinique et le concept d'empreinte 69
Le porte-empreinte 69
Les techniques de prise d'empreinte 72
Le traitement des empreintes 76
Le porte-empreinte individuel 76
Empreintes et matériaux
Les paramètres cliniques 63
Les paramètres techniques 66
Les théories de prise d'empreinte
Les empreintes anatomo-fonctionnelles 59
Les empreintes semi-compressives 60
Les empreintes mucostatiques 60
Les principes d'empreintes
Le respect de l'intégrité tissulaire 49
Les qualités mécaniques 51
L'esthétique 56
Les traitements préprothétiques
Les thérapeutiques non chirurgicales 41
Les thérapeutiques chirurgicales 43
L'examen clinique
La composante psychologique 23
La composante physique 25
La composante prothétique 35
Le bilan 36
Le plan de traitement 36
La polymérisation des prothèses
La conservation de l'occlusion 171
Les matériaux 172
L'essai fonctionnel
Les contrôles en l'absence du patient 161
Les contrôles en présence du patient 163
L'envoi au laboratoire 169
La finition des cires
Le rôle des surfaces polies 155
Les volumes prothétiques 155
La gencive cervicale 158
Le choix et le montage des dents postérieures
Le montage et l'examen clinique 141
Les montages et les dents prothétiques 143
Les montages : réalisation pratique 149
Choix et montage des dents antérieures
Le choix des dents antérieures 131
Le montage au laboratoire 136
Les contrôles au cabinet 139
Esthétique et prothèse complète
Le patient et l'esthétique 123
Le praticien et l'esthétique 124
Les articulateurs
Les critères de choix 111
Les articulateurs actuels 112
La mise en articulateur des modèles 117
La programmation des articulateurs 120
L'occlusion
L'occlusion statique 95
L'occlusion dynamique 108
Le passage de l'édentement partiel à l'édentement total
Les problèmes ................................................................................................................................................................. 221
L'examen clinique 222
La prothèse de transition 223
Définition 223
Les indications thérapeutiques 223
La réalisation technique........................................................................................................................................... 223
Les prothèses à recouvrement radiculaire 224
Définition 224
Les indications thérapeutiques 224
Les techniques 225
Les avantages, les inconvénients 231
La prothèse immédiate 232
Définition 232
Les principes et indications 233
Les temps de réalisation 233
Le pronostic 239
La prothèse unimaxillaire
Le problème 211
La phase préprothétique 212
Les thérapeutiques 215
La réhabilitation des tissus de soutien
Le traitement des tissus des surfaces d'appui 199
Traitements des problèmes musculo-articulaires 208
Les doléances
Les doléances immédiates 191
Les doléances à court terme 194
Les doléances à long terme 197
L'insertion prothétique
L'analyse critique 179
Les contrôles des prothèses 179
Les préalables aux corrections occlusales 182
Les techniques de corrections occlusales 182
Les conseils 188
Les mises en moufle 173
La finition des prothèses 176
L'analyse critique 177
L'envoi au cabinet dentaire 177
La gériatrie
Patient et gériatrie 281
Le choix thérapeutique 282
Les aspects cliniques 285
Alimentation et sujets âgés 287
Ouvrages à consulter 291
Le laboratoire
Le maquillage des dents prothétiques 263
La personnalisation de la gencive artificielle 264
Les rebasages 265
Les réfections 266
Le duplicata 267
Les bases souples 269
Les réparations 270
L'hygiène au laboratoire 271
Les conseils d'hygiène
La motivation du patient 275
Hygiène et prothèse 276
Conclusion 279
Implantologie et prothèse complète
L'étape pré-implantaire 247
L'étape implantaire post-chirurgicale 253
L'étape post-implantaire 260
Les bases prothétiques renforcées
Le renforcement des bases en résine 241
Les bases métalliques 242
Les milieux de l'enseignement clinique ont de bonnes
raisons de saluer la publication d'un nouvel ouvrage consa-
cré à l'enjeu singulier que représente le traitement des éden-
tés totaux.
Depuis dix à vingt ans, l'amélioration des matériaux de
dentisterie adhésive, la quasi obsession de la dentisterie cos-
métique, et bien sûr la science de l'ostéo-intégration ont
quasiment éclipsé la question pourtant essentielle de l'ap-
proche thérapeutique de l'édentement. C'est bien dom-
mage, puisque relever le défi de l'édentement demande la
prise en compte de paramètres contraignants qui influen-
cent tous les aspects de la réhabilitation orale. Quelques-uns
de ces éléments me viennent immédiatement à l'esprit -
aspects psychosociaux et biologiques du vieillissement,
adaptation du système masticatoire aux divers compromis
morpho-fonctionnels, bases de l'organisation esthétique des
dents, et dans le contexte d'une surface d'appui défavorable
et évolutive, les changements de l'occlusion dus au temps.
De fait, peu de recherches thérapeutiques peuvent reven-
diquer la simplicité relative d'exécution, l'efficacité et le carac-
tère définitif des techniques d'élaboration d'une prothèse
complète, presque toujours appropriée.
Profondément conscients de l'impact de tels paramètres
sur l'ensemble du spectre de la thérapeutique prothétique,
Olivier Hue et Marie-Violaine Berteretche nous offrent une
excellente synthèse des connaissances actuelles sur le sujet.
C'est une feuille de route claire et compréhensible, de celles
qui associent les réalités cliniques inhérentes à cet état aux
stratégies thérapeutiques spécifiques à sa mise en œuvre.
Aujourd'hui, la recherche et l'enseignement en matière
de prothèse ont évolué radicalement depuis les recherches
cliniques fondatrices de Brånemark sur l'ostéo-intégration.
Associé à celui de nombreux autres domaines scientifiques
- épidémiologie, neurosciences, psychologie et santé géria-
trique - son travail a ouvert une thérapeutique entièrement
nouvelle, l'implantologie, qui a déjà élargi et enrichi les pers-
pectives thérapeutiques de ce qui n'était a priori qu'un para-
digme thérapeutique limité.
Les auteurs de ce texte solidement étayé sont pleine-
ment conscients de telles implications, et offrent aux lecteurs
les informations nécessaires à des prises de décisions cli-
niques éclairées, ainsi que les moyens de les mettre en
oeuvre.
Ils parviennent à ce résultat en associant les données de
base, à la fois scientifiques et comportementales, à des pro-
tocoles techniques détaillés. En ceci, ils équilibrent l'art de la
prise en compte du patient et les sciences physiques et bio-
logiques intervenant dans la fabrication des prothèses. Ils
soulignent la conviction émergente des enseignants cli-
niques, pour qui la mise en place des règles de l'élaboration
d'une prothèse complète est, dorénavant, plus que jamais
nécessaire, puisqu'il est manifeste que les thérapeutiques à
supports implantaires sont le prolongement des protocoles
prothétiques traditionnels.
Comme enseignant clinicien et comme praticien, je me
réjouis d'un texte qui plaide avec une telle vigueur pour la
reconnaissance de l'intérêt du milieu édenté. C'est une
contribution de grand prix, à compter parmi les œuvres
majeures de la littérature prothétique.
George A. Zarb
Professeur, responsable du département de prothèse,
Faculté de dentisterie, Université de Toronto, Canada
numerous other scientists in epidemiology, neurosciences,
psychology and gériatric health, has ushered in an entirely
new clinical implant treatment dimension which has already
enlarged and enriched management scope for what was
arguably a limited therapeutic paradigm.
The authors of this well argued text are fully cognizant of
such developments and provide the reader with the requi-
red information to make informed clinical decisions, as well
as how to implement them. They achieve this objective by
correlating basic and behavioural scientific information with
detailed technical protocols. In so doing, they balance the art
of patient management with the physical and biological
sciences involved in prostheses fabrication. They underscore
the emergent clinical educators' conviction that principles in
complete denture fabrication are now more necessary than
ever since it is clear that implant supported treatment is an
outgrowth of traditional prosthodontic protocols.
As a clinical teacher and practitioner I am grateful for a
text which articulates such a strong case for recognizing the
significance of the edentulous milieu. This is one very wor-
thy contribution to the canon of outstanding prosthodontic
literature.
The arrivai of a new book which addresses the unique
treatment challenges of the edentulous patient is arguably a
good cause for celebration in clinical education circles. In the
last decade or two, the development of better adhesive res-
torative materials, a quasi-obsession with cosmetic dentistry
techniques, and of course the science of osseointegration,
have virtually eclipsed the ongoing fundamental concerns
implicit in managing the edentulous predicament. This is
indeed a pity since meeting the challenge of edentulism
demands recognition of compelling determinants which pro-
foundly influence all aspects of oral rehabilitation. A few of
these issues corne to mind right away - psychosocial and
biological aspects of ageing, adaptation of the masticatory
system to diverse morpho-functional compromises, funda-
mentals of esthetic teeth arrangement, and time-dependent
changes in occlusion in the context of variable adverse sup-
port. In fact few therapeutic endeavours can claim the same
relative simplicity of execution, efficacy and effectiveness of
quasi-universal techniques of complete denture fabrication.
Oliver Hue and Marie-Violaine Berteretche are pro-
foundly aware of the impact of such determinants on the
entire spectrum of prosthodontic therapy and have provided
us with an excellent synthesis of current knowledge on the
subject. This is a clear and comprehensive roadmap, one
which marries clinical realities implicit in the condition with
therapeutic strategies for its management.
Today, prosthodontic research and education have evol-
ved dramatically as a resuit of Brånemark's seminal clinical
research on osseointegration. His work, together with that of
George A. Zarb
Professor and Head, Prosthodontics
Faculty of Dentistry, University of Toronto
Aborder le traitement de l'édentement total par la prothèse
adjointe complète peut, en 2003, paraître paradoxal car l'état
d'édenté total va disparaître. Cette discipline est donc, dans
l'esprit de certains praticiens, de censeurs, d'institutions plus
ou moins officielles, vouée à l'extinction. Mais, n'en déplaise
aux différents caciques et pythies qui discourent, régissent
notre profession, nous n'en sommes pas à un paradoxe près.
Paradoxe, car que penser, qu'écrire sur un sujet aussi lar-
gement traité par nos maîtres, ne serait-ce que Merrill
Swenson, dont le premier ouvrage : « Complete Denture »,
en date de 1940, demeure très actuel?
Paradoxe, car la transmission des opinions et des solu-
tions thérapeutiques résulte plus souvent d'une tradition
orale d'un apprentissage manuel que de données basées
sur un véritable fond scientifique. Aux dires de nos détrac-
teurs, nous manquons d'« Evidence Based Dentistry », terme
officiel qui régit nos thérapeutiques. Mais existe-t-il des
« Evidence Based Dentistry » sur le traitement des échecs
therapeutiques?
Paradoxe, car depuis de nombreuses années, voire
décennies, la prévention et la parodontologie auraient dû éli-
miner tout risque d'édentation. Mais combien de parodon-
tologistes se sont-ils tournés vers l'implantologie, confirmant
ainsi la limite des thérapeutiques entreprises?
Paradoxe qui amène l'ensemble de la profession à
importer sur notre territoire entre 16 et 18 millions de dents
prothétiques pour compenser l'édentement de nos patients.
Mais le paradoxe le plus flagrant résulte de l'existence
même de cette pathologie qui représente l'échec patent de
nos thérapeutiques. Cette constatation doit conduire les ins-
tances officielles à tenir compte de cette réalité tant au niveau
des cursus universitaires que des objectifs de santé publique,
et aux praticiens de répondre aux exigences et espérances
des patients en accord avec les solutions actuelles.
Alors comment se retrouver parmi tous ces paradoxes?
Tout d'abord en acceptant cette réalité princeps : l'éden-
tement total existe.
Puis, dans un deuxième temps, en offrant une réponse
thérapeutique à la fois technique et physiologique adaptée
aux conditions cliniques.
La réponse technique doit incorporer les nombreux pro-
grès technologiques qui nous sont offerts, en particulier l'im-
plantologie, les nouveaux matériaux et matériels.
La réponse physiologique correspond à l'adaptation de
nos options thérapeutiques aux exigences et réalités phy-
siopathologiques des malades, en particulier l'autonomie, le
vieillissement et ses conséquences, la présence de patho-
logies générales et leurs incidences directes ou indirectes
sur la cavité buccale.
Enfin, la réponse finale à ces paradoxes ne peut exister
sans un long apprentissage culturel et manuel que nous ont
offert nos maîtres, en particulier Joseph Lejoyeux, André
Pastant, que nous remercions ici. Ils nous ont transmis leur
expérience, leur connaissance, leurs gestes et surtout leur
volonté pour ce qui est le sujet de cet ouvrage : traiter les
patients présentant un édentement total.
Olivier HUE, Marie-Violaine BERTERETCHE
Paris, novembre 2003
En 1915, G.W.Gillet écrivait:
« The next decade will see the end of removable prosthesis and fixed bridgeworks »
J Nat Dent Ass, 1915; 2:215-217
C'est une réalité physiologique essentielle. Ainsi, si en l'an
2000 l'espérance de vie était de 75,2 ans pour les hommes
et 82,7 ans pour les femmes, en 2035 elle devrait s'élever
respectivement à 81,9 ans et 89 ans1
. Ces valeurs corres-
pondent à un gain annuel variant entre 1,5 et 3 mois selon
l'hypothèse choisie. Ainsi en 2050,3 fois plus de personnes
seront âgées de plus de 75 ans et 4 fois plus seront âgées
de plus 85 ans. Cet accroissement de la population âgée se
traduira ainsi par une augmentation très nette dans l'avenir
Une étude de l'INSEE traitant de la projection de la popula-
tion française en 2050 démontre qu'un vieillissement iné-
luctable de celle-ci est prévisible1
. Ce vieillissement sera très
marqué jusqu'en 2035, puis s'atténuera sensiblement en
raison de l'arrivée à des âges élevés de générations moins
nombreuses. Ainsi, en 2035, les personnes âgées de plus
de 60 ans représenteront 1/3 de la population française soit
21 millions, alors qu'en 2000 elles ne représentaient que
1/5 de la population totale. Cette étude permet d'estimer
qu'en 2050 les plus de 60 ans représenteront 35 % de la
population, soit une augmentation de 85 % par rapport à
l'an 2000 (tableau 1-1).
Ces chiffres s'expliquent par l'arrivée dans ces tranches
d'âge de la génération des enfants de l'après-guerre.
Depuis, cette assertion ou prédiction a toujours trouvé de
nombreux échos auprès des odontologistes. Par exemple,
au Royaume-Uni, cette disparition est annoncée vers 2038,
soit 123 ans après celle annoncée par Gillet.
La prévalence des patients édentés est en constante
diminution, et ce résultat escompté est probablement à
mettre en relation avec les changements d'attitude des
patients vis-à-vis des soins dentaires : diminution de
l'anxiété, de la peur, rôle de la prévention, influence de l'in-
formation et de l'efficacité des traitements de la maladie
carieuse et parodontale.
Ces progrès ne peuvent être remis en cause. Cependant,
l'édentement total n'est pas une pathologie en voie de dis-
parition et ce pour les cinq raisons suivantes.
Mais un second paramètre doit aussi être pris en compte,
celui de l'allongement de la durée de vie.
Évolution de la population (des 60 ans et plus) de la
France métropolitaine de 1950 à 2050.
Tableau 1-2 Répartition de la dépendance domestique des per-
sonnes âgées en fonction de l'âge (en %).
Fîg. 1-2 État prothétique chez les patients âgés de 65 à 74 ans.
Un rapport sur l'état de la santé bucco-dentaire en France
permet d'évaluer la proportion des patients porteurs de pro-
thèses adjointes en fonction de leur âge, et les dépenses en
soins dentaires de l'enfance à l'âge adulte2
.
Il apparaît ainsi que sur une population âgée de 65 à
74 ans, 61,5 % de ces sujets sont porteurs de prothèses
adjointes (partielles ou complètes), parmi eux 16,3 % ont
une prothèse complète maxillaire ou mandibulaire et
14,3 % une prothèse complète bimaxillaire (fig. 1-2).
Ces chiffres révèlent un taux d'édentement total non
négligeable, venant corroborer les données de l'industrie,
qui constate que 16 à 18 millions de dents prothétiques ont
été vendues en France en 2000.
Enfin, une étude très récente réalisée aux États-Unis
révèle que, si l'édentement total va diminuer de 10 % par
décade à partir de l'an 2000, en raison du vieillissement de
la population (augmentation de 79 % des plus de 55 ans
pour les 30 années à venir), le besoin en prothèse adjointe
complète va augmenter, passant de 33,6 millions en 1991
à 37,9 millions en 20203
.
Le vieillissement est presque toujours associé à une dété-
rioration des facultés physiques et intellectuelles. Si entre 60
et 75 ans un relatif bien-être existe, il s'oppose à la fragilité
qui atteint les patients à partir de 80 ans (tableau 1-2). 28 %
de ces patients, en majorité des femmes, vivent chez eux,
mais pour la plupart manquent d'autonomie4
. Cette perte
d'autonomie résulte surtout des difficultés à se déplacer, à
marcher, 72 % de ces personnes ont besoin d'aide pour les
tâches domestiques, dont 40 % à un degré élevé ou très
élevé.
Cette tranche de la population est aussi la plus directe-
ment concernée par les traitements prothétiques de l'éden-
tement total, car il existe une relation directe entre l'âge et
le nombre de dents absentes. Les besoins de ces patients
sont élevés (un grand nombre sont édentés complets)
même si ces patients eux-mêmes n'en ont pas toujours
conscience. Leurs traitements ne doivent pas être oubliés,
et ils répondent à une approche spécifique pour chacun.
Selon Ettinger5
, ceux-ci peuvent être classés en trois
groupes :
- Les patients âgés indépendants - Ils vivent de manière
totalement autonome, ils sont parfaitement intégrés
dans une vie sociale, ils représentent 70 % de la popu-
lation âgée. L'importance des soins dentaires n'est limi-
tée que par des problèmes socio-économiques.
- Les patients fragilisés - Ils ont en partie perdu leur indé-
pendance et une aide leur est nécessaire, mais leur vie
sociale n'est que partiellement limitée. Ce groupe repré-
sente environ 20 % des patients de plus de 65 ans.
Par ailleurs, après une augmentation de l'enfance à l'âge
adulte, les dépenses en soins dentaires diminuent chez les
personnes âgées. Cette diminution des dépenses reste une
spécificité du secteur dentaire. Cela doit nous interpeller car,
malgré une évolution positive vis-à-vis de l'accès aux soins
depuis 1970, la fréquentation du cabinet dentaire pour un
groupe de patients entre 65 et 74 ans est faible, 44,8 %
d'entre eux n'ayant pas consulté un praticien depuis au
moins deux ans.
Fig. 1-1 Courbe du nombre de personnes âgées/nombre de per-
sonnes en âge de travailler (Ordonnée : chiffres rapportés pour
1 000 personnes en âge de travailler ; abscisse : années, entre
2000 et 2050).
du rapport entre le nombre de personnes âgées et la popu-
lation en âge de travailler (fig. 1-1).
Rapport 65 ans et plus / 20-64 ans
- Les patients dépendants - Les patients ne sont plus du
tout autonomes, ils représentent 10 % de la population
âgée. La moitié de ces patients vit en institution, l'autre
à domicile.
pour le praticien. Ces patients sont alors handicapés tant
socialement que fonctionnellement.
Ainsi, l'ensemble de ces éléments nous conduit à une
constatation essentielle : l'édentement total ne disparaî-
tra pas.
La réalisation d'une prothèse adjointe complète ne doit être,
ni pour le patient ni pour le praticien, considérée comme un
simple acte technique, mais au contraire être reconnue,
comprise comme un véritable acte thérapeutique. Cela
sous-entend, non seulement un suivi et une maintenance
annuelle, mais aussi, avec le temps, un renouvellement des
prothèses si nécessaire.
Après seulement 5 années, environ 50 % des prothèses
existantes devraient être remplacées. En dépit de ces consta-
tations, les patients continuent à porter des prothèses qui
deviennent inadaptées, polluées, entraînant à long terme
non seulement des problèmes pour le patient mais aussi
1. Brutel C. Projections de la population à l'horizon 2050. INSEE
Première, mars 2001 ; n° 762.
2. La santé bucco-dentaire en chiffre. Dossier COME ADR Paris:
1998.
3. Douglass CW, Shih A, Ostry L. Will there be a need for complete
dentures in the United States in 2020? J Prosthet Dent, 2002 ;
87: 5-8.
4. David MG, Starzec D, Starzec C. Aisance à 60 ans, dépendance
et isolement à 80 ans. INSEE Première, avril 1996; n° 447
5. Ettinger RL, Beck JD. Geriatric dental curriculum and the needs
of the elderly. Spec Care Dentist, 1984 ; 4: 207-213.
Les facteurs étiologiques
Les facteurs généraux
- Le vieillissement est le fadeur étiologique principal de la
résorption osseuse à long terme. L'os est en perpétuel
remaniement, et si l'ostéogenèse est supérieure à l'os-
téolyse jusqu'à l'âge de trente ans, au-delà le phéno-
mène s'inverse, la résorption s'installe alors de manière
inexorable. En effet, le vieillissement s'accompagne d'ef-
fets secondaires importants comme des changements
Après l'extraction, la cicatrisation alvéolaire s'effectue sous
l'influence des processus d'apposition et de résorption. Deux
mois après l'extraction, la muqueuse kératinisée recouvre le
L'os alvéolaire joue un rôle très spécifique dans le soutien
de l'organe dentaire au sein des maxillaires. En effet, il fait
partie du parodonte et sert d'attache au ligament alvéolo-
dentaire. Ce « processus » alvéolaire s'est développé sous
l'influence de la croissance de la dent et de l'éruption den-
taire. Lors d'une extraction, le phénomène de cicatrisation
de l'alvéole déshabitée se développe pour se terminer
douze semaines plus tard.
Cette phase de cicatrisation met en jeu deux phéno-
mènes totalement opposés, d'une part un phénomène
d'apposition visant à combler l'alvéole mais aussi un phé-
nomène de résorption.
