Modenisation de l'état et gestion des resssources humaines au maroc
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La gestion des ressources humaines et la modernisation de l’Etat
Dr. Rachid AOURAGH1
Introduction
La modernisation de l’Etat marocain ne peut être conçue sans appui des compétences de la
fonction publique. Ainsi, la modernisation de la gestion des ressources humaines (GRH)
constitue un volet stratégique dans le développement de notre pays. Pour améliorer le service
public et le rendre plus efficace, la mise en place d’une politique de modernisation de la GRH
est devenue inéluctable.
La fonction publique marocaine connait des difficultés réelles en matière de à la production
de services de qualité ce qui génère une insatisfaction de plus en plus manifeste parmi les
usagers.
La modernisation doit intégrer toutes les composantes de la GRH notamment les aspects
statutaires, mais aussi elle doit associer l’élaboration des référentiels des emplois et des
compétences (REC), la gestion prévisionnelle des emplois, des effectifs et des compétences,
la protection sociale, la mise en place de systèmes d'information dédiés à la GRH,
l’élaboration du bilan social de la fonction publique, la mobilité et le redéploiement, la
valorisation de l'encadrement supérieur, la formation continue, l’horaire du travail et la
simplification des procédures de gestion
La politique nationale de la GRH doit fournir au personnel et aux gestionnaires tous les outils
requis pour réaliser les changements nécessaires. Simultanément, cette politique doit planifier
les ressources humaines pour mieux définir les besoins à venir et les ressources nécessaires
pour y répondre.
1. Le cadre normatif et réglementaire de la fonction publique
Le cadre normatif sur lequel s’appuie la GRH marocaine est défini par le Statut général de la
fonction publique (Loi N°50-05) dont la dernière modification remonte au 19 Mai 2011.
Plusieurs de ses dispositions sont devenues graduellement inadaptées au contexte moderne et
aux aspirations du fonctionnaire et du citoyen. En l’occurrence, le statut régissant la fonction
publique doit subir les évolutions profondes tenant compte des nouvelles réalités en place.
Les besoins à satisfaire et les nouvelles façons de faire requièrent de nouveaux textes
juridiques et procédures administratives plus souples et réactives ainsi que de nouvelles
compétences.
La révision de la Loi sur la fonction publique doit aussi garantir l’égalité d’accès des
candidats aux emplois publics (généralisation du recrutement sur concours), introduire le
principe de la flexibilité dans la fonction publique (possibilité de recruter par contrats à durée
déterminée), encourager la mobilité et le redéploiement d’une administration à l’autre
(redéploiement, encadrement de la procédure du détachement, de la mise à disposition et de la
décharge de service pour raisons syndicales), moraliser la fonction publique et lutter contre
les dérives, approcher de façon pragmatique l’exercice du fonctionnaire dans le secteur privé,
regrouper et harmoniser les statuts présentant des similitudes.
La politique GRH doit contribuer en concertation avec les intéressés à la révision périodique
des aspects statutaires pout permettre au fonctionnaire de jouer pleinement son rôle dans la
modernisation en cours, et ainsi construire l’avenir de la fonction publique.
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Médecin pédiatre et gestionnaire des programmes de santé, Al-Hoceima, Maroc
Email : freerash@hotmail.com
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2. Le renouvellement de la fonction publique
Globalement, la fonction publique marocaine va connaître au cours des dix prochaines années
des départs massifs à la retraite, qui représentent en soi un défi majeur concernant leur
remplacement. Les capacités de formation et de recrutement de nouvelles ressources
humaines dans certains secteurs seront mises à l’épreuve.
En revanche, ces départs vont fournir en même temps l’occasion de transformer les
caractéristiques de la composante humaine, de la rajeunir et de la diversifier.
Le départ et l’arrivée d’un grand nombre de fonctionnaires doivent permettre d’adapter la
main-d’œuvre aux nouveaux besoins des citoyens, de diversifier davantage l’embauche et de
remodeler les équipes de travail. Il va falloir assurer le transfert des connaissances et de
l’expertise, et définir des modes de relève souples et adaptés, en maintenant en tout état de
cause la continuité des services publics.
