La cinquième erreur

Dominique Strauss-Kahn
Dominique Strauss-KahnGlobal Strategy advisor

Quelques réflexions sur la crise découlant du texte de loi sur les retraites

Mardi 11 avril 2023
La cinquième erreur
La France est dans un triste état. Il suffit de lire la presse étrangère pour s’en convaincre. Non
pas qu’il ne faille pas réformer le financement des retraites mais la crise traduit, pour nos
concitoyens comme pour nos partenaires, le blocage profond de la société française. Il est alors
légiGme de s’interroger sur la succession d’erreurs dont l’enchaînement a conduit le pays dans
l’impasse. Pour ma part, je vois quatre erreurs principales.
La première erreur concerne le choix du moment. Certes, la réforme du financement de nos
régimes de retraite est importante, mais elle n’est pas à ce point urgente. Le moment n’était-il
pas parGculièrement mal choisi qui crée une crainte nouvelle sur la retraite quand d’autres
détresses assaillent les Français ?
On pense d’abord à la baisse du pouvoir d’achat découlant de l’inflaGon qui frappe durement la
parGe la moins aisée de la populaGon. Si comme nous l’apprend un sondage récent, près de la
moiGé des Français les plus modestes ont été amenés à supprimer un repas par jour, alors c’est
là qu’est l’urgence. D’autant que ceUe situaGon dramaGque fait suite à la Covid et a pour toile
de fond la quesGon du climat et celle de la guerre. Les difficultés nouvelles de la vie quoGdienne
se greffent sur l’anxiété morGfère du confinement, les décès de parents ou d’amis proches et,
pour l’avenir, la crainte de voir ce scénario surgir à nouveau si, comme l’évoquent de nombreux
spécialistes, d’autres vagues pandémiques sont à prévoir. A cela s’ajoute la lancinante
inquiétude que crée l’apathie des gouvernements face au dérèglement climaGque pourtant si
prévisible. L’avenir de la planète angoisse légiGmement notre jeunesse et la réponse confuse
qui est apportée n’est pas de nature à leur redonner espoir ; alors même que pour la première
fois depuis deux généraGons, la guerre est à notre porte, menaçant nos valeurs et notre modèle
de société.
Dans ceUe situaGon qui peint l’avenir en noir, pouvait-on ne pas escamoter le débat et éviter de
passer en force sur les retraites ? On l’aurait pu facilement si le Fonds de Réserve des retraites,
2
créé par Lionel Jospin, n’avait pas été siphonné fin 2010 par le Président de l’époque pour alléger
sa contrainte budgétaire. Il aurait vraisemblablement approché les 100 milliards d’euros en 2030
à comparer aux 10 ou 15 milliards annuels promis par la réforme dans sa version actuelle. Mais
en dépit de ce pillage, rien ne nous obligeait à agir tout de suite. Rien, sauf peut-être le
senGment qu’il fallait au plus vite tenir une promesse qui avait été oubliée au début du premier
quinquennat, à un moment qui, à l’évidence, aurait été beaucoup plus favorable. Difficile
d’admeUre qu’une seconde faute suffise à compenser la première.
Donc nous pouvions prendre le temps de mener le vrai débat ; celui qui, loin des réponses
ponctuelles, pose la quesGon essenGelle d’une société dans laquelle la durée de vie va s’allonger
considérablement avec des conséquences sur les retraites et la fin de vie, certes, mais aussi sur
une longue liste de quesGons qui va du système éducaGf (l’éducaGon tout au long de la vie), à
la dépendance (vivre plus vieux mais dans quel état de santé ? ), en passant par le droit de la
famille (comment organise-t-on une société où vont se côtoyer quatre voire cinq généraGons ?).
Le moment a été mal choisi et la vision globale a fait défaut. Pour autant, ne devait-on pas
avancer quand même sur le financement des retraites sans aUendre d’avoir une réponse à tous
les problèmes ? Si, bien sûr. Mais pour ce faire il fallait sorGr des vieux schémas, ceux qui était
adaptés au XXème siècle, à un siècle où l’espérance de vie augmentait lentement au contraire
de ce qui va probablement se passer dans les décennies qui viennent et où les gains de
producGvité permeUaient d’absorber les coûts supplémentaires.