En effet, dès l'extraction d'une dent, la résorption com-
mence. Elle se déroule en deux temps : la résorption immé-
diate suivant le geste chirurgical et la résorption à moyen et
long terme qui se poursuit de façon chronique et qui est
influencée par des facteurs généraux et locaux.
Chez les patients édentés totaux, le port d'une prothèse
adjointe complète implique un appui et une participation,
directe ou indirecte, des tissus de la cavité buccale. Ces tis-
sus sont au nombre de trois : le tissu osseux, la muqueuse,
et l'articulation temporo-mandibulaire, tissus auxquels
s'ajoutent la salive et son parenchyme.
site, l'os nouvellement formé remplit l'alvéole mais n'atteint
pas le niveau osseux original pré-extractionnel, premier signe
de la résorption1
. Puis, pendant les quatre mois suivants, le
phénomène se poursuit, plus de 50 % du taux global de la
résorption osseuse est alors atteint.
Selon les patients, selon les conditions cliniques, l'am-
plitude de ce phénomène varie d'environ 3 mm ; au pre-
mier rang des causes de ces variations, le geste chirurgical
est fondamental. En effet, tout traumatisme lors de l'extrac-
tion dentaire (fracture de la corticale externe, alvéolecto-
mie...) provoque une résorption immédiate très marquée,
suivie d'une résorption similaire à celle associée à une extra-
ction simple : la perte osseuse reste ainsi toujours supérieure
lorsque le trauma chirurgical est important (fig. 2-1).
À ce stade de la cicatrisation alvéolaire, le processus de
résorption osseuse immédiate est terminé, mais il se pro-
longe par une résorption à moyen et à long terme impli-
quant alors la crête édentée.
La résorption osseuse se révèle ainsi être un phénomène
chronique, progressif, cumulatif et irréversible.
métaboliques, l'apposition minérale osseuse diminue
avec un allongement des cycles de remodelage.
- Avec l'âge, un autre risque apparaît, le défaut d'absorp-
tion du calcium. Il peut être dû à un déficit en vitamine
D, à une production réduite de 1,25-dihydroxy-vitamine
D ou à une résistance intestinale à son absorption, enfin,
à une sécrétion réduite de calcitonine (tableau 2-1).
- Ces altérations du métabolisme de la vitamine D, spéci-
fiques de la personne âgée, entraînent un défaut de
minéralisation des os, d'où une fragilité accrue, mais,
aussi, une résorption et une diminution de la masse
osseuse.
- Par ailleurs, le taux des hormones parathyroïdiennes, qui
stimulent la résorption osseuse, augmente avec l'âge et
leur sécrétion est également stimulée par le défaut d'ab-
sorption du calcium. Ainsi, cet excès de parathormone
contribue aussi à une perte accrue de tissu osseux2
.
- L'ostéoporose sénile, résorption de l'os cortical et de l'os
trabéculaire, touche tous les individus. Mais, chez les
femmes après la ménopause, le remodelage osseux
augmente en raison du nouvel équilibre hormonal qui
conduit à une réduction accentuée de la masse osseuse.
On parle alors d'ostéoporose postménopausique, où la
perte des trabéculations prédomine. La déficience en
œstrogènes est mise en cause, cependant, malgré des
thérapeutiques préventives, cette résorption persiste ; en
réalité, la progestérone semble également impliquée
dans ce phénomène3
.
Tableau 2-1 Hormones impliquées dans le remodelage osseux.
- Les cytokines, substances protéiques sécrétées au
niveau osseux par les lymphocytes ou les monocytes
activés, par les plaquettes ou les cellules osseuses elles-
mêmes, participent à la régulation ostéogenèse-ostéo-
lyse. Cependant, mis à part le TGFβ (Transforming
Growth Factors β), la plupart des cytokines inhibent la
formation osseuse, parmi lesquelles l'interleukine 1 (IL-1)
et l'interleukine 6 (IL-6) sont de puissants stimulateurs de
la résorption.
- Les neuropeptides, produits par les cellules inflamma-
toires sont aussi mis en cause dans la réponse à une
agression externe (pression excessive, déséquilibre
occlusal...), et ces facteurs tendent à accroître la résorp-
tion osseuse. Enfin, une utilisation prolongée de cortico-
stéroïdes entraîne une réduction de la densité osseuse
par une inhibition de l'ostéogenèse.
Les facteurs locaux
L'extraction dentaire réalisée, les paramètres cités comme
localement impliqués dans la résorption sont nombreux:
durée de l'édentement, adaptation de la prothèse, habitudes
concernant le port continu ou discontinu de la prothèse,
occlusion et forces exercées sur les surfaces d'appui, para-
fonctions, hygiène4
...
- La durée de l'édentement fut longtemps reliée au degré
de résorption des crêtes. Mais, si la résorption est un phé-
nomène continu, élevé durant la première année suivant
les extractions, elle décroît ensuite de façon très nette5
.
Cela explique qu'il n'existe pas de relation statistique-
ment significative entre le niveau de résorption et la
durée de l'édentement6
.
- Une mauvaise adaptation prothétique, une occlusion non
équilibrée ou des parafonctions surchargent certaines
zones de la surface d'appui augmentant la résorption.
De même, lorsqu'une prothèse complète maxillaire est
opposée à un édentement partiel mandibulaire, avec pré-
sence du groupe incisivo-canin, une résorption très marquée
est presque toujours observée dans la région antérieure
maxillaire.
Fig. 2-1 Amplitude de la résorption.
Accentuation de la résorption provo-
quée par une extraction chirurgicale.
(D'après Watt et Mc Gregor)
Fig. 2-2a Comparaison du degré de
résorption, dans le plan horizontal,
après insertion d'une prothèse immé-
diate comparativement à une prothèse
classique après cicatrisation (Rouge:
prothèse immédiate - Jaune : pro-
thèse mise en place après la cicatrisa-
tion). (D'après Watt et Me Cregor)
Fig. 2-2b Comparaison du degré de
résorption, dans le plan vertical, après
insertion d'une prothèse immédiate
comparativement à une prothèse
classique après cicatrisation (Rouge :
prothèse immédiate - Jaune : pro-
thèse mise en place après la cicatri-
sation). (D'après Watt et Mc Cregor)
Si un stress mécanique important accentue le remode-
lage osseux, l'absence de stimulation de l'os par la prothèse
n'est pas, a contrario, un environnement favorable. Cette
absence rompt le couplage ostéogénèse-ostéolyse, et cette
« non-fonction » des surfaces d'appui accroît la résorption
répondant à une atrophie du tissu osseux7
.
La comparaison du taux de résorption après pose
d'une prothèse immédiate ou insertion ultérieure d'une
prothèse classique montre que la résorption est légère-
ment diminuée lorsqu'une prothèse immédiate est mise
en place. Mais, à long terme, deux ans et demi après les
extractions, la différence du niveau de résorption est négli-
geable (fig. 2-2a, b).
Cette évolution des structures osseuses sous l'effet de
stress mécaniques a été décrite sous l'intitulé « lois de Wolf »,
qui relient directement le développement et l'adaptation des
structures osseuses aux forces mécaniques exercées8
.
En conclusion, il n'existe pas un facteur étiologique domi-
nant vis-à-vis de la résorption des crêtes édentées. Ce phé-
nomène résulte de la combinaison de facteurs généraux
(métaboliques, hormonaux...) et de facteurs locaux (ana-
tomiques, mécaniques...).
L'aspect quantitatif
À la suite des extractions dentaires, l'importance de la résorp-
tion osseuse varie d'un patient à l'autre, et selon le site consi-
déré.
Au terme de l'année ayant suivi les extractions, 72 % de
la résorption sont déjà intervenus; durant les deux ans et
demi qui suivront, le taux de résorption ne représente plus
que 8 % de la résorption totale (tableau 2-2).
Des différences très nettes existent également entre le
maxillaire et la mandibule. La résorption à la mandibule est
telle qu'elle perd 60 % de sa masse osseuse ; de plus, com-
parativement au maxillaire, dans la région antérieure, le taux
de résorption mandibulaire est quatre fois plus important9
(fig. 2-3).
Enfin, le sens de la résorption diffère :
- Au maxillaire, seule la partie centrale de la voûte palatine
est épargnée par la résorption, qui intéresse de façon
prédominante les versants vestibulaires des crêtes éden-
tées : la résorption est centripète.
Tableau 2-2 Taux moyen de résorption des crêtes édentées dans
le temps par rapport à la résorption totale. (D'après Watt et Mc Cregor)
Pour simplifier ces descriptions Atwood (1965) a pro-
posé une classification définissant 6 groupes, selon l'impor-
tance de la résorption de l'arcade mandibulaire (fig. 2-4).
Vingt ans plus tard, Zarb et Lekholm (1985) ont à leur
tour proposé une classification combinant le degré de
résorption à la mandibule et au maxillaire, mais appréciant
aussi la qualité osseuse en vue de faciliter l'analyse pré-
implantaire10
(fig. 2-5 ; tableau 25-3).
Fig. 2-3 Résorption osseuse maxillaire et mandibulaire, groupe A
pendant les 13,5 premières années, groupe C entre 10 et 25ans.
Après les extractions: la résorption est nettement plus élevée à l'ar-
cade mandibulaire. (D'après Tallgren5
)
- À la mandibule, la résorption intéresse d'une façon égale
l'os spongieux et l'os cortical, la réduction importante en
hauteur des crêtes édentées entraîne un « élargissement»
de l'arc mandibulaire : la résorption est dite centrifuge.
La résorption osseuse entraîne des changements de la
dimension et des profils des arcades ainsi que des relations
inter-arcades. Il existe une grande diversité de forme et de
taille des crêtes résiduelles; l'étude céphalométrique des
téléradiographies de profil permet d'évaluer cette évolution.
Fig. 2-4 Classification d'Atwood : phases d'évolution de la crête
antérieure à la suite des extractions. - Phase I avant l'extraction. -
Phase II après l'extraction. - Phase III crête haute arrondie. - Phase IV
crête en lame de couteau. - Phase V crête basse arrondie. - Phase VI
crête déprimée.
La muqueuse buccale se compose d'un épithélium et d'un
tissu conjonctif sous-jacent richement vascularisé. La jonc -
tion entre ces deux tissus est assurée par la membrane
basale (fig. 2-5).
L'épithélium
C'est la partie la plus superficielle de la muqueuse. Composé
de 3 à 5 couches cellulaires, l'épithélium buccal est du type
pavimenteux pluristratifié kératinisé ou non.
Au niveau de la voûte palatine et des crêtes, la couche
la plus externe est kératinisée et deux types de kératinisa-
tion sont décrits: l'orthokératose et la parakératose.
L'orthokératose se distingue par une couche cornée où tous
les organites cellulaires ont disparu, à la différence de la para-
kératose où des organites cytoplasmiques sont encore
visibles.
Mais surtout, le maintien de l'intégrité de l'épithélium
dépend des cellules de la couche la plus profonde, la couche
basale. Partant de cette dernière les cellules se renouvellent,
La cavité buccale est recouverte, selon la région considérée,
par « trois types » de muqueuses distinctes : la muqueuse
masticatoire (le palais dur et les crêtes), la muqueuse de
recouvrement (la face interne des joues, les lèvres, le plan-
cher de la bouche et la muqueuse alvéolaire) et la
muqueuse spécialisée (la face dorsale de la langue). Ces
muqueuses présentent des structures histologiques diffé-
rentes, caractéristiques de leur fonction.
Leur rôle est triple : un rôle de protection des tissus sous-
jacents vis-à-vis des agressions externes mécaniques, chi-
miques et microbiennes; un rôle sensoriel de transmission
des informations thermiques, tactiles (texture des aliments)
et gustatives (muqueuse dorsale de la langue) ; enfin, un
rôle plus limité de régulation thermique et hydrique.
Avec la perte des organes dentaires et le port d'une pro-
thèse amovible, la structure histologique de la muqueuse
évolue, et ses caractéristiques biomécaniques « participent»
aux réactions tissulaires engendrées par l'application de
forces. Par ailleurs, des lésions muqueuses très diverses peu-
vent être observées, lésions dont la fréquence augmente
avec le port d'une prothèse amovible.
passant par les différents stades de maturation pour arriver
à la surface. La durée de ce cycle ou turn-over est d'environ
21 jours.
La jonction épithélio-conjonctive
La membrane basale joue un double rôle. D'une part, elle
assure la jonction et l'ancrage entre l'épithélium et le tissu
conjonctif et d'autre part, elle.crée l'herméticité entre ces
deux mêmes tissus. Cette membrane n'est pas une struc-
ture inerte. En effet, son architecture caractéristique dite en
doigts de gants peut être modifiée par des pressions exces-
sives. Dans ce cas, le nombre de digitations diminue et leur
taille se réduit (fig. 2-5). Mais surtout, en présence d'un état
inflammatoire cette membrane qui a aussi un rôle de filtra-
tion, s'épaissit et se rompt en de nombreux points laissant
passer certains métabolites qui contribuent à la résorption.
Fig. 2-5 Coupe histologique de la muqueuse buccale : 1) épithé-
lium pluristratifié kératinisé ; 2) jonction épithélio-conjonctive à l'as-
pect caractéristique en doigts de gant ; 3) lamina propria. (Coloration
hématoxyline éosine - grossissement x 25)
Le tissu conjonctif
Les propriétés biomécaniques du tissu conjonctif découlent
de ses caractéristiques histologiques.
Il se subdivise en deux zones: la lamina propria et la
sous-muqueuse.
La lamina propria correspond au tissu conjonctif situé sous
la membrane basale. Elle comprend des éléments cellulaires
(fibroblastes, macrophages, cellules inflammatoires...) et une
matrice extracellulaire dont la composition détermine les pro-
priétés de résistance et d'élasticité de ce tissu.
La résistance aux contraintes mécaniques découle de la
présence et du nombre de fibres de collagène. Regroupées
en faisceaux, ces fibres créent un réseau parfaitement orga-
nisé jouant un rôle « tampon » (fig. 2-6).
Fig. 2-6 Coupe histologique de la muqueuse buccale : mise en
évidence des différentes orientations des faisceaux de fibres de col-
lagène, apparaissant vert ou jaune sous la lumière polarisée.
(Coloration de Junqueira, grossissement x 64)
L'élasticité résulte de la présence de fibres élastiques.
Elles sont peu nombreuses au niveau des muqueuses de la
surface d'appui, mais beaucoup plus fréquentes au niveau
des muqueuses de recouvrement non kératinisées (joues,
zones de réflexion, lèvres).
La sous-muqueuse contient des amas graisseux et des
glandes salivaires mineures, elle sépare la muqueuse des
tissus musculaires ou osseux sous-jacents. Elle est particu-
lièrement présente dans les régions latérales de la voûte
palatine au niveau des zones dites de Schroeder.
L'innervation et la vascularisation
de la muqueuse buccale
L'innervation sensorielle de la muqueuse buccale est extrê-
mement riche. En dehors de la température, les différents
récepteurs présents au sein de la muqueuse analysent pré-
cisément les caractéristiques des pressions et de la douleur.
De plus, il existe un gradient de sensibilité dans la cavité
buccale, les régions antérieures présentant une plus grande
densité de terminaisons nerveuses.
L'ensemble de ces informations gagne les centres supé-
rieurs par des voies multiples, qu'elles soient trigéminales,
faciales VII, dépendantes du IX ou du X.
La vascularisation résulte d'un réseau relativement com-
plexe ayant pour origine les artères situées dans la sous-
muqueuse. Si celles-ci sont absentes comme dans certaines
régions du palais dur, le réseau vasculaire émerge d'artères
localisées dans la partie profonde du tissu osseux.
L'incidence de l'âge
Il est communément admis que le vieillissement s'accom-
pagne de changements conduisant à des altérations irré-
versibles au niveau tissulaire et fonctionnel.
En réalité, l'âge n'est pas un paramètre responsable des
modifications de la muqueuse buccale12
. Celle ci apparaît plus
lisse, plus sèche, revêtant un aspect satiné, mais cet aspect
doit être imputé à l'incidence des maladies systémiques, de
leurs effets cumulatifs et des traitements médicamenteux13
.
Sur le plan histologique, les variations d'épaisseur de
l'épithélium ne sont pas significatives, et le renouvellement
cellulaire ne semble pas être affecté par le vieillissement
(fig. 2-7); seule l'architecture de la jonction épithélio-
conjonctive semble se modifier ainsi que la lamina propria
qui comporterait des faisceaux de fibres collagène plus
denses avec des liaisons croisées plus nombreuses.
des altérations est directement liée à l'intensité et à la durée
de la force exercée. Alors que le recouvrement, sans pres-
sion, de la muqueuse palatine par une base prothétique
n'entraîne pas de modification tissulaire, l'application de
pressions entraîne des changements proportionnels à leur
intensité16,17
.
Viscoélasticité et vieillissement
L'âge est aussi un paramètre important quant au comporte-
ment de la muqueuse vis-à-vis des charges occlusales. En
effet, les résultats montrent que si les courbes concernant
la compression sont identiques, le comportement des tissus
dans la phase de récupération est fonction de l'âge : plus le
patient est âgé, moins la récupération élastique immédiate
est importante, et plus la récupération différée est lente.
Viscoélasticité et microcirculation
Les pressions exercées sur la muqueuse entraînent un
déplacement, une déformation des tissus et, par consé-
quent, elles engendrent des perturbations de la microvas-
cularisation muqueuse. Dès l'application d'une pression, le
flux sanguin est réduit, la muqueuse blanchit, phénomène
qui persiste tant que la pression est maintenue'8
.
Cette atteinte de la vascularisation est importante vis-à-
vis du développement d'un état inflammatoire. En effet, le
système vasculaire est impliqué au premier plan dans la libé-
ration des neuromédiateurs, qui seront engagés dans l'éta-
blissement de l'inflammation, et au-delà dans les phéno-
mènes de résorption osseuse.
À l'arrêt de la pression, le flux sanguin retrouve immé-
diatement son niveau initial, la « récupération » est donc
beaucoup plus rapide qu'au niveau muqueux.
Muqueuse buccale et prothèse
L'association entre le port d'une prothèse amovible corn-
plète et des modifications de la muqueuse buccale est fré-
quente. Les variations portent essentiellement sur l'épais-
seur de l'épithélium et de la couche cornée, le degré de
kératinisation, et sur la nature de la jonction épithélio-
conjonctive.
La stimulation mécanique liée au port d'une prothèse
entraîne tout d'abord un épaississement de l'épithélium et
une kératinisation accentuée19
. Mais ensuite, la couche cor-
née diminue et l'orthokératose habituelle laisse place à une
parakératinisation. De plus, un aplatissement de la mem-
brane basale et une réduction du nombre des digitations
épithélio-conjonctives s'installent20
. Cette évolution est
interprétée comme une adaptation tissulaire aux charges
appliquées sur la surface d'appui (fig. 2-8a, b). Une corré-
lation élevée existerait ainsi entre les changements histo-
pathologiques observés et l'intensité des pressions appli-
quées21
.
Fig. 2-7 Coupe histologique de la muqueuse buccale : mise en
évidence du renouvellement cellulaire au sein de la couche basale
de l'épithélium à l'aide de la bromo-désoxyuridine (BrDu), mar-
queur de la division cellulaire. Les cellules en division apparaissent
brunes. (Grossissement x 64)
Lorsqu'une force est appliquée au niveau de la muqueuse
buccale, le comportement des tissus dépend de leurs pro-
priétés viscoélastiques et du comportement hémodyna-
mique de la microcirculation tissulaire.
La viscoélasticité résulte de la combinaison des caracté-
ristiques élastiques et visqueuses de la muqueuse. Si une
force est appliquée sur un matériau élastique, le déplace-
ment est immédiat jusqu'à l'arrêt de l'application de la force.
À l'opposé, un matériau visqueux est déformé progressive-
ment jusqu'à atteindre son état d'équilibre. La viscoélasticité
se caractérise par la combinaison des deux comportements
précédents14
.
Les propriétés hémodynamiques concernent l'écoule-
ment du sang et des éléments figurés dans les artérioles et
les veinules ainsi que le comportement des fluides de la
matrice extracellulaire.
Viscoélasticité et comportement tissulaire
Les études de base concernant la viscoélasticité muqueuse
ont été réalisées par Kydd et col (1976), elles rapportent
que l'application de toute pression sur la muqueuse
entraîne une déformation élastique immédiate, suivie d'une
déformation différée15
. Cette déformation s'accompagne
d'une réduction d'épaisseur de l'épithélium, et d'un apla-
tissement de la jonction épithélio-conjonctive. L'importance
Fig. 2-8 Coupe histologique de la muqueuse buccale : aspect de la jonction épithélio-conjonctive. Marquage (de couleur marron) à l'aide
d'un anticorps anti-laminine, protéine caractéristique de la membrane basale. (Grossissement x 25)
Fig. 2-8a Jonction épithélio-conjonctive chez un patient non por-
teur de prothèse caractérisée par un aspect en doigts de gant.
Fig. 2-8b Chez un patient porteur d'une prothèse amovible, un
net aplatissement de la membrane basale est observé.
Les lésions de la muqueuse buccale
Le développement de lésions muqueuses associées au port
d'une prothèse amovible complète est fréquent. Des réac-
tions allergiques à l'un des constituants de la prothèse ont
été évoquées, mais les lésions résultent le plus souvent d'un
trauma mécanique ou d'une irritation chronique liée à la
plaque microbienne présente sur la prothèse.
Les réactions allergiques sont les moins fréquentes. Elles
sont le plus souvent provoquées par un excès de monomère
résiduel dans la résine de la base prothétique, excès présent
dans les résines auto-polymérisables ou lors d'un défaut de
polymérisation à chaud.
Les lésions traumatiques sont de plusieurs types : les
ulcérations, les hyperplasies muqueuses, les crêtes flot-
tantes, les chéilites angulaires.