3. Les outils nécessaires
3.1 Permettre au fonctionnaire de développer ses compétences
La mise en place du gouvernement en ligne et la création de Services conduiront à la
définition de nouvelles façons d’assurer la prestation des services aux citoyens. Les
fonctionnaires de l’État devront maîtriser ces nouvelles technologies et ces nouvelles façons
de faire. L’État doit pouvoir compter sur un personnel motivé, mobilisé et compétent. Le
gouvernement doit accorder la priorité à la mise en œuvre d’une formation continue répondant
aux besoins et intégrer celle-ci dans le processus d’avancement et d’indemnisation. Dans cette
optique, la réforme du Décret N° 2-05-1366 du 2 décembre 2005 s’avère nécessaire pour
disposer d’une vision stratégique de la formation continue. Dans certains domaines, des
programmes institutionnels de requalification doivent être mis en place pour augmenter la
polyvalence et la mobilité du personnel. Ils viseront le personnel considéré comme
excédentaire (Collectivités locales). La mise en place de formations transversales en rapport
avec les grands chantiers de modernisation doit viser les nouveaux emplois (contrôle de
gestion, audit, qualité, programmation et management, contractualisation …).
Par ailleurs, l’organisation du travail, la vie au travail, la répartition des attributions, la gestion
du temps et des espaces doivent être revus dans le but d’une meilleure productivité.
3.2 Assurer le transfert des connaissances et de l’expertise
Vue les départs importants à la retraite, notamment en Santé, il est crucial de prévoir dès lors
des mécanismes assurant le transfert des connaissances et de l’expertise, à la fois pour
maintenir le niveau des compétences, faciliter l’intégration du nouveau personnel et assurer la
continuité du service. Les ministères devront définir une stratégie de transfert des
connaissances et de l’expertise qui s’appliquera aux postes concernés, lors de l’exercice de
gestion prévisionnelle par le recours à des mécanismes, tels que: la documentation écrite sur
les pratiques et les savoirs; la formation en ligne; le recours à des ressources externes; le
transfert de personne à personne, notamment par l’accompagnement (« coaching») et le
mentorat.
Il convient de rappeler que le départ volontaire organisé au cours de la dernière décennie doit
être réévaluée pour éviter la déstabilisation de certains secteurs en cas de l’organisation d’une
autre session.
4. Offre au personnel des perspectives de carrière intéressantes
Le gouvernement doit engager des mesures afin de planifier et de soutenir la gestion de la
carrière au sein de la fonction publique par des cheminements types de carrière, tant
ministériel qu’interministériels en vue d'encourager la mobilité et la polyvalence du
personnel.
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Les fonctionnaires doivent être encouragés à se perfectionner et à investir dans leur carrière
en ayant recours aux programmes de formation et de développement adaptés à leurs fonctions
et à leurs champs d’intérêt. Il faut tenir compte des aspirations collectives et individuelles des
agents qui leur permettent de trouver dans leur travail les motifs de satisfaction
professionnelle.
Des mécanismes doivent être mis en place pour favoriser la mobilité entre les ministères qui
seraient appelés à établir une stratégie de gestion de la carrière et des compétences pour le
personnel, selon les priorités qui découlent de la gestion prévisionnelle des emplois, des
besoins et de la gestion des compétences.
5. Reconnaissance et valorisation de la contribution du personnel
Il faut dire que l’apport des employés de l’État à la collectivité devrait être davantage reconnu
et mis en valeur. La politique de GRH doit explicitement procéder à la reconnaissance et à la
valorisation de la contribution du personnel. La mise en place diverses mesures de
valorisation du travail des fonctionnaires de l’État ne devra avoir lieu qu’après des échanges
profondes entre les concernés et les décideurs dans un esprit d’ouverture, de compréhension et
de réalisme.
Il faut dire que la reconnaissance de la contribution du personnel est indissociable à la
modernisation de l’État. Les changements en cours et à venir ainsi que les modifications
organisationnelles qu’ils impliquent ne pourront être mis en œuvre s’ils ne sont pas portés et
pleinement assumés par le personnel.
Un prix d’excellence doit être décerné annuellement à des fonctionnaires ou à des équipes de
travail qui se seront distingués par leurs réalisations sur les plans de l’excellence et de
l’innovation.
