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les panoramas de la plaine // 05
mai 2013
site d'excellence et de convergence
des métiers de l'image
réalisé à l'occasion
des 1ères
rencontres
de l'édition numérique
- mai 2013 -
Panorama
opportunités
numé
rique
édition
-
A l’heure du numérique, les industries créatives sont confron-
tées à la transition du marché physique au marché digital.
L’édition numérique représente un marché encore naissant par
rapport à d’autres marchés pour lesquels la dématérialisation
du contenu a commencé à s’opérer plus tôt (vidéo, musique).
La nécessité de posséder une tablette ou une liseuse, le choix
encore restreint de titres disponibles au format numérique ou
encore les habitudes de consommation -la préférence pour le
format "papier"- sont autant de raisons au décollage plus tardif
du marché du livre numérique en France.
Néanmoins, la révolution du livre est désormais en marche
et laisse place à toutes les créativités. Le livre est en train
d’être repensé.
Cette publication vise à offrir un état de l’art du secteur en devenir
de l’édition numérique.
rédaction Blandine Lebourg - contact : blebourg@plaine-images.fr
l’édition
numérique
sommaire
I. Technologie
- P02 / 05 -
II. Usages et applications
- P10 / 15 -
III. Des défis
- P20 / 25 - - P30 / 31 -
IV. Des opportunités
- P36 / 39 -
Et demain ?
- P44 -
LES ENTRETIENS
Léon Azatkhanian : directeur du CR2L
- P06 / 09 -
Nicolas Devos : Péoléo,
Florence Rio : laboratoire Geriico Lille3
- P16 / 19 -
François Pichenot : médiathèque de Roubaix
- P26 / 29 -
Dominique Tourte, Candice Gras et Céline Telliez :
les éditions Invenit
- P32 / 35 -
Marie Seygnerole : Encre Nomade
- P40 / 43 -
Selon le rapport "E-Book" de
l’Idate (décembre 2010), lemarché
mondial du livre numérique devrait
croître de 30% par an entre 2010
et 2015 pour atteindre 5,4 milliards
d’euros en 2015, soit 12% du marché
global du livre.
Selon GfK (Bilan Consumer Choices du marché
du livre en 2012), le CA du livre numérique
en France a progressé de 80% en 2012.
2 millions de fichiers ont été téléchargés
pour un montant qui dépasse les 20 mil-
lions d’euros.
Mais le livre numérique ne représente
que 0,6% du marché du livre. En 2015, le
livre numérique devrait représenter 3%
de ce marché. Selon le cabinet Xerfi, à
cette date, le marché du livre numérique
représentera 15% du marché du livre
grâce à une croissance de 115% par an
des ventes de livres numériques.
En Février 2013, 15% des Français ont
déjà lu un livre numérique, contre 5% en
février 2012, selon le "3ème
baromètre Sofia/Sne/
Sgdl sur les usages du livre numérique" réalisé par
OpinionWay.
Selon Ipsos ("Les Français et la lecture au format
papier, numérique et audio"), seulement
9% des Français auraient déjà lu un
livre numérique à la même date.
En 2012, 3,6 millions de tablettes
(contre 1,5 million en 2011) et 300 000 
liseuses, on été vendues en France.
Selon GfK (Bilan Consumer Choices du mar-
ché du livre en 2012).
Le livre numérique ou e-book ne désigne
pas une réalité unique.
Il peut s’agir d’un livre dit "homothétique",
c’est à dire une réplique du livre papier.
Ce type de livre numérique compose la
majorité de l’offre éditoriale actuelle et
se retrouve dans les librairies en ligne. Il
utilise principalement le format ePub, PDF
ou Mobi.
Ce dernier diffère du livre "enrichi" ou
du livre "augmenté" ou encore du "livre
application" qui intègre des éléments
multimédias. Ces ouvrages sont parfois
des œuvres tirées d’un livre imprimé mais
agrémentés de vidéos, de son, de jeux,
d’animations… Ils visent l’interactivité en
faisant participer le lecteur au contenu.
Ces ouvrages peuvent également être
inédits, sans équivalent papier.
Le livre numérique est un objet hybride
qui, demain, aura peut-être une autre
dénomination.
quelques
définitions
quelques
chiffres
Pdf
ePub
AZW
Mobi
Kepub
app
formats ouverts
formats propriétaires
...
conçu par Kobo, et compatible uniquement avec
ses propres liseuses. Ce format, baptisé Kepub,
ajoute ou modifie des fichiers dans l’ePub afin de
fournir des fonctions supplémentaires.
Le livre applicatif nécessite également de se
conformer aux différents systèmes d’exploitation
des appareils mobiles comme iOS et Android.
Face à ces différents formats, rendant parfois le
livre inopérable sur certains supports, certains
éditeurs peuvent faire le choix d’utiliser HTML5
pour développer un livre numérique sous forme
de web app.
Les formats d’édition numérique
Le livre numérique peut être publié sous dif-
férents formats : ePub, Mobi, PRC, AZW, CBR,
CBZ et autres PDF. Certains sont ouverts mais
d’autres sont propriétaires et souvent ainsi liés
à un appareil de lecture.
Le PDF (Portable Document Format) est un for-
mat développé par Adobe dont la spécificité est
de préserver la mise en forme d’un fichier (po-
lices d'écriture, images, objets graphiques…)
telle qu'elle a été définie par son auteur. Initia-
lement utilisé lors du développement des livres
numériques, ce format possède l’inconvénient
de ne permettre qu’une simple duplication d’un
livre papier, à savoir de publier des livres homo-
thétiques. En outre, il ne s’adapte pas à la taille
des écrans des différents supports de lecture et
convient ainsi principalement à la lecture sur
ordinateur même s’il peut être lu sur les dernières
tablettes et liseuses.
2
3
Depuis quelques années, l’ePub s’impose sur
le marché du livre numérique. L’ePub (publica-
tion électronique) est un format ouvert standar-
disé, développé par l’IPDF (International Digital
Publishing Forum). La dernière version intègre
l’HTML5 et ouvre la voie à de nombreuses exten-
sions, notamment le développement de l'interac-
tivité par l'ajout de contenus enrichis type mul-
timédias. Ce format facilite en outre la mise en
page en ajustant le texte au type d’appareil uti-
lisé pour la lecture. Excepté le Kindle d'Amazon,
toutes les liseuses sont compatibles avec le for-
mat ePub. Diverses applications de lecture sup-
portant l'ePub sont également disponibles pour
les ordinateurs, les tablettes et les smartphones.
Face à ces formats ouverts, plusieurs formats
propriétaires coexistent. Le format AZW est, par
exemple, le format exclusif d’Amazon (Kindle). Le
format Mobi, développé par la société Mobipocket
rachetée par Amazon, est également devenu un
format Kindle, Amazon ayant développé tout un
environnement numérique clos autour de son lec-
teur de livres numériques. La Fnac a également
développé un format propriétaire dérivé de l’ePub,
1
technologie
Récemment l’éditeur américain Marvel a également
lancé une offre par abonnement qui permet d’accéder à
tous ses titres de comics en version numérique.
Marvel unlimited est disponible via application sur
l'AppStore et AndroïdStore.
Les supports de lecture numérique
La consultation des livres numériques peut
s’effectuer sur une variété de supports qui
présentent des fonctionnalités très différentes
(écrans d’ordinateur, liseuses de livres électro-
niques, smartphones et tablettes multimédias).
Les supports les plus adaptés sont :
La presse a majoritairement initié cette tendance
dans le monde de l’édition. L’avantage est de per-
mettre la lecture sur n’importe quel support sans
passer par un magasin d’applications tout en of-
frant une interactivité optimale. Les web apps per-
mettent également aux éditeurs et développeurs
d'optimiser leurs coûts de production. A l'inverse
du développement d'une application native dé-
diée à un type d'environnement d'exploitation et
à un type de terminal en particulier, la web app
peut en effet s'adapter d'emblée à bien plus de
terminaux. Ce qui réduit les coûts de développe-
ment initiaux par rapport aux développements de
plusieurs applications natives (iOS, Android...),
mais aussi ceux liés aux mises à jour. Certains
inconvénients demeurent néanmoins comme le
besoin de connexion Internet ou les problèmes
éventuels d’affichage selon le terminal.
Les canaux de diffusion du livre
numérique
Le développement de l’offre de livres numé-
riques voit se multiplier les plateformes de
distribution et de diffusion. Dans le cadre de la
distribution du livre au format numérique, une
plateforme peut être à la fois un système maté-
riel et logiciel de stockage, de diffusion, de dis-
tribution, de vente et d'achat du livre.
Plusieurs modèles de plateformes ont émergé et
différents acteurs se sont positionnés, des géants
de la technologie et du Web aux librairies en ligne
attachées à un marché domestique propre.
La majorité des plateformes offre un accès au
téléchargement depuis une boutique unique
en ligne. Ce modèle est notamment utilisé par
Amazon avec son Kindle Store ou par la Fnac
et propose un couplage entre un distributeur de
contenus et un terminal de lecture fermé avec un
écosystème.
Google, via Play, plateforme unique de conte-
nus et d’applications en ligne de l’écosystème
Android, favorise un modèle qui repose essen-
tiellement sur le cloud axé sur la connectivité et
la mobilité : Google Play Livres. Apple avec son
iBookStore propose un modèle similaire.
Mais les deux acteurs offrent également des ma-
gasins d’applications qui jouent aussi un rôle de
distribution et de diffusion en proposant souvent
des contenus plus hybrides. Il s’agit du modèle
qui offre des applications basées sur des sys-
tèmes d’exploitation propriétaires.
Ces plateformes fonctionnent sur un modèle de
distribution centralisée, où l'offreur de service
maîtrise toute la chaîne du processus.
Des modèles hybrides, proposant abonnement
et vente à l’unité, sont également mis en place
comme chez Publie.net.
Certains préfèrent néanmoins recourir à des pla-
teformes intermédiaires qui offrent un système de
distribution en fonctionnant comme un réseau de
libraires. C’est le cas d’ePagine ou de Numilog.
Les éditeurs peuvent également choisir de mettre
en place leur propre plateforme de vente de livres
numériques.
Un autre modèle émerge de plus en plus : celui de
la plateforme de streaming basée sur l’abonne-
ment. Sur un principe similaire à celui adopté par
de nombreuses plateformes musicales, l’utilisa-
teur paie un abonnement lui permettant d’accéder
aux contenus du site sous un système de licence.
Les livres sont alors lus en streaming et non té-
léchargés. Ce modèle a d’abord été adopté par
des revues scientifiques, mais il a également été
choisi par certains éditeurs, notamment de livres
scientifiques, techniques ou de niches comme
Safari d'Oreilly ou Publie.net.
4
5
Les liseuses
servent, principalement voire uniquement, à lire. Elles disposent
de fonctionnalités simples, avec par exemple une bibliothèque, un
dictionnaire intégré, ou encore des réglages du visuel comme le
contraste ou le zoom.
Leur taille n'est que de 6 pouces, ce qui leur donne un poids léger
compris entre 170 et un peu plus de 200 grammes. L'écran est sys-
tématiquement en noir et blanc (la technologie d’encre électronique en
couleur n'est pas encore au point, mais devrait émerger en 2013),
certaines sont tactiles, mais d'autres, comme le leader du marché le
Kindle, ne le sont pas. La plupart ont désormais une connexion Wi-Fi et
une mémoire d'en moyenne 2Go.
Leur autonomie est beaucoup plus importante que celle des tablettes,
puisque la plupart peuvent tenir de 3 semaines à 1 mois sans être
rechargées.
Leur prix est également plus bas. Parmi les liseuses les plus populaires
en France : le Kindle d’Amazon, le Kobo de la Fnac ou encore le Cybook
de Bookeen.
Les tablettes
sont centrées sur une utilisation multimédia,
en particulier la consultation d'Internet : réseaux
sociaux, recherche, mails, agenda, lecture de
journaux en ligne, visionnage de vidéo...
Dans la majorité des cas, l'écran est en cou-
leur, tactile, mesure entre 7 et 10 pouces.
L'objet pèse de 550 à plus de 750 grammes et
possède une autonomie allant de 5 à 9 heures
environ, variant selon les fonctionnalités dont
on se sert et la fréquence d'utilisation.
Toutes possèdent une connexion internet en Wi-
Fi simple ou en Wi-Fi et 3G.
marvel
Pouvez-vous vous présenter et expliquer ce qu’est le
CR2L ? Quelles sont ses activités ?
Je dirige le Centre Régional des Lettres et du Livre depuis sa création
en 2008, à l’initiative du ministère de la Culture et du Conseil Régional.
Création tardive et attendue depuis longtemps puisque le Nord – Pas de
Calais était quasiment la dernière région française à ne pas être dotée d’une
structure régionale pour le livre. Le CR2L est une plateforme de coopéra-
tion dont le but est de promouvoir et favoriser le développement de la vie
littéraire, de la lecture publique, de l’économie du livre et du patrimoine
documentaire d’intérêt régional. Nous organisons des journées d’étude,
des rencontres littéraires, animons de nombreux groupes de travail sur des
sujets aussi divers que la formation continue, le patrimoine musical, les
nouveaux services en ligne dans les médiathèques…
La partie visible de notre travail, pour le grand public, est le portail régional
Eulalie.fr, centre de ressources virtuel, et la revue imprimée Eulalie, diffu-
sée gratuitement dans de très nombreux lieux culturels en région.
Lorsqu’on parle d’édition numérique, le vocabulaire semble
encore mal défini… Quelle en serait votre définition ? comment
définiriez vous : livre numérique, livre augmenté, livre enrichi ?
Le livre numérique est une transposition homothétique du livre papier qui
respecte peu ou prou les modalités de la lecture classique, c’est-à-dire li-
néaire. Le livre enrichi suppose l’existence préalable d’un livre classique et
ajoute à ce premier modèle des fonctionnalités et des ressources permises
par l’architecture multidimensionnelle du numérique : dictionnaire intégré,
liens hypertextes, ressources connexes telles que documents audiovisuels,
etc. Le livre augmenté qu’il serait plus juste, selon moi, d’appeler "œuvre
multimédia avec du texte" relève d’un autre mode d’appropriation qu’on
appelle la lecture numérique, à la différence de la lecture classique. Dans
ce modèle, un contenu éditorial (système d’information à valeur artistique,
documentaire ou ludique) est élaboré nativement selon un mode de produc-
tion et d’appropriation non linéaire, interactif, modulable et, surtout, non
transposable dans la matérialité du papier.
Quels sont les défis et enjeux de l’édition numérique ?
Ils sont au nombre de trois : économique, culturel et esthétique. Le premier
est un bouleversement de la chaîne de redistribution de la valeur ajoutée
entre les maillons traditionnels de la chaîne économique du livre, son éco-
système. Le deuxième concerne l’avenir de la bibliodiversité de notre pay-
sage littéraire et éditorial, permise aujourd’hui par le pluralisme du réseau
de librairies. Le troisième touche à la création elle-même : le livre augmenté,
tel que je viens de le définir, augure-t-il un nouveau mode d’expression
artistique, avec sa grammaire propre, son vocabulaire ?…
6
entretien avec :
Léon Azatkhanian, directeur du CR2L
(Centre régional des Lettres et du Livre
Nord - Pas de Calais)
Le point de vue
d’un expert
Vers quels modèles (économiques, relations entre les
acteurs de la chaîne de l’édition, auteurs….) pourrait-on
évoluer ?
On ne peut faire que des conjectures. Une chose est sûre, le marché, qui
n’est pas extensible à l’infini, devra faire une place aux nouveaux entrants :
plateformes de vente en ligne comme Amazon ou E-Bay, portail d’abon-
nement à des contenus éditoriaux, comme Iznéo, spécialisé dans la BD,
site d’auto-édition et d’édition en ligne comme Publie.net, studio d’édition
"pure player" comme Byook ou Péoléo dans notre région, agents littéraires-
éditeurs sur le modèle d’Andrew Wylie avec Odyssey éditions, pour ne
prendre que quelques exemples. Comment les acteurs historiques de l’édi-
tion vont-ils se positionner ? La librairie indépendante, par exemple, agent
essentiel de la bibliodiversité, pourra-t-elle s’adapter au marché de l’édition
numérique ? Quel sera l’avenir des éditeurs, en tant que marque ou label, si
les auteurs "commerciaux" deviennent leur propre marque et traitent direc-
tement avec les plateformes en ligne type App store ou Amazon ? Autant de
questions qui restent, pour l’instant, sans réponse.
Quels sont, selon vous, les impacts majeurs engendrés par la
dématérialisation du livre ?
Avec la multiplication de l’offre sur le net, il faut repenser les instances
intermédiaires de qualification et de prescription. Puisque tout devient ac-
cessible sur le même plan par un simple clic, Harlequin et Julien Gracq, le
livre augmenté de Célia Houdart et le bricolage multimédia de mon voisin …
Comment rendre visible ce qui mérite de l’être ? Comment, dans ce nuage
indifférencié, faire émerger les formes et des figures susceptibles de faire
avancer notre compréhension du monde et de nous-même ?
Quelles actions sont menées par le CR2L sur ce sujet ?
Nous venons de créer, par exemple, un groupe de réflexion sur les nouveaux
services en ligne dans les bibliothèques. Avec une trentaine de responsables
d’établissements de lecture publique de la région, nous nous posons la
question de la médiation des contenus numériques. Encore un nouveau
métier à l’horizon… Nous organisons régulièrement des journées d’étude
sur la question du numérique, sous l’angle de la commercialisation, à des-
tination des libraires indépendants, ou en interrogeant les nouveaux modes
de création, cette "ittérature hors les livres" qui émergent sur le net. Avec
les Rencontres de l’édition numérique, le 23 mai prochain à l’Imaginarium,
nous voulons continuer à réfléchir ensemble à l’avenir de nos métiers.
9
X
Selon le "3ème
baromètre Sofia/Sne/Sgdl sur les usages
du livre numérique", le paiement à l’acte reste privilégié
par les lecteurs de livres numériques (63%), devant
le prêt numérique (21%), l’abonnement (7%) ou la
location (7%). Mais, seuls 55% des lecteurs de livres
numériques ont acquis la plupart de leurs livres en
payant, contre 44% gratuitement, l’écart se réduisant
légèrement entre ces deux modes d’acquisition. L’acqui-
sition de livres numériques se fait principalement sur les
sites des géants de l’Internet comme Amazon, Google
Play ou encore l’AppStore d’Apple (39% des lecteurs
de livres numériques) ou de grandes surfaces spéciali-
sées comme La Fnac (24%) et sur les sites internet des
libraires (18%) mais aussi plus directement et, c’est
une pratique en hausse, via une recherche directe sur
les moteurs de recherche (21%).
A noter que les lecteurs de livres numériques acquièrent
certains de ces livres directement sur des sites d’éditeurs
(10% d’entre eux) et sur des sites d’auteurs (7%). Les
sites spécialisés dans la vente de livres numériques,
comme Numilog ou Immatériel, ne représentent, quant
à eux, que 6% de l’acquisition de livres numériques.
Par rapport à mars 2012, les sites d’opérateurs inter-
net restent largement dominants, les sites de grandes
surfaces spécialisées ont baissé (passant de 30% à
24%) et les sites d’éditeurs ont légèrement augmenté
(passant de 8% à 10%).
10
11 reflets en extérieur, et bien sûr de la technologie
de l’encre électronique. Mais, l’utilisateur pourrait
se détourner d’un appareil spécifiquement dédié
à la lecture pour favoriser un support unique
qui permet, outre une lecture plus enrichie et
un accès aux livres applicatifs, une utilisation
multimédia plus large (vidéo, musique, jeux,
navigation Internet…) En effet, le livre enrichi
est majoritairement accessible via les magasins
d’applications et non les librairies en ligne et ne
peut être lu qu’au travers d’une tablette multimédia.
Cependant, plusieurs types d’utilisateurs se des-
sinent. Les "grands lecteurs" semblent conserver
une préférence pour les appareils spécifique-
ment dédiés à la lecture. Une étude réalisée par
la MOTif et le médialab de Sciences Po, "Pratiques
de lecture et d’achat de livres numériques" (février
2013), montre, que si le taux d’équipement des
sondés en tablette est assez élevé, seulement
16% utilisent ce type de terminal en tant qu’appa-
reil de lecture principal. Les utilisateurs de liseuse
représentent quant à eux 68%. Mais les personnes
interrogées sont principalement de "grands lec-
teurs" (en moyenne 6 livres par mois) et sont
des "adopteurs précoces" dont la conversion au
numérique est justifiée par des avantages tech-
niques comme la quantité de livres embarqués.
Cette population intéressée par la lecture possède
des particularités qui la distingue des autres utili-
sateurs qui feront basculer le livre numérique vers
la consommation de masse et pourraient préférer
un appareil mobile multimédia unique.
En France, le livre numérique n’est toujours pas
venu bouleverser les habitudes de consomma-
tion, contrairement aux Etats-Unis où il connaît
un véritable envol (23% du chiffre d’affaires des
éditeurs en 2012 selon l'Association des édi-
teurs américains). Les Français sont pourtant
dans une phase d’acquisition des équipements
nécessaires à la lecture numérique et les usages
nés avec la démocratisation du Web 2.0 et des
appareils mobiles se transposent naturellement
à certains secteurs de l’édition.
Tablette vs liseuse
Selon le "Baromètre de l’économie numérique"
(5ème
édition, 4ème
trimestre 2012), publié par la
Chaire Economie Numérique de l’université Paris-
Dauphine, la tablette est l’outil le plus utilisé pour
la lecture de livres numériques, puisque 45,1%
des sondés en font leur appareil de lecture. La
liseuse arrive en 2ème
position avec 29,5%. Si le
smartphone arrive en 3ème
position, avec 26,7%,
il pourrait rattraper la liseuse comme support de
lecture grâce à l’agrandissement généralisé des
écrans et à l’apparition des phablets (un device
mi-smartphone et mi-tablette comme le Galaxy
Note de Samsung). Enfin, l’ordinateur portable est
utilisé comme support par 26,1% des sondés et
l’ordinateur fixe par 16,3%.
Entre des smartphones dont les tailles d’écrans
s’agrandissent, des tablettes dont les tailles
d’écrans diminuent et donc inévitablement la ren-
contre des deux au format Phablet, la concurrence
est rude pour la liseuse noir et blanc actuelle.
Selon le cabinet d’étude Forrester Research, 140
millions de tablettes ont été vendues en 2012 à
travers le monde et on devrait atteindre les 200
millions en 2013. Aux États-Unis, il s’est vendu
9 millions de liseuses en 2012, contre 15,5 mil-
lions d’unités en 2011. Et ce chiffre devrait conti-
nuer à baisser. Le cabinet d’analyse prévoit 7,5
millions de ventes en 2014.
