1. Dossier
LOGISTIQUE ET TRANSPORT (2)
Coordination mufti-agent basée
sur les jeux : application à la
m
simulation de trafic routier
Par René MANDIAU 1, Sylvan PIECHOWIAK 1,
Stéphane ESPIÉ 2
'LAMIH UMR CNRS 8530, Utiversité de Ualenciennes,
l INRETS, Arcueil
Mots clés
Système
multi-agent,
Jeux,
Traficroutier,
Simulation,
ARCHISIM
1. Introduction
Depuis la fin des années 70 aux USA, des chercheurs
ont envisagé l'étude de systèmes IA coopérants et ont
.le e e e
ainsi tenté de généraliser la plupart des travaux en intel-
ligence artificielle (IA). Des agents définis comme des
systèmes intelligents, plus ou moins autonomes, inter-
agissent dans un environnement. De telles études sur les
interactions inter-agents recouvrent le domaine des
« systèmes multi-agent » (SMA) [3, 10 et 12]. Pour notre
part, nous avons envisaQé une approche originale d'un
mécanisme de coordination multi-agent inspiré de la
théorie des jeux [2 et 111appliquée à des problématiques
de trafic routier dans lesquels les agents caractérisent les
différents véhicules. Cet article est organisé comme suit.
Le chapitre 2 positionne le contexte applicatif envisagé,
i.e. le trafic routier. Le chapitre 3 est consacrée au
mécanisme multi-agent proposé. Le chapitre 4 illustre le
mécanisme sur un exemple simple à trois véhicules. Le
dernier chapitre vise à conclure ce papier.
2. Contexte applicatif : le trafic routier
2.1. Généralités et intérêts de l'analyse du trafic
Le réseau routier a été développé pour répondre aux
demandes commerciales de déplacements. Depuis
quelques dizaines d'années, cette demande est complétée
par celles liées aux déplacements domicile-travail et aux
migrations de population lors des congés de fin de semaine
et lors des vacances. La montée des préoccupations envi-
ronnementales et la volonté d'orienter les systèmes de
transport vers une croissance plus durable (y compris du
point de vue des coûts de financement et d'exploitation
des infrastructures) limitent les constructions de nouvelles
routes et les élargissements des routes existantes. De plus,
les aspects de sécurité lors des déplacements sont jugés de
plus en plus importants. Une particularité du trafic auto-
mobile est essentiellement liée à la recherche d'un opti-
mum collectif en termes de conception d'infrastruc-
tures et à la recherche par chaque individu d'un optimum
individuel lors de la réalisation de son déplacement.
Les phénomènes de trafic sont des phénomènes
complexes résultants d'un tel compromis offre-demande ;
ces phénomènes sont étudiés depuis de nombreuses
années pour permettre principalement de contrôler ce sys-
tème. Il s'agit d'identifier les phénomènes afin de pouvoir,
entre autres, anticiper sur ceux-ci et les gérer au mieux.
1
2.2. Critères de classification des modèles :
modèles mathématiques vs modèles
comportementaux
Les simulateurs de trafic, et les modèles associés,
peuvent être classés suivant plusieurs critères, dont les
plus importants et significatifs pour la problématique
sont maintenant exposés. En effet, différentes approches
de classification peuvent être envisagées selon les
domaines d'application et les contraintes inhérentes à
chaque projet [6]. En particulier, les modèles peuvent être
distingués par leur méthode de conception. Actuellement,
deux types de modèle de conception radicalement diffé-
rente coexistent. Les plus anciens, les modèles mathéma-
tiques, sont apparus dans les années 50. Les plus récents,
SSENTIEL SYNOPSIS
Cetarticleprésenteun mécanismede coordination multi-agent pour
des applicationsde simulationde trafic routier.Dansde telles appli-
cations, lessituationsconflictuelles très
fréquentes,en particulierau
niveaudes intersectionstelles que les carrefours,peuventse révé-
ler inter-bloquantes.
Notre mécanismede coordinationa été implé-
menté dans le simulateurde trafic ARCHISIM de l'INRETS, et les
résultatsobtenussont globalement satisfaisants.
This paper deals with a multi-agent coordinationmechanismfor
applicationsof roadtrafic simulation. Inthis context,the conflictual
situationsveryfrequent,in particularat junctionsmaybe realdead-
locks. Our mechanism has been implemented ln ARCHISIM -
INRETS
- andthe resultsaresatisfying.
