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Manifeste
pour un urbanisme circulaire
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Sylvain Grisot est urbaniste, il a fondé en 2015 dixit.net,
une agence de conseil et de recherche pour les transitions
urbaines. Il est aussi conférencier, enseignant et chercheur.
Conception graphique de la couverture : Laure Bombail
Illustration de couverture : Julien Billaudeau
Correction et mise en pages : Nord Compo
© 2020, dixit.net, Nantes
© 2021, Éditions Apogée une marque de la société
Feuilles de style, Rennes
ISBN : 978-2-84398-692-5
Tous droits de traduction, d’adaptation et de reproduction,
sous quelque forme que ce soit, réservés pour tous pays.
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Sylvain Grisot
Manifeste
pour un urbanisme circulaire
Pour des alternatives concrètes
à l’étalement de la ville
Éditions Apogée
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SOMMAIRE
Préface. Construire dans le « monde d’après » ?. . . . . 11
Prologue. 23 janvier 2032. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 17
Première partie : L’impasse
La ville disloquée . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 25
Le moteur de l’explosion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 31
Impacts . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 43
Urbanisme à fragmentation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 57
Deuxième partie : L’urbanisme circulaire
Sortir de l’impasse. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 69
Intensifier les usages . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 83
Transformer l’existant . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 103
Recycler les espaces. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 145
Troisième partie : Manifeste
Enjeux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 171
Bifurquer . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 183
Perspectives . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 191
Postfaces
Agir pour et avec les sols urbains. . . . . . . . . . . . . . . . 197
Un avant et un après. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 205
La convention citoyenne pour le climat
et l’artificialisation des sols . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 211
Références . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 219
Remerciements . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 235
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Il y avait des graines terribles sur la planète du petit prince…
c’était les graines de baobabs. Or un baobab, si l’on s’y prend
trop tard, on ne peut plus jamais s’en débarrasser. Il encombre
toute la planète. Il la perfore de ses racines. Et si la planète
est trop petite, et si les baobabs sont trop nombreux, ils la
font éclater.
— Antoine de Saint-Exupéry, Le Petit Prince
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PRÉFACE
CONSTRUIRE DANS LE « MONDE D’APRÈS » ?
C’est une des prises de conscience, parmi bien d’autres,
de la dernière décennie. Nous artificialisons notre territoire à
un rythme insoutenable. Notre vision reste parcellaire et les
chiffres oscillent, entre données satellitaires, échantillonnages,
analyses statistiques des fichiers fonciers, entre 30 000  et
60 000 ha par an. Même avec la tendance la plus optimiste,
une projection linéaire nous amènerait à intégralement arti-
ficialiser la France métropolitaine – hommage à Trantor, la
planète-capitale de l’empire galactique1
 – en moins de temps
que celui qui nous sépare de Clovis… voire en quelques siècles
là où la pression foncière est la plus importante, autour des
métropoles et dans les départements côtiers2
.
Quelques siècles, c’est certes une éternité à l’échelle des
décisions publiques. Et il est évidemment absurde d’imagi-
ner qu’on pourrait aller jusqu’à convertir 100 % des terres
agricoles, des forêts, des zones naturelles, en territoire urba-
nisé : l’artificialisation prendra fin avant. Mais l’enjeu est que
celle-ci prenne fin le plus tôt possible, car chaque année qui
passe entame nos capacités de résilience (alimentaire notam-
ment), distend nos liens à la nature, met souvent à mal notre
sens esthétique.
C’est dans cette optique que Sylvain Grisot a élégam-
ment proposé le terme d’urbanisme circulaire. Si le parallèle
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est fructueux, puisqu’on peut « recycler » les bâtiments en les
réhabilitant, et les friches urbaines en les requalifiant, Sylvain
Grisot se garde de tomber dans un travers qui touche, bien
trop souvent, les discours et les réflexions sur l’économie
circulaire. Dans son acception la plus courante, en effet, il
s’agit surtout de maintenir, à peu de chose près, la gabegie de
production et de consommation actuelle, tout en augmentant,
autant que faire se peut, les taux de recyclage des matières
premières. Or le recyclage reste un levier limité : c’est d’abord
sur la réduction à la source, sur la sobriété ou la frugalité,
que les choses se jouent.