Les ulcérations
Les ulcérations sont des lésions apparaissant le plus souvent
quelques jours après l'insertion de nouvelles prothèses pré-
sentant des zones en surextension ou un défaut d'équili-
bration occlusale. Ce sont des lésions localisées au contour
net et au fond jaunâtre (fig. 2-9).
Fig. 2-9 Ulcération muqueuse à la face interne de la tubérosité.
Fig. 2-10 Prolifération hyperplasique située dans le vestibule en
relation avec un bord prothétique erroné.
Les crêtes flottantes
Les crêtes flottantes sont composées d'un tissu fibreux
épais, non adhérent au(x) plan(s) profond(s), qui com-
pense la fonte osseuse. Il n'y a pas de changement de
volume mais un changement dé nature des tissus sous-
jacents (fig. 2-11 et 2-12).
Elles se situent le plus souvent dans les régions antéro-
supérieures, lorsque des pressions importantes s'exercent à
ce niveau, par exemple en présence de dents naturelles
antagonistes.
Les hyperplasies
Les hyperplasies sont une réaction inflammatoire chronique
des tissus due à une prothèse inadaptée, présentant des
sous-extensions, des bords trop fins... Elles sont localisées
au niveau des bords prothétiques, dans le vestibule gingivo-
labial ou gingivo-jugal. Ces proliférations hyperplasiques,
replis flottants quelque peu fermes, sont simples ou mul-
tiples (fig. 2-10).
Fig. 2-11 Crête flottante antérieure maxillaire.
- Stomatite de type 3 - Hyperplasie papillaire de la voûte
palatine
Plusieurs facteurs étiologiques sont évoqués : le recou-
vrement de la muqueuse par la prothèse (trauma prothé-
tique, hygiène réduite), des réactions inflammatoires ou
allergiques à différents composants de la prothèse, enfin,
une infection fongique (Candida Albicans).
L'articulation temporo-mandibulaire est décrite comme une
diarthrose bicondylienne constituée par le processus condy-
lien, l'éminence temporale et, entre les deux, le disque arti-
culaire. Il s'agit d'une articulation siamoise, où les deux com-
plexes disco-condyliens s'articulent avec les éminences
temporales (fig. 2-13a).
Le terme de stomatite prothétique est utilisé pour désigner
une inflammation des muqueuses qui supportent une pro-
thèse amovible; ce type de lésion atteint plus de la moitié
des patients porteurs de prothèses.
La stomatite sous-prothétique est caractérisée par un
érythème et un œdème d'une partie ou de la totalité de la
muqueuse palatine et des crêtes alvéolaires en contact avec
la prothèse22
.
Trois types de stomatites prothétiques ont été décrits par
Newton (1962)23
:
- Stomatite de type 1 - Inflammation simple localisée, se
manifestant par de petites aires d'inflammation locale de
la voûte palatine.
- Stomatite de type 2 - Érythème diffus en relation uni-
quement avec la prothèse.
Fig. 2-12 Coupe histologique d'une crête flottante mettant en évi-
dence un abondant tissu cellulo-graisseux dans les couches pro-
fondes. Les cellules adipeuses apparaissent comme des « bulles »
gris clair. (Coloration bleu de toluidine - grossissement x 63)
Les chéilites angulaires
Ces lésions, qui affectent les commissures labiales, ont sou-
vent une origine infectieuse, mais le port d'une prothèse
amovible compte parmi les facteurs prédisposants, notam-
ment des prothèses anciennes avec un effondrement de la
dimension verticale d'occlusion.
L'articulation cesse sa croissance vers l'âge de vingt ans. Les
surfaces articulaires sont alors arrondies et lisses. Cependant,
cette morphologie se modifie au cours de la vie en réponse
aux surcharges fréquentes auxquelles sont soumises les ATM.
Ces modifications sont liées au nombre, à la morphologie
occlusale des dents restantes, à l'âge, au type squelettique.
Ces changements sont une adaptation physiologique
aux contraintes auxquelles les structures articulaires sont
soumises. Ces contraintes se traduisent par des phéno-
mènes de remodelage qui portent essentiellement sur le
processus condylien. Ces remodelages sont progressifs,
régressifs, périphériques. Les processus condyliens chan-
gent de forme, ils s'aplatissent, s'ovalisent, présentent des
méplats24
(fig. 2-13b).
Les études radiologiques des structures articulaires
démontrent que les altérations condyliennes s'accroissent
avec l'âge25
. Vers 50-60 ans la surface condylienne apparaît
irrégulière (présence d'ostéophytes, de concavités...), au-
delà de 70 ans, l'aspect général est caractérisé par un apla-
tissement des structures (tableau 2-3).
Des études réalisées chez les lapins ont mis en évidence
une corrélation directe entre l'importance des surcharges arti-
culaires et les altérations histologiques observées au niveau
Tableau 2-3 Répartitions et types des altérations de la morpholo-
gie du processus condylien.
Fig. 2-13 Évolution de la morphologie condylienne. (Documents J.P. Yung, P. Carpentier)
Fig. 2-13a Articulation temporo-mandibulaire chez un sujet jeune. Fig. 2-13b Articulation temporo-mandibulaire chez un sujet âgé
édenté.
Cliniquement ces altérations évoluent avec des phases
plus ou moins algiques sur une durée de moins d'un an.
Fig. 2-14 Ostéoarthrose condylienne chez un patient édenté total.
discal et au niveau du cartilage condylien26
. Ces changements
répondent jusqu'à un certain seuil au phénomène de remo-
delage et représentent une adaptation fonctionnelle.
Cependant, les capacités d'adaptation sont quelquefois
dépassées, les disques articulaires sont perforés, se déplacent,
mais surtout les phénomènes d'ostéo-arthrose s'installent. Les
surfaces articulaires deviennent éburnées27
(fig. 2-14).
Fig. 2-15a Fréquence des bruits articulaires en fonction de la
rétention de la prothèse mandibulaire.
Fig. 2-15b Fréquence des bruits articulaires en fonction de la sta-
bilité de la prothèse mandibulaire.
Il n'existe pas, en réalité, d'études concluantes sur l'efficacité
des traitements occlusaux dans la prévention ou le traite-
ment des désordres temporo-mandibulaires28
.
L'influence de la perte des dents sur l'étiologie des dys-
fonctions doit donc être reconsidérée. Ainsi, si les change-
ments morphologiques augmentent avec l'âge et la perte des
dents, il n'existe pas de corrélation significative avec la pré-
sence de signes ou symptômes de dysfonctions temporo-
mandibulaires29
. Bien que de nombreuses études aient
considéré l'édentement, et la perte du calage postérieur,
comme un facteur étiologique important, en réalité, une
adaptation de la fonction intervient grâce au remodelage
osseux30,31
. Seuls 5 % de patients édentés, ne portant pas
de prothèse, présentent des signes moyens de désordres
temporo-mandibulaires et aucun des dysfonctions sévères.
Par contre, l'instabilité des prothèses, le manque de
rétention semblent s'associer avec la présence de bruits arti-
culaires (claquement, crépitation) (fig. 2-15a, b).
Par conséquent, l'édentement total et le port de pro-
thèses complètes ne doivent pas être considérés comme
des facteurs étiologiques entraînant l'apparition de
désordres temporo-mandibulaires. Leur fréquence chez
l'édenté total est inférieure à celle des patients dentés. Enfin,
un nouveau traitement prothétique ne doit pas être entre-
pris uniquement dans le but de traiter une dysfonction, l'étio-
logie de ces désordres restant en fait plurifactorielle.
Chez les patients porteurs de prothèses complètes, la salive
remplit des fonctions aussi capitales que nombreuses. Ces
fonctions sont bien sûr la préservation et le maintien de l'in-
tégrité des tissus de la cavité buccale, mais aussi des rôles
biomécaniques et fonctionnels.
La réponse à ces fonctions dépend de la quantité et de
la qualité du fluide salivaire sécrété.
niques, directement ou indirectement liées au port de la pro-
thèse, mais aussi un rôle d'adhésion et de rétention. De plus,
la présence de mucines facilite la mastication, la déglutition
et la phonation33
.
Les parotides sont des glandes salivaires dites séreuses,
les glandes sublinguales et sous-mandibulaires sont des
glandes mixtes. La salive produite est « plus aqueuse ».
Le flux salivaire n'est pas constant, il existe une grande
variabilité selon les individus, selon les moments de la jour-
née et selon la présence ou non d'une stimulation (3 types :
mécanique ou masticatoire, gustatif, olfactif). Le rythme cir-
cadien régit le flux salivaire avec une sécrétion minimale la
nuit, maximale après une stimulation. Seules les glandes
salivaires mineures conservent un niveau de sécrétion
inchangé.
Avec le vieillissement, des changements de structure des
glandes salivaires interviennent. La proportion des cellules
acineuses, cellules sécrétrices du parenchyme glandulaire,
est réduite, remplacée par du tissu adipeux34
. Ces transfor-
mations concernent indifféremment les glandes salivaires
majeures et mineures.
Cependant, de façon étonnante, il n'existe pas de modi-
fication évidente du flux salivaire chez les personnes âgées
en bonne santé35
. Au niveau des glandes parotides, qui pro-
duisent de 50 % à 65 % du volume salivaire stimulé, le flux
stimulé et non stimulé reste identique quel que soit l'âge
des patients36
. Mais des études ont montré une diminution
significative de la concentration en mucines salivaires, bien
qu'aucune altération des cellules sécrétoires muqueuses
n'ait été mise en évidence37,38
.
Finalement, il reste difficile d'apporter une conclusion
générale sur l'incidence de l'âge vis-à-vis de la sécrétion sali-
vaire, car d'autres paramètres comme l'équilibre alimentaire
et la santé des patients sont des facteurs influant sur la phy-
siologie salivaire39
.
La salive possède aussi une activité antibactérienne
grâce à la présence de facteurs immunologiques (IgA sécré-
toires, IgM et IgG) et non immunologiques tels des pro-
téines, des peptides et des enzymes. Elle possède un pou-
voir tampon par l'intervention des bicarbonates (HCO-
3 et
H2C03). Enfin, la salive a un rôle important dans la gusta-
tion et elle assure le début de la digestion des aliments.
La salive ou salive totale est un liquide physiologique sécrété
partrois paires de glandes salivaires majeures (parotides, sub-
linguales et sous-mandibulaires) et par des glandes mineures
(labiales, buccales, linguales et palatines) (fig. 2-16).
Fig. 2-16 Glandes salivaires mineures palatines nettement objec-
tivables sur une empreinte à l'alginate dans les secteurs latéraux
postérieurs.
Les glandes majeures produisent près de 90 % du flux
total en absence de stimulation.
Mais la qualité de la salive produite par les glandes sali-
vaires mineures est très différente. Ce sont des glandes dites
muqueuses, sécrétant une salive riche en mucines (glyco-
protéines) qui jouent un rôle capital pour la prothèse
adjointe complète. Ces mucines possèdent une faible solu-
bilité, une haute viscosité et élasticité et, enfin, un coefficient
d'adhésion élevé32
. Ainsi, elles donnent à la salive
muqueuse des propriétés essentielles de lubrification et de
protection de la muqueuse vis-à-vis des agressions méca-
L'existence de pathologies et leurs traitements peuvent être
à l'origine de perturbations fonctionnelles des glandes sali-
vaires. Ces altérations, plus ou moins sévères, sont ou non
réversibles, il s'agit le plus souvent d'une hyposialie (dimi-
nution de la sécrétion salivaire), voire d'une asialie (absence
totale de sécrétion).
Chez les patients âgés, un nombre croissant de patho-
logies est observé, et les traitements médicamenteux pres-
crits possèdent des effets secondaires, parmi lesquels fré-
quemment une xérostomie (altération de la sécrétion
salivaire) (chapitre 4). Cet effet est plus ou moins transitoire
et il disparaît à l'arrêt de la prise du médicament; mais, dans
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le cas de pathologies chroniques, une xérostomie perma-
nente due au traitement pharmacologique peut s'installer.
De même, après ablation chirurgicale ou atteinte irré-
versible des tissus glandulaires due à une radiothérapie de
la sphère oro-faciale, la sécrétion salivaire est réduite défini-
tivement.
Les conséquences cliniques sont nombreuses et concer-
nent simultanément les tissus, les fonctions et le port des
prothèses amovibles40
(tableau 2-4).
Tableau 2-4 Conséquences cliniques des hyposialies et asialies
salivaires au niveau de la cavité buccale40
.
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Chez un patient édenté total, certaines des fonctions physio-
logiques telles que la mastication, la déglutition, la gustation et
la phonation sont plus ou moins altérées. Leur rétablissement
est un des objectifs majeurs de nos restaurations prothétiques.
de celle des patients dentés, et les forces alors exercées
représentent seulement 15 % de celles obtenues en den-
ture naturelle2
.
L'appréciation de la capacité masticatoire peut être appré-
hendée par la forme du cycle masticatoire, par la force de
morsure, et par l'efficacité masticatoire à proprement parler.
La restauration de la mastication est un des principaux sou-
haits exprimés par le patient à la fois lors de l'insertion d'une
première prothèse et lors du renouvellement d'une
ancienne prothèse. Cette fonction dépend en grande partie
du comportement musculaire, qui lui, est altéré par l'âge et
l'édentement.
Comme tous les autres tissus, les muscles subissent l'in-
fluence du vieillissement. Vers 80 ans la masse musculaire
a diminué d'environ un tiers. En particulier, la densité des
muscles masséter et ptérygoïdien médial est plus faible et
leur section est réduite d'environ 30 %1
. De plus, si les sujets
sont édentés, cette réduction de la section musculaire s'ac-
centue de façon significative ; mais l'édentement n'est pas
accompagné de modification de la densité des fibres.
Ainsi, ces évolutions liées à l'âge, mais aussi à l'édente-
ment des patients contribuent aux modifications de la fonc-
tion masticatoire observées chez les édentés totaux.
La capacité masticatoire des patients porteurs de prothèses
complètes est fortement réduite. Elle équivaut à un sixième
La mastication se caractérise par un cycle de mouvements
rythmiques tridimensionnels, décomposé en trois temps
(abaissement, élévation, contact interdentaire). Chez les
sujets édentés, la mastication se déroule comme chez le
patient denté, mais, dans le plan frontal, le cycle de mastica-
tion est plus large et plus court3
(fig. 3-1). De plus, lors de la
phase de fermeture, l'angle du mouvement est plus petit
(fermé) par rapport au plan horizontal (tableau 3-1 ) ; à l'ou-
verture du côté non travaillant le déplacement est plus impor-
Fig. 3-1 Cycle de mastication chez un patient denté (a), chez un
patient édenté (b) (angles α,α
1
> θ,θ
1
) ; cycle plus fermé chez
les patients dentés.
Tableau 3-1 Valeurs des angles d'entrée et de sortie du cycle de
mastication chez un patient denté et édenté.
tant, le mouvement mandibulaire est plus large. Dans le plan
sagittal, les angles de fermeture et d'ouverture diffèrent entre
les patients dentés et édentés. Enfin, la durée du contact inter-
dentaire est plus longue chez les patients édentés.
Par ailleurs, si chez certains patients le cycle de mastica-
tion est influencé par la morphologie occlusale des dents
prothétiques, chez d'autres patients ce cycle n'est pas modi-
fié, restant spécifique au patient (fig. 3-2)4
.
Fig. 3-3 Force de morsure en fonction du nombre de dents res-
tantes.
Fig. 3-2 Chez un édenté total le cycle de mastication est soit non
modifié (a) ou modifié (b) par la morphologie cuspidienne des
dents prothétiques.
Elle varie selon les individus. Avec l'âge, il est communément
admis qu'elle décroît; par contre, une corrélation significa-
tive existe entre le nombre de dents restantes et la force
maximale développée5
(fig. 3-3).
Chez les porteurs de prothèses complètes les forces
occlusales diminuent de 50 %, en particulier par une réduc-
tion de l'activité des masséters et des temporaux antérieurs6
.
Avec le vieillissement, les performances motrices s'altèrent
notamment au niveau des muscles linguaux, labiaux, man-
ducateurs, avec une diminution de la puissance musculaire9
(fig. 3-4).
La mastication prépare le bol alimentaire à la déglutition.
Cette dernière fonction est, elle aussi, altérée par le vieillis-
sement et la perte des dents.
La mesure de l'efficacité masticatoire repose sur l'analyse
granulométrique du bol alimentaire mastiqué. Cette effica-
cité est directement liée au nombre des contacts occlusaux
en intercuspidie, et au nombre de dents présentes sur l'ar-
cade.
Il existe des différences importantes entre les sujets den-
tés et les sujets porteurs de prothèses complètes7
. Si la taille
des particules alimentaires passées au tamis occupe tou-
jours les mêmes distributions logarithmiques, par contre,
quantitativement chez les patients édentés, les particules de
taille supérieure sont majoritaires. De même, le nombre de
cycles de mastication doit être nettement plus élevé chez le
patient édenté appareillé pour obtenir des particules d'une
taille similaire à celle obtenue chez un patient denté.
Enfin, la dureté et la texture des aliments sont des para-
mètres qui influencent directement l'activité masticatoire.
Dans le groupe des patients édentés, si l'activité musculaire
est réduite, a contrario, la perception de la texture reste pré-
sente. Elle peut être analysée par électromyographie, qui
démontre alors l'adaptabilité de la fonction musculaire. Mais,
chez les porteurs de prothèses, l'adaptation de la fonction
au bol alimentaire reste limitée, malgré la perception de la
texture des aliments8
.
La perte des organes dentaires engendre une évolution de
la déglutition.
Les muscles faciaux s'ils participent à la déglutition,
notamment au niveau des lèvres, n'ont pas un rôle essen-
tiel. C'est l'ensemble des muscles linguaux qui domine, la
langue venant s'appliquer d'abord latéralement en gouttière
contre la voûte palatine. Le bol alimentaire, alors rassemblé
sur le dos de la langue, va être laminé et « chassé » vers l'oro-
pharynx, alors que la langue se plaque contre la voûte pala-
tine d'arrière en avant. Mais avec l'âge, l'habileté motrice de
la langue décroît, et la position vestibulo-linguale des dents
mandibulaires revêt alors une incidence essentielle vis-à-vis
de la langue et par conséquent, de la stabilité prothé-
tique12,13
.
Si la déglutition est basée sur un ensemble de réflexes
acquis, elle peut également être perturbée par la perte des
organes dentaires, notamment par l'absence des informa-
tions issues des propriocepteurs parodontaux. En denture
naturelle, le patient peut détecter des épaisseurs interocclu-
sales de l'ordre de 10 à 20 µm, de 100 µm chez un porteur
de prothèse. Par ailleurs, les propriocepteurs parodontaux
participent au contrôle moteur fin des mouvements mandi-
bulaires; chez l'édenté appareillé, il existe des altérations
marquées du contrôle de la direction des mouvements
effectués, des forces exercées, enfin, du contrôle des dépla-
cements du bol alimentaire entre les arcades14,15
.
Le port de prothèses complètes permet de restaurer la
fonction de déglutition du type adulte, influencée par les
muscles innervés par le trijumeau (V) ; mais elle dépend
aussi du comportement neuromusculaire du patient et, en
particulier, de son niveau de stéréognosie et d'intégration
prothétique. Après l'insertion des prothèses, la déglutition
Les récepteurs gustatifs, ou bourgeons du goût, sont des
structures anatomiques constituées de 20 à 30 cellules
allongées et organisées sous forme d'une structure en « ton-
nelet ». Ces cellules réceptrices ont une durée de vie de
10 jours environ, les plus anciennes sont les plus proches
du centre du bourgeon et un renouvellement constant existe
par les cellules épithéliales périphériques (fig. 3-5a).
Les bourgeons du goût sont localisés principalement au
niveau des papilles linguales.
La face dorsale de la langue présente, effectivement, de
petites saillies de l'épithélium pavimenteux, les papilles lin-
guales. On distingue 4 types morphologiques de papilles:
- les papilles filiformes;
- les papilles fongiformes dispersées sur les 2/3 antérieurs
de la langue, avec une densité maximale à sa pointe
(fig. 3-5b) ;
- les papilles caliciformes qui dessinent le « V » lingual ;
- les papilles foliées situées au niveau des bords de la
langue.
Les bourgeons, « organes récepteurs » de la fonction gus-
tative, possèdent une innervation sensorielle spécifique pro-
venant de la corde du tympan (VII) pour les 2/3 antérieurs
de la langue, et du glosso-pharyngien (IX) dans son tiers pos-
térieur.
L'existence d'une sensibilité gustative palatine a été dis-
cutée par certains auteurs. Mais, la présence de bourgeons
du goût au niveau du palais dur a été écartée; par contre,
dans la région limitrophe entre le palais dur et le palais mou,
il existe une perception gustative dont les seuils sont très
élevés18,19
.
Des troubles de la déglutition s'installent, atteignant les
temps buccal, pharyngien et œsophagien10
. Le temps buc-
cal est le plus souvent concerné. De plus, le temps de réac-
tion des patients âgés s'allonge, la déglutition est plus lente.
Enfin, la pression exercée par la langue sur la voûte palatine
diminue11
.
La gustation, ou perception de goûter, est un sens complexe
qui résulte non seulement de la mise en jeu d'un appareil
neuro-sensoriel, l'appareil gustatif, mais aussi d'informations
somesthésiques (pressions exercées, température des ali-
ments, voire nociception)17
. Enfin, la perception gustative
dépend aussi des récepteurs olfactifs, on parle alors d'une
sensation mixte, ou flaveur, répondant à l'association gusta-
tion et olfaction.
Fig. 3-4 Fréquence des altérations de la fonction linguale en fonc-
tion de l'âge.
devient plus symétrique et, après six mois de port des pro-
thèses, les forces développées par les muscles masticateurs
ont une amplitude plus élevée démontrant ainsi une adap-
tation à la prothèse.
La durée de la déglutition est cependant toujours supé-
rieure par rapport à un patient denté.
