De nos jours, le nombre de livres publiés chaque année en France est très élevé et les éditeurs sont en concurrence pour capter l’attention des lecteurs. En parallèle, le digital a intégré de nombreuses composantes de nos vies et les maisons d’édition se sont adaptées à de nouvelles techniques de promotion, pour attirer une cible jeune qui a tendance à délaisser la lecture au profit d’autres loisirs. L’enjeu pour les éditeurs est de réussir à faire émerger leurs titres dans un environnement hyperconcurrentiel. Pour cela, comment peuvent-ils utiliser les outils de marketing digital ? Quel est l’impact des différents médias à leur disposition ? Quelles sont les méthodes de promotion les plus efficaces ?
Les outils de marketing digital au service de l'évolution du secteur éditorial
1. Les outils de marketing digital au service de l’évolution du secteur éditorial
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KEDGE BUSINESS SCHOOL
__________
MÉMOIRE
présenté en vue d'obtenir
le Master Programme Grande Ecole
__________
Les outils de marketing digital
au service de l’évolution
du secteur éditorial
Dans quelle mesure ces pratiques sont-elles
substituables ou complémentaires avec les outils de promotion traditionnels ?
Amélie ASSAF-PAGE
__________________________________________________________________________
Sous la direction de : M. Raoul STIOUI
Soutenu le 8 Juillet 2020
2. Les outils de marketing digital au service de l’évolution du secteur éditorial
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Les opinions exprimées dans ce mémoire sont propres à leur auteur et n’engagent en aucun cas
KEDGE Business School et le Programme Grande Ecole.
3. Les outils de marketing digital au service de l’évolution du secteur éditorial
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Remerciements
Je souhaite tout d’abord remercier Eliette LÉVY-FLEISCH pour le temps qu’elle a accordé à notre
entretien, riche en apprentissages, et pour la pertinence de sa réflexion.
Je remercie également Maud BERNARD, ancienne étudiante de l’école, pour ses propos intéres-
sants.
Je tiens aussi à remercier Sara BOUDJOGHRA, pour le temps qu’elle a bien voulu m’accorder et la
qualité de ses réponses.
Enfin, mes remerciements vont à mon tuteur, Raoul STIOUI, pour ses conseils et ses indications,
ainsi que l’autonomie qu’il m’a laissée dans la construction de ma réflexion et dans mes recherches.
4. Les outils de marketing digital au service de l’évolution du secteur éditorial
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Les outils de marketing digital au service de l’évolution du secteur éditorial
Amélie ASSAF-PAGE
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Résumé
De nos jours, le nombre de livres publiés chaque année en France est très élevé et les éditeurs sont
en concurrence pour capter l’attention des lecteurs. En parallèle, le digital a intégré de nombreuses
composantes de nos vies et les maisons d’édition se sont adaptées à de nouvelles techniques de
promotion, pour attirer une cible jeune qui a tendance à délaisser la lecture au profit d’autres loisirs.
L’enjeu pour les éditeurs est de réussir à faire émerger leurs titres dans un environnement
hyperconcurrentiel. Pour cela, comment peuvent-ils utiliser les outils de marketing digital ? Quel est
l’impact des différents médias à leur disposition ? Quelles sont les méthodes de promotion les plus
efficaces ?
Mots clés : Édition, livre, maisons d'édition, marketing, digital, communication, promotion…
________________________________________
Abstract
Nowadays, the amount of published books each year in France is very high and publishing houses
compete against each others to catch readers’ attention. At the same time, digital had entered several
aspects of our lives and publishing houses had adapted themselves to new promotion techniques, in
order to attract a young target who is neglecting reading for other leisure. The challenge for
publishers is to achieve to get their books arise in a very competitive environment. How can they
use digital marketing tools for this purpose ? What is the impact of the different media at their
disposal ? What are the most efficient promotion techniques ?
Key words : Publishing, book, publishing house, marketing, digital, communication, promotion…
5. Les outils de marketing digital au service de l’évolution du secteur éditorial
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Glossaire
ARCEP : Autorité de régulation des communications électroniques et des postes
BD : Bande dessinée
CA : Chiffre d’affaires
CGE : Conseil général de l’économie
CNL : Centre National du Livre
FAQ : Foire à questions
FNAC : Fédération Nationale d’Achats des Cadres
GfK : Gesellschaft für Konsumforschung, société pour la recherche sur la consommation
GSA : Grande surface alimentaire
GSS : Grande surface spécialisée
IPSOS : Institut Public de Sondage d'Opinion Secteur
KPI : Key Performance Indicator
PKJ : Pocket Jeunesse
PLV : Promotion sur lieu de vente
RP : Relations presse
SNE : Syndicat National de l’Edition
SP : service de presse
TVA : Taxe sur la valeur ajoutée
VOD : Vidéo à la demande
6. Les outils de marketing digital au service de l’évolution du secteur éditorial
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Sommaire
Remerciements ...................................................................................................................................3
Résumé................................................................................................................................................4
Glossaire..............................................................................................................................................5
Sommaire............................................................................................................................................6
1 Le marché de l’édition.............................................................................................................12
1.1 Quelques définitions......................................................................................................................12
1.2 L’état actuel du marché ................................................................................................................12
1.3 La règlementation française.........................................................................................................13
1.4 Les différents intervenants ...........................................................................................................14
1.5 La pratique de la lecture...............................................................................................................15
1.6 La conception d’une politique éditoriale.....................................................................................16
1.7 La production éditoriale actuelle .................................................................................................17
2 Le marketing et la promotion du livre...................................................................................21
2.1 Les débuts du marketing dans l’édition ......................................................................................21
2.2 Le rôle du marketing dans l’édition ............................................................................................22
2.3 La dimension promotion prééminente.........................................................................................23
3 Les outils de promotion sont complémentaires.....................................................................28
3.1 Les outils de promotion dits « traditionnels ».............................................................................28
3.2 Les outils de promotion en ligne...................................................................................................40
3.3 La construction d’une image de marque : auteur et stratégie crossmédia ..............................57
4 Les outils de promotion sont substituables............................................................................67
4.1 L’impact de la prescription en ligne analysé au regard de l’effet longue traîne......................67
4.2 L’apprentissage observationnel et les interactions sociales : vers un renforcement du
mimétisme des comportements en ligne ? ................................................................................................69
4.3 L’impact des réseaux sociaux est plus fort sur les jeunes lecteurs : la proximité avec les
internautes...................................................................................................................................................70
5 L’impact de la promotion dépend de plusieurs facteurs ......................................................85
5.1 L’impact dépend de la notoriété de l’auteur et du genre du livre.............................................85
5.2 L’impact dépend de la cible ..........................................................................................................88
5.3 Les différentes prescriptions seraient-elles interdépendantes ?................................................91
5.4 L’efficacité de la publicité digitale est à nuancer........................................................................95
5.5 Les influenceurs au-delà de la prescription : des échanges des deux côtés..............................98
Conclusion ......................................................................................................................................103
Bibliographie ..................................................................................................................................104
Table des annexes...........................................................................................................................109
Table des matières..........................................................................................................................153
7. Les outils de marketing digital au service de l’évolution du secteur éditorial
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INTRODUCTION
8. Les outils de marketing digital au service de l’évolution du secteur éditorial
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Introduction
« Un livre n'est pas seulement un ami, il vous aide à en acquérir de nouveaux. Quand vous
vous êtes nourri l'esprit et l'âme d'un livre, vous vous êtes enrichi. Mais vous l'êtes trois fois plus
quand vous le transmettez ensuite à autrui. » Ainsi parlait Henry MILLER dans son autobiographie
Les livres de ma vie1
. Encore faut-il les transmettre les livres, et donner envie aux autres de les lire.
C’est sans compter la concurrence d’autres formes de loisirs auxquelles la lecture est confrontée.
D’autant plus que la concurrence entre éditeurs et entre les livres eux-mêmes s’avère rude, dans un
contexte de surproduction et d’une offre disponible immense.
Le lecteur potentiel se retrouve désemparé face à cet hyperchoix et tous ces ouvrages dont nul
média ne peut rendre compte. La baisse du nombre moyen de ventes au titre est redoublée par la
baisse des commandes de nouveautés par le libraire. Ce dernier réagit à l’avalanche de livres à caser
dans l’espace non extensible de son magasin mais également au progrès technologique dans la dis-
tribution, qui lui permet la livraison de commande sous vingt-quatre ou quarante-huit heures.
Ainsi, dans le secteur de l’édition, comme le montre SIMON2
, l’enjeu réside dans la capacité
à capter l’attention du public, qui est submergé par l’offre. SIMON considère qu’une « richesse de
l’information crée une pauvreté de l’attention et le besoin d’allouer cette attention efficacement ».
Alors comment faire pour émerger dans cet environnement hyperconcurrentiel ? Comment les
éditeurs peuvent-ils espérer attirer l’attention des lecteurs ?
Les objectifs sont variés : renforcer son positionnement, atteindre une cible particulière en
fonction du livre, accroître les ventes, renforcer son image de marque et sa notoriété. Plusieurs
pistes s’offrent aux éditeurs pour faire connaître et faire vendre leurs productions. Parmi elles, les
réseaux sociaux constituent un nouveau canal de communication de plus en plus utilisé. Il s’agit
d’un média récent, avec des codes novateurs, parmi lesquels l’interactivité et le dialogue, qui
permet d’atteindre un large public. Face au déclin du livre, les maisons d’édition ont modernisé
leurs techniques de communication pour toucher une cible jeune et connectée. Cependant, la
nouveauté concerne principalement le canal de communication, sa cible, et la forme que prend le
message institutionnel mais non le contenu du message en lui-même. Sans être complètement
novatrices, les stratégies de promotion, de représentation et de réseautage développées sur le web et
les réseaux sociaux permettent aux éditeurs de se construire une image de marque forte, de susciter
l'intérêt d'une communauté de lecteurs, d'atteindre une notoriété dans le champ littéraire et
1
MILLER, H. (2006). Les livres de ma vie. Gallimard, coll. L'Imaginaire (n° 532), première parution en 1957
2
SIMON, H.A. 1971. Designing organizations for an information-rich world. In Computers, communication, and the
public interest, M. Greenberger, ed. (pp. 37–42). Baltimore: Johns Hopkins Press. Cité par PELTIER, S. & TOURÉ, M.
(2018). Does the web diversify the visibility of books ? Evidence from French data. International journal of arts
management, volume 20, number 3.
9. Les outils de marketing digital au service de l’évolution du secteur éditorial
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d'accumuler du capital symbolique.
L’autre problème réside dans le fait que les produits culturels sont des produits à
expérimenter3
dont la qualité ou la valeur se révèlent seulement par la consommation, ce qui
renforce le rôle des prescripteurs pour guider les choix de consommation. La visibilité devient alors
le problème majeur dans l’économie des biens culturels, dans un contexte où l’offre abondante
augmente la compétition pour l’attention du public. Il est de plus en plus facile de publier, avec
l’auto-édition notamment, mais de plus en plus difficile de vendre, de faire en sorte que le livre
rencontre son public.
Pour s’y retrouver et faire son choix, le consommateur utilise Internet pour s’informer sur les
livres avant achat et échanger avec des pairs. Les lecteurs se servent des forums et des réseaux
sociaux pour créer des communautés et partager des informations. En effet, beaucoup de sites web
et applications se présentent comme des réseaux sociaux dédiés au livre et à la lecture. Quels sont
les publics qui les fréquentent ? Quels sont leurs usages ?