Cette sobriété doit infuser à tous les niveaux, dès l’ex-
pression des besoins. Il ne s’agit pas seulement de construire
mieux, de concevoir et réaliser de « bons » projets, les plus
neutres en carbone possible ; avec les volumes actuels, s’il
fallait tout construire ou presque avec des matériaux biosour-
cés, les ressources disponibles n’y suffiraient pas, loin de là.
Il s’agit donc d’abord de construire moins, de questionner
fondamentalement les besoins et les programmes, d’intensi-
fier intelligemment l’usage du bâti existant, de lutter contre
l’obsolescence des lieux, en multipliant les fonctions, en
privilégiant la réhabilitation, en faisant évoluer nos référen-
tiels culturels. Il faut passer des maires bâtisseurs aux maires
embellisseurs (enchanteurs ?) des lieux de vie.
À l’échelle territoriale, nous devons bien sûr viser la ZAN
(zéro artificialisation nette), et même, si j’osais, tendre au plus
vite vers la zéro artificialisation brute, car nous maîtrisons mal
les processus de « réparation écologique ». Plutôt qu’éviter/
réduire/compenser, mettons-nous en tête qu’il est bien plus
efficace d’éviter/éviter/éviter. Dans le domaine environne-
mental, prévenir est toujours bien plus sage que réparer. Cela
devra se faire « quoi qu’il en coûte ».
Les injonctions contradictoires seront nombreuses : il
faudra faire entrer, au chausse-pied, les besoins d’habitat,
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de commerces, de loisirs, de transports, mais aussi les fonc-
tions productives et logistiques, avec, peut-être, une dose
de relocalisation économique postcrise sanitaire, tandis
qu’à l’heure de l’adaptation au changement climatique, de
nouveaux usages, de nouveaux modes de consommation et
production, nécessiteront de repenser fortement la spatia-
lité de nos organisations. Personne n’a dit que ce serait
simple…
Toute la profession doit s’embarquer dans cette aventure
bien éloignée des habitudes prises dans le « monde d’avant » :
les maîtres d’ouvrage et leurs conseils, pour prendre les déci-
sions courageuses, accepter de mener les expérimentations,
transformer leur commande ; les urbanistes pour raisonner
différemment et mettre la préservation au cœur de leurs
réflexions ; les programmistes pour « chasser » les mètres
carrés surnuméraires ; bien sûr, ensuite, les concepteurs,
architectes et bureaux d’études, pour déployer toute l’agilité
nécessaire aux adaptations à l’existant.
Mais ne soyons pas naïfs : la prise de conscience, certes
de plus en plus large, les quelques exemples emblématiques et
inspirants, l’application de recettes locales par certains acteurs
déjà plus engagés, ne suffiront pas. Il faudra un accompa-
gnement sans faille de la part de la puissance publique, à
tous les niveaux, dans les approches réglementaires et fis-
cales, et dans le choix des bonnes échelles de décision. De
ce point de vue, nous n’en sommes qu’aux prémices. Mais
nous pouvons déjà tirer quelques leçons de la crise sanitaire
de 2020. L’histoire accélère parfois de manière impromp-
tue : les habitudes coriaces peuvent alors être modifiées, les
réticences promptement balayées, les tabous mis à bas…
ainsi du rapport au télétravail, de la pratique du vélo, de
l’attractivité des villes denses, de « l’argent gratuit » ou des
ratios d’endettement à respecter à tout prix. Alors pourquoi
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pas, demain, une profonde évolution de notre rapport à la
ville et aux territoires ?
Philippe Bihouix, octobre 2020.
ingénieur, auteur de L’âge des low tech (Seuil, 2014),
directeur général du groupe AREP3
1. De la célèbre trilogie de science-fiction Fondation d’Isaac Asimov
(1951).
2. Dont le taux d’artificialisation est déjà cinq fois supérieur à la
moyenne française.
3. Agence d’architecture interdisciplinaire, AREP déploie des
solutions autour de la mobilité bas-carbone et de l’urbanisme résilient
(www.arep.fr).