La liseuse possède certes plusieurs avantages.
Il s’agit d’un appareil à part pour la lecture et,
contrairement à la tablette, doté d’une autono-
mie record, mais aussi d’un poids léger pour la
prise en mains, d’un écran qui ne génère pas de
comportements d'achat
2
usages
et applications
26,1%
16,3%
26,7%
45,1%
29,5%
les supports de lecture de livres numériques en
pourcentage d'utilisation
12
13
La société Tactus propose une tablette dédiée à l’uni-
vers de le cuisine : Cuisinix.
Cette tablette présente un véritable portail de cuisine :
20 catégories permettent d'organiser simplement le
contenu, parmi lesquelles recettes, intégrant des sites
gratuits de recettes comme Marmiton, nutrition et santé,
ou encore gestion de planning pour organiser les repas.
Cuisinix permet également de surfer sur Internet, de lire
ses mails, de regarder des vidéos, des photos ou bien
d'écouter la radio. Des applications peuvent en outre
être ajoutées : jeux, réseaux sociaux...
cuisinix
Maison d’édition numérique "La souris qui raconte"
propose des ouvrages dont les enrichissements sont
au service et non au détriment du texte. La littérature
jeunesse témoigne de l’impact du numérique sur le livre
car écrire pour le numérique (narration participative,
interactive) et interagir avec l’image, le son et le mou-
vement sur supports tactiles est différent que d’écrire
pour le papier.
la souris qui raconte
Des usages plus ou moins dé-
veloppés selon les domaines
d’édition
Si l’offre numérique sur la littérature générale de-
meure réduite et se compose principalement de
livres homothétiques, d’autres contenus éditoriaux
ont une offre plus large et certains domaines de
l’édition développent une offre de livre enrichi.
Certains genres et certains domaines se prêtent
en effet mieux aux avantages du numérique dans
l’édition. Le domaine de l’édition culinaire four-
mille par exemple d’expériences de livres enrichis.
La littérature jeunesse se prête également parfai-
tement au numérique. Le livre enrichi représente
d’ailleurs un outil de formation et d’apprentissage
en devenir dans les écoles et les lycées.
Le secteur culinaire témoigne de l’impact du
développement de la mobilité et de l’usage des
tablettes multimédias, comme de la démocra-
tisation du Web 2.0, sur l’édition. Si l’édition
culinaire traditionnelle se porte bien, l’avis des
consommateurs, le désir d’échanger des recettes,
des bonnes adresses, d’obtenir des avis actuali-
sés et géolocalisés sont autant de nouveaux ser-
vices attendus que l’imprimé ne peut pas appor-
ter ; des services nés de l’utilisation d’Internet et
des réseaux sociaux avec la multiplication des
sites, blogs et autres réseaux dédiés à la cuisine
et agrémentés de vidéos, d’images ou de géolo-
calisation comme Marmiton.org ou Food Reporter.
L’édition numérique s’impose donc naturellement
à un secteur dans lequel les usages multimédias
sont déjà bien ancrés. Elle témoigne en outre, com-
parativement à l’édition culinaire traditionnelle,
d’un changement de rapport au lecteur. Du simple
échange commercial à l’intégration du lecteur
dans une communauté et à l’apport de services
en adéquation avec les usages, un changement
d’esprit doit s’opérer dans le cadre de l’édition nu-
mérique. De nouveaux produits comme les livres
culinaires applicatifs (Mon cours de cuisine Mara-
bout, iGourmand…) illustrent cette lame de fond.
Mais dans ce domaine d’édition comme dans les
autres, papier et numérique ne s’opposent pas.
Ils se complètent. Comme le révèle une enquête
réalisée par le site 750 grammes au printemps
2011, 75% des blogueurs culinaires s’inspirent
de livres de cuisine et en possèdent de nombreux.
Des expériences utilisant le numérique se déve-
loppent sur des supports papier comme sur des
supports multimédias. Les éditions Flammarion
ont, par exemple, publié un livre de recettes,
"Bon !" enrichi avec des QR codes permettant à
l’utilisateur de visionner les techniques culinaires
directement sur son smartphone.
Autre secteur qui s’adapte de plus en plus au
numérique : la littérature jeunesse.
Entre les ePub jeunesse enrichis et les applica-
tions de lecture, qui tendent souvent autant vers le
film que vers le jeu, il existe un univers en pleine
ébullition. L’intérêt du livre numérique en termes
de contenus didactiques fait l’objet d’une relative
unanimité, dans la mesure où il peut se rappro-
cher du livre d’activité ludo-éducatif, mais dont
l’interactivité est facilitée par les supports de lec-
ture numérique, notamment les tablettes tactiles.
Ces dernières sont d’ailleurs attractives pour les
jeunes enfants et favorisent une réelle proximité
avec le contenu, une véritable implication. Dans
le domaine de la littérature jeunesse, les offres de
livres enrichis sont ainsi plus développées que
dans certains autres secteurs, l’intuitivité des sup-
ports et l’intérêt cognitif étant parfaitement adaptés
à la jeunesse. Les nombreuses illustrations pré-
sentes dans la littérature jeunesse sont en outre
plus adaptées à des versions enrichies.
Le ministre de l’Education Nationale, Vincent
Peillon, a d’ailleurs annoncé, début 2013, une
volonté de réforme pour introduire davantage le
numérique à l’école.
14
15
Le projet "La France vue par les écrivains" expéri-
mente un nouveau genre éditorial qui pourrait prendre
son essor. Ce projet né en Limousin avec Géoculture
propose de découvrir la région à travers le regard que
des artistes ont posé sur elle. 630 extraits d’œuvres
sont déjà mis en ligne.
Cette idée, initialement portée par le Centre régional
du livre en Limousin, a ensuite été étendue à toute la
France, pour la partie littéraire, à travers la Fédération
interrégionale du livre et de la lecture, grâce au soutien
de plusieurs organismes publics. Une série de docu-
ments complémentaires peuvent être rattachés à l’ex-
trait de texte géolocalisé : lecture par l’auteur, informa-
tions bibliographiques, liens extérieurs, iconographie,
vidéos, etc.
Un renvoi sera fait très prochainement vers les librai-
ries et bibliothèques les plus proches afin de permettre
l’achat ou l’emprunt.
géolocalisation
française
D’autres expérimentations se veulent unique-
ment numériques. Parmi ces nouvelles expé-
riences, le cartographie littéraire ou géolocalisa-
tion de contenus littéraires émerge.
Outre les itinéraires, sortes de promenade litté-
raire géolocalisée, la géolocalisation, par sa force
immersive, permet une approche renouvelée de la
lecture. L’été 2012 a, par exemple, vu le lance-
ment de "The Silent History", feuilleton numérique
ayant l’originalité d’inclure des reportages com-
plémentaires accessibles uniquement lorsque le
lecteur est identifié à un endroit déterminé dans
le monde. L’éditeur italien Rubbettino a mis en
scène et géolocalisé une partie de son catalogue
sur site et via une application pour un "Voyage
en Calabre" proposant plus de 1 000 extraits se
rapportant à quelques 200 lieux. La géolocali-
sation dans le monde de l’édition prend déjà la
forme d’une pratique populaire : les fans d’Harry
Potter à Londres, de Millenium à Stockholm ou
de Carlos Ruiz Zafón à Barcelone partent sur les
traces réelles de leurs héros de papier.
Les usages relatifs au livre numérique se déve-
loppent variablement selon différents types d’utili-
sateurs et différents secteurs éditoriaux. D’autres
usages émergent et émergeront. Néanmoins, des
freins apparaissent à ce développement.
L’introduction des technologies instaure inévita-
blement une nouvelle relation entre le livre et le
lecteur. La réalité augmentée est souvent utilisée
pour offrir de l’interactivité au livre papier. Dans
"Chroniques de Zaak Izbaak" de Matthieu Les-
trade, Camille Ledent, Wesley Wilquin et Étienne
Rols, le livre combine livre en pop-up et contenus
en réalité augmentée. Il permet aussi au lecteur
d’interagir avec l’histoire en manipulant certaines
images qui enclenchent des changements.
Pions et téléphone / Démonstration d’un jeu utilisant des
pions et un téléphone. Les pions doivent se rapprocher entre
eux à travers un dialogue typographique.
Le livre qui tourne ses pages tout seul / Le livre qui tourne ses
pages tout seul est un prototype de livre tournant ses pages
d’une manière autonome. Suivant l’action du lecteur, qui
manipule le petit joystick intégré au livre, le livre tourne ses
pages jusqu’à la suite choisie de l’histoire.
Le livre peut aussi communiquer avec un téléphone por-
table et influencer le jeu se trouvant dans le téléphone
(par exemple, le fond du jeu peut changer suivant la page
ouverte du livre). Le jeu peut aussi faire tourner les pages du
livre (par exemple, les pages du livre tournent d’elle-même
lorsque le joueur termine un niveau).
Expériences et pratiques de
lecture
Selon l’étude du MOTif et du médialab de Sciences
Po, "Pratiques de lecture et d’achat de livres nu-
mériques", du papier au numérique, les pratiques
de lecture se prolongent plus qu’elles ne se rem-
placent. Un lecteur qui possède plusieurs termi-
naux numériques ne se défait pas pour autant de
son attachement à la lecture papier. Le numérique
ne fera pas disparaître le papier. Mais de nou-
velles expériences de lecture pourraient voir le
jour, de nouvelles formes de lecture adaptées
aux écrans.
L’interactivité et l’enrichissement de contenus
que permet le numérique réinventent en outre la
façon de lire. Les nouvelles expériences de lecture
proposées peuvent séduire un nouveau public et
attirer de nouveaux lecteurs.
Plusieurs expérimentations visent notamment la
complémentarité des supports : écran et papier
se marient. Si les livres numériques cherchent
souvent à ressembler au papier, ou du moins à
recréer l’expérience de lecture du livre papier, ce
dernier, lui, cherche l’interactivité. De nombreuses
expérimentations existent dans ce domaine. Les
technologies qui permettent de rendre le livre pa-
pier connecté et interactif sont en effet très nom-
breuses et offrent une multiplicité de potentialités.
La technologie permet d’enrichir le livre papier en
ajoutant des éléments que l’on ne peut pas mettre
sur le support papier : vidéos, sons et animations.
Les Editions Volumiques créent, depuis plusieurs
années déjà, des prototypes mêlant papier et écran.
"Un livre sonore" nécessite par exemple de glisser un
iPhone dans un étui pour que le lecteur déclenche des
sons en posant son doigt sur le papier. L’écran disparaît
au profit d’une interaction entre textes, images et sons.
Les éditions Volumiques travaillent notamment sur des
prototypes de jeux basés sur des livres. "Le livre qui
voudrait être un jeu vidéo" est, par exemple, un livre
augmenté de nombreux capteurs grâce à Arduino.
volumiques
Pouvez-vous vous présenter et expliquer votre col-
laboration ?
Nicolas Devos
Je suis directeur de création et scénariste chez Péoléo. J’ai rencontré Sté-
phane Chaudiron et Florence Rio, du laboratoire Geriico de Lille 3, dans le
cadre de l’appel à projets du Pôle Images NPdC, "expériences interactives",
dont l’objet est de créer un consortium entre une entreprise et une univer-
sité. Péoléo avait postulé avec un projet qui se nomme Drakerz Confron-
tation. Il s’agit d’un jeu de cartes en réalité augmentée. J’assure la partie
direction de création et d’écriture sur ce jeu. Dans la continuité de ce jeu,
nous travaillons sur un livre papier, que nous appelons pour le moment
"livre augmenté" car il intègre des éléments interactifs. Ce livre partage le
même univers que Drakerz.
Florence Rio
Je suis Maître de conférences en Sciences de l’information et de la com-
munication et j’appartiens au laboratoire Geriico de l’université de Lille 3.
Mes objets d’étude tournent essentiellement autour des productions pour la
jeunesse, pour les adolescents. Initialement, j’ai beaucoup travaillé pour la
presse mais travaille de plus en plus sur le livre numérique, en particulier
sur le livre augmenté, le livre enrichi et l’ensemble des types d’augmen-
tation qu’il est possible d’imaginer, aussi bien le transmédia que la réalité
augmentée ou toute autre chose. Le projet de Péoléo a intéressé le labora-
toire Geriico à ce titre. En outre, je suis directrice de la formation Métiers
du livre qui est à Tourcoing et dépend de l’université de Lille 3. Le projet
Drakerz croise ainsi plusieurs centres d’intérêts.
Le but de cette collaboration est de travailler sur les usages, sur les pra-
tiques de lecture. A partir du prototype actuellement développé par Péoléo,
nous commencerons par une analyse des usages et de la réception de ce
genre d’objet chez les adolescents. Ce prototype mêlera récit papier, game-
play et réalité augmentée. L’idée est de réunir un panel représentatif pour
étudier les comportements face à un objet hybride et nouveau.
Nicolas Devos
Avec Drakerz Confrontation, le jeu de cartes en réalité augmentée, nous
avons été confrontés à des barrières d’usage. Notre ambition est d’immer-
ger le joueur dans un continuum : de l’objet physique, la carte de jeu,
jusqu’à l’univers virtuel, le jeu vidéo. Notre joueur doit pouvoir jouer avec
ses cartes réelles à plusieurs autour d’une table mais aussi se connecter
et jouer à distance grâce à la reconnaissance des cartes par la webcam de
l’ordinateur. Or, utiliser l’ordinateur pour jouer avec un jeu de cartes réel
pose de nombreuses questions en termes d’ergonomie.
A ma connaissance, il s’agit du premier jeu sur PC à proposer cette expé-
rience où la réalité augmentée est aussi intimement imbriquée dans le game-
play. C’est dire que nous avons été confrontés à des usages totalement inédits.
...
16
entretien avec :
- Nicolas Devos de Péoléo -
- Florence Rio du laboratoire Geriico Lille3 -
autour du projet de récit
transmédia augmenté : Drakerz
Point de vue croisé
d’un pure-player
et d’un laboratoire
de recherche
Cela pose d’ailleurs la question de la pérennité de ce genre d’ob-
jet : dans 10 ans aura-t-on toujours accès à cet univers virtuel ? Le
livre, qui est certainement l’objet le plus pérenne qu’ait connu l’édition,
prend un caractère éphémère avec le lien au numérique. Ces questionne-
ments sont intéressants en termes de recherche.
Nicolas Devos
En effet, l’existence de l’univers virtuel pour le livre Drakerz est égale-
ment liée a minima à l’existence de notre site Internet. Mais le récit reste
"débrayable", le lecteur / joueur peut "embrayer" pour être actif face au récit
ou "débrayer" et retrouver une position passive face à l’histoire.
Du point de vue du chercheur, quel est l’apport d’une collabo-
ration sur ce type de projet d’édition ?
Florence Rio
Une telle collaboration est un objet d'étude très intéressant pour la com-
munauté scientifique. Les résultats des phases de tests sur ce projet seront
communiqués via des participations à des colloques ou des séminaires de
recherche. Nous partons d'ailleurs prochainement au Québec faire part de
nos premiers résultats. Ce sont essentiellement des enjeux scientifiques.
Indépendamment de ce prototype en particulier, nous réfléchissons égale-
ment sur le sujet à travers d’autres collaborations. À terme une publication
scientifique sous forme d'ouvrage de recherche peut être envisagée si nous
réussissons à collecter assez de données pertinentes.
Où en est la recherche sur ce sujet de l’édition numérique ?
Florence Rio
Pour le moment, le sujet est assez discuté mais peu de réelles recherches ont
été menées. Il y a très peu de résultats issus d’études concrètes sur les usages
comme c’est le cas avec le prototype de Péoléo.
Il existe un groupe de recherche sur le livre numérique au sens large, E-
book, issu d’une collaboration entre trois universitaires, et dont l’objectif
est de faire un état des lieux de ce qui existe. Françoise Paquien-Seguy,
Professeur des Universités, Sciences Po - Lyon, a par exemple publié un
panorama des études existantes sur le sujet. On y prend conscience que,
si de nombreuses personnes s’y intéressent, il existe peu d’études
sérieuses sur le sujet.
Et, si tous les éditeurs traditionnels en parlent, peu se lancent sur
ce segment car il existe de vraies contraintes en termes de coûts
pour des questions de développement et de conception. Le livre
numérique est difficilement rentable pour le moment face à un
modèle économique délicat.
La recherche s’intéresse à tous ces sujets, usages comme modèles
économiques, mais il est parfois difficile d’avoir le recul nécessaire,
d’autant que ce secteur bouge très vite.
Par exemple, le fait d’avoir les cartes en main ne permet pas de
manipuler la souris ou le clavier et entrave le dialogue par chat avec
un autre joueur. Autre problème auquel il a fallu faire face : le positionne-
ment de la webcam en fonction des ordinateurs modifie le positionnement
de la carte à placer devant la caméra. Cela entraine la nécessité de prendre
en compte de nombreuses configurations différentes en vue de trouver une
expérience de jeu homogène entre les joueurs.
Au final, je pense que nous avons levé les barrières d’usage liées à un "jeu
de cartes augmenté". Mais nous aurions certainement gagné du temps sur la
conception si nous avions pu bénéficier de la phase d’analyse que nous avons
enclenchée avec le laboratoire GERIICO pour notre projet de livre augmenté.
Ainsi, nous avons décidé de partager l’exploration du concept de "livre
augmenté" pour faire intervenir des chercheurs et appréhender les usages
en amont de la conception. De nombreuses questions sont présentes face à
l’utilisation du livre comme médium : comment le joueur va se comporter
avec l’objet livre derrière son écran ? Comment va-t-il le manipuler ?
Comment décrire ce livre ? Quel est le parti pris ?
Nicolas Devos
Péoléo se positionne en tant que studio de jeu vidéo mais aussi en tant
qu’éditeur. Pour nous différencier en tant qu’éditeur, nous avons voulu tis-
ser des liens très forts entre l’objet physique et l’univers virtuel.
Ce livre proposera un récit totalement autonome, sous forme de nouvelle,
qui peut être lu indépendamment de tout enrichissement. Mais le joueur, peut
reprendre des parties de l’histoire et réorienter l’évolution de cette histoire en
faisant par exemple un choix à la place de certains personnages de la fiction.
Le livre, comme nos cartes, devient un objet magique qui va augmenter la
réalité du joueur. Le livre devient un périphérique de jeu à part entière, dont
la narration "dans le texte" se double d’une narration "dans le jeu".
Nous nous situons dans l’innovation totale car il ne s’agit pas d’un livre
numérique. Le récit se déploie sur le numérique et sur un livre papier. L’idée
était de trouver le médium le plus adapté au récit transmédia et au déploie-
ment de l’univers narratif de DRAKERZ Confrontation : le livre s’est ainsi
imposé mais dans le cadre d’un métissage avec le numérique.
Florence Rio
A l’heure actuelle, il existe un vrai problème de dénomination. Le projet de
Péoléo n’est clairement pas un livre numérique. Cela se rapproche du livre
enrichi qui sous-entend l’existence d’un support physique enrichi d’autres
médias autour du même univers, c’est ce qu’on appelle le transmédia. Pour
d’autres, le livre enrichi est un support numérique enrichi de contenus nu-
mériques. La question de la dénomination reste entière. Cathy’s book, pu-
blié par Bayard, est un exemple de ce que je qualifie de livre enrichi puisque
le livre est autonome mais tout un univers virtuel est également accessible
(site Internet, médias sociaux, blog, répondeur vocal…).
19
X
20
21 font pas) est rarement abordé pour la musique et
le cinéma. Pour le livre, l’étude du Motif est frap-
pante : l’inadaptation des éditeurs légaux conduit
à l’édition illégale décuplée par les équipements
domestiques performants et la facilité d’échanges
sur Internet.
Néanmoins, le piratage effraie les éditeurs qui
multiplient les initiatives pour se prémunir de ce
phénomène mineur dans le livre numérique. En
octobre 2012, Le Syndicat National de l’Edition
(SNE) et six groupes d’édition (dont Hachette,
Editis, Gallimard, Albin Michel) ont, par exemple,
déposé une action en justice pour contrefaçon à
l’encontre du site de téléchargement de livres nu-
mériques piratés, Team AlexandriZ. La protection
des fichiers est également courante. DRM (Digital
Rights Management, programmes intégrés aux
fichiers numériques permettant de restreindre les
conditions d’utilisation) et tatouages sont inté-
grés aux livres numériques dans l’objectif affiché
de protéger les ayants droits.
La question de la liberté d’échange du livre numé-
rique (gratuitement, ou pas, à l’image du livre
d’occasion) demeure ainsi plus que jamais d’ac-
tualité. Avec les livres papier, la pleine propriété
des supports était garantie après l’achat de
l’ouvrage. Le lecteur pouvait exercer librement
tout un ensemble de facultés, du moment qu’il
ne faisait pas de copie de l’ouvrage : le trans-
porter, l’annoter, le prêter, le donner, le revendre
même, sans que le droit d’auteur n’ait rien à
redire. Avec le livre numérique, les choses sont
complètement différentes et même après l’achat
du fichier, les prérogatives du lecteur demeurent
étroitement conditionnées par le droit d’auteur
et la volonté de protéger le livre numérique du
piratage. Le canular, qui avait circulé en mai
2012, selon lequel l’acteur Bruce Willis entendait
attaquer Apple en justice afin d’obtenir le droit
de transmettre à ses enfants après sa mort les
morceaux de musique achetés sur iTunes avait
fait grand bruit et montre bien ce problème de
l’appauvrissement des droits du lecteur engendré
par le passage au numérique.
En édition, les DRM visent essentiellement à res-
treindre la diffusion des livres numériques. Il s’agit gé-
néralement de limiter l’utilisation d’un fichier à un sup-
port bien précis, grâce à une plateforme. Un livre acheté
sur Kindle Store ne peut être lu que sur Kindle, un livre
acheté sur l’AppStore d’Apple ne l’est, lui, que sur un
iPad ou un iPhone. Le DRM peut également limiter le
nombre de transferts du fichier, et éviter qu’il soit envoyé
vers des liseuses/tablettes différentes. Ce type de DRM
reste très contraignant car il limite l’utilisation de la
bibliothèque dans le temps. Pour protéger le copyright
de manière moins handicapante pour le lecteur, les édi-
teurs peuvent faire le choix du tatouage numérique. Il ne
s’agit pas ici de limiter la diffusion du livre numérique,
mais simplement de le marquer discrètement. Si cette
protection ne nuit pas à la liberté du lecteur, elle est
nettement plus respectueuse, et comporte tout de même
des entraves. Quand les DRM indiquent clairement au
lecteur ses limites d’utilisation du fichier, le tatouage est
une menace plus subtile. Par exemple, si jamais un
livre numérique tatoué finit sur les réseaux de peer to
peer, l’acheteur de ce fichier, identifié par le tatouage,
pourra encourir des peines. Dans ce contexte, tout lec-
teur peut devenir paranoïaque et craindre de prêter ses
livres numériques, même à un ami, par crainte qu’il ne
le diffuse illégalement.