Les outils de marketing digital au service de l’évolution du secteur éditorial : dans
quelle mesure ces pratiques sont substituables ou complémentaires avec les outils de
promotion traditionnels ? Quels sont les enjeux du marketing digital pour les maisons d’édition ?
Comment les maisons d’édition s’adaptent pour attirer une cible connectée ? Quel est l’impact des
différents médias à leur disposition ? Les réseaux sociaux sont-ils un outil de positionnement pour
les maisons d’édition ? Comment les stratégies publicitaires mises au service de la promotion, de la
médiatisation et de la diffusion de la littérature se sont diversifiées ?
L’idée est de savoir comment les maisons d’édition peuvent utiliser les outils de marketing
digital pour augmenter les ventes de livres, asseoir leur positionnement, assurer un objectif de
notoriété, atteindre une cible particulière en fonction du livre. Est-ce que les outils de marketing
digital permettent de mieux cibler la clientèle ? Diversifier son public ? Toucher un public plus
jeune et plus connecté ? Dans quelle mesure les outils de marketing digital aident les éditeurs à
mieux se positionner par rapport aux concurrents ?
Pour cette recherche, notre étude s’est axée sur une dimension quantitative et qualitative.
D’une part, nous avons soumis un questionnaire à un échantillon de 141 personnes, visant à
connaître leurs habitudes de lecture et les leviers de recommandation qu’ils privilégient lors de
l’achat d’un livre. Notre étude quantitative rencontre néanmoins des limites car elle n’est pas
représentative de la population française. En effet, la majorité des répondants sont des femmes
3
NELSON, P. (1970). Information and consumer behavior. Journal of Political Economy 78(2), 311–29. Cité par
PELTIER et al., art.cit.
10. Les outils de marketing digital au service de l’évolution du secteur éditorial
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(64%), des étudiants (55%), résident en centre-ville (71%) et ont entre 20 et 25 ans (74%). A partir
de cela, nous pouvons établir le portrait-type de notre répondant : une jeune femme, étudiante,
résidant en centre-ville.
D’autre part, nous avons mené des entretiens semi-directifs avec trois professionnelles
évoluant dans la promotion des livres. La première professionnelle interrogée est Eliette LÉVY-
FLEISCH, qui a été responsable webmarketing aux Editions de La Martinière et travaille désormais
en tant que freelance dans la transformation digitale des éditeurs et des auteurs4
. Puis, nous avons
interrogé Maud BERNARD, qui est assistante commerciale à Univers Poche et chargée de
promotion pour la marque Pocket Jeunesse. Enfin, nous avons échangé avec Sara BOUDJOGHRA,
social media manager aux éditions Bayard. L’idée de ces entretiens est de mettre en perspective des
profils différents, qui nous éclairent sur des aspects distincts de la promotion du livre : Maud
BERNARD contribue à la dimension commerciale, tandis que Sara BOUDJOGHRA et Eliette
LÉVY-FLEISCH développent une réflexion sur les réseaux sociaux et le digital.
Les résultats du questionnaire et des entretiens sont intégrés dans les différentes parties du
mémoire et vise à apporter des visions différentes, permettant ainsi de confirmer ou infirmer les
hypothèses contenues dans la revue de littérature.
Par conséquent, nous nous attarderons dans un premier temps sur le marché du livre et ses
différentes spécificités ainsi que les acteurs y intervenant. Nous étudierons ensuite les différents
enjeux du marketing et de la promotion pour le secteur de l’édition. Puis il s’agira de démontrer la
complémentarité des différents outils de promotion. Nous poursuivrons pour tenter de comprendre
en quoi les outils de promotion peuvent se révéler substituables. Enfin, nous nous interrogerons sur
les divers facteurs qui peuvent influencer l’impact de la promotion.
4
Son site web : http://eliettelevyfleisch.fr/#rec187677294 (consulté le 01/06/2020)
11. Les outils de marketing digital au service de l’évolution du secteur éditorial
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PARTIE 1 :
LE MARCHE DE L’ÉDITION
12. Les outils de marketing digital au service de l’évolution du secteur éditorial
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1 LE MARCHE DE L’EDITION
1.1 Quelques définitions
Un livre désigne à la fois une œuvre de l’esprit et un objet, un contenu intellectuel et son
support. En 2008, J.-M. G. LE CLÉZIO expliquait, dans son discours de réception du prix Nobel :
« Les livres m’ont donné le goût de l’aventure, ils m’ont permis de pressentir la grandeur du monde
réel, de l’explorer par l’instinct et par les sens plutôt que par les connaissances »5
. Dans le cycle de
la commercialisation, le livre a une valeur d’échange à l’achat, mais garde, du fait de son originalité
conçue en amont du marché, une valeur d’usage supérieure à son prix marchand. Le prix marchand
est défini par les coûts de la production, le profit de l’éditeur, la rémunération de l’auteur et des
intermédiaires de la chaîne marchande. La valeur d’usage est définie comme la valeur symbolique
apportée au lecteur par sa découverte du livre, cet objet qui lui procure un apprentissage ou un
divertissement, cet ailleurs spatial et temporel nécessaire à la mise à distance de son quotidien, et
par là à la reproduction de ses forces. Cette valeur d’usage est incommensurable puisqu’elle est le
fruit d’une rencontre entre un auteur et un lecteur, et elle est propre à chacun.6
Une maison d’édition désigne une entreprise dont l’activité principale est l’édition de livres
(activité INSEE 5112, nomenclature d’activité européenne 58-11Z), à l’exception des éditions
musicales.7
Le Syndicat National de l’Edition (SNE) recense mille maisons d’édition actives
(publiant au moins un titre par an). Parmi elles, on distingue les grands éditeurs (près de cent-
quatre-vingt-dix) dont le chiffre d’affaires dépasse un million d’euros et qui accaparent 95% de
l’activité sectorielle, et les petits éditeurs qui publient un nombre limité d’ouvrages et dont le chiffre
d’affaires excède rarement 300 000 €.8
1.2 L’état actuel du marché
Le marché de l’édition en France est très concentré, avec majoritairement trois grands groupes
qui tiennent le haut du pavé. Hachette Livres (Groupe Lagardère) domine le paysage de l’édition
française avec plus de cent-cinquante maisons d’édition dont, parmi les plus importantes, Larousse,
Fayard, Grasset, Calmann-Lévy, Stock, Livre de poche, etc. Selon Xerfi, ses filiales ont réalisé en
2017 un chiffre d’affaires de 1,46 Md€. Le numéro deux, Editis (groupe Vivendi) comprend une
quarantaine de maisons dont les éditeurs scolaires Nathan et Bordas, Robert Laffont, le Cherche-
Midi, Plon, Pocket, 10/18, etc. L’ensemble du groupe a réalisé un chiffre d’affaires de 407 M€ en
5
EYROLLES, S. (2009). Les 100 mots de l’édition. Presses Universitaires de France (coll. « Que sais-je ? »)
6
VIGNE, E. (2008). Le livre et l’éditeur. Klincksieck, Paris.
7
EYROLLES, S. op.cit.
8
Etude Xerfi. L’édition de livres en France, mars 2019.
13. Les outils de marketing digital au service de l’évolution du secteur éditorial
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2017 et a été cédé par le groupe espagnol Planeta à Vivendi fin 2018. Le troisième groupe français,
Madrigall (Gallimard, Flammarion, Casterman, etc.) génère environ 367M€ de chiffre d’affaires,
suivi par Média Participations qui s’est hissé à la quatrième place grâce au rachat de La Martinière
en 2018. Ils sont suivis par une poignée de groupes de taille moyenne comme Lefebvre-Sarrut
(ouvrages scientifiques et universitaires) ou encore les groupes indépendants Albin Michel et Actes
Sud.9
En France, l’édition se concentre chaque année encore plus avec des rapprochements entre
opérateurs. On a ainsi vu de nombreuses maisons d’édition familiales être absorbées par de grands
groupes ou fusionner, comme Média Participations et La Martinière. Ainsi, les vingt premières
sociétés d’édition en France ont généré plus des deux tiers des revenus de la profession en 2017.
Parmi elles, les trois leaders (Hachette Livre, Editis et Madrigall) ont capté un peu moins de 40%
des parts de marché.10
Les petits éditeurs sont davantage pénalisés par l’émergence de l’auto-édition. En effet,
plusieurs plateformes d’auto-édition se sont développées sur Internet, comme Kindle Direct
Publishing, proposée par Amazon. Celles-ci séduisent une part croissante de nouveaux auteurs qui
se détournent des petits éditeurs, avant de se diriger vers les grandes maisons en cas de succès.
1.3 La règlementation française
En France, au titre de l’exception culturelle, le prix du livre est encadré par la loi depuis 1981.
La loi Lang11
, élargie aux livres numériques en 2012, stipule que le prix de vente du livre, fixé par
l’éditeur, sera le même pratiqué par tous les détaillants. Seule une remise de 5% pourra être
accordée sur le prix fixé par l’éditeur. En revanche, cette politique ne s’applique pas aux livres
d’occasion, dont les prix sont libres. Cette loi vise à protéger les éditeurs et les libraires, contre une
politique agressive des prix des grandes surfaces culturelles. Cette règlementation a notamment
permis aux librairies de survivre, à la différence des disquaires par exemple.
De plus, le livre bénéficie en France d’une TVA au taux réduit à 5,5%. En France, la seule
définition légale existant pour le livre est fiscale : « un livre est un ensemble imprimé, illustré ou
non, publié sous un titre, ayant pour objet la reproduction d’une œuvre de l’esprit d’un ou plusieurs
auteurs en vue de l’enseignement, de la diffusion de la pensée et de la culture »12
. Sur le prix public
hors taxe, en moyenne, tous types d’ouvrages confondus :
9
Etude Xerfi, art.cit.
10
Ibid.
11
https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=LEGITEXT000006068716&dateTexte=20090602 (consulté
le 04/05/2020)
12
EYROLLES, S. op.cit.
14. Les outils de marketing digital au service de l’évolution du secteur éditorial
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- l’auteur touche entre 10 et 15% ;
- la diffusion (équipe des représentants visitant les librairies pour informer des parutions trois mois
à l’avance et prendre les commandes) entre 5 et 8% ;
- la distribution (service de stockage des ouvrages, de conditionnement et d’expédition des com-
mandes, de gestion des retours) entre 10 et 12% ;
- les libraires et détaillants touchent entre 35 et 40% ;
- l’imprimeur entre 12 et 20% ;
- l’éditeur 15% environ, sur lequel il doit déduire ses frais de structure, de promotion, de publicité
et les salaires.
1.4 Les différents intervenants
La diffusion de livres désigne l’ensemble des opérations commerciales et de marketing mises
en œuvre par les éditeurs dans les différents réseaux de vente. La diffusion peut être intégrée dans
les services de la maison d’édition mais se voit généralement confiée à une structure spécialisée
dans cette activité. Il est courant de distinguer trois niveaux de librairies :
- les librairies de premier niveau : grandes librairies et GSS (Fnac, Cultura, etc.) ;
- les librairies de deuxième niveau : petites librairies de proximité et maisons de la presse ;
- les librairies de troisième niveau : très petits points de ventes, points de vente occasionnels.
Le représentant est un commercial dont le rôle est de représenter une ou plusieurs maisons
d’édition auprès des points de vente, pour assurer la vente du livre. Il a aussi un rôle essentiel
d’information montante et descendante : il apporte au libraire des informations sur les livres (les
nouveautés à venir, les promotions, les réassorts) et sur l’évolution des domaines éditoriaux ; par
ailleurs, il remonte aux éditeurs les informations du terrain, les retours libraires. Par exemple, il
informe le libraire sur l’évolution des marchés, afin qu’il puisse se positionner sur les segments en
croissance, et sur la manière d’optimiser la présentation des ouvrages (merchandising, PLV).