Aujourd’hui, ce n’est pas l’âge de la retraite qu’il faut changer, c’est la concepGon même du
système. C’est ceUe réforme systémique qu’en 2017 un candidat à la présidence de la
République disait, à juste raison, vouloir entreprendre. Mais il a ensuite subrepGcement
abandonné ceUe voie. Pourtant, nous devons sorGr d’un système qui repose sur l’âge de départ
à la retraite pour construire un système fondé sur la durée de coGsaGon. L’âge couperet
disparaitrait alors. La durée de coGsaGon s’ajusterait lentement et régulièrement avec
l’évoluGon des besoins de financement. Ceci permeUrait, au demeurant, d’être équitable avec
ceux qui ont commencé à travailler plus jeunes quand d’autres bénéficiaient de la gratuité des
études supérieures. Ceci permeUrait aussi de moduler la durée de coGsaGon nécessaire en
foncGon de la pénibilité du travail. Ceci permeUrait enfin d’intercaler aisément des périodes de
formaGon au cours de la vie professionnelle.
La réforme paramétrique qui a été choisie rend tout ceci beaucoup plus compliqué, voire
infaisable de façon praGque. Elle focalise l’aUenGon sur l’âge-pivot, digne vesGge des luUes
sociales d’hier devenu un dramaGque abcès de fixaGon comme l’a montré la période récente.
Ainsi, après l’erreur de « Gming », l’erreur de méthode aura été fatale. Elle est d’autant plus
fatale qu’elle entre en collision avec une troisième erreur, stratégique ceUe fois. La France n’est
pas un pays dans lequel on peut mener une réforme sociale d’envergure en se référant
uniquement à un rapport de force poliGque et en négligeant le rapport de force social et, au-
delà, le consensus minimum au sein de la société. C’est pourtant ce qui a été fait. La volonté
visible par tous de trouver une majorité à l’Assemblée fusse au prix de compromis incessants
plutôt que de construire avec les syndicats un projet acceptable pour le monde du travail a voué
ce projet à l’échec.
3
Personne ne pourra dire que nous n’avions pas été prévenus. Dès son essai de 2016, notre
Président, alors candidat, disait le peu de confiance qu’il a dans les corps intermédiaires ; ceux
qui font le lien entre le pouvoir poliGque et la société civile et au premier rang desquels on
trouve les syndicats ; au risque, pour reprendre Tocqueville, « qu’entre lui et les par/culiers il
n’existe plus rien qu’un espace immense et vide ».
CeUe stratégie purement poliGque était vouée à l’échec. Non pas qu’il eut été impossible
d’ajrer quelques députés LR de plus pour faire voter le projet à l’Assemblée, mais parce qu’on
ne peut gouverner un pays en lui imposant une réforme que les trois quarts des citoyens
rejeUent. François MiUerrand l’avait bien compris quand, le 14 juillet 1984 bien que disposant
d’une majorité à l’Assemblée, il annonçait le retrait du projet de loi visant à intégrer les écoles
privées dans un « Grand service public de l’ÉducaGon NaGonale » fusse au prix de la démission,
le 17, de Pierre Mauroy et d’Alain Savary.
Beaucoup d’hommes et de femmes ont payé le prix du sang pour que nous ayons la chance de
faire de la poliGque dans un contexte démocraGque. Mais ceUe démocraGe ne peut être un
système où le plus fort se contente d’imposer ses vues au nom de sa majorité, il doit s’obliger à
convaincre le plus faible pour tendre vers un consensus supérieur. Dans ceUe entreprise de
convicGon, les corps intermédiaires, au premier rang desquels les syndicats quand il s’agit de
quesGons relaGves au travail, ont un rôle majeur à jouer. L’avoir refusé a mis la France à feu et à
sang.
