MASTÈRE SPÉCIALISÉ PAPDD
2012-2013
Des outils techniques en appui à la décision
publique
Stratégies de développement et de diffusion des outils de
modélisation hydraulique et de simulation d’exploitation du
Cetmef
Mémoire de thèse professionnelle pour le Mastère spécialisé PAPDD
BUCHHEIT Pauline
Organisme d’accueil :
Cetmef
134 rue de Beauvais - CS 60039
60280 Margny Lès Compiègne
Correspondants au sein de l’organisme d’accueil :
M. François HISSEL
M. Patrick CHASSÉ
Sous la direction de :
M. Bruno LEMAIRE
École des Ponts ParisTech, AgroParisTech-Engref et le Cetmef n’entendent donner
aucune approbation ni improbation aux thèses et opinions émises dans ce rapport ; celles-ci
doivent être considérées comme propres à leur auteur.
J’atteste que ce mémoire est le résultat de mon travail personnel, qu’il cite entre
guillemets et référence toutes les sources utilisées et qu’il ne contient pas de passages ayant déjà
été utilisés intégralement dans un travail similaire.
Remerciements
J’aimerais remercier vivement François Hissel et Patrick Chassé pour m’avoir confié
cette mission et fait confiance tout au long de son déroulement. Merci pour votre suivi et vos
remarques. Je remercie également Bruno Lemaire, mon tuteur à AgroParisTech, pour son suivi et
ses conseils tout au long de ma mission.
J'aimerais remercier aussi l’ensemble des personnes qui m’ont reçue au cours de ce stage,
au Cetmef et dans les autres institutions, pour leur disponibilité, leur accueil cordial et leurs
talents de pédagogue. En plus de la masse considérable de connaissances et d’expériences que
j’ai pu approcher dans des domaines aussi variés que la modélisation hydraulique et
l’exploitation fluviale et portuaire et des nombreux points de vue qui m’ont été offerts sur la
modélisation et l’action publique en général, j’ai également eu le plaisir de découvrir quinze
villes différentes, discuter de thématiques inconnues dans une langue étrangère, approcher de
près des infrastructures portuaires, et en particulier des cuves de béton de 90 mètres de diamètre
en construction et une forme de radoub de quinze mètres de haut, déguster une crèpe en face de
l’océan et traverser un pont sur l’Oise quatre fois par jour pendant trois mois en regardant passer
les cygnes et les péniches.
Toute ma reconnaissance sincère à l’équipe du deuxième étage du site de Compiègne
pour avoir égayé mon stage de pauses café animées et m’avoir beaucoup appris sur la vie d’un
service de l’État, et en particulier mes colocataires d’open space Stéphane et Vanessya pour avoir
supporté mes clics de clavier et mon stress de dernière minute, ainsi qu’Alain Chambreuil pour
sa patience à m’expliquer le fonctionnement d’une écluse, et sa gentillesse.
Un remerciement tout particulier à Chantal pour avoir géré mes missions avec une
patience et un dévouement sans faille et agraphé une cinquantaine de billets de train et de bus à
des états de frais, ainsi qu'à l'ensemble des agents du siège de Compiègne.
Enfin, merci à Navarith pour avoir offert un cadre idéal à cette mission, et bien plus.
Résumé :
Le centre d’études techniques maritimes et fluviales (Cetmef), service technique central
du ministère de l’Ecologie, du Développement durable et de l’Energie, développe des outils
d’aide à la décision venant en appui aux maîtres d’ouvrage publics que sont l’État, les
collectivités locales, Voies navigables de France et les grands ports maritimes, dans des domaines
tels que la prévention des risques naturels, le développement et la sûreté des infrastructures de
navigation ou encore l'aménagement du territoire. Cette étude s’intéresse particulièrement aux
stratégies de développement et de diffusion des outils de modélisation hydraulique et de
simulation d’exploitation des ports maritimes et des voies navigables du Cetmef. L’objectif est
de proposer des pistes d’actions pour l’évolution future de ces outils, en fonction des besoins des
partenaires du Cetmef et des autres outils existants, et en prenant en compte l’entrée prochaine
du service au sein du centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité
et l’aménagement (Cerema).
La rencontre de plusieurs utilisateurs actuels des outils du Cetmef ou d’outils similaires et
des bénéficiaires d’études réalisées avec ces outils a permis de faire remonter un certain nombre
de besoins techniques, dans chacun des deux domaines étudiés. Mais les choix de développement
et de diffusion qui peuvent être faits nécessitent avant tout de clarifier le positionnement du
Cetmef par rapport aux missions de recherche, d’ingénierie, d’expertise et d’accompagnement
des maîtres d’ouvrage qui sont attendues de lui.
Abstract :
Cetmef is a central technical department which comes under the Minister for Sustainable
Development. It forms a crossroads for research, engineering and technical solutions. It provides
software to the national community (State, public entities, local authorities, etc.), in the field of
flood risk management, navigation safety, capacity assessment of navigation infrastructure. This
study focuses on Cetmef software development and distribution processes, in the areas of
hydraulic modelling (free-surface flows, waves and sediment transport) and traffic simulation in
ports and inland waterways. The aim of the study is to propose some measures to improve these
processes according to the needs of its main partners, its forecoming institutional framework and
the other available software.
The results of our interviews provided scope for future software development.
Nonetheless, it is important to clarify the expectations of both Cetmef and its partners before
developing new strategies related to software production and distribution.
Synthèse
Le centre d’études techniques maritimes et fluviales (Cetmef) est un service à compétence
nationale du ministère de l’Écologie, du Développement Durable et de l’Énergie (MEDDE), créé
en 1998. Son siège est à Compiègne, avec deux implantations importantes à Brest et Bonneuil-sur-
Marne, ainsi que deux agences à Nantes et Aix-en-Provence.
Les missions du Cetmef couvrent plusieurs thèmes d’actualité, comme le développement
du transport fluvial et maritime, l’optimisation des infrastructures de transport et la sécurité de la
navigation, mais aussi la prévention des risques d’inondation et le développement des énergies
marines. Sur ces sujets, le Cetmef réalise plusieurs types de mission, de l’ingénierie à la
recherche en passant par la production méthodologique, la conduite d’expertise et
l’accompagnement des maîtres d’ouvrage publics. En particulier, il assure le développement et la
diffusion d’outils techniques d’aide à la décision, à destination des services de l’État et des
gestionnaires publics d’infrastructures de transport maritime et fluvial.
Son rôle a évolué suite aux réformes successives affectant les missions de ses partenaires
historiques – grands ports maritimes, voies navigables de France. Un nouveau changement
majeur est en cours aujourd’hui, avec la création au 1er janvier 2014 du centre d’études et
d’expertise pour les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement (Cerema), qui
regroupera à partir du 1er janvier 2014 les huit centres d’études techniques de l’équipement
(CETE) et trois services à compétence nationale (Cetmef, Sétra et Certu). À ce moment
charnière, il semble opportun de mener une réflexion sur le rôle du Cetmef et sa contribution à
son environnement institutionnel et scientifique dans ses domaines de compétence. Les activités
de production et de diffusion d’outils techniques nécessitent en particulier d’avoir une vision à
moyen terme des ressources humaines permettant le maintien et la promotion d’outils
complexes.
Cette étude vise à formuler des propositions pour l’amélioration des processus de
développement et de diffusion des outils techniques du Cetmef, dans les domaines de la
simulation d’exploitation des ports maritimes et des voies navigables et de la modélisation
hydraulique. Nous avons cherché en particulier à évaluer l’importance de ces outils pour l’action
publique dans les champs de compétences du MEDDE et à identifier des opportunités pour leur
développement et leur diffusion futurs, selon les besoins exprimés par les utilisateurs des
logiciels et les bénéficiaires d’études mobilisant ces outils.
1. Maintenir des outils pour l'optimisation des infrastructures de transport maritime et
fluvial
Dans le domaine du transport maritime et fluvial, les études de simulation d’exploitation
permettent d’évaluer la capacité d'un réseau d'infrastructures à écouler un trafic actuel ou futur.
Ces études peuvent intéresser aussi bien les gestionnaires, les exploitants, les usagers et les
financeurs d’une infrastructure de transport. Le logiciel Sinavi a été développé par le Cetmef
pour la simulation d’exploitation des voies navigables ; le logiciel Sipor pour celle des ports
maritimes. Les deux logiciels reposent sur la théorie mathématique des files d’attente et
permettent de simuler les différentes étapes du trajet d’un bateau dans un port ou dans une voie
navigable. Plusieurs scénarios d’évolution des infrastructures et des règles de navigation peuvent
ainsi être simulés et comparés en termes d’impact sur l’écoulement du trafic.
Les études ont été menées jusqu’à maintenant en interne au Cetmef, pour le compte des
autorités portuaires et de VNF principalement. Elles ont ainsi permis d’évaluer les besoins en
déroctage du grand port maritime de La Rochelle en 2010, de comparer plusieurs scénarios
d’agencement des futurs terminaux du port du Havre en fonction des contraintes engendrées sur
l’écoulement du trafic, ou encore de dimensionner le recalibrage des tronçons à grand gabarit des
voies navigables du Nord-Pas de Calais. Les outils de simulation d’exploitation se révèlent un
outil particulièrement utile à l’optimisation des infrastructures de transport maritime et fluviale,
afin de répondre à la volonté politique actuelle de développement de ces modes de transport,
dans un contexte de restriction budgétaire.
Aujourd’hui, le développement du noyau de calcul repose exclusivement sur le travail du
développeur historique de l’outil, en collaboration étroite avec les deux utilisateurs du logiciel
qui apportent leur expertise dans le domaine fluvial et portuaire. La question du maintien des
compétences après les départs à la retraite de l’unique développeur et de l’utilisateur principal en
2014, n’a toujours pas été résolue. L’équilibre entre des compétences en programmation et une
expertise sur l'exploitation portuaire et fluviale semble pourtant indispensable à la pérennisation
de ce logiciel évolutif. Face à ce constat de fragilité des ressources dédiées aux outils du Cetmef,
nous avons cherché d'une part à identifier les besoins à venir en matière de simulation
d'exploitation, et d'autre part à recenser les autres outils existants, dans le domaine des transports
maritime et fluvial, mais également routier et aérien.
Les besoins proviennent à la fois des gestionnaires d'infrastructures – VNF et la
Compagnie nationale du Rhône, les grands ports maritimes – mais également de l'État, plus
particulièrement la direction générale des infrastructures, des transports et de la mer (DGITM),
qui doit juger de la pertinence des investissements publics. Les compétences sont encore peu
développées dans les bureaux d'études privés ; néanmoins, quelques outils commerciaux existent
déjà, qui disposent pour certains de fonctionnalités intéressantes, dont peuvent s'inspirer les
logiciels du Cetmef. Les services techniques du MEDDE dans le domaine routier et aérien
disposent également de logiciels privés de simulation de transport privés ; le Sétra a même
développé un certain nombre de modules afin d'adapter ces outils à l'évaluation de projets.