Enfin, la qualité des prothèses réalisées est essentielle,
car non seulement elle intervient sur le seuil de stéréogno-
sie mais aussi sur l'activité musculaire et sur les forces déve-
loppées14,16
.
Fig. 3-5a Bourgeon gustatif, de forme ovoïde, constitué de cel-
lules réceptrices allongées). (Coloration hématoxyline éosine)
Fig. 3-5b Papille fongiforme de la langue, caractérisée par un épi-
thélium (1) fin et une partie centrale de tissu conjonctif
(2). (Coloration hématoxyline éosine)
perçues dans l'appréciation des caractéristiques des ali-
ments (texture, viscosité, dureté...). Les mécanorécep-
teurs palatins se trouvent isolés et l'écrasement des ali-
ments entre la langue (donc les bourgeons du goût) et la
muqueuse palatine a lieu sur une surface lisse: la voûte
palatine prothétique. La reproduction sur l'extrados pro-
thétique des reliefs palatins, pour stimuler le caractère sté-
réognosique de la gustation, reste néanmoins sans résul-
tat20
.
La température des aliments est aussi un des paramètres
de la sensation gustative. Or, la plaque prothétique en résine
représente un isolant parfait ne laissant passer ni le froid ni
le chaud. L'apport d'une plaque base métallique améliore ce
phénomène, mais elle ne modifiera en rien la sensation du
patient21
.
Sur le plan physiologique, sensations gustatives et sensa-
tions olfactives sont très difficilement dissociables. Il est alors
préférable de parler de flaveur, une sensation mixte, et non
de goût au sens strict.
Comparativement au seuil gustatif, le seuil de percep-
tion olfactive est très bas et prédomine ainsi sur la fonc-
tion gustative. Mais avec le vieillissement, les capacités
olfactives diminuent, puis chutent brutalement après 70
ans22
. Cette réduction, supérieure à celle observée pour la
gustation, pourrait ainsi être directement responsable des
doléances des patients âgés. La préférence de ces patients
pour les aliments aux flaveurs accentuées confirme ces
données23
.
La phonation est un phénomène complexe, les sons sont
émis par le larynx grâce aux vibrations des cordes vocales
dans le courant d'air respiratoire.
L'insertion d'une prothèse adjointe complète maxillaire est
presque toujours accompagnée pour les patients d'une forte
anxiété de « perdre le goût ». La voûte palatine est incons-
ciemment associée à la notion de goût, alors que les récep-
teurs gustatifs y sont absents.
Par contre, le recouvrement du palais par la prothèse
entraîne une altération des informations somesthésiques
L'origine de la perte du goût (agueusie), de la diminution
(hypoagueusie) ou distorsion (dysgueusie) de la perception
gustative est multifactorielle.
- Sur le plan général, au-delà d'affections neurologiques,
des troubles du goût peuvent survenir, notamment lors
de traitements médicamenteux (antidiabétiques, anti-
inflammatoires, antiparkinsoniens, psychotropes...). Les
médicaments peuvent entre autres dégrader le système
des récepteurs périphériques, modifier la transmission
nerveuse des messages, influer sur le renouvellement
des cellules réceptrices du bourgeon du goût. Par contre,
le nombre de bourgeons gustatifs ne semble pas décli-
ner avec l'âge.
- Sur le plan loco-régional, la salive est un des facteurs
déterminants de la gustation. En effet, seuls les liquides
et les substances dissoutes peuvent être goûtés. La sti-
mulation doit être fugace, la langue est rincée par la
salive qui, par effet tampon, neutralise la substance
sapide. Par conséquent, toute réduction du flux salivaire
influe négativement sur la perception du goût. De
même, les problèmes d'hygiène, qu'elle soit insuffisante
ou excessive, contribuent à modifier les sensations gus-
tatives.
Enfin, l'écrasement du bol alimentaire participe à une per-
ception gustative optimale. Or, la diminution des forces mus-
culaires et des capacités masticatoires peut expliquer une per-
ception gustative rapportée comme réduite avec l'âge.
Ils sont modulés par le voile du palais, la langue, les lèvres
et le positionnement de la mandibule. Les nerfs V, VII, IX, X
et XII assurent le fonctionnement normal de ces éléments de
modulation des sons24
.
Les éléments dynamiques
En dehors des fricatives, la contraction simultanée des lèvres
inférieure et supérieure permet d'émettre les bilabiales (b, p).
Le voile du palais participe au mécanisme vélo-pharyngé
du système de résonance.
La langue n'intervient pas non plus directement dans
l'élaboration des sons, mais elle recherche des appuis sur
les dents, les procès ou la voûte palatine. Ces appuis s'ac-
compagnent toujours d'une légère pression.
Ces éléments dynamiques représentent les modulateurs
des sons.
En dehors des cordes vocales, l'articulation des phonèmes
résulte d'un jeu complexe entre des éléments statiques (les
dents, les procès alvéolaires, la voûte palatine) et des élé-
ments dynamiques (la langue, les lèvres, le voile du palais)25
.
Les éléments statiques
L'émission des labio-dentales met en jeu les dents, et/ou les
procès alvéolaires mandibulaires et la langue. Cette dernière
rentre en contact avec les faces linguales des dents ou bien
avec la partie cervicale des procès alvéolaires.
Pour les fricatives (f, v), les dents antérieures maxillaires
viennent effleurer de leur bord libre la partie supérieure de
la lèvre inférieure ou zone de Klein.
La voûte palatine et les procès alvéolaires sont particuliè-
rement impliqués dans la prononciation des linguo-palatales
(j, ch), des linguo-dentales (d, t, n), et par des appuis partiels,
dans la prononciation des linguo-alvéolaires (s, z) (fig. 3-6a, b).
Fig. 3-6a Lieu d'articulation des consonnes (selon J. Lejoyeux) ;
les zones en vert clair sont des points d'articulation communs à ces
différentes consonnes.
Fig. 3-6b Lieu d'articulation du phonème « S ».
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La perte des dents correspond à une disparition partielle ou
totale des éléments statiques et leur remplacement par une
prothèse adjointe complète peut se traduire par des modi-
fications ou des altérations de l'articulation des sons26
.
Ainsi le recouvrement de la voûte palatine par la base
prothétique modifie les appuis linguaux lors de la pronon-
ciation des linguo-palatales, des linguo-dentales et des lin-
guo-alvéolaires. L'importance de l'épaisseur et du profil de
la base prothétique apparaît ici évidente27
.
De même, la position des dents antérieures sera déter-
minante dans la prononciation des labio-dentales et des fri-
catives.
Dans de nombreuses techniques, la détermination de la
dimension verticale d'occlusion fait appel à des références
phonétiques25
. Les tests phonétiques utilisent l'aspect arti-
culatoire correct des phonèmes pour établir une position
mandibulaire : à un son correct correspond une dimension
verticale phonétique (DVP) optimale - à une dysphonie cor-
respond une DVP sur- ou sous-évaluée. Cependant, ces
techniques restent discutables et semblent utiles surtout au
stade de l'essai fonctionnel lorsque les dents sont présentes
et lorsque l'ensemble des organes paraprothétiques sont
dans une position optimale.
En effet, toutes les sensibilités participent à la régulation
de la phonation. La sensibilité musculaire est essentielle
pour le fonctionnement et la coordination des différents
muscles impliqués; l'ensemble des extérocepteurs de la
cavité buccale (des lèvres, de la langue...) participent à cette
régulation. Le rôle du modelage des extrados prothétiques
est ici déterminant, quant au rétablissement d'un espace
phonétique satisfaisant28
.
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Fig. 4-1 Les composantes de l'examen
clinique permettent d'établir le bilan phy-
siopathologique du patient puis d'élabo-
rer le plan de traitement.
En dehors de l'aspect technique, la réponse à ces ques-
tions découle de la prise en compte de quatre paramètres :
la personnalité du patient ; l'entourage du patient; la cau-
salité de la maladie ; la relation praticien-patient.
Le terme « personnalité » dérive du mot latin « persona », qui
signifie masque de l'acteur, masque qui donne une image
constante, figée de l'individu. Cependant, cette notion de
personnalité a fortement évolué. Elle correspond en réalité
Il peut sembler paradoxal de débuter l'examen clinique par
cet élément. Mais, dès le premier rendez-vous, une somme
d'interrogations assaille le patient et le praticien, interroga-
tions qui peuvent se résumer en deux phrases :
- pour le patient la question est la suivante :
« Le praticien est-il susceptible de répondre à mes espé-
rances ? »
- de la même manière, pour le praticien :
« Quels sont les désirs et les espérances du patient? »
En prothèse adjointe complète, l'examen clinique est com-
plexe, car il doit englober tous les éléments qui concourent
à l'élaboration et à la réussite du traitement de l'édentement
total, éléments à la fois psychologiques, physiques et pro-
thétiques. Ces éléments sont parfaitement distincts, mais ils
peuvent à tout instant s'interpénétrer, pondérant l'effet de
l'un sur les deux autres (fig. 4-1).
à l'organisation dynamique des aspects cognitifs (intellec-
tuels), affectifs, conatifs (pulsionnels, volitionnels), physio-
logiques et morphologiques de l'individu.
Cliniquement, pour le praticien, cerner la personnalité
d'un patient, c'est découvrir ce qui se cache derrière le
masque de l'acteur, et ainsi prévoir quelle sera la réaction
d'un individu dans une situation donnée.
Dans l'Antiquité, deux doctrines furent développées pour
décrire la personnalité : celle d'Hippocrate, basée sur le tem-
pérament, et celle de Galien, basée sur la physiologie, doc-
trines qui donnèrent naissance à la théorie des quatre
humeurs : les tempéraments sanguin, colérique, mélanco-
lique et lymphatique. Depuis, tout en subissant l'influence
des doctrines d'Hippocrate et de Galien, les typologies ont
évolué, faisant appel à des aspects plus ou moins spéci-
fiques tels que la morphologie ou la psychologie. Plus
récemment, des typologies plus spécifiquement destinées
à évaluer l'aspect clinique du patient ont été proposées.
Celle exposée par House (1937) se base sur le comporte-
ment psychologique du patient vis-à-vis des soins dentaires
et prothétiques en particulier1
. Elle classe les patients en 4
catégories :
de l'examen initial, ce qui peut aboutir à décliner la prise en
charge du patient.
L'indifférent
Tant pour le patient que pour le praticien, le traitement d'un
patient indifférent n'offre habituellement que peu de chances
de succès. Le patient, qu'il soit jeune ou vieux est apathique,
n'est en aucun cas concerné par le traitement. Il est simple-
ment inerte. Sa coopération est purement passive, il ne per-
sévère pas, ne suit pas les conseils prodigués, reporte sur ses
anciens praticiens l'état dans lequel il se trouve. Le plus sou-
vent, il accepte le plan de traitement, non à cause des expli-
cations, mais sur l'insistance d'un membre de sa famille. Il
convient cependant de prendre en charge ce type de patient,
en adaptant la thérapeutique au niveau de l'exigence du
patient, sans pour autant oublier les règles de base.
À cette classification, Anderson ajoute une cinquième
catégorie :
L'anxieux
Si le traitement n'est pas douloureux, il n'en demeure pas
moins désagréable. La peur et l'anxiété sont les éléments
qui guident le comportement du patient. Les explications
peuvent compenser ces sentiments ou sensations. Mais ce
type de patient ne peut définir vraiment la cause réelle de
son anxiété, qui peut résulter d'une surcharge de travail, de
l'âge, de la mise à la retraite, de l'isolement ou du change-
ment de son image personnelle. Tous ces facteurs contri-
buent à produire une réponse que l'on peut qualifier de
démesurée.
Le philosophe
C'est le patient qui présente le meilleur état d'esprit pour
accepter une prothèse adjointe totale. C'est un patient qui a
perdu ses dents à la suite de traitements dont il était satis-
fait. Il est habituellement rationnel, calme, compréhensif,
coopératif vis-à-vis des exigences techniques inhérentes au
traitement. Les informations, les explications permettent au
patient d'accepter facilement les propositions thérapeu-
tiques, de comprendre le rôle de la prothèse dans le réta-
blissement de ses fonctions physiologiques et de son aspect.
Le patient s'implique, organise son emploi du temps,
coopère. Il s'adapte rapidement à sa nouvelle situation pro-
thétique. Heureusement, ce type de patient « idéal » repré-
sente la majorité des patients.
Le suspicieux
Bien qu'il possède toutes les qualités du patient précédent,
le suspicieux requiert beaucoup d'attention et de soins. En
raison de sa recherche de la précision, il réclame de la part
du praticien temps et patience. Ce type de patient demande
à connaître les détails de chaque temps opératoire, le prati-
cien doit se préparer psychologiquement à faire face à ses
exigences.
L'agressif
Le patient est instable, non coopératif, excitable, très craintif,
agressif. Il semble impatient, irritable, exprime des
demandes impossibles à satisfaire, réagissant défavorable-
ment à la prothèse et réclamant de nombreux rendez-vous
pour des retouches. Le pronostic de succès est limité. Il est
souhaitable de diagnostiquer ce type de comportement lors
À cette analyse du comportement psychologique propre au
patient, s'ajoute le rôle joué par l'entourage2
. Ceci concerne
les patients qui se rendent à deux à la consultation, l'ac-
compagnant ayant un rôle actif. Il se crée alors un triangle
clinique entre le praticien, le patient et l'accompagnant, que
le patient soit ou non autonome. Dans ces conditions, l'éva-
luation et la compréhension de la demande thérapeutique
doivent tenir compte du type de relations établies entre le
patient et son accompagnant.
À ce titre, la composition du couple est très révélatrice,
ce peut être l'époux et l'épouse, la personnalité décision-
nelle étant souvent l'épouse si l'époux est le patient. Mais,
les couples enfants-parents sont aussi révélateurs, le couple
« fils-père » est peu fréquent et il entraîne rarement un désé-
quilibre décisionnel. Par contre, le couple « fille-mère »
domine largement, leurs relations sont souvent plus tendues
voire opposées. Le rôle, le pouvoir décisionnel du praticien
se trouvent réduits, le conduisant à agir avec souplesse.
Les positions affectives qui existent au sein du couple sont
donc adoucissantes ou aggravantes. Le praticien doit, alors,
favoriser les premières et réduire l'influence des secondes.
Mais on doit toujours se remémorer la phrase de
Stoetzel13
: « La satisfaction du patient tient à ce qu 'il trouve
chez le praticien ce qu'il attend. »
Sous cette terminologie, les causes physiques de l'édente-
ment ne sont bien évidemment pas abordées3
. Mais cet
aspect de l'anamnèse est très révélateur de l'état d'esprit du
patient, il consiste à lui faire expliquer les événements ou
circonstances qui l'ont conduit à cet état.
Deux types d'explications sont proposés, mettant en évi-
dence la notion de responsabilité, notion à laquelle s'ajoute
celle de culpabilité :
D'une part, le patient estime que son état lui est totale-
ment imputable, qu'il est responsable, allant même jusqu'à
s'excuser des problèmes posés; il pourra s'exprimer ainsi:
« Je n'ai pas de crête, mon cas est difficile, je sais que vous
faites pour le mieux. »
D'autre part, certains patients présentent un discours très
différent : « J'ai perdu mes dents car un dentiste a fait tels
gestes, voire telles erreurs » au premier rang desquelles on
peut retrouver : « On a nettoyé mes dents, depuis, elles bou-
gent fortement. » Le patient n'éprouve non seulement
aucune responsabilité, mais surtout reporte la responsabi-
lité de son état sur le praticien traitant avec le cortège de
revendications que cela implique, et impliquera.
Les trois éléments précédents trouvent leur concrétisation
dans l'établissement de la relation praticien-patient4
-7
. Deux
questions se posent alors : comment s'établit-elle et quelle
est son importance dans la réussite prothétique?
L'établissement de cette relation est complexe et résulte
de la communication verbale et non verbale qui s'établit
entre le patient et le praticien.
La communication verbale découle de la manière dont
les échanges s'établissent entre le patient et le praticien
grâce aux substantifs, aux adjectifs employés, mais aussi de
la manière dont s'organisent ces échanges : le patient intro-
verti dont on doit « arracher » des précisions, informations,
ou le patient extraverti atteint d'une logorrhée délicate et dif-
ficile à stopper.
La communication non verbale résulte de l'influence de
différents paramètres qui interagissent. Ceux concernant la
vision, la posture, la gestuelle du praticien vis-à-vis du patient
sont fondamentaux.
En général, la communication verbale est plus particu-
lièrement dévolue aux problèmes techniques et cognitifs
alors que la communication non verbale a une influence
importante sur le comportement émotionnel de la relation
praticien-patient.
L'incidence clinique de cette relation sur le succès thé-
rapeutique est diversement interprétée. Elle est pour certains
auteurs essentielle dans le succès prothétique. À l'opposé,
pour d'autres elle n'a aucune influence. L'ensemble de ces
opinions est sans aucun doute excessif. Mais il semble qu'il
n'existe aucune corrélation entre la personnalité et l'insatis-
faction, et seulement une faible corrélation entre l'insatis-
faction et l'acceptation psychologique du patient8
"12
'
Bien que les motifs soient, au premier abord, évidents
concernant le traitement de l'édentement total, ils diffèrent
selon qu'il s'agit d'un premier traitement de l'édentation
totale ou du renouvellement d'une prothèse existante.
Dans le premier cas, le praticien doit mettre en évidence
les aspirations et espérances du patient, ses craintes et ses
appréhensions.
Souvent, les motivations du patient revêtent deux
formes : les unes exprimées immédiatement, les autres non.
Les premières sont la suppression de gènes, de douleurs
liées aux dents restantes, à une prothèse instable, le réta-
blissement de l'esthétique, de la mastication. Les secondes,
non exprimées, ont un rôle très important, car elles tradui-
sent les réelles aspirations du patient. Elles peuvent être
d'ordre esthétique, fonctionnel etc. Seule la prise en compte
de cette double motivation permettra au praticien de réel-
lement répondre aux aspirations du patient. D'autre part, le
mode d'expression, le vocabulaire employé, les termes uti-
lisés permettent de caractériser le profil psychologique de
celui-ci.
Le patient est ensuite invité à préciser :
- les circonstances qui l'ont conduit à perdre ses dents
(caries, mobilités, négligence, peur) ;
- depuis quand? (La durée de l'édentement est très
importante car elle donne, en fonction du volume res-
tant des crêtes, des indications sur la résistance ou non
à la résorption.)
- les différents traitements qui ont été effectués, ainsi que
le type des éventuelles prothèses adjointes partielles.
L'examen des anciennes prothèses fournit de nom-
breuses indications sur la position initiale du plan occlu-
sal, la position des dents antérieures ou postérieures.
Dans le deuxième cas, il s'agit du renouvellement des
prothèses existantes. En dehors d'événements majeurs tels
que perte ou fractures, le renouvellement d'une prothèse
est effectué à partir de l'analyse des qualités et défauts des
prothèses existantes. Cependant, les critères d'évaluation
varient entre le praticien et le patient. Les souhaits du patient
sont plus précis, fonctionnels (66 %), esthétiques et fonc-
tionnels (21 %) ou esthétiques (6 %). Alors que les critères
du praticien sont plus orientés vers la rétention14, 15
.
L'analyse de la composante physique correspond à l'éva-
luation des données objectives du patient. Elle dépend des
quatre facteurs suivants.
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  • 1.
  • 2.