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2. Coordination multi-agent basée sur les jeux : application à la simulation de trafic routier
les modèles comportementaux, issus de travaux menés en
particulier en intelligence artificielle, ont fait leur appari-
tion voilà une quinzaine d'années. Ces deux méthodes de
conception des modèles de simulation sont rapidement
présentées dans les deux sections suivantes.
La modélisation mathématique du trafic routier est un
domaine de recherche et développement à part entière, et
la littérature qui y est consacrée est extrêmement abon-
dante depuis plusieurs décennies. De ce fait de nombreux
modèles mathématiques du trafic ont vu le jour, ainsi que
de non moins nombreux outils de simulation qui en ont
été inspirés : AIMSUM2 [1], DYNASIM [7], PARAMICS
[13], etc. Les modèles mathématiques simulent le trafic à
l'aide de lois mathématiques. Ces lois sont identifiées à
partir de données de trafic réelles mesurées, et ont pour
objectif de reproduire les conditions de trafic observées.
En fait, les outils de simulation mathématiques suivent le
même principe fondateur : simuler le trafic à l'aide
d'équations. L'inconvénient de cette méthode, vu la com-
plexité du phénomène du trafic routier, est qu'elle se
révèle ne pas toujours être suffisamment satisfaisante
quant aux résultats et aux fonctionnalités qu'elle permet
de fournir. Pour, entre autres pallier les lacunes des
modèles mathématiques, des modèles issus d'une nouvel-
le approche apparaissent depuis quelques années : une
approche locale, dite " centrée véhicule " ou comporte-
mentale, de la simulation de trafic s'est développée.
Contrairement aux modèles mathématiques, les
modèles issus de l'approche comportementale ne pren-
nent pas comme objet de modélisation le trafic en tant
que flux, mais les acteurs de la situation de trafic et leurs
interactions. Il s'agit de modèles que l'on peut qualifier
de microscopiques, car ils simulent des entités individua-
lisées. Les phénomènes de trafic (prise en congestion,
occupation des voies de circulation...) émergent car ils
sont le résultat, d'une part, des pratiques individuelles et
des interactions et, d'autre part, de la variété (hétérogé-
néité)des comportements (véhicules hétérogènes et com-
ne e e c
portements de conducteurs hétérogènes). La complexité
des situations que l'on observe n'est donc pas issue de la
complexité de l'algorithme mis en oeuvre, mais reflète les
effets induits des multiples interactions qui s'opèrent
entre l'entité et son environnement. Des simulateurs de
conduite impliquant un trafic simulé ont vu le jour (par
exemple, Pharos de l'université de Carnegie Mellon [15]).
La majorité des simulateurs qui mettent en oeuvre la
simulation comportementale ne le font toutefois qu'en
abordant le comportement sous un aspect strictement
« automate », sous forme d'une base de règles. L'objectif
est de produire localement des épisodes de conduite
« plausibles » et reproductibles ; il n'est pas possible de
réaliser une simulation de trafic.
En France, PINRETS'effectue depuis la fin des
années 80 des recherches sur une simulation de trafic
routier, fondée sur le comportement de conduite des
conducteurs humains [8 et 9]. L'outil de simulation
appelé ARCHISIM est issu de travaux en psychologie
de la conduite automobile [16]. Cet outil peut être
considéré comme un outil de réalité virtuelle, dans
lequel un conducteur humain peut interagir dans un
environnement de mobiles autonomes. Dans ARCHI-
SIM, le phénomène de trafic est issu d'actions indivi-
duelles et d'interactions émergentes de différents
acteurs d'une situation routière. L'avantage de ce modè-
le comportemental consiste surtout à pouvoir modifier
dynamiquement des conditions de simulation (le niveau
de visibilité lié à la météorologie, les préférences de
conduite du conducteur humain, les caractéristiques des
mobiles autonomes - les voitures, les camions, les bus,
les piétons, etc.) ainsi que les équipements routiers (feux
de carrefours, panneaux de signalisation, etc.). ARCHI-
SIM est caractérisé par un modèle comportemental « non
normatif » suivant une approche « humaine » de la
conduite. ARCHISIM est un modèle de simulation et
son implémentation s'inspire des principes des SMA.