La tournée du représentant permet de présenter les nouveautés aux libraires et d’enregistrer
les précommandes (« notés ») et les réassortiments (« réassorts »). Compte tenu de l’augmentation
régulière du nombre de titres publiés, le diffuseur doit conjuguer le potentiel de vente des détaillants
et les objectifs de l’éditeur, en s’intégrant dans le flux logistique des distributeurs (quarante offices
par an). C’est le diffuseur qui négocie la remise faite au détaillant. L’envoi de nouveautés aux li-
brairies est appelé « office » (ou service des nouveautés). Il est le résultat d’un accord entre le li-
braire et le diffuseur. Le libraire perçoit des remises en contrepartie de son niveau d’engagement à
l’office et possède la faculté de retour sur tous les titres reçus à l’office. Tout livre que le libraire a
15. Les outils de marketing digital au service de l’évolution du secteur éditorial
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reçu d’office et qu’il n’a pas vendu peut être retourné à l’éditeur. C’est la contrepartie habituelle de
l’acception de l’office. Le retour se fait au moins trois mois après la date de parution. Le libraire qui
ne reçoit pas l’office a une possibilité de retour très limitée ; c’est une façon d’inciter les libraires à
suivre le système de l’office. La « mise en place » correspond à l’ensemble de l’office et des notés.
La distribution de livres en France rassemble les activités liées à la circulation physique des
ouvrages (stock, transport) et à la gestion des flux (physiques, financiers et informatiques). Le dis-
tributeur fait le lien entre l’éditeur et le libraire en acheminant les livres dans les points de vente. La
distribution est responsable du stockage des livres, la réception des commandes, leur préparation,
leur expédition vers les différents points de vente, la facturation et le recouvrement des créances, le
traitement des retours. Enfin, la distribution recueille et restitue aux diffuseurs et éditeurs des élé-
ments chiffrés d’analyse des ventes : mise à l’office, réassort, retours par titre. Les principaux
groupes d’édition ont leur société de distribution : Hachette Distribution pour Hachette Livre, Inter-
forum pour Editis et La Martinière, etc.
1.5 La pratique de la lecture
L’étude menée par IPSOS (Institut Public de Sondage d'Opinion Secteur) pour le Centre na-
tional du livre (CNL)13
révèle que 88% des Français se considèrent lecteurs de livres, un chiffre en
augmentation constante depuis 2015. Toutefois, cela cache le fait que la dynamique de lecture est
en baisse depuis 2015, dans la mesure où les Français lisent toujours mais de moins en moins de
livres. Cette croissance est portée par la hausse de personnes se déclarant « petits lecteurs », puisque
les personnes lisant peu augmentent (+4 points depuis 2017). Si la catégorie des grands lecteurs
(lecture de plus de vingt livres par an) est en régression constante depuis quelque temps, le nombre
de petits lecteurs (lecture de deux livres au moins par an) est en progression régulière, par la trans-
formation de non-lecteurs en petits lecteurs.14
De plus, 91% des 15-24 ans se considèrent lecteurs,
un chiffre en hausse de 9 points depuis 2017, bien que les personnes se déclarant lire beaucoup reste
les plus de 65 ans et les femmes.
A ce sujet, les résultats de notre enquête sont intéressants, dans la mesure où un tiers des ré-
pondants considèrent qu’ils lisent souvent des livres (romans, mangas, bandes dessinées, essais,
etc.) et un tiers disent en lire parfois. Néanmoins, 28% des répondants déclarent lire entre un et trois
livres par an, et 24% entre quatre et six livres par an. Par conséquent, 52% des répondants lisent
entre un et six livres par an, alors que 64% considèrent qu’ils lisent parfois ou souvent. Comme nos
répondants sont en majorité des jeunes de 20 à 25 ans, on peut en déduire que pour eux « lire sou-
13
VINCENT GERARD, A., & PONCET, J. (2019). Etude IPSOS pour le CNL, Les Français et la lecture.
14
VIGNE, op.cit.
16. Les outils de marketing digital au service de l’évolution du secteur éditorial
16 / 154
vent ou parfois » n’est pas perçu de la même manière que la population globale. En effet,
l’Observatoire de l’économie du livre (Mars 2019)15
affirme que 26% des Français de plus de 15
ans ont lu entre un et quatre livres en 2019, 40% ont lu entre cinq et dix-neuf livres et 25% ont lu
plus de vingt livres. Ainsi, pour les personnes interrogées par notre enquête, lire entre un et six
livres par an, revient à lire parfois ou souvent, ce qui correspond à une fourchette assez basse de
livres par rapport aux statistiques générales.
On constate donc un recul de la place du livre dans une culture où l’audiovisuel prend le pas
sur l’écrit, ce qui engendre une baisse moyenne des ventes au titre. En conséquence, l’éditeur croit
pouvoir la compenser en multipliant l’offre et en augmentant le nombre de nouveautés parues. En
fait, l’économie du livre consiste en l’exact contraire de ce que les étudiants apprennent en écono-
mie généralement, à savoir qu’une baisse de la demande générale engendre une augmentation de
l’offre.16
1.6 La conception d’une politique éditoriale
La conception d’une politique éditoriale répond à plusieurs interrogations : que publier ? pour
quel lectorat ? quels contenus ? sur quel support ? comment structurer cette offre ? par des
collections ou par des marques ? Les réponses apportées à ces questions doivent tenir compte de
l’histoire de la maison (image de marque, catalogue), de son intuition (perception des attentes du
public, des tendances), de sa personnalité, de ses envies, des études de marché (concurrence,
nouvelles opportunités…). Un projet éditorial peut provenir de diverses origines : manuscrit reçu,
achat des droits d’un ouvrage étranger en vue de sa traduction et publication en France, définition
d’un projet par l’éditeur qui recherche alors les auteurs, illustrateurs, photographes auxquels il passe
commande (encyclopédies, manuels scolaires, livres pratiques sont réalisés ainsi).
Un fonds d’édition désigne l’ensemble de tous les ouvrages qu’une maison d’édition peut
proposer, soit parce qu’elle les a en stock, soit parce qu’elle peut les réimprimer. Le fonds, aussi
appelé catalogue, est la principale richesse et patrimoine des maisons d’édition. Une maison
d’édition a pour objectif de constituer puis de valoriser son fonds. En librairie, on désigne par fonds
ce qui n’est pas une nouveauté.
Le pilon est la destruction totale (le livre devient alors épuisé) ou partielle (les exemplaires
retournés sont défectueux, surplus de stock) des exemplaires d’un ouvrage. On estime à environ 80
millions le nombre de livres pilonnés chaque année en France (sur 550 millions d’exemplaires
15
IPSOS pour CNL, Les Français et la lecture, Mars 2019, cité par la Synthèse établie par l’Observatoire de l'économie
du livre, Le secteur du livre : Chiffres-clés 2017-2018 (Mars 2019).
16
Ibid.
17. Les outils de marketing digital au service de l’évolution du secteur éditorial
17 / 154
vendus). En réalité, il ne représente que 4% des stocks de livres. D’une manière générale, le livre ne
représente que 1% de l’utilisation du papier en France. Par ailleurs, les livres pilonnés sont
intégralement retraités en papier recyclable.17
Il convient de noter qu’à chaque publication, un éditeur prend un risque. Toutefois, il pourra
être d’autant plus audacieux dans ses prises de risque s’il peut s’appuyer sur des best-sellers. Tout
l’enjeu pour un éditeur est d’assurer un équilibre viable entre les aléas (mauvaises ventes, départ
d’auteurs, changement de mode) et les réussites éditoriales (succès, notoriété, innovation, droits
obtenus). Cette continuelle prise de risque permet à l’éditeur de faire naître et d’accompagner des
talents.
1.7 La production éditoriale actuelle
La production éditoriale des éditeurs a légèrement augmenté en 2018 (+2%). Elle est passée
de 104 671 titres produits en 2017 à 106 799 titres en 2018.18
Si le nombre total de titres publiés a
légèrement augmenté en 2018, les disparités sont très fortes entre nouveautés et réimpressions. Le
nombre de nouveautés est significativement en baisse (-5,4%), les éditeurs ayant manifestement
privilégié les réimpressions (en hausse de 8,2%). La production éditoriale s’est stabilisée depuis
2014 (67 942 nouveautés et nouvelles éditions en 2018)19
: la rentrée littéraire de Septembre 2019
présentait seulement 524 romans, un nombre au plus bas depuis vingt ans. Qu’il s’agisse des
réimpressions et plus encore des nouveautés, les éditeurs ont fait le choix d’imprimer moins
d’exemplaires : les tirages moyens des nouveautés ont baissé de 5,1% et ceux des réimpressions de
0,4%.20
Le tirage désigne le nombre d’exemplaires d’un titre produit par les fabricants.
Les ventes de livres en France ont baissé de 4,8% en 2018 par rapport à 201721
. Tous ces
éléments combinés font de l’édition un secteur très concurrentiel. Par ailleurs, le temps de lecture
des Français est de plus en plus mis en concurrence avec d’autres formes de loisirs autour de
l’image et du son : télévision, Internet, jeux vidéo, musique, séries, cinéma, plateformes de
streaming, etc. Le manque de temps et la pratique d’autres loisirs (surtout pour les hommes et les
jeunes) sont toujours les premiers freins à la lecture de livres.
Face à des ventes de livres qui baissent chaque année un peu plus, les éditeurs misent avant
tout sur une diminution du nombre de tirage moyen par titre pour ajuster leur production. Ce dernier
a encore reculé de 4% en 2018 et est tombé à 4 794 exemplaires en moyenne par titre, contre près
17
EYROLLES, S. op. cit.
18
Rapport statistique du SNE, 2018-2019. Les chiffres de l’édition.
19
Etude Xerfi, art.cit.
20
Rapport statistique du SNE, art.cit.
21
Ibid.
18. Les outils de marketing digital au service de l’évolution du secteur éditorial
18 / 154
du double dix ans auparavant (8 147 tirages en 2009)22
. Cette stratégie des éditeurs vise à limiter les
taux de retours et les stocks, afin de dégager des moyens supplémentaires pour assurer la promotion
des nouveaux titres. A ce titre, le taux de retour moyen est de 25%23
. En effet, la réduction du
nombre de tirages moyen par livre permet de réduire les coûts de diffusion et de gestion des stocks
invendus. Par ailleurs, pour faire face à l’érosion des ventes de livres, les éditeurs cherchent de
nouveaux débouchés et se tournent de plus en plus vers d’autres univers culturels, multipliant par
exemple les adaptations d’histoires et de personnages de livres dans des projets de production
cinématographique, audiovisuel ou de jeux vidéo.
L’activité des éditeurs est essentiellement tournée vers le marché domestique français. Les
cessions de droit se destinent à la Chine, devant l’Italie et l’Espagne. Les exportations de livres
français sont assurées en général par les filiales de distribution des grands groupes du secteur. Leurs
débouchés sont principalement les marchés francophones (Belgique, Suisse, Canada). Les deux
catégories éditoriales les plus traduites à l’étranger sont les livres pour la jeunesse et les bandes
dessinées24
. Néanmoins, cette proportion est à relativiser, car de nombreux titres BD (bande
dessinée) et livres jeunesse donnent lieu à des séries ou des tomes ; dans ce cas, chaque tome fait
l’objet d’un contrat de cession.