  • 3. Nous voudrions remercier le Pr Pierre Carpentier, les Dr Caroline Bertrand, Stépane Escure, Michel Pompignoli, Mesdames Catherine Nardari, Sophie Nithard, Messieurs Jean-Yves Ciers, Bruno Dumeignil, Guy Pennequin pour l'aide directe et indirecte qu'ils nous ont apportée dans la réalisation de cet ouvrage. • © Quintessence International, 2004 11 bis, rue d'Aguesseau 75008 Paris ISBN 2-912550-30-0 La loi du 11 mars 1957 n'autorisant, aux termes des alinéas 2 et 3 de l'article 41, d'une part, que les «copies ou repro- ductions strictement réservées à l'usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective » et, d'autre part, que les analyses et courtes citations dans un but d'exemple et d'illustration, « toute représentation intégrale ou partielle faite sans le consentement de l'auteur, de ses ayants droit ou ayants cause est illicite » (alinéa 1er de l'article 40). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanc- tionnée par les articles 425 et suivants du Code pénal. Conception graphique : STDI, Lassay-les-Châteaux Impression et façonnage : EMD, Lassay-les-Châteaux Imprimé en France N° 11421 - Dépôt légal : novembre 2003
  • 4. Préface IX Foreword X Préambule XI Épidémiologie des patients édentés totaux ou chronique d'une mort annoncée Le vieillissement de la population 1 L'augmentation de l'espérance de vie 1 La santé bucco-dentaire 2 L'état de santé et la dépendance des patients âgés 2 La longévité et le renouvellement des prothèses 3 Les tissus de soutien Le tissu osseux 5 La muqueuse buccale 8 L'articulation temporo-mandibulaire 12 La salive 14 La fonction chez l'édenté total La mastication 17 La déglutition 18 La gustation 19 La phonation 20
  • 5. Prothèse complète Les empreintes secondaires La phase préparatoire 81 L'adaptation du porte-empreinte 81 La phase d'empreinte 86 Le traitement au laboratoire 92 Les empreintes préliminaires L'examen clinique et le concept d'empreinte 69 Le porte-empreinte 69 Les techniques de prise d'empreinte 72 Le traitement des empreintes 76 Le porte-empreinte individuel 76 Empreintes et matériaux Les paramètres cliniques 63 Les paramètres techniques 66 Les théories de prise d'empreinte Les empreintes anatomo-fonctionnelles 59 Les empreintes semi-compressives 60 Les empreintes mucostatiques 60 Les principes d'empreintes Le respect de l'intégrité tissulaire 49 Les qualités mécaniques 51 L'esthétique 56 Les traitements préprothétiques Les thérapeutiques non chirurgicales 41 Les thérapeutiques chirurgicales 43 L'examen clinique La composante psychologique 23 La composante physique 25 La composante prothétique 35 Le bilan 36 Le plan de traitement 36
  • 6. La polymérisation des prothèses La conservation de l'occlusion 171 Les matériaux 172 L'essai fonctionnel Les contrôles en l'absence du patient 161 Les contrôles en présence du patient 163 L'envoi au laboratoire 169 La finition des cires Le rôle des surfaces polies 155 Les volumes prothétiques 155 La gencive cervicale 158 Le choix et le montage des dents postérieures Le montage et l'examen clinique 141 Les montages et les dents prothétiques 143 Les montages : réalisation pratique 149 Choix et montage des dents antérieures Le choix des dents antérieures 131 Le montage au laboratoire 136 Les contrôles au cabinet 139 Esthétique et prothèse complète Le patient et l'esthétique 123 Le praticien et l'esthétique 124 Les articulateurs Les critères de choix 111 Les articulateurs actuels 112 La mise en articulateur des modèles 117 La programmation des articulateurs 120 L'occlusion L'occlusion statique 95 L'occlusion dynamique 108
  • 7. Le passage de l'édentement partiel à l'édentement total Les problèmes ................................................................................................................................................................. 221 L'examen clinique 222 La prothèse de transition 223 Définition 223 Les indications thérapeutiques 223 La réalisation technique........................................................................................................................................... 223 Les prothèses à recouvrement radiculaire 224 Définition 224 Les indications thérapeutiques 224 Les techniques 225 Les avantages, les inconvénients 231 La prothèse immédiate 232 Définition 232 Les principes et indications 233 Les temps de réalisation 233 Le pronostic 239 La prothèse unimaxillaire Le problème 211 La phase préprothétique 212 Les thérapeutiques 215 La réhabilitation des tissus de soutien Le traitement des tissus des surfaces d'appui 199 Traitements des problèmes musculo-articulaires 208 Les doléances Les doléances immédiates 191 Les doléances à court terme 194 Les doléances à long terme 197 L'insertion prothétique L'analyse critique 179 Les contrôles des prothèses 179 Les préalables aux corrections occlusales 182 Les techniques de corrections occlusales 182 Les conseils 188 Les mises en moufle 173 La finition des prothèses 176 L'analyse critique 177 L'envoi au cabinet dentaire 177
  • 8. La gériatrie Patient et gériatrie 281 Le choix thérapeutique 282 Les aspects cliniques 285 Alimentation et sujets âgés 287 Ouvrages à consulter 291 Le laboratoire Le maquillage des dents prothétiques 263 La personnalisation de la gencive artificielle 264 Les rebasages 265 Les réfections 266 Le duplicata 267 Les bases souples 269 Les réparations 270 L'hygiène au laboratoire 271 Les conseils d'hygiène La motivation du patient 275 Hygiène et prothèse 276 Conclusion 279 Implantologie et prothèse complète L'étape pré-implantaire 247 L'étape implantaire post-chirurgicale 253 L'étape post-implantaire 260 Les bases prothétiques renforcées Le renforcement des bases en résine 241 Les bases métalliques 242
  • 9. Les milieux de l'enseignement clinique ont de bonnes raisons de saluer la publication d'un nouvel ouvrage consa- cré à l'enjeu singulier que représente le traitement des éden- tés totaux. Depuis dix à vingt ans, l'amélioration des matériaux de dentisterie adhésive, la quasi obsession de la dentisterie cos- métique, et bien sûr la science de l'ostéo-intégration ont quasiment éclipsé la question pourtant essentielle de l'ap- proche thérapeutique de l'édentement. C'est bien dom- mage, puisque relever le défi de l'édentement demande la prise en compte de paramètres contraignants qui influen- cent tous les aspects de la réhabilitation orale. Quelques-uns de ces éléments me viennent immédiatement à l'esprit - aspects psychosociaux et biologiques du vieillissement, adaptation du système masticatoire aux divers compromis morpho-fonctionnels, bases de l'organisation esthétique des dents, et dans le contexte d'une surface d'appui défavorable et évolutive, les changements de l'occlusion dus au temps. De fait, peu de recherches thérapeutiques peuvent reven- diquer la simplicité relative d'exécution, l'efficacité et le carac- tère définitif des techniques d'élaboration d'une prothèse complète, presque toujours appropriée. Profondément conscients de l'impact de tels paramètres sur l'ensemble du spectre de la thérapeutique prothétique, Olivier Hue et Marie-Violaine Berteretche nous offrent une excellente synthèse des connaissances actuelles sur le sujet. C'est une feuille de route claire et compréhensible, de celles qui associent les réalités cliniques inhérentes à cet état aux stratégies thérapeutiques spécifiques à sa mise en œuvre. Aujourd'hui, la recherche et l'enseignement en matière de prothèse ont évolué radicalement depuis les recherches cliniques fondatrices de Brånemark sur l'ostéo-intégration. Associé à celui de nombreux autres domaines scientifiques - épidémiologie, neurosciences, psychologie et santé géria- trique - son travail a ouvert une thérapeutique entièrement nouvelle, l'implantologie, qui a déjà élargi et enrichi les pers- pectives thérapeutiques de ce qui n'était a priori qu'un para- digme thérapeutique limité. Les auteurs de ce texte solidement étayé sont pleine- ment conscients de telles implications, et offrent aux lecteurs les informations nécessaires à des prises de décisions cli- niques éclairées, ainsi que les moyens de les mettre en oeuvre. Ils parviennent à ce résultat en associant les données de base, à la fois scientifiques et comportementales, à des pro- tocoles techniques détaillés. En ceci, ils équilibrent l'art de la prise en compte du patient et les sciences physiques et bio- logiques intervenant dans la fabrication des prothèses. Ils soulignent la conviction émergente des enseignants cli- niques, pour qui la mise en place des règles de l'élaboration d'une prothèse complète est, dorénavant, plus que jamais nécessaire, puisqu'il est manifeste que les thérapeutiques à supports implantaires sont le prolongement des protocoles prothétiques traditionnels. Comme enseignant clinicien et comme praticien, je me réjouis d'un texte qui plaide avec une telle vigueur pour la reconnaissance de l'intérêt du milieu édenté. C'est une contribution de grand prix, à compter parmi les œuvres majeures de la littérature prothétique. George A. Zarb Professeur, responsable du département de prothèse, Faculté de dentisterie, Université de Toronto, Canada
  • 10. numerous other scientists in epidemiology, neurosciences, psychology and gériatric health, has ushered in an entirely new clinical implant treatment dimension which has already enlarged and enriched management scope for what was arguably a limited therapeutic paradigm. The authors of this well argued text are fully cognizant of such developments and provide the reader with the requi- red information to make informed clinical decisions, as well as how to implement them. They achieve this objective by correlating basic and behavioural scientific information with detailed technical protocols. In so doing, they balance the art of patient management with the physical and biological sciences involved in prostheses fabrication. They underscore the emergent clinical educators' conviction that principles in complete denture fabrication are now more necessary than ever since it is clear that implant supported treatment is an outgrowth of traditional prosthodontic protocols. As a clinical teacher and practitioner I am grateful for a text which articulates such a strong case for recognizing the significance of the edentulous milieu. This is one very wor- thy contribution to the canon of outstanding prosthodontic literature. The arrivai of a new book which addresses the unique treatment challenges of the edentulous patient is arguably a good cause for celebration in clinical education circles. In the last decade or two, the development of better adhesive res- torative materials, a quasi-obsession with cosmetic dentistry techniques, and of course the science of osseointegration, have virtually eclipsed the ongoing fundamental concerns implicit in managing the edentulous predicament. This is indeed a pity since meeting the challenge of edentulism demands recognition of compelling determinants which pro- foundly influence all aspects of oral rehabilitation. A few of these issues corne to mind right away - psychosocial and biological aspects of ageing, adaptation of the masticatory system to diverse morpho-functional compromises, funda- mentals of esthetic teeth arrangement, and time-dependent changes in occlusion in the context of variable adverse sup- port. In fact few therapeutic endeavours can claim the same relative simplicity of execution, efficacy and effectiveness of quasi-universal techniques of complete denture fabrication. Oliver Hue and Marie-Violaine Berteretche are pro- foundly aware of the impact of such determinants on the entire spectrum of prosthodontic therapy and have provided us with an excellent synthesis of current knowledge on the subject. This is a clear and comprehensive roadmap, one which marries clinical realities implicit in the condition with therapeutic strategies for its management. Today, prosthodontic research and education have evol- ved dramatically as a resuit of Brånemark's seminal clinical research on osseointegration. His work, together with that of George A. Zarb Professor and Head, Prosthodontics Faculty of Dentistry, University of Toronto
  • 11. Aborder le traitement de l'édentement total par la prothèse adjointe complète peut, en 2003, paraître paradoxal car l'état d'édenté total va disparaître. Cette discipline est donc, dans l'esprit de certains praticiens, de censeurs, d'institutions plus ou moins officielles, vouée à l'extinction. Mais, n'en déplaise aux différents caciques et pythies qui discourent, régissent notre profession, nous n'en sommes pas à un paradoxe près. Paradoxe, car que penser, qu'écrire sur un sujet aussi lar- gement traité par nos maîtres, ne serait-ce que Merrill Swenson, dont le premier ouvrage : « Complete Denture », en date de 1940, demeure très actuel? Paradoxe, car la transmission des opinions et des solu- tions thérapeutiques résulte plus souvent d'une tradition orale d'un apprentissage manuel que de données basées sur un véritable fond scientifique. Aux dires de nos détrac- teurs, nous manquons d'« Evidence Based Dentistry », terme officiel qui régit nos thérapeutiques. Mais existe-t-il des « Evidence Based Dentistry » sur le traitement des échecs therapeutiques? Paradoxe, car depuis de nombreuses années, voire décennies, la prévention et la parodontologie auraient dû éli- miner tout risque d'édentation. Mais combien de parodon- tologistes se sont-ils tournés vers l'implantologie, confirmant ainsi la limite des thérapeutiques entreprises? Paradoxe qui amène l'ensemble de la profession à importer sur notre territoire entre 16 et 18 millions de dents prothétiques pour compenser l'édentement de nos patients. Mais le paradoxe le plus flagrant résulte de l'existence même de cette pathologie qui représente l'échec patent de nos thérapeutiques. Cette constatation doit conduire les ins- tances officielles à tenir compte de cette réalité tant au niveau des cursus universitaires que des objectifs de santé publique, et aux praticiens de répondre aux exigences et espérances des patients en accord avec les solutions actuelles. Alors comment se retrouver parmi tous ces paradoxes? Tout d'abord en acceptant cette réalité princeps : l'éden- tement total existe. Puis, dans un deuxième temps, en offrant une réponse thérapeutique à la fois technique et physiologique adaptée aux conditions cliniques. La réponse technique doit incorporer les nombreux pro- grès technologiques qui nous sont offerts, en particulier l'im- plantologie, les nouveaux matériaux et matériels. La réponse physiologique correspond à l'adaptation de nos options thérapeutiques aux exigences et réalités phy- siopathologiques des malades, en particulier l'autonomie, le vieillissement et ses conséquences, la présence de patho- logies générales et leurs incidences directes ou indirectes sur la cavité buccale. Enfin, la réponse finale à ces paradoxes ne peut exister sans un long apprentissage culturel et manuel que nous ont offert nos maîtres, en particulier Joseph Lejoyeux, André Pastant, que nous remercions ici. Ils nous ont transmis leur expérience, leur connaissance, leurs gestes et surtout leur volonté pour ce qui est le sujet de cet ouvrage : traiter les patients présentant un édentement total. Olivier HUE, Marie-Violaine BERTERETCHE Paris, novembre 2003
  • 12. En 1915, G.W.Gillet écrivait: « The next decade will see the end of removable prosthesis and fixed bridgeworks » J Nat Dent Ass, 1915; 2:215-217 C'est une réalité physiologique essentielle. Ainsi, si en l'an 2000 l'espérance de vie était de 75,2 ans pour les hommes et 82,7 ans pour les femmes, en 2035 elle devrait s'élever respectivement à 81,9 ans et 89 ans1 . Ces valeurs corres- pondent à un gain annuel variant entre 1,5 et 3 mois selon l'hypothèse choisie. Ainsi en 2050,3 fois plus de personnes seront âgées de plus de 75 ans et 4 fois plus seront âgées de plus 85 ans. Cet accroissement de la population âgée se traduira ainsi par une augmentation très nette dans l'avenir Une étude de l'INSEE traitant de la projection de la popula- tion française en 2050 démontre qu'un vieillissement iné- luctable de celle-ci est prévisible1 . Ce vieillissement sera très marqué jusqu'en 2035, puis s'atténuera sensiblement en raison de l'arrivée à des âges élevés de générations moins nombreuses. Ainsi, en 2035, les personnes âgées de plus de 60 ans représenteront 1/3 de la population française soit 21 millions, alors qu'en 2000 elles ne représentaient que 1/5 de la population totale. Cette étude permet d'estimer qu'en 2050 les plus de 60 ans représenteront 35 % de la population, soit une augmentation de 85 % par rapport à l'an 2000 (tableau 1-1). Ces chiffres s'expliquent par l'arrivée dans ces tranches d'âge de la génération des enfants de l'après-guerre. Depuis, cette assertion ou prédiction a toujours trouvé de nombreux échos auprès des odontologistes. Par exemple, au Royaume-Uni, cette disparition est annoncée vers 2038, soit 123 ans après celle annoncée par Gillet. La prévalence des patients édentés est en constante diminution, et ce résultat escompté est probablement à mettre en relation avec les changements d'attitude des patients vis-à-vis des soins dentaires : diminution de l'anxiété, de la peur, rôle de la prévention, influence de l'in- formation et de l'efficacité des traitements de la maladie carieuse et parodontale. Ces progrès ne peuvent être remis en cause. Cependant, l'édentement total n'est pas une pathologie en voie de dis- parition et ce pour les cinq raisons suivantes. Mais un second paramètre doit aussi être pris en compte, celui de l'allongement de la durée de vie. Évolution de la population (des 60 ans et plus) de la France métropolitaine de 1950 à 2050.
  • 13. Tableau 1-2 Répartition de la dépendance domestique des per- sonnes âgées en fonction de l'âge (en %). Fîg. 1-2 État prothétique chez les patients âgés de 65 à 74 ans. Un rapport sur l'état de la santé bucco-dentaire en France permet d'évaluer la proportion des patients porteurs de pro- thèses adjointes en fonction de leur âge, et les dépenses en soins dentaires de l'enfance à l'âge adulte2 . Il apparaît ainsi que sur une population âgée de 65 à 74 ans, 61,5 % de ces sujets sont porteurs de prothèses adjointes (partielles ou complètes), parmi eux 16,3 % ont une prothèse complète maxillaire ou mandibulaire et 14,3 % une prothèse complète bimaxillaire (fig. 1-2). Ces chiffres révèlent un taux d'édentement total non négligeable, venant corroborer les données de l'industrie, qui constate que 16 à 18 millions de dents prothétiques ont été vendues en France en 2000. Enfin, une étude très récente réalisée aux États-Unis révèle que, si l'édentement total va diminuer de 10 % par décade à partir de l'an 2000, en raison du vieillissement de la population (augmentation de 79 % des plus de 55 ans pour les 30 années à venir), le besoin en prothèse adjointe complète va augmenter, passant de 33,6 millions en 1991 à 37,9 millions en 20203 . Le vieillissement est presque toujours associé à une dété- rioration des facultés physiques et intellectuelles. Si entre 60 et 75 ans un relatif bien-être existe, il s'oppose à la fragilité qui atteint les patients à partir de 80 ans (tableau 1-2). 28 % de ces patients, en majorité des femmes, vivent chez eux, mais pour la plupart manquent d'autonomie4 . Cette perte d'autonomie résulte surtout des difficultés à se déplacer, à marcher, 72 % de ces personnes ont besoin d'aide pour les tâches domestiques, dont 40 % à un degré élevé ou très élevé. Cette tranche de la population est aussi la plus directe- ment concernée par les traitements prothétiques de l'éden- tement total, car il existe une relation directe entre l'âge et le nombre de dents absentes. Les besoins de ces patients sont élevés (un grand nombre sont édentés complets) même si ces patients eux-mêmes n'en ont pas toujours conscience. Leurs traitements ne doivent pas être oubliés, et ils répondent à une approche spécifique pour chacun. Selon Ettinger5 , ceux-ci peuvent être classés en trois groupes : - Les patients âgés indépendants - Ils vivent de manière totalement autonome, ils sont parfaitement intégrés dans une vie sociale, ils représentent 70 % de la popu- lation âgée. L'importance des soins dentaires n'est limi- tée que par des problèmes socio-économiques. - Les patients fragilisés - Ils ont en partie perdu leur indé- pendance et une aide leur est nécessaire, mais leur vie sociale n'est que partiellement limitée. Ce groupe repré- sente environ 20 % des patients de plus de 65 ans. Par ailleurs, après une augmentation de l'enfance à l'âge adulte, les dépenses en soins dentaires diminuent chez les personnes âgées. Cette diminution des dépenses reste une spécificité du secteur dentaire. Cela doit nous interpeller car, malgré une évolution positive vis-à-vis de l'accès aux soins depuis 1970, la fréquentation du cabinet dentaire pour un groupe de patients entre 65 et 74 ans est faible, 44,8 % d'entre eux n'ayant pas consulté un praticien depuis au moins deux ans. Fig. 1-1 Courbe du nombre de personnes âgées/nombre de per- sonnes en âge de travailler (Ordonnée : chiffres rapportés pour 1 000 personnes en âge de travailler ; abscisse : années, entre 2000 et 2050). du rapport entre le nombre de personnes âgées et la popu- lation en âge de travailler (fig. 1-1). Rapport 65 ans et plus / 20-64 ans
  • 14. - Les patients dépendants - Les patients ne sont plus du tout autonomes, ils représentent 10 % de la population âgée. La moitié de ces patients vit en institution, l'autre à domicile. pour le praticien. Ces patients sont alors handicapés tant socialement que fonctionnellement. Ainsi, l'ensemble de ces éléments nous conduit à une constatation essentielle : l'édentement total ne disparaî- tra pas. La réalisation d'une prothèse adjointe complète ne doit être, ni pour le patient ni pour le praticien, considérée comme un simple acte technique, mais au contraire être reconnue, comprise comme un véritable acte thérapeutique. Cela sous-entend, non seulement un suivi et une maintenance annuelle, mais aussi, avec le temps, un renouvellement des prothèses si nécessaire. Après seulement 5 années, environ 50 % des prothèses existantes devraient être remplacées. En dépit de ces consta- tations, les patients continuent à porter des prothèses qui deviennent inadaptées, polluées, entraînant à long terme non seulement des problèmes pour le patient mais aussi 1. Brutel C. Projections de la population à l'horizon 2050. INSEE Première, mars 2001 ; n° 762. 2. La santé bucco-dentaire en chiffre. Dossier COME ADR Paris: 1998. 3. Douglass CW, Shih A, Ostry L. Will there be a need for complete dentures in the United States in 2020? J Prosthet Dent, 2002 ; 87: 5-8. 4. David MG, Starzec D, Starzec C. Aisance à 60 ans, dépendance et isolement à 80 ans. INSEE Première, avril 1996; n° 447 5. Ettinger RL, Beck JD. Geriatric dental curriculum and the needs of the elderly. Spec Care Dentist, 1984 ; 4: 207-213.
  • 15. Les facteurs étiologiques Les facteurs généraux - Le vieillissement est le fadeur étiologique principal de la résorption osseuse à long terme. L'os est en perpétuel remaniement, et si l'ostéogenèse est supérieure à l'os- téolyse jusqu'à l'âge de trente ans, au-delà le phéno- mène s'inverse, la résorption s'installe alors de manière inexorable. En effet, le vieillissement s'accompagne d'ef- fets secondaires importants comme des changements Après l'extraction, la cicatrisation alvéolaire s'effectue sous l'influence des processus d'apposition et de résorption. Deux mois après l'extraction, la muqueuse kératinisée recouvre le L'os alvéolaire joue un rôle très spécifique dans le soutien de l'organe dentaire au sein des maxillaires. En effet, il fait partie du parodonte et sert d'attache au ligament alvéolo- dentaire. Ce « processus » alvéolaire s'est développé sous l'influence de la croissance de la dent et de l'éruption den- taire. Lors d'une extraction, le phénomène de cicatrisation de l'alvéole déshabitée se développe pour se terminer douze semaines plus tard. Cette phase de cicatrisation met en jeu deux phéno- mènes totalement opposés, d'une part un phénomène d'apposition visant à combler l'alvéole mais aussi un phé- nomène de résorption. En effet, dès l'extraction d'une dent, la résorption com- mence. Elle se déroule en deux temps : la résorption immé- diate suivant le geste chirurgical et la résorption à moyen et long terme qui se poursuit de façon chronique et qui est influencée par des facteurs généraux et locaux. Chez les patients édentés totaux, le port d'une prothèse adjointe complète implique un appui et une participation, directe ou indirecte, des tissus de la cavité buccale. Ces tis- sus sont au nombre de trois : le tissu osseux, la muqueuse, et l'articulation temporo-mandibulaire, tissus auxquels s'ajoutent la salive et son parenchyme. site, l'os nouvellement formé remplit l'alvéole mais n'atteint pas le niveau osseux original pré-extractionnel, premier signe de la résorption1 . Puis, pendant les quatre mois suivants, le phénomène se poursuit, plus de 50 % du taux global de la résorption osseuse est alors atteint. Selon les patients, selon les conditions cliniques, l'am- plitude de ce phénomène varie d'environ 3 mm ; au pre- mier rang des causes de ces variations, le geste chirurgical est fondamental. En effet, tout traumatisme lors de l'extrac- tion dentaire (fracture de la corticale externe, alvéolecto- mie...) provoque une résorption immédiate très marquée, suivie d'une résorption similaire à celle associée à une extra- ction simple : la perte osseuse reste ainsi toujours supérieure lorsque le trauma chirurgical est important (fig. 2-1). À ce stade de la cicatrisation alvéolaire, le processus de résorption osseuse immédiate est terminé, mais il se pro- longe par une résorption à moyen et à long terme impli- quant alors la crête édentée. La résorption osseuse se révèle ainsi être un phénomène chronique, progressif, cumulatif et irréversible.
