«Die Ferien sind vorbei – Ich sortiere aus, werfe weg, gebe fort»
Interview de Metin Arditi, auteur du «Dictionnaire amoureux de la Suisse»
1. Portrait
Arrivé d’Ankara en Suisse à l’âge de sept ans, Metin Arditi grandit
dans un internat au bord du Léman, puis passe par l’EPFL et part
pour l’université de Stanford, en Californie. Après avoir exercé
divers métiers, il se lance dans la littérature à 50 ans. Il vient de
signer le délicieux Dictionnaire amoureux de la Suisse, où il évoque
aussi bien Nicolas Bouvier que Migros ou les charmes de Berne.
Avec talent et amour. Très engagé dans la vie artistique suisse,
Metin Arditi a créé sa fondation en 1988 et il a été président de
l’Orchestre de la Suisse romande.
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Amoureux de la Suisse
L’écrivain Metin Arditi, auteur duDictionnaireamoureuxdelaSuisse, nous parle
de Genève et de Lausanne, du Valais, du Léman, du caractère national suisse, de tout ce à quoi
il est foncièrement attaché. Rencontre avec un homme de lettres au parcours atypique.
Texte: Sylvie Castagné; photos: Fred Merz
Natif d’Ankara, étudiant à l’EPFL,
puis en Californie, vous vivez à
Genève. Quel est votre Heimat?
Pour moi, le Heimat, c’est là où je suis.
Genève. Lausanne aussi, où je me
rends très souvent. Et j’ai un attache-
ment particulier pour le Valais. Il y
a quelque chose de spirituel dans
le Valais. C’est un peu la «maman»
de la Suisse. L’origine de la Suisse est
dans les montagnes.
Vous dites porter un regard «neuf»
sur la Suisse. Est-ce le résultat de
cette multiculturalité?
En 2012, je venais d’être nommé
Ambassadeur de bonne volonté à
l’Unesco, et dans mon discours d’ac-
ceptation, j’ai cité Hugues de Saint-
Victor: «C’est en étranger que l’on
aime le mieux, si ce n’est le plus.»
Cette double condition donne un
regard neuf. Avec le temps, on est de
plus en plus conscient du fait que l’essentiel dans
la vie, c’est l’étonnement. Que c’est ça, vraiment,
le bonheur.
Vous aimez voyager, semble-t-il, et particulière
ment en train…
C’est vrai! J’ai l’abonnement demi-tarif. Pour moi,
c’estunplaisirdeprendreletrain.Ilm’arrivedemon-
ter dans le train, comme ça, d’aller à Montreux ou
à Berne, d’y boire un café et de revenir. Dans le train,
j’écris,jesuistranquille,coupéduquotidien.Ilyacette
liberté. Et puis, les paysages sont magnifiques.
Vous avez étudié la physique, le
génie nucléaire, puis le manage-
ment, travaillé comme conseiller
en stratégie, créé une société im-
mobilière… Comment l’écriture
est-elle arrivée dans votre vie?
En1995,j’avais50ans.J’aicommen-
cé à écrire sans aucune idée de ce
que ça allait donner. Les études,
c’était surtout pour faire plaisir à
monpère.J’avouequandmêmeavoir
eu beaucoup de chance dans les
affaires. Maisj’étaisconscient,heu-
reusement, de ma grande faiblesse,
quiétait–etquiesttoujours–lava-
nité.L’écritureestunremèdecontre
la vanité. Elle fait ressortir nos la-
cunes. Nos incapacités. J’ai fait la
connaissance de Jeanne Hersch, la
philosophe suisse. Avec elle, j’ai
commencé à lire des ouvrages de
philosophie,puisàécriredesessais.
Et vous avez publié votre premier livre peu de
temps après?
En effet, en 1995, on célébrait le tricentenaire de la
mort de La Fontaine. À cette époque, je lisais chaque
jour plusieurs fables. J’ai été invité à faire une confé-
rence sur La Fontaine, à Genève. La Fontaine, c’est la
sagesse de l’Orient, la sagesse du faible. Cette façon
qu’il a de nous mettre face à nos défauts, avec beau-
coup de délicatesse, de bienveillance. De légèreté.
Le texte de ma conférence a été publié en France.
Et finalement, cela a donné le livre Mon cher Jean.
Ça a démarré comme ça. Un hasard. Une rencontre.
Interview de Metin ArditiInterview de Metin Arditi
Octobre | 2017
«J’étaisconscient,
heureusement,demagrandefaiblesse,
quiétait–etquiesttoujours–
lavanité.L’écritureestunremède
contrelavanité.»
