Dans le cadre des "Semaines de la finance" de la House of Finance de l'Université Paris-Dauphine, le Master 122 de Droit Approfondi de l'Entreprise et l'équipe Restructuring d'Aston Avocats ont eu le plaisir d'organiser le 17 mars dernier une table ronde sur le thème du financement des opérations de retournement. Veuillez trouver ci-joint la publication réalisée dans le numéro spécial "House of Finance Days : imaginons la finance de demain" de la Revue Banque.
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Au cours des House of Finance Days de
mars 2017 de l’Université Paris-Dauphine,
le parcours 122 dedroit approfondi
de l’entreprise et lecabinet d’avocats
Aston ontorganisé une table ronde
dudroit, de l’économie ou encore du milieu
retournement des entreprises
Fonds propres, valeur du fonds
de commerce, business plan
F
rançoisPasqualini,professeuràl’UniversitéParis-
DauphineetdirecteurduMaster122,aouvertcette
tablerondeenrappelantquelespraticiensinsistent
souvent sur le caractère positif du retournement
qui conduit, ou est censé conduire, au redressement de
l’entreprise en fédérant les compétences de la gestion,
du financement et de la restructuration. Pour ce faire,
sont mis à contribution et conjugués les talents de tous
les professionnels susceptibles d’intervenir au bénéfice
d’une entreprise en difficulté, afin de préserver autant
François
Pasqualini
Professeur
Université
Paris-Dauphine,
PSL
Pauline
Vigneron
Avocate
Aston Société
d’avocats
Numa
Rengot
Avocat associé
Head of
Restructuring
Aston Société
d’avocats
Franck
Guyonnet-
Dupérat
Avocat
Aston Société
d’avocats
que possible sa valeur économique, sociale et/ou tech-
nologique:avocats,administrateursjudiciaires,experts-
comptables,banquiersetmanagersdecrisesontlesacteurs
de la reconstruction de l’entreprise.
Néanmoins, François Pasqualini souligne que trois réa-
lités mettent trop fréquemment à mal les tentatives de
retournement: l’association des savoir-faire n’est pas
une évidence, car la réticence de l’un des acteurs suffit à
paralyser le travail des autres; encore faut-il qu’une pro-
cédure de prévention ou de traitement des difficultés
financières ait été ouverte suffisamment tôt, pour qu’il
soitpossibledefaireautrechosequedeconstaterlamort
de l’entreprise; le financement du retournement en lui-
mêmesoulèvebiendesquestionspourlesquellesiln’est
pas toujours évident d’apporter des réponses.
Numa Rengot, avocat associé au sein du cabinet Aston,
en charge du département Restructuring, a ensuite rap-
pelé le cadre dans lequel s’inscrivent les opérations de
retournement en insistant sur leur temporalité. Selon
lui, deux grandes familles de procédures, que sont les
procédures amiables et les procédures de sauvegarde et
deredressementjudiciaire,sontpropicesaumontagede
cesopérations,mêmesi,dupointdevuedesobjectifsdu
retournement,ellesnesontnullementinterchangeables.
Numa Rengot poursuit sur l’importance du positionne-
mentdupartenairejuridiquedanslesopérationsderetour-
nement.Eneffet,danslamesureoùcesopérationsontun
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caractèrejudiciaire,lepartenairejuridiqueestamenéàjouer
unrôleessentieldansleprocessusderetournement.Ilest
ainsi déterminant de l’associer suffisamment tôt afin de
définir en amont une véritable stratégie juridique, néces-
saire au succès du retournement.
L’IMPORTANCE DES FONDS PROPRES
Jean-Claude Palu, associé de la société JCP Conseils, met
quant à lui en évidence le lien étroit existant entre fonds
propresetentreprisesendifficulté.Pourasseoirsadémons-
tration, il note que les difficultés des entreprises peuvent
avoirdescausesdiverses,maisqu’ellesonttoutesunetra-
duction sur les fonds propres. De plus, il remarque que
l’insuffisance de fonds propres n’a pas uniquement une
incidence sur la profitabilité de la société: elle peut éga-
lement, à elle seule, conduire le débiteur à sa perte. Dans
ce contexte, il rappelle que les fonds propres matéria-
lisent l’effort consenti par les associés non seulement au
moment de la réalisation de leurs apports, à l’époque de
la constitution de la société ou lors d’une augmentation
de capital, mais aussi au moment de l’affection des résul-
tats, c’est-à-dire chaque année quand ils renoncent à une
distribution de dividendes.