Reste la quatrième erreur. Faute d’avoir bien choisi son moment, faute d’avoir construit une
réforme holisGque, faute d’avoir bien choisi ses alliés, le pouvoir poliGque s’est retrouvé dans
une impasse. Il aurait pu bravement aller au vote quiUe à le perdre. Ce n’aurait, certes, pas été
glorieux mais la tension serait retombée et l’espoir de reprendre le sujet dans des circonstances
apaisées aurait subsisté. Au lieu de quoi, mesurant son absence de majorité poliGque et
conscient de son absence de majorité sociale, le pouvoir a décidé de passer en force. Le Conseil
ConsGtuGonnel dira s’il a ou non malmené la ConsGtuGon. Quoi qu’il en soit, il aura malmené le
peuple français. L’avenir nous montrera si la rancœur crée aura rendu difficile toute législaGon
d’envergure jusqu’à la fin du quinquennat. Dans ceUe hypothèse, en sus de l’erreur stratégique,
l’erreur tacGque serait manifeste.
Sauf si le Conseil ConsGtuGonnel en décide autrement, la loi risque, à sa publicaGon, de relancer
le cycle de violences. On peut l’éviter en repoussant ceUe publicaGon jusqu’à ce qu’un point
d’équilibre ait été trouvé avec les forces sociales. Faute de quoi le péril est grand de voir le pays
s’embraser à nouveau, demain sur le sujet des retraites, après demain sur un autre, avec comme
perspecGve historique un avenir poliGque de plus en plus brun.
C’est que les violences de ces dernières semaines défigurent notre République. Elles sont sans
doute le fait des deux bords, mais il ne suffit pas d’évoquer les exacGons des black blocks pour
jusGfier la violence d’État rapportée par tous les réseaux sociaux.
Le vocabulaire employé a été à la fois révélateur et exagéré : défendre des idées sociales ne fait
pas de nos concitoyens des « ultra-gauchistes » ; manifester pour contester et combaUre un
projet gouvernemental ne relève pas du « terrorisme ».
4
La difficulté dans laquelle s’est trouvé le pouvoir exécuGf l’a conduit à un usage disproporGonné
de la violence physique et verbale, à tel point que le Conseil de l’Europe s’est alarmé d’un usage
excessif de la force contre les manifestants. Certes, les lois doivent se faire au Parlement et pas
dans la rue. Mais écouter et comprendre la rue fait aussi parGe de la responsabilité poliGque.
C’est au Président de la République qu’il apparGent maintenant de prendre les iniGaGves
permeUant de renouer les fils d’un dialogue social trop brutalement interrompu. A défaut, une
cinquième erreur viendrait s’ajouter aux précédentes.
* *
*

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  • 1. Mardi 11 avril 2023 La cinquième erreur La France est dans un triste état. Il suffit de lire la presse étrangère pour s’en convaincre. Non pas qu’il ne faille pas réformer le financement des retraites mais la crise traduit, pour nos concitoyens comme pour nos partenaires, le blocage profond de la société française. Il est alors légiGme de s’interroger sur la succession d’erreurs dont l’enchaînement a conduit le pays dans l’impasse. Pour ma part, je vois quatre erreurs principales. La première erreur concerne le choix du moment. Certes, la réforme du financement de nos régimes de retraite est importante, mais elle n’est pas à ce point urgente. Le moment n’était-il pas parGculièrement mal choisi qui crée une crainte nouvelle sur la retraite quand d’autres détresses assaillent les Français ? On pense d’abord à la baisse du pouvoir d’achat découlant de l’inflaGon qui frappe durement la parGe la moins aisée de la populaGon. Si comme nous l’apprend un sondage récent, près de la moiGé des Français les plus modestes ont été amenés à supprimer un repas par jour, alors c’est là qu’est l’urgence. D’autant que ceUe situaGon dramaGque fait suite à la Covid et a pour toile de fond la quesGon du climat et celle de la guerre. Les difficultés nouvelles de la vie quoGdienne se greffent sur l’anxiété morGfère du confinement, les décès de parents ou d’amis proches et, pour l’avenir, la crainte de voir ce scénario surgir à nouveau si, comme l’évoquent de nombreux spécialistes, d’autres vagues pandémiques sont à prévoir. A cela s’ajoute la lancinante inquiétude que crée l’apathie des gouvernements face au dérèglement climaGque pourtant si prévisible. L’avenir de la planète angoisse légiGmement notre jeunesse et la réponse confuse qui est apportée n’est pas de nature à leur redonner espoir ; alors même que pour la première fois depuis deux généraGons, la guerre est à notre porte, menaçant nos valeurs et notre modèle de société. Dans ceUe situaGon qui peint l’avenir en noir, pouvait-on ne pas escamoter le débat et éviter de passer en force sur les retraites ? On l’aurait pu facilement si le Fonds de Réserve des retraites,
