1. ETABLISSEMENT PUBLIC DE SANTE MENTALE DE LA SARTHE
COMMISSION MEDICALE D’ETABLISSEMENT
MERCREDI 25 AVRIL 2018
COMMUNIQUE DE PRESSE
UN HOPITAL PRIVE DE MEDICAMENTS ?
Le service du ministère des finances en charge de l’exécution des dépenses des établissements publics
bloque depuis quelques jours le règlement des factures des marchés passés en 2018 par l’Etablissement
public de santé mentale (EPSM) de la Sarthe. Alors que les personnes prises en soin par les professionnels
de l’EPSM sont sur le point d’être privées par l’Etat des traitements médicamenteux qui leur sont
indispensables, la communauté médicale tient à alerter les Sarthois sur l’imminence et la gravité de cette
menace absolument injustifiable.
Voici comment les patients et les professionnels de l’EPSM se retrouvent pris en otages :
Pour protéger l’autonomie de leur établissement, garante d’une offre de soins psychiatriques de qualité et de
proximité déployée hors les murs de l’hôpital, les instances consultatives et délibérante de l’EPSM s’étaient
unanimement opposées en juin 2016 à l’intégration de l’établissement dans le groupement hospitalier de
territoire (GHT) de la Sarthe en voie de constitution dans le cadre de la loi du 26 janvier 2016. Sur leur
demande expresse, le directeur de l’EPSM n’avait donc pas signé la convention constitutive du GHT. Mais,
faisant fi de cette absence de signature, en septembre 2016 la directrice générale de l’Agence régionale de
santé (ARS) s’est cependant octroyé le droit de publier la convention constitutive du GHT en y inscrivant
d’autorité l’EPSM dans la liste des parties signataires et en exigeant du directeur qu’il se conforme à cette
décision grossièrement illégale ! Dès lors, le conseil de surveillance a décidé d’engager des recours
contentieux contre l’ARS. Ceux-ci ont été déposés à l’automne 2016, mais ils ne sont pas suspensifs. Dix-
huit mois plus tard ils ne sont pas encore jugés. Parallèlement la centralisation des « fonctions support » des
établissements membres du GHT au centre hospitalier du Mans a commencé à s’opérer progressivement,
l’EPSM s’abstenant logiquement d’y contribuer. L’étape en cours depuis le 1er
janvier 2018 consiste à
centraliser l’ensemble de la « fonction achats » des hôpitaux de la Sarthe au centre hospitalier du Mans.
C’est dans ce contexte que la Trésorerie du Mans bloque depuis quelques jours le règlement des factures
de médicaments achetés en 2018 par l’EPSM, son directeur étant considéré comme n’ayant plus le droit
d’acheter.
Ce blocage était attendu, et il était prévu de passer outre en agissant en référé devant le tribunal, mais Bercy
a fait usage d’une subtilité juridique qui paralyse l’action de l’avocat de l’établissement : le paiement des
factures est seulement suspendu et non pas rejeté. Or une suspension n’étant pas une mesure définitive,
selon une jurisprudence de 1993 reprise par les services du ministère des finances, elle ne ferait donc pas
« grief » et ne serait par conséquent pas susceptible de recours…
Réunie lundi 16 avril, la commission médicale d’établissement a immédiatement adressé au Directeur
général de l’Agence régionale de santé le courrier suivant :
« Monsieur le Directeur général de l’Agence régionale de santé,
La Commission médicale d’établissement de l’Etablissement public de santé mentale (EPSM) de la Sarthe
réunie ce jour vient de prendre connaissance de la suspension par la responsable de la Trésorerie
hospitalière du Mans du paiement de toutes les factures de médicaments afférant à des marchés depuis le
1er janvier 2018, ceci au motif que notre directeur n’aurait plus compétence pour signer ces marchés.
De notre point de vue, cela est évidemment très grave et inconcevable. Il n’y a pas d’hôpital sans
médicament. Aujourd’hui les thérapeutiques médicamenteuses sont essentielles au traitement des
2. pathologies mentales dont sont atteints nos malades. La rupture d’approvisionnement prévisible portera
aussi sur des médicaments destinés à traiter les pathologies somatiques, parfois graves, dont souffrent
souvent les patients que nous accueillons. A court terme une telle rupture met en danger la vie des patients,
la sécurité des soignants et de la population. La responsabilité de l’Etat est dès lors engagée en cas
d’aggravation de l’état de santé de nos patients, ou de leur rechute, voire des mises en danger propres aux
maladies mentales.
La communauté médicale vous alerte solennellement sur ce dysfonctionnement grave et inédit et vous
demande quelles procédures vous envisagez pour assurer la sécurité des patients et le maintien de la qualité
de leur prise en charge, pour reprendre vos propos rapportés par le quotidien Le Maine libre dans son édition
du vendredi 13 avril 2018.
Ce courrier a fait l’objet d’une motion votée à l’unanimité par les membres de la Commission médicale
d’établissement.
Dans l’attente de votre réponse, en urgence, nous vous prions de croire, Monsieur le Directeur général, à
l’expression de notre considération distinguée. »
Parallèlement l’avocat de l’établissement adressait le même jour au Trésorier et au Directeur de l’ARS deux
courriers mettant expressément en cause leur responsabilité.
La communauté médicale déplore la violence du « passage à l’acte » de l’Etat.
Depuis plusieurs années, les équipes pluriprofessionnelles de l’établissement déploient (avec des moyens
nettement plus réduits qu’ailleurs en France) une politique de prévention et de soins en santé mentale
résolument décentrée de l’hospitalisation, que résume la formule : « intervenir au plus tôt, soigner au plus
près, ensemble ». Il est dans l’intérêt de nos concitoyens que l’EPSM reste en mesure de poursuivre sa
stratégie innovante au service de son territoire, ce qui implique qu’il conserve en réalité son autonomie
opérationnelle.
La communauté médicale regrette que la politique de santé mentale tournée vers l’avenir, qu’elle porte avec
conviction au bénéfice de la population sarthoise, ne fasse pas l’objet du soutien des pouvoirs publics. Elle
réitère sa conviction que des coopérations volontaires, à la carte, diverses (pas exclusivement centrées sur
l’hôpital), fondées sur l’autonomie et la responsabilité des acteurs à tous les niveaux, sont fondamentalement
bénéfiques à la population. C’est pourquoi les médecins redisent leur demande que l’EPSM soit non pas
intégré mais associé au groupement.
Allonnes, mercredi 25 avril 2018,
Pour la commission médicale d’établissement,
Dr Joël Canet, psychiatre des hôpitaux, chef de pôle, président de la CME