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AVERTISSEMENT
Les passages en italique sans indication d’une source sont le
fruit de l’imagination de l’auteur.
Toute ressemblance avec des faits réels – passés ou futurs –
n’a rien de fortuite.
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Luc Schuiten
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PROLOGUE
23 JANVIER 2032
Bonjour.
Excusez-moi, c’est un peu impressionnant d’être là devant cette
assemblée. Je remercie la convention de m’avoir invité en ce froid
mois de janvier 2032. Mon nom est Antoine Gébeau, je suis le maire
de Saint-Gonchain, une petite commune de l’Ouest de la France. Je
suis élu depuis mars 2020, ça fera douze ans dans quelques semaines.
Vous m’avez demandé de raconter cette décennie de changements,
de témoigner. Merci encore, c’est important, pour moi, pour nous tous.
Je vais commencer par le début, le début des années 20. J’étais
deuxième sur la liste pour les élections municipales. J’avais dit oui
au maire sortant qui se représentait, un ami. Je m’ennuyais sans
doute un peu dans mon métier d’urbaniste à ce moment-là, j’avais
l’impression de faire toujours le même projet. Et puis, j’avais la sen-
sation que quelque chose ne tournait pas rond, et l’envie d’agir. Je
n’avais pas réalisé ce dans quoi je m’engageais, pas du tout. J’ai été
élu, il n’y avait qu’une liste, et je me suis retrouvé en mars 2020
premier adjoint, à « l’urbanisme durable et à l’économie circulaire ».
Il y avait bien eu quelques signes précurseurs que l’on n’avait
pas voulu voir. Un maire breton avait décidé d’interdire l’épandage
de produits chimiques dans les champs à cent cinquante mètres des
habitations. Au début cela avait bien fait rire les autorités, et puis
un peu moins quand il a commencé à être suivi par des collègues
un peu partout en France. Mais quand les tribunaux au début de
l’été 2020 leur ont donné raison, elles n’ont plus rigolé du tout, les
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autorités. En quelques semaines, toutes les lisières agricoles des villes
ont été interdites à l’agriculture conventionnelle, et devaient être
laissées en friche ou passées en bio. Cela représentait plus de 5 % des
terres cultivées, mais chez nous c’était beaucoup plus. La commune
s’était développée pendant vingt ans en aménageant un champ après
l’autre pour y construire des lotissements pour ceux qui travaillaient
dans la métropole. Partout, le monde agricole était au contact avec
l’habitat. Un contact qui était déjà rugueux, mais là c’est devenu
une guerre ouverte.
Vous imaginez bien qu’en tant qu’élus, on était coincés au milieu
d’un enjeu qui nous dépassait, mais dont on comprenait bien qu’il
était important. Alors on allait d’incendie en incendie, calmant les
uns, expliquant aux autres qu’il allait falloir changer leurs pratiques
agricoles, mobilisant tout le monde pour accompagner ces transforma-
tions. Mais tout cela n’était rien par rapport à ce qui nous attendait.
Je vais essayer d’être précis, car l’enchaînement des événements est
important. À l’automne 2020 il y a eu les élections américaines, avec
l’arrivée-surprise de cette jeune présidente démocrate, et la fuite au
Mexique de Donald Trump avant même d’avoir fini son mandat.
Dès son arrivée au bureau ovale, elle a fait sauter une tête : celle
d’Andrew Wheeler, un ancien lobbyiste de l’industrie du charbon
placé par Trump à la tête de l’Agence de protection de l’environne-
ment. Il est remplacé par Paula Stewart, vous en avez sans doute
entendu parler, une scientifique de l’université de Columbia, qui
dès son arrivée lance une série de mesures d’urgence. Le retrait du
glyphosate des champs américains en faisait partie.
Ça couvait depuis des mois, avec plus de 40 000 plaintes déposées
contre le fabricant, notamment par des agriculteurs contaminés. Mais
ce n’est plus Monsanto qui était visé : l’entreprise américaine avait
été rachetée par l’allemand Bayer pour un montant complètement
délirant, juste avant cette flambée judiciaire. Monsanto étant passé
sous pavillon européen, l’administration américaine avait les mains
libres pour taper fort.