L’offre de livres numériques sans DRM se développe
petit à petit mais actuellement la protection des fichiers
reste un frein au basculement vers le numérique de
nombreux lecteurs qui perdent l’usage social du livre,
notamment du prêt.
DRM
Plusieurs freins au développement de l’achat
et de l’utilisation du livre numérique subsistent
en France : les prix trop élevés, la compatibi-
lité des fichiers téléchargés sur les terminaux
dédiés, la qualité de la mise en page ou encore
la présence de DRM. Des questions juridiques
et économiques entravent également le déve-
loppement d’une offre large et enrichie. Une
segmentation à plusieurs niveaux caractérise
aujourd’hui la chaîne du livre numérique : tech-
nologique (multiplicité des formats de fichiers et
des supports de lecture), logistique (multiplicité
des plates-formes de distributeurs, dont cer-
taines sont intégrées avec l’amont), commer-
ciale (multiplicité des formules tarifaires, des
qualités proposées, des formes de protection).
Lepiratage etlaproblématique
de protection des fichiers
La pratique du piratage en masse des livres
numériques ne s’est pas encore installée dans
les mentalités. L’Observatoire du livre et de l’écrit
en Ile de France (Le Motif) publie depuis 3 ans
une étude sur l’offre pirate disponible sur les ré-
seaux qui montre la faiblesse du piratage dans
le secteur du livre numérique. L’édition 2012
indique, en effet, que le piratage représente 2%
de l’offre légale, qu’il concerne essentiellement
les livres pratiques et les essais grand public,
suivi d’anciens best sellers de la SF/fantastique
et du polar. L’étude montre également qu’aucun
livre de moins de 6 mois n’a été piraté de façon
significative.
Le piratage reste une activité très faible et mar-
ginale que les éditeurs pourraient contrer, selon
l’étude, par "un développement en quantité
comme en attractivité (prix, qualité, facilité d’ac-
cès, interopérabilité, services associés, etc.)".
Pour le Motif, les pirates numérisent eux-mêmes
les livres, en réalisant leur propre version numé-
rique et les offrent en partage. Pour l’année 2011,
les pirates ont partagé environ 7 000 nouveaux
titres illégaux augmentant ainsi l’offre numérique.
Dès lors, ils deviennent des éditeurs pirates qui
se substituent aux éditeurs légaux et assurent les
travaux que les professionnels ne font pas. Cet
aspect du piratage (réaliser ce que les éditeurs ne
3
des défis
14%
piratage
de livres
numériques
30%
piratage
de fichiers
vidéo
33%
piratage
de fichiers
musicaux
Selon le 3ème
Baromètre
du livre numérique réalisé
par la Sofia, le SNE
et la SGDL
22
23 LE livre numérique : à QUEL PRIX?
Le prix du livre numérique demeure élevé en
France et représente un frein au développement
de la consommation de ce type de format. Selon
une étude publiée en mars 2012 par le Centre
d’analyse stratégique, un livre numérique coûte
en moyenne, en France, 30% moins cher qu’un
livre papier. La plupart des livres numériques sont
ainsi proposés au-dessus de 10 euros à leur
sortie. Or, les consommateurs attendent un prix
encore inférieur. Selon une étude de GfK, reprise
par Slate.fr (2012), le consommateur se dit prêt
à dépenser 7 euros pour un livre numérique dont
la version papier serait vendue 18 euros, soit
une différence de 60%.
Malgré un taux de TVA réduit à 5,5% depuis jan-
vier 2013, le prix du livre numérique ne baisse
globalement pas. Sur la boutique d’Apple, par
exemple, 5% des livres électroniques sont dispo-
nibles en français d’après une étude de Youboox
et Storeslytics, pour un prix moyen de 9,30 eu-
ros. C’est pratiquement autant que le prix moyen
d’un livre papier.
En 2011, selon un rapport publié par Bertels-
mann, Random House a recensé 40 000 titres
disponibles dans son catalogue de livres numé-
riques et, alors que ses revenus ont chuté pen-
dant un an, sa marge opérationnelle n'a cessé
de croitre. Un autre rapport, publié par Pearson,
montre la faiblesse du nombre de ventes réali-
sées par les éditions Penguin, alors que la marge
opérationnelle a progressé de 5%, grâce là en-
core aux ventes de livres numériques. Les reve-
nus tirés par Penguin du numérique ont même
doublé en 2011, comparé à 2010.
Ces pratiques tarifaires entravent probablement le
développement du marché de l’édition numérique.
Selon l’étude du Motif, les éditeurs parviennent au-
jourd’hui à dégager "des marges très intéressantes
sur leurs livres numériques" : la part du prix de vente
revenant à l’éditeur bondit par exemple de 36% pour
une version physique vendue chez un libraire à 55%
lorsque le titre est vendu en format numérique sur les
sites d’Amazon ou Apple. Un constat confirmé par les
chiffres venus des Etats-Unis où, malgré des ventes en
berne, certains éditeurs parviennent à améliorer leur
marge opérationnelle grâce aux ventes d’e-books.
Des questions juridiques
Le numérique impose un changement de para-
digme juridique sur de nombreux secteurs et
l’édition ne coupe pas à cette règle. Le droit d’au-
teur est au centre de ces questions juridiques. Le
contrat d’édition à l’heure du numérique s’adapte.
En mars 2013, un contrat entre auteurs et éditeurs
a d’ailleurs été signé, sous l’égide du ministère
de la Culture. Cet accord précise que les contrats
d’édition devront désormais prévoir une partie
spécifique pour l’édition numérique et définir les
modalités de rémunération des auteurs compte
tenu de ces nouveaux modèles économiques.
Il définit également des critères pour apprécier
la notion d’exploitation permanente et suivi de
l’œuvre, à la fois sous forme imprimée et sous
forme numérique. Les négociations entre auteurs
et éditeurs doivent néanmoins se poursuivre.
Les questions juridiques liées à l’édition numé-
rique concernent également le prix des ouvrages.
En France, c’est l’éditeur et lui seul qui fixe le
prix de vente, un dispositif que l’on doit à la loi
sur le prix unique du livre de 1981, mise à jour
en 2011 sur les recommandations de la mis-
sion Zelnik afin de prendre en compte l’arrivée
du livre numérique. Cette loi sur le prix unique
du livre numérique oblige tous les éditeurs de
livres situés en France à fixer le "prix de vente
au public" des versions numériques des livres
qu'ils éditent et oblige tous les marchands à s'y
conformer dès lors qu'ils vendent des livres à
des acheteurs situés en France. Les livres enri-
chis au format ePub contenant des vidéos, des
liens, des sons sont aussi impactés par la loi.
Seuls les livres applicatifs sont tenus en dehors
du périmètre de cette loi sur le prix unique du livre
numérique. La loi s’impose à tous les revendeurs,
où qu’ils se situent, dès lors qu’ils exercent une
activité de vente de livres numériques à desti-
nation d’acheteurs situés en France. Les géants
du Web comme Amazon sont donc également
concernés.
la loi du prix unique :
une exception culturelle française
de Beaumarchais à l'ère du numérique,
la question du droit d'auteur reste d'actualité.
24
25
Youboox propose globalement la même chose que
Spotify : pour un abonnement de 9,99 euros par mois,
l’utilisateur a accès à un abonnement premium permet-
tant de lire des livres via l’application de lecture selon le
support qu’il choisit.
Youboox permet également de lire gratuitement mais
des bandeaux publicitaires apparaissent durant la
consultation. Le modèle économique est donc basé
sur des revenus publicitaires et des revenus issus des
abonnements. Les éditeurs présents sur la plateforme
Youboox se partagent la moitié de cette assiette globale
en fonction du ratio entre le nombre de pages lues au
total dans le catalogue de l’éditeur, rapporté au nombre
total de pages lues le mois en question sur Youboox.
Selon les propres estimations de Youboox, le service
aurait atteint 75.000 personnes à février 2013, ne
précisant pas s’il s’agit du nombre de téléchargements
de l’application ou du nombre d’utilisateurs réellement
actifs sur le système.
Youboox revendique 5,5 millions de pages vues. Un
objectif de 300 000 utilisateurs d’ici à décembre 2013
est évoqué.
youboox : l'abonnement!
quels modèles économiques  ?
Le marché français du livre numérique est en
quête d’un modèle économique, entre préserva-
tion de la chaine de valeur actuelle de l’édition
et prépondérance des grandes plateformes type
Amazon.
Le secteur de l’édition traditionnelle se retrouve
coincé dans un étau entre les géants de la dis-
tribution du Web comme Amazon et les pures
players (des maisons d’édition 100% numérique)
qui ne rencontrent pas les mêmes contraintes au
regard de la chaîne de l’édition et n’appréhendent
pas le marché sous le même angle (la crainte du
piratage est, par exemple, quasi absente). Ces
derniers testent ainsi de nouveaux modèles
économiques pour tenter de rentabiliser l’édi-
tion numérique.
Certains expérimentent un modèle gratuit basé
sur le revenus publicitaires : livre à zéro euro
mais nombreuses publicités.
D’autres cassent les prix dans l’objectif de mul-
tiplier les ventes et d’attirer une clientèle vers les
supports numériques. Chez l’éditeur Bragelonne,
spécialisé dans la science-fiction, des œuvres
sont par exemple proposées à 5,99 euros dès
leur sortie. Des opérations commerciales comme
des ventes flash sont également réalisées sur les
titres numériques de l’éditeur.
Le principe de l’abonnement est également
testé chez certains éditeurs comme Publie.net.
Ce modèle est souvent lié au streaming de livres.
Avec le succès relatif des services de streaming
musical, comme Deezer et Spotify en tête, l’édi-
tion s’intéresse de près au système. Qu’il s’agisse
d’un film, d’un morceau de musique, d’un livre
ou de n’importe quel autre contenu média, le
streaming permet de consulter le fichier en ligne
sans le télécharger. L’utilisateur ne possède pas
le contenu qu’il consomme et n’y a plus accès dès
lorsqu’il clôt son abonnement. Dans ce contexte et
avec l’essor progressif de la lecture numérique, des
entrepreneurs s’intéressent au streaming de livres.
Le principe des prix libres est également expérimen-
té avec un prix bas de téléchargement puis la possi-
bilité offerte à l’utilisateur de fixer lui-même un prix.
La gratuité du livre avec une rémunération sur
services connexes payants est également un
modèle exploré.
TEA a annoncé le lancement en open source
de l’application de lecture web TeaBook Open
Reader à l’occasion de l’Open World Forum
2012. Cette application de lecture web est une
solution interopérable permettant la lecture hors
ligne depuis tous les appareils de lecture web, ta-
blettes incluses, indépendamment des systèmes
d’exploitation, et offrant un rendu fidèle des livres
numériques ePub. TEA est devenue la première
plateforme open source de distribution de livres
numériques dédiée à l’ensemble des acteurs de
la chaîne du livre : libraires, distributeurs, sites
internet, éditeurs et lecteurs.
Autre initiative française, un consortium (18
teurs dont Orange, ePagine, SFR, Editions de La
Martinière, Institut Télécom, éditions Gallimard,
syndicat de la Librairie Française…), rassemblé
sous la bannière MO3T (Modèle Ouvert 3 Tiers),
propose un modèle ouvert et pérenne de distribu-
tion des contenus numériques en promouvant le
passage d’une logique de vente de contenus à
une logique de vente de droits. Le lecteur achè-
terait le droit d’accéder à n’importe quel moment
et depuis tous ses terminaux au livre dont il pos-
sède le droit numérique, le format du fichier qu’il
télécharge dépendant bien sûr du terminal sur
lequel il compte l’utiliser. Le projet MO3T vise à
démontrer, à travers un prototype, la possibilité
d'une architecture de distribution ouverte et plu-
raliste qui permette aux différents formats du livre
numérique d'exister de manière compatible. Ce
projet devrait entrer en phase d’industrialisation
en 2013.
L’interopérabilité,
enjeu de demain ?
Jusqu’ici, la chaîne de la distribution de contenus
numériques s’est construite selon des modèles
intégrés : chaque opérateur a développé ses
propres appareils, logiciels et formats de fichiers
spécifiques et ces formats ne sont pas tous com-
patibles entre eux. Ainsi, l’utilisateur ne jouit pas
systématiquement de son bien sur l’ensemble de
ses appareils et il peut même perdre les ouvrages
numériques qu’il a achetés s’il change d’opéra-
teur ou d’équipement. Autre conséquence : l’offre
d’ouvrages disponibles est limitée pour chaque
support de lecture, plus qu’elle ne le serait avec
un format universel.
Face aux problématiques actuelles liées à l’intero-
pérabilité, à l’offre actuelle réduite, au prix élevé du
livre numérique, au déséquilibre programmé de la
chaine de valeurs de l’édition ou encore au risque
de voir émerger des oligopoles qui bloqueraient le
marché, certaines initiatives prennent place.
Une volonté de standardisation appuyée sur l’uti-
lisation d’un format ouvert devient perceptible.
Editeurs comme libraires français affichent une
volonté de ne pas se laisser enfermer dans un
format propriétaire qu’il s’agisse de celui d’Ama-
zon ou d’Apple par exemple. Ainsi, récemment
plusieurs acteurs de l’édition ont rejoint diffé-
rentes initiatives œuvrant dans la mise en place
de standards ouverts.
Eyrolles a rejoint le consortium IDPF (Internatio-
nal Digital Publishing Forum) pour "participer à
la promotion d’un format numérique unique, uni-
versel et ouvert". Hachette a, pour sa part, rejoint
le projet Readium, initiative de l'IDPF qui a pour
objectif le développement d'un logiciel libre de
lecture pour le format EPUB 3.
Decitre a lancé The ebook Alternative (TEA) des-
tinée également à permettre un accès au livre
indépendamment du distributeur et du matériel :
une solution de lecture web interopérable, ouverte
et open source. Dans cette initiative, Decitre a
des partenaires comme Rueducommerce.com et
la SSII Smile et a signé des accords avec Editis,
Gallimard, La Martinière ou encore Flammarion et
récemment Bayard pour accéder à leur catalogue
de livres numériques.
Quelles sont vos activités à la médiathèque de Roubaix ?
Je travaille à la médiathèque de Roubaix depuis un an sur un projet de
valorisation du patrimoine musical et j’ai également en charge le pôle infor-
matique et multimédia de la médiathèque depuis quelques mois. Je m’oc-
cupe donc de ce qui relève de l’informatique documentaire comme les bases
de données, de la présence Web de la bibliothèque ainsi que des ateliers
multimédias d’initiation aux TIC que nous proposons. Je mène également
actuellement une réflexion sur le développement de l’offre numérique de la
bibliothèque.
Auparavant, j’étais en poste en bibliothèque universitaire et ce n’est pas
anodin car la bascule du papier vers le numérique a déjà été faite dans de
nombreuses bibliothèques universitaires alors que les médiathèques accusent
souvent un retard.
Dans les bibliothèques universitaires, le papier devient anecdotique alors
qu’en lecture publique, tout reste à faire. La principale raison de ce retard se
situe sûrement au niveau de l’offre. D’une part, les éditeurs ont encore une
offre restreinte sur la littérature grand public et, d’autre part, l’offre à des-
tination des bibliothèques est encore plus restreinte. En tant qu’individu, je
peux facilement télécharger un livre numérique mais en tant que bibliothé-
caire, la démarche de téléchargement et de mise à disposition du public est
très compliquée. Cela s’explique par des raisons techniques, car il faudrait
des plateformes de mise à disposition, et par des raisons juridiques car il faut
trouver un moyen de respecter les droits d’auteur.
Nous sommes face à deux solutions : soit développer notre propre plate-
forme, ce qui aurait un coût élevé, soit attendre que les éditeurs mettent à
disposition ce type de plateforme.
Lorsqu’on parle de livre numérique, de quoi parle-t-on exactement ?
Pour moi, il s’agit du pendant du livre papier mais dématérialisé. Après, il
existe le livre enrichi qui semble plus intéressant pour le jeune public.
Existe-t-il une demande du public pour les livres numériques en
médiathèque ?
C’est difficile à dire puisque nous n’avons pas encore d’offre à la média-
thèque de Roubaix.
Il existe des bibliothèques qui mènent des expérimentations à partir de prêts
de liseuses et d’une offre de livres libres de droit, c’est-à-dire tombés dans le
domaine public et mis à disposition gratuitement sur des plateformes. L’ob-
jectif était que les utilisateurs s’approprient ce support de lecture.
Si nous devions développer une offre numérique pour la médiathèque de-
main, il faudrait davantage penser à la mise en ligne d’une plateforme face à
la croissance du taux d’équipement en liseuses ou tablettes.
26
Le point de vue
d’un bibliothécaire
entretien avec :
- François Pichenot -
médiathèque de Roubaix
Il existe un autre modèle proche du "streaming" appliqué au
livre. Le terme de streaming est impropre dans ce cas mais l’idée est
bien celle de la consultation en ligne qui permet une connexion simultanée
de plusieurs utilisateurs.
L’émergence du livre numérique représente une opportunité ou
des défis pour une médiathèque ?
Pour le moment, il n’y a pas de réel impact sur le métier. En fait, on pourrait
faire un parallèle avec la musique. En bibliothèque, nous sommes actuelle-
ment beaucoup plus touchés par la dématérialisation de la musique que par
celle du livre. Nous avons connu un réel effondrement du prêt de CD suite
à l’effondrement du marché du disque. Actuellement, nous avons l’oppor-
tunité de prendre des abonnements à des plateformes de streaming comme
MusicMe et de renouveler l’offre en profondeur, c’est-à-dire de proposer
une sorte de package global sur une offre large et de développer en paral-
lèle une offre physique plus ciblée sur des labels précis. Cette mutation a
apporté des opportunités très intéressantes pour l’offre des médiathèques
et, à Roubaix, nous allons accélérer le développement de cette offre sur la
musique. L’adhérent pourra accéder à un catalogue musical via notre plate-
forme depuis chez lui.
Ce type d’offre est issu d’une expérience menée dans une bibliothèque alsa-
cienne qui a négocié avec MusicMe et a construit un partenariat, financé en
partie par le ministère de la Culture, pour permettre de construire l’interface
technique utilisée par la bibliothèque.
A Roubaix, nous n’allons pas tout de suite passer par MusicMe mais par
le catalogue du label Naxos, certes plus spécialisé mais plus adapté à notre
public actuel.
L’offre sur le livre devrait connaître une évolution similaire. Et, si la biblio-
thèque se dématérialise, elle pourra se transformer en lieu d’échanges et de
rencontres, en lieu de vie dans la ville.
Le numérique s’inscrit dans un projet global de la médiathèque de Roubaix.
La problématique sera de rendre cette offre dématérialisée visible dans le
lieu et c’est davantage sur la question des interfaces que nous réfléchissons.
L’axe de médiation dans le lieu sera important, autant que celui du dévelop-
pement de l’offre de livres numériques. Mais, pour le moment j’ai peur que
les bibliothèques soient un non-marché pour les éditeurs et que cela prenne
du temps.
Le passage au numérique pour une médiathèque n’en-
traînerait-il pas un changement de paradigme par rapport au
rôle que peut jouer ce genre de lieu dans la ville ?
Tout à fait. Longtemps, les bibliothèques ont été des "réservoirs" de docu-
ments. Avec la démocratisation d’Internet, elles ont perdu leur monopole de
point d’accès à l’information et à la documentation. Le développement du
livre numérique engendre le même phénomène.
Plusieurs pistes de réflexion peuvent être explorées pour maintenir le rôle
des médiathèques comme l’accompagnement des publics, la classification
et la préservation des documents ou l’organisation d’événements. Il faudra
faire en sorte que la médiathèque demeure un lieu où l’on ait envie d’aller
et non un lieu où l’on passe.
La question que je me pose aujourd’hui, en tant qu’individu et non en tant
que bibliothécaire, se situe au niveau de l’intérêt des personnes à aller dans
une médiathèque si elles ont les moyens, technologiques et financiers, d’ac-
céder à tous les contenus en ligne. Il faut prendre en compte ce public que
nous avons tendance à perdre en médiathèque. Or, une solide offre numé-
rique peut être un moyen d’essayer de capter ce public.
Envisagez-vous de mener des expérimentations sur cette offre
numérique à Roubaix ?
Non, pas actuellement. A Roubaix, nous avons quand même une offre nu-
mérique qui est patrimoniale. Nous avons une bibliothèque numérique qui
propose d’accéder à des documents numérisés relatifs à l’histoire locale.
Ce sont des documents anciens et libres de droit. Nous nous positionnons
davantage sur cela pour réfléchir à d’éventuels projets innovants.
Le problème pour réfléchir ou expérimenter sur des projets plus grand pu-
blic est qu’il manque une plateforme qui permettrait un accès à tout. Les
plateformes actuelles proviennent des éditeurs qui proposent leur catalogue.
Si la médiathèque se lançait dans un projet, ce serait par le biais d’un parte-
nariat avec un éditeur et donc sur une offre limitée au catalogue de celui-ci.
Existe-t-il une réflexion à plus large échelle avec d’autres
bibliothèques pour mutualiser et éviter de tomber dans cet
écueil de l’offre restreinte ?
Des premières réunions à l’échelle de la métropole lilloise sont prévues.
Nous pourrions imaginer un catalogue accessible par abonnement avec des
fichiers chrono-dégradables et des DRM. Mais il existe des problèmes de
modèles économiques. Actuellement, une seule personne à la fois peut em-
prunter un fichier numérique. Donc les éditeurs reproduisent le modèle du
papier et cela n’a aucun intérêt alors que le numérique permet de multiplier
facilement les fichiers.
X
la bibliothèque de demain  ?
30
31
Selon cette étude de l’Idate, les ventes de livres numé-
riques parviendront à compenser le déclin du livre im-
primé voire à faire croître le marché du livre en raison de
ventes incrémentales (qui n'auraient pas eu lieu dans
l'univers imprimé).
A horizon 2015, l'avenir du marché se jouera à deux
niveaux, autour d'abord du degré de conversion au
numérique des lecteurs occasionnels (qui représentent
actuellement la majorité du marché du livre en volume)
et ensuite de l'impact du livre enrichi, produit multimé-
dia hybride, susceptible d'attirer un public non lecteur
de livres traditionnels.
quels impacts sur la chaine de
valeur de l'édition?
