Lettre ouverte à Agnès Buzyn, Ministre des Solidarités et de la Santé, suite au vote de la réforme de la PAJE en 1ère lecture à l’AN dans le cadre du #PFLSS2018
Lettre ouverte à Agnes Buzyn - Réforme de la Paje #PFLSS2018
1. Make Mothers Matter France - Association Loi 1901 I SIRET n°44924971300016 I Boite55 14, avenue René
Boylesve 75016 Paris I France I info@mmmfrance.org I www.mmmfrance.org I @MMM4France I
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A l’attention d’Agnès Buzyn
Ministre des solidarités et de la santé
14, avenue Duquesne
75350 PARIS
Objet : Lettre ouverte à Agnès Buzyn, Ministre des solidarités,
concernant la réforme de la PAJE
Madame la Ministre,
Lors des débats du 27 octobre à l’Assemblée Nationale, vous avez indiqué votre attachement à la
politique familiale française et nous vous en remercions. Mais nous souhaitons cependant revenir sur
quelques points du débat et de la réforme de la PAJE incluse dans le Projet de Loi de Finances de la
Sécurité Sociale (PLFSS) pour 2018, en espérant que notre contribution soit constructive et puisse être
utile aux familles et au redressement de l’économie de notre pays.
Pourquoi faut-il s’inquiéter de la baisse du nombre de naissances
Vous avez évoqué le recul de la natalité française en estimant qu’il était transitoire tout en disant que
s’il devait être plus durable ou s’accentuer, celà vous inquiéterait.
Nous tenons à rappeler qu’il est né au cours du dernier quinquennat 140.000 bébés de moins1
que
pendant les 5 années précédentes. Certes, le nombre de femmes en âge de procréer est en recul
depuis une dizaine d’années en France mais, la politique familiale dynamique de notre pays permettait
jusque dans ces toutes dernières années de maintenir un taux de fécondité relativement élevé en
comparaison de nos voisins européens et une bonne vitalité démographique.
Les nombreuses réformes mises en œuvre au cours du dernier quinquennat, en restreignant les
moyens financiers alloués aux familles mais également en compliquant l’accès aux solutions d’accueil
pour les tous petits a directement contribué à déstabiliser un certain nombre de familles, faisant
renoncer certaines d’entre elles à accueillir un enfant supplémentaire.
Notre association a reçu des milliers de témoignages de jeunes parents, de toutes catégories sociales
et de tous les départements à l’occasion de la réforme du congé parental partagé. Les classes
moyennes et les familles modestes ont été particulièrement impactées par cette mesure, et ce
d’autant plus que les créations de places d’accueil promises n’ont pas été au rendez-vous pour
compenser la limitation des droits de recours au congé parental à 2 ans maximum pour un parent.
Vous le savez, un quart des dépenses de solidarité en France sont des dépenses de retraites. Il est donc
absolument vital d’assurer un certain soutien à la natalité, ne serait-ce que pour avoir suffisamment
de cotisants dans trente ans pour financer les pensions des adultes d’aujourd’hui et pouvoir espérer
maintenir durablement le modèle social français.
1 Insee Première, naissances France Métropolitaine, septembre 2017
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Un déficit de solutions d’accueil qui pénalise les mères et les familles
Les tous derniers chiffres du HCFEA démontrent la situation catastrophique que le précédent
gouvernement a laissé concernant les modes de garde en France. En déstabilisant gravement le congé
parental, en ne remplaçant pas un grand nombre d’assistantes maternelles qui partent à la retraite et
en ne créant qu’une toute petite partie des places de crèches et d’accueil à l’école qui étaient
promises, les familles se retrouvent en cette fin d’année 2017 avec une situation moins bonne qu’en
2012 alors même que des fonds importants ont été investis dans la création de structures d’accueil.
Le tableau ci-après récapitule la situation complète des solutions d’accueil pour les 0-3 ans à fin 2016
et donne quelques indications de la dégradation en cours en 2017 avec la montée en charge du congé
parental partagé qui est un échec patent.