Les ventes de livres représentent l’essentiel des revenus des éditeurs (95% en 2017). Le
chiffre d’affaires lié aux cessions de droits représente 5% des revenus des éditeurs mais contribue
directement à leur marge (poche, traduction, adaptation audiovisuelle). Les livres qui se vendent le
mieux sont : la littérature générale (35%), les albums jeunesse (22%), la bande dessinée (13%)25
.
Néanmoins, nous constatons un phénomène de best-sellérisation dans l’édition, terme dési-
gnant la concentration des ventes sur quelques gros titres à gros tirages. Autrement dit, les best-
sellers permettent la publication de titres plus confidentiels et sont le garant de la diversité édito-
riale. En littérature générale en France, on parle de best-sellers généralement à partir de 20 000
exemplaires vendus. Dans certains secteurs, les chiffres d’affaires sont tirés par les meilleures
ventes, qui représentent une part croissante du marché : édition jeunesse (Harry Potter), bande des-
sinée (Astérix, Titeuf, etc.).
Parmi le paysage éditorial français, on trouve des maisons d’édition revendiquant une certaine
indépendance vis-à-vis du marché dans une logique de pur « marketing de l’offre », mais également
des structures « commerciales » cherchant à produire des œuvres peu risquées. Entre ces deux
modèles, la majorité adopte une approche hybride, qui consiste à allier des titres peu risqués, dont la
22
Etude Xerfi, art.cit.
23
Rapport statistique du SNE, art.cit.
24
Etude Xerfi, art.cit.
25
BOURGEON-RENAULT, D. (2014). Marketing de l’art et de la culture. Dunod, 2ème
édition.
19. Les outils de marketing digital au service de l’évolution du secteur éditorial
19 / 154
rentabilité permet de financer des titres risqués mais qu’on considère nécessaire de publier.
Attardons nous dans la prochaine partie sur les enjeux du marketing et de la promotion dans
l’édition.
20. Les outils de marketing digital au service de l’évolution du secteur éditorial
20 / 154
PARTIE 2 :
LE MARKETING ET LA PROMOTION DU LIVRE
21. Les outils de marketing digital au service de l’évolution du secteur éditorial
21 / 154
2 LE MARKETING ET LA PROMOTION DU LIVRE
2.1 Les débuts du marketing dans l’édition
Bien qu’on puisse percevoir la lecture comme une pratique solitaire et individuelle, elle
présente néanmoins une part importante de sociabilité, le livre permettant aux lecteurs de tisser du
lien social entre eux, de créer du contact et d’échanger autour d’un intérêt commun. En effet, la
littérature a toujours été liée, de près ou de loin, à des pratiques sociales. Les premières formes de
sociabilité littéraire se sont développées en Occident à partir de la Renaissance26
. Les salons
littéraires se sont développés à partir du XVIIIème
siècle. Il s’agit d’une sociabilité littéraire
organisée dans le cadre domestique qui utilise la maison comme lieu de réception de personnes
extérieures. Dans ce cadre, se sont également démocratisés les cafés littéraires27
, où les individus
discutent de l’actualité philosophique et littéraire.
Alors que le marketing s’est véritablement développé dans l’édition française à partir des
années 198028
, il constitue de nos jours une étape incontournable dans la conception d’un projet
éditorial. En réalité, certains considèrent qu’il a toujours existé dans l’édition. L’éditeur Bernard
GRASSET (1881-1955) est décrit comme le « fondateur de la publicité littéraire » et de la
« réclame dans les livres, des affiches chez les libraires, des bandes rouges sur les volumes » par
BOTHOREL29
. Evoquons aussi Louis HACHETTE qui a créé la Bibliothèque des chemins de fer,
après s’être rendu compte du succès des bibliothèques de gare. Cette collection comprend des
guides touristiques et des livres pour enfants à la couverture rose et à l’auteur phare, la Comtesse
DE SÉGUR. Il convient de citer également la Bibliothèque bleue, qui dura du XVIIème
au XIXème
siècle, comprenant des petits livres vendus par les colporteurs et signant l’apparition d’un marché
de masse. D’un autre côté, aucune étude de marché ne peut prévoir ce que le public appréciera et,
de plus, ces études de marché conduisent à un certain mimétisme éditorial, dans la mesure où les
éditeurs reproduisent les recettes des ouvrages qui se vendent bien. On observe alors un déclin de la
créativité et de l’originalité, au profit d’un conformisme des thèmes abordés, des maquettes, des
formats, etc.
L’apparition des supermarchés, grandes surfaces alimentaires (GSA) et grandes surfaces
spécialisées (GSS) ont modifié la manière de voir les circuits de vente, qui ne sont plus cantonnés
26
LEVERATTO, J.M., & LEONTSINI, M. (2008). Internet et la sociabilité littéraire. Éditions de la Bibliothèque
publique d’information, Paris.
27
https://gallica.bnf.fr/essentiels/repere/cafes (consulté le 20/04/2020)
28
GEOFFROY-BERNARD, F. (2000). Le marketing et l’édition : mythes et réalité ou l’esprit (marketing) et la lettre.
Entreprises et histoire, n° 24, pages 43-68.
29
BOTHOREL, J. (1989). Bernard Grasset, vie et passions d’un éditeur. Grasset, Paris. Cité par GEOFFROY-
BERNARD
22. Les outils de marketing digital au service de l’évolution du secteur éditorial
22 / 154
aux seules librairies indépendantes. Cela a accéléré le développement du marketing opérationnel.
Dans les rayons des GSS comme FNAC (Fédération Nationale d’Achats des Cadres) et Cultura et
dans les Espaces Culturels Leclerc, le libre-service domine. A la différence des librairies, où le
libraire est présent pour accompagner le choix et conseiller le consommateur, il devient
indispensable dans les GSS de mettre en place des repères pour faciliter le choix du consommateur :
code couleur en fonction des collections, tranches d’âge, code prix pour les livres de poche, etc. A
cela s’ajoutent les animations commerciales et les promotions régulières, une organisation des
linéaires, têtes de gondole, merchandising, publicité sur le lieu de vente (PLV).
2.2 Le rôle du marketing dans l’édition
La plupart des maisons d’édition disposent d’un service marketing ou, pour les plus petites
structures, d’une personne dédiée au marketing au sein du service communication-promotion. Le
marketing dans l’édition se trouve souvent réduit à la promotion : catalogues, PLV, concours de
vitrines en librairie, salons, annonce presse, radio. Toutefois, il ne saurait se limiter à la seule
promotion du livre. Son rôle et sa place restent ambivalent : en amont et en aval, entre l’éditorial et
le commercial. En réalité, le service marketing travaille en étroite collaboration avec tous les
services et intervient à plusieurs étapes de la conception du livre, de l’origine du projet au
lancement et à l’analyse des ventes. Bien que la dimension littéraire et créative soit indéniable,
l’édition n’échappe pas aux règles du marché. En effet, le livre se présente comme, à la fois, une
œuvre de l’esprit et un objet marchand.30
Le marketing a pour objectif la connaissance approfondie du marché, afin de détecter de nou-
velles niches ou pour évaluer le potentiel d’un projet en amont (étude de marché, veille concurren-
tielle, tests « consommateurs » par tables rondes, etc.). Le marketing s’articule en trois axes com-
plémentaires :
- le marketing d’études : analyse du marché, connaissance des consommateurs, détection de leurs
besoins et attentes ;
- le marketing stratégique : élaboration de l’offre ;
- le marketing opérationnel : promouvoir et communiquer autour de l’offre.
Le marketing est une tentative de réconciliation entre les besoins, les désirs, les comporte-
ments des consommateurs et les objectifs de l’entreprise31
. Les études de marché visent à connaître
l’accueil du public réservé à ses titres et trouver de nouvelles idées, de nouveaux débouchés. En
30
GEOFFROY-BERNARD, F. (2014), Le marketing au service de l’édition, page 271, dans LEBRETON, J.M., &
BIGOURDAN, D. (2014) : Le management de l’entreprise d’édition, Éditions du Cercle de la Librairie.
31
DESAIVE, S., & POGGIOLI, N. (2006). Le marketing du livre, Etudes & stratégies. Editions du Cercle de la
Librairie. Cité par EYROLLES, S. art.cit.
23. Les outils de marketing digital au service de l’évolution du secteur éditorial
23 / 154
fait, certains éditeurs conçoivent leurs ouvrages selon les attentes, besoins et goûts du public. C’est
surtout vrai dans l’édition scolaire, parascolaire et de livres pratiques. A ce titre, on peut citer
l’exemple des Incollables, collection lancée en 1989 par les éditions Playbac32
. Pour se démarquer
parmi le marché des cahiers de vacances, dont les parts de marché sont détenues à 50% par Ha-
chette avec Passeport et à 25% par Nathan, les éditions Playbac réalisent des études de marché et
des tests de consommateurs. Ces derniers aboutissent à des fiches questions-réponses, qui sont
mises sur le marché en test. Ces recherches permettent d’affiner le concept et la présentation, depuis
la facilité de manipulation par une main d’enfant jusqu’au packaging idéal – une boîte en plexiglas
– pour les hypermarchés. L’exemple des Incollables est un bon exemple de projet éditorial élaboré à
partir des attentes du marché.
Le rôle du marketing consiste à ce que l’offre rencontre la demande, c’est-à-dire que le livre
trouve son lectorat, que l’auteur trouve ses lecteurs. Le marketing se met au service du livre pour
organiser la rencontre de l’œuvre et du public. Il s’agit d’articuler le marketing mix (produit, prix,
distribution, communication), une date de parution cohérente avec le marché, un rapport qualité-
prix attractif par rapport à la concurrence, un format adapté aux rayons, etc.
Selon GEOFFROY-BERNARD33
, la démarche marketing de l’éditeur s’articule en trois temps :
- connaître (marketing études) : veille concurrentielle, étude de la demande ;
- recommander (marketing stratégique) : les objectifs, la cible, le positionnement ;
- communiquer (marketing opérationnel) : produit, prix, distribution, communication.
2.3 La dimension promotion prééminente
Le chef de produit dans une maison d’édition se concentre majoritairement sur la promotion
et le marketing opérationnel. En fait, la conception du produit livre est géré par l’éditeur, même si le
chef de produit peut être concerté en amont avec des études sur les ventes ou la concurrence, qui
peuvent aiguiller la décision de l’éditeur. En ce qui concerne le prix du livre, le chef de produit peut
également être concerté et a plus de poids dans la décision. Le prix est décidé en fonction de l’offre
éditoriale proposée, de la concurrence et du marché. Pour la place, celle-ci évolue rarement mais
elle peut être gérée par les ventes directes au cas par cas. Par exemple, un livre sur les jardins peut
être vendu dans les enseignes de jardinage, en plus des librairies classiques. La promotion recouvre
la communication, le marketing, l’événementiel, les relations libraires et la promotion des ventes
(primes ou programme de fidélité). Lorsqu’on utilise des canaux de promotion différents (publicité,
mailing, foires, salons), on parle de mix promotionnel.
32
GEOFFROY-BERNARD, F. (2000). art.cit.
33
Ibid.
24. Les outils de marketing digital au service de l’évolution du secteur éditorial
24 / 154
Le principe de la promotion est de « faire connaître » le livre et de le « faire vendre ».
L’objectif, in fine, est de mieux commercialiser les livres et développer le chiffre d’affaires de
l’éditeur. Le livre est un produit de consommation qui doit trouver sa place sur le marché et doit
rencontrer ses lecteurs-consommateurs, à l’aide de moyens de promotion innovants et efficaces.
