1. Syz & Co répond point par point
La banque genevoise est mise en cause par un ex-employé pour ses pratiques en France. Elle dénonce un règlement de comptes sans fondement.
SÉBASTIEN RUCHE
C’est une histoire à deux volets
qui concerne depuis l’automne
Syz & Co. Avec d’un côté, les ac-
tivités de la banque genevoise en
Franceetdel’autre,unlitigeavec
unex-employé.Deuxaspectsque
cederniertenteapparemmentde
lier pour obtenir des dédomma-
gementssuiteàsonlicenciement
en juillet dernier.
L’affaire,révéléeparlaTribunede
Genèveenfindesemainedernière,
est arrivée sur le bureau du pro-
cureur de la République de Paris
le 18 octobre. Le dossier monté
par l’ex-employé de Syz contient
des accusations de dissimulation
d’activité, de prestation de servi-
ces d’investissement sans agré-
mentetdefraudefiscale.Uneen-
quête à été ouverte à l’automne;
la banque n’a pour l’instant pas
été entendue.
Rappel des faits. Jérôme G* intè-
gre en septembre 2004 le dépar-
tement fonds de placement de
Syz.Auseindes«institutionalsa-
les»,ilestchargéd’effectuerlapro-
motion des fonds Oyster auprès
delaclientèleinstitutionnellepa-
risienne.Ilad’ailleursétérecruté
àParis.Commetouslesvendeurs
institutionnels, il est basé à Ge-
nève,«afind’assureruneparfaite
connaissancedesproduitsetfaci-
liter la communication et le tra-
vail en équipe», a expliqué hier
Syz & Co à L’Agefi.
Domicilié à Bellegarde et béné-
ficiantd’unpermisfrontalier,Jé-
rômeGsedéplacerégulièrement
à Paris pour des présentations et
conférencesd’information.Aufil
du temps, le collaborateur «n’ac-
ceptait pas de venir à Genève,
malgrénosinstructions»etrestait
à Paris, poursuit la banque.
Jérôme G fait état d’une occupa-
tion inférieure à 50 jours par an
en Suisse entre 2005 et 2008. La
preuve selon lui que son emploi
était dissimulé. La preuve, dit la
banque,qu’ilnerespectaitpasles
conditions de son mandat.
Le refus de Syz & Co d’accéder à
sademanded’ouvrirunbureauà
Paris constitue l’une des raisons
delarupturedesoncontratdetra-
vail–labanquenefournissantpas
d’explication sur d’éventuels au-
tres motifs. Jérôme G a été licen-
ciéle17juilletdernier.Saplainte
déposéedevantlestribunauxfran-
çais est toujours pendante. Son
avocatparisienn’apassouhaitéré-
pondre à nos questions hier.
L’ex-employé accuse la banque
d’avoirdissimulésonactivitéaux
autoritésfrançaisesetd’avoirdis-
tribué des parts de fonds de pla-
cement sans agrément auprès de
l’autorité de surveillance du sec-
teurfinanciertricolore,l’AMF.Et
ce pour des encours de 3,6 mil-
liards d’euros.
Concernant ce chiffre, la banque
relève qu’il correspond au total
des actifs de la famille de fonds
Oyster, globalement. Bien supé-
rieur donc au volume d’activité
en France.
Suiteàlaprocédurelancéeparson
ex-employé,Syzaconsultél’AMF
sur le caractère licite de son acti-
vitéau-delàduJura.Uneréunion
est organisée début décembre
2009àParis.Selonlabanque,c’est
«l’occasion de confirmer le bien-
fondé de son activité dans le dé-
tail».
ContactéehierparL’Agefi,l’AMF
indique ne pas avoir confirmé à
l’établissementgenevois«queson
activitéenFranceneposaitaucun
problème car cela demanderait
d’analyser de près chaque pres-
tation fournie». Au contraire, le
régulateur a «attiré son attention
surl’existenced’unrisquepoten-
tiel de requalification de son ac-
tivité, spécialement en conseil».