2012 2016 Evolution
vs 2012
Première
estimation
2017 vs 2012
Rappel
des
objectifs
0-3 ans France métropolitaine2
2.385.510 2.286.088 -99.422 - 153.3223
Bénéficiaires CLCA / Prepare4
532.400 410.200 -122.200 - 204.2005
Garde assistantes maternelles6
636.300 614.400 -21.900 + 100.000
Places de crèches (PSU)7
+34.500 +100.000
Places de micro-crèches (CMG)8
+ 18.300
Garde à domicile 46.400 42.700 -3.700
Scolarisation 2-3 ans9
87.300 93.000 +5.700 +75.000
Total solutions d’accueil
Dont total hors congé parental
-89.100
+ 33.054 +275.000
2 Base naissances mensuelles Insee France métropolitaine – Septembre 2017
3 Extrapolation de la tendance sur l’année sur la base des 6 premiers mois 2017 publiés
4 Chiffres Cnaf – audition au HCFEA octobre 2017
5 Le CCSS 2017 de septembre 2017 indique une chute de recours au CLCA / Prepare de 20% en
2017
5 à 8 Chiffres Cnaf – audition au HCFEA octobre 2017
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Des signaux alarmants en termes d’égalité homme-femme :
Notre association est particulièrement préoccupée par le dernier rapport de la Cour des Comptes qui
indique un recul de l’insertion professionnelle des mères de 1 et 2 enfants. Or, avant la montée en
puissance de l’ensemble des dernières mesures affectant la politique familiale, la France réussissait le
double exploit d’avoir un indice de fécondité dynamique et un taux d’emploi des femmes nettement
supérieur à celui de la moyenne européenne. Ce n’est qu’à partir du 3ème enfant que l’on constatait
un net recul du travail des mères. En outre, les pères peinent toujours à s’investir dans le congé
parental (- de 5% des bénéficiaires en 2015). Il semble donc que la réforme ait été contre-productive.
MMM France avait pourtant alerté le Ministère des droits des femmes et les parlementaires en 2013
et 2014 : le congé parental partagé, construit autour du seul principe d’égalité hommes-femmes en
occultant totalement l’équilibre financier des familles, la nature des métiers exercés par les parents
(prof. libérales/salariés/fonctionnaires…) et le libre choix des familles ne pouvait réussir.
Le manque de moyens donnés aux collectivités locales pour mettre en œuvre des solutions d’accueil
alternatives (crèches, relais d’assistantes maternelles, …) a conduit à la solution catastrophique que
nous connaissons aujourd’hui et qui se traduit à la fois en une baisse de la natalité et une baisse du
taux d’emploi des femmes.
Le taux de travail des femmes et plus particulièrement des mères dépend en grande partie d’une offre
de modes de garde variés, en nombre suffisant et abordable. Si le gouvernement veut faire de l’égalité
entre les femmes et les hommes une grande cause nationale, la politique familiale devra concentrer
ses efforts sur ce point de façon pragmatique et non dogmatique.
Une volonté d’harmonisation des allocations qui est incohérente
Dans un tel contexte, l’alignement à la baisse du montant de la PAJE et des plafonds pour pouvoir en
bénéficier ne pourra qu’aggraver la situation des familles et tout particulièrement celle des familles
les plus modestes.
Vous avez indiqué très clairement dans les débats le choix du gouvernement de lutter contre la
pauvreté et de soutenir les familles les plus modestes. Comment expliquer alors que vous prévoyez de
diminuer de 15 € par mois / 187 € par an les aides pour les familles les plus précaires qui accueilleront
un enfant après le 1er
avril 2018 ?
Vous indiquez vouloir harmoniser la PAJE avec le complément familial mais très curieusement, vous
prévoyez d’allouer 169 € par mois de PAJE à des familles qui auront droit, une fois que leur enfant aura
3 ans à 236 € de complément familial. Et pour les classes moyennes, celles qui pourront bénéficier à
terme de 169 € de complément familial n’auront quand leur enfant sera en bas âge que 84,50 € de
PAJE. Où est la logique ?