6. Réforme du système de rémunération
Il est primordial de mettre en place un système de rémunération basé sur le principe d'équité
et fixé en fonction du niveau de qualification du fonctionnaire, de la nature des responsabilités
exercées, de la complexité de l'emploi tenu, du rendement et de la zone et du milieu où le
fonctionnaire exerce son emploi.
La rémunération doit être restaurée de manière à rétablir la prééminence du traitement de base
en y intégrant la quasi totalité du régime indemnitaire. De là, la révision de la grille indiciaire
doit viser l’amélioration de la perspective de carrière des fonctionnaires.
7. Appui des gestionnaires et révision de l’organisation de la fonction GRH
La modernisation de l’État dépend en bonne partie de l’implication des gestionnaires dans les
processus engagés, et de leur capacité à transmettre et à encadrer les modifications apportées à
la fonction publique.
Le gouvernement doit créer un Centre du leadership en partenariat avec l’École nationale
d’administration, l’ISCAE, l’INAS et autres. Ce Centre aura pour mission de favoriser le
développement des compétences des cadres de la fonction publique, d’actualiser les
compétences des cadres en déterminant les besoins de formation et d’offrir des services
d’accompagnement et d’aide à la gestion de la carrière.
Dans un contexte de changements tel que celui que nous vivons, le Maroc doit passer d’une
fonction « personnel » réduite à sa seule dimension « administration du personnel » à une
conception de la gestion des ressources humaines. D’où, la pertinence de procéder à une
réorganisation des directions des ressources humaines dans le but d’améliorer la qualité,
l’efficacité et la flexibilité de la GRH. Cette évolution doit établir une rupture avec toutes les
dérives qui ont fait la règle jusqu’à nos jours et préparer la mise en place de la nouvelle
régionalisation et de la décentralisation de la GRH.
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8. Amélioration du système d’information de gestion en matière de GRH
Les systèmes d’information devront répondre aux besoins actuels et futurs des ministères.
En effet, la modernisation de la GRH commande une modernisation des systèmes
d’information, et par conséquent, une capacité à évoluer au rythme des changements
fonctionnels et réglementaires qui toucheront ce secteur.
9. Institutionnalisation du dialogue social et adoption de l’approche genre
La promotion du rôle des Commissions administratives paritaires et du Conseil Supérieur de
la fonction publique doit ouvrir de nouveaux champs de travail en commun avec les syndicats
et susciter la force de proposions chez ceux-ci en matière de formation, rémunération, action
sociale, hygiène et sécurité ainsi que la réforme et la modernisation de l’Etat. D’autre part, le
gouvernement doit intégrer la pratique de l’égalité entre les sexes dans la fonction publique et
réduire les disparités entre les sexes en matière de GRH.
10. Moralisation de la fonction publique
Dans ce chapitre, le Gouvernement doit accélérer la mise en œuvre du programme
gouvernemental de prévention et de la lutte contre la corruption et instituer d’autres axes
concernant l’actualisation des valeurs inscrites dans la Loi sur la fonction publique, afin
notamment de renforcer dans le cadre normatif les préoccupations liées à l’éthique. Il est
essentiel que le statut général de la fonction publique mentionne ainsi explicitement des
exigences qui doivent préserver et renforcer la confiance des citoyens dans l’intégrité,
l’impartialité et l’efficacité de la fonction publique.
Conclusion
La modernisation de l’Etat requiert avant tout une réconciliation du citoyen avec les
différentes structures publiques. Pour cela, la fonction publique doit répondre aux attentes des
usagers par des services de qualité et prodigués par des fonctionnaires à compétences
pertinentes. Laquelle fonction doit être encadrée par une législation dynamique et souple
permettent des passerelles entre les différents réseaux administratifs. Les grandes lignes de la
GRH doivent être planifiées par une politique à vision innovante et réaliste assurant
l’épanouissement et la motivation des fonctionnaires.
Bibliographie
1. Loi N° 50-05, Bulletin officiel, N°5954, 19 Mai 2011, page 1653
2. Statut Général de la fonction publique, Dahir N° 1-58-008, Maroc
3. La Reforme Administrative au Maroc, MFPMA
4. Gestion des ressources humaines, Lakhdar Sekiou, Jean-Marie Peretti, 2001
5. Plan de gestion des ressources humaines, 2004-2007, Québec
6. Fonctions RH: Politiques, métiers et outils des ressources humaines : Maurice Thévenet et al, 2009