La transition numérique ne devrait pas provoquer
globalement de destruction de valeur dans le
secteur de l’édition. Certes, les ventes de livres
imprimés déclinent globalement depuis plusieurs
années et l'émergence d'une offre numérique ne
fera qu'accentuer la tendance. Mais le livre numé-
rique pourra compenser ce déclin.
Le marché du livre numérique demeure, pour le
moment, majoritairement une transposition du
marché papier. D'une part, le catalogue numé-
rique se compose majoritairement de livres ho-
mothétiques alors que les livres enrichis et les
créations nativement numériques restent anecdo-
tiques. D'autre part, les lecteurs de livres numé-
riques sont les mêmes que les lecteurs papier et
ils achètent les mêmes titres.
Et les pratiques tarifaires autour des livres numé-
riques reprennent, pour l’essentiel, le modèle
dominant du papier.
Néanmoins se dessine en filigrane une remise en
cause de la chaîne de valeur de l’édition tradi-
tionnelle. Les rapports de force se modifient. Le
numérique affecte à la fois la production et la dis-
tribution. Le livre numérique s’affranchit du circuit
classique de la distribution. La problématique
se pose surtout pour les acteurs dépendants du
support comme les imprimeurs ou les libraires.
Il n’est pas exclu qu’un éditeur, voire un auteur
dans le cas de l’auto-édition, s’adresse directe-
ment au lecteur, passant outre de nombreux mail-
lons de la chaine de valeur de l’édition. Des inter-
médiaires sont néanmoins toujours présents : les
plateformes de diffusion des livres numériques.
Elles prennent notamment en charge des fonc-
tions de stockage, de référencement et de vente.
L’offre éditoriale française passe actuellement
par plusieurs plateformes et témoigne d’un écla-
tement qui entraine une structure segmentée et
appauvrit cette offre. Les éditeurs ont tendance à
multiplier les accords avec les plateformes mais
l’offre n’apparaît pas exhaustive et les coûts sont
plus élevés. Une plateforme unique ouverte à tous
les éditeurs permettrait de rendre l’offre plus riche.
En outre, pour faire face aux géants du Web,
Amazon, Google et Apple, et conserver l’identité
française de la chaine du livre, une rationalisa-
tion des plateformes de diffusion et de distribution
semble essentielle. La force de ces pure players
de l’Internet réside dans leurs algorithmes de trai-
tement des métadonnées et dans leur système de
référencement et de recommandation.
Les alliances entre les acteurs du numérique
dans le domaine de l’édition se multiplient donc
actuellement, laissant pressentir un germe de
structuration du marché. Le diffuseur de livres
numériques Numilog et le fabricant de liseuses
Bookeen ont, par exemple, signé un partenariat
qui leur permet, depuis janvier 2013, de proposer
une offre plus attractive et plus accessible aux uti-
lisateurs potentiels. Bookeen peut ainsi proposer
sur sa librairie le catalogue de livres numériques
français diffusé par Numilog, soit un ajout de
35 000 titres en français de 380 éditeurs dont
Hachette. Numilog peut, pour sa part, proposer
à ses librairies partenaires la gamme des Cybook
Odyssey intégrant une librairie sous leur propre
marque. Autre accord important pour le marché
français et la préservation de son identité et de
sa chaine de valeur : ePagine et Numilog se sont
alliés début 2013 pour proposer une solution
commune de bibliothèques personnelles de livres
numériques. Il s’agit des deux principaux réseaux
français de librairies numériques. Les libraires
qui s’engagent dans la vente de livres numé-
riques sont en effet en attente de solutions pra-
tiques et performantes pour leurs clients, offrant
une alternative à celles proposées par les géants
de l’Internet et de la technologie, sans faire dis-
paraître leur identité. Cette solution repose sur
des protocoles standards et interopérables. Elle
a vocation à être ouverte à d’autres libraires ou
réseaux de libraires en France et à l’étranger.
Le développement du marché français du livre
numérique semble tributaire de trois facteurs :
des supports de lecture offrant une interopérabi-
lité et un bon rapport qualité-prix, une offre nu-
mérique large et enrichie, un prix des ouvrages
attractifs pour le lecteur et rémunérateur pour
les acteurs de la chaîne du livre.
etude "E-Book"
Quelles sont les activités d’invenit ?
Candice Gras
Invenit est initialement un studio de graphisme et de communication culturelle.
Au départ nous travaillions en tant que graphistes pour les secteurs de la
culture et du patrimoine et nous réalisions des outils de communication pour
les musées ou autres structures culturelles. Nous avons souvent été amenés
à réaliser des catalogues d’exposition et des beaux livres, mais en tant que
graphistes. La passion du beau livre est présente au sein de l’équipe d’invenit
depuis les débuts. L’activité s’est donc naturellement déportée sur le métier
d’éditeur. Invenit est donc éditeur depuis 2008, tout en conservant son activité
de communication graphique.
Dominique Tourte
Nous éditons des catalogues d’exposition et des livres d’artiste comme nous
pouvons porter des projets plus "personnels" en tant qu’éditeur.
Quelle est votre appréhension du livre numérique ?
Céline Telliez
Pour nous, il s’agit d’un changement de support. Nous ne percevons pas la
dématérialisation du livre comme une menace. Même si cela va révolutionner
notre manière de travailler, notre métier ne changera pas : nous éditerons toujours
des livres.
Candice Gras
Par contre, nous n’envisageons pas de simplement dupliquer une version pa-
pier d’un livre. Il y a des choses que le numérique permet mais que le papier
ne permet pas et inversement. Il s’agit bien de se servir du numérique pour
apporter un contenu supplémentaire et d’enrichir le livre. Nous continuerons à
éditer des livres papier. Les deux supports sont très complémentaires.
Céline Telliez
Nous avons le goût du bel objet donc nous envisageons de traduire cette idée
du beau livre également dans les versions numériques que nous éditerons. La
transposition du bel objet de manière immatérielle est au centre de nos ré-
flexions sur cette question de l’édition numérique et c’est ça qu’il nous faudra
inventer. L’esthétisme de nos livres papier devra se retrouver dans nos livres
numériques.
Dominique Tourte
L’alliance du fond et de la forme motive le travail en profondeur. L’esthétisme
n’est rien d’autre que l’adéquation la plus juste entre le fond et la forme. La
forme va changer avec l’évolution vers le numérique mais la problématique
reste la même : comment trouver cette adéquation la plus juste ?
32
entretien avec :
- Dominique Tourte,
Candice Gras et Céline Telliez -
les éditions invenit
Le point de vue
d’un éditeur
Sur les questions de modèle économique et de choix
technologiques, vers quels choix s’oriente invenit ?
Candice Gras
Nous sommes encore en train de réfléchir à ces questions.
Plusieurs pistes pourront être explorées. Nous avons la chance de publier des
objets matériels qui pourraient très bien devenir le support de commercialisation
de la version numérique. Nous pourrons également passer par des plateformes
de publication ou opter pour l’auto-publication et diffuser nos objets numé-
riques via notre site Internet où nous commercialisons déjà des livres.
Dominique Tourte
Pour l’instant, nous ne percevons pas le modèle économique. Aujourd’hui, nous
essayons d’appréhender la technologie et d’expérimenter pour réfléchir à notre
offre. L’idée est d’être prêts lorsque le marché du livre numérique se démocrati-
sera réellement.
Candice Gras
Il y a certainement quelque chose de nouveau à inventer du point de vue du
modèle économique.
Le passage au numérique a-t-il des incidences importantes sur le
droit d’auteur ?
Céline Telliez
Si on souhaite enrichir un livre papier, il est certain que nous devrons faire des
avenants aux contrats des auteurs pour y ajouter la notion de support numérique.
Les droits d’auteur ne sont pas les mêmes pour le numérique. D’ailleurs, si nous
voulons enrichir un catalogue d’exposition, il faut racheter les droits de toutes
les œuvres ! Cela représente un coût très élevé et il sera parfois difficile de pro-
poser certains catalogues d’exposition en version numérique.
Le livre numérique, opportunité ou menace ?
Céline Telliez
Ce n’est pas une menace. En tant qu’éditeur, porter ses activités sur le numérique
n’est pas un risque aussi important que, par exemple, la difficulté accrue d’être
visible parmi le nombre de livres En croissance perpétuelle. Le livre enrichi peut
en outre permettre d’attirer un nouveau public et de faire connaître un texte.
Candice Gras
Quelque part, le numérique peut être bénéfique pour le livre papier. Les lecteurs
aimeront toujours les beaux livres. Nous pouvons espérer que le livre connaîtra
la même évolution que la musique avec l’émergence de nouvelles tendances
chez le public à déporter son attention sur l’objet comme avec les vinyles.
Céline Telliez
Le danger est plus lié à la mentalité du "tout gratuit" induite par Internet.
Comment un éditeur dit "traditionnel" se lance sur l’édition
numérique ? Envisagez-vous des partenariats ? De la sous-trai-
tance ? Souhaitez-vous conserver les réalisations en interne ?
Céline Telliez
Nous avons l’habitude de tout faire en interne, ce qui reste assez rare pour une
maison d’édition où la maquette, par exemple, est souvent externalisée. Sur le
numérique, nous ne pourrons pas éviter de faire appel à l’extérieur, du moins
au début.
Dominique Tourte
L’objectif est de pouvoir tout maîtriser mais pas forcément en ayant toutes les
compétences en interne.
Quels sont vos projets dans ce domaine de l’édition numérique ?
Dominique Tourte
Nous avons des projets concrets dans le domaine du livre numérique comme
dans celui du multimédia.
Candice Gras
Nous avons actuellement deux types de projets.
D’abord, nous réfléchissons comment partir de certains de nos objets existants,
comme les catalogues d’exposition par exemple. Ce sont des documents qui
ont des ressources iconographiques très importantes qui ne peuvent pas être
entièrement présentées dans un catalogue. En outre, la reproduction de cer-
taines œuvres très minutieuses n’est pas forcément pertinente dans un livre.
Sans parler des œuvres multimédia qui ne peuvent pas prendre réellement place
dans un catalogue d’exposition papier. Le livre numérique ou enrichi permet-
trait d’éditer des catalogues d’exposition plus complets.
Ensuite, nous travaillons sur l’une de nos collections, Ekphrasis, pour laquelle
nous invitons des auteurs à écrire une histoire autour d’une œuvre à l’occasion
d’une exposition. L’idée est d’utiliser le numérique pour réinterpréter le texte
dans un objet enrichi qui permettrait une deuxième lecture.
Céline Telliez
Sur cette collection, l’utilisation du numérique peut être extrêmement intéres-
sante pour apporter des précisions sur les univers différents auxquels les au-
teurs peuvent faire référence à partir d’une œuvre. Par exemple, dans "Pazuzu"
de Marc Villard, les références à la mythologie ou à la religion pourraient être
développées, on pourrait ajouter du son ou un passage lu par l’auteur. Il existe
un florilège d’enrichissements à imaginer.
X
Couplée au crowdfunding (financement participatif),
l’auto-édition devrait poursuivre sa croissance. Selon
Publisher Weekly, KickStarter serait devenu le 2ème
éditeur de Comics aux Etats-Unis, en revenu net, juste
derrière Marvel et devant DC Comics. KickStarter a éga-
lement une forte activité dans les autres secteurs de
l'édition. Bien sûr, KickStarter n'est pas éditeur, c'est
une plateforme d'autofinancement. Mais il est intéres-
sant de mesurer le niveau de financement de ce type de
plateforme par rapport à des éditeurs traditionnels. Le
succès de l'auto-publication est encore bien différent en
Europe et notamment en France où les traditions d'au-
to-publication et de financement participatif sont moins
développées. Les premiers succès d'auteurs franco-
phones auto-édités sur les plateformes électroniques
(comme David Forrest) sont encore loin des auteurs
anglo-saxons qui ont dépassé le million d'exemplaires
sur Kindle et iBookStore.
36
37
Art Book Magazine (ABM) est la première librairie de
livres numériques dédiée à l’art contemporain. C’est la
Première application pour iPad spécialisée dans l’art
sous toutes ses formes. Dans cette librairie thématique
on trouve des beaux livres numériques sur la photogra-
phie, l’architecture, le design graphique, la typographie,
la bande dessinée, la culture numérique, les sciences
sociales, la littérature, des revues et des catalogues
d’exposition.
Le fondateur est parti de l’idée de créer une librairie
virtuelle singulière et pertinente au service d’éditions
épuisées ou à venir dans un secteur où la diffusion
physique est de plus en plus réduite à quelques points
de vente très spécifiques (librairies de musées principa-
lement) alors que l’édition d’ouvrages dans ce secteur
reste très dynamique, créative et qualitative.
L’auto-édition connaît une forte croissance, accé-
lérée par la naissance du marché du livre numérique
qui facilite la publication et la promotion d’un livre. Elle
consiste en la publication d’un livre sans passer par un
éditeur. Elle progresse déjà en France au rythme sou-
tenu de 30% par an depuis 2004, d’après les statis-
tiques de la Bibliothèque Nationale de France. Les livres
auto-édités représentaient déjà 12% du dépôt légal des
livres français en 2011, soit 1 livre sur 8. Les auteurs
auto-édités multiplient l’offre disponible, proposant un
choix plus vaste de livres aux lecteurs et contribuant
ainsi à rendre les librairies numériques plus attrayantes.
Plusieurs plateformes dédiées à l’auto-édition ont d’ail-
leurs vu le jour, certaines étant mises en ligne par les
maisons d’édition traditionnelles. La plateforme Kindle
direct publishing d'Amazon permet de créer son livre
et de l'éditer sur le Kindle Store. L’application iBooks
Author permet de créer simplement un e-book et de le
vendre sur l’Apple Store. Autre solution, Kobo Writing
Life. Pour ceux qui tiennent à obtenir une édition papier
de leur livre, d’autres sites proposent l’autopublication
comme lulu.com ou The BookEdition. Il est égale-
ment possible de citer Mon Best Seller, Smashwords
ou encore YouScribe. Enfin, il existe des plateformes
participatives où les internautes misent sur des auteurs
comme Bookly.Certains auteurs proposent, leur création en-dehors
des plateformes. Il s’agit souvent de projets innovants
autour de l’édition enrichie qui se développent via leur
propre interface dédiée, site Web et/ou application. Le
projet de série BD transmédia participative MediaEntity
en est un parfait exemple. La qualité et le succès au
rendez-vous, cette série interactive, née sur le Web et
autoproduite, sera au final également distribuée par les
éditions Delcourt en version papier.
l'art contemporain l'auto-édition
crowdfunding
projet inovantMalgré les défis, le champ des possibles offert
par le numérique est immense. De nouvelles fa-
çons de lire adaptées à la mobilité, à l’écran et à
l’interactivité sont en train d’émerger et restent
à inventer. Le livre en tant qu’objet tangible mais
connecté et utilisant de nouveaux matériaux
peut également réinventer la lecture en mélan-
geant papier et écran.
Le numérique exige de nouvelles compétences
et renvoie à de nouveaux métiers en regard des
métiers traditionnels de la chaîne du livre : qu’il
s’agisse de SSII spécialisées dans les méta-
données ou les agrégateurs, ou de producteurs
de contenus multimédias, les opportunités
de se positionner sur un marché économique
émergent existent et se multiplient pour les
acteurs du numérique. De nouveaux acteurs
émergent, d’autres profitent d’un marché au
dynamisme croissant.
Un élargissement de l’offre
Le numérique permet sans conteste d’élargir
l’offre. Les livres épuisés trouvent, par exemple,
une nouvelle vie dans le numérique et peuvent
ainsi être conservés. Entre 500 000 et 700 000
ouvrages publiés avant le 31 décembre 2000 et
désormais introuvables en version papier ou nu-
mérique dans les circuits traditionnels (librairies
et sites en ligne) sont concernés, selon une esti-
mation de la Bibliothèque nationale de France.
Même si, ici encore la question des droits d’auteur
est au premier plan, la numérisation d’ouvrages
épuisés permet un accroissement conséquent de
l’offre.
Des segments de niche profitent également du
numérique.
Les auteurs ne réussissant pas à signer avec des
maisons d’édition papier, ou voulant s’en affran-
chir, ont, quant à eux, l’opportunité de tenter de
toucher directement le public, soit via des sites
d’autoédition, soit en développant des projets
Web, souvent innovants.
4
des opportunités
38
39 De la maison d’édition à la so-
ciété de production ?
De nouvelles expériences de lecture repoussent
les limites traditionnelles de la narration naissent
dans le numérique. Elles intéressent particulière-
ment un public de non lecteur en révolutionnant le
secteur de l’édition par les contenus.
Plusieurs sociétés se sont déjà positionnées sur
le secteur en développement du livre enrichi.
292contents a, par exemple, lancé une offre
dans ce sens. En explorant de nouveaux modes
de narration multidisciplinaires, 292 développe
une offre de "NewBooks". Après le récit court Sha-
dow Puppets, 292 a lancé la production de la
série Civilized, dont les épisodes mêlent texte,
musique et illustrations.
Autres exemple, le studio Walrus a lancé deux
séries littéraires disponibles sur Immateriel,
iBookStore, Kindle ou encore Kobo.
Un glissement est d’ores et déjà indentifiable
avec les premières expérimentations de livres
enrichis. L’ère du numérique est l’occasion de re-
venir à un mode de production littéraire tel qu’on
pouvait en trouver au XIXe siècle : le feuilleton.
Dans une période dominée par les séries TV,
de nombreux acteurs de l’édition numérique en
France envisagent un fonctionnement similaire.
Les histoires maintenant ne sont plus nécessai-
rement des romans ou des nouvelles, mais des
saisons et des épisodes. Nous assistons à la
création d’un nouveau genre de production : la
série littéraire.
Le livre enrichi entraine un changement de para-
digme dans la création comme dans la narration.
Tout ouvrage ne se prête pas à l’enrichissement
et il y a fort à parier que livres homothétiques,
simples numérisation de livres papier, et livres
enrichis ou livres augmentés ou séries interac-
tives se développeront parallèlement, se croi-
sant parfois pour donner naissance à des pro-
duits hybrides.
L’intrusion du numérique dans le monde de l’édi-
tion pousse auteurs et éditeurs à repenser le livre
et les modes de narration pour apporter de la va-
leur à un ouvrage ou créer de nouvelles œuvres
originales uniquement numériques. L’intérêt d’en-
richir un roman historique de contenus vidéos ou
Nouveaux formats, utilisation d’éléments multimédias,
interactivité… le livre numérique est-il toujours un
livre ? Les éditeurs numériques de livres enrichis ne
sont-ils pas davantage des maisons de production ?
Sur un secteur émergent, les questions de vocabulaires
et de définitions demeurent floues.
Néanmoins, de nouveaux acteurs se sont créés sur
ce marché naissant du livre numérique et les produc-
teurs de contenus multimédias, qu’il s’agisse des stu-
dios de jeu vidéo, des acteurs de l’audiovisuel et de
l’animation, des designers d’interfaces ou encore des
graphistes, peuvent trouver un nouveau segment sur
lequel se positionner. En effet, les éditeurs traditionnels
ne possèdent pas forcément les compétences requises
en interne, techniques ou créatives, pour se lancer
dans la création de livres enrichis et les partenariats ou
sous-traitances pourraient se multiplier. Ces acteurs de
la création multimédia pourraient également se lancer
dans l’aventure du livre numérique à l’image de l’ancien
de chez Pixar, William Joyce qui a fondé Moonbot. Il a
créé "The Fantastic Flying Books of Mr. Morris", un film
mais également un livre enrichi en vente sous la forme
d’une application disponible dur l’Appstore d’Apple.
nouveaux acteurs  ?
sonores ou en intégrant des hyperliens vers des
ressources documentaires s’impose par exemple
de lui-même. Il n’en va pas de même pour un
roman littéraire même si la lecture d’un passage
par l’auteur peut toujours, par exemple, agré-
menter la lecture. Le storytelling prend toute sa
place dans l’émergence d’un nouveau mode de
narration mêlant écrit, vidéo, animation, son…
et prenant place dans un univers transmédia.
Mode de lecture linéaire et contenus délinéarisés
co-habitent en fonction du type de récit. Un vent
de créativité est néanmoins prêt à souffler sur le
monde de l’édition.
opportunités technologiques
Le passage au numérique dans l'édition induit
de nombreux besoins techniques. Qu’il s’agisse
de numérisation, de portage de livres papier vers
les nouveaux supports de mobilité, de besoins de
référencement, de recommandation, de traitement
des métadonnées (informations indispensables
– couverture, sommaire, auteur, éditeur, année,
version numérique/papier, format, prix, etc. – à
partir desquelles un livre peut être référencé, re-
trouvé et vendu) ou encore de stockage.
Le marketing social ou le traitement des données
bénéficient également du développement du livre
numérique. Ces évolutions technologiques ou
d’usages créent de nouvelles opportunités sur
un marché particulièrement dynamique. La péné-
tration d’acteurs traditionnellement étrangers au
monde du livre est de plus en plus forte.
Il existe par exemple un intérêt croissant porté
aux APIs, c’est-à-dire à de nouveaux modèles
économiques qui ne passent plus par la seule
vente directe de livres. Plusieurs sociétés se sont
d’ores et déjà positionnées dans la prestation de
services auprès des acteurs du livre.
Le développement du marché du livre numérique
dit homothétique offre de nouvelles opportunités
technologiques pour les SSII et autres sociétés
spécialisées dans la technologie Internet. Mais
l’émergence d’un nouveau type de livre, le livre
enrichi, ouvre également de nouveaux champs
d’activités aux acteurs de la création de contenus.
eTechs&comapgnie a lancé le eLaunchPad, un outil
vendu aux éditeurs comme un service permettant à
leurs auteurs de prendre en main la promotion de leurs
ouvrages à travers les réseaux sociaux.
eTechs&compagnie
Gutenberg Technologie édite simultanément un même
livre au format papier, web, tablette (iPad, Kindle) et
smartphone (iPhone, Android).
L’entreprise, implantée à Paris et New York, fournit
des solutions technologiques à des éditeurs de toute
taille. Elle travaille aussi avec des maisons d’édition
de grands groupes comme Pearson, McGraw-Hill, Cen-
gage, Hachette, Editis.
le projet : gutenberg
Comment présenter Encre Nomade ?
Encre Nomade est une société d’édition numérique actuellement spécialisée
dans les feuilletons interactifs pour adolescents sous la marque Season 13.
Un feuilleton comporte des épisodes publiés toutes les semaines. Il est inte-
ractif car le lecteur, si on peut l’appeler ainsi, interagit avec l’histoire. Parmi
les interactions proposées : un jeu vidéo par épisode ou encore des connexions
avec les réseaux sociaux. Il est en effet possible de communiquer dans l’his-
toire via ces différents réseaux ou de publier certaines parties de l’histoire.