En effet, chaque mobile autonome est considéré comme
un agent. Il possède donc un modèle de son environne-
ment et iuteragit avec les autres mobiles, y compris le
véhicule dirigé par l'être humain. Un trafic routier est
perçu comme un système hétérogène (plusieurs classes
de comportements dans un large spectre : de comporte-
ments agressifs à des comportements courtois) et ouvert
(nombre de mobiles quelconque), dans lequel des
conducteurs sont non-coopératifs et ayant des objectifs
différents, impliquant des mécanismes de nature différen-
te (agent situé et/ou cognitif). L'environnement est non-
déterministe et le système peut avoir un nombre infini
d'états. L'information perçue par les agents est géogra-
phiquement limitée et incomplète. Le comportement
des différents mobiles, sauf le véhicule dirigé par le
conducteur humain, est aussi caractérisé par des «
classes de conducteurs ».
2.3. Notre problématique
Dans une situation de conduite, un agent se déplace (ou
continue à se déplacer) ou décide de s'arrêter (ou de freiner
pour éviter une situation conflictuelle) en fonction du
contexte étudié. En effet, l'objectif du conducteur consiste
à se déplacer pour atteindre son objectif individuel tout en
évitant des accidents ou des interblocages (objectif collec-
c
tif). La conduite d'un mobile/agent peut s'exprimer sous
Institut nanonai
derecherche
etd'étude
slIr cs
transports
CIlasécurité
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LOGISTIQUE ET TRANSPORT (2)
forme d'un compromis entre d'une part la sécurité et la
capacité d'écoulement du trafic, et d'autre part son propre
objectif, que nous caractériserons par un gain. Notons que
chaque déplacement ou freinage respecte le modèle cinéma-
tique du mouvement de mobile.
Pour notre part, nous nous intéressons aux situations
critiques. Des exemples d'une situation critique sont par
exemple, des véhicules accidentés sur une route ou l'in-
sertion de véhicules sur autoroutes. Il s'agit d'une réduction
du nombre de voies même si les véhicules devant s'insérer
viennent d'une autre route : il y a fusion de deux flots de
véhicules, l'un étant prioritaire par rapport à l'autre. Une
situation bloquante risque d'apparaître lorsque les conduc-
teurs des véhicules se trouvant sur une voie non-prioritaire
qui disparaît respectent strictement le code de la route.
Pour sortir d'une situation bloquante, les conducteurs sur la
voie qui disparaît adoptent alors un comportement non nor-
matif (le plus souvent en coordination avec les conducteurs
les plus prioritaires). En effet, le seul respect du code de
la route ne leur permet pas de trouver une solution à la
situation. Le fait que les deux flots arrivent à fusionner pro-
vient du fait que les véhicules de ces flots coordonnent leurs
actions afin d'éviter l'arrêt d'une voie tout en évitant l'ac-
cident, que cela se produise parce que certains conducteurs
de la voie prioritaire collaborent ou non.
Malheureusement, les situations de fusion de flots ne
sont pas les seules situations de blocage. En effet, il est
possible de dégager deux classes de situations cri-
tiques : celles qui impliquent des flots de priorités diffé-
rentes, et celles qui impliquent des flots de même priori-
té. Dans les premières, un flot de véhicules peut être blo-
qué par un flot prioritaire. Il n'y a pas d'interblocage
mais uniquement possibilité de blocage d'une partie du
trafic à un endroit du réseau. Dans les secondes, le
nombre de flots peut être supérieur à deux et, de plus, ces
flots peuvent être de même priorité. Dans de telles situa-
tions, il existe une possibilité d'interblocage et tout le
trafic local concerné peut se trouver arrêté indéfiniment
(ce qui est inacceptable lors d'une simulation). Il s'agit
des cas d'intersections non autoroutières, par conséquent
rurales ou urbaines, impliquant simultanément des
fùsions et des croisewents de flots. Pour notre part, des
travaux ont été réalisés pour valider le modèle de simu-
lation pour les réseaux autoroutiers [4]. Les résultats de
ces études permettent de valider d'un point de vue trafic
le comportement des mobiles aux insertions et, par voie
de conséquence, le mécanisme de coordination proposé.
Notre travail de recherche porte essentiellement sur
les situations critiques de conduite : les carrefours et les
sens giratoires (cas particulier d'un carrefour, souvent
définis comme une succession de carrefours simples).