Cependant, il s’agit également d’un produit culturel qui doit s’accompagner d’une promotion
adaptée à son statut particulier34
. La production actuelle de livres est très importante, le marché est
saturé et les lecteurs sont sans cesse abreuvés de nouveautés. Dans ce contexte, rare sont les
ouvrages qui se vendent sans promotion et uniquement par le bouche-à-oreille.
La promotion définit le positionnement et le potentiel de chaque nouveauté et organise les
lancements, animations et communication sur les lieux de vente, dans la limite du budget alloué.
L’idée est de réaliser des outils d’aide à la vente visant les diffuseurs, les libraires et le
consommateur final : argumentaires, catalogues, bons de commande, affiches, présentoirs, jeux-
concours.
De nos jours, il est courant pour les éditeurs d’organiser plusieurs opérations commerciales
par an, en particulier dans l’édition jeunesse. A Pocket Jeunesse, le service commercial organise
quatre opérations promotionnelles par an35
. Il s’agit soit d’opérations « pour deux livres achetés, un
livre offert », soit d’opérations comprenant une prime à l’achat. Pour les livres offerts, les auteurs
(ou leurs agents) doivent donner leur accord pour recevoir seulement 50% des droits d’auteur, afin
que l’impact financier de l’opération ne soit pas seulement soutenu par l’éditeur.
Les primes à l’achat sont courantes dans l’édition jeunesse. Pour la série Les Petites Poules, Pocket
Jeunesse (PKJ) offre un cadeau pour deux titres de la série achetés. Pour les enfants, la prime peut
être un jeu de cartes, un puzzle, une gourde, un jouet, etc. Pour Mme BERNARD, chargée de
promotion à Pocket Jeunesse, « la prime offerte incite vraiment les familles à acheter deux tomes au
lieu d’un, parce que le cadeau représente une plus-value pour les enfants ». Elle indique aussi que
pour la série La Guerre des clans, l’une des meilleures ventes de la maison et sur le marché 8-12
ans, la prime offerte a pour thème la rentrée des classes, comme l’opération a lieu en septembre.
Pour deux titres de la série achetés, les lecteurs reçoivent une pochette à élastique pour que les
enfants puissent l’emmener à l’école et qu’ils puissent diffuser la série auprès de leurs camarades de
classe. Pour Mme BERNARD, « c’est l’avantage du matériel scolaire : ça se voit en classe, ça fait
de la promotion et l’enfant est content d’avoir ses héros préférés sur ses cahiers ».
Cette pratique peut néanmoins aussi intervenir dans la littérature générale. Par exemple,
34
GAGEY-BROCHARD, C. (2014), Le management de la promotion, page 289, dans LEBRETON, J.M., &
BIGOURDAN, D. (2014) : Le management de l’entreprise d’édition, Éditions du Cercle de la Librairie.
35
Annexe 7
25. Les outils de marketing digital au service de l’évolution du secteur éditorial
25 / 154
Gallimard offre chaque année un agenda pour deux livres de La Pléiade achetés et un album inédit
d’un auteur pour trois livres de La Pléiade achetés.
Mme BERNARD précise également que Pocket Jeunesse réalise des opérations commerciales
pour les titres qui se vendent le mieux. En effet, selon elle, les opérations prime à l’achat et « un
offert pour deux achetés » ne fonctionneraient pas pour des titres qui se vendent mal, elles ne les
feraient pas se vendre mieux, ou à peine. Alors que pour une série qui a déjà de très hautes ventes le
reste de l’année, l’opération va vraiment stimuler les ventes. Néanmoins, une opération
commerciale peut également avoir pour objectif l’image de marque et pas nécessairement une
hausse des ventes. Mme BERNARD indique qu’une opération peut être maintenue pour une
question d’image, pour être présent en librairie et dans le cœur des lecteurs, même si elle n’accroît
pas les ventes, tant que le seuil de non-rentabilité n’est pas entamé.
Les éditeurs réalisent aussi du matériel en magasin pour assurer la visibilité en librairie de leur
titre : décoration, vitrophanie (autocollants à positionner sur les vitrines des librairies), comptoir,
PLV de sol, etc. Mme BERNARD précise que pour la série Les Petites Poules, chaque année sont
réalisées une PLV de sol, une PLV de comptoir et des affiches. Pour les vingt ans de la série cette
année, ils réalisent une opération anniversaire, avec un kit décoration : des guirlandes de fanions,
des vitrophanies, des cartes postales et des marque-pages que les libraires peuvent distribuer. Pour
les vingt ans, Mme BERNARD souligne qu’elle a préparé un visuel original pour la PLV de sol et la
PLV de comptoir, avec des illustrations tirées des albums, ainsi qu’un logotype et un slogan
marquant pour l’anniversaire. Elle précise : « ce logotype est donc présent sur tous les supports de
communication, tout au long de l’année. Cela permet d’avoir une identité visuelle pour l’opération.
Il est réutilisé par la communication et les relations libraires. L’intérêt du logotype est de faire le
lien entre ce que le lecteur voit en librairie et ce qu’il voit sur les réseaux sociaux ou dans la
presse. »
Il est courant que les différents services se coordonnent pour mutualiser le matériel de
communication. Par exemple, lors de la réalisation du kit anniversaire pour Les Petites Poules,
Mme BERNARD s’est concertée avec le service communication et les relations libraires afin de
prévoir des quantités supplémentaires pour qu’ils puissent aussi s’en servir pendant les salons et les
dédicaces en librairie.
Pour évaluer l’efficacité d’une opération commerciale, le service commercial est en lien avec
la diffusion, qui assure un suivi régulier. Le service des études marketing peut également établir un
comparatif des ventes, par rapport à une année sans opération. Il peut aussi dresser le comparatif des
ventes de janvier à mars et de mars à mai pour une opération qui a eu lieu de mars à mai, afin de
voir si les ventes ont augmenté pendant l’opération. Selon Mme BERNARD, « le tout c’est que
26. Les outils de marketing digital au service de l’évolution du secteur éditorial
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l’argent engagé dans l’opération (le coût des primes à l’achat, des PLV, du matériel) soit amorti par
les ventes, que le coût investi soit inférieur au CA ».
Ainsi, les opérations commerciales sont utilisées dans l’édition et notamment dans certains
domaines (jeunesse, poche). Après avoir investi les points de vente, la promotion s’est déplacée vers
des sphères virtuelles, même si nous ne pouvons pas parler de rupture brutale depuis l’avènement
des médias digitaux. Il s’agit davantage de techniques de communication qui se sont ajoutées dans
la continuité de moyens de communication et de promotion existants. Les nouveautés concernent le
canal de communication, sa cible et la forme que prend le message mais le contenu du message
reste inchangé.
27. Les outils de marketing digital au service de l’évolution du secteur éditorial
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PARTIE 3 :
LES OUTILS DE PROMOTION SONT COMPLÉMENTAIRES
28. Les outils de marketing digital au service de l’évolution du secteur éditorial
28 / 154
3 LES OUTILS DE PROMOTION SONT COMPLEMENTAIRES
Les différents moyens de communication utilisés par les maisons d’édition sont
complémentaires, car chacun adresse une cible différente. Nous verrons les différents moyens
traditionnels et leur efficacité. Dans cette perspective, le nouveau média digital en aucun cas n’a fait
disparaître les critiques littéraires intervenant dans la presse et dans les émissions de radio et de
télévision. Internet s’est ajouté à la liste des médias existants.
3.1 Les outils de promotion dits « traditionnels »
3.1.1 Les relations presse avec les médias traditionnels
Lorsque nous parlons de médias « traditionnels », nous incluons la presse écrite, la radio et la
télévision. Historiquement, ce sont les relations publiques qui occupent la grande partie du travail
de promotion chez les éditeurs. Les relations presse peuvent être travaillées en interne par le service
communication et des attachés de presse, ou elles peuvent être externalisées à une agence de
communication ou à un attaché de presse freelance. L’objectif de l’attaché de presse est de
transmettre l’information de la parution d’un titre aux médias (presse écrite, presse web, radio,
télévision, etc.) dans le but d’une mise en valeur par ceux-ci.
La prescription littéraire se définit comme « une opinion donnée sur la qualité d’une œuvre de
façon indépendante de l’offre, c’est-à-dire qu’elle n’émane ni de l’éditeur, ni de l’auteur »36
. La
prescription littéraire est un avis formulé sur un livre par un libraire, critique ou lecteur amateur.
Selon EOLWEN, « une prescription existe lors d’une interaction entre deux personnes qui ne pos-
sèdent pas le même savoir, avec l’envie de l’un d’apprendre des choses de l’autre »37
. Le prescrip-
teur se retrouve en position d’intermédiaire entre la production et le lecteur et il est, de ce fait, celui
capable d’exercer une influence dans la décision d’achat du consommateur. Ainsi, la prescription
littéraire réduit l’incertitude et le risque perçu par le consommateur lors d’un achat, en s’appuyant
sur la confiance que le consommateur accorde au prescripteur.
BENGHOZI et PARIS38
soulignent deux fonctions principales de la prescription :
36
PAINBÉNI, S. (2009). L’impact de la prescription littéraire dans le processus de décision d’achat d’un roman. 14èmes
Journées de Recherche en Marketing de Bourgogne, Dijon.
37
EOLWEN, F. “Prescription littéraire en ligne et politique d’acquisition en médiathèque », Mémoire de master 1
Sciences de l’Information et des Bibliothèques, sous la direction d’ALIBERT, F., Angers, 2018.
38
BENGHOZI, P.J., & PARIS, T. (2006), "The Economic and Business Models of Prescription in the Internet”, in
BROUSSEAU, E. & CURIEN, N. (eds.), Internet Economics, Cambridge, Cambridge University Press. Cité par
PAINBÉNI, S. art. cit.
29. Les outils de marketing digital au service de l’évolution du secteur éditorial
29 / 154
- sélectionner parmi l’ensemble de l’offre disponible des produits susceptibles de répondre aux
attentes du consommateurs ;
- évaluer, c’est-à-dire proposer une estimation à partir de critères définis.
PAINBÉNI39
dénombre deux types de processus-types de décisions d’achat pour soi. D’une
part, le processus-type de décision d’achat pour soi sans prescription littéraire a lieu lorsque le con-
sommateur prend la décision d’achat sans avoir reçu aucune prescription au préalable. « Il procède
alors soit par sérialisation des achats (c’est-à-dire l’achat systématique ou quasi-systématique des
publications d’un auteur, le plus souvent un auteur de prédilection), soit par prospection de livres en
rayon ou via Internet. (…) La sérialisation des achats repose sur la promesse d’une satisfaction re-
nouvelée de la lecture et, par conséquent, une réduction de l’incertitude sur la qualité du livre. » Ce
processus réduit le risque de déception des consommateurs à la lecture de l’ouvrage, mais n’offre
pas le plaisir de la découverte liée à la nouveauté. La prospection de livres en rayon ou via Internet
répond à cette quête de découverte, qui a aussi son revers : le risque de lectures "moyennes", voire
décevantes. « D’autre part, nous décelons des processus-types de décision d’achat pour soi "avec
prescription". Dans ce cas, le consommateur a reçu une ou plusieurs prescriptions positives ex
ante. » Cela se traduit soit par l’achat immédiat ou à court terme ; soit l’acte d’achat est différé.