Nous avons également prévu de proposer aux lecteurs de dessiner des illustra-
tions qui seront soumises au vote de la communauté avant d’être publiées dans
le feuilleton ; même chose pour les textes de l’histoire.
Des prestations pour des éditeurs ou d’autres marques à destination des plus
jeunes ou des plus vieux pourront également se développer dans le cadre de la
société Encre Nomade.
Ce média est donc exclusivement numérique ? Aucune édition papier
n’est envisagée ?
Une édition papier n’est pas exclue mais je ne l’envisage pas pour le moment.
Ce n’est d’ailleurs pas mon métier. Et puis, si nous proposons une version pa-
pier, nous perdons l’interactivité. Quel serait l’intérêt pour nous ? En outre, nous
éditons actuellement des textes courts qui ne se prêtent pas à une version papier.
Peut-on qualifier ces feuilletons de livre numérique ou livre
augmenté ou encore livre interactif ?
C’est une bonne question et j’avoue ne pas encore avoir trouvé la réponse !
C’est l’un des gros problèmes de ce marché. Il y a le livre homothétique, simple
version PDF d’un livre papier, le livre enrichi, qui comporte des images ou
vidéos ou son, et puis le livre interactif, qui propose des interactions au lecteur.
C’est comme pour tous les marchés naissants, il existe une période de flou dans
les définitions des termes employés. Finalement cette question du livre ou pas
livre est également liée à la manière dont on se positionne face à sa clientèle.
Donc Encre Nomade s’est jeté sur un marché naissant là ou
d’autres demeurent plus attentistes face aux questions de stan-
dardisation ou de modèles économiques ?
D’abord, je n’ai pas perçu ce marché comme un éditeur puisque je ne viens
pas du secteur de l’édition. Je ne me suis donc pas poser les mêmes ques-
tions. Lorsqu’on se positionne sur un nouveau marché sans provenir du même
secteur, on y entre avec des idées neuves. C’est d’ailleurs comme ça qu’on
innove ! Initialement, je ne me suis pas posé la question du format.
...
40
entretien avec :
Marie Seygnerole /
Season 13 – Encre Nomade
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  • 1. & les panoramas de la plaine // 05 mai 2013 site d'excellence et de convergence des métiers de l'image réalisé à l'occasion des 1ères rencontres de l'édition numérique - mai 2013 - Panorama opportunités numé rique édition -
  • 2. A l’heure du numérique, les industries créatives sont confron- tées à la transition du marché physique au marché digital. L’édition numérique représente un marché encore naissant par rapport à d’autres marchés pour lesquels la dématérialisation du contenu a commencé à s’opérer plus tôt (vidéo, musique). La nécessité de posséder une tablette ou une liseuse, le choix encore restreint de titres disponibles au format numérique ou encore les habitudes de consommation -la préférence pour le format "papier"- sont autant de raisons au décollage plus tardif du marché du livre numérique en France. Néanmoins, la révolution du livre est désormais en marche et laisse place à toutes les créativités. Le livre est en train d’être repensé. Cette publication vise à offrir un état de l’art du secteur en devenir de l’édition numérique. rédaction Blandine Lebourg - contact : blebourg@plaine-images.fr l’édition numérique sommaire I. Technologie - P02 / 05 - II. Usages et applications - P10 / 15 - III. Des défis - P20 / 25 - - P30 / 31 - IV. Des opportunités - P36 / 39 - Et demain ? - P44 - LES ENTRETIENS Léon Azatkhanian : directeur du CR2L - P06 / 09 - Nicolas Devos : Péoléo, Florence Rio : laboratoire Geriico Lille3 - P16 / 19 - François Pichenot : médiathèque de Roubaix - P26 / 29 - Dominique Tourte, Candice Gras et Céline Telliez : les éditions Invenit - P32 / 35 - Marie Seygnerole : Encre Nomade - P40 / 43 -
  • 3. Selon le rapport "E-Book" de l’Idate (décembre 2010), lemarché mondial du livre numérique devrait croître de 30% par an entre 2010 et 2015 pour atteindre 5,4 milliards d’euros en 2015, soit 12% du marché global du livre. Selon GfK (Bilan Consumer Choices du marché du livre en 2012), le CA du livre numérique en France a progressé de 80% en 2012. 2 millions de fichiers ont été téléchargés pour un montant qui dépasse les 20 mil- lions d’euros. Mais le livre numérique ne représente que 0,6% du marché du livre. En 2015, le livre numérique devrait représenter 3% de ce marché. Selon le cabinet Xerfi, à cette date, le marché du livre numérique représentera 15% du marché du livre grâce à une croissance de 115% par an des ventes de livres numériques. En Février 2013, 15% des Français ont déjà lu un livre numérique, contre 5% en février 2012, selon le "3ème baromètre Sofia/Sne/ Sgdl sur les usages du livre numérique" réalisé par OpinionWay. Selon Ipsos ("Les Français et la lecture au format papier, numérique et audio"), seulement 9% des Français auraient déjà lu un livre numérique à la même date. En 2012, 3,6 millions de tablettes (contre 1,5 million en 2011) et 300 000  liseuses, on été vendues en France. Selon GfK (Bilan Consumer Choices du mar- ché du livre en 2012). Le livre numérique ou e-book ne désigne pas une réalité unique. Il peut s’agir d’un livre dit "homothétique", c’est à dire une réplique du livre papier. Ce type de livre numérique compose la majorité de l’offre éditoriale actuelle et se retrouve dans les librairies en ligne. Il utilise principalement le format ePub, PDF ou Mobi. Ce dernier diffère du livre "enrichi" ou du livre "augmenté" ou encore du "livre application" qui intègre des éléments multimédias. Ces ouvrages sont parfois des œuvres tirées d’un livre imprimé mais agrémentés de vidéos, de son, de jeux, d’animations… Ils visent l’interactivité en faisant participer le lecteur au contenu. Ces ouvrages peuvent également être inédits, sans équivalent papier. Le livre numérique est un objet hybride qui, demain, aura peut-être une autre dénomination. quelques définitions quelques chiffres
  • 4. Pdf ePub AZW Mobi Kepub app formats ouverts formats propriétaires ... conçu par Kobo, et compatible uniquement avec ses propres liseuses. Ce format, baptisé Kepub, ajoute ou modifie des fichiers dans l’ePub afin de fournir des fonctions supplémentaires. Le livre applicatif nécessite également de se conformer aux différents systèmes d’exploitation des appareils mobiles comme iOS et Android. Face à ces différents formats, rendant parfois le livre inopérable sur certains supports, certains éditeurs peuvent faire le choix d’utiliser HTML5 pour développer un livre numérique sous forme de web app. Les formats d’édition numérique Le livre numérique peut être publié sous dif- férents formats : ePub, Mobi, PRC, AZW, CBR, CBZ et autres PDF. Certains sont ouverts mais d’autres sont propriétaires et souvent ainsi liés à un appareil de lecture. Le PDF (Portable Document Format) est un for- mat développé par Adobe dont la spécificité est de préserver la mise en forme d’un fichier (po- lices d'écriture, images, objets graphiques…) telle qu'elle a été définie par son auteur. Initia- lement utilisé lors du développement des livres numériques, ce format possède l’inconvénient de ne permettre qu’une simple duplication d’un livre papier, à savoir de publier des livres homo- thétiques. En outre, il ne s’adapte pas à la taille des écrans des différents supports de lecture et convient ainsi principalement à la lecture sur ordinateur même s’il peut être lu sur les dernières tablettes et liseuses. 2 3 Depuis quelques années, l’ePub s’impose sur le marché du livre numérique. L’ePub (publica- tion électronique) est un format ouvert standar- disé, développé par l’IPDF (International Digital Publishing Forum). La dernière version intègre l’HTML5 et ouvre la voie à de nombreuses exten- sions, notamment le développement de l'interac- tivité par l'ajout de contenus enrichis type mul- timédias. Ce format facilite en outre la mise en page en ajustant le texte au type d’appareil uti- lisé pour la lecture. Excepté le Kindle d'Amazon, toutes les liseuses sont compatibles avec le for- mat ePub. Diverses applications de lecture sup- portant l'ePub sont également disponibles pour les ordinateurs, les tablettes et les smartphones. Face à ces formats ouverts, plusieurs formats propriétaires coexistent. Le format AZW est, par exemple, le format exclusif d’Amazon (Kindle). Le format Mobi, développé par la société Mobipocket rachetée par Amazon, est également devenu un format Kindle, Amazon ayant développé tout un environnement numérique clos autour de son lec- teur de livres numériques. La Fnac a également développé un format propriétaire dérivé de l’ePub, 1 technologie
  • 5. Récemment l’éditeur américain Marvel a également lancé une offre par abonnement qui permet d’accéder à tous ses titres de comics en version numérique. Marvel unlimited est disponible via application sur l'AppStore et AndroïdStore. Les supports de lecture numérique La consultation des livres numériques peut s’effectuer sur une variété de supports qui présentent des fonctionnalités très différentes (écrans d’ordinateur, liseuses de livres électro- niques, smartphones et tablettes multimédias). Les supports les plus adaptés sont : La presse a majoritairement initié cette tendance dans le monde de l’édition. L’avantage est de per- mettre la lecture sur n’importe quel support sans passer par un magasin d’applications tout en of- frant une interactivité optimale. Les web apps per- mettent également aux éditeurs et développeurs d'optimiser leurs coûts de production. A l'inverse du développement d'une application native dé- diée à un type d'environnement d'exploitation et à un type de terminal en particulier, la web app peut en effet s'adapter d'emblée à bien plus de terminaux. Ce qui réduit les coûts de développe- ment initiaux par rapport aux développements de plusieurs applications natives (iOS, Android...), mais aussi ceux liés aux mises à jour. Certains inconvénients demeurent néanmoins comme le besoin de connexion Internet ou les problèmes éventuels d’affichage selon le terminal. Les canaux de diffusion du livre numérique Le développement de l’offre de livres numé- riques voit se multiplier les plateformes de distribution et de diffusion. Dans le cadre de la distribution du livre au format numérique, une plateforme peut être à la fois un système maté- riel et logiciel de stockage, de diffusion, de dis- tribution, de vente et d'achat du livre. Plusieurs modèles de plateformes ont émergé et différents acteurs se sont positionnés, des géants de la technologie et du Web aux librairies en ligne attachées à un marché domestique propre. La majorité des plateformes offre un accès au téléchargement depuis une boutique unique en ligne. Ce modèle est notamment utilisé par Amazon avec son Kindle Store ou par la Fnac et propose un couplage entre un distributeur de contenus et un terminal de lecture fermé avec un écosystème. Google, via Play, plateforme unique de conte- nus et d’applications en ligne de l’écosystème Android, favorise un modèle qui repose essen- tiellement sur le cloud axé sur la connectivité et la mobilité : Google Play Livres. Apple avec son iBookStore propose un modèle similaire. Mais les deux acteurs offrent également des ma- gasins d’applications qui jouent aussi un rôle de distribution et de diffusion en proposant souvent des contenus plus hybrides. Il s’agit du modèle qui offre des applications basées sur des sys- tèmes d’exploitation propriétaires. Ces plateformes fonctionnent sur un modèle de distribution centralisée, où l'offreur de service maîtrise toute la chaîne du processus. Des modèles hybrides, proposant abonnement et vente à l’unité, sont également mis en place comme chez Publie.net. Certains préfèrent néanmoins recourir à des pla- teformes intermédiaires qui offrent un système de distribution en fonctionnant comme un réseau de libraires. C’est le cas d’ePagine ou de Numilog. Les éditeurs peuvent également choisir de mettre en place leur propre plateforme de vente de livres numériques. Un autre modèle émerge de plus en plus : celui de la plateforme de streaming basée sur l’abonne- ment. Sur un principe similaire à celui adopté par de nombreuses plateformes musicales, l’utilisa- teur paie un abonnement lui permettant d’accéder aux contenus du site sous un système de licence. Les livres sont alors lus en streaming et non té- léchargés. Ce modèle a d’abord été adopté par des revues scientifiques, mais il a également été choisi par certains éditeurs, notamment de livres scientifiques, techniques ou de niches comme Safari d'Oreilly ou Publie.net. 4 5 Les liseuses servent, principalement voire uniquement, à lire. Elles disposent de fonctionnalités simples, avec par exemple une bibliothèque, un dictionnaire intégré, ou encore des réglages du visuel comme le contraste ou le zoom. Leur taille n'est que de 6 pouces, ce qui leur donne un poids léger compris entre 170 et un peu plus de 200 grammes. L'écran est sys- tématiquement en noir et blanc (la technologie d’encre électronique en couleur n'est pas encore au point, mais devrait émerger en 2013), certaines sont tactiles, mais d'autres, comme le leader du marché le Kindle, ne le sont pas. La plupart ont désormais une connexion Wi-Fi et une mémoire d'en moyenne 2Go. Leur autonomie est beaucoup plus importante que celle des tablettes, puisque la plupart peuvent tenir de 3 semaines à 1 mois sans être rechargées. Leur prix est également plus bas. Parmi les liseuses les plus populaires en France : le Kindle d’Amazon, le Kobo de la Fnac ou encore le Cybook de Bookeen. Les tablettes sont centrées sur une utilisation multimédia, en particulier la consultation d'Internet : réseaux sociaux, recherche, mails, agenda, lecture de journaux en ligne, visionnage de vidéo... Dans la majorité des cas, l'écran est en cou- leur, tactile, mesure entre 7 et 10 pouces. L'objet pèse de 550 à plus de 750 grammes et possède une autonomie allant de 5 à 9 heures environ, variant selon les fonctionnalités dont on se sert et la fréquence d'utilisation. Toutes possèdent une connexion internet en Wi- Fi simple ou en Wi-Fi et 3G. marvel
  • 6. Pouvez-vous vous présenter et expliquer ce qu’est le CR2L ? Quelles sont ses activités ? Je dirige le Centre Régional des Lettres et du Livre depuis sa création en 2008, à l’initiative du ministère de la Culture et du Conseil Régional. Création tardive et attendue depuis longtemps puisque le Nord – Pas de Calais était quasiment la dernière région française à ne pas être dotée d’une structure régionale pour le livre. Le CR2L est une plateforme de coopéra- tion dont le but est de promouvoir et favoriser le développement de la vie littéraire, de la lecture publique, de l’économie du livre et du patrimoine documentaire d’intérêt régional. Nous organisons des journées d’étude, des rencontres littéraires, animons de nombreux groupes de travail sur des sujets aussi divers que la formation continue, le patrimoine musical, les nouveaux services en ligne dans les médiathèques… La partie visible de notre travail, pour le grand public, est le portail régional Eulalie.fr, centre de ressources virtuel, et la revue imprimée Eulalie, diffu- sée gratuitement dans de très nombreux lieux culturels en région. Lorsqu’on parle d’édition numérique, le vocabulaire semble encore mal défini… Quelle en serait votre définition ? comment définiriez vous : livre numérique, livre augmenté, livre enrichi ? Le livre numérique est une transposition homothétique du livre papier qui respecte peu ou prou les modalités de la lecture classique, c’est-à-dire li- néaire. Le livre enrichi suppose l’existence préalable d’un livre classique et ajoute à ce premier modèle des fonctionnalités et des ressources permises par l’architecture multidimensionnelle du numérique : dictionnaire intégré, liens hypertextes, ressources connexes telles que documents audiovisuels, etc. Le livre augmenté qu’il serait plus juste, selon moi, d’appeler "œuvre multimédia avec du texte" relève d’un autre mode d’appropriation qu’on appelle la lecture numérique, à la différence de la lecture classique. Dans ce modèle, un contenu éditorial (système d’information à valeur artistique, documentaire ou ludique) est élaboré nativement selon un mode de produc- tion et d’appropriation non linéaire, interactif, modulable et, surtout, non transposable dans la matérialité du papier. Quels sont les défis et enjeux de l’édition numérique ? Ils sont au nombre de trois : économique, culturel et esthétique. Le premier est un bouleversement de la chaîne de redistribution de la valeur ajoutée entre les maillons traditionnels de la chaîne économique du livre, son éco- système. Le deuxième concerne l’avenir de la bibliodiversité de notre pay- sage littéraire et éditorial, permise aujourd’hui par le pluralisme du réseau de librairies. Le troisième touche à la création elle-même : le livre augmenté, tel que je viens de le définir, augure-t-il un nouveau mode d’expression artistique, avec sa grammaire propre, son vocabulaire ?… 6 entretien avec : Léon Azatkhanian, directeur du CR2L (Centre régional des Lettres et du Livre Nord - Pas de Calais) Le point de vue d’un expert
  • 7. Vers quels modèles (économiques, relations entre les acteurs de la chaîne de l’édition, auteurs….) pourrait-on évoluer ? On ne peut faire que des conjectures. Une chose est sûre, le marché, qui n’est pas extensible à l’infini, devra faire une place aux nouveaux entrants : plateformes de vente en ligne comme Amazon ou E-Bay, portail d’abon- nement à des contenus éditoriaux, comme Iznéo, spécialisé dans la BD, site d’auto-édition et d’édition en ligne comme Publie.net, studio d’édition "pure player" comme Byook ou Péoléo dans notre région, agents littéraires- éditeurs sur le modèle d’Andrew Wylie avec Odyssey éditions, pour ne prendre que quelques exemples. Comment les acteurs historiques de l’édi- tion vont-ils se positionner ? La librairie indépendante, par exemple, agent essentiel de la bibliodiversité, pourra-t-elle s’adapter au marché de l’édition numérique ? Quel sera l’avenir des éditeurs, en tant que marque ou label, si les auteurs "commerciaux" deviennent leur propre marque et traitent direc- tement avec les plateformes en ligne type App store ou Amazon ? Autant de questions qui restent, pour l’instant, sans réponse. Quels sont, selon vous, les impacts majeurs engendrés par la dématérialisation du livre ? Avec la multiplication de l’offre sur le net, il faut repenser les instances intermédiaires de qualification et de prescription. Puisque tout devient ac- cessible sur le même plan par un simple clic, Harlequin et Julien Gracq, le livre augmenté de Célia Houdart et le bricolage multimédia de mon voisin … Comment rendre visible ce qui mérite de l’être ? Comment, dans ce nuage indifférencié, faire émerger les formes et des figures susceptibles de faire avancer notre compréhension du monde et de nous-même ? Quelles actions sont menées par le CR2L sur ce sujet ? Nous venons de créer, par exemple, un groupe de réflexion sur les nouveaux services en ligne dans les bibliothèques. Avec une trentaine de responsables d’établissements de lecture publique de la région, nous nous posons la question de la médiation des contenus numériques. Encore un nouveau métier à l’horizon… Nous organisons régulièrement des journées d’étude sur la question du numérique, sous l’angle de la commercialisation, à des- tination des libraires indépendants, ou en interrogeant les nouveaux modes de création, cette "ittérature hors les livres" qui émergent sur le net. Avec les Rencontres de l’édition numérique, le 23 mai prochain à l’Imaginarium, nous voulons continuer à réfléchir ensemble à l’avenir de nos métiers. 9 X
  • 8. Selon le "3ème baromètre Sofia/Sne/Sgdl sur les usages du livre numérique", le paiement à l’acte reste privilégié par les lecteurs de livres numériques (63%), devant le prêt numérique (21%), l’abonnement (7%) ou la location (7%). Mais, seuls 55% des lecteurs de livres numériques ont acquis la plupart de leurs livres en payant, contre 44% gratuitement, l’écart se réduisant légèrement entre ces deux modes d’acquisition. L’acqui- sition de livres numériques se fait principalement sur les sites des géants de l’Internet comme Amazon, Google Play ou encore l’AppStore d’Apple (39% des lecteurs de livres numériques) ou de grandes surfaces spéciali- sées comme La Fnac (24%) et sur les sites internet des libraires (18%) mais aussi plus directement et, c’est une pratique en hausse, via une recherche directe sur les moteurs de recherche (21%). A noter que les lecteurs de livres numériques acquièrent certains de ces livres directement sur des sites d’éditeurs (10% d’entre eux) et sur des sites d’auteurs (7%). Les sites spécialisés dans la vente de livres numériques, comme Numilog ou Immatériel, ne représentent, quant à eux, que 6% de l’acquisition de livres numériques. Par rapport à mars 2012, les sites d’opérateurs inter- net restent largement dominants, les sites de grandes surfaces spécialisées ont baissé (passant de 30% à 24%) et les sites d’éditeurs ont légèrement augmenté (passant de 8% à 10%). 10 11 reflets en extérieur, et bien sûr de la technologie de l’encre électronique. Mais, l’utilisateur pourrait se détourner d’un appareil spécifiquement dédié à la lecture pour favoriser un support unique qui permet, outre une lecture plus enrichie et un accès aux livres applicatifs, une utilisation multimédia plus large (vidéo, musique, jeux, navigation Internet…) En effet, le livre enrichi est majoritairement accessible via les magasins d’applications et non les librairies en ligne et ne peut être lu qu’au travers d’une tablette multimédia. Cependant, plusieurs types d’utilisateurs se des- sinent. Les "grands lecteurs" semblent conserver une préférence pour les appareils spécifique- ment dédiés à la lecture. Une étude réalisée par la MOTif et le médialab de Sciences Po, "Pratiques de lecture et d’achat de livres numériques" (février 2013), montre, que si le taux d’équipement des sondés en tablette est assez élevé, seulement 16% utilisent ce type de terminal en tant qu’appa- reil de lecture principal. Les utilisateurs de liseuse représentent quant à eux 68%. Mais les personnes interrogées sont principalement de "grands lec- teurs" (en moyenne 6 livres par mois) et sont des "adopteurs précoces" dont la conversion au numérique est justifiée par des avantages tech- niques comme la quantité de livres embarqués. Cette population intéressée par la lecture possède des particularités qui la distingue des autres utili- sateurs qui feront basculer le livre numérique vers la consommation de masse et pourraient préférer un appareil mobile multimédia unique. En France, le livre numérique n’est toujours pas venu bouleverser les habitudes de consomma- tion, contrairement aux Etats-Unis où il connaît un véritable envol (23% du chiffre d’affaires des éditeurs en 2012 selon l'Association des édi- teurs américains). Les Français sont pourtant dans une phase d’acquisition des équipements nécessaires à la lecture numérique et les usages nés avec la démocratisation du Web 2.0 et des appareils mobiles se transposent naturellement à certains secteurs de l’édition. Tablette vs liseuse Selon le "Baromètre de l’économie numérique" (5ème édition, 4ème trimestre 2012), publié par la Chaire Economie Numérique de l’université Paris- Dauphine, la tablette est l’outil le plus utilisé pour la lecture de livres numériques, puisque 45,1% des sondés en font leur appareil de lecture. La liseuse arrive en 2ème position avec 29,5%. Si le smartphone arrive en 3ème position, avec 26,7%, il pourrait rattraper la liseuse comme support de lecture grâce à l’agrandissement généralisé des écrans et à l’apparition des phablets (un device mi-smartphone et mi-tablette comme le Galaxy Note de Samsung). Enfin, l’ordinateur portable est utilisé comme support par 26,1% des sondés et l’ordinateur fixe par 16,3%. Entre des smartphones dont les tailles d’écrans s’agrandissent, des tablettes dont les tailles d’écrans diminuent et donc inévitablement la ren- contre des deux au format Phablet, la concurrence est rude pour la liseuse noir et blanc actuelle. Selon le cabinet d’étude Forrester Research, 140 millions de tablettes ont été vendues en 2012 à travers le monde et on devrait atteindre les 200 millions en 2013. Aux États-Unis, il s’est vendu 9 millions de liseuses en 2012, contre 15,5 mil- lions d’unités en 2011. Et ce chiffre devrait conti- nuer à baisser. Le cabinet d’analyse prévoit 7,5 millions de ventes en 2014. La liseuse possède certes plusieurs avantages. Il s’agit d’un appareil à part pour la lecture et, contrairement à la tablette, doté d’une autono- mie record, mais aussi d’un poids léger pour la prise en mains, d’un écran qui ne génère pas de comportements d'achat 2 usages et applications 26,1% 16,3% 26,7% 45,1% 29,5% les supports de lecture de livres numériques en pourcentage d'utilisation
  • 9. 12 13 La société Tactus propose une tablette dédiée à l’uni- vers de le cuisine : Cuisinix. Cette tablette présente un véritable portail de cuisine : 20 catégories permettent d'organiser simplement le contenu, parmi lesquelles recettes, intégrant des sites gratuits de recettes comme Marmiton, nutrition et santé, ou encore gestion de planning pour organiser les repas. Cuisinix permet également de surfer sur Internet, de lire ses mails, de regarder des vidéos, des photos ou bien d'écouter la radio. Des applications peuvent en outre être ajoutées : jeux, réseaux sociaux... cuisinix Maison d’édition numérique "La souris qui raconte" propose des ouvrages dont les enrichissements sont au service et non au détriment du texte. La littérature jeunesse témoigne de l’impact du numérique sur le livre car écrire pour le numérique (narration participative, interactive) et interagir avec l’image, le son et le mou- vement sur supports tactiles est différent que d’écrire pour le papier. la souris qui raconte Des usages plus ou moins dé- veloppés selon les domaines d’édition Si l’offre numérique sur la littérature générale de- meure réduite et se compose principalement de livres homothétiques, d’autres contenus éditoriaux ont une offre plus large et certains domaines de l’édition développent une offre de livre enrichi. Certains genres et certains domaines se prêtent en effet mieux aux avantages du numérique dans l’édition. Le domaine de l’édition culinaire four- mille par exemple d’expériences de livres enrichis. La littérature jeunesse se prête également parfai- tement au numérique. Le livre enrichi représente d’ailleurs un outil de formation et d’apprentissage en devenir dans les écoles et les lycées. Le secteur culinaire témoigne de l’impact du développement de la mobilité et de l’usage des tablettes multimédias, comme de la démocra- tisation du Web 2.0, sur l’édition. Si l’édition culinaire traditionnelle se porte bien, l’avis des consommateurs, le désir d’échanger des recettes, des bonnes adresses, d’obtenir des avis actuali- sés et géolocalisés sont autant de nouveaux ser- vices attendus que l’imprimé ne peut pas appor- ter ; des services nés de l’utilisation d’Internet et des réseaux sociaux avec la multiplication des sites, blogs et autres réseaux dédiés à la cuisine et agrémentés de vidéos, d’images ou de géolo- calisation comme Marmiton.org ou Food Reporter. L’édition numérique s’impose donc naturellement à un secteur dans lequel les usages multimédias sont déjà bien ancrés. Elle témoigne en outre, com- parativement à l’édition culinaire traditionnelle, d’un changement de rapport au lecteur. Du simple échange commercial à l’intégration du lecteur dans une communauté et à l’apport de services en adéquation avec les usages, un changement d’esprit doit s’opérer dans le cadre de l’édition nu- mérique. De nouveaux produits comme les livres culinaires applicatifs (Mon cours de cuisine Mara- bout, iGourmand…) illustrent cette lame de fond. Mais dans ce domaine d’édition comme dans les autres, papier et numérique ne s’opposent pas. Ils se complètent. Comme le révèle une enquête réalisée par le site 750 grammes au printemps 2011, 75% des blogueurs culinaires s’inspirent de livres de cuisine et en possèdent de nombreux. Des expériences utilisant le numérique se déve- loppent sur des supports papier comme sur des supports multimédias. Les éditions Flammarion ont, par exemple, publié un livre de recettes, "Bon !" enrichi avec des QR codes permettant à l’utilisateur de visionner les techniques culinaires directement sur son smartphone. Autre secteur qui s’adapte de plus en plus au numérique : la littérature jeunesse. Entre les ePub jeunesse enrichis et les applica- tions de lecture, qui tendent souvent autant vers le film que vers le jeu, il existe un univers en pleine ébullition. L’intérêt du livre numérique en termes de contenus didactiques fait l’objet d’une relative unanimité, dans la mesure où il peut se rappro- cher du livre d’activité ludo-éducatif, mais dont l’interactivité est facilitée par les supports de lec- ture numérique, notamment les tablettes tactiles. Ces dernières sont d’ailleurs attractives pour les jeunes enfants et favorisent une réelle proximité avec le contenu, une véritable implication. Dans le domaine de la littérature jeunesse, les offres de livres enrichis sont ainsi plus développées que dans certains autres secteurs, l’intuitivité des sup- ports et l’intérêt cognitif étant parfaitement adaptés à la jeunesse. Les nombreuses illustrations pré- sentes dans la littérature jeunesse sont en outre plus adaptées à des versions enrichies. Le ministre de l’Education Nationale, Vincent Peillon, a d’ailleurs annoncé, début 2013, une volonté de réforme pour introduire davantage le numérique à l’école.