Les outils de simulation de transport reposent cependant tous sur la qualité des données
d'entrée des modèles, à savoir les prévisions futures du trafic de marchandises. Or celles-ci sont
aujourd'hui réalisées sur des outils privés, qui donnent parfois des résultats contradictoires. Il y a
ainsi un besoin fort de développer une méthodologie de référence pour la prévision de trafic. La
réunion des services chargés de différents modes de transport au sein du Cerema peut être
l'occasion d'envisager un partenariat pour le développement des méthodologies et des outils de
modélisation, en continuité du travail des pôles de compétences et d'innovation (PCI) existants.
2. Relier la recherche aux besoins opérationnels dans le domaine de la modélisation
hydraulique
La modélisation hydraulique est un domaine très différent ; elle est en effet mobilisée
pour représenter un grand nombre de milieux – fluvial, littoral, maritime, estuarien – dans le
cadre d’études visant à guider l’action d’une diversité d’acteurs publics et privés, dans les
domaines de la prévision et de la prévention des risques naturels, de la sécurité de la navigation
ou encore de la préservation des milieux aquatiques. Elle est également utilisée dans le cadre de
projets de recherche visant une meilleure compréhension des phénomènes complexes représentés
ainsi qu’une amélioration des outils.
Les compétences en hydraulique sont à la fois nombreuses et inégalement réparties sur le
territoire français. Les services déconcentrés de l’État, les établissements publics comme VNF et
les grands ports maritimes et les collectivités territoriales sont les principaux commanditaires
d’études hydrauliques dans le domaine de la prévention des risques naturels, de la préservation
des milieux aquatiques et de la sécurité de la navigation, auxquels s’ajoutent les aménageurs
privés soumis à l’obligation de réaliser des études d’impact. Les services de l’État s'appuient sur
les compétences du réseau scientifique et technique (RST), et principalement des CETE. Les
ressources de ces derniers diminuant, ils reposent de plus en plus sur les bureaux d’études privés,
tout comme les collectivités territoriales. Les établissements de recherche du RST, comme
l’Irstea, le BRGM ou l’Ifsttar, mènent des activités de recherche en partenariat avec des
universités, tout en transmettant un certain nombre de savoirs aux services principalement
opérationnels que sont les CETE.
Le Cetmef, parmi ces acteurs, s’est positionné comme un organisme hybride entre la
recherche et l’opérationnel. Cela le conduit à mener des activités de recherche et de
développement d'outils publics, au sein des laboratoires qu'il a créé en partenariat avec des
établissements de recherche. Il mène également des études d'ingénierie innovantes pour le
compte de maîtres d’ouvrage publics, mais également des expertises, aussi bien dans les
domaines dans lesquels des compétences toujours plus importantes sont transférées aux
collectivités territoriales et aux établissements publics – aménagement du territoire, construction
d’ouvrages ; que dans les domaines qui restent de la compétence de l’État – sécurité de la
navigation, risques naturels. Sur l’ensemble de ces thématiques, n’ayant pas les ressources
internes suffisantes, le Cetmef joue le rôle de tête de réseau auprès des CETE ; il peut également
intervenir en accompagnement des maîtres d'ouvrages lorsque ceux-ci s'adressent aux bureaux
d'études privés. Par ailleurs, le Cetmef contribue au développement et diffuse aux services de
l’État les outils de la chaîne Telemac-Mascaret, en partenariat avec EDF et ses partenaires
européens.
Le Cetmef s'est ainsi positionné à l’interface entre recherche et ingénierie. Mais
l'excellence scientifique, nécessaire à l'expertise de pointe pour le compte de l'État, est-elle
facilement compatible avec les besoins opérationnels des autres acteurs : services de l'État,
collectivités territoriales et bureaux d'études privés ? Des éléments d’évaluation de l’efficacité de
ce positionnement peuvent être apportés par le biais de la satisfaction des services de l’État et
des bureaux d’études vis-à-vis des outils que le Cetmef diffuse.
La chaîne Telemac-Mascaret qui est aujourd’hui libre, semble une opportunité pour les
services de l’État, dont les ressources budgétaires sont diminuées d’année en année. Néanmoins,
ces outils sont développés par des chercheurs, et nécessitent pour leur utilisation des
compétences solides en hydraulique, mais également en programmation. Or ces compétences,
dans le contexte français de forte dispersion des missions relatives à l’hydraulique, semblent
difficiles à acquérir. Il y a donc un besoin fort aujourd'hui pour des outils d'interface, d'entrée des
données et de valorisation des résultats des logiciels de calcul, afin de faciliter leur utilisation et
concurrencer les logiciels commerciaux existants.
3. De la redéfinition des stratégies de production des outils à une réaffirmation du rôle
du Cetmef
La simulation d’exploitation appelle ainsi au maintien d’un outil encore assez confidentiel
et anecdotique en termes d’usages actuels et potentiels, mais dont l’importance est reconnue par
les gestionnaires des ports et des voies navigables, et par leurs tutelles. Le bilan des ressources
aujourd’hui consacrées à ce logiciel impose une redéfinition des stratégies de développement et
de diffusion. Or cela nécessite d’opérer des choix pour chacune des étapes du processus –
développement, diffusion, utilisation – qui sont inextricablement liées. De l’autre côté, la
modélisation hydraulique est un domaine foisonnant d’outils, d’usages et d’acteurs concernés. Le
Cetmef y tient une place particulière, à l’interface entre recherche et opérationnel, et semble ainsi
condamné à concilier des postures tout à fait différentes, parmi une diversité d’acteurs de part et
d’autre.
Ces deux thématiques soulèvent néanmoins des problématiques communes, comme la
fragilité des ressources sur lesquelles reposent de nombreux outils techniques et la difficulté à
gérer à long terme les compétences nécessaires à leur maintien. Une voie prometteuse pour
l'avenir semble être l'établissement de partenariats, que ce soit de manière verticale avec le
monde de la recherche et les gestionnaires publics, ou de manière horizontale, avec les
homologues du Cetmef – services techniques centraux bientôt réunis au sein du Cerema, ou
homologues européens. En effet, de nombreuses thématiques sont transversales – prévention des
inondations en milieu rural et urbain, gestion des transports – et internationales, du fait de la
réglementation européenne, de la mondialisation des transports en particulier maritimes et de
l'existence de cours d'eau transfrontaliers.
Les deux thématiques étudiées soulignent également la complexité des processus de
développement et de diffusion des outils, qui nécessitent de s’interroger sur la posture à adopter
face aux différents commanditaires et vis-à-vis des acteurs privés. Ainsi, le besoin d'expertise
provient à la fois de la part des gestionnaires publics, mais également de la part de l'État. Le cas
singulier des concessionnaires privés d'infrastructures publiques pose également question : à
quelles conditions un outil peut-il trancher entre des intérêts contradictoires ? Peut-on utiliser un
même outil pour une expertise et une contre-expertise ?
Au final, l’amélioration des stratégies de développement et de diffusion des outils
techniques du Cetmef semble passer par la mise en place de partenariats et de procédures
permettant de recueillir et d’intégrer les besoins des utilisateurs et des bénéficiaires des études
aux développements. Elle nécessite également d’élargir toujours plus la réflexion sur l’évolution
des outils au contexte thématique et institutionnel de leur utilisation. Cela permet de ne pas
oublier la place qu’a la modélisation au sein des procédures de décision, et les réels déterminants
de la qualité d’une modélisation, vis-à-vis de sa capacité à représenter la réalité et de son
influence sur la décision finale.
Sommaire
Introduction......................................................................................................................................1
Partie 1 : Enjeux de la simulation d’exploitation portuaire et fluviale et place du Cetmef.............3
I.Des outils au service des ports maritimes et des voies navigables...........................................3
A)Contexte des études de simulation d’exploitation..............................................................3
B)Présentation des outils du Cetmef et leurs applications.....................................................4
C)Un outil de dialogue à manipuler avec précaution.............................................................8
II.Historique de développement et de diffusion des logiciels de simulation d’exploitation du
Cetmef.......................................................................................................................................10
A)Des outils développés en interne, pour répondre aux besoins des partenaires historiques
du Cetmef.............................................................................................................................10
B)Des outils en amélioration continue.................................................................................11
C)Des tentatives timides de diffusion à des bureaux d’études.............................................11
III.Les besoins contrastés des commanditaires.........................................................................12
A)Des pistes d’amélioration des outils du Cetmef...............................................................12
B)Les usages potentiels futurs des outils du Cetmef............................................................13
C)Les autres attentes des partenaires vis-à-vis du Cetmef...................................................15
IV.Autres outils et stratégies pour la simulation des infrastructures de transport.....................18
A)Les autres outils de simulation d’exploitation dans les domaines portuaire et fluvial.....18
B)Des besoins similaires chez les autres services techniques centraux...............................21
Partie 2 : Enjeux de la modélisation hydraulique et positionnement du Cetmef...........................25
I.La modélisation hydraulique : outils et usages.......................................................................25
A)Principe de la modélisation hydraulique numérique........................................................25
B)La modélisation hydraulique en milieu terrestre..............................................................26
C)La modélisation hydraulique en milieu maritime et littoral.............................................32
II.Les processus de développement et de diffusion des outils de modélisation hydraulique....37
A)Historique de développement et de diffusion des outils du Cetmef.................................37
B)Une nouvelle stratégie de développement et de diffusion................................................38
C)État des lieux des compétences en hydraulique en France...............................................41
III.Les besoins exprimés des utilisateurs et de l’administration centrale..................................48
A)Besoins des utilisateurs et facteurs de choix des outils....................................................48
B)Attentes de l’administration centrale................................................................................52
C)Autres politiques de développement et de diffusion........................................................53
Partie 3 : Vers une redéfinition des stratégies de production des outils du Cetmef.......................57
I.Evolution des missions du Cetmef : des statuts qui changent et des relations qui subsistent 58
A)Historique des missions du Cetmef et relations avec ses commanditaires......................58
B)Perspectives d’évolution avec le Cerema.........................................................................61
II.Attentes actuelles des partenaires..........................................................................................63
A)Besoin des commanditaires et positionnement face au privé...........................................64
B)Besoins des tutelles..........................................................................................................65
C)Besoins des CETE............................................................................................................66
III.Éléments de réflexion pour de nouvelles stratégies.............................................................67
A)Ancrer la simulation d’exploitation dans un ensemble plus large...................................67
B)Créer des ponts dans le domaine de la modélisation hydraulique....................................69
C)Recommandation générales..............................................................................................71
Conclusion.....................................................................................................................................73
Références......................................................................................................................................75
Liste des annexes...........................................................................................................................76
Introduction
Introduction
1 Contexte
Le centre d’études techniques maritimes et fluviales (Cetmef) est un service à compétence
nationale du ministère de l’Écologie, du Développement Durable et de l’Énergie (MEDDE). Créé en
19981, il résulte de la fusion entre le service technique central des ports et des voies navigables
(STCPMVN) et le service technique de la navigation maritime et des transmissions de l’équipement
(STNMTE), anciennement service technique des phares et balises (STPB). Son siège est à Compiègne,
avec deux implantations principales à Brest et Bonneuil sur Marne, ainsi que deux agences à Nantes et
Aix en Provence.