Dans ce cas, soit il reçoit d’autres sources de prescription positives qui confirment son intention
d’achat et le mènent à l’acte d’achat, soit ces autres prescriptions positives lui rappellent son inten-
tion d’achat antérieur et le conduisent à l’acte d’achat.40
82% des Français choisissent leurs livres avant de se rendre sur le point de vente. Les princi-
pales motivations de choix d’un livre en amont du point de vente sont la recommandation d’un
proche, l’envie de lire un auteur particulier (87% des Français invoquent ces deux raisons) et la re-
commandation d’un journaliste/critique (pour 64%).
De plus en plus de spécialistes des communications considèrent que la publicité atteint un
niveau de saturation auprès du public et que les relations publiques sont un moyen peu coûteux et
efficace de rencontrer le public41
. Al et Laura RIES42
estiment que la publicité atteint des limites
que seules les relations publiques peuvent dépasser, notamment parce que les relations publiques
sont « crédibles », au contraire du marketing, qui ne peut plus suffire aujourd’hui. Concrètement,
nous constatons une augmentation des ventes de livres après le passage d’un écrivain dans certaines
émissions télévisées. Par ailleurs, il est communément admis que les ventes d’un livre explosent
après qu’il ait reçu certains prix littéraires, comme le prix Goncourt. Par exemple, dans la bande
39
PAINBÉNI, S. art.cit.
40
Annexe 2
41
CHARTIER, L., & LERAY, C. (2007). L’impact des relations publiques sur les ventes des organisations. UQAM.
42
RIES, A. & L. (2003). La pub est morte, vive les RP. Pearson Education, France, Paris. Cité par CHARTIER et al.
30. Les outils de marketing digital au service de l’évolution du secteur éditorial
30 / 154
dessinée, le Fauve d’Or remis lors du festival d’Angoulême, est un véritable accélérateur des ventes.
Fréquemment, les albums primés par le Fauve d’Or voient leurs ventes augmenter sensiblement.
« L’effet multiplicateur du Fauve d’Or est indéniable, commente Sandrine VIGROUX, directrice de
l’expertise Entertainment GfK. Regardons les derniers opus primés, et nous observons des impacts
sur les ventes allant de +60% pour un auteur déjà établi comme Riad SATTOUF en 2015, avec
L’Arabe du futur, jusqu’à multiplié par trois pour La Saga de Grimr et même par seize pour le
lauréat 2017 Paysage après la bataille. »43
L’affichage publicitaire est autorisé (dans le métro, sur les bus, sur les colonnes Morris) mais
souvent peu accessible en termes de budget. Ainsi, la promotion des livres passe souvent par les
journalistes à la radio ou à la télévision, à l’occasion d’interviews ou d’évènements dédiés à la
littérature (salon du livre, récompense, etc.). Le passage d’un livre à la radio se fait uniquement par
les relations presse. Des émissions telles que Le masque ou la plume ou Boomerang sur France Inter
ou encore Le réveil culturel sur France Culture, accueillent régulièrement des auteurs. L’édition
littéraire est interdite de publicité à la télévision (décret du 27 mars 1992), sauf sur les chaînes de
télévision du câble et du satellite (loi assouplie en 2004). Ainsi, le passage d’un livre à la télévision
est généralement pendant une émission littéraire comme La Grande librairie, Le grand journal,
Télématin, On n’est pas couché, etc.
A ce titre, il convient de citer l’enquête Livres Hebdo/I+C sur l’impact des médias sur les
ventes de livres44
. Celle-ci souligne l’importance de l’émission télévisée La Grande librairie, du
Monde et de Télérama, et le rôle croissant des médias populaires comme Télématin et la presse
quotidienne régionale. Selon cette même étude, l’impact dépend beaucoup des catégories de livres.
Les genres littéraires qui bénéficient le plus de l’attention médiatique sont les romans, les
biographies et les essais. A l’inverse, la littérature jeunesse, les bandes dessinées et les livres
pratiques jouissent d’une moindre exposition médiatique. La télévision apparaît comme le média le
plus prescripteur pour les ventes de livres, influençant 42% des ventes. Cela peut s’expliquer par le
fait que la télévision soit un média rassembleur (deux Français sur trois), chronophage (3h40 par
jour) et visible sur des canaux multiples (replay, ordinateur).
L’émission La Grande librairie, animée par François BUSNEL, est très plébiscitée par les
libraires. Malgré les critiques et les polémiques, l’émission On n'est pas couché joue également un
rôle prescripteur. Nous observons un rôle non négligeable pour des émissions plus anciennes
comme Télématin, Un livre, un jour et C à vous. Ainsi, il convient de constater que les programmes
43
https://www.gfk.com/fr/press/bd-record-de-ventes-en-2018?hsLang=fr (consulté le 10/06/2020)
44
Enquête réalisée en 2018 par l'Institut I+C pour Livres Hebdo auprès d'un large échantillon représentatif des librairies
de 1er
niveau, des librairies de 2ème
niveau, des grandes surfaces culturelles et des hypermarchés,
https://www.livreshebdo.fr/article/les-medias-qui-font-vendre (consulté le 19/04/2020)
31. Les outils de marketing digital au service de l’évolution du secteur éditorial
31 / 154
touchant un public plus féminin et en moyenne plus âgé sont plus efficaces dans la recommandation.
Depuis 2015, date de la dernière enquête Livres Hebdo/I+C, la presse en ligne (sites, blogs,
réseaux sociaux, youtubeurs) gagne de l’influence tandis que les magazines féminins (- 20 points) et
la radio (- 19 points) subissent une baisse incontestable. Parmi les titres de presse écrite, les plus
prescripteurs sont Le Monde et Télérama, suivis de la presse régionale. Le fait est que Télérama a
conquis ces dernières années un lectorat plus féminin et l’importance du lectorat féminin se
confirme avec la bonne place de Elle, alors que le rôle des hebdomadaires généralistes sur les
ventes de livres reste limité. Il y a encore quelques années, la presse tenait le haut du pavé de la
prescription avec les chroniques du Monde des livres, de L’Express, du Nouvel Observateur, du
Point et des Inrocks.
Gilles HAÉRI, directeur général d'Albin Michel, résume la situation selon lui : « Un tiers de
l'influence vient des libraires. Le second tiers continue de provenir des prescripteurs médiatiques,
télévision, presse et radio (même si, en recul de 19 %, selon Livres Hebdo/I+C, celle-ci subit une
forte érosion). Quant au troisième tiers qui n'existait pas encore il y a dix ans, il s'agit des
prescripteurs numériques, qui exercent leur influence via Facebook, Twitter et surtout Instagram,
très utilisé par la littérature jeunesse. »45
3.1.2 La publicité
Les éditeurs consacrent un budget limité aux investissements publicitaires : ceux-ci
représentent seulement 2% du chiffre d’affaires du secteur (données 2009) et c’est avant tout dans la
presse écrite qu’ont lieu ces dépenses46
. La publicité pour le livre est interdite à la télévision, sauf
sur les chaînes du câble et du satellite depuis 2003, l’idée étant de protéger les petits éditeurs. Aussi,
le livre fait donc essentiellement l’objet d’investissements publicitaires dans la presse (71%), à la
radio (14%) et l’affichage (9%). L’affichage extérieur peut se trouver sur les bus, sur les colonnes
Morris, dans les couloirs du métro parisien, etc.
Cela peut s’expliquer par l’interdiction partielle de publicité à la télévision mais également
par le fait que la publicité est un mode de promotion minoritaire pour les livres. En effet, les
relations avec les libraires et avec la presse constituent le mode de promotion privilégié des éditeurs.
En 2012, les genres romans/essais et arts/culture/loisirs/tourisme bénéficiaient de la majorité des
dépenses plurimédias et seuls les auteurs reconnus jouissaient d’investissements publicitaires très
importants. Cela s’explique aussi par le fait que la presse se finance en grande partie par la publicité.
45
https://www.lesechos.fr/tech-medias/medias/edition-la-television-en-tete-des-medias-les-plus-prescripteurs-139570
(consulté le 19/04/2020)
46
BEUSCART, J.S, & MELLET, K. (2012). Promouvoir les œuvres culturelles. Usages et efficacité́ de la publicité́ dans
les filières culturelles. La Documentation française, collection “ Questions de culture ”.
32. Les outils de marketing digital au service de l’évolution du secteur éditorial
32 / 154
De plus, les lecteurs de la presse se rapprochent des lecteurs de livres donc la cible est similaire.
Enfin, les journaux spécialisés promeuvent en priorité les livres touchant à leur domaine de
prédilection ; c’est donc un moyen de s’assurer que les annonces pourront intéresser leur lectorat.
Par exemple, une maison d’édition comme Delachaux & Niestlé, spécialisée dans les ouvrages
portant sur la nature, l’écologie et les animaux, placera en priorité des publicités dans des titres de
presse de thématiques similaires, comme L’oiseau magazine. Par ailleurs, les tarifs publicitaires
dans la presse sont très variables.
Les PLV sont des présentoirs destinés aux libraires pour mettre en avant une collection ou une
thématique. Les éditeurs font souvent preuve d’imagination et de créativité lors de la création des
PLV : Bordas fait des présentoirs en forme de crayon pour ses livres scolaires, en forme de sapin
pour les livres de Noël, etc. D’autres formes de publicité sur le lieu de vente existent (des
catalogues, des concours de vitrine, des décorations pour les librairies, des affiches, etc), selon les
points de vente qui peuvent être très divers (librairie, kiosque de gare, supermarché, stations-
service).
Evoquer la publicité à propos des livres a longtemps été un tabou culturel en France. C’est
oublier que les termes publier et publicité partagent une étymologie commune : faire connaître au
public, accroître l’audience d’un évènement47
. La publicité contribue à asseoir la notoriété d’un
nouveau titre sur un marché saturé, tant auprès du grand public que des professionnels (libraires,
journalistes, bibliothécaires). Dans la presse écrite, sur le web, ou dans le cas de l’affichage, une
publicité pour un livre consiste en une mise en scène graphique du contenu et de l’univers du livre
pour mieux en souligner l’originalité et le genre. De plus, la publicité vise à réduire l’incertitude du
consommateur quant au contenu et à la qualité de l’œuvre. A ce titre, la construction graphique de la
publicité permet de rapprocher une œuvre d’une œuvre précédente pour susciter des associations
positives chez le consommateur. Par exemple, la couverture d’ouvrage d’Amélie NOTHOMB
reprendra les mêmes caractéristiques que ses ouvrages précédents.
Il est souvent constaté une corrélation entre une campagne de relations publiques (notamment
par relations presse) et les ventes. Ce n’est pas rare d’opposer marketing et relations publiques : le
premier est vu comme un moyen de lancer un produit et agissant à court terme, tandis que le second
agirait surtout sur la réputation et sur le long terme. Néanmoins, les relations publiques pourraient-
elles avoir un impact à court terme et donc sur les ventes ? Quels seraient les effets du marketing et
de la publicité sur les ventes ?
Comment construit-on une publicité pour un livre ? Elle doit être visuelle car elle ne peut pas
47
SALAMAND, F. (1981). Le livre et son miroir : la publicité du livre. Bull. Bibl. France, Paris, t. 26, n°6.
33. Les outils de marketing digital au service de l’évolution du secteur éditorial
33 / 154
être discursive. Il s’agit de capter l’attention du lecteur par un détail frappant, puis retenir son
attention afin qu’il puisse percevoir le message et l’intérioriser, pour in fine, y repenser plus tard.
L’idée est de mettre en œuvre une argumentation pour convaincre de la valeur ajoutée du livre.