Le rôle des fonds propres est renforcé au sein des entre-
prises issues de secteurs dans lesquels les délais de paie-
ments sont importants, et l’on sait la place prise par le
crédit fournisseur dans la vie des affaires.
Parailleurs,lesfondspropresserventégalementàfinancer
lacroissanceetledéveloppementetjouentunrôlemajeur
dans les mécanismes de cotation de la Banque de France
et auprès des assureurs crédit.
Jean-Claude Palu estime que les fonds propres sont fina-
lement la « couche de base » de tous les montages. Les
omettre serait ainsi un gage d’échec. Par conséquent, il
s’agitd’analyserlesstratégiesfinancièresetdeconstruire
les montages financiers à l’aune de l’allocation en fonds
propres et de leur mise en valeur.
L’URGENCE: LE CONTEXTE
DESREDRESSEMENTS JUDICIAIRES
Charles-HenriCarboni,administrateurjudiciaire,associé
de l’étude BCM, pense qu’il existe une corrélation entre
les nouveaux modes de financement in bonis et la situa-
tion d’urgence dans laquelle les difficultés économiques
des sociétés sont traitées. Il note que les procédures ont
changé de nature au cours des vingt dernières années et
quelesentreprisesendifficultéfontdeplusenplusappel
aux procédures amiables plutôt qu’à des procédures col-
lectives de traitement des difficultés financières.
Le développement de ces nouvelles procédures amiables,
quesontlaconciliationoulemandatadhoc,aeuunimpact
surlesprocédurescollectivesàproprementparler,quiont
changé de temporalité et qui sont désormais synonymes
d’urgence. En effet, l’état de cessation des paiements,
condition sine qua non à l’ouverture d’une procédure col-
lective, est caractérisé lorsqu’une société est incapable de
faire face à son passif exigible avec son actif disponible.
Or,avecledéveloppementdestechniquesdefinancement
comme l’affacturage ou le crédit-bail, les entreprises dis-
posent de moins en moins d’actifs disponibles et, plus
généralement, ne disposent que de très peu de trésorerie.
Le seul « shoot » de trésorerie offert à ces débiteurs en dif-
ficultés serait l’assurance de garantie des salaires (AGS),
cequin’estsouventpassuffisantpourredonnerl’oxygène
nécessaireàcessociétésetassurerleurretournement.Par
conséquent,illeuresttrèsdifficileenpratiquedepouvoir
garantir le financement de leur exploitation en période
d’observation.
L’AFFACTURAGE COMME MOYEN
DEFINANCEMENT DU BFR
André Le Tulzo, directeur commercial régional de Fac-
tofrance, décrit ensuite le contexte qui a permis le déve-
loppement considérable de la pratique de l’affacturage.
Il fait en effet le constat que le financement bancaire des
entreprises en difficulté est quasiment inexistant, parce
quetroprisqué.C’estpourquoil’affacturage,quiestfondé
sur un transfert de propriété et joue sur la technique juri-
dique de la subrogation, s’est développé et a, de la sorte,
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permisàdessociétésendifficultédesécuriserleurbesoin
en fonds de roulement grâce à une mobilisation de leurs
portefeuillesclients.L’interventiondel’affactureursuppose
naturellement un grand climat de confiance sur lequel il
convient d’insister.
LES FONDS DE RETOURNEMENT
À LA FRANÇAISE: LE FINANCEMENT
ENFONDS PROPRES
Jean-Louis Grevet, président de Perceva, présente l’ac-
tivité d’un fonds de retournement et son originalité. Il
expliquequ’unfondscommeceluiqu’ildirige,sefinance
lui-mêmeauprèsd’investisseursinstitutionnelsenFrance
et à l’étranger en levant des fonds régulièrement, tous les
cinq ou six ans par exemple. La question essentielle est,
de son point de vue, de déterminer le besoin en trésore-
rie des sociétés en difficulté afin d’apporter une réponse
adéquate aux nécessités du retournement. Le choix des
entreprisessoutenuesn’estpassimplementunedécision
d’investissement car, derrière les difficultés financières,
il y a toujours des hommes et des femmes qui souffrent.