Les missions du Cetmef couvrent plusieurs thèmes d’actualité : le développement du transport
fluvial et maritime, l’optimisation des infrastructures de transport et la sécurité de la navigation, mais
aussi la prévention des risques d’inondation et le développement des énergies marines. Sur ces sujets, le
Cetmef réalise plusieurs types de missions, de l’ingénierie à la recherche en passant par la production
méthodologique, la conduite d’expertise et l’accompagnement des maîtres d’ouvrage publics. En
particulier, il assure le développement et la diffusion d’outils techniques d’aide à la décision, à destination
des services de l’État et des gestionnaires publics d’infrastructures de transport maritime et fluvial.
Son rôle a évolué suite aux réformes successives affectant les missions de ses partenaires
historiques – grands ports maritimes, voies navigables de France. Un nouveau changement majeur est en
cours aujourd’hui, avec la création par la loi n°2013-431 du 28 mai 2013 du centre d’études et d’expertise
pour les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement (Cerema), qui regroupera à partir du 1er
janvier 2014 les huit Centres d’études techniques de l’équipement (CETE) et trois services à compétence
nationale (Cetmef, Sétra et Certu). À ce moment charnière, il semble opportun de mener une réflexion sur
le rôle du Cetmef et sa contribution à son environnement institutionnel et scientifique dans ses domaines
de compétence. Les activités de production d’outils techniques nécessitent en particulier d’avoir une
vision à moyen terme des ressources humaines permettant le maintien et la promotion d’outils complexes.
2 Problématique
Ainsi, ce rapport cherchera à répondre à la question suivante :
Comment le Cetmef, dans le cadre du futur Cerema, peut-il améliorer les processus de
production et de diffusion de ses outils techniques ?
Il s’agira en particulier d’évaluer l’importance de ces outils pour l’action publique dans les
champs de compétences du MEDDE, et d’identifier des opportunités pour leur développement et leur
diffusion future, selon les besoins exprimés par les utilisateurs et les bénéficiaires d’études mobilisant ces
outils.
Nous restreindrons l’étude à deux familles d’outils : les outils de simulation d’exploitation des
ports et des voies navigables et les outils de modélisation hydraulique. Ces deux thématiques sont très
différentes à plusieurs égards – celui de la diversité des usages et des utilisateurs de ces outils, du nombre
d’outils alternatifs existants, et des stratégies de développement et de diffusion qui ont été suivies par le
Cetmef. Leur analyse croisée permettra ainsi de tirer des enseignements plus généraux.
1Décret n°98-980 du 2 novembre 1998 portant création du centre d’études techniques maritimes et fluviales
1
Introduction
3 Méthodologie
La formulation de pistes d’amélioration s’appuiera sur le retour d’expérience des agents du
Cetmef et de ses partenaires, sur le recueil des attentes et des ressentis des utilisateurs des outils et des
bénéficiaires des études, ainsi que sur l’analyse d’autres stratégies de développement et de diffusion
existantes. À cette fin ont été menés :
• Une série d’entretiens auprès de développeurs et d’utilisateurs des logiciels du Cetmef et d’autres
outils ; des bénéficiaires actuels et potentiels des études ; de personnes ayant encadré les
processus de développement et de diffusion des outils ; enfin, des tutelles du Cetmef au sein de
l’administration centrale. La liste des personnes rencontrées est en annexe 1.
• La lecture de rapports techniques sur l’hydraulique et la gestion portuaire et fluviale, les notices
théoriques et d’utilisation des logiciels, des mémoires d’étudiants et des guides méthodologiques
amorçant un premier état des lieux des outils existants.
• La consultation de la réglementation relatives à l’ingénierie publique et les évolutions
institutionnelles du Cetmef (lois et arrêtés de création), des documents stratégiques du Cetmef et
des différentes conventions signées avec les partenaires, et des rapports rédigés par des
inspecteurs généraux.
• Une comparaison à l’international, incomplète faute de temps, ainsi qu’auprès d’autres services
techniques centraux opérant sur des sujets proches.
4 Déroulement du rapport
Dans les deux premières parties sont traitées successivement les deux familles d’outils étudiées,
en présentant pour chacune d’elles un panorama des outils existants et de leurs usages en appui à l’action
publique, un historique de développement et de diffusion jusqu’à aujourd’hui et enfin un bilan des
besoins exprimés de la part des différentes parties prenantes et des autres stratégies existantes.
La troisième partie se penche sur l’évolution du rôle et du positionnement du Cetmef vis-à-vis de
ses partenaires, et sur les perspectives qui s’offrent aujourd’hui à lui. Des recommandations seront ainsi
formulées sur l’évolution des deux familles d’outils.
2
Partie 1 : Enjeux de la simulation d’exploitation portuaire et fluviale et place du Cetmef
Partie 1 : Enjeux de la simulation d’’exploitation
portuaire et fluviale et place du Cetmef
Cette partie traite des politiques de développement et de diffusion des outils de simulation
d’exploitation du Cetmef, développés à partir des années 80 pour simuler le trafic dans les ports
maritimes et les voies navigables. Après une brève présentation des outils et des usages qui en sont faits,
ainsi qu’un rappel de l’histoire de développement et de diffusion de ces outils, un certain nombre
d’éléments seront analysés, permettant de guider une révision des stratégies : les besoins actuels des
bénéficiaires des études, une revue des outils analogues existants et un aperçu des stratégies des autres
services techniques centraux oeuvrant dans le domaine des transports.
I. Des outils au service des ports maritimes et des voies
navigables
A) Contexte des études de simulation d’exploitation
Dans le domaine du transport maritime et fluvial, les études de simulation d’exploitation
permettent d’évaluer la capacité du réseau à écouler un trafic actuel ou futur. Ces études peuvent ainsi
intéresser aussi bien les gestionnaires, les exploitants, les usagers et les financeurs d’une infrastructure de
transport.
1 Dans le domaine portuaire
Les études visent à répondre aux besoins des autorités portuaires, d’évaluer la pertinence de
nouveaux projets d’infrastructures ou de l’optimisation des ouvrages existants. Il peut s’agir d’études
prospectives à long terme afin d’adapter les ouvrages aux prévisions de trafic, ou d’une réponse à court
terme à un problème d’exploitation ponctuel.
Les grands ports de commerce accueillent de nombreux trafics différents : ferry, porte-conteneurs,
pétroliers, minéraliers, vraquiers, dont l’évolution est fortement tributaire de la conjoncture économique.
Le développement rapide du trafic de conteneurs a accentué la mise en concurrence des ports à l’échelle
mondiale. Les autorités portuaires doivent ainsi répondre à la demande des armateurs en matière de
rapidité du service. À cela s’ajoute l’agrandissement continu des navires qui rend plus difficile leur
accueil dans les ports. Enfin, une problématique actuelle est le développement de la desserte fluviale des
ports, qui nécessite aussi de repenser l’organisation des trafics au sein du port.
L’augmentation en volume d’un trafic ou l’accueil d’un nouveau trafic affecte l’ensemble des
activités du port. Par le passé, les autorités portuaires privilégiaient l’agrandissement du port et la
construction de nouveaux quais. Dans le contexte actuel de restriction budgétaire et de diminution de
l’espace disponible pour étendre le port, du fait de la proximité de la ville ou la présence d’espaces
naturels protégés, c’est aujourd’hui l’optimisation des aménagements existants qui est recherchée. À
surface égale, on peut ainsi changer l’affectation des différents quais.
Les conséquences de ces modifications sur le fonctionnement global du port peuvent être mises
en évidence par une étude de simulation d’exploitation.
Suite à la réforme des ports français définie par la loi du 04 juillet 20082, les ports autonomes,
devenus grands ports maritimes, ont cédé les outillages de manutention (grues et portiques) aux
2 Loi n° 2008-660 du 4 juillet 2008 portant réforme portuaire
3
Partie 1 : Enjeux de la simulation d’exploitation portuaire et fluviale et place du Cetmef
opérateurs privés de terminaux. Les études de simulation peuvent donc également intéresser ces
opérateurs pour évaluer leurs besoins propres en termes de structure de flotte, d’outillage et
d’appontement.
2 Dans le domaine fluvial
La simulation d’exploitation intéresse également les établissements en charge de la gestion des
voies navigables. Le territoire français dispose ainsi de 8.500 km de voies navigables, dont 6.700 km ont
été confiés à l’établissement public Voies navigables de France (VNF) et ses sept directions territoriales.
La gestion du Rhône a, quant à elle, été concédée à la Compagnie Nationale du Rhône en 1934, tandis
que les grands ports maritimes du Havre, de Marseille et de Dunkerque, ainsi que les ports fluviaux de
Paris et de Strasbourg gèrent le réseau fluvial situé à l’intérieur de leur domaine portuaire. Enfin, les
collectivités territoriales sont parfois gestionnaires de portions du réseau fluvial.
Ces établissements ont pour mission le développement et la modernisation de la voie d’eau et des
ouvrages de navigation – écluses, ponts-canaux, tunnels. Les études de simulation peuvent permettre
d’identifier les besoins futurs de développement en fonction de la capacité du réseau à écouler le trafic et
évaluer l’impact sur cette capacité de différents investissements – doublement des écluses, recalibrage de
biefs – ou de modifications des règles d’exploitation – optimisation des éclusées, mise en place
d’alternats.
B) Présentation des outils du Cetmef et leurs applications
Le logiciel Sinavi a été développé par le Cetmef pour la simulation d’exploitation des voies
navigables ; le logiciel Sipor pour celle des ports maritimes. Les deux logiciels reposent tous deux sur la
théorie mathématique des files d’attente et permettent de simuler les différentes étapes du trajet d’un
bateau dans un port ou dans une voie navigable. Plusieurs scénarios d’évolution des infrastructures et des
règles de navigation peuvent ainsi être simulés et comparés en termes d’impact sur l’écoulement du trafic
(annexe 2).