Plusieurs techniques sont alors utilisées : citations de critiques connus, relation avec l’actualité,
importance du sujet traité, caractère nouveau ou inédit de l’ouvrage. Enfin, l’annonce fournit des
précisions sur le moyen d’acheter le produit, devenu objet de désir si l’annonce est efficace : date de
parution, éditeur, mention « en librairie ».
Pour une annonce efficace, comme pour une affiche, on retrouve un schéma à trois niveaux, qui
doivent être perçus immédiatement et simultanément par le lecteur :
- accrochage pour attirer l’œil ;
- premier argument pour piquer la curiosité, qui fait appel aux sensations, émotions ;
- second argument qui s’adresse à la logique pour remporter l’adhésion.
L’étude des annonces parus dans la presse 48
permet de dégager trois grands modèles
d’annonce. Certains choisissent de représenter le livre lui-même, avec la couverture et un
commentaire. D’autres préfèrent la photographie de l’auteur quand il s’agit d’un auteur reconnu ;
ainsi, ils s’adressent à la culture personnelle du lecteur. En effet, les mass media ont permis au
grand public de se familiariser avec le visage ou la silhouette de certains auteurs reconnus (Amélie
NOTHOMB par exemple). Ce phénomène est encore accentué quand l’écrivain est connu pour
d’autres activités (journalistes, télévision, comédien), comme Stéphane BERN ou Lorant
DEUTSCH. Ainsi, certains éditeurs s’appuient sur le nom ou le visage célèbre de celui qu’ils
publient, pour attirer l’attention des clients. La photographie constitue un point d’ancrage pour le
prospect : son regard est capté par la photographie, puis il va aux autres éléments tels que le titre, le
résumé, la présentation de l’ouvrage, la citation d’autorité, etc.
Certaines annonces, enfin, se composent uniquement de texte, souvent pour réduire les coûts de
fabrication. Leur impact sur le prospect est alors « plus faible car elles ne bénéficient pas de la
puissance hypnotique de l’image »49
. Le terme prospect désigne un client potentiel, la cible visée.
Dans l’annonce, au niveau de l’illustration, des éléments comme l’auteur, le titre et
éventuellement l’éditeur sont privilégiés. Le texte accompagnant l’image est souvent efficace et
direct. A ce titre, il convient de remarquer l’aspect intemporel du langage publicitaire : l’usage du
présent est prédominant, car il sous-tend une nature, une propriété du produit promu et non un
phénomène soumis au changement.
Les publicités pour les livres n’échappent pas aux procédés de la rhétorique traditionnelle des
48
SALAMAND, F. art.cit.
49
Ibid.
34. Les outils de marketing digital au service de l’évolution du secteur éditorial
34 / 154
publicités, à savoir la fausse objectivité, l’hyperbole, l’appel au lecteur, la litote et la négation. La
fausse objectivité consiste en une présentation du livre par l’éditeur où celui-ci semble s’effacer
devant le rédacteur du résumé. En réalité, le discours n’est pas neutre et incite subtilement à la
lecture, ou il suscite habilement la curiosité en faisant référence à un évènement que le lecteur est
censé connaître. Les textes des annonces sont également « riches en adjectifs hyperboliques,
vocables valorisants dont le contenu informatif est souvent pauvre parce qu’ils ont été trop
galvaudés ». Certaines annonces présentent le livre sous forme de question, pour piquer la curiosité
du lecteur. La litote et la négation sont des figures de style consistant soit à dévaloriser son livre
pour mieux en vanter ensuite les qualités, soit à paraître se ranger du côté du lecteur pour mieux
réfuter ses arguments. « Dans une annonce pour les Lettres d'un curé de base à un évêque ordinaire,
le commentaire répond à un jugement possible du lecteur : « Ne dites pas de ces pages : « C'est un
pamphlet ». C'est un cri de vérité ». La rhétorique s'efforce de convaincre par la force de
l'opposition « pamphlet-cri de vérité »50
. Parmi les procédés utilisés par les publicitaires du livre, on
peut encore citer l’exagération, l’emploi de l’impératif, l’usage des citations d'autorité, citations de
critiques connus, extraits de journaux, citer des propos d'illustres personnages qui apportent leur
caution à l'ouvrage présenté.
La publicité tend à faire vendre un produit seul mais participe également de la construction de
l’image de marque du produit et par extension l’image de marque de l’éditeur comme garant de la
valeur de l’ouvrage. L’image de marque renvoie à l’ensemble de ce qu’une marque représente pour
un individu : caractéristiques, avantages rationnels, connotations affectives. Il s’agit d’une donnée
qualitative différente pour chacun. Elle se distingue de la notoriété qui est une donnée mesurable.
Chaque éditeur cherche à se distinguer des concurrents par son image de marque. Il convient de
remarquer également l’importance du sigle, ou logo, qui avertit de la présence de la marque sur le
produit.
Les budgets de publicité des éditeurs se composent d’une partie pour promouvoir l’image de
marque et d’une partie pour des titres en particulier. Certains éditeurs ne font de la publicité que
pour leur image de marque. C’est le cas des éditeurs d’encyclopédies et de ceux qui n’éditent que
des collections. Pour ces derniers, il est plus pertinent de mettre en valeur l’image globale de la
collection que seulement des titres qui ne sont souvent que des rééditions.
En revanche, pour les éditeurs qui ont une grande production, il n’est pas possible de faire de
la publicité sur l’image de marque car les budgets sont alloués aux nouveautés selon les domaines et
il reste très peu de budget pour des actions générales sur l’image de marque.
50
SALAMAND, F. art.cit.
35. Les outils de marketing digital au service de l’évolution du secteur éditorial
35 / 154
3.1.3 Le packaging ou l’objet-livre
Dans les outils de promotion traditionnels, la couverture constitue un levier important dans la
décision d’achat. La couverture illustrée s’intègre dans une opération séduction du potentiel lecteur.
Les éditeurs peuvent jouer sur la jaquette ou la couverture avec des bandeaux pour rattacher le livre
à un évènement particulier (prix littéraire, sortie du film au cinéma, citation presse). De fait,
l’apparence du livre est un vecteur de l’image de marque de la maison d’édition : taille, épaisseur,
qualité du papier, qualité de l’impression, illustration de la couverture, quatrième de couverture.
L’emballage (packaging en anglais) remplit des fonctions techniques – prise en main et
rangement - mais constitue surtout un vecteur de communication. Tout d’abord, le packaging d’un
livre aide au repérage du produit parmi une offre abondante. En effet, il aide à la reconnaissance par
le consommateur en rayons et en linéaire. Par exemple, la pratique du « tranching » consiste à
dessiner sur la tranche de la couverture et ainsi reconstituer une « fresque » lorsque les différents
tomes de la série sont positionnés côte à côte.
L’esthétique du packaging a également le rôle de séduire le potentiel acheteur, surtout sur des
collections où l’achat d’impulsion prédomine – c’est le cas du livre de poche. Le packaging agit
également comme support visuel du positionnement de la marque ou du produit. Les éditeurs
consacrent généralement une charte graphique à une collection, pour rattacher visuellement un livre
à une collection. Par exemple, les séries Chair de poule et Cabane Magique aux éditions Bayard ont
bénéficié d’un relook complet de leur charte graphique pour donner une image plus moderne de la
série : nouvelles illustrations de couverture, nouveau logo, etc. Enfin, le packaging constitue un
support de communication pour de nombreuses informations : le titre, l’auteur, le prix, la biographie
de l’auteur, le résumé, sa réception par la critique ou par d’autres auteurs. A ce titre, il convient de
mentionner la pratique du « blurb »51
qui consiste à placer en bandeau sur la couverture du livre,
une courte citation élogieuse d’un auteur réputé. Cette technique, venue des Etats-Unis, où le métier
d’agent littéraire est plus développé qu’en France, consiste à faire lire le texte d’un écrivain peu
connu à d’autres écrivains dont la renommée n’est plus à faire. Si le roman déclenche
l’enthousiasme espéré chez des confrères reconnus, cela constitue un argument supplémentaire pour
vendre le projet éditorial à un éditeur.
DURRIEU et MAGNE52
proposent une échelle de mesure pour le design de couverture de
livre. Ils proposent le concept d’attitude esthétique du consommateur et déterminent alors trois
dimensions du concept d’attitude esthétique du lecteur envers la forme-design de couverture de
51
https://www.lexpress.fr/culture/livre/les-blurbs-debarquent-sur-vos-livres_963212.html (consulté le 19/04/2020)
52
DURRIEU, F., & MAGNE, S. (1999). Comment mesurer l'attitude esthétique ? Validation d'une échelle de mesure
appliquée au design de couvertures de livres. Association Française de Marketing (AFM).
36. Les outils de marketing digital au service de l’évolution du secteur éditorial
36 / 154
livre :
- l’évaluation esthétique de la couverture : évaluation globale et évaluation détaillé du gra-
phisme et de l’information donnée par la couverture ;
- les représentations mentales suscitées par la forme-design de la jaquette de livre ;
- les réactions émotionnelles suscitées par l’expérience esthétique de la forme-design de la ja-
quette.
Ils partent du postulat que la perception de stimuli issus d’un objet se traduit par une imagerie
dans l’esprit du consommateur et engendre des émotions. D’après leur modèle, ils préconisent de
faire preuve d’un parti-pris esthétique fort lors de la création de la couverture.
79% des Français choisissent leurs livres sur le point de vente53
. Pour ces personnes, le sujet
et la quatrième de couverture sont les leviers qui contribuent le plus à déclencher l’acte d’achat,
suivi de la connaissance de l’auteur. Pour les jeunes adultes, la couverture et le titre du livre sont
beaucoup plus incitatifs dans l’acte d’achat que l’auteur lui-même. La mise en avant du livre sur le
point de vente et la présence d’un bandeau prennent de l’importance. Ce postulat est confirmé par
notre étude, puisque 68% des répondants (qui sont pour la majorité des personnes entre vingt et
vingt-cinq ans) considèrent que, dans le choix d’un livre, le sujet est l’élément qui les attire le plus
lors de l’acte d’achat, devant le résumé, la couverture, et des extraits de critiques de presse ou
d’auteurs imprimés sur le livre.
Le réseau social de lecteurs Babelio a mené une étude en 201854
sur les attentes des lecteurs
en termes de paratexte éditorial (couverture, quatrième de couverture, bandeaux, etc.), auprès de
6000 internautes. 71% des répondants considèrent que le résumé présent sur la quatrième de
couverture est essentiel dans le choix d’un livre. Pourtant, 76% sont déçus par les quatrièmes de
couverture, estimant que le résumé est soit trop élogieux pour un livre qui ne serait pas à la hauteur,
soit trop précis au risque de révéler des éléments de l’intrigue. 82% des répondants s’appuient sur le
thème du livre pour faire leur choix, contre 26% sur le nom de l’auteur. La moitié des lecteurs
accordent de l’importance aux prix littéraires dans leur choix de livre et considère l’usage d’un
bandeau comme un facteur attractif. Concernant la couverture, premier rapport visuel au livre,
l’appétence des lecteurs se tournent vers des couvertures colorées adaptées à l’univers du livre,
selon la tendance nord-américaine. Les couvertures sobres sont davantage plébiscitées par les
lecteurs plus âgés : 57% des lecteurs de plus de 65 ans les apprécient contre 25% des 12-17 ans.
81% des répondants de l’étude Babelio s’accordent contre la reprise d’affiches de film pour les
53
VINCENT GERARD, A., & PONCET, J. (2019). Etude IPSOS pour le CNL, art.cit.