Ce n’était pas le premier scandale sanitaire que l’on vivait,
à l’époque même les vaches devenaient folles, mais c’est certaine-
ment celui qui a eu le plus d’impact sur nos modes de vie. Dès la
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conférence de presse de Paula Stewart annonçant l’interdiction d’usage
du glyphosate le 1er
 janvier 2021, l’action Bayer s’est effondrée à
la Bourse de Francfort. Mais ça, ce n’est pas le plus grave. C’est
l’Organisation mondiale de la santé qui a ensuite pris le relais, avec
l’annonce d’une enquête internationale sur l’ensemble des produits
phytosanitaires utilisés pour l’agriculture. Les premiers résultats
tombent rapidement, et ils sont accablants. Avant la fin de l’année,
toutes les autorités sanitaires ont mis sur la touche au moins tempo-
rairement les principaux produits utilisés dans les champs.
Le choc a été massif : il a fallu soudainement arrêter d’utiliser
des produits qui étaient devenus indispensables aux agriculteurs. Un
arrêt brutal de la machine agricole dans les pays développés. On a dû
tout réorganiser, pour cultiver mieux et produire suffisamment pour
nourrir la population. Ça a été l’explosion, on était sans arrêt sur le
front. C’est à ce moment-là que le maire de ma commune a décidé de
jeter l’éponge, comme des milliers d’autres partout en France. Je me
suis retrouvé maire par défaut, puis président de la communauté de
communes, par le hasard de l’histoire. Et quelle histoire.
La crise a fait réaliser à chacun l’importance de ces sols agricoles en
lisière des villes, qu’on pensait juste bonnes à occuper les ruraux dans
l’année et dépayser les urbains pendant les vacances. Mais ces terres
étaient surtout vouées à servir de zones d’extension à la ville. Tout
à coup, elles sont redevenues vitales, d’autant plus que les rendements
sont devenus plus aléatoires avec les techniques biologiques et le chan-
gement climatique, et que la population n’a pas cessé d’augmenter.
L’État a traîné à agir, mais élus et citoyens se sont mobilisés
localement : de la plus grande métropole à la plus petite commune
rurale, tous ont instauré un moratoire sur la consommation des terres
agricoles, puis marqué symboliquement la fin définitive de la ville
par des plantations d’arbres fruitiers.
C’était en 2022. C’était beau et effrayant. On ne savait plus
comment faire la ville. L’impact a été énorme, il a fallu tout réin-
venter pour répondre aux besoins d’habitat, de commerce, de déve-
loppement économique… Bref, continuer à construire la ville, mais
sans l’étendre. On a repéré et mobilisé tous les espaces potentiels pour
répondre à la demande de la croissance urbaine sans s’étaler dans les
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champs : les bâtiments sous-utilisés, les délaissés routiers, les pelouses
des parcs d’activité, les jardins de lotissement, les golfs, les friches et
même les sous-sols…
J’ai passé beaucoup de temps posté à la lisière de la ville. Des
années à retisser les liens entre les habitants et les agriculteurs, conver-
sation après conversation. Les premiers avaient besoin de manger,
mais surtout de comprendre. Les seconds avaient besoin de bras, mais
aussi d’un nouveau savoir-faire pour déployer partout une agriculture
en intelligence avec les sols, les paysages et la nature. Les déchets
des urbains devenaient l’engrais des ruraux, et les week-ends on se
retrouvait au bord des champs pour reconstituer une à une les haies
arrachées par nos aînés.
Mais j’ai surtout travaillé sans relâche pour mettre au point les
alternatives au grignotage de nos terres agricoles. Faire la ville sur
la ville, mais vraiment. Ce n’était pas simple au début. Il a fallu
tout réapprendre, mais plutôt que de simplement couler du béton, on
a décidé d’affronter la complexité des choses. On voulait faire la ville
autrement, et on le faisait vraiment. En une poignée d’années on a
réduit drastiquement notre consommation de sol et engagé un vaste
chantier pour refaire la ville au lieu de l’étendre. Isoler partout, poser
de nouveaux étages sur des bâtiments, glisser un nouveau logement
entre deux maisons…
On s’est adapté aux changements du climat, mais on a surtout
compris comment devenir adaptables. Maintenant qu’on a passé la
grande crise agricole, on sait que les solutions n’existent que dans la
coopération. Les habitants ont compris pendant ces années qu’il fallait
se mobiliser et faire, plutôt que de venir se plaindre dans le bureau
du maire. D’ailleurs je n’ai plus de bureau, la mairie est transfor-
mée en espace de service mutualisé, et tout se décide désormais à un
niveau territorial plus large, à l’échelle des problèmes réels et plus
des alliances politiques. Mais le maire est toujours là, pour écouter,
expliquer et parfois montrer la voie. Ce n’est peut-être plus le même
métier, mais qu’est-ce qu’il est beau.