Dans de telles situations, les simulations nous conduisent
naturellement à étudier des problèmes non triviaux tels
que des « livelocks » (situations dans lesquelles aucun
agent ne décide d'entrer), ou plus grave à des « deadlocks »
(situations conduisant à des interblocages au centre du
carrefour). Ces situations critiques immobilisent une partie
du trafic simulé, et invalident par la même occasion, une
« expérimentation trafic » en cours'. Pour éviter ce désa-
grément, nous devons concevoir et implémenter un
n
mécanisme de coordination des actions des mobiles aux
carrefours. Nous allons maintenant présenter le principe
proposé de
coordination multi-agent, appliqué à des
propose L-
contextes de simulation de carrefour.
3. Principe appliqué à une situation
de carrefour
3.1. Principe de base
Une situation de trafic simulé à une intersection peut
être considérée comme un jeu [14]. Dans le contexte de
la simulation comportementale de trafic routier, les
agents joueurs sont les mobiles approchant ou entrant
dans l'intersection. Les actions possibles des joueurs
peuvent être accélérer et.freiner (il s'agit ici d'une extra-
polation puisque l'objectif réel est de faire avancer ou
arrêter les mobiles), la principale caractéristique d'un
mécanisme de coordination dans le contexte présent étant
de contraindre l'accélération longitudinale (l'accélération
latérale, dépendante de celle-ci, étant gérée par ailleurs).
La conception du mécanisme de coordination consiste
alors à définir les règles et la méthode de résolution.
Dans une situation de trafic au carrefour, l'objectif
des conducteurs est de traverser en évitant d'être impli-
qués dans un accident. Dans ce contexte, les relations qui
gèrent les interactions sont des relations de priorité. La
priorité change avec l'évolution des situations : elle est
ici entendue comme une notion large " (code de la route,
bien sûr, mais aussi : distance au point de conflit, temps
d'arrivée au point de conflit, temps d'attente, etc.).
L'aspect dynamique temporel est important car il joue
un rôle majeur dans une situation de trafic [5]. Cette
dynamique est considérée à l'aide des relations de priorité,
en amont, afin de permettre la création du jeu. Le temps
est donc inexistant pour les joueurs : seul l'instant d'une
situation est modélisé sous forme de jeu, une situation de
trafic en carrefour étant une succession d'instants, donc de
différents jeux. Ainsi, les joueurs et les relations qu'ils
entretiennent sont inconnus avant l'analyse de la situation,
2 Le cour poui
uneexpérimentation trafic
peutvarier
selon
sacomplexité
deplusieurs milliers 2 un million d'euros.
Desdizaines
demilliers
devéhicules peuvent
être
impliqués
dans
certaines
simulations
desituations
pouvatnt
durer
despériodes
deplusieurs
hcures. voire plusieurs
journées
ousemaines.
3 Notion
nondéveloppée
dans
cetarticle.
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4. Coordination multi-agent basée sur les jeux : application à la simulation de trafic routier
c'est-à-dire au début de chaque pas de la simulation. Le
jeu auquel un joueur va participer est donc a priori incon-
nu. De plus, chaque situation de trafic est potentiellement
différente, car elle peut changer à chaque instant au gré de
la sortie de véhicules présents et de l'approche de nou-
veaux véhicules au carrefour. Par conséquent, les étapes
de la modélisation d'une situation de trafic au carrefour
sont les suivantes : étape 1 : chaque mobile s'approchant
d'un carrefour se déclare joueur ; étape 2 : il détermine
avec quels autres mobiles il va jouer ; étape 3 : il détermi-
ne les relations de priorité qu'il entretient avec les autres
joueurs ; étape 4 : il détermine le jeu (calcul de la matri-
ce) auquel il va jouer ; étape 5 : il résout son jeu en choi-
sissant la stratégie qui lui semble la plus intéressante.