1 Fonctionnement du logiciel
a) Modélisation du réseau et de la flotte
La première étape de la modélisation consiste à représenter le réseau considéré. Celui est découpé
en segments uniformes, séparés par des gares, auxquels s’ajoutent des points remarquables : dans le
domaine fluvial, les écluses, tunnels, ponts-canaux ; dans le domaine portuaire, les cercles d’évitage qui
permettent aux navires de réaliser des manoeuvres à l’approche du quai, les bassins dans lesquels se
trouvent un ou plusieurs quais de chargement-déchargement et les écluses, qui permettent de maintenir
certains bassins à une hauteur d’eau constante, malgré la marée. La deuxième étape consiste à décrire la
flotte qui sera simulée ainsi que les règles de navigation et d’exploitation qui s’appliquent aux différentes
unités.
b) Simulation
Lors de la simulation dans Sinavi, le bateau est généré à sa gare de départ, puis parcourt les
différents biefs, ponts-canaux et tunnels et franchit les écluses qui se trouvent sur son trajet, jusqu’à sa
gare de destination. Le bateau navigue selon la vitesse maximale autorisée par la réglementation ou par
les caractéristiques physiques de la voie d’eau. Il respecte les conditions de croisement et de trématage, et
4
I.Des outils au service des ports maritimes et des voies navigables
n’est pas contraint par les conditions de vent ni de courant. La règle principale de gestion des files
d’attente est le principe du premier arrivé, premier servi, que l’on peut nuancer par la définition de règles
de priorité.
Dans Sipor, le navire généré à l’entrée du port franchit les différents chenaux, zones de manoeuvre
et écluses qui le mènent à son quai d’affectation. Tout au long du trajet sont prises en compte les règles de
navigation et de croisement, les conditions de marée et les durées de parcours. Une fois le chargement ou
déchargement au quai terminé, le navire prend le trajet inverse vers la sortie et subit ainsi les mêmes
conditions de navigation qu’à l’aller.
c) Résultats
Les deux logiciels génèrent un fichier d’historique reprenant l’ensemble des passages de bateaux
aux différentes gares du réseau. Des traitements statistiques de cet historique permettent d’évaluer les
indicateurs d’écoulement de trafic qui ont été jugés pertinents : nombre de bateaux générés, durées de
parcours, taux d’occupation des écluses et des quais, temps d’attente dans chaque gare, et temps d’attente
total par catégorie de bateaux.
Les logiciels permettent ainsi d’identifier des points éventuels d’engorgement sur le réseau ainsi
que les causes principales des attentes. Sont en effet distinguées :
– les attentes de sécurité, du fait des règles d’interdiction de croisement ou de trématage,
– les attentes d’accès, du fait des créneaux de navigation ou d’accès aux ouvrages,
– les attentes d’occupation, liées à l’occupation des écluses ou des quais,
– les attentes d’indisponibilité, du fait des pannes et des travaux,
– dans Sipor uniquement, les attentes liées à la marée.
2 Déroulement d’une étude en partenariat
Les études ont été menées jusqu’à maintenant en interne au Cetmef, pour le compte des autorités
portuaires et de VNF principalement. Voici les principales étapes de déroulement d’une étude.
a) Conception du modèle et collecte des données d’entrée :
La première étape est la définition du problème auquel veut répondre le maître d’ouvrage, et
l’identification des leviers qui peuvent être mobilisés pour y répondre. Cela détermine les frontières du
système à modéliser ainsi que les différentes caractéristiques à représenter : structure de la flotte3, règles
d’exploitation, caractéristiques techniques des ouvrages. À ces éléments correspondent des données
quantitatives et qualitatives à recueillir et à entrer dans le modèle.
Les étapes de collecte, de centralisation, de structuration et de synthèse des données d’entrée sont
les plus lourdes. Elles incombent le plus souvent au commanditaire, et peuvent nécessiter, du fait de la
spécificité de chaque étude, des ajustements en cours de route.
– Modélisation du réseau
Dans un premier temps, le réseau doit être modélisé dans la logique du logiciel, c’est-à-dire par
une succession de biefs caractérisés par des règles de navigation ou des dimensions particulières. Par
exemple, les 80 km de voies navigables à grand gabarit allant de Comines à Arleux, dans le Nord, ont été
représentés en 20 tronçons dans Sinavi.
Les durées d’éclusée en milieu portuaire ou fluvial sont des données qui affectent sensiblement
3 La structure de flotte est la répartition du nombre de bateaux par type
5
Partie 1 : Enjeux de la simulation d’exploitation portuaire et fluviale et place du Cetmef
les résultats du modèle. Elles doivent être obtenues par des mesures de terrain et le retour d’expérience
des éclusiers. Il est à noter qu’elles dépendent souvent à la fois de l’écluse et du type de bateau considéré.
Il faut distinguer le temps de vidange ou de remplissage du sas, qui est le même quelque soit le type de
bateau ainsi que dans le cas d’une fausse bassinée4, mais varie selon les caractéristiques de l’écluse
(dimensions, âge, type de vannes) ; et le temps de manoeuvre en entrée et en sortie de sas, qui dépend lui,
à la fois du bateau (manoeuvrabilité) et de l’écluse considérée (manoeuvrabilité des portes, distance de
l’aire d’attente au sas).
– Données et prévisions de trafic
Le modèle est calé à partir des données historiques et actuelles de trafic. Dans le domaine
portuaire, ces données sont recueillies auprès de la capitainerie, qui recense dans une base de données les
caractéristiques des navires, leur quai de destination ainsi que les horaires des différentes étapes du trajet
du navire dans le port : montée à bord du pilote à l’entrée du port, passage aux digues et aux écluses,
accostage, appareillage, passage de retour aux digues.
Dans le domaine fluvial, qu’il s’agisse du domaine géré par un port maritime ou par VNF, les
données de trafic sont recueillies de manière plus dispersée ; on retrouve les horaires de passage des
bateaux dans les cahiers d’éclusiers, mais le nombre total de bateaux est le plus souvent estimé à partir du
tonnage annuel transporté sur la voie d’eau et de la structure de flotte. On tient également compte dans le
calcul du taux de chargement des unités : une partie d’entre elles sont lèges, et les autres ne sont pas
remplies au maximum de leur capacité d’emport. On obtient au final le nombre de bateaux de chaque
catégorie qui naviguent sur la liaison considérée. Des hypothèses fortes doivent encore être prises sur le
trajet emprunté par ces bateaux, c’est-à-dire leur point d’entrée et de sortie sur le réseau. En ce qui
concerne les prévisions de trafic, la Direction de la Prospective, du Budget et Systèmes d’Information de
VNF réalise des études sur la structure de flotte future.
Les estimations du trafic futur permettant d’alimenter le modèle, sont produites dans certains
ports par le service chargé de la prospective, et par la Direction de la Prospective, du Budget et Systèmes
d’Information de VNF. Elles proviennent parfois aussi d’études réalisées par des prestataires extérieurs
(voir section C).
– Règles de navigation
Dans le domaine fluvial, les fenêtres de navigation des différentes catégories de bateaux doivent
être recueillies auprès des navigants ou des services de VNF expérimentés. Par exemple, les bateaux de
petite dimension, qui sont souvent des artisans soumis au code du travail, s’arrêtent la nuit, tandis que les
gros bateaux circulent 24h/24 avec un système de relais.
Par ailleurs, le recueil précis des conditions de croisement et de trématage dans chaque tronçon,
nécessaire pour une étude de recalibrage, nécessite dans le domaine fluvial une étude spécifique de
géométrie du réseau. Dans le domaine portuaire, les règles de sécurité sont érigées pour l’ensemble du
port par la capitainerie.
La modélisation du réseau nécessite donc une connaissance fine du réseau, qui est encore loin
d’être acquise dans le domaine fluvial. La collecte des données nécessaires au modèle a néanmoins le
mérite de faire communiquer les différentes entités et de soulever parfois des problèmes jusque-là éludés.
b) Calage et validation du modèle
Des premières simulations sont réalisées à partir de données de trafic historiques et actuelles, de
4 Vidange ou remplissage d’une écluse sans bateau, de manière à remettre l’écluse dans le sens de navigation
souhaité
6
I.Des outils au service des ports maritimes et des voies navigables
manière à ajuster les différents paramètres pour que le modèle reproduise bien la situation actuelle ; c’est
l’étape de calage, qui nécessite souvent une forte interaction entre le commanditaire et le prestataire. Ces
premiers résultats en termes de nombre de bateaux, de temps de trajet et de temps d’attente sont en effet
vérifiés selon les données disponibles et l’expertise conjointe du prestataire et du commanditaire. Les
résultats peuvent également être soumis pour validation à un autre service, comme dans le domaine
fluvial le service chargé des relations clients, qui dispose d’une forte expertise sur les trafics, les bateaux,
les filières et les horaires de navigation, ou la capitainerie dans le domaine portuaire ; ou encore à des
acteurs extérieurs, transporteurs fluviaux ou armateurs.
c) Simulation et résultats
Après validation du modèle, les différents scénarios sont simulés, en intégrant les données projet
concernant la structure de la flotte future, les nouvelles configurations de quai, de chenaux ou de biefs ou
encore les nouvelles règles de navigation. Les résultats du modèle n’ont pas vocation à prédire un niveau
de service futur, mais bien à fournir des ordres de grandeurs permettant de comparer plusieurs scénarios
et d’évaluer l’impact de décisions d’aménagement et d’exploitation.
La comparaison des scénarios s’appuie sur un certain nombre d’indicateurs choisis par le
commanditaire parmi ceux fournis par le logiciel. Ainsi, un projet d’approfondissement des chenaux
d’accès aux quais fera principalement varier les temps d’attente liés à la marée ; une modification des
règles d’exploitation des quais ou de leurs dimensions, entraînera une variation des attentes d’occupation
des quais.
À l’issue de ces comparaisons, le modélisateur émet des recommandations en termes
d’investissement ou de modification des règles d’exploitation, selon un optimum recherché entre coûts
d’investissement et coûts de fonctionnement, liés à l’attente des bateaux.
3 Des études permettant de traiter différents thèmes
a) Estimation des besoins de déroctage pour l’accès aux quais dans le port
de La Rochelle
L’étude conduite pour le Port de la Rochelle en 2010 s’inscrivait dans le projet d’extension du
port dans l’Anse Saint-Marc (voir illustration en annexe 2). Ce projet nécessitait d’améliorer les accès
nautiques par des travaux de déroctage. Au vu du coût de la mobilisation du matériel de déroctage, le port
a voulu réaliser en amont une étude prospective pour identifier les besoins à long terme de développement
du port et donc de déroctage.
L’objectif de l’étude était donc d’évaluer l’impact du déroctage sur les temps d’attente des navires
en fonction d’hypothèses d’évolution du trafic à l’horizon 2025. Le but était d’optimiser les coûts de
déroctage par rapport à l’attente évitée. L’étude a permis d’identifier les zones qu’il était nécessaire
d’approfondir et la profondeur optimale au vu des deux indicateurs : gain de temps et coût des travaux.