Je me souviens très nettement de ce printemps 2026, je venais à
nouveau d’être élu président de la communauté de communes, pour
la première fois directement par les citoyens de tout le territoire. Je
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sillonnais les routes pour rencontrer tous les élus, un par un, pour
les convaincre qu’il fallait encore accélérer la transition. J’y passais
mes journées et mes nuits. C’était le coucher du soleil, la fin d’une
belle journée de printemps et j’ai mécaniquement mis en marche mes
essuie-glaces pour nettoyer mon pare-brise. Je me suis arrêté sur le
bord d’un champ et je suis sorti regarder ma voiture : elle était criblée
de petits insectes. Comme dans mon enfance. Et là j’ai entendu le
chant des chardonnerets, cachés dans une nouvelle haie encore jeune.
Les insectes, les oiseaux, ils sont revenus.
On a réussi ça, et plein d’autres choses. Mais… je l’annonce
aujourd’hui, dans quelques semaines je terminerai mon mandat, et
ce sera le dernier. À 55 ans, bientôt 56, j’ai décidé de ne pas me
représenter. Je ne jette pas l’éponge, non, je passe la main c’est très
différent. Je n’aurai jamais imaginé me retrouver au cœur des grandes
transformations de cette décennie, mais c’est à vous d’écrire la suite.
Moi, je vais reprendre mon métier d’urbaniste. Il a tellement
changé.
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Première partie
L’IMPASSE
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La ville disloquée
Si l’on construisait actuellement des villes, on les construirait à
la campagne, l’air y serait plus sain.
— Commerson, Petite Encyclopédie bouffonne, 1860.
Le monde-ville
La ville s’étend. Évidemment, nous sommes de plus en
plus nombreux. Nous n’étions qu’un peu plus de 5  mil-
liards à peupler la planète il y a trente ans, et déjà nous
pensions être nombreux. Mais nous sommes aujourd’hui
7,5 milliards.
Dans trente ans, non seulement nous serons sans doute
10  milliards, mais plus de 65  % des humains seront aussi
des urbains, contre 55  % aujourd’hui. Toute la croissance
de la population va se concentrer dans les villes, en faisant
exploser leur population de 50 %. Massif. Cette croissance
sera concentrée sur l’Asie et l’Afrique subsaharienne, mais
cette tendance concerne aussi la France.
Alors les villes s’étendent. Vite, trop vite sans doute.
La surface des espaces urbains a doublé ces trente dernières
années, et devrait s’étendre d’encore 1,2 million de kilomètres
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carrés d’ici 2050. Cette conquête des campagnes par les villes
correspond à l’équivalent d’une ville comme Londres toutes
les sept semaines, ou plus de 30 m2
toutes les secondes, rien
qu’en Europe.
Apprendre à compter
Si la croissance de la ville est vraiment un problème,
encore faut-il mesurer correctement le phénomène pour s’y
confronter. Tout et n’importe quoi a été dit en France sur
la croissance de la ville, mais surtout n’importe quoi. Une
nouvelle unité de surface a même été inventée pour l’occa-
sion : le « département », sans préciser s’il s’agit de la Sarthe
(6 206 km2
) ou de la Guyane (13 fois plus grand). Étrange,
mais pourquoi pas, alors allons-y comme cela, en prenant
comme référence la surface moyenne d’un département
métropolitain (5 750 km2
).