54
https://www.livreshebdo.fr/article/les-couvertures-que-voudraient-les-lecteurs-de-babelio
(consulté le 20/06/2020)
37. Les outils de marketing digital au service de l’évolution du secteur éditorial
37 / 154
livres qui ont fait l’objet d’une adaptation. Selon les maisons et les collections, les couvertures sont
d’ailleurs plus ou moins correctement identifiables. Pour les répondants, les grands gagnants sont
Gallimard (et sa collection "Blanche") et Albin Michel, dont les chartes graphiques sont reconnues
respectivement par 68% et 59% des répondants. Actes Sud figure également parmi les éditeurs les
mieux identifiés (54%) pour ses ouvrages et ceux des collections "Actes Noirs" et "Babel", suivi par
Flammarion (41%) et Grasset (41%).
Néanmoins, les résultats de cette étude sont à relativiser, étant donné le fait qu’elle n’est pas
représentative car les répondants sont des membres de la communauté Babelio, c’est-à-dire des
grands lecteurs.
3.1.4 L’évènementiel et les relations libraires
La promotion traditionnelle peut également passer par les relations publiques avec les
professionnels et les partenaires. Au-delà seulement des journalistes, critiques, et leaders d’opinion
(blogueurs), il s’agit aussi des relations avec les libraires et les partenaires professionnels
(diffuseurs, distribution, imprimeurs).
Les éditeurs peuvent recourir à l’événementiel en vue de susciter un bouche-à-oreille positif
auprès du public et des professionnels. Aussi, ils participent à des salons ou des festivals, comme
Livre Paris, le salon du livre et de la presse jeunesse de Montreuil, ou encore le festival de la bande
dessinée d’Angoulême. Ils organisent des soirées de lancement, comme celle organisée par
Gallimard Jeunesse pour la parution en France de Harry Potter et l’enfant maudit en 201655
. Pour
l’occasion, le théâtre des Bouffes du Nord à Paris avait été transformé en Poudlard, avec une
décoration surprenante et des personnages déguisés en professeurs de la saga.
Enfin, les maisons d’édition disposent souvent d’un chargé des relations libraires, qui se
consacre à l’organisation de séances de signatures ou dédicaces en librairie. Une animation en
librairie désigne tout évènement organisé par la librairie autour des livres, des auteurs ou de la
lecture, mais il ne s’agit pas de la mise en avant des titres (tables, vitrines, sites Internet). Le but est
de créer du flux dans la librairie, désertée par les lecteurs et de renouveler son public grâce aux
animations. Une animation en librairie peut prendre plusieurs formes :
- signatures ou dédicaces ;
- rencontres ou débats ;
- animation liée à une manifestation nationale ou régionale (Nuit de la lecture par exemple) ;
55
https://www.lexpress.fr/culture/livre/video-confettis-et-tours-de-magie-pour-le-lancement-du-nouvel-harry-
potter_1840831.html (consulté le 26/04/2020)
38. Les outils de marketing digital au service de l’évolution du secteur éditorial
38 / 154
- festival ou salon ;
- lectures ;
- ateliers (philo, créativité, jeunesse) ;
- présentation des sélections de la librairie ;
- exposition ;
- clubs de lecture ;
- spectacle ;
- lancement d’un titre, d’une collection ;
- prix littéraire.
Si les libraires interrogés pour l’étude IPSOS56
sont nombreux à organiser des animations
dédiées aux enfants, le plus souvent des signatures/dédicaces et des ateliers, ils sont beaucoup
moins nombreux à organiser des animations destinées aux jeunes adultes. Lors d’une animation, le
nombre moyen de participants est de trente personnes. Généralement, la majorité des participants
sont déjà clients de la librairie, mais l’un des objectifs des libraires en organisant une animation est
évidemment de faire connaître la librairie. Le profil des participants est à 96% des clients de la
librairie, à 61% des lecteurs informés par la médiatisation de l’événement et à 50% des lecteurs
attirés par le sujet du livre ou par l’auteur.
En amont de l’animation, les libraires communiquent largement, essentiellement via des
affiches (vitrine, tableau, bandeau sur les livres) en librairie et sur les réseaux sociaux. Ils publient
sur Facebook des invitations illustrées : 99% des libraires utilisent Facebook, seulement 34%
Instagram et 16% Twitter.
Selon l’étude IPSOS citée, une simple dédicace ne suffit plus à faire déplacer le public. Au-
delà d’une signature, le public cherche le débat d’idées, l’échange et le partage. Une animation sans
la venue d’un auteur peut également fonctionner, et réduit par là-même le stress et les coûts.
Une animation génère en moyenne un chiffre d’affaires de 745 € pour soixante-seize livres
vendus. La majorité des ventes est réalisée pendant l’animation, surtout pour les
signatures/dédicaces, mais il ne faut pas négliger les ventes réalisées avant l’animation. Si
seulement un tiers des libraires considèrent que leur dernière animation a été rentable, ils sont
néanmoins nombreux à considérer qu’elle a été un succès.
En effet, pour les libraires, le premier objectif d’une animation n’est pas d’augmenter les
ventes (même si cela reste évidemment intéressant). Ils souhaitent avant tout donner une image
dynamique de leur librairie et profiter d’un moment de partage et de convivialité avec leurs invités.
56
VINCENT GERARD, A., POLLIER, M., & PONCET, J. (2019). Étude IPSOS Les animations en librairie, préparée
pour les 5èmes Rencontres nationales de la librairie.
39. Les outils de marketing digital au service de l’évolution du secteur éditorial
39 / 154
Le principal frein des libraires à organiser des animations est surtout la crainte de ne pas pouvoir
inviter les auteurs qu’ils aimeraient mettre en avant, d’autant plus que 61% des libraires déclarent
avoir des difficultés à les faire venir.
L’implication de l’éditeur et/ou de l’auteur dans l’organisation et la gestion de l’animation est
un sujet délicat qui mériterait d’être abordé. Les libraires souhaiteraient bénéficier d’une aide à la
communication et d’un appui financier de la part des éditeurs ; et d’une mobilisation de leurs
réseaux professionnels et/ou personnels de la part des auteurs et éditeurs.
A titre d’exemple, seulement 56% des libraires ont perçu une aide financière de la part des
éditeurs/diffuseurs portant essentiellement sur le déplacement de l’auteur ou les remises mais moins
sur la communication, pourtant essentielle à la réussite de l’événement. Par exemple, aux éditions
Bayard, la pratique est la suivante : lorsque l’éditeur propose l’animation au libraire, l’éditeur prend
en charge les frais de transport ; si un hébergement est prévu, l’éditeur et le libraire s’arrangent de
manière à ce que l’éditeur prenne en charge les frais de transport et le libraire les frais
d’hébergement.
En lien avec la faible rentabilité de leurs animations, pour la très grande majorité des libraires,
l’idée de rémunérer l’auteur n’est pas souhaitable et impliquerait clairement une réduction du
nombre d’animations qu’ils organiseraient ou un transfert vers les animations sans auteur.
Par ailleurs, Mme LÉVY-FLEISCH pense que les librairies gagneraient à inclure les
influenceurs dans leurs événements, pour qu’ils parlent du livre. Cela pourrait contribuer à
renouveler et élargir le public de la librairie. Elle précise également que cela pourrait être
intéressant pour les libraires de faire une table tous les mois avec les recommandations d’un
influenceur. Mme LÉVY-FLEISCH analyse les relations entre libraires et influenceurs au regard
d’un événement qu’elle a organisé à Lyon, pendant le festival Quai du Polar, une rencontre avec des
influenceurs, des libraires et des représentants : « C’était bien de mélanger parce que les
influenceurs ne sont pas trop appréciés des libraires et les représentants, comme ils sont proches des
libraires, ne comprennent pas trop les influenceurs non plus, donc de les mélanger avec les auteurs
et les éditeurs, ça a permis de créer une ambiance, ils ont compris les rôles des uns et des autres
(même s’ils n’ont pas énormément parlé). Les influenceurs, en général, ont vraiment envie d’aider
les libraires, ils adorent montrer leur librairie sur Instagram, ils soutiennent beaucoup la librairie
indépendante. En face, les libraires les regardent d’un œil méfiant, car ils ont peur qu’ils remplacent
leur job, dans la recommandation de livres. C’est une relation « Fuis-moi, je te suis ». Effectivement,
si quand tu rentres dans une librairie, tu vas voir dans ton Instagram les trois posts que tu as
enregistré des trois livres qui te donnaient envie, tu consommes directement et tu créés moins de
lien avec ton libraire. (…) Je pense qu’ils ont tout intérêt à se faire confiance les uns les autres. La
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librairie est un lieu physique, vivant, alors qu’Instagram est un lieu vivant mais virtuel, et j’aime
bien cette idée de créer un pont entre le virtuel et le physique, entre Instagram et les librairies. »
Toutefois, il convient de remarquer qu’en cette période de COVID-19 et de confinement, les
évènements en librairie se sont retrouvés compromis. Pour faire fi de l’annulation des dédicaces en
librairie, les éditions Syros, à la réouverture des librairies en Mai 2019, ont mis en place une
application permettant aux lecteurs de retrouver des dédicaces vidéo des auteurs sur leur
smartphone57
. Pour cela, il suffit aux lecteurs de télécharger l’application Syros Live, de scanner la
couverture du livre, ou les pages, avec leur téléphone, et de visionner les courtes vidéos des auteurs.
Ainsi, le lecteur peut profiter de contenus inédits proposés sur l’application, ce qui augmente son
expérience autour du livre et de la lecture.
Concluons cette partie par les propos de PAINBENI : « Les études ont confirmé que le bouche-
à-oreille et les avis des pairs ont une influence importante sur l’achat et qu’ils restent la source
d’information avant un achat la plus fiable pour le consommateur. La prescription, lorsqu’elle est
positive, apparaît également comme un critère déterminant dans la décision d’achat d’un livre si elle
émane de l’entourage du consommateur, d’un critique littéraire, des médias ou d’un label
expérientiel, comme un bandeau de prix littéraire. »58
3.2 Les outils de promotion en ligne
3.2.1 Le marketing digital appliqué à l’édition
Les méthodes de promotion traditionnelles ont fait leurs preuves mais, depuis quelques
années, l’émergence du « web 2.0 », également désigné sous l’appellation de « web collaboratif »,
« interactif », « participatif », « social » ou « communautaire », a contribué à faire évoluer ces
pratiques ou à en faire naître des nouvelles. La notion de web 2.0 a été popularisée par
l’entrepreneur américain Tim O’REILLY avec un article de 200559
. Le web 2.0 se caractérise par
une plus grande complexité technologique et des interactions simplifiées entre les utilisateurs. Alors
que le web 1.0 était centré autour de l’information, le web 2.0 est davantage tourné vers les
interactions sociales, l’interactivité et la participation des internautes, qui se familiarisent avec de
nouveaux outils et deviennent eux-mêmes créateurs de contenus. Le web collaboratif enrichit la
57
https://www.actualitte.com/article/edition/les-auteurs-offrent-une-dedicace-video-aux-lecteurs-qui-scannent-leur-
livre/100677 (consulté le 05/06/2020)
58
PAINBÉNI, S. art.cit.
59
O’REILLY, T. (2005, 30 septembre). What is web 2.0 [page web]. Récupéré le 06 juillet 2018 du site
https://www.oreilly.com/pub/a/web2/archive/what-is-web-20.html. Cité par LEBEAU, A. « Etude de réception du
phénomène BookTube. Typologie des consommateurs de chaines BookTube, investigation des effets produits sur ce
public et identification d’enjeux pour l’éducation aux médias ». Mémoire de fin d’études, sous la direction de
CAMPION, B., Bruxelles, 2018.