L’étude a ainsi apporté une justification économique du projet et a permis d’appuyer le dossier
auprès des tutelles et des financeurs. L’étude a été reprise dans le dossier de prise en considération du
projet.
b) Faisabilité de différentes configurations d’aménagement des terminaux
dans le port du Havre
L’étude réalisée en 2012 pour le port du Havre avait pour objectif d’identifier l’impact de
7
Partie 1 : Enjeux de la simulation d’exploitation portuaire et fluviale et place du Cetmef
différents scénarios à long terme d’aménagement du port sur l’écoulement du trafic. Ces projets
s’inscrivent dans la volonté du port de développer le trafic de conteneurs, tout en maintenant le rythme de
croissance des activités de pétrochimie et de roullier. L’étude a permis de mettre en évidence des risques
de saturation non seulement de l’écluse François 1er, que le port souhaite doubler, mais également du
chenal d’accès à cette écluse, qui dessert également plusieurs terminaux. La comparaison des temps
d’attente des différentes catégories de navires a permis de hiérarchiser les différents projets
d’aménagement.
c) Estimation des besoins de recalibrage d’un tronçon de VNF Nord
La direction territoriale Nord-Pas de Calais de VNF mène une réflexion sur la modernisation de
son réseau grand gabarit, situé au débouché du projet de canal Seine Nord Europe. Ce réseau de 250 km
est divisé en trois branches à partir de la ville d’Arleux :
– une prenant la direction d’Escaut,
– l’autre de Dunkerque,
– et la dernière permettant de rejoindre les ports de Gand et d’Anvers par la Lys mitoyenne et
Comines.
Dans le passé, des simulations ponctuelles ont été réalisées par le Cetmef, sur des problématiques
spécifiques appelant des solutions à court terme, comme la traversée de la ville de Douai ou la mise en
place de surlargeurs afin de faciliter la navigation dans les courbes de la Lys.
Néanmoins, ces études couvrant des linéaires restreints sont insuffisantes. VNF aimerait avoir une
vision systémique et à plus long terme de son réseau, avec un modèle couvrant chacune des trois branches
du réseau. Dans le cadre des études stratégiques de VNF à l’horizon 2020-2050, les résultats de l’étude de
simulation ont ainsi pour but d’aider la direction territoriale à prioriser les projets de doublements des
écluses et de relèvement de ponts, en anticipation du projet du canal Seine Nord Europe.
La première branche sélectionnée pour ce modèle à grande échelle a été celle allant de Comines à
Arleux, afin de répondre par la même occasion aux problématiques plus spécifiques de surlargeurs
auxquelles est confronté le secteur des courbes de Deulémont.
La question spécifique à laquelle doit répondre l’étude est la suivante. Faut-il recalibrer le tronçon
considéré pour des bateaux de 135 m de long, ou peut-on le recalibrer uniquement pour des bateaux de
110m, et maintenir l’alternat pour des bateaux plus longs, sans entraîner de temps d’attente inacceptable ?
C) Un outil de dialogue à manipuler avec précaution
1 La simulation, un outil de dialogue et de mobilisation des parties
prenantes
Les études de simulation d’exploitation sont souvent utilisées pour justifier et objectiver une
décision d’aménagement vis-à-vis des financeurs mais également des autres interlocuteurs du maître
d’ouvrage publique : opérateurs privés, armateurs, navigants, police de la navigation, qui ont tous leurs
exigences sur les conditions de navigation à l’intérieur de la voie d’eau.
L’étude a un poids variable dans la procédure de décision, en fonction des cas. Elle permet
parfois de trancher entre deux caractéristiques techniques, comme une profondeur de déroctage ou une
largeur de bief, mais s’ancre toujours dans un programme d’études techniques – trajectographie, tenue à
poste des navires – ou financières bien plus large.
8
I.Des outils au service des ports maritimes et des voies navigables
Néanmoins, son principe de représentation systémique d’une entité complexe, port maritime ou
voie navigable, fait d’elle un outil privilégié de dialogue et de mobilisation des différentes parties
prenantes. En tant qu’objet intermédiaire, elle permet de faire communiquer, dans le cas des ports,
l’autorité portuaire, responsable des aménagements, la capitainerie, du fait de son expérience de la gestion
du trafic, les pilotes, qui connaissent les conditions de navigation dans le port ainsi que les clients du port,
qui dans le contexte économique actuel ont un fort pouvoir de négociation croissant du fait des emplois
qu’ils représentent.
L’étude de simulation s’ancre ainsi dans un processus de concertation qui réunit des acteurs ayant
des expertises complémentaires mais également des intérêts parfois contradictoires et des horizons de
temps différents. Dans un tel contexte, quelle est la capacité de l’outil technique à apporter des éléments
objectifs ? Comme dans tout travail de modélisation, la qualité de la simulation, entendue au sens de
fiabilité des résultats vis-à-vis de la réalité, dépend à la fois de la qualité des données d’entrée et de
l’expertise mobilisée dans l’interprétation des résultats.
2 Importance des estimations du trafic futur
Si les données historiques et actuelles de trafic et les caractéristiques du réseau sont difficiles à
récolter et nécessitent un travail d’investigation important, les données futures de trafic se placent à une
toute autre échelle de complexité. Les niveaux futurs de trafic de marchandises dépendent en effet de
nombreux facteurs et varient fortement en fonction de la conjoncture économique. Or, ces données
déterminent grandement la fiabilité des résultats du modèle ; lorsqu'il s’agit d’évaluer la pertinence d’un
investissement à long terme, une estimation fiable du trafic futur se révèle donc indispensable.
Dans le domaine fluvial, plusieurs outils d’évolution du trafic ont pu être mobilisés dans le cadre
du projet Seine Nord Europe. L’étude de simulation d’exploitation, menée par le Cetmef sur le projet de
canal, a ainsi utilisé les estimations de trafic issus d’une étude réalisée dans le cadre des études
préliminaires de Seine Nord Europe, par le bureau d’études Catram consultants, spécialisé dans
l’économie et l’organisation des transports. Afin d’améliorer la fiabilité des résultats de l’étude de
simulation, des tests de sensibilité ont été effectués à partir des résultats issus d’une deuxième étude,
réalisée cette fois par la société Belconsulting5, sur le secteur voisin de la Lys. Celle-ci prévoyait ainsi une
évolution différente de la structure de flotte.
Dans le cadre du même projet, le bureau d’études Stratec a mené d’autres études de trafic à partir
du logiciel Nodus, amenant à des résultats encore différents. Nodus un logiciel graphique conçu pour la
modélisation des réseaux multimodaux de transport de marchandises : chemins de fer, routes, canaux et
transport maritime à courte distance. À partir d’une matrice origine-destination et par la minimisation des
coûts de transport, l’outil donne les solutions de transport les plus avantageuses. Nodus a été développé
par le groupe Transport et Mobilité des Facultés Universitaires Catholiques de Mons6.
Plusieurs outils commerciaux existent donc ; mais le Cetmef n'a pas pu avoir accès aux données
utilisées par ces logiciels, ni à leur fonctionnement. Par ailleurs, il n'existe pas encore de méthodologie de
référence, permettant de juger de la qualité de ces études de trafic. Les modélisateurs contournent
aujourd'hui ce problème en définissant plusieurs scénarios de trafic, suivant différentes hypothèses, ce qui
permet d’avoir une bonne idée du comportement futur du réseau. Une autre possibilité est de prendre le
problème par l'autre sens, et de déterminer par itération le trafic qui amènerait à saturation les ouvrages
considérés, sans préjuger de la date à laquelle il adviendrait.
5 Qui appartient aujourd’hui à Antea Group
6 www.stratech.be/fr/Traitement_de_l_information-3.2.htm
9
Partie 1 : Enjeux de la simulation d’exploitation portuaire et fluviale et place du Cetmef
3 Interprétation délicate des résultats
Si l’outil a pour but de quantifier des tendances dont on a a priori l’intuition, son intérêt est
également de faire émerger parfois des résultats suprenants. Or il faut une certaine expertise, à la fois dans
le domaine de la programmation informatique que dans le domaine de l’exploitation fluviale ou portuaire,
pour évaluer si ces résultats proviennent d’une erreur de paramétrage ou bien d’une caractéristique
particulière du système étudié. De même, les résultats obtenus doivent être mis en regard des temps
moyens d’attente dans d’autres contextes, afin d’éclairer au mieux la décision du maître d’ouvrage.
Les outils de simulation d’exploitation se révèlent donc un outil particulièrement utile à
l’optimisation des infrastructures de transport maritime et fluviale, afin de répondre à la volonté politique
actuelle7 de développement de ces modes de transport, dans un contexte de restriction budgétaire. Avant
de se pencher sur les perspectives d’évolution de ces outils, un retour sur leur historique et l’état actuel
des ressources s’impose.
II. Historique de développement et de diffusion des
logiciels de simulation d’’exploitation du Cetmef
A) D es outils développés en interne, pour répondre aux besoins des
partenaires historiques du Cetmef
C’est au début des années 80 que le développeur actuel des outils de simulation d’exploitation,
Alain Pourplanche, entreprend le développement d’un programme qui simule le fonctionnement d’un
ensemble de quais dans un port maritime. Cet outil, appelé Sipor, permet de calculer le taux d’occupation
d’un quai en fonction du trafic et du temps de chargement et de déchargement des navires. Le temps de
navigation du navire, de l’entrée du port jusqu’au quai, est calculé en amont de la simulation et considéré
comme fixe. Cet outil est alors utilisé dans de nombreuses études pour le compte des ports autonomes et
des ports d’intérêt national, comme le port de Sète en 1988. À l’époque, tous les projets d’investissement
des ports étaient soumis à l’avis du Cetmef. L’outil est également utilisé auprès d’un opérateur privé,
SeaBulk, installé dans le port de Dunkerque, pour quantifier son besoin d’appontement.
À l’occasion du projet Port 2000 d’extension du port autonome du Havre, le modèle SIM 2000 est
développé, qui permet d’évaluer les conséquences des conflits de navigation dans les chenaux portuaires
sur l’écoulement du trafic. En effet, la problématique au Havre est l’installation d’un nouveau terminal
dans un port qui accueille déjà de nombreux trafics différents, employant pour certains les mêmes
chenaux d’accès aux quais ainsi que l’écluse François 1er, à l’entrée du bassin amont. Il devient alors
évident que le temps que le navire met pour aller de l’entrée du port jusqu’au quai varie en fonction du
trafic existant dans le port. Des temps d’attente considérables peuvent être causés par la saturation de
l’écluse ou l’emprunt de cercles d’évitage.
À la fin des années 90, débute le projet FUDAA, qui vise à développer une interface homme-machine
adaptée aux programmes du Cetmef. Dans les années qui suivent, de nouvelles fonctionnalités
sont développées sur le noyau de calcul au fur et à mesure des demandes des Ports, tandis que l’interface
est développée en parallèle par deux agents du Cetmef, puis par une seule personne, Frédéric Deniger,
aidée de plusieurs stagiaires issus de l’Université Technologique de Compiègne.
Au milieu des années 2000, les deux logiciels du domaine portuaire, Sipor et Sim2000, sont
couplés dans Fudaa-Sipor. Ce nouvel outil est alors testé et optimisé sur trois études successives : La
7 http://www.developpement-durable.gouv.fr/IMG/pdf/CP_developpement_transport_fluvial_-_16-04-2013.pdf
10
II.Historique de développement et de diffusion des logiciels de simulation d’exploitation du
Cetmef
Rochelle, Le Havre et Nantes-Saint Nazaire.