Pour beaucoup donc, la ville consomme en France la sur-
face d’un département tous les dix ans (3 260 occurrences sur
Google). Mais certains ont manifestement des données plus
précises, et aussi plus inquiétantes : le rythme serait en fait
d’un département tous les sept ans (2 050 occurrences). Un
ancien président de la République aurait même évoqué une
consommation d’un département par an, mais il en faisait
peut-être un peu trop.
Revenons aux origines du problème pour clarifier tout
ça : les sources de données. D’un côté, nous avons Terruti-
Lucas, de l’autre côté Corine Land Cover. Ce ne sont pas des
équipes italiennes et anglaises qui s’affrontent sur des terrains
de football, mais les noms de code d’études très sérieuses qui
produisent régulièrement des chiffres sur la croissance de la
tache urbaine en France.
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L’enquête Terruti-Lucas procède par sondages : plus de
300 000 points répartis en France dont la localisation est
jalousement tenue secrète. Tous les ans ou presque, on vérifie
l’usage du sol sur ces points sur le terrain, et on extrapole à
l’échelle de la France. Une analyse très fine donc, mais qui
peine à donner des résultats précis à l’échelle nationale. Les
sept ans viennent de là.
Il n’y a en revanche pas de vérification de terrain pour
élaborer les données de Corine Land Cover, tout provient de
photos satellites. Pas d’extrapolation hasardeuse ici puisque
tout le territoire est analysé, mais de façon beaucoup moins
précise : l’analyse repère mal les changements d’usage des sols
de moins de quelques hectares. Alors forcément les résultats
sont différents, très différents même.
Mais pourtant, comment comprendre un phénomène si
l’on n’est pas capable de le mesurer correctement ? Nous en
avons désormais les moyens puisque de nouvelles données
toutes fraîches viennent d’être publiées par le Cerema, l’IGN
et l’Irstea, trois organismes techniques et de recherche de
l’État. Des informations très précises issues des fichiers fon-
ciers qui servent à l’établissement des impôts – c’est dire si
elles sont fiables. Ces données permettent d’analyser les dyna-
miques d’artificialisation, c’est-à-dire le changement d’état de
sols agricoles, naturels ou forestiers vers des usages urbains
de toute nature. En manipulant les 30 000  lignes de cette
base de données, on tombe sur des chiffres bien différents de
ceux énoncés précédemment. Entre 2010 et 2017, nous avons
artificialisé en France métropolitaine environ 30 000 ha par
an. Si l’on rapporte cette surface à la taille d’un département
moyen, cela équivaut à un département… tous les vingt ans.
Le prochain qui dit ou écrit autre chose, vous me l’envoyez.
Alors, ce ne serait finalement pas si grave ? Évidemment
si, ne refermez pas encore ce livre. D’abord parce que la ten-
dance n’est pas satisfaisante : après un relatif ralentissement
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du rythme de consommation de sols lié à la crise de 2008, on
constate une reprise de vitesse sur les dernières données. Mais
aussi parce que 30 000 ha par an, c’est vraiment beaucoup de
terres artificialisées. Presque 3  fois la surface de la ville de
Paris, 18 aéroports à Notre-Dame-des-Landes ou 375 pro-
jets EuropaCity dans le Triangle de Gonesse. Tous les ans.
Ce sont 5  terrains de football aux normes de l’IFAB pour
les rencontres internationales. Cinq terrains, mais toutes les
heures, de nuit comme de jour, et même le week-end. Sans
tribune dans Libé, sans manifestation, sans abribus cassé. En
silence et dans l’indifférence générale.
Une croissance inefficace
La ville grandit vite, très vite, en France comme ailleurs.
Cette croissance pourrait paraître logique dans un contexte
d’augmentation de la population, mais elle en a perdu le sens.
La consommation de sols pour bâtir la ville a accéléré à par-
tir des années  1960 à un rythme dépassant très largement
l’accroissement de la population, jusqu’à lui être trois fois
supérieur. La croissance de la ville est devenue moins efficace,
en offrant de moins en moins de services aux urbains sur
toujours plus de sol. Car c’est cela l’étalement urbain : une
croissance inefficace de la ville.