Il faut ici insister sur le fait que chaque joueur peut
potentiellement jouer un jeu différent de celui des autres
joueurs. Donc, pour une situation de trafic au carrefour
donnée, chacun des mobiles joue : 1) à son propre jeu, 2)
en considérant ses propres adversaires. Cela provient du
fait que chaque mobile ne voit qu'une partie de la situa-
tion globale. Par exemple, un conducteur peut se consi-
dérer prioritaire par rapport à un autre conducteur, alors
que ce dernier ne considère pas sa relation avec le premier
de la même manière. Outre le réalisme du principe
proposé, ce dernier nous semble essentiel, notamment si
un participant du jeu est un joueur humain qui ne doit
évidemment pas avoir connaissance du jeu modélisant la
situation. Par conséquent, contrairement à la théorie des
jeux qui suppose que tous les joueurs ont une connaissance
complète de la matrice du jeu, et donc des paiements de
chacun : chaque joueur joue à son propre jeu avec ses
propres adversaires, il ne peut connaître que ses paie-
ments. D'ailleurs, il ne connaît qu'une partie de la situa-
tion globale, et donc ne pourrait faire que des hypothèses
sur les paiements/gains des autres.
Il est à noter que ce principe a ensuite été généralisé
afin de l'appliquer à un mécanisme distribué à n agents à
information incomplète. La distribution est nécessaire
car, dans la réalité comme en simulation, chaque conduc-
teur ne dispose généralement pas de toute l'information
relative à la situation globale. Le jeu modélisant une
situation est donc un jeu à information incomplète. En
situation réelle de conduite, un conducteur n'estime
généralement de manière correcte que les relations qu'il
entretient avec les autres mais, très souvent pour des raisons
de charge intellectuelle trop importante, ne peut pas
déterminer la nature des relations existantes entre deux
autres véhicules. De même, en simulation multi-agent de
trafic routier, les conducteurs simulés ne peuvent directement
et systématiquement avoir d'informations sur les relations
existantes entre deux autres agents.
3.2. Illustration d'une situation à trois agents
Un exemple d'application de modélisation et de réso-
lution d'une situation impliquant trois mobiles B, C/
est maintenant présenté (figure 1). Approchant du carrefour,
A va tourner à droite, B va tourner à gauche et C va aller
tout droit. A et B arrivent face à face et C arrive sur la
droite de A et sur la gauche de B. Si nous considérons
comme relations de priorité celles qu'impliquent le code
de la route, nous savons que : A est prioritaire sur B et B
n'est par prioritaire sur A ; A n'est pas prioritaire sur C et
C n'est pas prioritaire sur A (ils ne sont pas en conflit) ;
B est prioritaire sur C et C n'est pas prioritaire sur B.
Nous obtenons des matrices de jeu déduites de ces consi-
dérations. Le mécanisme proposé est une approche par
agrégation de matrices de jeux. Une fois connu le jeu
modélisant la situation, il ne reste qu'à calculer sa solution.
c
A
m
B
Figiire 1. Exeiiiple de situatioii iiiipliqttaiit trois niobiles.
Si nous supposons le cas idéal, i.e. une situation à
information complète (chaque agent perçoit parfaitement
les informations issues de son environnement), la métho-
de de résolution appliquée est la méthode privilégiant le
collectif. Donc, le mobile A peut passer ainsi que le mobi-
le C, le mobile B devant attendre qu'au moins un des
deux autres mobiles ne soit plus en conflit avec lui.
Même si un joueur ne possède pas la totalité de l'in-
formation concernant une situation, il doit être capable de
modéliser cette situation pour raisonner. Comme il existe
un manque d'information sur la situation globale, la résolution
des matrices à n joueurs (et en particulier pour notre
exemple à 3 joueurs) peut ne pas être toujours optimale.
Un système d'inéquations a été établi pour déterminer les
matrices deux joueurs permettant d'obtenir les meilleures
solutions possibles aux jeux n joueurs à information
imparfaite et incomplète. Dans les situations à n joueurs
(y compris pour trois joueurs), la résolution révèle un
nombre de conjlits non résolus égal à zéro et un nombre
croissant d'interblocages dépendant du nombre de
joueurs impliqués darcs la situatiort conflictuelle. Pour
des raisons identiques, cette résolution a été complète-
ment étudiée dans des situations où le nombre d'agents
en situations de conflits reste inférieur ou égal à 6 (pour
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LOGISTIQUE ET TRANSPORT (2)
n > 6, les machines disponibles ne nous permettent pas
d'obtenir des résultats dans des temps acceptables).