En parallèle, le développement d’un outil similaire est lancé sur le domaine fluvial, pour le
compte de VNF et des services de navigation. Une des premières études est celle des écluses de
Méricourt, sur le bassin de la Seine. Le but était alors de savoir si une ancienne écluse devait être remise
en service le temps de réparer l’écluse actuelle. Depuis, Sinavi a été utilisé dans le cadre de plusieurs
études pour le compte de VNF, dans le cadre du projet Seine Nord Europe, de la modernisation du réseau
de la direction territoriale Nord-Pas de Calais ou encore de l’automatisation des écluses du canal de Saint-
Quentin.
B) Des outils en amélioration continue
Le noyau de calcul des deux logiciels est amélioré à chaque nouvelle étude, afin de l’adapter aux
attentes des bénéficiaires et au contexte étudié. En parallèle, deux aspects des outils sont aujourd’hui
développés au sein de la direction scientifique du Cetmef.
D’une part, les utilisateurs du logiciel recensent les améliorations qui doivent être apportées à
l’interface Fudaa afin de faciliter la prise en main des outils. Un cahier des charges est en construction
aujourd’hui afin d’externaliser ces développements. En effet, depuis le départ de Frédéric Deniger dans la
société d’informatique Génésis, le développement de l’interface a été externalisé à plusieurs reprises,
auprès de Génésis et de la société DeltaCAD, située à Compiègne. Le recrutement récent d’un agent au
sein de la division Informatique a pour but de relancer cette activité en interne.
D’autre part, le département Simulation Informatique Modélisation cherche à améliorer les lois
d’arrivée et de service théoriques sur lesquelles repose le logiciel. L’analyse des échantillons de dates
d’arrivée diponibles permet de déterminer une loi de probabilité d’arrivée empirique. Une des difficultés
des logiciels de simulation est d’obtenir une loi de probabilité théorique, qui approche mieux la réalité.
Les fonctions de répartition théorique utilisées sont des lois d’Erlang d’ordre i. Le choix de
l’ordre de la loi d’Erlang est conditionné par la valeur du rapport écart-type sur moyenne (s/m) de la loi
empirique. Afin que chaque rapport s/m corresponde une loi théorique, une combinaison de lois d’Erlang
d’ordres différents a récemment été mise au point. Les travaux du service ont également permis d’obtenir
l’estimation de l’erreur entre les lois générées et les lois d’Erlang, en fonction du nombre de navires.
C) Des tentatives timides de diffusion à des bureaux d’études
Si les outils ne font pas l’objet d’une communication particulière, ils ont tout de même été
présentés à deux Journées scientifiques et techniques du Cetmef, l’une concernant les voies navigables,
l’autre le domaine portuaire.
La politique de diffusion des outils a évolué au cours du temps au Cetmef. La réduction des
moyens humains a poussé les services à promouvoir la diffusion gratuite des outils aux structures
demandeuses. Ainsi, le fichier exécutable – et non les codes sources – de Sinavi a été fourni à deux
bureaux d’études, Stratech et Bief, qui en avaient fait la demande ; il s'agissait alors d'une version
antérieure du logiciel. Le Cetmef leur a offert une journée de formation et un contrat de support donnant
droit à une autre journée d’assistance à l’utilisation du logiciel.
Le bureau d’études belge Stratech a testé Sinavi sur le projet Mageo de mise à gabarit européen
de l’oise aval, pour le compte de VNF. Le logiciel a également été diffusé en 2007 au bureau d’études
Bief8, spécialisé dans le domaine de l’eau et basé à Paris. Celui-ci s’en est servi sur l’étude du relèvement
8 http://www.caricaie.fr/
11
Partie 1 : Enjeux de la simulation d’exploitation portuaire et fluviale et place du Cetmef
d'une route nationale franchissant le canal de Beaulieu situé sur la liaison Bray sur Seine - Nogent sur
Seine, sur le secteur de la Seine amont. Il a été réutilisé en 2009 afin d'actualiser les données de trafic,
toujours avec l'aide du Cetmef. Il n'a pas été réutilisé depuis, tout simplement par manque d'opportunité.
Le Cetmef n’a pas suivi le déroulement des études, ni eu en main les rapports conclusifs. La
diffusion n’a pas été tentée une nouvelle fois en raison des besoins de maintenance qu’impliquait cette
stratégie, qui plus est dans une période de rapide évolution du logiciel. En outre, à l’époque de ces
diffusions, une personne de plus qu’aujourd’hui était disponible pour la maintenance du logiciel et
l’assistance auprès des utilisateurs. Cela serait impossible aujourd’hui, dans l’état actuel des moyens
humains consacrés au développement du logiciel.
Aujourd’hui, le développement du noyau de calcul repose exclusivement sur le travail d’Alain
Pourplanche, en collaboration étroite avec les deux utilisateurs du logiciel, Alain Chambreuil et Arnaud
Bana, qui apportent leur expertise dans le domaine fluvial et portuaire. La question du maintien des
compétences après les départs à la retraite d’Alain Pourplanche et d’Alain Chambreuil en 2014, n’a
toujours pas été résolue. L’équilibre entre des compétences en programmation et une expertise sur les
contextes portuaire et fluvial semble pourtant indispensable à la pérennisation de ce logiciel évolutif.
Face à ce constat de fragilité des ressources dédiées aux outils du Cetmef, et afin d’envisager des
pistes d’actions pour l’avenir des études de simulation d’exploitation, il est important de recenser les
besoins des bénéficiaires des études et de s’inspirer des autres outils existants dans le domaine des
transports maritime et fluvial, mais également routier et aérien.
III. Les besoins contrastés des commanditaires
Dans le cadre de cette étude, les besoins des commanditaires actuels et potentiels des études de
simulation d’exploitation ont été recueillis, afin de guider le développement futur des outils. Ont ainsi été
rencontrés les bénéficiaires récents et actuels des études, ainsi qu’un bénéficiaire potentiel dans le
domaine fluvial, la commission nationale du Rhône (CNR) et la tutelle de VNF au sein de la DGITM. Ils
ont soulevé des pistes d’amélioration des outils du Cetmef, de nouveaux usages possibles ainsi que
plusieurs visions du rôle du Cetmef.
A) D es pistes d’amélioration des outils du Cetme f
1 Une représentation plus fine du système
La représentation de situations particulières nécessite parfois de trouver quelques astuces de
modélisation – simplifications, détournement de certaines fonctionnalités. Ces astuces permettent de
représenter de manière appropriée la réalité et reposent sur l’expertise du modélisateur. Néanmoins, elles
sont difficiles à justifier auprès du client qui ne connaît pas les subtilités du logiciel.
Ainsi, l’amélioration de la desserte fluviale des ports conduit à modéliser des bateaux fluviaux au
sein d’un modèle portuaire. Or ce dernier est basé sur des allers-retours de navires entre la rade et le quai,
tandis que les barges ne réalisent qu’un aller simple, du quai vers l’amont du port. Sur le cas du port du
Havre, des astuces ont été utilisées pour simuler le passage des barges à l’écluse François 1er : le nombre
de barges générées a été divisé par deux pour représenter les deux sens de navigation, avalant et montant.
De même, les navires sont artificiellement allongés à la fois pour prendre en compte la présence de
remorqueurs de part et d’autre du navire et pour assurer une distance suffisante entre deux navires à quai,
afin de tenir compte des amarres.
12
III.Les besoins contrastés des commanditaires
Par souci de simplification, le modèle utilise également des données moyennes. En l’absence
d’analyse de sensibilité sur ces données, le bénéficiaire peut craindre que les résultats s’en trouvent tout
aussi approximés. Par exemple, le modèle n’exploite pas complètement les données de trafic très précises
de la capitainerie, en regroupant les différents navires par catégories de même destination.
Certaines simplifications entraînent parfois des erreurs non négligeables. Ainsi, le nombre de
remorqueurs n’est pas limitant dans le modèle, or il l’est dans la réalité.
2 Des indicateurs supplémentaires pour répondre à de nouvelles
problématiques
La direction territoriale Nord-Pas de Calais a la volonté de réduire la consommation en eau de ses
ouvrages et pour cela optimiser le nombre de bassinées réalisées. Le logiciel Sinavi pourrait servir d’outil
d’aide à la décision sur ce sujet, à condition de réaliser plusieurs modifications.
Dans un premier temps, de nouveaux indicateurs déjà existants dans Sinavi pourraient être mis en
avant, comme le nombre de bassinées par an et par écluse ainsi que le nombre de fausses bassinées,
permettant de calculer une consommation en eau annuelle. Le suivi du nombre de bassinées annuel et par
ouvrage aurait d’ailleurs une autre utilité : il pourrait inciter à la vigilance si les bassinées sont plus
nombreuses sur des ouvrages anciens. La répartition dans le temps du passage des bateaux par ouvrage
est également intéressante, afin d’identifier des pics éventuels.
Dans un second temps, afin de tester des stratégies d’optimisation du nombre de bassinées, que ce
soit pour les économies d’eau ou pour améliorer la fluidité du trafic, il faudrait pouvoir déroger à la règle
du premier arrivé – premier servi qui régit le modèle. Ainsi, dans la réalité, l’éclusier attend 4-5 min
qu’un bateau arrive dans le sens inverse, plutôt que de réaliser une fausse bassinée qui prendra environ le
même temps.
Les thématiques de consommation énergétique prennent également de l’importance dans le
domaine fluvial, qui est en effet un argument aujourd’hui employé pour valoriser le transport fluvial par
rapport au transport routier. À partir du nombre de bassinées et en connaissant la consommation
énergétique d’une bassinée, on pourrait estimer le bilan énergétique de l’écluse, ainsi que son bilan
carbone. Le bilan des bateaux, en termes d’énergie consommée et d’émission de polluants, pourrait être
déterminé à partir du tonnage transporté, de la distance parcourue et de leur vitesse.
Enfin, même si ce thème n’est pas prioritaire aujourd’hui, le logiciel pourrait éventuellement
estimer l’impact sonore de la navigation en traversée de ville à partir de la structure de flotte.
Il est important de noter que l’amélioration de l’outil repose essentiellement sur une amélioration
des données d’entrée ; de même, l’ajout de nouvelles fonctionnalités demande de la part du
commanditaire le recueil de données supplémentaires.
B) Les usages potentiels futurs des outils du Cetmef
1 De nouvelles études déjà envisagées
La direction territoriale Nord-Pas de Calais de VNF souhaite modéliser l’ensemble de son réseau,
afin de répondre par la suite à des problématiques globales ou ponctuelles. La démarche qui est entreprise
actuellement sur l’axe Comines – Arleux sera ainsi appliquée aux deux autres axes du réseau.
