Retour d'expériences sur le foncier rural dans la mise en oeuvre des plans de gestion environnementale et sociale
Communication de Seydou Bari Sidibe - Directeur Général du Bureau Guinéen d'Études et d'Évaluation Environnementale (Ministère de l'Environnement, des Eaux et Forêts) lors de l'atelier national « Guinée: sécurisation foncière des terres agricoles pour les populations affectées par le barrage de Fomi » tenu à Conakry, les 4 et 5 mars 2015.
L’atelier était organisé dans le cadre du partenariat entre le Ministère de l’Énergie et de l’Hydraulique (MEH), par le biais de la Direction Générale du Projet Fomi, et la Global Water Initiative (GWI) en Afrique de l’Ouest – mise en œuvre par le consortium formé par l’Union Internationale pour la Conservation de la Nature (UICN) et l’Institut International pour l’Environnement et le Développement (IIED), et financée par la Fondation Howard G. Buffett. La rencontre a été coparrainée par les Ministères de l’Énergie et de l’Hydraulique (MEH), de l’Agriculture (MA), et de la Ville et de l’Aménagement du Territoire (MVAT).
06 - Procédure de sécurisation foncière d'un périmètre irrigué au Niger
Retour d'expériences sur le foncier rural dans la mise en oeuvre des plans de gestion environnementale et sociale
1. RETOUR D’EXPERIENCES SUR LE FONCIER RURAL
DANS LA MISE EN ŒUVRE DES PLANS DE GESTION ENVIRONNEMENTALE
ET SOCIALE
P R É S E N T É P A R :
S E Y D O U B A R I S I D I B E
D I R E C T E U R G É N É R A L D U B U R E A U G U I N É E N
D ’ E T U D E S E T D ’ E V A L U A T I O N E N V I R O N N E M E N T A L E
M I N I S T È R E D E L ’ E N V I R O N N E M E N T , D E S E A U X E T
F O R Ê T S
C O N A K R Y, L E 0 4 M A R S 2 0 1 5
3. INTRODUCTION
Qu’est-ce qu’un Plan de Gestion Environnementale et Sociale ?
Le plan de gestion environnementale et sociale (PGES) est la partie de
l’étude d’impact environnemental et social qui comprend les mesures
d’évitement, d’atténuation des impacts nocifs ainsi que les moyens
d’optimisation des impacts positifs.
Le PGES est renforcé par d’autres plans à savoir le plan de gestion
santé, sécurité, hygiène, le plan de gestion des déchets et le plan
d’action de réinstallation et de compensation des personnes affectées
par le projet.
4. Enjeux sociaux du projet de barrage de Fomi
Selon l’Etude d’Impact Environnemental et Social réalisée en
2010 sur le projet, la construction du barrage de Fomi va
entrainer le déplacement de 48 000 personnes dont la
principale
source de revenus provient de l’agriculture (94% des
ménages).
La population des villages qui va accueillir ces déplacés en
leur
offrant un accès aux nouvelles terres agricoles est estimée à
70 000 personnes, soit un total d’environ 120 000 personnes
affectées et concernées par le déplacement, la réinstallation,
la
compensation et le développement local qui suivra.
5. I. LES EXPERIENCES NEGATIVES
1.1 Projet d’Aumine de Sangaredi par Gobal Aumina Corporation
(GAC)
• La réinstallation involontaire des populations locales peut amener à
long terme des préoccupations économiques, environnementales et
sociales notamment des ruptures dans le tissu social et les réseaux
communautaires, des pertes d’activités de production et de sources
de revenus par les populations déplacées, l’augmentation du taux
de pauvreté.
• Pour minimiser l’impact du déplacement, il faut nécessairement un
plan d’action de réinstallation (PAR) qui constitue un programme
détaillé pour relocaliser les individus contraints au déplacement par
le développement du projet et les localités qui vont accueillir ces
individus déplacés.