  • 16. métaboliques, l'apposition minérale osseuse diminue avec un allongement des cycles de remodelage. - Avec l'âge, un autre risque apparaît, le défaut d'absorp- tion du calcium. Il peut être dû à un déficit en vitamine D, à une production réduite de 1,25-dihydroxy-vitamine D ou à une résistance intestinale à son absorption, enfin, à une sécrétion réduite de calcitonine (tableau 2-1). - Ces altérations du métabolisme de la vitamine D, spéci- fiques de la personne âgée, entraînent un défaut de minéralisation des os, d'où une fragilité accrue, mais, aussi, une résorption et une diminution de la masse osseuse. - Par ailleurs, le taux des hormones parathyroïdiennes, qui stimulent la résorption osseuse, augmente avec l'âge et leur sécrétion est également stimulée par le défaut d'ab- sorption du calcium. Ainsi, cet excès de parathormone contribue aussi à une perte accrue de tissu osseux2 . - L'ostéoporose sénile, résorption de l'os cortical et de l'os trabéculaire, touche tous les individus. Mais, chez les femmes après la ménopause, le remodelage osseux augmente en raison du nouvel équilibre hormonal qui conduit à une réduction accentuée de la masse osseuse. On parle alors d'ostéoporose postménopausique, où la perte des trabéculations prédomine. La déficience en œstrogènes est mise en cause, cependant, malgré des thérapeutiques préventives, cette résorption persiste ; en réalité, la progestérone semble également impliquée dans ce phénomène3 . Tableau 2-1 Hormones impliquées dans le remodelage osseux. - Les cytokines, substances protéiques sécrétées au niveau osseux par les lymphocytes ou les monocytes activés, par les plaquettes ou les cellules osseuses elles- mêmes, participent à la régulation ostéogenèse-ostéo- lyse. Cependant, mis à part le TGFβ (Transforming Growth Factors β), la plupart des cytokines inhibent la formation osseuse, parmi lesquelles l'interleukine 1 (IL-1) et l'interleukine 6 (IL-6) sont de puissants stimulateurs de la résorption. - Les neuropeptides, produits par les cellules inflamma- toires sont aussi mis en cause dans la réponse à une agression externe (pression excessive, déséquilibre occlusal...), et ces facteurs tendent à accroître la résorp- tion osseuse. Enfin, une utilisation prolongée de cortico- stéroïdes entraîne une réduction de la densité osseuse par une inhibition de l'ostéogenèse. Les facteurs locaux L'extraction dentaire réalisée, les paramètres cités comme localement impliqués dans la résorption sont nombreux: durée de l'édentement, adaptation de la prothèse, habitudes concernant le port continu ou discontinu de la prothèse, occlusion et forces exercées sur les surfaces d'appui, para- fonctions, hygiène4 ... - La durée de l'édentement fut longtemps reliée au degré de résorption des crêtes. Mais, si la résorption est un phé- nomène continu, élevé durant la première année suivant les extractions, elle décroît ensuite de façon très nette5 . Cela explique qu'il n'existe pas de relation statistique- ment significative entre le niveau de résorption et la durée de l'édentement6 . - Une mauvaise adaptation prothétique, une occlusion non équilibrée ou des parafonctions surchargent certaines zones de la surface d'appui augmentant la résorption. De même, lorsqu'une prothèse complète maxillaire est opposée à un édentement partiel mandibulaire, avec pré- sence du groupe incisivo-canin, une résorption très marquée est presque toujours observée dans la région antérieure maxillaire. Fig. 2-1 Amplitude de la résorption. Accentuation de la résorption provo- quée par une extraction chirurgicale. (D'après Watt et Mc Gregor)
  • 17. Fig. 2-2a Comparaison du degré de résorption, dans le plan horizontal, après insertion d'une prothèse immé- diate comparativement à une prothèse classique après cicatrisation (Rouge: prothèse immédiate - Jaune : pro- thèse mise en place après la cicatrisa- tion). (D'après Watt et Me Cregor) Fig. 2-2b Comparaison du degré de résorption, dans le plan vertical, après insertion d'une prothèse immédiate comparativement à une prothèse classique après cicatrisation (Rouge : prothèse immédiate - Jaune : pro- thèse mise en place après la cicatri- sation). (D'après Watt et Mc Cregor) Si un stress mécanique important accentue le remode- lage osseux, l'absence de stimulation de l'os par la prothèse n'est pas, a contrario, un environnement favorable. Cette absence rompt le couplage ostéogénèse-ostéolyse, et cette « non-fonction » des surfaces d'appui accroît la résorption répondant à une atrophie du tissu osseux7 . La comparaison du taux de résorption après pose d'une prothèse immédiate ou insertion ultérieure d'une prothèse classique montre que la résorption est légère- ment diminuée lorsqu'une prothèse immédiate est mise en place. Mais, à long terme, deux ans et demi après les extractions, la différence du niveau de résorption est négli- geable (fig. 2-2a, b). Cette évolution des structures osseuses sous l'effet de stress mécaniques a été décrite sous l'intitulé « lois de Wolf », qui relient directement le développement et l'adaptation des structures osseuses aux forces mécaniques exercées8 . En conclusion, il n'existe pas un facteur étiologique domi- nant vis-à-vis de la résorption des crêtes édentées. Ce phé- nomène résulte de la combinaison de facteurs généraux (métaboliques, hormonaux...) et de facteurs locaux (ana- tomiques, mécaniques...). L'aspect quantitatif À la suite des extractions dentaires, l'importance de la résorp- tion osseuse varie d'un patient à l'autre, et selon le site consi- déré. Au terme de l'année ayant suivi les extractions, 72 % de la résorption sont déjà intervenus; durant les deux ans et demi qui suivront, le taux de résorption ne représente plus que 8 % de la résorption totale (tableau 2-2). Des différences très nettes existent également entre le maxillaire et la mandibule. La résorption à la mandibule est telle qu'elle perd 60 % de sa masse osseuse ; de plus, com- parativement au maxillaire, dans la région antérieure, le taux de résorption mandibulaire est quatre fois plus important9 (fig. 2-3). Enfin, le sens de la résorption diffère : - Au maxillaire, seule la partie centrale de la voûte palatine est épargnée par la résorption, qui intéresse de façon prédominante les versants vestibulaires des crêtes éden- tées : la résorption est centripète. Tableau 2-2 Taux moyen de résorption des crêtes édentées dans le temps par rapport à la résorption totale. (D'après Watt et Mc Cregor)
  • 18. Pour simplifier ces descriptions Atwood (1965) a pro- posé une classification définissant 6 groupes, selon l'impor- tance de la résorption de l'arcade mandibulaire (fig. 2-4). Vingt ans plus tard, Zarb et Lekholm (1985) ont à leur tour proposé une classification combinant le degré de résorption à la mandibule et au maxillaire, mais appréciant aussi la qualité osseuse en vue de faciliter l'analyse pré- implantaire10 (fig. 2-5 ; tableau 25-3). Fig. 2-3 Résorption osseuse maxillaire et mandibulaire, groupe A pendant les 13,5 premières années, groupe C entre 10 et 25ans. Après les extractions: la résorption est nettement plus élevée à l'ar- cade mandibulaire. (D'après Tallgren5 ) - À la mandibule, la résorption intéresse d'une façon égale l'os spongieux et l'os cortical, la réduction importante en hauteur des crêtes édentées entraîne un « élargissement» de l'arc mandibulaire : la résorption est dite centrifuge. La résorption osseuse entraîne des changements de la dimension et des profils des arcades ainsi que des relations inter-arcades. Il existe une grande diversité de forme et de taille des crêtes résiduelles; l'étude céphalométrique des téléradiographies de profil permet d'évaluer cette évolution. Fig. 2-4 Classification d'Atwood : phases d'évolution de la crête antérieure à la suite des extractions. - Phase I avant l'extraction. - Phase II après l'extraction. - Phase III crête haute arrondie. - Phase IV crête en lame de couteau. - Phase V crête basse arrondie. - Phase VI crête déprimée. La muqueuse buccale se compose d'un épithélium et d'un tissu conjonctif sous-jacent richement vascularisé. La jonc - tion entre ces deux tissus est assurée par la membrane basale (fig. 2-5). L'épithélium C'est la partie la plus superficielle de la muqueuse. Composé de 3 à 5 couches cellulaires, l'épithélium buccal est du type pavimenteux pluristratifié kératinisé ou non. Au niveau de la voûte palatine et des crêtes, la couche la plus externe est kératinisée et deux types de kératinisa- tion sont décrits: l'orthokératose et la parakératose. L'orthokératose se distingue par une couche cornée où tous les organites cellulaires ont disparu, à la différence de la para- kératose où des organites cytoplasmiques sont encore visibles. Mais surtout, le maintien de l'intégrité de l'épithélium dépend des cellules de la couche la plus profonde, la couche basale. Partant de cette dernière les cellules se renouvellent, La cavité buccale est recouverte, selon la région considérée, par « trois types » de muqueuses distinctes : la muqueuse masticatoire (le palais dur et les crêtes), la muqueuse de recouvrement (la face interne des joues, les lèvres, le plan- cher de la bouche et la muqueuse alvéolaire) et la muqueuse spécialisée (la face dorsale de la langue). Ces muqueuses présentent des structures histologiques diffé- rentes, caractéristiques de leur fonction. Leur rôle est triple : un rôle de protection des tissus sous- jacents vis-à-vis des agressions externes mécaniques, chi- miques et microbiennes; un rôle sensoriel de transmission des informations thermiques, tactiles (texture des aliments) et gustatives (muqueuse dorsale de la langue) ; enfin, un rôle plus limité de régulation thermique et hydrique. Avec la perte des organes dentaires et le port d'une pro- thèse amovible, la structure histologique de la muqueuse évolue, et ses caractéristiques biomécaniques « participent» aux réactions tissulaires engendrées par l'application de forces. Par ailleurs, des lésions muqueuses très diverses peu- vent être observées, lésions dont la fréquence augmente avec le port d'une prothèse amovible.
  • 19. passant par les différents stades de maturation pour arriver à la surface. La durée de ce cycle ou turn-over est d'environ 21 jours. La jonction épithélio-conjonctive La membrane basale joue un double rôle. D'une part, elle assure la jonction et l'ancrage entre l'épithélium et le tissu conjonctif et d'autre part, elle.crée l'herméticité entre ces deux mêmes tissus. Cette membrane n'est pas une struc- ture inerte. En effet, son architecture caractéristique dite en doigts de gants peut être modifiée par des pressions exces- sives. Dans ce cas, le nombre de digitations diminue et leur taille se réduit (fig. 2-5). Mais surtout, en présence d'un état inflammatoire cette membrane qui a aussi un rôle de filtra- tion, s'épaissit et se rompt en de nombreux points laissant passer certains métabolites qui contribuent à la résorption. Fig. 2-5 Coupe histologique de la muqueuse buccale : 1) épithé- lium pluristratifié kératinisé ; 2) jonction épithélio-conjonctive à l'as- pect caractéristique en doigts de gant ; 3) lamina propria. (Coloration hématoxyline éosine - grossissement x 25) Le tissu conjonctif Les propriétés biomécaniques du tissu conjonctif découlent de ses caractéristiques histologiques. Il se subdivise en deux zones: la lamina propria et la sous-muqueuse. La lamina propria correspond au tissu conjonctif situé sous la membrane basale. Elle comprend des éléments cellulaires (fibroblastes, macrophages, cellules inflammatoires...) et une matrice extracellulaire dont la composition détermine les pro- priétés de résistance et d'élasticité de ce tissu. La résistance aux contraintes mécaniques découle de la présence et du nombre de fibres de collagène. Regroupées en faisceaux, ces fibres créent un réseau parfaitement orga- nisé jouant un rôle « tampon » (fig. 2-6). Fig. 2-6 Coupe histologique de la muqueuse buccale : mise en évidence des différentes orientations des faisceaux de fibres de col- lagène, apparaissant vert ou jaune sous la lumière polarisée. (Coloration de Junqueira, grossissement x 64) L'élasticité résulte de la présence de fibres élastiques. Elles sont peu nombreuses au niveau des muqueuses de la surface d'appui, mais beaucoup plus fréquentes au niveau des muqueuses de recouvrement non kératinisées (joues, zones de réflexion, lèvres). La sous-muqueuse contient des amas graisseux et des glandes salivaires mineures, elle sépare la muqueuse des tissus musculaires ou osseux sous-jacents. Elle est particu- lièrement présente dans les régions latérales de la voûte palatine au niveau des zones dites de Schroeder. L'innervation et la vascularisation de la muqueuse buccale L'innervation sensorielle de la muqueuse buccale est extrê- mement riche. En dehors de la température, les différents récepteurs présents au sein de la muqueuse analysent pré- cisément les caractéristiques des pressions et de la douleur. De plus, il existe un gradient de sensibilité dans la cavité buccale, les régions antérieures présentant une plus grande densité de terminaisons nerveuses. L'ensemble de ces informations gagne les centres supé- rieurs par des voies multiples, qu'elles soient trigéminales, faciales VII, dépendantes du IX ou du X. La vascularisation résulte d'un réseau relativement com- plexe ayant pour origine les artères situées dans la sous- muqueuse. Si celles-ci sont absentes comme dans certaines régions du palais dur, le réseau vasculaire émerge d'artères localisées dans la partie profonde du tissu osseux. L'incidence de l'âge Il est communément admis que le vieillissement s'accom- pagne de changements conduisant à des altérations irré- versibles au niveau tissulaire et fonctionnel. En réalité, l'âge n'est pas un paramètre responsable des modifications de la muqueuse buccale12 . Celle ci apparaît plus lisse, plus sèche, revêtant un aspect satiné, mais cet aspect doit être imputé à l'incidence des maladies systémiques, de leurs effets cumulatifs et des traitements médicamenteux13 .
  • 20. Sur le plan histologique, les variations d'épaisseur de l'épithélium ne sont pas significatives, et le renouvellement cellulaire ne semble pas être affecté par le vieillissement (fig. 2-7); seule l'architecture de la jonction épithélio- conjonctive semble se modifier ainsi que la lamina propria qui comporterait des faisceaux de fibres collagène plus denses avec des liaisons croisées plus nombreuses. des altérations est directement liée à l'intensité et à la durée de la force exercée. Alors que le recouvrement, sans pres- sion, de la muqueuse palatine par une base prothétique n'entraîne pas de modification tissulaire, l'application de pressions entraîne des changements proportionnels à leur intensité16,17 . Viscoélasticité et vieillissement L'âge est aussi un paramètre important quant au comporte- ment de la muqueuse vis-à-vis des charges occlusales. En effet, les résultats montrent que si les courbes concernant la compression sont identiques, le comportement des tissus dans la phase de récupération est fonction de l'âge : plus le patient est âgé, moins la récupération élastique immédiate est importante, et plus la récupération différée est lente. Viscoélasticité et microcirculation Les pressions exercées sur la muqueuse entraînent un déplacement, une déformation des tissus et, par consé- quent, elles engendrent des perturbations de la microvas- cularisation muqueuse. Dès l'application d'une pression, le flux sanguin est réduit, la muqueuse blanchit, phénomène qui persiste tant que la pression est maintenue'8 . Cette atteinte de la vascularisation est importante vis-à- vis du développement d'un état inflammatoire. En effet, le système vasculaire est impliqué au premier plan dans la libé- ration des neuromédiateurs, qui seront engagés dans l'éta- blissement de l'inflammation, et au-delà dans les phéno- mènes de résorption osseuse. À l'arrêt de la pression, le flux sanguin retrouve immé- diatement son niveau initial, la « récupération » est donc beaucoup plus rapide qu'au niveau muqueux. Muqueuse buccale et prothèse L'association entre le port d'une prothèse amovible corn- plète et des modifications de la muqueuse buccale est fré- quente. Les variations portent essentiellement sur l'épais- seur de l'épithélium et de la couche cornée, le degré de kératinisation, et sur la nature de la jonction épithélio- conjonctive. La stimulation mécanique liée au port d'une prothèse entraîne tout d'abord un épaississement de l'épithélium et une kératinisation accentuée19 . Mais ensuite, la couche cor- née diminue et l'orthokératose habituelle laisse place à une parakératinisation. De plus, un aplatissement de la mem- brane basale et une réduction du nombre des digitations épithélio-conjonctives s'installent20 . Cette évolution est interprétée comme une adaptation tissulaire aux charges appliquées sur la surface d'appui (fig. 2-8a, b). Une corré- lation élevée existerait ainsi entre les changements histo- pathologiques observés et l'intensité des pressions appli- quées21 . Fig. 2-7 Coupe histologique de la muqueuse buccale : mise en évidence du renouvellement cellulaire au sein de la couche basale de l'épithélium à l'aide de la bromo-désoxyuridine (BrDu), mar- queur de la division cellulaire. Les cellules en division apparaissent brunes. (Grossissement x 64) Lorsqu'une force est appliquée au niveau de la muqueuse buccale, le comportement des tissus dépend de leurs pro- priétés viscoélastiques et du comportement hémodyna- mique de la microcirculation tissulaire. La viscoélasticité résulte de la combinaison des caracté- ristiques élastiques et visqueuses de la muqueuse. Si une force est appliquée sur un matériau élastique, le déplace- ment est immédiat jusqu'à l'arrêt de l'application de la force. À l'opposé, un matériau visqueux est déformé progressive- ment jusqu'à atteindre son état d'équilibre. La viscoélasticité se caractérise par la combinaison des deux comportements précédents14 . Les propriétés hémodynamiques concernent l'écoule- ment du sang et des éléments figurés dans les artérioles et les veinules ainsi que le comportement des fluides de la matrice extracellulaire. Viscoélasticité et comportement tissulaire Les études de base concernant la viscoélasticité muqueuse ont été réalisées par Kydd et col (1976), elles rapportent que l'application de toute pression sur la muqueuse entraîne une déformation élastique immédiate, suivie d'une déformation différée15 . Cette déformation s'accompagne d'une réduction d'épaisseur de l'épithélium, et d'un apla- tissement de la jonction épithélio-conjonctive. L'importance
  • 21. Fig. 2-8 Coupe histologique de la muqueuse buccale : aspect de la jonction épithélio-conjonctive. Marquage (de couleur marron) à l'aide d'un anticorps anti-laminine, protéine caractéristique de la membrane basale. (Grossissement x 25) Fig. 2-8a Jonction épithélio-conjonctive chez un patient non por- teur de prothèse caractérisée par un aspect en doigts de gant. Fig. 2-8b Chez un patient porteur d'une prothèse amovible, un net aplatissement de la membrane basale est observé. Les lésions de la muqueuse buccale Le développement de lésions muqueuses associées au port d'une prothèse amovible complète est fréquent. Des réac- tions allergiques à l'un des constituants de la prothèse ont été évoquées, mais les lésions résultent le plus souvent d'un trauma mécanique ou d'une irritation chronique liée à la plaque microbienne présente sur la prothèse. Les réactions allergiques sont les moins fréquentes. Elles sont le plus souvent provoquées par un excès de monomère résiduel dans la résine de la base prothétique, excès présent dans les résines auto-polymérisables ou lors d'un défaut de polymérisation à chaud. Les lésions traumatiques sont de plusieurs types : les ulcérations, les hyperplasies muqueuses, les crêtes flot- tantes, les chéilites angulaires. Les ulcérations Les ulcérations sont des lésions apparaissant le plus souvent quelques jours après l'insertion de nouvelles prothèses pré- sentant des zones en surextension ou un défaut d'équili- bration occlusale. Ce sont des lésions localisées au contour net et au fond jaunâtre (fig. 2-9). Fig. 2-9 Ulcération muqueuse à la face interne de la tubérosité. Fig. 2-10 Prolifération hyperplasique située dans le vestibule en relation avec un bord prothétique erroné. Les crêtes flottantes Les crêtes flottantes sont composées d'un tissu fibreux épais, non adhérent au(x) plan(s) profond(s), qui com- pense la fonte osseuse. Il n'y a pas de changement de volume mais un changement dé nature des tissus sous- jacents (fig. 2-11 et 2-12). Elles se situent le plus souvent dans les régions antéro- supérieures, lorsque des pressions importantes s'exercent à ce niveau, par exemple en présence de dents naturelles antagonistes. Les hyperplasies Les hyperplasies sont une réaction inflammatoire chronique des tissus due à une prothèse inadaptée, présentant des sous-extensions, des bords trop fins... Elles sont localisées au niveau des bords prothétiques, dans le vestibule gingivo- labial ou gingivo-jugal. Ces proliférations hyperplasiques, replis flottants quelque peu fermes, sont simples ou mul- tiples (fig. 2-10).