Pour poursuivre ce raisonnement, il faut également
d'abord rappeler que les nombres de conflits non résolus et
d'interblocages s'entendent dans l'instant. C'est-à-dire que
lorsqu'il se produit un interblocage celui-ci ne dure qu'un
certain intervalle de temps (par exemple 0, 1 seconde si la
fréquence de simulation est de 10 Hz). Après cette période
écoulée, un autre jeu est calculé et résolu, ce nouveau jeu
étant établi à partir des nouvelles relations inter-joueurs.
Or, s'il existe un interblocage, celles-ci peuvent et doivent
changer, afin de favoriser la levée de cette situation d'in-
terblocage. En fait, l'agent, s'il est bloqué, doit prendre en
compte cet état et adapter son comportement.
4. Conclusion
L'objectif de cet article a été de mettre en évidence
l'apport d'un mécanisme distribué de coordination multi-
agent, fondé sur la résolution de jeux à information impar-
faite et incomplète, pour des applications réalistes de tra-
fic routier. Nous avons implémenté ce mécanisme dans le
simulateur de trafic de l'INRETS : ARCHISIM. Compte
tenu de la quantité d'information disponible, ce mécanis-
me est efficace pour un nombre de joueurs raisonnable,
en fonction évidemment du type d'application étudié.
Pour les situations impliquant plus de joueurs, l'efficacité
du mécanisme est moyennement satisfaisante car, même
si l'information disponible devient extrêmement faible, le
nombre d'interblocages est, dans l'absolu, assez impor-
tant. Nous devons toutefois signaler, à la décharge de ce
mécanisme, que, jusqu'à aujourd'hui, les études faites sur
les jeux traitent généralement des cas pour lesquels le
nombre de joueurs ne dépasse pas deux.
Nous avons remarqué qu'avec un modèle simple de
coordination, les résultats théoriques ont montré que la
construction des matrices de jeu, comme une interprétation
d'une situation par chaque agent est optimale pour un
nombre raisonnable d'agents en situation conflictuelle
[5]. Enfin, les résultats obtenus de simulations réelles,
non développées dans le cadre de cet article, sont très
satisfaisants, en termes de comportement réaliste - le
comportement individuel des différents agents simulés
(véhicules ou être humain, et le comportement global du
trafic - et en termes de comportement collectif analysé
par des critères statistiques (comparaison entre les don-
nées mesurées et les données simulées) utilisés dans les
transports sur route. Ce travail est actuellement poursuivi
afin d'étudier ce modèle pour des successions de carre-
fours dans des contextes urbains.
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Pergamon Press, pp. 183-192, 1997.
L...
René Mandiau est professeur des universitésen Informatique
au
LAMIH (Umverse de Va ! enciennes
et du Hainaut Cambrésisl
Responsabledu thème (i systèmes mulll-agem », Il étudie en par-
ticulier
! es mécanrsmesde coordination entre desagents ainsi que
la modéllsatlon des organisations dynamiques cemme support aux
modetes d'interaction. Ces travaux sont appliques dans des
contextes de workf ! ow ou dans ! e domaire des transports (par
exempte dans la régulaüon
de busou lasimulationde trafic routlerL
Sylvain Piechowiak
est professeur
des,ii-,ivesitésen informatique au
LAMIH et iespoiisaDieen pailiculier du théme " modéle de raison-
nement n. II effectueses recherchessur raisonnement à basede
COlltralntes dalls les systèmes complexes. Les champs prospectifs
qu'II explore concernent la planlfication h ; teractive datribuée, le dia-
gnosticà basede modèles intégrant des connaissances incertaines,
! a simulation dans les uansports et le raisonnement distribué.
Stéphane Espiéest chargéde ecl) erclie à'INRETS (Ilstit,iL I) a10-
ial ce recierc--p Sur leS [rpr,spo Ls et ; eLr séc,,i [é) l est d,eCteL] i
de !'uni>ecl-iercl-ie MS'S ; Modé ! satoi-S, s ators et s rilu-
lateurs de conduite ; qui conçoit et exploite les sünulateurs de
conduite
i ! te e ce l'NRETS l etudie d'ab (Di,d le déve op-
pemient de nouveaux capteurs
de trafic (vidéo,aser...), PUIS la
iat ! on du trafic
et les de coid ite. 1 est inipliqué. dans
de nombreux'travaux, par exemple les « systèmes de transports
in ('e) iigenLs ( ! TS),
ou dans le PIOJPI CIL 5 " P (-RD STARDUST
(déploiementde dispositifs ITT en urbain)
REE
No 2
Février 2005