  • 10. 14 15 Le projet "La France vue par les écrivains" expéri- mente un nouveau genre éditorial qui pourrait prendre son essor. Ce projet né en Limousin avec Géoculture propose de découvrir la région à travers le regard que des artistes ont posé sur elle. 630 extraits d’œuvres sont déjà mis en ligne. Cette idée, initialement portée par le Centre régional du livre en Limousin, a ensuite été étendue à toute la France, pour la partie littéraire, à travers la Fédération interrégionale du livre et de la lecture, grâce au soutien de plusieurs organismes publics. Une série de docu- ments complémentaires peuvent être rattachés à l’ex- trait de texte géolocalisé : lecture par l’auteur, informa- tions bibliographiques, liens extérieurs, iconographie, vidéos, etc. Un renvoi sera fait très prochainement vers les librai- ries et bibliothèques les plus proches afin de permettre l’achat ou l’emprunt. géolocalisation française D’autres expérimentations se veulent unique- ment numériques. Parmi ces nouvelles expé- riences, le cartographie littéraire ou géolocalisa- tion de contenus littéraires émerge. Outre les itinéraires, sortes de promenade litté- raire géolocalisée, la géolocalisation, par sa force immersive, permet une approche renouvelée de la lecture. L’été 2012 a, par exemple, vu le lance- ment de "The Silent History", feuilleton numérique ayant l’originalité d’inclure des reportages com- plémentaires accessibles uniquement lorsque le lecteur est identifié à un endroit déterminé dans le monde. L’éditeur italien Rubbettino a mis en scène et géolocalisé une partie de son catalogue sur site et via une application pour un "Voyage en Calabre" proposant plus de 1 000 extraits se rapportant à quelques 200 lieux. La géolocali- sation dans le monde de l’édition prend déjà la forme d’une pratique populaire : les fans d’Harry Potter à Londres, de Millenium à Stockholm ou de Carlos Ruiz Zafón à Barcelone partent sur les traces réelles de leurs héros de papier. Les usages relatifs au livre numérique se déve- loppent variablement selon différents types d’utili- sateurs et différents secteurs éditoriaux. D’autres usages émergent et émergeront. Néanmoins, des freins apparaissent à ce développement. L’introduction des technologies instaure inévita- blement une nouvelle relation entre le livre et le lecteur. La réalité augmentée est souvent utilisée pour offrir de l’interactivité au livre papier. Dans "Chroniques de Zaak Izbaak" de Matthieu Les- trade, Camille Ledent, Wesley Wilquin et Étienne Rols, le livre combine livre en pop-up et contenus en réalité augmentée. Il permet aussi au lecteur d’interagir avec l’histoire en manipulant certaines images qui enclenchent des changements. Pions et téléphone / Démonstration d’un jeu utilisant des pions et un téléphone. Les pions doivent se rapprocher entre eux à travers un dialogue typographique. Le livre qui tourne ses pages tout seul / Le livre qui tourne ses pages tout seul est un prototype de livre tournant ses pages d’une manière autonome. Suivant l’action du lecteur, qui manipule le petit joystick intégré au livre, le livre tourne ses pages jusqu’à la suite choisie de l’histoire. Le livre peut aussi communiquer avec un téléphone por- table et influencer le jeu se trouvant dans le téléphone (par exemple, le fond du jeu peut changer suivant la page ouverte du livre). Le jeu peut aussi faire tourner les pages du livre (par exemple, les pages du livre tournent d’elle-même lorsque le joueur termine un niveau). Expériences et pratiques de lecture Selon l’étude du MOTif et du médialab de Sciences Po, "Pratiques de lecture et d’achat de livres nu- mériques", du papier au numérique, les pratiques de lecture se prolongent plus qu’elles ne se rem- placent. Un lecteur qui possède plusieurs termi- naux numériques ne se défait pas pour autant de son attachement à la lecture papier. Le numérique ne fera pas disparaître le papier. Mais de nou- velles expériences de lecture pourraient voir le jour, de nouvelles formes de lecture adaptées aux écrans. L’interactivité et l’enrichissement de contenus que permet le numérique réinventent en outre la façon de lire. Les nouvelles expériences de lecture proposées peuvent séduire un nouveau public et attirer de nouveaux lecteurs. Plusieurs expérimentations visent notamment la complémentarité des supports : écran et papier se marient. Si les livres numériques cherchent souvent à ressembler au papier, ou du moins à recréer l’expérience de lecture du livre papier, ce dernier, lui, cherche l’interactivité. De nombreuses expérimentations existent dans ce domaine. Les technologies qui permettent de rendre le livre pa- pier connecté et interactif sont en effet très nom- breuses et offrent une multiplicité de potentialités. La technologie permet d’enrichir le livre papier en ajoutant des éléments que l’on ne peut pas mettre sur le support papier : vidéos, sons et animations. Les Editions Volumiques créent, depuis plusieurs années déjà, des prototypes mêlant papier et écran. "Un livre sonore" nécessite par exemple de glisser un iPhone dans un étui pour que le lecteur déclenche des sons en posant son doigt sur le papier. L’écran disparaît au profit d’une interaction entre textes, images et sons. Les éditions Volumiques travaillent notamment sur des prototypes de jeux basés sur des livres. "Le livre qui voudrait être un jeu vidéo" est, par exemple, un livre augmenté de nombreux capteurs grâce à Arduino. volumiques
  • 11. Pouvez-vous vous présenter et expliquer votre col- laboration ? Nicolas Devos Je suis directeur de création et scénariste chez Péoléo. J’ai rencontré Sté- phane Chaudiron et Florence Rio, du laboratoire Geriico de Lille 3, dans le cadre de l’appel à projets du Pôle Images NPdC, "expériences interactives", dont l’objet est de créer un consortium entre une entreprise et une univer- sité. Péoléo avait postulé avec un projet qui se nomme Drakerz Confron- tation. Il s’agit d’un jeu de cartes en réalité augmentée. J’assure la partie direction de création et d’écriture sur ce jeu. Dans la continuité de ce jeu, nous travaillons sur un livre papier, que nous appelons pour le moment "livre augmenté" car il intègre des éléments interactifs. Ce livre partage le même univers que Drakerz. Florence Rio Je suis Maître de conférences en Sciences de l’information et de la com- munication et j’appartiens au laboratoire Geriico de l’université de Lille 3. Mes objets d’étude tournent essentiellement autour des productions pour la jeunesse, pour les adolescents. Initialement, j’ai beaucoup travaillé pour la presse mais travaille de plus en plus sur le livre numérique, en particulier sur le livre augmenté, le livre enrichi et l’ensemble des types d’augmen- tation qu’il est possible d’imaginer, aussi bien le transmédia que la réalité augmentée ou toute autre chose. Le projet de Péoléo a intéressé le labora- toire Geriico à ce titre. En outre, je suis directrice de la formation Métiers du livre qui est à Tourcoing et dépend de l’université de Lille 3. Le projet Drakerz croise ainsi plusieurs centres d’intérêts. Le but de cette collaboration est de travailler sur les usages, sur les pra- tiques de lecture. A partir du prototype actuellement développé par Péoléo, nous commencerons par une analyse des usages et de la réception de ce genre d’objet chez les adolescents. Ce prototype mêlera récit papier, game- play et réalité augmentée. L’idée est de réunir un panel représentatif pour étudier les comportements face à un objet hybride et nouveau. Nicolas Devos Avec Drakerz Confrontation, le jeu de cartes en réalité augmentée, nous avons été confrontés à des barrières d’usage. Notre ambition est d’immer- ger le joueur dans un continuum : de l’objet physique, la carte de jeu, jusqu’à l’univers virtuel, le jeu vidéo. Notre joueur doit pouvoir jouer avec ses cartes réelles à plusieurs autour d’une table mais aussi se connecter et jouer à distance grâce à la reconnaissance des cartes par la webcam de l’ordinateur. Or, utiliser l’ordinateur pour jouer avec un jeu de cartes réel pose de nombreuses questions en termes d’ergonomie. A ma connaissance, il s’agit du premier jeu sur PC à proposer cette expé- rience où la réalité augmentée est aussi intimement imbriquée dans le game- play. C’est dire que nous avons été confrontés à des usages totalement inédits. ... 16 entretien avec : - Nicolas Devos de Péoléo - - Florence Rio du laboratoire Geriico Lille3 - autour du projet de récit transmédia augmenté : Drakerz Point de vue croisé d’un pure-player et d’un laboratoire de recherche
  • 12. Cela pose d’ailleurs la question de la pérennité de ce genre d’ob- jet : dans 10 ans aura-t-on toujours accès à cet univers virtuel ? Le livre, qui est certainement l’objet le plus pérenne qu’ait connu l’édition, prend un caractère éphémère avec le lien au numérique. Ces questionne- ments sont intéressants en termes de recherche. Nicolas Devos En effet, l’existence de l’univers virtuel pour le livre Drakerz est égale- ment liée a minima à l’existence de notre site Internet. Mais le récit reste "débrayable", le lecteur / joueur peut "embrayer" pour être actif face au récit ou "débrayer" et retrouver une position passive face à l’histoire. Du point de vue du chercheur, quel est l’apport d’une collabo- ration sur ce type de projet d’édition ? Florence Rio Une telle collaboration est un objet d'étude très intéressant pour la com- munauté scientifique. Les résultats des phases de tests sur ce projet seront communiqués via des participations à des colloques ou des séminaires de recherche. Nous partons d'ailleurs prochainement au Québec faire part de nos premiers résultats. Ce sont essentiellement des enjeux scientifiques. Indépendamment de ce prototype en particulier, nous réfléchissons égale- ment sur le sujet à travers d’autres collaborations. À terme une publication scientifique sous forme d'ouvrage de recherche peut être envisagée si nous réussissons à collecter assez de données pertinentes. Où en est la recherche sur ce sujet de l’édition numérique ? Florence Rio Pour le moment, le sujet est assez discuté mais peu de réelles recherches ont été menées. Il y a très peu de résultats issus d’études concrètes sur les usages comme c’est le cas avec le prototype de Péoléo. Il existe un groupe de recherche sur le livre numérique au sens large, E- book, issu d’une collaboration entre trois universitaires, et dont l’objectif est de faire un état des lieux de ce qui existe. Françoise Paquien-Seguy, Professeur des Universités, Sciences Po - Lyon, a par exemple publié un panorama des études existantes sur le sujet. On y prend conscience que, si de nombreuses personnes s’y intéressent, il existe peu d’études sérieuses sur le sujet. Et, si tous les éditeurs traditionnels en parlent, peu se lancent sur ce segment car il existe de vraies contraintes en termes de coûts pour des questions de développement et de conception. Le livre numérique est difficilement rentable pour le moment face à un modèle économique délicat. La recherche s’intéresse à tous ces sujets, usages comme modèles économiques, mais il est parfois difficile d’avoir le recul nécessaire, d’autant que ce secteur bouge très vite. Par exemple, le fait d’avoir les cartes en main ne permet pas de manipuler la souris ou le clavier et entrave le dialogue par chat avec un autre joueur. Autre problème auquel il a fallu faire face : le positionne- ment de la webcam en fonction des ordinateurs modifie le positionnement de la carte à placer devant la caméra. Cela entraine la nécessité de prendre en compte de nombreuses configurations différentes en vue de trouver une expérience de jeu homogène entre les joueurs. Au final, je pense que nous avons levé les barrières d’usage liées à un "jeu de cartes augmenté". Mais nous aurions certainement gagné du temps sur la conception si nous avions pu bénéficier de la phase d’analyse que nous avons enclenchée avec le laboratoire GERIICO pour notre projet de livre augmenté. Ainsi, nous avons décidé de partager l’exploration du concept de "livre augmenté" pour faire intervenir des chercheurs et appréhender les usages en amont de la conception. De nombreuses questions sont présentes face à l’utilisation du livre comme médium : comment le joueur va se comporter avec l’objet livre derrière son écran ? Comment va-t-il le manipuler ? Comment décrire ce livre ? Quel est le parti pris ? Nicolas Devos Péoléo se positionne en tant que studio de jeu vidéo mais aussi en tant qu’éditeur. Pour nous différencier en tant qu’éditeur, nous avons voulu tis- ser des liens très forts entre l’objet physique et l’univers virtuel. Ce livre proposera un récit totalement autonome, sous forme de nouvelle, qui peut être lu indépendamment de tout enrichissement. Mais le joueur, peut reprendre des parties de l’histoire et réorienter l’évolution de cette histoire en faisant par exemple un choix à la place de certains personnages de la fiction. Le livre, comme nos cartes, devient un objet magique qui va augmenter la réalité du joueur. Le livre devient un périphérique de jeu à part entière, dont la narration "dans le texte" se double d’une narration "dans le jeu". Nous nous situons dans l’innovation totale car il ne s’agit pas d’un livre numérique. Le récit se déploie sur le numérique et sur un livre papier. L’idée était de trouver le médium le plus adapté au récit transmédia et au déploie- ment de l’univers narratif de DRAKERZ Confrontation : le livre s’est ainsi imposé mais dans le cadre d’un métissage avec le numérique. Florence Rio A l’heure actuelle, il existe un vrai problème de dénomination. Le projet de Péoléo n’est clairement pas un livre numérique. Cela se rapproche du livre enrichi qui sous-entend l’existence d’un support physique enrichi d’autres médias autour du même univers, c’est ce qu’on appelle le transmédia. Pour d’autres, le livre enrichi est un support numérique enrichi de contenus nu- mériques. La question de la dénomination reste entière. Cathy’s book, pu- blié par Bayard, est un exemple de ce que je qualifie de livre enrichi puisque le livre est autonome mais tout un univers virtuel est également accessible (site Internet, médias sociaux, blog, répondeur vocal…). 19 X
  • 13. 20 21 font pas) est rarement abordé pour la musique et le cinéma. Pour le livre, l’étude du Motif est frap- pante : l’inadaptation des éditeurs légaux conduit à l’édition illégale décuplée par les équipements domestiques performants et la facilité d’échanges sur Internet. Néanmoins, le piratage effraie les éditeurs qui multiplient les initiatives pour se prémunir de ce phénomène mineur dans le livre numérique. En octobre 2012, Le Syndicat National de l’Edition (SNE) et six groupes d’édition (dont Hachette, Editis, Gallimard, Albin Michel) ont, par exemple, déposé une action en justice pour contrefaçon à l’encontre du site de téléchargement de livres nu- mériques piratés, Team AlexandriZ. La protection des fichiers est également courante. DRM (Digital Rights Management, programmes intégrés aux fichiers numériques permettant de restreindre les conditions d’utilisation) et tatouages sont inté- grés aux livres numériques dans l’objectif affiché de protéger les ayants droits. La question de la liberté d’échange du livre numé- rique (gratuitement, ou pas, à l’image du livre d’occasion) demeure ainsi plus que jamais d’ac- tualité. Avec les livres papier, la pleine propriété des supports était garantie après l’achat de l’ouvrage. Le lecteur pouvait exercer librement tout un ensemble de facultés, du moment qu’il ne faisait pas de copie de l’ouvrage : le trans- porter, l’annoter, le prêter, le donner, le revendre même, sans que le droit d’auteur n’ait rien à redire. Avec le livre numérique, les choses sont complètement différentes et même après l’achat du fichier, les prérogatives du lecteur demeurent étroitement conditionnées par le droit d’auteur et la volonté de protéger le livre numérique du piratage. Le canular, qui avait circulé en mai 2012, selon lequel l’acteur Bruce Willis entendait attaquer Apple en justice afin d’obtenir le droit de transmettre à ses enfants après sa mort les morceaux de musique achetés sur iTunes avait fait grand bruit et montre bien ce problème de l’appauvrissement des droits du lecteur engendré par le passage au numérique. En édition, les DRM visent essentiellement à res- treindre la diffusion des livres numériques. Il s’agit gé- néralement de limiter l’utilisation d’un fichier à un sup- port bien précis, grâce à une plateforme. Un livre acheté sur Kindle Store ne peut être lu que sur Kindle, un livre acheté sur l’AppStore d’Apple ne l’est, lui, que sur un iPad ou un iPhone. Le DRM peut également limiter le nombre de transferts du fichier, et éviter qu’il soit envoyé vers des liseuses/tablettes différentes. Ce type de DRM reste très contraignant car il limite l’utilisation de la bibliothèque dans le temps. Pour protéger le copyright de manière moins handicapante pour le lecteur, les édi- teurs peuvent faire le choix du tatouage numérique. Il ne s’agit pas ici de limiter la diffusion du livre numérique, mais simplement de le marquer discrètement. Si cette protection ne nuit pas à la liberté du lecteur, elle est nettement plus respectueuse, et comporte tout de même des entraves. Quand les DRM indiquent clairement au lecteur ses limites d’utilisation du fichier, le tatouage est une menace plus subtile. Par exemple, si jamais un livre numérique tatoué finit sur les réseaux de peer to peer, l’acheteur de ce fichier, identifié par le tatouage, pourra encourir des peines. Dans ce contexte, tout lec- teur peut devenir paranoïaque et craindre de prêter ses livres numériques, même à un ami, par crainte qu’il ne le diffuse illégalement. L’offre de livres numériques sans DRM se développe petit à petit mais actuellement la protection des fichiers reste un frein au basculement vers le numérique de nombreux lecteurs qui perdent l’usage social du livre, notamment du prêt. DRM Plusieurs freins au développement de l’achat et de l’utilisation du livre numérique subsistent en France : les prix trop élevés, la compatibi- lité des fichiers téléchargés sur les terminaux dédiés, la qualité de la mise en page ou encore la présence de DRM. Des questions juridiques et économiques entravent également le déve- loppement d’une offre large et enrichie. Une segmentation à plusieurs niveaux caractérise aujourd’hui la chaîne du livre numérique : tech- nologique (multiplicité des formats de fichiers et des supports de lecture), logistique (multiplicité des plates-formes de distributeurs, dont cer- taines sont intégrées avec l’amont), commer- ciale (multiplicité des formules tarifaires, des qualités proposées, des formes de protection). Lepiratage etlaproblématique de protection des fichiers La pratique du piratage en masse des livres numériques ne s’est pas encore installée dans les mentalités. L’Observatoire du livre et de l’écrit en Ile de France (Le Motif) publie depuis 3 ans une étude sur l’offre pirate disponible sur les ré- seaux qui montre la faiblesse du piratage dans le secteur du livre numérique. L’édition 2012 indique, en effet, que le piratage représente 2% de l’offre légale, qu’il concerne essentiellement les livres pratiques et les essais grand public, suivi d’anciens best sellers de la SF/fantastique et du polar. L’étude montre également qu’aucun livre de moins de 6 mois n’a été piraté de façon significative. Le piratage reste une activité très faible et mar- ginale que les éditeurs pourraient contrer, selon l’étude, par "un développement en quantité comme en attractivité (prix, qualité, facilité d’ac- cès, interopérabilité, services associés, etc.)". Pour le Motif, les pirates numérisent eux-mêmes les livres, en réalisant leur propre version numé- rique et les offrent en partage. Pour l’année 2011, les pirates ont partagé environ 7 000 nouveaux titres illégaux augmentant ainsi l’offre numérique. Dès lors, ils deviennent des éditeurs pirates qui se substituent aux éditeurs légaux et assurent les travaux que les professionnels ne font pas. Cet aspect du piratage (réaliser ce que les éditeurs ne 3 des défis 14% piratage de livres numériques 30% piratage de fichiers vidéo 33% piratage de fichiers musicaux Selon le 3ème Baromètre du livre numérique réalisé par la Sofia, le SNE et la SGDL
