La décroissance, ça se mesure !
Ou comment politiser la simplicité volontaire et socialiser la militance ?
Réflexions sur l’intérêt de mesurer et de quantifier - par un aller-retour entre l’individuel et le sociétal - nos consommations de ressources et nos dépenses.
La décroissance, ça se mesure, sans démesure ! (F)Estives 2012 à Rossignol
1. La décroissance,
ça se mesure !
Ou comment politiser la simplicité volontaire et socialiser la militance ?
Limites et intérêts
Exemples et outils
2. La décroissance, ça se mesure !
• Réflexions sur l’intérêt de mesurer et de
quantifier
– nos consommations de ressources et nos
dépenses
– par un aller-retour entre l’individuel et le sociétal
« enchâsser la société dans le quotidien »
et vice-versa
3. Postulats
• Si
– La décroissance = période de transition
volontaire et démocratique qui ramènera
l’empreinte écologique globale de l’humanité à 1.
– Il s’agit de s’extraire « en marche » des pratiques
et de la logique liées au système actuel
(capitaliste, productiviste, consumériste).
– Ce système a des « raisons suffisantes » d’être.
– Il faut donc trouver d’autres « raisons suffisantes
», c'est-à-dire aussi désirables.
4. Hypothèses
• Il peut être utile de
– montrer, à travers des chiffres reliés à des pratiques,
• à quoi cela peut correspondre et ressembler, concrètement, dès
aujourd’hui.
• quels en sont les plaisirs et les intérêts.
– à nous-mêmes
– aux autres mouvements politiques
– aux élus en place (en tant que représentants des institutions)
– aux personnes (particuliers)
– à soi-même
– mesurer dans le temps cette descente de la
consommation et de la production.
6. Auto-limitations 1/5
• Dans la continuité des réserves
des anti-utilitaristes (MAUSS, Alain Caillé)
– Avec l’objectif que cela ne devienne pas le centre de nos
régulations sociales.
• Une sorte de quantification de nos vies, tout aussi néfaste que la
marchandisation.
– Avec le souhait de garder au centre
• les motivations intrinsèques de nos actions (sens, sympathie,
plaisir, convivialité, goût du bien fait…)
• plutôt que d’aliénantes motivations extrinsèques (argent, pouvoir,
bons points d’utilité sociale ou écologique…).
7. Auto-limitations 2/5
• La mesure est réductrice, c’est sa fonction
même.
– Elle est partielle, partiale.
– Elle a vocation à agir sur le monde, pas à le
décrire fidèlement.
• Elle complète donc des objectifs politiques
plus larges.
– Comme cela a été souvent posé dans les débats
sur le PIB, les indicateurs choisis reflètent des
choix. Nous n’y échappons pas.
8. Auto-limitations 3/5
• La recherche de données qualifiées est un
travail ardu et de longue haleine.
– qualité du débat démocratique ?
9. Auto-limitations 4/5
• Ce n’est pas une course à l’échalote
• « je suis plus décroissant que toi, j’ai gagné ! ».
• Seules 2 comparaisons ont du sens :
– avec une moyenne (ou médiane) nationale ou
locale, à un temps T,
– pour une même donnée au cours du temps
(mesure longitudinale).
10. Auto-limitations 5/5
• Si c’est déjà possible dans le système actuel
– Développement durable ?
– Croissance verte ?
– « business as usual » ?
• Le début de la transition
– Sans attendre « les lendemains qui chantent »
– Par une multiplicité d’évolutions pratiques dans
des directions radicalement rénovées
12. Bonnes raisons 1/4
• Rendre visible, concret, accessible, convaincant
– Contre les caricatures faciles, récurrentes et efficaces
• « vous voulez revenir à la bougie et à l’âge des cavernes ».
– Pour répondre à l’inquiétude légitime
• « décroître, oui, mais jusqu’où ? ».
– Pour ne pas se contenter de l’argument moral
• « c’est mieux ».
– Pour ne pas dénier complètement l’importance de
• « combien ça me/nous coûte, combien ça me/nous fait
économiser ? ».
13. Bonnes raisons 2/4
• Parce qu’un changement n’arrive pas tout seul.