• Le PAR inclut également un programme de restauration
économique pour rétablir les moyens de subsistance de ces
individus qui sont affectés par la réinstallation.
6. • Dans le cadre du développement du Projet d’Alumine de Sangaredi
par la société minière Global Alumina Corporation, à la suite de l’étude
d’impact environnemental et social du projet, un Plan d’Action de
Réinstallation a été réalisé pour recaser un total de 164 ménages et
782 individus des villages de Touldé et Petoundjiga dans la sous-
préfecture de sangaredi (Réf. Evaluation Sociale et
Environnementale Volume 5-Plan d ’Action de Réinstallation- Rev
0 – Juillet 2008).
• Les localités déguerpies ont entièrement été reconstruites sur de
nouveaux sites, dans un style moderne d'habitations avec toutes les
infrastructures de base (école, marché, forage pour l'adduction d'eau
potable, poste de santé, espaces culturel et sportif pour les jeunes,
mosquée).
• Un budget équivalent à 6 millions de dollars U.S a été alloué pour le
processus de réinstallation et le programme de restauration
économique.
7. • En dépit des ces efforts gigantesques déployés, ces opérations de
réinstallation peuvent être considérées aujourd’hui comme un
échec car le recasement des populations n'a guère été suivi de
mesures d'accompagnement.
• Le déménagement a été anticipé et a porté uniquement sur les
maisons d’habitation et les infrastructures sociales, sans
compensation des terres agricoles et des petits commerces.
• Donc, la restauration économique n’a pas été faite et en
conséquence, c'est la pauvreté et la famine qui s'installèrent
progressivement par manque de domaines de culture et
contraignant ainsi les paysans à l'exode rural.
8. 1.2 Projet d’exploitation de fer par la Société
Minière, Forécariah Guinea Mining (FGM)
• Cette société minière a été créée selon certaines sources à la
suite d’une joinventure entre Bellzone S.A et GDC (une
entreprise chinoise). Les activités comprennent le
développement d’une mine à Yomboyellie, la construction
d’un port de service à Conta et d’une route de 73 km pour
l’évacuation du minerai.
• La construction de ces infrastructures a été précédée
d’expropriation foncière (terres agricoles, plantations
d’espèces fruitières, maisons d’habitation, latrines, école
coranique) le long des composantes Mine, Port et Route
impactant ainsi, 470 personnes pour un montant total de
12.619.239.500 Gnf. (Source: Fiche de recensement et de
compensation des personnes impactées par le projet
FGM 2012-2013).
9. • Le processus d’expropriation et de compensation a effectivement
commencé de 2011 à 2012, mais non achevé à cause de la stratégie
adoptée qui n’était pas du tout appropriée et des opérations qui se
sont déroulées dans une pagaille indescriptible.
• Exemples : des erreurs sur la fiche d’inscription des bénéficiaires
avec le panache des noms et des cas de doublons, des absences
constatées par manque d’information, des revendications
intempestives, aucune séance de travail préalable pour préparer les
opérations d’indemnisation, la non harmonisation des montants pour
des biens ayant les mêmes valeurs suscitant du coup le refus des
parties lésées à céder leurs terres et la tendance à croire que les
mêmes montants seront attribués chaque année et cela durant toute
la durée de la vie du projet pour compenser les pertes.
• Au final, cette situation a créé une cohabitation difficile et
d’incompréhension entre les communautés riveraines et la société.
10. 1.3 Construction du barrage hydroélectrique
de Garafiri
• La construction du barrage hydroélectrique de Garafiri, débuté
en 1995 et inauguré en 1999 a été précédée par la réalisation
d’une étude d’impact environnemental et social incluant un
Plan d’Action de Réinstallation des Populations (PARP). Six
(6) villages à déplacer et à réinstaller furent effectivement
inventoriés dans le PARP mais le projet a été réalisé sans
tenir compte de l’avis des populations concernées par le
déplacement et la réinstallation.
