1. L’Université des Entreprises
Interview
« Croire à la présomption
de confiance »
Frédéric Lippi, Directeur général, LIPPI
A la tête, avec son frère, de l’entreprise LIPPI, PME basée en Charente
et spécialisée dans la fabrication de clôtures, Frédéric LIPPI intervenait
dans le séminaire « Quelles organisations pour réussir ? » lors de l’Université
des Entreprises en octobre dernier. Il revient pour nous sur sa vision
humaniste de l’entreprise qui contribue au succès de la PME familiale de
248 collaborateurs qu’il dirige.
MANAGEMENT & CONFIANCE
Vous prônez la confiance
pour manager l’entreprise :
pourquoi ?
J’ai acquis au cours de mes expériences
tant personnelles que professionnelles
que l’immense majorité d’entre nous
fait du mieux qu’il peut. Depuis tout
petit, il me semble que nous cherchons
la reconnaissance ainsi. Je n’ai, dans les
organisations et entreprises dans lesquelles
j’ai pu travailler, jamais rencontré de
terroriste par nature, peut-être une fois
ou deux, des terroristes par construction,
mais par nature jamais. Ces expériences
m’ont amené à croire à la présomption de
confiance. C’est-à-dire à faire confiance à
priori. Pas par naïveté, mais par efficacité.
C’est bien plus efficace que d’ériger
systématiquement des barrières de contrôle
ou de contrainte, souvent mal dosées. Il ne
s’agit pas d’un monde anarchique mais
d’un cadre à poser pour établir la relation
de confiance. « La confiance n’exclut pas le
contrôle » : j’ai trop entendu cette phrase.
D’après mon expérience, trop de contrôle
tue non seulement la confiance mais aussi
l’initiative.
STRATÉGIE DU SUCCÈS
Quelles sont pour vous les
clés de succès d’une PME
aujourd’hui ?
La première clé consiste sans doute à
identifier un marché porteur. La seconde :
permettre à chacun, dans le cadre de
l’entreprise, de prendre des initiatives,
de devenir un entrepreneur, ou un
« intrapreneur ». Des initiatives, nous
en prenons tous. Dans notre vie privée,
chaque jour, nous prenons des décisions
qui sont souvent structurantes pour nos
vies et nous rendent responsables : nous
décidons d’acheter une voiture ou une
maison, de nous marier ou d’avoir des
enfants, de déménager, de changer de
travail… Bref nous décidons. Et nous
n’apparaissons pas tous sur les listes des
surendettés de la Banque de France ou
dans les couloirs des maisons d’arrêt !
Pourquoi alors dans nos organisations,
nos entreprises, nos associations, nos
administrations, lorsque nous passons le
pas de la porte, nous devons remplir des
formulaires ? Demander des autorisations
à n’en plus finir pour engager 100€ de
dépenses ? Pourquoi nos organisations
semblent construites sur la présomption
de défiance ? Pourquoi nous regardentelles et nous traitent-elles comme des
irresponsables et nous infantilisent ?
« TOUS ENTREPRENEURS »
selon vous ?
Je crois sincèrement que nous pouvons TOUS
être ENTREPRENEURS dans nos entreprises !
D’où vient le mot entrepreneur ? Du
latin inter prehender, « prendre entre ».
Autrement dit, faire un choix, prendre une
décision, se saisir pour faire. Je vois, je fais.
C’est cette liberté de faire que j’affectionne.
La liberté de faire, c’est aussi la liberté de
ne pas faire. « Tous entrepreneurs », c’est
aussi favoriser l’émergence d’une culture
du risque. Prendre des décisions, c’est en
prendre. Notre enjeu, c’est encourager
la prise de risques tout en autorisant
les erreurs. C’est grâce à cela que l’on
multiplie les opportunités d’apprentissage.
On favorise également d’une part la
constitution d’une solide expérience, et
d’autre part, l’acquisition de compétences
nouvelles. Chaque jour, on tente de
minimiser les risques ; c’est bien naturel.
Le défi consiste à maintenir en éveil cette
appétence et ce sens du risque. Dans notre
quotidien de professionnel, plusieurs fois
par jour, nous sommes en position de
prendre des décisions simples, de nous
saisir de problèmes qui nous concernent.
Combien de fois j’ai entendu, « j’ai un
responsable, c’est son boulot » ou « on
a toujours fait comme ça ». Il est vital de
procéder différemment. Churchill incitait
« d’aller d’échec en échec, sans perdre son
enthousiasme » !
RÉINVENTER L’ENTREPRISE
Comment procéder et pour
quelle finalité ?
Pour réinventer nos entreprises, être
plus heureux au travail et obtenir de
meilleurs résultats, il s’agit d’abord de
répondre chacun de nous à la question du
« pourquoi » ? Pourquoi nous faisons ce que
nous faisons, pourquoi nous levons-nous le
matin pour aller travailler. Chez LIPPI, nous
avons fait émerger cette idée qui nous
relie tous : « nous repensons les espaces
de liberté pour vivre heureux ensemble ».
Ensuite, nous devons nous rendre compte
que notre quotidien est déjà un exploit et
à porter notre regard sur ce qui se fait de
bien tous les jours, plutôt que sur ce qui
pourrait être mieux fait de temps en temps.
En quelque sorte, il s’agit d’« applaudir
les trains qui arrivent à l’heure ». Mon
expérience, c’est que ces pratiques sont
fructueuses et qu’elles engendrent des
succès. L’enthousiasme est contagieux !
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