– 4 moteurs
• Changements de représentations, de vision de l’avenir.
• Expérimentations concrètes, ici et maintenant, qui prouvent d'autres
possibles.
• Lente appropriation par les systèmes culturels et éducatifs.
• Innovations au niveau des structures et des règles.
• Construire des outils partagés pour faire bouger et articuler
• les comportements personnels
• les modes de fonctionnement des collectifs et des organisations
• les régulations institutionnelles et politiques
• La mesure = le produit ET le cadre de l’action
– Performative.
– Un point d’appui pour agir.
14. Bonnes raisons 3/4
• Décroissance = expérimentation
– Mesurer les évolutions
– Faire ressortir le maintien du niveau d’usage ou de service rendu.
• Mais pas pour tous les usages, tels qu’ils sont pensés aujourd’hui (propriété
privée, renouvellement fréquent…)
– Intégrer les externalités et le long terme
• Calculs en coûts globaux (direct / indirect, achat / maintenance, individuel /
socialisé).
– Montrer les impacts sur de nouveaux indicateurs
• la soutenabilité,
• la résilience,
• la relocalisation,
• le pouvoir des usagers
– Se prémunir d’un piège : l’effet rebond
décroissance en valeur absolue
15. Bonnes raisons 4/4
• Un processus de recherche
– Sur les rouages de nos propres habitudes et pratiques
• « Finalement, ma consommation de ceci n’est pas comme je pensais… »
– Sur les rouages de notre système
• « Finalement, la priorité va d’abord à la diminution de telle consommation
qui est la plus importante en volume… »
– Sur le fonctionnement démocratique et technocratique de notre
société
• Pourquoi telle donnée n’est pas collectée, pourquoi n’est-elle pas
publique, par qui est-elle produite, pourquoi le mode de calcul a-t-il
changé ?
• Se construire un minimum de culture et quelques repères
précis
17. Comparaison de 2 « modes de vie »
• « Décroissant moyen » • « Français moyen »
• Habitat, alimentation, mobilité.
– Pour des usages « normaux » = un service rendu au moins égal
– Avec le niveau de vie médian français.
• autour de 3500 € pour une famille avec 2 enfants.
• Par des choix individuels insérés dans des dynamiques collectives.
19. Comparaison sur l’habitat
• 3x moins de kWh
– 3 080 kWh EF / an / habitant – 9 000 kWh EF / an / habitant
• (dont 676 kWh de chauffage
• Quels types de kWh ? électrique et 900 kWh d’autres
– chauffage (bois) usages électriques)
– électricité (Enercoop)
10x moins de CO2
• Soit 600 € / an / foyer • Soit 1400 € / an / foyer
• 5x moins de kWh
– 60 kWh EF / m2 / an – 300 kWh EF / m2 / an
• Se chauffer, se laver, cuisiner, s'éclairer et faire fonctionner les appareils
• Eclairage public
– 91 kWh par habitant
• Tertiaire (commerce, bureaux, enseignement, santé, sport)
– 3650 kWh par habitant
20. Effet rebond
• Si les ménages habitaient en 2006
– dans les mêmes logements que 20 ans
auparavant
• en termes de surface et d'éloignement des centre-ville
– leur consommation d'énergie serait 10 % plus
faible.
22. Effet rebond
• En 2010, un Français achète environ 6 fois plus
d'équipements électriques et électroniques qu'au
début des années 1990
• L’ économie « virtuelle » a un support réel bien
matériel !
» http://www.stats.environnement.developpement-durable.gouv.fr/uploads/media/PointSur42.pdf
23. Comparaison sur l’eau
TOTAL
m3 / habitant / an
Français : 1 786 m3
Terrien : 1 385 m3
1000
900
800
700
600
500 822,0 Agriculture
?
730,1
400 Industrie
300 Domestique
200
35,0
100 71,0
48,0 115,5
0 0,0
BP Sur le sol Imports
français
Importance
du mode d’alimentation !