Une vision contrastée que Syz &
Coexpliqueparlanécessairepru-
dencedugendarmedesmarchés,
mal placé pour se prononcer de
manière catégorique sur un cas
précis sans avoir effectué d’en-
quête préalable.
Concernantlesproduitseux-mê-
mes, leur commercialisation ne
pose pas de problème: il s’agit
d’OPCVM–organismedeplace-
mentcollectif envaleursmobiliè-
res, selon la dénomination fran-
çaise – qui bénéficient d’un
agrémentauLuxembourgetd’au-
torisation de vente en France.
Dans cette affaire, toute la ques-
tionrevientàsavoirsiSyzaeffec-
tivement fourni un service d’in-
vestissement à une clientèle rési-
denteenFrance.C’est-à-direlaré-
ception et la transmission d’or-
dres, et/ou le conseil en
investissement, selon les défini-
tions des directives Mifid de no-
vembre 2007.
Silacommercialisations’accom-
pagne d’un service d’investisse-
ment, son prestataire doit béné-
ficier d’un agrément de la part
des autorités françaises (AMF
pour les sociétés de gestion ou
CECEI – Comité des établisse-
mentsdecréditetdesentreprises
d’investissement–pourlescour-
tiers).
CôtéSyz,laréponseestferme:«les
fondssontuniquementprésentés
àdesinvestisseursinstitutionnels
qualifiésetlabanqueneselivreà
aucunedistribution,conseilniré-
ceptionoutransmissiond’ordre».
Les clients éventuellement inté-
ressés par l’acquisition de parts
dans ces fonds doivent passer
leurs ordres directement au
Luxembourg. Pas besoin d’agré-
ment, conclut la banque, dans
l’état actuel de ses activités en
France.
Disposantdefondsenregistréset
promusdanshuitpayseuropéens,
Syz & Co ne possède pas de pré-
sence physique en France, au
contrairedel’Italie,oùelledétient
unebanque,etdel’Autricheetde
l’Espagne, où elle possède des so-
ciétés de gestion.
Dèssacréationen1996,Syz&Co
a axé sa stratégie sur la vente de
l’écrasante majorité des actifs de
ses fonds à des tiers, en particu-
liers des institutionnels. Prendre
le risque de travailler dans une
zonegriseàl’étrangerreviendrait
doncàcompromettresonmodèle
d’affaires.
* Nom fictif
SUISSE
AGENDA
LES POINTS FORTS
DE CES PROCHAINS JOURS
MARDI 12 JANVIER
Geberit publie son chiffre d’affaires 2009
Bossard publie ses ventes en 2009
CP annuelle de Mepha Holding
Swiss publie sa statistique passagers pour
décembre et l’ensemble de l’année 2009
BNS:emprunt de la Confédération,an-
nonce
MERCREDI 13 JANVIER
Barry Callebaut publie son chiffre d’affai-
res au 1er trimestre 09/10
mardi 12 janvier 2010 3SUISSE PAGE
SYZ & CO AFFIRME
NE SE LIVRER À AUCUNE
DISTRIBUTION,
CONSEIL, RÉCEPTION
OU TRANSMISSION
D’ORDRES EN FRANCE.
La confiance revient
à travers une norme
De nombreuses sociétés
financières tentent
d’obtenir la norme
SAS70 qui augmente
la transparence.
MATHILDE FARINE
Retrouverlaconfiancedesinvestis-
seurs.Ceproblèmetaraudelessocié-
tésfinancièresdepuislacrise.Pour
certains, la solution passe par une
meilleurecertificationdeleursacti-
vités.«Nousavonsvouluchoisirune
normequivaau-delàdescertifica-
tionsISO»,expliquePaulineHoul,
CFO d’Intertrust Suisse, l’une des
premièressociétésfinancièresàob-
tenirl’attestationSAS70enSuisse.