• En effet, les populations touchées n’ont pas apprécié les
nouveaux sites d’accueil prévus pour leur réinstallation à
cause du fait qu’ils n’étaient guère appropriés.
11. • D’autre part, les terres noyées n’ont pas été véritablement
compensées.
La construction du barrage de Garafiri a laissé une expérience
amère sur le plan social: des terres de cultures noyées sans
véritable compensation provoquant ainsi l’affectation des systèmes de
production et causant d’énormes préjudices aux populations,
abandonnées
aujourd’hui à leur propre sort car certaines d’entre elles continuent à
vivre
dans leurs maisons auprès des installations du barrage en dépit de tous
les risques, et d’autres ont préféré tout simplement s’installer dans leurs
plantations.
12. II. LES EXPERIENCES POSITIVES
Projet des Installations de Déchargement Portuaire (IDP) par
Simfer/RIO TINTO
• Le projet Simandou programmé par la Société Simfer, membre du
groupe Rio Tinto, est un projet minier de rang mondial comprenant les
composantes Mines, un Chemin de Fer transguinéen et un Port
destiné à l’exportation du minerai de fer dans les villages de
Senguelen et Bamboukhoum dans la préfecture de Forécariah.
• Les activités de construction préliminaires de ce projet incluent entre
autres, le développement et l’exploitation initiale des installations de
déchargement portuaires et d’hébergement des travailleurs. Pour la
mise en œuvre de ce projet, certaines compensations physiques et
économiques ont été faites dans la zone IDP sur la base du Plan
d’Action de Réinstallation et de Compensation (PARC) qui réalisé de
novembre à décembre 2011 puis dans le courant avril-mai 2012.
13. • Le Gouvernement guinéen, Simfer et les communautés
touchées ont adopté une approche cohérente pour répondre
aux besoins des communautés et des personnes concernées
par les activités de compensation et de construction du projet.
Cette approche se résume comme suit :
Installation des sous-comités de réinstallation et de
compensation;
Tenue des réunions régulières pour trouver un accord sur le
processus de compensation et de paiement ;
Intégration du lignage et des propriétés communes dans le
processus juridique de l’acquisition des terres ;
Formalisation des accords pour faciliter la coexistence entre
le système foncier traditionnel et la législation en vigueur ;
Accord de la SFI sur le cadre du Plan d’Action de
Réinstallation et de Compensation ;
Modèle d’accord/matrice de transfert de droit/compensation
pour les actifs/mécanismes de griefs validés par le
Gouvernement et la SFI.
14. • Les accords ont été présentés à la majorité des personnes touchées
dans la zone de construction prioritaire et grâce à cette stratégie
participative, Simfer a accès déjà à 85% des terres requises pour le
banc d’emprunt et la construction initiale des installations IDP. En tout
127 individus, 71 organisations et 208 ménages étaient concernés par
ces opérations de déguerpissement, de réinstallation et de
compensation.
• Ces accords sont surtout garantis par le paiement des
compensations, lesquelles ont été effectuées directement par Simfer
dans les comptes de chaque bénéficiaire ouverts auprès du Crédit
Rural, institution de micro finance, après une formation des intéressés
sur la gestion adéquate des montants.
• La réinstallation des personnes affectées a été organisée par la
Commission Foncière de Forécariah avec l’assistance de Simfer.
15. CONCLUSION
• Au demeurant, il me semble indispensable de tirer les meilleures
parties de ces différents projets dont on vient de faire l’exégèse pour
mieux conduire la problématique foncière dans le processus de
développement du projet de barrage de Fomi.
• Dans tous les cas, toute expropriation pour cause d’utilité publique
est préalablement fondée sur les principes de compensation, de
sécurisation des terres et de recherche concertée de solutions
durables.
• L’application de ces principes doit strictement tenir compte des
impératifs des droits des populations concernées et du cadre
politique et juridique en vigueur dont entre autres la Politique
Nationale du Développement Agricole, le Code foncier et domanial, le
Code de l’environnement, le Code des collectivités locales.