2. Dans votre Dictionnaire amoureux, vous revenez
sans cesse sur les qualités du Suisse: dur à la
tâche, humble, à l’écoute, pragmatique, doué de
retenue en toute circonstance.
Oui, c’est une sagesse. Qui vient de l’environnement
naturel. Les Suisses étaient paysans de montagne.
Et même en plaine, la vie était très dure. Regardez
Lavaux, c’est 20 kilomètres de vignes et 10 000 ter-
rasses construites pierre à pierre. Et quand un
paysann’arrivaitpasàgagnersavie,ilsefaisaitenrô-
ler comme soldat. On est bien loin de la cour de Ver-
sailles.Impossible,danscescirconstances,detomber
dansledénideréalité.L’helvétismeestquelquechose
d’extrêmement solide qui a l’apparence de la lenteur.
C’estleparadoxe!Endéfinitif,onvabeaucoupplusvite,
on prend le temps qu’il faut et on fait les choses bien.
Quel est votre endroit préféré en Suisse?
(Il réfléchit.) C’est quand même le bord du lac à Lau-
sanne.UneterrasseàOuchy.Ouchyn’apasbeaucoup
changé. C’est très soigné, rénové, mais il n’y a pas eu
de dégât, de vilaines constructions.
Vous avez vécu à Feldmeilen, au bord du lac de
Zurich, vous vivez maintenant à proximité du Lé-
man. La présence du lac est-elle importante pour
vous?
En fait, mon lien avec le lac s’est établi quand j’étais
enfant, à l’internat où j’ai passé onze ans. C’était à
Paudex, près de Lausanne. Il y avait juste un petit
cheminquinousséparaitdulac.C’estlàquej’aiappris
à nager. Les cygnes venaient sur la grève. À l’époque,
il y avait beaucoup d’algues, cela donnait des odeurs
très fortes. C’était mon sanctuaire.
La Suisse a une tradition d’accueil qui a une ré-
sonnance particulière aujourd’hui…
En effet, mais il y a toujours une mesure. Que l’on
retrouve dans l’hôtellerie. Il n’y a pas d’exagération.
«Leben und leben lassen», ça c’est très suisse. Avant,
au Moyen-Orient, les sociétés étaient plurielles. En
Turquie, au Liban, en Syrie, en Palestine, il y avait
une cohabitation naturelle. Tout cela, c’est fini.
Aujourd’hui, la seule société plurielle qui existe, c’est
la Suisse. Le pourcentage de population musulmane
est du même ordre en Suisse qu’en France. Mais en
France, il n’y a pas de solution, tandis qu’en Suisse,
il n’y a pas de problèmes. C’est la différence.
Depuis que vous avez terminé l’écriture de votre
Dictionnaire amoureux, d’autres entrées vous
sont-elles venues à l’esprit?
Il y en a une que j’aurais bien aimée, c’est Sils-Maria.
Pour ça, je suis dans le chagrin. Je dirais que c’est la
seule.
Vous êtes un brin nostalgique, notamment de la
Suisse de votre enfance…
Sur plus de 600 pages et une douzaine
de chapitres, Metin Arditi décrit
un pays fort, qui suit sa propre voie.
Éditions Plon, 640 p., 36 francs
Ce n’est pas de la nostalgie. C’est beaucoup plus. Car
on est toujours dans l’enfance. C’est une idée très
nietzschéenne à laquelle j’adhère totalement. Quand
vous observez des enfants, vous voyez qu’ils vivent
sans cesse des choses fortes. De grands chagrins, de
grosbonheurs.Cen’estjamaistiède.C’esttrèsintense.
Quand Nietzsche dit: «Il faut retourner à l’enfance»,
c’est de cette intensité à l’égard de la vie qu’il parle. Je
crois beaucoup à cette sagesse. Il faut lutter contre la
banalisationdeschoses.L’importantestdeconserver
sa capacité d’étonnement.
Trouvez-vous que la Suisse sait évoluer avec son
temps?
Si je devais résumer mon sentiment sur la Suisse
en une phrase, ce serait: «Les apparences sont
trompeuses.» Pour une raison très simple: la Suisse
se fiche un peu de ce que l’on pense d’elle. C’est sa
grande force. Elle est assez insensible à l’opinion
qu’ont les gens d’elle, car elle sait qui elle est. Elle
poursuit son chemin.
Vous dites de la Suisse que c’est votre «amou-
reuse». Que lui souhaitez-vous à cette amou-
reuse?
Qu’elle reste elle-même, dans sa capacité à se
détacher du regard d’autrui. J’ai confiance. Elle sait se
préserver.
Interview: Metin ArditiInterview de Metin Arditi
«L’helvétisme
estquelquechose
d’extrêmementsolide
quial’apparence
delalenteur.»
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