  • 22. Fig. 2-11 Crête flottante antérieure maxillaire. - Stomatite de type 3 - Hyperplasie papillaire de la voûte palatine Plusieurs facteurs étiologiques sont évoqués : le recou- vrement de la muqueuse par la prothèse (trauma prothé- tique, hygiène réduite), des réactions inflammatoires ou allergiques à différents composants de la prothèse, enfin, une infection fongique (Candida Albicans). L'articulation temporo-mandibulaire est décrite comme une diarthrose bicondylienne constituée par le processus condy- lien, l'éminence temporale et, entre les deux, le disque arti- culaire. Il s'agit d'une articulation siamoise, où les deux com- plexes disco-condyliens s'articulent avec les éminences temporales (fig. 2-13a). Le terme de stomatite prothétique est utilisé pour désigner une inflammation des muqueuses qui supportent une pro- thèse amovible; ce type de lésion atteint plus de la moitié des patients porteurs de prothèses. La stomatite sous-prothétique est caractérisée par un érythème et un œdème d'une partie ou de la totalité de la muqueuse palatine et des crêtes alvéolaires en contact avec la prothèse22 . Trois types de stomatites prothétiques ont été décrits par Newton (1962)23 : - Stomatite de type 1 - Inflammation simple localisée, se manifestant par de petites aires d'inflammation locale de la voûte palatine. - Stomatite de type 2 - Érythème diffus en relation uni- quement avec la prothèse. Fig. 2-12 Coupe histologique d'une crête flottante mettant en évi- dence un abondant tissu cellulo-graisseux dans les couches pro- fondes. Les cellules adipeuses apparaissent comme des « bulles » gris clair. (Coloration bleu de toluidine - grossissement x 63) Les chéilites angulaires Ces lésions, qui affectent les commissures labiales, ont sou- vent une origine infectieuse, mais le port d'une prothèse amovible compte parmi les facteurs prédisposants, notam- ment des prothèses anciennes avec un effondrement de la dimension verticale d'occlusion. L'articulation cesse sa croissance vers l'âge de vingt ans. Les surfaces articulaires sont alors arrondies et lisses. Cependant, cette morphologie se modifie au cours de la vie en réponse aux surcharges fréquentes auxquelles sont soumises les ATM. Ces modifications sont liées au nombre, à la morphologie occlusale des dents restantes, à l'âge, au type squelettique. Ces changements sont une adaptation physiologique aux contraintes auxquelles les structures articulaires sont soumises. Ces contraintes se traduisent par des phéno- mènes de remodelage qui portent essentiellement sur le processus condylien. Ces remodelages sont progressifs, régressifs, périphériques. Les processus condyliens chan- gent de forme, ils s'aplatissent, s'ovalisent, présentent des méplats24 (fig. 2-13b). Les études radiologiques des structures articulaires démontrent que les altérations condyliennes s'accroissent avec l'âge25 . Vers 50-60 ans la surface condylienne apparaît irrégulière (présence d'ostéophytes, de concavités...), au- delà de 70 ans, l'aspect général est caractérisé par un apla- tissement des structures (tableau 2-3). Des études réalisées chez les lapins ont mis en évidence une corrélation directe entre l'importance des surcharges arti- culaires et les altérations histologiques observées au niveau Tableau 2-3 Répartitions et types des altérations de la morpholo- gie du processus condylien.
  • 23. Fig. 2-13 Évolution de la morphologie condylienne. (Documents J.P. Yung, P. Carpentier) Fig. 2-13a Articulation temporo-mandibulaire chez un sujet jeune. Fig. 2-13b Articulation temporo-mandibulaire chez un sujet âgé édenté. Cliniquement ces altérations évoluent avec des phases plus ou moins algiques sur une durée de moins d'un an. Fig. 2-14 Ostéoarthrose condylienne chez un patient édenté total. discal et au niveau du cartilage condylien26 . Ces changements répondent jusqu'à un certain seuil au phénomène de remo- delage et représentent une adaptation fonctionnelle. Cependant, les capacités d'adaptation sont quelquefois dépassées, les disques articulaires sont perforés, se déplacent, mais surtout les phénomènes d'ostéo-arthrose s'installent. Les surfaces articulaires deviennent éburnées27 (fig. 2-14). Fig. 2-15a Fréquence des bruits articulaires en fonction de la rétention de la prothèse mandibulaire. Fig. 2-15b Fréquence des bruits articulaires en fonction de la sta- bilité de la prothèse mandibulaire. Il n'existe pas, en réalité, d'études concluantes sur l'efficacité des traitements occlusaux dans la prévention ou le traite- ment des désordres temporo-mandibulaires28 . L'influence de la perte des dents sur l'étiologie des dys- fonctions doit donc être reconsidérée. Ainsi, si les change- ments morphologiques augmentent avec l'âge et la perte des dents, il n'existe pas de corrélation significative avec la pré- sence de signes ou symptômes de dysfonctions temporo- mandibulaires29 . Bien que de nombreuses études aient considéré l'édentement, et la perte du calage postérieur, comme un facteur étiologique important, en réalité, une adaptation de la fonction intervient grâce au remodelage osseux30,31 . Seuls 5 % de patients édentés, ne portant pas de prothèse, présentent des signes moyens de désordres temporo-mandibulaires et aucun des dysfonctions sévères. Par contre, l'instabilité des prothèses, le manque de rétention semblent s'associer avec la présence de bruits arti- culaires (claquement, crépitation) (fig. 2-15a, b).
  • 24. Par conséquent, l'édentement total et le port de pro- thèses complètes ne doivent pas être considérés comme des facteurs étiologiques entraînant l'apparition de désordres temporo-mandibulaires. Leur fréquence chez l'édenté total est inférieure à celle des patients dentés. Enfin, un nouveau traitement prothétique ne doit pas être entre- pris uniquement dans le but de traiter une dysfonction, l'étio- logie de ces désordres restant en fait plurifactorielle. Chez les patients porteurs de prothèses complètes, la salive remplit des fonctions aussi capitales que nombreuses. Ces fonctions sont bien sûr la préservation et le maintien de l'in- tégrité des tissus de la cavité buccale, mais aussi des rôles biomécaniques et fonctionnels. La réponse à ces fonctions dépend de la quantité et de la qualité du fluide salivaire sécrété. niques, directement ou indirectement liées au port de la pro- thèse, mais aussi un rôle d'adhésion et de rétention. De plus, la présence de mucines facilite la mastication, la déglutition et la phonation33 . Les parotides sont des glandes salivaires dites séreuses, les glandes sublinguales et sous-mandibulaires sont des glandes mixtes. La salive produite est « plus aqueuse ». Le flux salivaire n'est pas constant, il existe une grande variabilité selon les individus, selon les moments de la jour- née et selon la présence ou non d'une stimulation (3 types : mécanique ou masticatoire, gustatif, olfactif). Le rythme cir- cadien régit le flux salivaire avec une sécrétion minimale la nuit, maximale après une stimulation. Seules les glandes salivaires mineures conservent un niveau de sécrétion inchangé. Avec le vieillissement, des changements de structure des glandes salivaires interviennent. La proportion des cellules acineuses, cellules sécrétrices du parenchyme glandulaire, est réduite, remplacée par du tissu adipeux34 . Ces transfor- mations concernent indifféremment les glandes salivaires majeures et mineures. Cependant, de façon étonnante, il n'existe pas de modi- fication évidente du flux salivaire chez les personnes âgées en bonne santé35 . Au niveau des glandes parotides, qui pro- duisent de 50 % à 65 % du volume salivaire stimulé, le flux stimulé et non stimulé reste identique quel que soit l'âge des patients36 . Mais des études ont montré une diminution significative de la concentration en mucines salivaires, bien qu'aucune altération des cellules sécrétoires muqueuses n'ait été mise en évidence37,38 . Finalement, il reste difficile d'apporter une conclusion générale sur l'incidence de l'âge vis-à-vis de la sécrétion sali- vaire, car d'autres paramètres comme l'équilibre alimentaire et la santé des patients sont des facteurs influant sur la phy- siologie salivaire39 . La salive possède aussi une activité antibactérienne grâce à la présence de facteurs immunologiques (IgA sécré- toires, IgM et IgG) et non immunologiques tels des pro- téines, des peptides et des enzymes. Elle possède un pou- voir tampon par l'intervention des bicarbonates (HCO- 3 et H2C03). Enfin, la salive a un rôle important dans la gusta- tion et elle assure le début de la digestion des aliments. La salive ou salive totale est un liquide physiologique sécrété partrois paires de glandes salivaires majeures (parotides, sub- linguales et sous-mandibulaires) et par des glandes mineures (labiales, buccales, linguales et palatines) (fig. 2-16). Fig. 2-16 Glandes salivaires mineures palatines nettement objec- tivables sur une empreinte à l'alginate dans les secteurs latéraux postérieurs. Les glandes majeures produisent près de 90 % du flux total en absence de stimulation. Mais la qualité de la salive produite par les glandes sali- vaires mineures est très différente. Ce sont des glandes dites muqueuses, sécrétant une salive riche en mucines (glyco- protéines) qui jouent un rôle capital pour la prothèse adjointe complète. Ces mucines possèdent une faible solu- bilité, une haute viscosité et élasticité et, enfin, un coefficient d'adhésion élevé32 . Ainsi, elles donnent à la salive muqueuse des propriétés essentielles de lubrification et de protection de la muqueuse vis-à-vis des agressions méca- L'existence de pathologies et leurs traitements peuvent être à l'origine de perturbations fonctionnelles des glandes sali- vaires. Ces altérations, plus ou moins sévères, sont ou non réversibles, il s'agit le plus souvent d'une hyposialie (dimi- nution de la sécrétion salivaire), voire d'une asialie (absence totale de sécrétion). Chez les patients âgés, un nombre croissant de patho- logies est observé, et les traitements médicamenteux pres- crits possèdent des effets secondaires, parmi lesquels fré- quemment une xérostomie (altération de la sécrétion salivaire) (chapitre 4). Cet effet est plus ou moins transitoire et il disparaît à l'arrêt de la prise du médicament; mais, dans
  • 25. 13. Mackenzie IC, Holm-Pederson P, Karring T. Age changes in the oral mucous membranes and periodontium. In : Geriatric den- tistry. Copenhagen : Munksgaard, 1986. 14. Picton DCA, Wills DJ. Viscoelastic properties of the periodontal ligament and mucous membrane. J Prosthet Dent, 1978 ; 40 : 263-272. 15. Kydd WL, Daly CH, Waltz M. Biomechanics of oral mucosa. Front Oral Physiol, 1976; 2: 108-129. 16. Nakashima K, Sato T, Hara T, Minagi S. An expérimental study on histopathological changes in the tissue covered with den- ture base without occlusal pressure. J Oral Rehabil, 1994 ; 21 : 263-272. 17. Mori S, Sato T, Hara T, Nakashima K, Minagi S. Effect of conti- nuous pressure on histopathological changes in denture sup- porting tissues. J Oral Rehabil, 1997; 24: 37-46. 18. Yoshida N, Minagi S, Sato T, Kadoya S, Matsunaga T. Effects of mechanical pressure on the blood flow in human palatal mucosa measured by the temperature controlled thermoelec- trical method. 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  • 26. 34. Golberg M. Vieillissement des tissus bucco-dentaires. In : Tissus non-minéralisés et milieu buccal. Paris :Masson, 1993; 177-188. 35. Berg R, Morgenstren NE. Physiologie changes in the elderly. Dent Clin North Am, 1997; 41 : 651-667. 36. Streckfus CF, Brown U, Ship JA, Brunelle J. Stimulated parotid glands flow rates in healthy, elderly dentulous and edentulous individuals. J Prosthet Dent, 1993 ; 70: 496-499. 37. Denny PC, Denny PA, Klauser DK, Hong SH, Navazesh M, Tabak LA. Age related changes in mucins from human whole saliva. J Dent Res, 1991 ; 70: 1320-1327 38. Culp DJ, Richardson LA. Regulation of mucous acinar exocrine secretion with age. J Dent Res, 1996; 75: 575-580. 39. Humphrey SP, Williamson RT. A review of saliva : normal com- position, flow, and function. J Prosthet Dent, 2000; 85: 162- 169. 40. Loty S, Loty C, Hue 0. Les substituts salivaires. Cah Prothèse, 1998; 101 : 19-26.
  • 27. Chez un patient édenté total, certaines des fonctions physio- logiques telles que la mastication, la déglutition, la gustation et la phonation sont plus ou moins altérées. Leur rétablissement est un des objectifs majeurs de nos restaurations prothétiques. de celle des patients dentés, et les forces alors exercées représentent seulement 15 % de celles obtenues en den- ture naturelle2 . L'appréciation de la capacité masticatoire peut être appré- hendée par la forme du cycle masticatoire, par la force de morsure, et par l'efficacité masticatoire à proprement parler. La restauration de la mastication est un des principaux sou- haits exprimés par le patient à la fois lors de l'insertion d'une première prothèse et lors du renouvellement d'une ancienne prothèse. Cette fonction dépend en grande partie du comportement musculaire, qui lui, est altéré par l'âge et l'édentement. Comme tous les autres tissus, les muscles subissent l'in- fluence du vieillissement. Vers 80 ans la masse musculaire a diminué d'environ un tiers. En particulier, la densité des muscles masséter et ptérygoïdien médial est plus faible et leur section est réduite d'environ 30 %1 . De plus, si les sujets sont édentés, cette réduction de la section musculaire s'ac- centue de façon significative ; mais l'édentement n'est pas accompagné de modification de la densité des fibres. Ainsi, ces évolutions liées à l'âge, mais aussi à l'édente- ment des patients contribuent aux modifications de la fonc- tion masticatoire observées chez les édentés totaux. La capacité masticatoire des patients porteurs de prothèses complètes est fortement réduite. Elle équivaut à un sixième La mastication se caractérise par un cycle de mouvements rythmiques tridimensionnels, décomposé en trois temps (abaissement, élévation, contact interdentaire). Chez les sujets édentés, la mastication se déroule comme chez le patient denté, mais, dans le plan frontal, le cycle de mastica- tion est plus large et plus court3 (fig. 3-1). De plus, lors de la phase de fermeture, l'angle du mouvement est plus petit (fermé) par rapport au plan horizontal (tableau 3-1 ) ; à l'ou- verture du côté non travaillant le déplacement est plus impor- Fig. 3-1 Cycle de mastication chez un patient denté (a), chez un patient édenté (b) (angles α,α 1 > θ,θ 1 ) ; cycle plus fermé chez les patients dentés.
  • 28. Tableau 3-1 Valeurs des angles d'entrée et de sortie du cycle de mastication chez un patient denté et édenté. tant, le mouvement mandibulaire est plus large. Dans le plan sagittal, les angles de fermeture et d'ouverture diffèrent entre les patients dentés et édentés. Enfin, la durée du contact inter- dentaire est plus longue chez les patients édentés. Par ailleurs, si chez certains patients le cycle de mastica- tion est influencé par la morphologie occlusale des dents prothétiques, chez d'autres patients ce cycle n'est pas modi- fié, restant spécifique au patient (fig. 3-2)4 . Fig. 3-3 Force de morsure en fonction du nombre de dents res- tantes. Fig. 3-2 Chez un édenté total le cycle de mastication est soit non modifié (a) ou modifié (b) par la morphologie cuspidienne des dents prothétiques. Elle varie selon les individus. Avec l'âge, il est communément admis qu'elle décroît; par contre, une corrélation significa- tive existe entre le nombre de dents restantes et la force maximale développée5 (fig. 3-3). Chez les porteurs de prothèses complètes les forces occlusales diminuent de 50 %, en particulier par une réduc- tion de l'activité des masséters et des temporaux antérieurs6 . Avec le vieillissement, les performances motrices s'altèrent notamment au niveau des muscles linguaux, labiaux, man- ducateurs, avec une diminution de la puissance musculaire9 (fig. 3-4). La mastication prépare le bol alimentaire à la déglutition. Cette dernière fonction est, elle aussi, altérée par le vieillis- sement et la perte des dents. La mesure de l'efficacité masticatoire repose sur l'analyse granulométrique du bol alimentaire mastiqué. Cette effica- cité est directement liée au nombre des contacts occlusaux en intercuspidie, et au nombre de dents présentes sur l'ar- cade. Il existe des différences importantes entre les sujets den- tés et les sujets porteurs de prothèses complètes7 . Si la taille des particules alimentaires passées au tamis occupe tou- jours les mêmes distributions logarithmiques, par contre, quantitativement chez les patients édentés, les particules de taille supérieure sont majoritaires. De même, le nombre de cycles de mastication doit être nettement plus élevé chez le patient édenté appareillé pour obtenir des particules d'une taille similaire à celle obtenue chez un patient denté. Enfin, la dureté et la texture des aliments sont des para- mètres qui influencent directement l'activité masticatoire. Dans le groupe des patients édentés, si l'activité musculaire est réduite, a contrario, la perception de la texture reste pré- sente. Elle peut être analysée par électromyographie, qui démontre alors l'adaptabilité de la fonction musculaire. Mais, chez les porteurs de prothèses, l'adaptation de la fonction au bol alimentaire reste limitée, malgré la perception de la texture des aliments8 .
  • 29. La perte des organes dentaires engendre une évolution de la déglutition. Les muscles faciaux s'ils participent à la déglutition, notamment au niveau des lèvres, n'ont pas un rôle essen- tiel. C'est l'ensemble des muscles linguaux qui domine, la langue venant s'appliquer d'abord latéralement en gouttière contre la voûte palatine. Le bol alimentaire, alors rassemblé sur le dos de la langue, va être laminé et « chassé » vers l'oro- pharynx, alors que la langue se plaque contre la voûte pala- tine d'arrière en avant. Mais avec l'âge, l'habileté motrice de la langue décroît, et la position vestibulo-linguale des dents mandibulaires revêt alors une incidence essentielle vis-à-vis de la langue et par conséquent, de la stabilité prothé- tique12,13 . Si la déglutition est basée sur un ensemble de réflexes acquis, elle peut également être perturbée par la perte des organes dentaires, notamment par l'absence des informa- tions issues des propriocepteurs parodontaux. En denture naturelle, le patient peut détecter des épaisseurs interocclu- sales de l'ordre de 10 à 20 µm, de 100 µm chez un porteur de prothèse. Par ailleurs, les propriocepteurs parodontaux participent au contrôle moteur fin des mouvements mandi- bulaires; chez l'édenté appareillé, il existe des altérations marquées du contrôle de la direction des mouvements effectués, des forces exercées, enfin, du contrôle des dépla- cements du bol alimentaire entre les arcades14,15 . Le port de prothèses complètes permet de restaurer la fonction de déglutition du type adulte, influencée par les muscles innervés par le trijumeau (V) ; mais elle dépend aussi du comportement neuromusculaire du patient et, en particulier, de son niveau de stéréognosie et d'intégration prothétique. Après l'insertion des prothèses, la déglutition Les récepteurs gustatifs, ou bourgeons du goût, sont des structures anatomiques constituées de 20 à 30 cellules allongées et organisées sous forme d'une structure en « ton- nelet ». Ces cellules réceptrices ont une durée de vie de 10 jours environ, les plus anciennes sont les plus proches du centre du bourgeon et un renouvellement constant existe par les cellules épithéliales périphériques (fig. 3-5a). Les bourgeons du goût sont localisés principalement au niveau des papilles linguales. La face dorsale de la langue présente, effectivement, de petites saillies de l'épithélium pavimenteux, les papilles lin- guales. On distingue 4 types morphologiques de papilles: - les papilles filiformes; - les papilles fongiformes dispersées sur les 2/3 antérieurs de la langue, avec une densité maximale à sa pointe (fig. 3-5b) ; - les papilles caliciformes qui dessinent le « V » lingual ; - les papilles foliées situées au niveau des bords de la langue. Les bourgeons, « organes récepteurs » de la fonction gus- tative, possèdent une innervation sensorielle spécifique pro- venant de la corde du tympan (VII) pour les 2/3 antérieurs de la langue, et du glosso-pharyngien (IX) dans son tiers pos- térieur. L'existence d'une sensibilité gustative palatine a été dis- cutée par certains auteurs. Mais, la présence de bourgeons du goût au niveau du palais dur a été écartée; par contre, dans la région limitrophe entre le palais dur et le palais mou, il existe une perception gustative dont les seuils sont très élevés18,19 . Des troubles de la déglutition s'installent, atteignant les temps buccal, pharyngien et œsophagien10 . Le temps buc- cal est le plus souvent concerné. De plus, le temps de réac- tion des patients âgés s'allonge, la déglutition est plus lente. Enfin, la pression exercée par la langue sur la voûte palatine diminue11 . La gustation, ou perception de goûter, est un sens complexe qui résulte non seulement de la mise en jeu d'un appareil neuro-sensoriel, l'appareil gustatif, mais aussi d'informations somesthésiques (pressions exercées, température des ali- ments, voire nociception)17 . Enfin, la perception gustative dépend aussi des récepteurs olfactifs, on parle alors d'une sensation mixte, ou flaveur, répondant à l'association gusta- tion et olfaction. Fig. 3-4 Fréquence des altérations de la fonction linguale en fonc- tion de l'âge. devient plus symétrique et, après six mois de port des pro- thèses, les forces développées par les muscles masticateurs ont une amplitude plus élevée démontrant ainsi une adap- tation à la prothèse. La durée de la déglutition est cependant toujours supé- rieure par rapport à un patient denté. Enfin, la qualité des prothèses réalisées est essentielle, car non seulement elle intervient sur le seuil de stéréogno- sie mais aussi sur l'activité musculaire et sur les forces déve- loppées14,16 .