Deplusenplusprisée,elleconcerne
lesentreprisesquis’appuientsurdes
fournisseursspécialiséspourexter-
nalisercertainsservices.Celapermet
d’évalueretdemieuxcontrôlerles
risquesdel’outsourcing.
«Les sociétésactivesdanslestrusts,
danslesfamilyofficesou desban-
quesprivéesfontdeplusenplusap-
pelànouspourobtenirunecertifi-
cation SAS70», confirme Andreas
Eschbach, responsable du SAS 70
dans les services financiers chez
PwC.Ellepermetdevaliderlesys-
tèmedecontrôleinterneetimplique
parexemplequedesrapportssurla
qualité des procédures de contrôle
interned’unprestataireàl’intention
de l’entreprise cliente soient trans-
mis.Unemanièredemieuxantici-
perlesfraudesetd’offrirplusdetrans-
parenceauxclients.
Cette certification n’est pas nou-
velle. Elle est déjà largement utili-
séeauxEtats-UnisetilexisteenEu-
rope et en Suisse des normes plus
oumoinséquivalentes(ISAE3402
et PS402). Mais la nouveauté ré-
sidedanslademandeaccrueenEu-
ropecesdernièresannéespourré-
pondre à l’augmentation de
l’outsourcingdesservicesetàune
réglementation plus importante
surlecontrôleinterne.«Lanorme
SAS70peutenoutreconstituerun
instrumentdemarketingpourles
sociétésactivesàl’échellenationale
et internationale», poursuit An-
dreasEschbach.
Intertrustfaitpartiedecessociétés
à recourir à ce moyen pour rassu-
rer sa clientèle. La CFO pour la
Suissedel’anciennefilialedeFor-
tis,spécialiséedanslestrusts(lireci-
dessous), se réjouit du timing de
cette obtention, qui coïncide avec
l’affaireFalcianietlebesoinmisen
lumière d’un très bon contrôle, y
comprisdansl’informatique.«Dans
notresecteur,quifonctionnesurla
confidentialité, il faut pouvoir
montrerquetoutlesystèmeestfia-
ble»,souligne-t-elle.
Intertrust en passe d’être vendu
Intertrust fait partie de la stratégie forcée de Fortis
desedéfairedecertainsdesesactifs.FortisNether-
land est en train de finaliser la vente du spécialiste
destrustsàunfondsdeprivateequitypourunmon-
tant non dévoilé.
Présente dans 32 pays, la société a son siège à Ge-
nèveetsonentitésuissesertenparticulierdesclients
internationaux. Surtout, elle met l’accent sur l’at-
tractivité de la fiscalité suisse. «Nous allons conti-
nueràproposerdavantagedestructuressuissespour
des étrangers», explique Pauline Houl.
Ainsi, ladirectricefinancièred’IntertrustSuissene
doute pas que les menaces des banquiers et hedge
fundsanglaisdequitterLondrespourGenèvesuite
à l’augmentation des impôts sur les bonus vont se
transformerenunvéritableexode.L’experte-comp-
table diplômée voit également des opportunités
parmi les investisseurs asiatiques. La société peut
aussi proposer l’installation de sièges européens en
Suisse d’entreprises chinoises pour attirer des nou-
veaux clients.
Interrogée sur le fait que les attaques contre le se-
cretbancairepourraientencouragerlesinvestisseurs
à se tourner vers les trusts, elle nuance. «La notion
de trust est vaste. Elle n’a rien à voir avec le pré-
jugé négatif qui consiste à n’y voir qu’un moyen
de faire de l’évasion fiscale et doit être comprise
commeunestructureoptimalepourlesclients»,sou-
tient Pauline Houl.
Et, contrairement aux idées reçues, la place suisse
est déjà très développée en matière de conseil dans
cedomaine.«Nousavonsdenombreuxconcurrents,
même si l’industrie est plus importante dans d’au-
tres centres offshore». (MF)
PAULINE HOUL. Intertrust a obtenu
la certification SAS70 en décembre
dernier.