  • 14. 22 23 LE livre numérique : à QUEL PRIX? Le prix du livre numérique demeure élevé en France et représente un frein au développement de la consommation de ce type de format. Selon une étude publiée en mars 2012 par le Centre d’analyse stratégique, un livre numérique coûte en moyenne, en France, 30% moins cher qu’un livre papier. La plupart des livres numériques sont ainsi proposés au-dessus de 10 euros à leur sortie. Or, les consommateurs attendent un prix encore inférieur. Selon une étude de GfK, reprise par Slate.fr (2012), le consommateur se dit prêt à dépenser 7 euros pour un livre numérique dont la version papier serait vendue 18 euros, soit une différence de 60%. Malgré un taux de TVA réduit à 5,5% depuis jan- vier 2013, le prix du livre numérique ne baisse globalement pas. Sur la boutique d’Apple, par exemple, 5% des livres électroniques sont dispo- nibles en français d’après une étude de Youboox et Storeslytics, pour un prix moyen de 9,30 eu- ros. C’est pratiquement autant que le prix moyen d’un livre papier. En 2011, selon un rapport publié par Bertels- mann, Random House a recensé 40 000 titres disponibles dans son catalogue de livres numé- riques et, alors que ses revenus ont chuté pen- dant un an, sa marge opérationnelle n'a cessé de croitre. Un autre rapport, publié par Pearson, montre la faiblesse du nombre de ventes réali- sées par les éditions Penguin, alors que la marge opérationnelle a progressé de 5%, grâce là en- core aux ventes de livres numériques. Les reve- nus tirés par Penguin du numérique ont même doublé en 2011, comparé à 2010. Ces pratiques tarifaires entravent probablement le développement du marché de l’édition numérique. Selon l’étude du Motif, les éditeurs parviennent au- jourd’hui à dégager "des marges très intéressantes sur leurs livres numériques" : la part du prix de vente revenant à l’éditeur bondit par exemple de 36% pour une version physique vendue chez un libraire à 55% lorsque le titre est vendu en format numérique sur les sites d’Amazon ou Apple. Un constat confirmé par les chiffres venus des Etats-Unis où, malgré des ventes en berne, certains éditeurs parviennent à améliorer leur marge opérationnelle grâce aux ventes d’e-books. Des questions juridiques Le numérique impose un changement de para- digme juridique sur de nombreux secteurs et l’édition ne coupe pas à cette règle. Le droit d’au- teur est au centre de ces questions juridiques. Le contrat d’édition à l’heure du numérique s’adapte. En mars 2013, un contrat entre auteurs et éditeurs a d’ailleurs été signé, sous l’égide du ministère de la Culture. Cet accord précise que les contrats d’édition devront désormais prévoir une partie spécifique pour l’édition numérique et définir les modalités de rémunération des auteurs compte tenu de ces nouveaux modèles économiques. Il définit également des critères pour apprécier la notion d’exploitation permanente et suivi de l’œuvre, à la fois sous forme imprimée et sous forme numérique. Les négociations entre auteurs et éditeurs doivent néanmoins se poursuivre. Les questions juridiques liées à l’édition numé- rique concernent également le prix des ouvrages. En France, c’est l’éditeur et lui seul qui fixe le prix de vente, un dispositif que l’on doit à la loi sur le prix unique du livre de 1981, mise à jour en 2011 sur les recommandations de la mis- sion Zelnik afin de prendre en compte l’arrivée du livre numérique. Cette loi sur le prix unique du livre numérique oblige tous les éditeurs de livres situés en France à fixer le "prix de vente au public" des versions numériques des livres qu'ils éditent et oblige tous les marchands à s'y conformer dès lors qu'ils vendent des livres à des acheteurs situés en France. Les livres enri- chis au format ePub contenant des vidéos, des liens, des sons sont aussi impactés par la loi. Seuls les livres applicatifs sont tenus en dehors du périmètre de cette loi sur le prix unique du livre numérique. La loi s’impose à tous les revendeurs, où qu’ils se situent, dès lors qu’ils exercent une activité de vente de livres numériques à desti- nation d’acheteurs situés en France. Les géants du Web comme Amazon sont donc également concernés. la loi du prix unique : une exception culturelle française de Beaumarchais à l'ère du numérique, la question du droit d'auteur reste d'actualité.
  • 15. 24 25 Youboox propose globalement la même chose que Spotify : pour un abonnement de 9,99 euros par mois, l’utilisateur a accès à un abonnement premium permet- tant de lire des livres via l’application de lecture selon le support qu’il choisit. Youboox permet également de lire gratuitement mais des bandeaux publicitaires apparaissent durant la consultation. Le modèle économique est donc basé sur des revenus publicitaires et des revenus issus des abonnements. Les éditeurs présents sur la plateforme Youboox se partagent la moitié de cette assiette globale en fonction du ratio entre le nombre de pages lues au total dans le catalogue de l’éditeur, rapporté au nombre total de pages lues le mois en question sur Youboox. Selon les propres estimations de Youboox, le service aurait atteint 75.000 personnes à février 2013, ne précisant pas s’il s’agit du nombre de téléchargements de l’application ou du nombre d’utilisateurs réellement actifs sur le système. Youboox revendique 5,5 millions de pages vues. Un objectif de 300 000 utilisateurs d’ici à décembre 2013 est évoqué. youboox : l'abonnement! quels modèles économiques  ? Le marché français du livre numérique est en quête d’un modèle économique, entre préserva- tion de la chaine de valeur actuelle de l’édition et prépondérance des grandes plateformes type Amazon. Le secteur de l’édition traditionnelle se retrouve coincé dans un étau entre les géants de la dis- tribution du Web comme Amazon et les pures players (des maisons d’édition 100% numérique) qui ne rencontrent pas les mêmes contraintes au regard de la chaîne de l’édition et n’appréhendent pas le marché sous le même angle (la crainte du piratage est, par exemple, quasi absente). Ces derniers testent ainsi de nouveaux modèles économiques pour tenter de rentabiliser l’édi- tion numérique. Certains expérimentent un modèle gratuit basé sur le revenus publicitaires : livre à zéro euro mais nombreuses publicités. D’autres cassent les prix dans l’objectif de mul- tiplier les ventes et d’attirer une clientèle vers les supports numériques. Chez l’éditeur Bragelonne, spécialisé dans la science-fiction, des œuvres sont par exemple proposées à 5,99 euros dès leur sortie. Des opérations commerciales comme des ventes flash sont également réalisées sur les titres numériques de l’éditeur. Le principe de l’abonnement est également testé chez certains éditeurs comme Publie.net. Ce modèle est souvent lié au streaming de livres. Avec le succès relatif des services de streaming musical, comme Deezer et Spotify en tête, l’édi- tion s’intéresse de près au système. Qu’il s’agisse d’un film, d’un morceau de musique, d’un livre ou de n’importe quel autre contenu média, le streaming permet de consulter le fichier en ligne sans le télécharger. L’utilisateur ne possède pas le contenu qu’il consomme et n’y a plus accès dès lorsqu’il clôt son abonnement. Dans ce contexte et avec l’essor progressif de la lecture numérique, des entrepreneurs s’intéressent au streaming de livres. Le principe des prix libres est également expérimen- té avec un prix bas de téléchargement puis la possi- bilité offerte à l’utilisateur de fixer lui-même un prix. La gratuité du livre avec une rémunération sur services connexes payants est également un modèle exploré. TEA a annoncé le lancement en open source de l’application de lecture web TeaBook Open Reader à l’occasion de l’Open World Forum 2012. Cette application de lecture web est une solution interopérable permettant la lecture hors ligne depuis tous les appareils de lecture web, ta- blettes incluses, indépendamment des systèmes d’exploitation, et offrant un rendu fidèle des livres numériques ePub. TEA est devenue la première plateforme open source de distribution de livres numériques dédiée à l’ensemble des acteurs de la chaîne du livre : libraires, distributeurs, sites internet, éditeurs et lecteurs. Autre initiative française, un consortium (18 teurs dont Orange, ePagine, SFR, Editions de La Martinière, Institut Télécom, éditions Gallimard, syndicat de la Librairie Française…), rassemblé sous la bannière MO3T (Modèle Ouvert 3 Tiers), propose un modèle ouvert et pérenne de distribu- tion des contenus numériques en promouvant le passage d’une logique de vente de contenus à une logique de vente de droits. Le lecteur achè- terait le droit d’accéder à n’importe quel moment et depuis tous ses terminaux au livre dont il pos- sède le droit numérique, le format du fichier qu’il télécharge dépendant bien sûr du terminal sur lequel il compte l’utiliser. Le projet MO3T vise à démontrer, à travers un prototype, la possibilité d'une architecture de distribution ouverte et plu- raliste qui permette aux différents formats du livre numérique d'exister de manière compatible. Ce projet devrait entrer en phase d’industrialisation en 2013. L’interopérabilité, enjeu de demain ? Jusqu’ici, la chaîne de la distribution de contenus numériques s’est construite selon des modèles intégrés : chaque opérateur a développé ses propres appareils, logiciels et formats de fichiers spécifiques et ces formats ne sont pas tous com- patibles entre eux. Ainsi, l’utilisateur ne jouit pas systématiquement de son bien sur l’ensemble de ses appareils et il peut même perdre les ouvrages numériques qu’il a achetés s’il change d’opéra- teur ou d’équipement. Autre conséquence : l’offre d’ouvrages disponibles est limitée pour chaque support de lecture, plus qu’elle ne le serait avec un format universel. Face aux problématiques actuelles liées à l’intero- pérabilité, à l’offre actuelle réduite, au prix élevé du livre numérique, au déséquilibre programmé de la chaine de valeurs de l’édition ou encore au risque de voir émerger des oligopoles qui bloqueraient le marché, certaines initiatives prennent place. Une volonté de standardisation appuyée sur l’uti- lisation d’un format ouvert devient perceptible. Editeurs comme libraires français affichent une volonté de ne pas se laisser enfermer dans un format propriétaire qu’il s’agisse de celui d’Ama- zon ou d’Apple par exemple. Ainsi, récemment plusieurs acteurs de l’édition ont rejoint diffé- rentes initiatives œuvrant dans la mise en place de standards ouverts. Eyrolles a rejoint le consortium IDPF (Internatio- nal Digital Publishing Forum) pour "participer à la promotion d’un format numérique unique, uni- versel et ouvert". Hachette a, pour sa part, rejoint le projet Readium, initiative de l'IDPF qui a pour objectif le développement d'un logiciel libre de lecture pour le format EPUB 3. Decitre a lancé The ebook Alternative (TEA) des- tinée également à permettre un accès au livre indépendamment du distributeur et du matériel : une solution de lecture web interopérable, ouverte et open source. Dans cette initiative, Decitre a des partenaires comme Rueducommerce.com et la SSII Smile et a signé des accords avec Editis, Gallimard, La Martinière ou encore Flammarion et récemment Bayard pour accéder à leur catalogue de livres numériques.
  • 16. Quelles sont vos activités à la médiathèque de Roubaix ? Je travaille à la médiathèque de Roubaix depuis un an sur un projet de valorisation du patrimoine musical et j’ai également en charge le pôle infor- matique et multimédia de la médiathèque depuis quelques mois. Je m’oc- cupe donc de ce qui relève de l’informatique documentaire comme les bases de données, de la présence Web de la bibliothèque ainsi que des ateliers multimédias d’initiation aux TIC que nous proposons. Je mène également actuellement une réflexion sur le développement de l’offre numérique de la bibliothèque. Auparavant, j’étais en poste en bibliothèque universitaire et ce n’est pas anodin car la bascule du papier vers le numérique a déjà été faite dans de nombreuses bibliothèques universitaires alors que les médiathèques accusent souvent un retard. Dans les bibliothèques universitaires, le papier devient anecdotique alors qu’en lecture publique, tout reste à faire. La principale raison de ce retard se situe sûrement au niveau de l’offre. D’une part, les éditeurs ont encore une offre restreinte sur la littérature grand public et, d’autre part, l’offre à des- tination des bibliothèques est encore plus restreinte. En tant qu’individu, je peux facilement télécharger un livre numérique mais en tant que bibliothé- caire, la démarche de téléchargement et de mise à disposition du public est très compliquée. Cela s’explique par des raisons techniques, car il faudrait des plateformes de mise à disposition, et par des raisons juridiques car il faut trouver un moyen de respecter les droits d’auteur. Nous sommes face à deux solutions : soit développer notre propre plate- forme, ce qui aurait un coût élevé, soit attendre que les éditeurs mettent à disposition ce type de plateforme. Lorsqu’on parle de livre numérique, de quoi parle-t-on exactement ? Pour moi, il s’agit du pendant du livre papier mais dématérialisé. Après, il existe le livre enrichi qui semble plus intéressant pour le jeune public. Existe-t-il une demande du public pour les livres numériques en médiathèque ? C’est difficile à dire puisque nous n’avons pas encore d’offre à la média- thèque de Roubaix. Il existe des bibliothèques qui mènent des expérimentations à partir de prêts de liseuses et d’une offre de livres libres de droit, c’est-à-dire tombés dans le domaine public et mis à disposition gratuitement sur des plateformes. L’ob- jectif était que les utilisateurs s’approprient ce support de lecture. Si nous devions développer une offre numérique pour la médiathèque de- main, il faudrait davantage penser à la mise en ligne d’une plateforme face à la croissance du taux d’équipement en liseuses ou tablettes. 26 Le point de vue d’un bibliothécaire entretien avec : - François Pichenot - médiathèque de Roubaix
  • 17. Il existe un autre modèle proche du "streaming" appliqué au livre. Le terme de streaming est impropre dans ce cas mais l’idée est bien celle de la consultation en ligne qui permet une connexion simultanée de plusieurs utilisateurs. L’émergence du livre numérique représente une opportunité ou des défis pour une médiathèque ? Pour le moment, il n’y a pas de réel impact sur le métier. En fait, on pourrait faire un parallèle avec la musique. En bibliothèque, nous sommes actuelle- ment beaucoup plus touchés par la dématérialisation de la musique que par celle du livre. Nous avons connu un réel effondrement du prêt de CD suite à l’effondrement du marché du disque. Actuellement, nous avons l’oppor- tunité de prendre des abonnements à des plateformes de streaming comme MusicMe et de renouveler l’offre en profondeur, c’est-à-dire de proposer une sorte de package global sur une offre large et de développer en paral- lèle une offre physique plus ciblée sur des labels précis. Cette mutation a apporté des opportunités très intéressantes pour l’offre des médiathèques et, à Roubaix, nous allons accélérer le développement de cette offre sur la musique. L’adhérent pourra accéder à un catalogue musical via notre plate- forme depuis chez lui. Ce type d’offre est issu d’une expérience menée dans une bibliothèque alsa- cienne qui a négocié avec MusicMe et a construit un partenariat, financé en partie par le ministère de la Culture, pour permettre de construire l’interface technique utilisée par la bibliothèque. A Roubaix, nous n’allons pas tout de suite passer par MusicMe mais par le catalogue du label Naxos, certes plus spécialisé mais plus adapté à notre public actuel. L’offre sur le livre devrait connaître une évolution similaire. Et, si la biblio- thèque se dématérialise, elle pourra se transformer en lieu d’échanges et de rencontres, en lieu de vie dans la ville. Le numérique s’inscrit dans un projet global de la médiathèque de Roubaix. La problématique sera de rendre cette offre dématérialisée visible dans le lieu et c’est davantage sur la question des interfaces que nous réfléchissons. L’axe de médiation dans le lieu sera important, autant que celui du dévelop- pement de l’offre de livres numériques. Mais, pour le moment j’ai peur que les bibliothèques soient un non-marché pour les éditeurs et que cela prenne du temps. Le passage au numérique pour une médiathèque n’en- traînerait-il pas un changement de paradigme par rapport au rôle que peut jouer ce genre de lieu dans la ville ? Tout à fait. Longtemps, les bibliothèques ont été des "réservoirs" de docu- ments. Avec la démocratisation d’Internet, elles ont perdu leur monopole de point d’accès à l’information et à la documentation. Le développement du livre numérique engendre le même phénomène. Plusieurs pistes de réflexion peuvent être explorées pour maintenir le rôle des médiathèques comme l’accompagnement des publics, la classification et la préservation des documents ou l’organisation d’événements. Il faudra faire en sorte que la médiathèque demeure un lieu où l’on ait envie d’aller et non un lieu où l’on passe. La question que je me pose aujourd’hui, en tant qu’individu et non en tant que bibliothécaire, se situe au niveau de l’intérêt des personnes à aller dans une médiathèque si elles ont les moyens, technologiques et financiers, d’ac- céder à tous les contenus en ligne. Il faut prendre en compte ce public que nous avons tendance à perdre en médiathèque. Or, une solide offre numé- rique peut être un moyen d’essayer de capter ce public. Envisagez-vous de mener des expérimentations sur cette offre numérique à Roubaix ? Non, pas actuellement. A Roubaix, nous avons quand même une offre nu- mérique qui est patrimoniale. Nous avons une bibliothèque numérique qui propose d’accéder à des documents numérisés relatifs à l’histoire locale. Ce sont des documents anciens et libres de droit. Nous nous positionnons davantage sur cela pour réfléchir à d’éventuels projets innovants. Le problème pour réfléchir ou expérimenter sur des projets plus grand pu- blic est qu’il manque une plateforme qui permettrait un accès à tout. Les plateformes actuelles proviennent des éditeurs qui proposent leur catalogue. Si la médiathèque se lançait dans un projet, ce serait par le biais d’un parte- nariat avec un éditeur et donc sur une offre limitée au catalogue de celui-ci. Existe-t-il une réflexion à plus large échelle avec d’autres bibliothèques pour mutualiser et éviter de tomber dans cet écueil de l’offre restreinte ? Des premières réunions à l’échelle de la métropole lilloise sont prévues. Nous pourrions imaginer un catalogue accessible par abonnement avec des fichiers chrono-dégradables et des DRM. Mais il existe des problèmes de modèles économiques. Actuellement, une seule personne à la fois peut em- prunter un fichier numérique. Donc les éditeurs reproduisent le modèle du papier et cela n’a aucun intérêt alors que le numérique permet de multiplier facilement les fichiers. X la bibliothèque de demain  ?