Le port du Havre aimerait mener une nouvelle étude de simulation, dans le cadre des perspectives
d’augmentation du trafic fluvial en lien avec le projet du canal Seine Nord Europe. Le port est connecté à
13
Partie 1 : Enjeux de la simulation d’exploitation portuaire et fluviale et place du Cetmef
la Seine par le canal de Tancarville. L’étude aurait pour objectif d’évaluer la capacité des écluses de
Tancarville, situées à l’extrémité du canal qui touche la Seine, afin de déterminer à quel trafic elles
arriveront à saturation. Plusieurs contraintes particulières de gestion sont à considérer :
– l’entretien des écluses lié à l’envasement, qui implique l’existence de créneaux d’accès
– la présence de deux sas qui peuvent fonctionner simultanément
– la concentration des bassinées à certaines heures, du fait du comportement des bateliers qui
cherchent à remonter la Seine avec l’onde de marée afin d’économiser du carburant. Est-ce
qu’une meilleure répartition des bassinées permettrait d’éviter la saturation de l’écluse ?
Le port de Dunkerque, qui a déjà fait réaliser plusieurs études de simulation par des bureaux
d’étude privés, avec le Cetmef comme assistance à maîtrise d’ouvrage, aimerait à l’avenir rendre ce genre
d’études plus systématique.
2 Un nouveau bénéficiaire potentiel des études
La Compagnie Nationale du Rhône (CNR) est une entreprise à capital majoritairement public,
avec GDF Suez pour actionnaire industriel de référence. Créée en 1933, elle reçu en 1934 la concession
du Rhône pour l’aménager et l’exploiter selon trois objectifs : la production d’hydroélectricité (19 usines
de production aujourd’hui), l’amélioration de la navigation (en particulier de Lyon à la Méditerranée),
l’irrigation et les autres usages agricoles.
À côté de ces missions de service public, la CNR est également un bureau d’études en ingénierie.
Elle a notamment réalisé un certain nombre d’études d’avant-projet pour le compte de VNF, en
s’associant à la filiale belge de GDF Suez Tractebel.
La CNR s’est vue demander par les chambres de commerce et d’industrie (CCI) d’investir dans la
modernisation du réseau d’ici la fin de la concession en 2023. Notamment, le doublement des écluses sur
le réseau grand gabarit représenterait un investissement de 3 milliards d’euros, alors qu’il n’est pas jugé
utile par la CNR.
Une étude de simulation permettrait de confirmer ou non cette impression en estimant la capacité
des écluses suivant plusieurs scénarios plus ou moins optimistes d’évolution du trafic. L’étude devrait
également dégager des pistes d’amélioration de la fluidité du trafic à équipement constant.
La CNR dispose aujourd’hui d’un système centralisé de téléconduite des 14 écluses de son réseau
à grand gabarit, à partir du centre de gestion de la navigation basé à Châteauneuf-du-Rhône. En 2014 est
prévue la mise en place d’un outil de suivi en temps réel de la navigation qui, couplé au Système
d’identification automatique des bateaux9, permettra d’optimiser les temps de passage aux écluses.
L’objectif est d’améliorer la fluidité du trafic en préparant les écluses dans le sens avalant ou montant et
en organisant des éclusages groupés en fonction des bateaux présents sur le bief.
Les bateaux sont enregistrés lors de leur passage aux écluses, ainsi que leur cargaison et leur
destination, et sont entrés dans la base de données Sardine gérée par le CGN. Ces données sont d’ailleurs
publiées en temps réel sur le site InfoRhône. On peut ainsi obtenir la vitesse moyenne de navigation dans
le sens montant et dans le sens descendant, ainsi que le volume de marchandises transportées, même si
cela ne permet pas d’identifier d’éventuelles escales entre deux écluses. Ces données pourraient alimenter
un modèle développé sur Sinavi.
9 ou Automatic Identification System (AIS), un système d’échanges automatisés de messages entre bateaux par
radio VHF qui permet de connaître l’identité, le statut, la position et la route des bateaux se situant dans une
zone de navigation
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III.Les besoins contrastés des commanditaires
3 Des demandes différentes vis-à-vis de la diffusion du logiciel
La plupart des personnes rencontrées dans les ports autonomes ont déclaré ne pas avoir les
ressources humaines suffisantes pour pouvoir utiliser le logiciel en interne. En effet, les occasions pour un
port d’utiliser le logiciel sont peu fréquentes, et donc ne justifient pas d’investir dans une formation au
logiciel, qui devrait être renouvelée à chaque utilisation.
À l’inverse, la direction territoriale Nord-Pas de Calais de VNF a clairement émis le souhait de
disposer du logiciel, une fois que l’ensemble de son réseau aura été modélisé par le Cetmef. L’objectif
serait qu’un de ses agents devienne autonome pour réaliser des études ponctuelles. Ce transfert de
compétences nécessite des formations en plusieurs temps (présentation du logiciel puis modules plus
poussés) ; de l’aide à l’installation du logiciel ; de l’assistance continue par la suite ; des supports de
formation afin de pérenniser la compétence en cas de turn-over au sein de VNF. De même la CNR, dans
la perspective d’un partenariat avec le Cetmef, aurait les ressources nécessaires pour prendre en main le
logiciel en interne.
Sans réellement acquérir le logiciel, un commanditaire a néanmoins émis le souhait de recevoir
les résultats de la simulation sous la forme d’une page d’interface, où il pourrait sélectionner certaines
configurations d’aménagement et obtenir les temps d’attente correspondants.
C) Les autres attentes des partenaires vis-à-vis du Cetme f
1 Des besoins techniques plus larges et variés de la part des gestionnaires
La direction territoriale Nord-Pas de Calais aimerait que le Cetmef aille au-delà de la simulation
d’exploitation et propose des pistes d’amélioration technique permettant de répondre aux problèmes
soulevés par l’étude de simulation, en l’occurence l’optimisation du temps d’éclusée. Le maître d’ouvrage
aimerait ainsi disposer d’un état de l’art des solutions techniques existantes.
Le grand port maritime de Dunkerque a pour projet de développer des méthodes d’analyse socio-économique
plus larges que les études de simulation, permettant d’évaluer les externalités des projets
publics. Par exemple, l’évaluation du projet Baltique-Pacifique pourrait considérer l’impact sur le temps
de trajet moyen des habitants de l’augmentation du trafic routier lié à l’installation de nouvelles activités.
L’impact en termes de consommation de carburant et d’émissions de gaz à effet de serre de la part des
navires accueillis dans le port n’est, lui, pas un sujet pertinent du point de vue du port maritime, tout du
moins à l’échelle locale. En effet, l’augmentation locale de trafic permet sans doute de réduire le trafic à
un autre endroit.
Globalement, les thématiques environnementales (assainissement, dragage, conservation des
zones humides, consommation énergétique) sont d’actualité dans le domaine portuaire et fluvial, comme
en témoigne la mise en place d’équipes dédiées par les gestionnaires.
Par ailleurs, les ports sont aujourd’hui préoccupés par d’autres thématiques. Au port du Havre, il
s’agit de la capacité des terminaux en lien avec leur desserte terrestre. Des études sont ainsi sous-traitées
au CRITT, le centre de recherche et d’innovation en logistique, basé au Havre. Cette association, soutenue
par des acteurs régionaux comme les autorités portuaires et unions maritimes et portuaires de Rouen et du
Havre ou les chambres de commerce et d’industrie., mène des activités de recherche et développement
dans les domaines du transport et de la logistique. Elle a été mobilisée par le port du Havre dans le cadre
de plusieurs projets – projet Roromax de doublement du trafic roullier, plateforme multi-modale. Elle
dispose notamment du logiciel Flexsim, outil de simulation de flux et de stocks permettant d’optimiser la
surface des terminaux en fonction de la capacité de production des industriels.
15
Partie 1 : Enjeux de la simulation d’exploitation portuaire et fluviale et place du Cetmef
Dans le port de La Rochelle, deux questions sont soulevées aujourd’hui. Le port va ainsi lancer
une campagne de mesures de l’effort d’amarrage généré par les navires sur l’appontement pétrolier,
comme l’a fait auparavant le port de Nantes. Le but est de déterminer l’effort qui s’exerce sur les amarres
en fonction du type de navire, du courant, de la houle et du vent. D’autre part, le port aimerait rendre
possible le raccordement électrique des navires à quai, mais cela oblige à affecter les quais et donc
sacrifier à la souplesse d’exploitation du port qui est un avantage comparatif.
2 Le rôle du Cetmef selon les gestionnaires : capitalisation de savoirs et
animation
Il y a globalement une méconnaissance des prestations que peut encore réaliser le Cetmef, et des
procédures permettant d’y avoir accès – appels d’offres, partenariat. Par ailleurs, si les délais sont
toujours évoqués comme un frein à la mobilisation du Cetmef sur des études ponctuelles, sa valeur
ajoutée sur des études de prospective à long terme est par contre reconnue.
De l’avis de l’ensemble des bénéficaires, la position nationale du Cetmef lui permet de capitaliser
un savoir global qui est utile à l’ensemble des ports et services des voies navigables. Certains
bénéficiaires aimeraient d’ailleurs voir ce rôle de capitalisation et d’animation renforcé.
Ainsi, il serait profitable selon eux que le Cetmef communique davantage, par exemple par mail,
à chaque nouvel outil ou publication disponible, et à chaque action du club ouvrages maritimes. En effet,
les partenaires du Cetmef ne vont pas tous régulièrement sur son site internet.
D’autre part, cette production de savoir devrait davantage anticiper les nouvelles réglementations,
par le développement d’une veille, sur la question notamment des séismes, ou sur l’évolution à venir des
navires. Les différents guides techniques produits devraient ainsi être mis à jour régulièrement en fonction
des avancées techniques et réglementaires.
Certaines personnes rencontrées ont exprimé la crainte que les liens historiques qui lient le
Cetmef aux différents établissements publics se fragilisent bientôt du fait du départ des principaux
interlocuteurs, ce qui renforce le besoin d’une communication active de la part du Cetmef auprès des
différents acteurs du domaine maritime et fluvial.
3 Le rôle du Cetmef selon l’administration centrale : une expertise reconnue
et indépendante
L’État n’est plus maître d’ouvrage des projets de modernisation de la voie d’eau. En revanche, il
finance encore largement les gestionnaires de voies navigable et contrôle ainsi les investissements de
VNF de plusieurs manières :
• Des agents de l’administration centrale peuvent être associés aux réunions techniques des projets.
• Le commissaire du gouvernement est membre du conseil d’administration de VNF, qui est
obligatoirement consulté pour les investissements supérieurs à 25 millions d’euros.
• L’État peut enfin faire valoir son point de vue lors de la commission des marchés de VNF, qui
pilote les appels d’offres, mais n’a qu’un avis consultatif.
• La subvention de l’État à VNF est attribuée lors de l’établissement du budget annuel. Il s’agit
d’un financement global des activités de VNF, où l’État n’a pas accès au détail des projets.