  • 30. Fig. 3-5a Bourgeon gustatif, de forme ovoïde, constitué de cel- lules réceptrices allongées). (Coloration hématoxyline éosine) Fig. 3-5b Papille fongiforme de la langue, caractérisée par un épi- thélium (1) fin et une partie centrale de tissu conjonctif (2). (Coloration hématoxyline éosine) perçues dans l'appréciation des caractéristiques des ali- ments (texture, viscosité, dureté...). Les mécanorécep- teurs palatins se trouvent isolés et l'écrasement des ali- ments entre la langue (donc les bourgeons du goût) et la muqueuse palatine a lieu sur une surface lisse: la voûte palatine prothétique. La reproduction sur l'extrados pro- thétique des reliefs palatins, pour stimuler le caractère sté- réognosique de la gustation, reste néanmoins sans résul- tat20 . La température des aliments est aussi un des paramètres de la sensation gustative. Or, la plaque prothétique en résine représente un isolant parfait ne laissant passer ni le froid ni le chaud. L'apport d'une plaque base métallique améliore ce phénomène, mais elle ne modifiera en rien la sensation du patient21 . Sur le plan physiologique, sensations gustatives et sensa- tions olfactives sont très difficilement dissociables. Il est alors préférable de parler de flaveur, une sensation mixte, et non de goût au sens strict. Comparativement au seuil gustatif, le seuil de percep- tion olfactive est très bas et prédomine ainsi sur la fonc- tion gustative. Mais avec le vieillissement, les capacités olfactives diminuent, puis chutent brutalement après 70 ans22 . Cette réduction, supérieure à celle observée pour la gustation, pourrait ainsi être directement responsable des doléances des patients âgés. La préférence de ces patients pour les aliments aux flaveurs accentuées confirme ces données23 . La phonation est un phénomène complexe, les sons sont émis par le larynx grâce aux vibrations des cordes vocales dans le courant d'air respiratoire. L'insertion d'une prothèse adjointe complète maxillaire est presque toujours accompagnée pour les patients d'une forte anxiété de « perdre le goût ». La voûte palatine est incons- ciemment associée à la notion de goût, alors que les récep- teurs gustatifs y sont absents. Par contre, le recouvrement du palais par la prothèse entraîne une altération des informations somesthésiques L'origine de la perte du goût (agueusie), de la diminution (hypoagueusie) ou distorsion (dysgueusie) de la perception gustative est multifactorielle. - Sur le plan général, au-delà d'affections neurologiques, des troubles du goût peuvent survenir, notamment lors de traitements médicamenteux (antidiabétiques, anti- inflammatoires, antiparkinsoniens, psychotropes...). Les médicaments peuvent entre autres dégrader le système des récepteurs périphériques, modifier la transmission nerveuse des messages, influer sur le renouvellement des cellules réceptrices du bourgeon du goût. Par contre, le nombre de bourgeons gustatifs ne semble pas décli- ner avec l'âge. - Sur le plan loco-régional, la salive est un des facteurs déterminants de la gustation. En effet, seuls les liquides et les substances dissoutes peuvent être goûtés. La sti- mulation doit être fugace, la langue est rincée par la salive qui, par effet tampon, neutralise la substance sapide. Par conséquent, toute réduction du flux salivaire influe négativement sur la perception du goût. De même, les problèmes d'hygiène, qu'elle soit insuffisante ou excessive, contribuent à modifier les sensations gus- tatives. Enfin, l'écrasement du bol alimentaire participe à une per- ception gustative optimale. Or, la diminution des forces mus- culaires et des capacités masticatoires peut expliquer une per- ception gustative rapportée comme réduite avec l'âge.
  • 31. Ils sont modulés par le voile du palais, la langue, les lèvres et le positionnement de la mandibule. Les nerfs V, VII, IX, X et XII assurent le fonctionnement normal de ces éléments de modulation des sons24 . Les éléments dynamiques En dehors des fricatives, la contraction simultanée des lèvres inférieure et supérieure permet d'émettre les bilabiales (b, p). Le voile du palais participe au mécanisme vélo-pharyngé du système de résonance. La langue n'intervient pas non plus directement dans l'élaboration des sons, mais elle recherche des appuis sur les dents, les procès ou la voûte palatine. Ces appuis s'ac- compagnent toujours d'une légère pression. Ces éléments dynamiques représentent les modulateurs des sons. En dehors des cordes vocales, l'articulation des phonèmes résulte d'un jeu complexe entre des éléments statiques (les dents, les procès alvéolaires, la voûte palatine) et des élé- ments dynamiques (la langue, les lèvres, le voile du palais)25 . Les éléments statiques L'émission des labio-dentales met en jeu les dents, et/ou les procès alvéolaires mandibulaires et la langue. Cette dernière rentre en contact avec les faces linguales des dents ou bien avec la partie cervicale des procès alvéolaires. Pour les fricatives (f, v), les dents antérieures maxillaires viennent effleurer de leur bord libre la partie supérieure de la lèvre inférieure ou zone de Klein. La voûte palatine et les procès alvéolaires sont particuliè- rement impliqués dans la prononciation des linguo-palatales (j, ch), des linguo-dentales (d, t, n), et par des appuis partiels, dans la prononciation des linguo-alvéolaires (s, z) (fig. 3-6a, b). Fig. 3-6a Lieu d'articulation des consonnes (selon J. Lejoyeux) ; les zones en vert clair sont des points d'articulation communs à ces différentes consonnes. Fig. 3-6b Lieu d'articulation du phonème « S ». 1. Newton JP, Yemm R, Abel RW, Menhinick S. Changes in human muscles with age and dental state. Gerodontology, 1993 ; 10 : 16-22. 2. Kappur K, Soman S. Masticatory performance and efficiency in denture wearers. J Prosthet Dent, 1964; 14: 687-694. La perte des dents correspond à une disparition partielle ou totale des éléments statiques et leur remplacement par une prothèse adjointe complète peut se traduire par des modi- fications ou des altérations de l'articulation des sons26 . Ainsi le recouvrement de la voûte palatine par la base prothétique modifie les appuis linguaux lors de la pronon- ciation des linguo-palatales, des linguo-dentales et des lin- guo-alvéolaires. L'importance de l'épaisseur et du profil de la base prothétique apparaît ici évidente27 . De même, la position des dents antérieures sera déter- minante dans la prononciation des labio-dentales et des fri- catives. Dans de nombreuses techniques, la détermination de la dimension verticale d'occlusion fait appel à des références phonétiques25 . Les tests phonétiques utilisent l'aspect arti- culatoire correct des phonèmes pour établir une position mandibulaire : à un son correct correspond une dimension verticale phonétique (DVP) optimale - à une dysphonie cor- respond une DVP sur- ou sous-évaluée. Cependant, ces techniques restent discutables et semblent utiles surtout au stade de l'essai fonctionnel lorsque les dents sont présentes et lorsque l'ensemble des organes paraprothétiques sont dans une position optimale. En effet, toutes les sensibilités participent à la régulation de la phonation. La sensibilité musculaire est essentielle pour le fonctionnement et la coordination des différents muscles impliqués; l'ensemble des extérocepteurs de la cavité buccale (des lèvres, de la langue...) participent à cette régulation. Le rôle du modelage des extrados prothétiques est ici déterminant, quant au rétablissement d'un espace phonétique satisfaisant28 .
  • 32. 3. Postic SD, Krstic MS, Teodosijevic MV. A comparative study of the chewing cycles of dentate and denture wearing subjects. Int J Prosthodont, 1992 ; 5 : 244-256. 4. Yoshida K, Okane H, Nagasawa T, Tsuru H. A criterion for the selection of artificial posterior teeth. J Oral Rehabil, 1988; 15: 373-378. 5. Tsuga K, Carlsson GE, ÔsterbergT, Karlsson S. Self-assessed mas- ticatory ability in relation to maximal bite force and dental state in 80-years-old subjects. J Oral Rehabil, 1998; 25: 117-124. 6. Slagter AP, Bosman F, Van der Glas HW, Van Der Bilt A. Human jaw elevator muscle activity and food comminution in the den- tate and edentulous state. Arch Oral Biol, 1993 ; 38 : 195-205. 7. Shi Chong-Shan, Ouyang Guan, Guo Tian-Wen. Comparison of food particle distribution masticated by subjects wearing com- plete dentures and with natural teeth. J Oral Rehabil, 1990 ; 17 : 611-615. 8. Veyrune JL, Mioche L Complete denture wearers : electromyo- graphy of mastication and texture perception whilst eating meat. Eur J Oral Sci, 2000; 108: 83-92. 9. Baum BJ, Bodner L. Aging and oral motor function : evidence for altered performance among older persons. J Dent Res, 1983;62:2-6. 10. Ekberg O, Feinberg MJ. Altered swallowing function in elderly patients without dysphagia : radiologic finding in 56 cases. AJR, 1991 ; 156: 1181-1184. 11. Shaker R, Dodds WJ, Hogan WJ, Stemper AK. Effect of aging on swallowing lingual palatale closure pressure. Gastroenterology, 1990; 98: 1478-1484. 12. Khosino H, Hirai T, Ishijima T, Ikeda Y. Tongue motor skills and masticatory performance in adult dentates, elderly dentates and complete denture wearers. J Prosthet Dent, 1997; 77:147-152. 13. Kawano K, Najb K, Inoue S, Matsumoto N. Influence of the buc- colingual position of artificial posterior teeth on the pressure dis- tribution on the support tissue under a complete denture. J Oral Rehabil, 1996;23:456-463. 14. Preti G, Gassino G, Lombardi M, Mazzone P. Monitoring of the discrimination threshold for interocclusal thicknesses in rehabi- litated edentulous patients. J Oral Rehabil, 1994; 21 : 185-190. 15. Trulsson M, Gunne HSJ. Food holding and biting behavior in human subjects lacking periodontal receptors. J Dent Res, 1998; 77: 574-582. 16. Garrett NR, Perry P, Elbert C, Kapur K. Effects of improvement of poorly fitting dentures and new denture on masseter activity during chewing. J Prosthet Dent, 1996 ; 76: 394-402. 17. Berteretche MV. La gustation chez l'édenté total appareillé. Cah Prothèse, 1994;87:35-41. 18. Nilsson B. Taste acuity of the human palate. Acta Odont Scand, 1977;35:51-62. 19. Hammond R, Beder 0, Ratener P. Palatal receptor contribution to and effects of palatal alteration on taste acuity thresholds. J Prosthet Dent, 1983; 49: 121-125. 20. Kapur K, Collister T, Fischer E. Masticatory and gustatory salivary reflex secretion rates and taste thresholds of denture wearers. J Prosthet Dent, 1967; 18: 406-416. 21. Tosselo A, Makarian M, Fiocchi M. Influence de la température sur la gustation chez le patient édenté total appareillé. Cah Prothèse, 1995; 91 : 80-85. 22. Schiffman S, Pasternak M. Decreased discrimination of food odors in the elderly. J Gerontol, 1979 ; 34: 73-79. 23. Schiffman S, Warwick Z. Flavor enhancement of foods for the elderly can reverse anorexia. Neurobiol Aging, 1988 ; 9 :24-26. 24. Bossy J. Bases morphologiques des fonctions motrices. Dans : Anatomie clinique - Neuro-anatomie. Paris: Springer-Verlag, 1990; 389. 25. Pouyssegur V, Serre D, Exbrayat J. Tests phonétiques et dimen- sion verticale: le logatome. Cah Prothèse, 1997; 97: 52-57. 26. Petrovic A. Speech sound distortions caused by changes in com- plete denture morphology. J Oral Rehabil, 1985 ; 12: 69-79. 27. Ichikawa T, Komoda J, Horiuchi M, Matsumoto N. Influence of alteration in the oral environment on speech production. J Oral Rehabil, 1995;22:295-299. 28. Hue 0, Berteretche MV. Les extrados prothétiques en prothèse adjointe totale. Rôles et réalisations cliniques. Actua Odonto Stomatol, 1992; 177: 179-201.
  • 33. Fig. 4-1 Les composantes de l'examen clinique permettent d'établir le bilan phy- siopathologique du patient puis d'élabo- rer le plan de traitement. En dehors de l'aspect technique, la réponse à ces ques- tions découle de la prise en compte de quatre paramètres : la personnalité du patient ; l'entourage du patient; la cau- salité de la maladie ; la relation praticien-patient. Le terme « personnalité » dérive du mot latin « persona », qui signifie masque de l'acteur, masque qui donne une image constante, figée de l'individu. Cependant, cette notion de personnalité a fortement évolué. Elle correspond en réalité Il peut sembler paradoxal de débuter l'examen clinique par cet élément. Mais, dès le premier rendez-vous, une somme d'interrogations assaille le patient et le praticien, interroga- tions qui peuvent se résumer en deux phrases : - pour le patient la question est la suivante : « Le praticien est-il susceptible de répondre à mes espé- rances ? » - de la même manière, pour le praticien : « Quels sont les désirs et les espérances du patient? » En prothèse adjointe complète, l'examen clinique est com- plexe, car il doit englober tous les éléments qui concourent à l'élaboration et à la réussite du traitement de l'édentement total, éléments à la fois psychologiques, physiques et pro- thétiques. Ces éléments sont parfaitement distincts, mais ils peuvent à tout instant s'interpénétrer, pondérant l'effet de l'un sur les deux autres (fig. 4-1).
  • 34. à l'organisation dynamique des aspects cognitifs (intellec- tuels), affectifs, conatifs (pulsionnels, volitionnels), physio- logiques et morphologiques de l'individu. Cliniquement, pour le praticien, cerner la personnalité d'un patient, c'est découvrir ce qui se cache derrière le masque de l'acteur, et ainsi prévoir quelle sera la réaction d'un individu dans une situation donnée. Dans l'Antiquité, deux doctrines furent développées pour décrire la personnalité : celle d'Hippocrate, basée sur le tem- pérament, et celle de Galien, basée sur la physiologie, doc- trines qui donnèrent naissance à la théorie des quatre humeurs : les tempéraments sanguin, colérique, mélanco- lique et lymphatique. Depuis, tout en subissant l'influence des doctrines d'Hippocrate et de Galien, les typologies ont évolué, faisant appel à des aspects plus ou moins spéci- fiques tels que la morphologie ou la psychologie. Plus récemment, des typologies plus spécifiquement destinées à évaluer l'aspect clinique du patient ont été proposées. Celle exposée par House (1937) se base sur le comporte- ment psychologique du patient vis-à-vis des soins dentaires et prothétiques en particulier1 . Elle classe les patients en 4 catégories : de l'examen initial, ce qui peut aboutir à décliner la prise en charge du patient. L'indifférent Tant pour le patient que pour le praticien, le traitement d'un patient indifférent n'offre habituellement que peu de chances de succès. Le patient, qu'il soit jeune ou vieux est apathique, n'est en aucun cas concerné par le traitement. Il est simple- ment inerte. Sa coopération est purement passive, il ne per- sévère pas, ne suit pas les conseils prodigués, reporte sur ses anciens praticiens l'état dans lequel il se trouve. Le plus sou- vent, il accepte le plan de traitement, non à cause des expli- cations, mais sur l'insistance d'un membre de sa famille. Il convient cependant de prendre en charge ce type de patient, en adaptant la thérapeutique au niveau de l'exigence du patient, sans pour autant oublier les règles de base. À cette classification, Anderson ajoute une cinquième catégorie : L'anxieux Si le traitement n'est pas douloureux, il n'en demeure pas moins désagréable. La peur et l'anxiété sont les éléments qui guident le comportement du patient. Les explications peuvent compenser ces sentiments ou sensations. Mais ce type de patient ne peut définir vraiment la cause réelle de son anxiété, qui peut résulter d'une surcharge de travail, de l'âge, de la mise à la retraite, de l'isolement ou du change- ment de son image personnelle. Tous ces facteurs contri- buent à produire une réponse que l'on peut qualifier de démesurée. Le philosophe C'est le patient qui présente le meilleur état d'esprit pour accepter une prothèse adjointe totale. C'est un patient qui a perdu ses dents à la suite de traitements dont il était satis- fait. Il est habituellement rationnel, calme, compréhensif, coopératif vis-à-vis des exigences techniques inhérentes au traitement. Les informations, les explications permettent au patient d'accepter facilement les propositions thérapeu- tiques, de comprendre le rôle de la prothèse dans le réta- blissement de ses fonctions physiologiques et de son aspect. Le patient s'implique, organise son emploi du temps, coopère. Il s'adapte rapidement à sa nouvelle situation pro- thétique. Heureusement, ce type de patient « idéal » repré- sente la majorité des patients. Le suspicieux Bien qu'il possède toutes les qualités du patient précédent, le suspicieux requiert beaucoup d'attention et de soins. En raison de sa recherche de la précision, il réclame de la part du praticien temps et patience. Ce type de patient demande à connaître les détails de chaque temps opératoire, le prati- cien doit se préparer psychologiquement à faire face à ses exigences. L'agressif Le patient est instable, non coopératif, excitable, très craintif, agressif. Il semble impatient, irritable, exprime des demandes impossibles à satisfaire, réagissant défavorable- ment à la prothèse et réclamant de nombreux rendez-vous pour des retouches. Le pronostic de succès est limité. Il est souhaitable de diagnostiquer ce type de comportement lors À cette analyse du comportement psychologique propre au patient, s'ajoute le rôle joué par l'entourage2 . Ceci concerne les patients qui se rendent à deux à la consultation, l'ac- compagnant ayant un rôle actif. Il se crée alors un triangle clinique entre le praticien, le patient et l'accompagnant, que le patient soit ou non autonome. Dans ces conditions, l'éva- luation et la compréhension de la demande thérapeutique doivent tenir compte du type de relations établies entre le patient et son accompagnant. À ce titre, la composition du couple est très révélatrice, ce peut être l'époux et l'épouse, la personnalité décision- nelle étant souvent l'épouse si l'époux est le patient. Mais, les couples enfants-parents sont aussi révélateurs, le couple « fils-père » est peu fréquent et il entraîne rarement un désé- quilibre décisionnel. Par contre, le couple « fille-mère » domine largement, leurs relations sont souvent plus tendues voire opposées. Le rôle, le pouvoir décisionnel du praticien se trouvent réduits, le conduisant à agir avec souplesse. Les positions affectives qui existent au sein du couple sont donc adoucissantes ou aggravantes. Le praticien doit, alors, favoriser les premières et réduire l'influence des secondes.
  • 35. Mais on doit toujours se remémorer la phrase de Stoetzel13 : « La satisfaction du patient tient à ce qu 'il trouve chez le praticien ce qu'il attend. » Sous cette terminologie, les causes physiques de l'édente- ment ne sont bien évidemment pas abordées3 . Mais cet aspect de l'anamnèse est très révélateur de l'état d'esprit du patient, il consiste à lui faire expliquer les événements ou circonstances qui l'ont conduit à cet état. Deux types d'explications sont proposés, mettant en évi- dence la notion de responsabilité, notion à laquelle s'ajoute celle de culpabilité : D'une part, le patient estime que son état lui est totale- ment imputable, qu'il est responsable, allant même jusqu'à s'excuser des problèmes posés; il pourra s'exprimer ainsi: « Je n'ai pas de crête, mon cas est difficile, je sais que vous faites pour le mieux. » D'autre part, certains patients présentent un discours très différent : « J'ai perdu mes dents car un dentiste a fait tels gestes, voire telles erreurs » au premier rang desquelles on peut retrouver : « On a nettoyé mes dents, depuis, elles bou- gent fortement. » Le patient n'éprouve non seulement aucune responsabilité, mais surtout reporte la responsabi- lité de son état sur le praticien traitant avec le cortège de revendications que cela implique, et impliquera. Les trois éléments précédents trouvent leur concrétisation dans l'établissement de la relation praticien-patient4 -7 . Deux questions se posent alors : comment s'établit-elle et quelle est son importance dans la réussite prothétique? L'établissement de cette relation est complexe et résulte de la communication verbale et non verbale qui s'établit entre le patient et le praticien. La communication verbale découle de la manière dont les échanges s'établissent entre le patient et le praticien grâce aux substantifs, aux adjectifs employés, mais aussi de la manière dont s'organisent ces échanges : le patient intro- verti dont on doit « arracher » des précisions, informations, ou le patient extraverti atteint d'une logorrhée délicate et dif- ficile à stopper. La communication non verbale résulte de l'influence de différents paramètres qui interagissent. Ceux concernant la vision, la posture, la gestuelle du praticien vis-à-vis du patient sont fondamentaux. En général, la communication verbale est plus particu- lièrement dévolue aux problèmes techniques et cognitifs alors que la communication non verbale a une influence importante sur le comportement émotionnel de la relation praticien-patient. L'incidence clinique de cette relation sur le succès thé- rapeutique est diversement interprétée. Elle est pour certains auteurs essentielle dans le succès prothétique. À l'opposé, pour d'autres elle n'a aucune influence. L'ensemble de ces opinions est sans aucun doute excessif. Mais il semble qu'il n'existe aucune corrélation entre la personnalité et l'insatis- faction, et seulement une faible corrélation entre l'insatis- faction et l'acceptation psychologique du patient8 "12 ' Bien que les motifs soient, au premier abord, évidents concernant le traitement de l'édentement total, ils diffèrent selon qu'il s'agit d'un premier traitement de l'édentation totale ou du renouvellement d'une prothèse existante. Dans le premier cas, le praticien doit mettre en évidence les aspirations et espérances du patient, ses craintes et ses appréhensions. Souvent, les motivations du patient revêtent deux formes : les unes exprimées immédiatement, les autres non. Les premières sont la suppression de gènes, de douleurs liées aux dents restantes, à une prothèse instable, le réta- blissement de l'esthétique, de la mastication. Les secondes, non exprimées, ont un rôle très important, car elles tradui- sent les réelles aspirations du patient. Elles peuvent être d'ordre esthétique, fonctionnel etc. Seule la prise en compte de cette double motivation permettra au praticien de réel- lement répondre aux aspirations du patient. D'autre part, le mode d'expression, le vocabulaire employé, les termes uti- lisés permettent de caractériser le profil psychologique de celui-ci. Le patient est ensuite invité à préciser : - les circonstances qui l'ont conduit à perdre ses dents (caries, mobilités, négligence, peur) ; - depuis quand? (La durée de l'édentement est très importante car elle donne, en fonction du volume res- tant des crêtes, des indications sur la résistance ou non à la résorption.) - les différents traitements qui ont été effectués, ainsi que le type des éventuelles prothèses adjointes partielles. L'examen des anciennes prothèses fournit de nom- breuses indications sur la position initiale du plan occlu- sal, la position des dents antérieures ou postérieures. Dans le deuxième cas, il s'agit du renouvellement des prothèses existantes. En dehors d'événements majeurs tels que perte ou fractures, le renouvellement d'une prothèse est effectué à partir de l'analyse des qualités et défauts des prothèses existantes. Cependant, les critères d'évaluation varient entre le praticien et le patient. Les souhaits du patient sont plus précis, fonctionnels (66 %), esthétiques et fonc- tionnels (21 %) ou esthétiques (6 %). Alors que les critères du praticien sont plus orientés vers la rétention14, 15 . L'analyse de la composante physique correspond à l'éva- luation des données objectives du patient. Elle dépend des quatre facteurs suivants.