Pourtant, si l’on regarde une cartographie des différents
rythmes de consommation d’espaces naturels, agricoles ou fores-
tiers (ou Enaf, mais rien à voir avec le pâté) des territoires en
France métropolitaine, on retrouve en tête les espaces dont le
dynamisme démographique et économique est bien connu :
l’Île-de-France, les grandes métropoles et les espaces littoraux
atlantiques et méditerranéens. Alors l’artificialisation des sols
serait directement liée au dynamisme des territoires ? Si on ana-
lyse les choses plus finement, l’image est beaucoup moins claire.
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Croissance de la population et des surfaces artificialisées en France.
Indice 100 en 1954. Polèse, Shearmur et Terral (2015)
Observons deux régions de surface comparable pendant
la période 2010-2015 : les Pays de la Loire et la Bourgogne.
Hors de propos ici de comparer la qualité de leurs crus res-
pectifs sur ces années clés, mais constatons qu’en matière
de dynamique démographique et économique, les tendances
sont plus que contrastées. Pendant que les Pays de la Loire
accueillent près de 150 000 habitants et 20 000 emplois sup-
plémentaires, la Bourgogne voit sa population se réduire de
près de 1 000  habitants et perd 20 000  emplois. Pourtant
l’artificialisation des sols se poursuit aussi en Bourgogne,
et à un rythme soutenu : plus de 800 ha par an, soit 30 %
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de la consommation des Pays de la Loire pendant la même
période.
Effectuons une autre analyse. Sur la même période
2010-2015, plus de 14 000 communes en France ont perdu
près de 650 000 habitants. Et pourtant, dans ces mêmes com-
munes, pas moins de 27 500 ha ont été artificialisés pour des
usages d’habitat. Plus du quart de la consommation nationale
de sol pour le logement a donc eu lieu dans des communes
qui perdent des habitants…
La croissance de la ville n’est donc pas seulement plus
rapide que celle de sa population, elle en est désormais décor-
rélée. Elle croît en surface même quand elle perd habitants
et emplois. Nous ne savons plus faire (la) ville. Elle s’étale
jusqu’à prendre le risque de se disloquer. Mais la faute à qui ?
À la voiture bien entendu.
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Le moteur de l’explosion
San Francisco abandonne sa catastrophique expérimentation du
free-floating.
Après cent ans, San Francisco met fin à sa désastreuse expéri-
mentation autorisant l’usage des « véhicules personnels sans sta-
tions », plus communément appelés voitures. Détaillant un bilan
déplorable sur pratiquement tous les aspects, du bruit à la pollution
de l’air en passant par les embouteillages ou la sécurité des piétons, le
responsable de l’Agence municipale des transports de San Francisco
(SFMTA) a annoncé qu’il mettait fin à cette expérimentation  :
« Nous avons démarré ce projet avec beaucoup d’optimisme. Il sem-
blait vraiment que ces voitures allaient devenir une excellente chose,
mais cela n’a pas été le cas. Nous avons tout essayé pour que les gens
les utilisent en toute sécurité, mais rien n’a fonctionné. Les gens
les conduisent n’importe où, trop vite, et ne font pas attention. »
Alors que cette expérimentation de la voiture tire à sa fin, les
statistiques finales donnent à réfléchir, même en tenant compte de sa
durée très longue. Au cours de cet essai de cent ans, la ville a recensé
un total de 2 434 personnes tuées par des voitures et 56 722 per-
sonnes grièvement blessées. Une source anonyme à la SFMTA a
déclaré : « Nous avons tué la population d’un gros village et laissé
handicapée celle d’une petite ville. Même nous, nous ne pouvons pas
ignorer ces chiffres. »
Au cours des décennies qu’a duré le projet, il est devenu évident que la
taille importante de ces véhicules nécessitait un espace de stockage massif.
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« Nous avons fini par construire toute la ville pour elles, mais même
cela, ça n’a pas fonctionné », indique une autre source à la SFMTA.