L’État a besoin d’un appui technique du Cetmef pour évaluer la pertinence de projets publics
d’investissement sur la voie d’eau. Cependant le Cetmef serait à la fois juge et partie, s’il intervenait à la
fois pour le compte des établissements publics ou des collectivités territoriales par des études
d’ingénierie, et en tant qu’expert indépendant pour le compte de l’État.
16
III.Les besoins contrastés des commanditaires
Deux sujets intéressent particulièrement le bureau des voies navigables qui, à la direction des
infrastructures de transport (DIT) de la DGITM, assure la tutelle des gestionnaires de voies navigables.
a) Prévision des trafics
Un sujet qui préoccupe beaucoup la DIT est la prévision des trafics futurs. Cette question rejoint
tout à fait les réflexions du Cetmef sur la validité des données d’entrée de ses modèles. Lors de grands
projets d’investissement, VNF sous-traite à des bureaux d’études ses prévisions de trafic. Or il manque à
l’heure actuelle une méthodologie de référence qui puisse permettre de juger du bien-fondé d’une
méthode employée ou de certaines hypothèses effectuées lors d’une étude de trafic. Cela existe pourtant
dans le domaine autoroutier. En effet, l’évaluation socio-écononomique des projets est définie par
l’Instruction cadre du 25 mars 2004, mise à jour le 27 mai 2005, relative aux méthodes d’évaluation
économique des grands projets d’infrastructures de transport.
La question de la saturation du Rhône, par exemple, est représentative de l’aspect hautement
sensible de ces questions. Des rapports ministériels prévoient une saturation des ouvrages d’ici à 2030 ou
2040. Or la concession du Rhône à la CNR prend fin en 2023. Faut-il doubler ou non les écluses d’ici là,
ce qui représente un investissement de 20 milliards d’euros ? Il est important pour répondre à cette
question, de développer une méthode reconnue de prévision de la demande de fret, en amont d’une
simulation d’exploitation.
Le CGDD dispose d’un outil nommé MODEV, qui décrit une demande en transport et affecte un
trafic sur un réseau (CGDD, 2011). S’il est bien adapté au transport de personnes, il semble de l’avis de la
DIT moins performant sur les trafics de marchandises. Par ailleurs, le logiciel TransCAD, de la société
Caliper, permet de modéliser les flux de trafic multimodaux. Le Sétra a développé en interne des modules
spécifiques permettant d’évaluer la pertinence des projets de transport routier, par des analyses coûts-avantages
intégrant l’impact des projets sur la sécurité, le temps de trajet des poids lourds, etc.
b) Simulation de la navigation
La simulation de la navigation est aussi un sujet important pour la DIT. Ainsi, dans le projet Seine
Nord Europe, des débats techniques ont eu lieu sur le comportement d’un bateau face au vent, au sujet du
pont-canal qui franchit la Somme. Dans ce cas précis, la prise en compte du vent nécessitait une
surlargeur de l’ouvrage ou la construction de protections le long des bords, soit un renchérissement
conséquent du projet. Il aurait été très intéressant de connaître l’impact de mesures organisationnelles,
comme l’arrêt de la navigation à certaines conditions de vent, sur l’écoulement du trafic et donc le coût de
ces mesures en comparaison aux investissements ainsi évités.
Il y a donc un besoin fort, de la part à la fois des gestionnaires de ports et de voies navigables et
de leurs tutelles. Ces besoins de part et d’autre font d’ailleurs émerger un dilemme de positionnement
pour le Cetmef, sur lequel nous reviendrons dans la partie 3 de ce rapport. Le Cetmef peut-il répondre à
l’ensemble de ces attentes ? Doit-il se positionner en amont de la conception des projets en appui aux
gestionnaires, ou doit-il aider l’État à juger de la pertinence des projets en tant qu’arbitre indépendant ?
Pour répondre à ces questions, il est intéressant de savoir si d’autres outils analogues existent, et comment
les homologues du Cetmef dans le domaine des transports routier et aérien, se positionnent sur ces sujets.
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Partie 1 : Enjeux de la simulation d’exploitation portuaire et fluviale et place du Cetmef
IV. Autres outils et stratégies pour la simulation
d’’exploitation des infrastructures de transport
A) Les autres outils de simulation d’exploitation dans les domaines
portuaire et fluvial
Le Cetmef dispose, dans le domaine de la simulation d’exploitation, d’un savoir-faire original,
encore peu répandu dans les bureaux d’études, particulièrement dans le domaine portuaire. L’offre
d’outils de simulation d’exploitation est elle-même beaucoup moins étendue que dans le domaine de la
modélisation hydraulique. Il existe cependant quelques outils récemment développés par des sociétés
privées, qui témoignent de l’importance de ce type d’approche et d’éventuels partenariats possibles pour
l’avenir.
1 Un logiciel maritime et fluvial : Arena
Artelia utilise depuis 2004 un outil développé à partir du logiciel de simulation Arena, de
Rockwell Automation, et une interface spécifique, nommée Scenario Navigator, développée par
l’entreprise hollandaise Systems Navigator, basée à Delft.
Lors de chaque étude, Artelia et Systems Navigator présentent une offre commune au
commanditaire. Artelia se charge de recueillir l’ensemble des données sur le système portuaire ou fluvial
à modéliser et les objectifs de l’étude, et les transmet à Systems Navigator qui construit alors le modèle et
l’interface correspondante. Puis ils valident ensemble le modèle et c’est l’équipe d’Artelia qui réalise la
simulation. L’interface est très ergonomique ; elle est aujourd’hui disponible sur internet, où sont stockées
également les données de chaque étude. Artelia paie donc une license Arena et une license Scenario
Navigator, auxquelles s’ajoute un forfait de maintenance avec Systems Navigator.
L’outil simule les opérations portuaires et le trajet des navires dans le port. Il représente le
fonctionnement des terminaux gaziers et pétroliers, mais est moins adapté à celui des terminaux à
conteneurs. D’autres logiciels, développés par TBA à Delft et ISL (Institut für Seeverkehrswirtschaft und
Logistik) à Brême, traitent spécifiquement de la gestion et du design des parcs à conteneurs. Par ailleurs,
Artelia réalise parfois, pour de petits projets, des études de trafic sur un simple fichier Excel, par exemple
pour dimensionner un terminal à conteneurs.
a) Contexte des études
L’étude vise le plus souvent à évaluer la pertinence d’une nouvelle infrastructure, en comparant le
coût de l’investissement initial et les coûts de fonctionnement induits en l’absence d’infrastructure, et à
dimensionner cette infrastructure en fonction des caractéristiques locales et des besoins du projet.
L’outil peut être utilisé pour répondre à différents besoins. Le client est souvent un opérateur
privé qui veut dimensionner son terminal en particulier, en fonction des trafics qu’il prévoit et des
contraintes de navigation. C’est le cas de nombreuses études réalisées par Artelia en France et à
l’international. L’outil est parfois aussi utilisé pour le compte d’une autorité portuaire, qui cherche à
évaluer la capacité des infrastructures de son port, en fonction de l’ensemble des activités présentes et
envisagées. Quelles nouvelles activités peut-elle accueillir sur son port ? Doit-elle recalibrer son chenal
d’accès ? Artelia a ainsi mené plusieurs études à l’échelle d’un port entier à l’international, mais une seule
fois en France, auprès du Port de Dunkerque.
De même, l’outil peut être utilisé à la fois dans le domaine maritime et dans le domaine fluvial.
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IV.Autres outils et stratégies pour la simulation d’exploitation des infrastructures de transport
Artelia a ainsi mené des études pour le canal Seine Nord Europe et le canal du Rhône à Sète. L’objectif
est alors de définir la capacité maximale du canal. Les études techniques des écluses fournissent les
durées de bassinées qui sont entrées dans le modèle, mais les conditions météorologiques ne sont alors
pas prises en compte.
b) Fonctionnement du logiciel
L’outil prend en compte plusieurs contraintes à la navigation et aux opérations portuaires, que le
simulateur peut faire varier d’un scénario à l’autre afin d’évaluer leur impact sur les résultats :
• La configuration de la flotte : nombre et dimensions des navires
• Les délais de retard ou d’avance des navires, déterminés par le client, ainsi que le % de navires
concernés.
• Les conditions de production prévues par le client : volume et lois aléatoires de pannes
• La capacité et le nombre des quais, de l’outillage et des réservoirs
• Les données météorologiques sur plusieurs dizaines d’années, recueillies par le client
• Les seuils de navigation, c’est-à-dire les fenêtres de valeurs météorologiques permettant l’entrée
du navire dans le port, son approche dans le chenal de navigation et son amarrage, dans des
conditions d’agitation acceptables. Ces seuils sont issus d’études de courantologie, de
trajectographie et de tenue à poste réalisées en interne.
• Les temps de navigation, pour chaque type de navire, depuis la montée à bord du pilote à l’entrée
du port jusqu’au quai. Il est déteminé en interne d’après des études de trajectographie, qui
modélisent le chenal d’accès et les conditions de houle et de vent.
Le modèle de simulation d’exploitation repose ainsi sur un outil de trajectographie, utilisé en
amont. La structure des chenaux d’accès est intégrée dans cet outil, qui fournit ainsi pour chaque type de
navire un temps de navigation moyen, de l’entrée du port jusqu’au quai. Les conditions de vent, de houle
et de marée sont également intégrées dans les logiciels de trajectographie et de tenue à poste, qui
déterminent les seuils de navigation du modèle de simulation d’exploitation.
Les navires sont générés à l’entrée du port de manière à représenter au mieux les données projet
fournies par le commanditaire – tonnage annuel, taille moyenne de navire et heure moyenne d’arrivée.
Une loi statistique est construite autour de la date d’arrivée, de type Gaussienne ou triangulaire, en
concertation avec le commanditaire. Ensuite, le logiciel réalise une série de tests logiques afin de
déterminer si la navigation est possible dans le chenal selon l’ensemble des paramètres entrés. Si toutes
les conditions sont réunies, le logiciel simule le trajet du navire, l’amarrage et le chargement et le
déchargement, selon les durées entrées au préalable dans le modèle.
c) Résultats
En résultat, le logiciel produit une petite animation en 2D, qui simule l’arrivée des navires et le
remplissage des stocks. Celle-ci permet de vérifier que le modèle fonctionne et de communiquer auprès
du client. Le logiciel fournit également des résultats statistiques – graphiques, tableaux – représentant les
indicateurs-clés qui ont été sélectionnés pour comparer les différents scénarios simulés, qui correspondent
aux coûts d’exploitation suivants.
• Les temps d’attente et de séjour sont ainsi calculés (valeurs moyennes et maximales, par saison et
par année) et leurs causes sont déterminées : exposition au vent et à la houle ou occupation du
quai. Ces résultats sont ensuite comparés à des standards. On obtient également le nombre
maximal de navires en attente, permettant de dimensionner la zone d’attente.
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