  • 2. 2 créé par Lionel Jospin, n’avait pas été siphonné fin 2010 par le Président de l’époque pour alléger sa contrainte budgétaire. Il aurait vraisemblablement approché les 100 milliards d’euros en 2030 à comparer aux 10 ou 15 milliards annuels promis par la réforme dans sa version actuelle. Mais en dépit de ce pillage, rien ne nous obligeait à agir tout de suite. Rien, sauf peut-être le senGment qu’il fallait au plus vite tenir une promesse qui avait été oubliée au début du premier quinquennat, à un moment qui, à l’évidence, aurait été beaucoup plus favorable. Difficile d’admeUre qu’une seconde faute suffise à compenser la première. Donc nous pouvions prendre le temps de mener le vrai débat ; celui qui, loin des réponses ponctuelles, pose la quesGon essenGelle d’une société dans laquelle la durée de vie va s’allonger considérablement avec des conséquences sur les retraites et la fin de vie, certes, mais aussi sur une longue liste de quesGons qui va du système éducaGf (l’éducaGon tout au long de la vie), à la dépendance (vivre plus vieux mais dans quel état de santé ? ), en passant par le droit de la famille (comment organise-t-on une société où vont se côtoyer quatre voire cinq généraGons ?). Le moment a été mal choisi et la vision globale a fait défaut. Pour autant, ne devait-on pas avancer quand même sur le financement des retraites sans aUendre d’avoir une réponse à tous les problèmes ? Si, bien sûr. Mais pour ce faire il fallait sorGr des vieux schémas, ceux qui était adaptés au XXème siècle, à un siècle où l’espérance de vie augmentait lentement au contraire de ce qui va probablement se passer dans les décennies qui viennent et où les gains de producGvité permeUaient d’absorber les coûts supplémentaires. Aujourd’hui, ce n’est pas l’âge de la retraite qu’il faut changer, c’est la concepGon même du système. C’est ceUe réforme systémique qu’en 2017 un candidat à la présidence de la République disait, à juste raison, vouloir entreprendre. Mais il a ensuite subrepGcement abandonné ceUe voie. Pourtant, nous devons sorGr d’un système qui repose sur l’âge de départ à la retraite pour construire un système fondé sur la durée de coGsaGon. L’âge couperet disparaitrait alors. La durée de coGsaGon s’ajusterait lentement et régulièrement avec l’évoluGon des besoins de financement. Ceci permeUrait, au demeurant, d’être équitable avec ceux qui ont commencé à travailler plus jeunes quand d’autres bénéficiaient de la gratuité des études supérieures. Ceci permeUrait aussi de moduler la durée de coGsaGon nécessaire en foncGon de la pénibilité du travail. Ceci permeUrait enfin d’intercaler aisément des périodes de formaGon au cours de la vie professionnelle. La réforme paramétrique qui a été choisie rend tout ceci beaucoup plus compliqué, voire infaisable de façon praGque. Elle focalise l’aUenGon sur l’âge-pivot, digne vesGge des luUes sociales d’hier devenu un dramaGque abcès de fixaGon comme l’a montré la période récente. Ainsi, après l’erreur de « Gming », l’erreur de méthode aura été fatale. Elle est d’autant plus fatale qu’elle entre en collision avec une troisième erreur, stratégique ceUe fois. La France n’est pas un pays dans lequel on peut mener une réforme sociale d’envergure en se référant uniquement à un rapport de force poliGque et en négligeant le rapport de force social et, au- delà, le consensus minimum au sein de la société. C’est pourtant ce qui a été fait. La volonté visible par tous de trouver une majorité à l’Assemblée fusse au prix de compromis incessants plutôt que de construire avec les syndicats un projet acceptable pour le monde du travail a voué ce projet à l’échec.