Ladimensionhumainedechaqueopérationmérited’être
bienpriseenconsidérationpourcomprendrelaprobléma-
tique de chaque débiteur.
LA PRÉSERVATION DE LA VALEUR
DUFONDS DE COMMERCE
Pour Daniel Ramakichenane, associé de la société Win-
gate, le caractère confidentiel des procédures amiables
estfondamental.Grâceàladiscrétionquilescaractérise,
des négociations peuvent être engagées au plus vite et
conduites avec les partenaires de l’entreprise, que sont
les fournisseurs et les banques, autorisant la mise en
place de plans de restructuration intermédiaires, qui
permettenteux-mêmesdedégagerdesliquiditésnéces-
saires au retournement de l’entreprise. Ces liquidités
vont donner du temps et rendre possible la présenta-
tion d’un plan de retournement de qualité à des inves-
tisseurs potentiels.
Daniel Ramakichenane conclut son propos en insis-
tant sur le caractère fondamental de la préservation de
la valeur du fonds de commerce afin d’attirer ces inves-
tisseurs potentiels.
L’IMPORTANCE DE LA GESTION
OPÉRATIONNELLE DU COMPTE
DERÉSULTAT
Partant du constat qu’unbusiness plan sur deux n’est pas
tenu,MichelRességuier, Managerdetransition,propose
d’étudierlaquestiondufinancementdesentreprisesen
difficulté sous l’angle du compte de résultat.
L’un des éléments fondamentaux du refinancement des
sociétésendifficultéestlaconfiancedesfinanciersdans
la probabilité de retrouver leurs investissements. Or, il
faut bien reconnaître que les outils judiciaires qui per-
mettent d’obtenir des abandons de créances, d'effacer
une partie du passif et de nettoyer le bilan de manière
radicale « écrasent » les financiers prêteurs, et sont peu
adaptésàl’objectifd’améliorationducomptederésultat
dudébiteur.PourMichelRességuier,lestribunauxfran-
çais ne regardent pas suffisamment la problématique
des modèles économiques. En général, si une société
connaîtassezbiensamargebrute,ellenemesuretoute-
fois pas l’impact du chiffre d'affaires sur les autres élé-
ments de sa structure financière et, tout spécialement,
surleschargesfixes.Ainsi,afindedonnerconfianceaux
financiers,ilestprimordial,pourunesociétéendifficulté,
de s’attacher à démontrer qu’elle a su analyser et com-
prendre ses modèles économiques. Par cette confiance
prouvée, plus d’un business plan sur deux pourrait être
réalisé. Le fait pour l’entreprise d’analyser ses modèles
économiques va ouvrir la voie à l’établissement d’un ou
deplusieursplansderetournementparfaitementprécis
dont les incidences pourront être anticipées.
De la sorte, la société va pouvoir mobiliser d’autres
acteurs tels que les clients et les fournisseurs, qui n’ont
pas vocation à la financer, mais qui vont accepter de
jouer le jeu du retournement. De cette façon, même
si l’on sait que certains débiteurs ne seront jamais en
mesure de rembourser leurs dettes, au moins dans leur
totalité, une discussion fondée sur des faits démontrés
s’engagera facilement. Sa portée sera bien différente
dans l’intérêt de l’entreprise. n
n Formation d’excellence, le parcours 122 « Droit approfondi
del’entreprise»,àinalitérecherche,apourobjectifde
formerdesjuristesdehautniveaudansunematièreencore
nouvelle mais en plein épanouissement à l’échelon français,
européenetinternational.Carrefourentrelesdisciplineslesplus
classiques (droit des obligations, droit des sociétés) et les plus
modernes(droitdesmarchésinanciers,droitducrédit),ledroit
del’entrepriseinviteàabolirlesfrontièrestraditionnellesentre
le droit privé et le droit public, d’une part, et entre le droit interne
etledroitcommunautaireouinternational,d’autrepart.Depuis
trenteans,leparcoursasuévolueretnouerdespartenariats,ain
decorrespondreauxnouvellesexigencesdumarchédutravail.
Le parcours 122 propose un enseignement des plus dynamiques
et des plus complets et donne aux étudiants les outils nécessaires
pourunemeilleurerélexionetpratiquedudroit.
MASTER DROIT – DROIT APPROFONDI
DE L’ENTREPRISE