Vous avez posé plusieurs fois la question suivante au cours des débats – et il est vrai qu’aucun député
ne vous a répondu : « Un enfant de moins de 3 ans coûte-t-il plus cher qu’un enfant de plus de 3 ans ? »
Permettez-nous d’y répondre : Oui, clairement oui. Jusqu’à 2 ans ½ environ, un enfant porte des
couches qui coûtent environ 40 € par mois à ses parents. Un petit de moins de deux ans consomme du
lait maternisé qui entraîne des dépenses de l’ordre de 70 € par mois, coût bien supérieur à celui du lait
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de croissance qu’il consommera dans les années suivantes. Au cours de ses trois premières années, un
enfant change 7 fois de taille de vêtements. Et un tout petit se salit d’avantage qu’un plus grand,
imposant d’avoir un minimum de vêtements de rechange. Lorsque les femmes travaillent, ce qui est
le cas de l’immense majorité des mères aujourd’hui, les petits pots sont une solution pratique et rapide
pour varier les repas d’un jeune enfant. Leur prix prohibitif vient rapidement grever le budget familial.
Un impact très élevé de la réforme sur les familles des classes moyennes
Notre association a regardé quel serait l’impact réel de la réforme sur les différentes catégories de
familles. Le graphique ci-après, basé sur les chiffres publiés par la commission des affaires sociales de
l’Assemblée Nationale du 17 octobre 2017 démontre clairement que l’ensemble des familles seront
perdantes. Nous sommes particulièrement préoccupées de voir que certaines familles gagnant 2 SMIC
auront un manque à gagner de 1200 € par an ce qui est loin d’être un simple coût de rabot.
Analyse MMM France basée sur les chiffres fournis par la commission des lois de l’Assemblée
Nationale du 17/10/2017. Manque à gagner annuel par famille selon les revenus mensuels
moyens. Le barème appliqué aux familles monoparentales sera le même que celui des
couples avec 2 salaires et ces familles seront donc également pénalisées.
Une nécessaire réflexion de fond sur la politique familiale
Le contexte actuel suppose d’engager une véritable réflexion de fond sur les moyens alloués à la
politique familiale et sur les orientations les plus pertinentes pour accompagner au mieux les familles
qui en ont le plus besoin. Nous nous réjouissons des travaux que vous annoncez vouloir mener avec
une large concertation sur ce sujet.
1 201 €
2 215 €
187 €
0
500
1 000
1 500
2 000
2 500
Revenu mensuel de la famille
Réforme de la PAJE : impact en termes de manque à gagner
annuel pour les différentes typologies de familles
1 salaire - 1 enfant 1 salaire - 2 enfants 1 salaire - 3 enfants
2 salaires - 1 enfant 2 salaires - 2 enfants 2 salaires - 3 enfants
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Notre association a conduit depuis plusieurs années une véritable réflexion de fond sur les moyens de
conduire une politique familiale efficace avec des moyens budgétaires réduits. En 2014, nous avions
été auditionnées à l’Assemblée Nationale par Madame Clergeau qui avait salué la pertinence de nos
propositions…mais sans que ceci n’aboutisse malheureusement au moindre projet de réforme. Au
Sénat, la commission des affaires sociales reçoit chaque année notre association et semble apprécier
nos propositions réalistes. Plusieurs collectivités locales ont commencé à mettre en œuvre une partie
des préconisations que nous portons avec des résultats très intéressants.
Notre association, qui est également présente au niveau européen, a fait adopter par la commission
européenne des propositions très pertinentes et peu coûteuses pour favoriser l’articulation des temps
et une meilleure implication des pères dans la vie familiale.
Au cours de la campagne présidentielle, nous avions eu des premiers contacts avec Edouard Tétreau
dans l’équipe d’Emmanuel Macron et il avait manifesté un vif intérêt pour certaines de nos
propositions.
Nous serions très heureuses d’avoir l’occasion vous présenter ce travail dans le cadre de la réflexion
que vous menez sur la politique familiale française.
Dans cette attente, nous souscrivons à ce qu’ont dit plusieurs groupes parlementaires et tout
particulièrement le MODEM et les Constructifs : la réforme de la PAJE, compte-tenu de son impact, ne
pourrait-elle pas être remise à l’année prochaine, une fois déterminées les modalités complètes des
aides matérielles et financières qu’il convient d’apporter aux différentes typologies de familles ?
En vous remerciant par avance de l’accueil que vous ferez à nos propositions, nous vous prions de
croire, Madame la Ministre, à l’expression de toute notre considération.
Ilhame Borie Marine Soret & Edwige Pelliet
Présidente MMM France Equipe Playdoyer / Team Advocacy MMM France