«NOTRE SECTEUR
FONCTIONNE SUR
LA CONFIDENTIALITÉ.
IL FAUT POUVOIR
MONTRER QUE TOUT
LE SYSTÈME EST FIABLE.»
UBS. Oswald Grübel
répète qu’il est impératif
que les sorties de fonds
des clients cessent.
Aprèssixtrimestresnégatifs,ilest
impératif quelessortiesdefonds
s’arrêtent, a exigé Oswald Grü-
bel.Dansunenoteinternepubliée
hier et obtenue par Bloomberg
News, le CEO d’UBS souligne
qu’ilnefautdonnerauxclients«au-
cune raison de quitter la banque».
Alorsquelesredemptionstotales
atteignaient 182 milliards de
francs au troisième trimestre
2009, le responsable de la pre-
mièrebanquesuissearappeléque
«notre réputation, de même que
laconfiancedanslanouvelleUBS,
est notre plus important actif».
La banque a également mis en
place un nouveau code de
conduite et d’éthique, selon le
mémo.Afinque«cequis’estpassé
cesdernièresannéesnepuissepas
se reproduire».
L’institutiondevraaussiaugmen-
ter la rentabilité de son unité de
banque d’investissement de ma-
nière «considérable», poursuit le
présidentexécutif.Labanquetra-
vaille intensivement à la restruc-
turation de sa division fixed in-
come.
Nedonneraucuneraison
aux clients de partir
La BNS suit
de très près la
hausse du franc
Philipp Hildebrand
ne veut pas qu’UBS
rachète ses 21 milliards
d’actifs toxiques.
LaBanquenationalesuisse(BNS)
continuedeveilleràcequelefranc
ne se renforce pas de manière ex-
cessive,selonleprésidentdel’ins-
titut d’émission, Philipp Hilde-
brand. Par ailleurs, ce dernier a
estimé que l’UBS a désormais re-
trouvé sa solidité.
Citélundiparleporte-paroledela
BNSdanssapremièreprisedepo-
sition officielle, le successeur de
Jean-Pierre Roth à la présidence
delabanquecentralearappeléque
cettedernièren’adéterminéaucun
coursciblepourlefranc.Ellen’en
suit pas moins avec une attention
soutenue le marché des devises.
Enmatinéesurlemarchédeschan-
ges, l’euro a atteint un plus bas de
dix mois par rapport au franc à
1,4725 franc. Après les propos de
M. Hildebrand la devise euro-
péennesereprenaitquelquepeuà
1,474franc.Lescambistesestiment
queleseuilàpartirduquellaBNS
intervientpourcontreruneappré-
ciationdufrancsesitueà1,50franc
pour un euro, un niveau franchi
pourladernièrefoisle18décem-
bre.
Interrogé à propos de l’UBS dans
l’émission Eco de la télévision
suisse alémanique hier soir, Phi-
lipp Hildebrand a indiqué que le
numérounbancairehelvétiquede-
vait encore réaliser d’autres pro-
grèsetmontrerqu’ilestenmesure
degénérerdesprofits.Leprésident
delaBNSasouhaitéquececapsoit
franchi le plus tôt possible.
M. Hildebrand a en outre refusé
d’entrerenmatièrecetteannéeau
sujetduprojetdupatrondel’UBS,
Oswald Grübel, lequel voudrait
racheter à la BNS les 21 milliards
defrancsd’actifstoxiquesquel’ins-
titut d’émission à repris à la ban-
quedanslecadredesonsauvetage
parlaConfédération.«Laquestion
n’est pas encore d’actualité», a-t-il
commenté.
«Retransférercerisqueàl’UBSne
ferait pas sens, alors que de nom-
breuses questions demeurent en
suspensquantàl’évolutionfuture
des marchés», a poursuivi le pré-
sident de la BNS. Celui-ci a aussi
appelé de ses vœux une solution
rapideauxproblèmesdesentrepri-
ses dites trop grandes pour faillir,
«too big to fail». – (ats)