  • 18. 30 31 Selon cette étude de l’Idate, les ventes de livres numé- riques parviendront à compenser le déclin du livre im- primé voire à faire croître le marché du livre en raison de ventes incrémentales (qui n'auraient pas eu lieu dans l'univers imprimé). A horizon 2015, l'avenir du marché se jouera à deux niveaux, autour d'abord du degré de conversion au numérique des lecteurs occasionnels (qui représentent actuellement la majorité du marché du livre en volume) et ensuite de l'impact du livre enrichi, produit multimé- dia hybride, susceptible d'attirer un public non lecteur de livres traditionnels. quels impacts sur la chaine de valeur de l'édition? La transition numérique ne devrait pas provoquer globalement de destruction de valeur dans le secteur de l’édition. Certes, les ventes de livres imprimés déclinent globalement depuis plusieurs années et l'émergence d'une offre numérique ne fera qu'accentuer la tendance. Mais le livre numé- rique pourra compenser ce déclin. Le marché du livre numérique demeure, pour le moment, majoritairement une transposition du marché papier. D'une part, le catalogue numé- rique se compose majoritairement de livres ho- mothétiques alors que les livres enrichis et les créations nativement numériques restent anecdo- tiques. D'autre part, les lecteurs de livres numé- riques sont les mêmes que les lecteurs papier et ils achètent les mêmes titres. Et les pratiques tarifaires autour des livres numé- riques reprennent, pour l’essentiel, le modèle dominant du papier. Néanmoins se dessine en filigrane une remise en cause de la chaîne de valeur de l’édition tradi- tionnelle. Les rapports de force se modifient. Le numérique affecte à la fois la production et la dis- tribution. Le livre numérique s’affranchit du circuit classique de la distribution. La problématique se pose surtout pour les acteurs dépendants du support comme les imprimeurs ou les libraires. Il n’est pas exclu qu’un éditeur, voire un auteur dans le cas de l’auto-édition, s’adresse directe- ment au lecteur, passant outre de nombreux mail- lons de la chaine de valeur de l’édition. Des inter- médiaires sont néanmoins toujours présents : les plateformes de diffusion des livres numériques. Elles prennent notamment en charge des fonc- tions de stockage, de référencement et de vente. L’offre éditoriale française passe actuellement par plusieurs plateformes et témoigne d’un écla- tement qui entraine une structure segmentée et appauvrit cette offre. Les éditeurs ont tendance à multiplier les accords avec les plateformes mais l’offre n’apparaît pas exhaustive et les coûts sont plus élevés. Une plateforme unique ouverte à tous les éditeurs permettrait de rendre l’offre plus riche. En outre, pour faire face aux géants du Web, Amazon, Google et Apple, et conserver l’identité française de la chaine du livre, une rationalisa- tion des plateformes de diffusion et de distribution semble essentielle. La force de ces pure players de l’Internet réside dans leurs algorithmes de trai- tement des métadonnées et dans leur système de référencement et de recommandation. Les alliances entre les acteurs du numérique dans le domaine de l’édition se multiplient donc actuellement, laissant pressentir un germe de structuration du marché. Le diffuseur de livres numériques Numilog et le fabricant de liseuses Bookeen ont, par exemple, signé un partenariat qui leur permet, depuis janvier 2013, de proposer une offre plus attractive et plus accessible aux uti- lisateurs potentiels. Bookeen peut ainsi proposer sur sa librairie le catalogue de livres numériques français diffusé par Numilog, soit un ajout de 35 000 titres en français de 380 éditeurs dont Hachette. Numilog peut, pour sa part, proposer à ses librairies partenaires la gamme des Cybook Odyssey intégrant une librairie sous leur propre marque. Autre accord important pour le marché français et la préservation de son identité et de sa chaine de valeur : ePagine et Numilog se sont alliés début 2013 pour proposer une solution commune de bibliothèques personnelles de livres numériques. Il s’agit des deux principaux réseaux français de librairies numériques. Les libraires qui s’engagent dans la vente de livres numé- riques sont en effet en attente de solutions pra- tiques et performantes pour leurs clients, offrant une alternative à celles proposées par les géants de l’Internet et de la technologie, sans faire dis- paraître leur identité. Cette solution repose sur des protocoles standards et interopérables. Elle a vocation à être ouverte à d’autres libraires ou réseaux de libraires en France et à l’étranger. Le développement du marché français du livre numérique semble tributaire de trois facteurs : des supports de lecture offrant une interopérabi- lité et un bon rapport qualité-prix, une offre nu- mérique large et enrichie, un prix des ouvrages attractifs pour le lecteur et rémunérateur pour les acteurs de la chaîne du livre. etude "E-Book"
  • 19. Quelles sont les activités d’invenit ? Candice Gras Invenit est initialement un studio de graphisme et de communication culturelle. Au départ nous travaillions en tant que graphistes pour les secteurs de la culture et du patrimoine et nous réalisions des outils de communication pour les musées ou autres structures culturelles. Nous avons souvent été amenés à réaliser des catalogues d’exposition et des beaux livres, mais en tant que graphistes. La passion du beau livre est présente au sein de l’équipe d’invenit depuis les débuts. L’activité s’est donc naturellement déportée sur le métier d’éditeur. Invenit est donc éditeur depuis 2008, tout en conservant son activité de communication graphique. Dominique Tourte Nous éditons des catalogues d’exposition et des livres d’artiste comme nous pouvons porter des projets plus "personnels" en tant qu’éditeur. Quelle est votre appréhension du livre numérique ? Céline Telliez Pour nous, il s’agit d’un changement de support. Nous ne percevons pas la dématérialisation du livre comme une menace. Même si cela va révolutionner notre manière de travailler, notre métier ne changera pas : nous éditerons toujours des livres. Candice Gras Par contre, nous n’envisageons pas de simplement dupliquer une version pa- pier d’un livre. Il y a des choses que le numérique permet mais que le papier ne permet pas et inversement. Il s’agit bien de se servir du numérique pour apporter un contenu supplémentaire et d’enrichir le livre. Nous continuerons à éditer des livres papier. Les deux supports sont très complémentaires. Céline Telliez Nous avons le goût du bel objet donc nous envisageons de traduire cette idée du beau livre également dans les versions numériques que nous éditerons. La transposition du bel objet de manière immatérielle est au centre de nos ré- flexions sur cette question de l’édition numérique et c’est ça qu’il nous faudra inventer. L’esthétisme de nos livres papier devra se retrouver dans nos livres numériques. Dominique Tourte L’alliance du fond et de la forme motive le travail en profondeur. L’esthétisme n’est rien d’autre que l’adéquation la plus juste entre le fond et la forme. La forme va changer avec l’évolution vers le numérique mais la problématique reste la même : comment trouver cette adéquation la plus juste ? 32 entretien avec : - Dominique Tourte, Candice Gras et Céline Telliez - les éditions invenit Le point de vue d’un éditeur
  • 20. Sur les questions de modèle économique et de choix technologiques, vers quels choix s’oriente invenit ? Candice Gras Nous sommes encore en train de réfléchir à ces questions. Plusieurs pistes pourront être explorées. Nous avons la chance de publier des objets matériels qui pourraient très bien devenir le support de commercialisation de la version numérique. Nous pourrons également passer par des plateformes de publication ou opter pour l’auto-publication et diffuser nos objets numé- riques via notre site Internet où nous commercialisons déjà des livres. Dominique Tourte Pour l’instant, nous ne percevons pas le modèle économique. Aujourd’hui, nous essayons d’appréhender la technologie et d’expérimenter pour réfléchir à notre offre. L’idée est d’être prêts lorsque le marché du livre numérique se démocrati- sera réellement. Candice Gras Il y a certainement quelque chose de nouveau à inventer du point de vue du modèle économique. Le passage au numérique a-t-il des incidences importantes sur le droit d’auteur ? Céline Telliez Si on souhaite enrichir un livre papier, il est certain que nous devrons faire des avenants aux contrats des auteurs pour y ajouter la notion de support numérique. Les droits d’auteur ne sont pas les mêmes pour le numérique. D’ailleurs, si nous voulons enrichir un catalogue d’exposition, il faut racheter les droits de toutes les œuvres ! Cela représente un coût très élevé et il sera parfois difficile de pro- poser certains catalogues d’exposition en version numérique. Le livre numérique, opportunité ou menace ? Céline Telliez Ce n’est pas une menace. En tant qu’éditeur, porter ses activités sur le numérique n’est pas un risque aussi important que, par exemple, la difficulté accrue d’être visible parmi le nombre de livres En croissance perpétuelle. Le livre enrichi peut en outre permettre d’attirer un nouveau public et de faire connaître un texte. Candice Gras Quelque part, le numérique peut être bénéfique pour le livre papier. Les lecteurs aimeront toujours les beaux livres. Nous pouvons espérer que le livre connaîtra la même évolution que la musique avec l’émergence de nouvelles tendances chez le public à déporter son attention sur l’objet comme avec les vinyles. Céline Telliez Le danger est plus lié à la mentalité du "tout gratuit" induite par Internet. Comment un éditeur dit "traditionnel" se lance sur l’édition numérique ? Envisagez-vous des partenariats ? De la sous-trai- tance ? Souhaitez-vous conserver les réalisations en interne ? Céline Telliez Nous avons l’habitude de tout faire en interne, ce qui reste assez rare pour une maison d’édition où la maquette, par exemple, est souvent externalisée. Sur le numérique, nous ne pourrons pas éviter de faire appel à l’extérieur, du moins au début. Dominique Tourte L’objectif est de pouvoir tout maîtriser mais pas forcément en ayant toutes les compétences en interne. Quels sont vos projets dans ce domaine de l’édition numérique ? Dominique Tourte Nous avons des projets concrets dans le domaine du livre numérique comme dans celui du multimédia. Candice Gras Nous avons actuellement deux types de projets. D’abord, nous réfléchissons comment partir de certains de nos objets existants, comme les catalogues d’exposition par exemple. Ce sont des documents qui ont des ressources iconographiques très importantes qui ne peuvent pas être entièrement présentées dans un catalogue. En outre, la reproduction de cer- taines œuvres très minutieuses n’est pas forcément pertinente dans un livre. Sans parler des œuvres multimédia qui ne peuvent pas prendre réellement place dans un catalogue d’exposition papier. Le livre numérique ou enrichi permet- trait d’éditer des catalogues d’exposition plus complets. Ensuite, nous travaillons sur l’une de nos collections, Ekphrasis, pour laquelle nous invitons des auteurs à écrire une histoire autour d’une œuvre à l’occasion d’une exposition. L’idée est d’utiliser le numérique pour réinterpréter le texte dans un objet enrichi qui permettrait une deuxième lecture. Céline Telliez Sur cette collection, l’utilisation du numérique peut être extrêmement intéres- sante pour apporter des précisions sur les univers différents auxquels les au- teurs peuvent faire référence à partir d’une œuvre. Par exemple, dans "Pazuzu" de Marc Villard, les références à la mythologie ou à la religion pourraient être développées, on pourrait ajouter du son ou un passage lu par l’auteur. Il existe un florilège d’enrichissements à imaginer. X
  • 21. Couplée au crowdfunding (financement participatif), l’auto-édition devrait poursuivre sa croissance. Selon Publisher Weekly, KickStarter serait devenu le 2ème éditeur de Comics aux Etats-Unis, en revenu net, juste derrière Marvel et devant DC Comics. KickStarter a éga- lement une forte activité dans les autres secteurs de l'édition. Bien sûr, KickStarter n'est pas éditeur, c'est une plateforme d'autofinancement. Mais il est intéres- sant de mesurer le niveau de financement de ce type de plateforme par rapport à des éditeurs traditionnels. Le succès de l'auto-publication est encore bien différent en Europe et notamment en France où les traditions d'au- to-publication et de financement participatif sont moins développées. Les premiers succès d'auteurs franco- phones auto-édités sur les plateformes électroniques (comme David Forrest) sont encore loin des auteurs anglo-saxons qui ont dépassé le million d'exemplaires sur Kindle et iBookStore. 36 37 Art Book Magazine (ABM) est la première librairie de livres numériques dédiée à l’art contemporain. C’est la Première application pour iPad spécialisée dans l’art sous toutes ses formes. Dans cette librairie thématique on trouve des beaux livres numériques sur la photogra- phie, l’architecture, le design graphique, la typographie, la bande dessinée, la culture numérique, les sciences sociales, la littérature, des revues et des catalogues d’exposition. Le fondateur est parti de l’idée de créer une librairie virtuelle singulière et pertinente au service d’éditions épuisées ou à venir dans un secteur où la diffusion physique est de plus en plus réduite à quelques points de vente très spécifiques (librairies de musées principa- lement) alors que l’édition d’ouvrages dans ce secteur reste très dynamique, créative et qualitative. L’auto-édition connaît une forte croissance, accé- lérée par la naissance du marché du livre numérique qui facilite la publication et la promotion d’un livre. Elle consiste en la publication d’un livre sans passer par un éditeur. Elle progresse déjà en France au rythme sou- tenu de 30% par an depuis 2004, d’après les statis- tiques de la Bibliothèque Nationale de France. Les livres auto-édités représentaient déjà 12% du dépôt légal des livres français en 2011, soit 1 livre sur 8. Les auteurs auto-édités multiplient l’offre disponible, proposant un choix plus vaste de livres aux lecteurs et contribuant ainsi à rendre les librairies numériques plus attrayantes. Plusieurs plateformes dédiées à l’auto-édition ont d’ail- leurs vu le jour, certaines étant mises en ligne par les maisons d’édition traditionnelles. La plateforme Kindle direct publishing d'Amazon permet de créer son livre et de l'éditer sur le Kindle Store. L’application iBooks Author permet de créer simplement un e-book et de le vendre sur l’Apple Store. Autre solution, Kobo Writing Life. Pour ceux qui tiennent à obtenir une édition papier de leur livre, d’autres sites proposent l’autopublication comme lulu.com ou The BookEdition. Il est égale- ment possible de citer Mon Best Seller, Smashwords ou encore YouScribe. Enfin, il existe des plateformes participatives où les internautes misent sur des auteurs comme Bookly.Certains auteurs proposent, leur création en-dehors des plateformes. Il s’agit souvent de projets innovants autour de l’édition enrichie qui se développent via leur propre interface dédiée, site Web et/ou application. Le projet de série BD transmédia participative MediaEntity en est un parfait exemple. La qualité et le succès au rendez-vous, cette série interactive, née sur le Web et autoproduite, sera au final également distribuée par les éditions Delcourt en version papier. l'art contemporain l'auto-édition crowdfunding projet inovantMalgré les défis, le champ des possibles offert par le numérique est immense. De nouvelles fa- çons de lire adaptées à la mobilité, à l’écran et à l’interactivité sont en train d’émerger et restent à inventer. Le livre en tant qu’objet tangible mais connecté et utilisant de nouveaux matériaux peut également réinventer la lecture en mélan- geant papier et écran. Le numérique exige de nouvelles compétences et renvoie à de nouveaux métiers en regard des métiers traditionnels de la chaîne du livre : qu’il s’agisse de SSII spécialisées dans les méta- données ou les agrégateurs, ou de producteurs de contenus multimédias, les opportunités de se positionner sur un marché économique émergent existent et se multiplient pour les acteurs du numérique. De nouveaux acteurs émergent, d’autres profitent d’un marché au dynamisme croissant. Un élargissement de l’offre Le numérique permet sans conteste d’élargir l’offre. Les livres épuisés trouvent, par exemple, une nouvelle vie dans le numérique et peuvent ainsi être conservés. Entre 500 000 et 700 000 ouvrages publiés avant le 31 décembre 2000 et désormais introuvables en version papier ou nu- mérique dans les circuits traditionnels (librairies et sites en ligne) sont concernés, selon une esti- mation de la Bibliothèque nationale de France. Même si, ici encore la question des droits d’auteur est au premier plan, la numérisation d’ouvrages épuisés permet un accroissement conséquent de l’offre. Des segments de niche profitent également du numérique. Les auteurs ne réussissant pas à signer avec des maisons d’édition papier, ou voulant s’en affran- chir, ont, quant à eux, l’opportunité de tenter de toucher directement le public, soit via des sites d’autoédition, soit en développant des projets Web, souvent innovants. 4 des opportunités
  • 22. 38 39 De la maison d’édition à la so- ciété de production ? De nouvelles expériences de lecture repoussent les limites traditionnelles de la narration naissent dans le numérique. Elles intéressent particulière- ment un public de non lecteur en révolutionnant le secteur de l’édition par les contenus. Plusieurs sociétés se sont déjà positionnées sur le secteur en développement du livre enrichi. 292contents a, par exemple, lancé une offre dans ce sens. En explorant de nouveaux modes de narration multidisciplinaires, 292 développe une offre de "NewBooks". Après le récit court Sha- dow Puppets, 292 a lancé la production de la série Civilized, dont les épisodes mêlent texte, musique et illustrations. Autres exemple, le studio Walrus a lancé deux séries littéraires disponibles sur Immateriel, iBookStore, Kindle ou encore Kobo. Un glissement est d’ores et déjà indentifiable avec les premières expérimentations de livres enrichis. L’ère du numérique est l’occasion de re- venir à un mode de production littéraire tel qu’on pouvait en trouver au XIXe siècle : le feuilleton. Dans une période dominée par les séries TV, de nombreux acteurs de l’édition numérique en France envisagent un fonctionnement similaire. Les histoires maintenant ne sont plus nécessai- rement des romans ou des nouvelles, mais des saisons et des épisodes. Nous assistons à la création d’un nouveau genre de production : la série littéraire. Le livre enrichi entraine un changement de para- digme dans la création comme dans la narration. Tout ouvrage ne se prête pas à l’enrichissement et il y a fort à parier que livres homothétiques, simples numérisation de livres papier, et livres enrichis ou livres augmentés ou séries interac- tives se développeront parallèlement, se croi- sant parfois pour donner naissance à des pro- duits hybrides. L’intrusion du numérique dans le monde de l’édi- tion pousse auteurs et éditeurs à repenser le livre et les modes de narration pour apporter de la va- leur à un ouvrage ou créer de nouvelles œuvres originales uniquement numériques. L’intérêt d’en- richir un roman historique de contenus vidéos ou Nouveaux formats, utilisation d’éléments multimédias, interactivité… le livre numérique est-il toujours un livre ? Les éditeurs numériques de livres enrichis ne sont-ils pas davantage des maisons de production ? Sur un secteur émergent, les questions de vocabulaires et de définitions demeurent floues. Néanmoins, de nouveaux acteurs se sont créés sur ce marché naissant du livre numérique et les produc- teurs de contenus multimédias, qu’il s’agisse des stu- dios de jeu vidéo, des acteurs de l’audiovisuel et de l’animation, des designers d’interfaces ou encore des graphistes, peuvent trouver un nouveau segment sur lequel se positionner. En effet, les éditeurs traditionnels ne possèdent pas forcément les compétences requises en interne, techniques ou créatives, pour se lancer dans la création de livres enrichis et les partenariats ou sous-traitances pourraient se multiplier. Ces acteurs de la création multimédia pourraient également se lancer dans l’aventure du livre numérique à l’image de l’ancien de chez Pixar, William Joyce qui a fondé Moonbot. Il a créé "The Fantastic Flying Books of Mr. Morris", un film mais également un livre enrichi en vente sous la forme d’une application disponible dur l’Appstore d’Apple. nouveaux acteurs  ? sonores ou en intégrant des hyperliens vers des ressources documentaires s’impose par exemple de lui-même. Il n’en va pas de même pour un roman littéraire même si la lecture d’un passage par l’auteur peut toujours, par exemple, agré- menter la lecture. Le storytelling prend toute sa place dans l’émergence d’un nouveau mode de narration mêlant écrit, vidéo, animation, son… et prenant place dans un univers transmédia. Mode de lecture linéaire et contenus délinéarisés co-habitent en fonction du type de récit. Un vent de créativité est néanmoins prêt à souffler sur le monde de l’édition. opportunités technologiques Le passage au numérique dans l'édition induit de nombreux besoins techniques. Qu’il s’agisse de numérisation, de portage de livres papier vers les nouveaux supports de mobilité, de besoins de référencement, de recommandation, de traitement des métadonnées (informations indispensables – couverture, sommaire, auteur, éditeur, année, version numérique/papier, format, prix, etc. – à partir desquelles un livre peut être référencé, re- trouvé et vendu) ou encore de stockage. Le marketing social ou le traitement des données bénéficient également du développement du livre numérique. Ces évolutions technologiques ou d’usages créent de nouvelles opportunités sur un marché particulièrement dynamique. La péné- tration d’acteurs traditionnellement étrangers au monde du livre est de plus en plus forte. Il existe par exemple un intérêt croissant porté aux APIs, c’est-à-dire à de nouveaux modèles économiques qui ne passent plus par la seule vente directe de livres. Plusieurs sociétés se sont d’ores et déjà positionnées dans la prestation de services auprès des acteurs du livre. Le développement du marché du livre numérique dit homothétique offre de nouvelles opportunités technologiques pour les SSII et autres sociétés spécialisées dans la technologie Internet. Mais l’émergence d’un nouveau type de livre, le livre enrichi, ouvre également de nouveaux champs d’activités aux acteurs de la création de contenus. eTechs&comapgnie a lancé le eLaunchPad, un outil vendu aux éditeurs comme un service permettant à leurs auteurs de prendre en main la promotion de leurs ouvrages à travers les réseaux sociaux. eTechs&compagnie Gutenberg Technologie édite simultanément un même livre au format papier, web, tablette (iPad, Kindle) et smartphone (iPhone, Android). L’entreprise, implantée à Paris et New York, fournit des solutions technologiques à des éditeurs de toute taille. Elle travaille aussi avec des maisons d’édition de grands groupes comme Pearson, McGraw-Hill, Cen- gage, Hachette, Editis. le projet : gutenberg
  • 23. Comment présenter Encre Nomade ? Encre Nomade est une société d’édition numérique actuellement spécialisée dans les feuilletons interactifs pour adolescents sous la marque Season 13. Un feuilleton comporte des épisodes publiés toutes les semaines. Il est inte- ractif car le lecteur, si on peut l’appeler ainsi, interagit avec l’histoire. Parmi les interactions proposées : un jeu vidéo par épisode ou encore des connexions avec les réseaux sociaux. Il est en effet possible de communiquer dans l’his- toire via ces différents réseaux ou de publier certaines parties de l’histoire. Nous avons également prévu de proposer aux lecteurs de dessiner des illustra- tions qui seront soumises au vote de la communauté avant d’être publiées dans le feuilleton ; même chose pour les textes de l’histoire. Des prestations pour des éditeurs ou d’autres marques à destination des plus jeunes ou des plus vieux pourront également se développer dans le cadre de la société Encre Nomade. Ce média est donc exclusivement numérique ? Aucune édition papier n’est envisagée ? Une édition papier n’est pas exclue mais je ne l’envisage pas pour le moment. Ce n’est d’ailleurs pas mon métier. Et puis, si nous proposons une version pa- pier, nous perdons l’interactivité. Quel serait l’intérêt pour nous ? En outre, nous éditons actuellement des textes courts qui ne se prêtent pas à une version papier. Peut-on qualifier ces feuilletons de livre numérique ou livre augmenté ou encore livre interactif ? C’est une bonne question et j’avoue ne pas encore avoir trouvé la réponse ! C’est l’un des gros problèmes de ce marché. Il y a le livre homothétique, simple version PDF d’un livre papier, le livre enrichi, qui comporte des images ou vidéos ou son, et puis le livre interactif, qui propose des interactions au lecteur. C’est comme pour tous les marchés naissants, il existe une période de flou dans les définitions des termes employés. Finalement cette question du livre ou pas livre est également liée à la manière dont on se positionne face à sa clientèle. Donc Encre Nomade s’est jeté sur un marché naissant là ou d’autres demeurent plus attentistes face aux questions de stan- dardisation ou de modèles économiques ? D’abord, je n’ai pas perçu ce marché comme un éditeur puisque je ne viens pas du secteur de l’édition. Je ne me suis donc pas poser les mêmes ques- tions. Lorsqu’on se positionne sur un nouveau marché sans provenir du même secteur, on y entre avec des idées neuves. C’est d’ailleurs comme ça qu’on innove ! Initialement, je ne me suis pas posé la question du format. ... 40 entretien avec : Marie Seygnerole / Season 13 – Encre Nomade Le point de vue d’un pure-player