24. Comparaison sur l’assainissement
• Toilettes sèches • Boues d’épuration…
– 2 m3 de compost / an
• à 1 € / L = 2 000 € / an…
• Le rétablissement des cycles de
la matière organique
– 20% de la consommation d’eau
économisée
• Coût collectif des toilettes à eau et du TOUT à l’égout ?
– Réseau + systèmes d’épuration + pollutions diverses (source ADEME)
• Investissement : 750 € / habitant / an
• Fonctionnement : 15 € / habitant / an
– Assainissement = plus grande source de profit pour les entreprises de l’eau…
25. Comparaison sur les déchets
• 10x moins de déchets
– 55 kg / an / personne – 532 kg / an / personne
• soit 220 kg / an pour le foyer
• = Facteur 10 (c'est-à-dire une baisse de 90%) !
Objectifs du Grenelle = diminution de 7% sur 5 ans à partir de 2008…
• « Mais, j’ai acheté ce qui est dans la poubelle ! »
• Mes impôts fonciers
– 14% pour les déchets
– 14% pour ma commune
– Choix démocratiquement posé ?
• Ensemble des déchets produits en France : 10 000 kg / habitant
26. Comparaison sur les déchets
kg / habitant / an
500 Biodéchets
450
400 Verre
350
Emballages et papiers
300
250 Ordures Ménagères
200 Résiduelles (OMR)
150 Encombrants hors
déchetterie
100
Déchets verts hors
50 déchetterie
0 Déchetterie
BP France
27. Comparaison sur l’alimentation
• 50% d'euros en plus
– 8 700 € pour le foyer – 5 900 € par foyer
(sans manger plus bien sûr !)
• C’est plus cher de manger bio et local, même en circuits
courts… Et alors ?
– Qualité
• Alimentation = ce qui, jour après jour, nous constitue
– Commerce plus équitable ?
28. Comparaison sur le CO2 émis
• 2x moins de CO2
– 10 tonnes équivalent CO2 – 20 t eq CO2
• malgré la localisation
géographique rurale et l'absence
de transport en commun.
• Donc je sais ce qu’il reste à faire
en priorité pour arriver au facteur
4.
• Habitat + alimentation + équipement + transport
35. Et alors ?
• Aux tenants de la simplicité volontaire,
– On peut relier des pratiques individuelles à des données
et des enjeux collectifs.
– Et ainsi refaire de la politique.
• Aux tenants de la politique programmatique,
– On peut s’appliquer, tester et expérimenter une idée, en
situation, ici et maintenant.
– Et ainsi faire de la politique autrement.
– Et ainsi être accessibles, par le partage et la coopération,
à nos voisins de palier.
36. Et alors ?
• A tous
– pour dire que cet exercice démontre notre
capacité à nous réapproprier nos usages et leur
gestion.
– Avec une autre légitimité que celle de l’élu ou du
technicien.
– Et ainsi exercer le pouvoir sans le prendre.
37. Et après ?
• Une piste pour répondre à la question de plus
en plus fréquente et légitime :
– « la décroissance, d’accord, mais comment ? »
38. Et après ?
• Si nous ne souhaitons pas donner à priori une définition pour
tous du bien-vivre dans la décroissance,
• nous avançons un cadre méthodologique :
– c’est sur la base d’idées multiples en expérimentations multiples ET
par un aller-retour
• entre des pratiques individuelles / collectives et des régulations
institutionnelles ;
• entre des changements du côté des consommateurs (demandes /
usages) et des changements du côté des producteurs (offres /
innovations, principalement sociales) ;
– que se construit et se construira à grande échelle cette transition.
• Son contexte de développement (!) est la relocalisation des
activités et des niveaux de décision, c’est à dire la
réappropriation de nos usages, y compris de la démocratie.
39. Et pour finir
• C’est « de surcroît » que nous sommes
• anti-capitalistes, anti-productivistes et anti-consuméristes.
• Nous sommes d’abord des chercheurs de modes
de vie différents. Avant de mettre des « grands »
mots sur les problèmes et les pistes de solutions,
nous nous sommes posés une question :
– « Est-ce ainsi que nous voulons vivre ? ».
• C’est cette interrogation radicale et anthropologique
que nous voulons partager.