  • 3. 3 Personne ne pourra dire que nous n’avions pas été prévenus. Dès son essai de 2016, notre Président, alors candidat, disait le peu de confiance qu’il a dans les corps intermédiaires ; ceux qui font le lien entre le pouvoir poliGque et la société civile et au premier rang desquels on trouve les syndicats ; au risque, pour reprendre Tocqueville, « qu’entre lui et les par/culiers il n’existe plus rien qu’un espace immense et vide ». CeUe stratégie purement poliGque était vouée à l’échec. Non pas qu’il eut été impossible d’ajrer quelques députés LR de plus pour faire voter le projet à l’Assemblée, mais parce qu’on ne peut gouverner un pays en lui imposant une réforme que les trois quarts des citoyens rejeUent. François MiUerrand l’avait bien compris quand, le 14 juillet 1984 bien que disposant d’une majorité à l’Assemblée, il annonçait le retrait du projet de loi visant à intégrer les écoles privées dans un « Grand service public de l’ÉducaGon NaGonale » fusse au prix de la démission, le 17, de Pierre Mauroy et d’Alain Savary. Beaucoup d’hommes et de femmes ont payé le prix du sang pour que nous ayons la chance de faire de la poliGque dans un contexte démocraGque. Mais ceUe démocraGe ne peut être un système où le plus fort se contente d’imposer ses vues au nom de sa majorité, il doit s’obliger à convaincre le plus faible pour tendre vers un consensus supérieur. Dans ceUe entreprise de convicGon, les corps intermédiaires, au premier rang desquels les syndicats quand il s’agit de quesGons relaGves au travail, ont un rôle majeur à jouer. L’avoir refusé a mis la France à feu et à sang. Reste la quatrième erreur. Faute d’avoir bien choisi son moment, faute d’avoir construit une réforme holisGque, faute d’avoir bien choisi ses alliés, le pouvoir poliGque s’est retrouvé dans une impasse. Il aurait pu bravement aller au vote quiUe à le perdre. Ce n’aurait, certes, pas été glorieux mais la tension serait retombée et l’espoir de reprendre le sujet dans des circonstances apaisées aurait subsisté. Au lieu de quoi, mesurant son absence de majorité poliGque et conscient de son absence de majorité sociale, le pouvoir a décidé de passer en force. Le Conseil ConsGtuGonnel dira s’il a ou non malmené la ConsGtuGon. Quoi qu’il en soit, il aura malmené le peuple français. L’avenir nous montrera si la rancœur crée aura rendu difficile toute législaGon d’envergure jusqu’à la fin du quinquennat. Dans ceUe hypothèse, en sus de l’erreur stratégique, l’erreur tacGque serait manifeste. Sauf si le Conseil ConsGtuGonnel en décide autrement, la loi risque, à sa publicaGon, de relancer le cycle de violences. On peut l’éviter en repoussant ceUe publicaGon jusqu’à ce qu’un point d’équilibre ait été trouvé avec les forces sociales. Faute de quoi le péril est grand de voir le pays s’embraser à nouveau, demain sur le sujet des retraites, après demain sur un autre, avec comme perspecGve historique un avenir poliGque de plus en plus brun. C’est que les violences de ces dernières semaines défigurent notre République. Elles sont sans doute le fait des deux bords, mais il ne suffit pas d’évoquer les exacGons des black blocks pour jusGfier la violence d’État rapportée par tous les réseaux sociaux. Le vocabulaire employé a été à la fois révélateur et exagéré : défendre des idées sociales ne fait pas de nos concitoyens des « ultra-gauchistes » ; manifester pour contester et combaUre un projet gouvernemental ne relève pas du « terrorisme ».
  • 4. 4 La difficulté dans laquelle s’est trouvé le pouvoir exécuGf l’a conduit à un usage disproporGonné de la violence physique et verbale, à tel point que le Conseil de l’Europe s’est alarmé d’un usage excessif de la force contre les manifestants. Certes, les lois doivent se faire au Parlement et pas dans la rue. Mais écouter et comprendre la rue fait aussi parGe de la responsabilité poliGque. C’est au Président de la République qu’il apparGent maintenant de prendre les iniGaGves permeUant de renouer les fils d’un dialogue social trop brutalement interrompu. A défaut, une cinquième erreur viendrait s’ajouter aux précédentes. * * *