« Les gens les laissaient n’importe où, bloquant les trottoirs, les pistes
cyclables, les parcs, partout. Nous avons même dû en repêcher dans des
lacs. Il n’y a strictement aucun endroit où je n’ai pas vu quelqu’un
laisser une de ces choses. »
L’un des plus grands cafouillis introduits par cette expérimenta-
tion a été l’attribution gratuite d’une grande quantité d’espace public
aux propriétaires de voitures privées. Au début du projet, quand il y
avait peu de véhicules, ils étaient autorisés à se garer gratuitement
dans les rues. Cela n’a jamais changé par la suite, même si le nombre
de véhicules a augmenté considérablement. Résultat : les contribuables
ont dû payer pendant des décennies le stockage dans la rue de ces
véhicules. Le coût réel de cet espace a été estimé à cinq milliards de
dollars par an. Un militant associatif remarque : « Nous aurions
pu faire payer le stationnement et utiliser l’argent pour résoudre
le problème des sans-abris et envoyer chaque enfant à la garderie
gratuitement depuis des décennies. Mais tout ce que nous avons eu,
ce sont des rues encombrées de boîtes de métal. »
Maintenant que les véhicules commencent à être sortis des rues,
les habitants de San Francisco découvrent une toute nouvelle ville
dont ils ignoraient l’existence. Chaque nuit depuis la fin de l’expé-
rimentation, de plus en plus d’habitants sortent dans la rue pour
fêter cela. « Je me sens tellement plus relaxée ici depuis la fin de
l’expérimentation de la voiture. Nous n’avions pas réalisé à quel
point c’était stressant, jusqu’à ce que ça s’arrête. C’est incroyable de
pouvoir laisser mes enfants se rendre à l’épicerie sans m’inquiéter »,
note une mère de trois enfants. « Il y a tellement d’espace ! » s’exclame
un autre habitant. « Nous avons enfin tout l’espace dont nous avons
besoin pour aménager des pistes cyclables protégées, mais maintenant
que les voitures ont disparu, elles s’appellent simplement des rues. »
— Olivia Gamboa, fiction, 2019
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Révolution !
Dans son essai Anticipations paru en 1901, dans un monde
encore animé par le cheval et le chemin de fer, H.G. Wells
avait déjà compris toute l’importance que prendrait l’automo-
bile. Il en avait aussi anticipé les effets sur la ville : « Tout est
question de mobilité. Limiter la mobilité contracte la ville, la
faciliter au contraire l’étend et la disperse. » Wells avait bien sûr
raison, la voiture est bien le moteur de l’explosion de la ville.
Le récit des grandes innovations fait la part belle aux soli-
taires. Le héros de l’histoire est généralement un homme seul,
si rarement une femme. Le décor change en fonction des
époques : un arbre fruitier, un grand bureau vide, la paillasse
carrelée d’un laboratoire, un garage transformé en atelier, une
chambre d’étudiant ou le canapé violet d’une salle de créativité
peuplée de post-it chatoyants.
Dans le cas de la voiture, cet homme solitaire est bien
entendu Henry Ford et sa fameuse Ford T. Le premier modèle
de série sort de l’usine de l’avenue Piquette, à Détroit, le 27 sep-
tembre 1908. Un modèle de série justement : Henry Ford (et
sans doute un peu ses équipes) n’a pas inventé la voiture, mais
bien la massification de sa production, permettant la baisse des
prix de vente et l’explosion du marché. La production en série
a son corollaire : la standardisation des produits. La première
Ford T produite était noire, comme toutes les suivantes. Henry
Ford avait lui-même prévenu : « Les gens peuvent choisir n’im-
porte quelle couleur, du moment que c’est noir. »
Tout n’a pourtant pas basculé à l’automne 1908. La voiture
est le cœur, mais ne constitue pas à elle seule un système
de mobilité. Point de hasard, elle se développe justement
au moment où l’industrie pétrolière se cherche de nouveaux
débouchés. Jusqu’ici le pétrole était raffiné pour produire
essentiellement du kérosène utilisé pour l’éclairage, mais
l’électricité pénètre dans les foyers américains et s’y substitue
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rapidement. L’essence, qui n’était qu’un sous-produit souvent
jeté à la rivière, devient rapidement la principale source de
revenus de l’industrie, à la faveur de l’invention de nouveaux
procédés de raffinage en 1909.
La transition est rapide. En 1907, seuls les 8 % des foyers
qui sont raccordés à l’électricité peuvent se passer de kérosène,
et les 43 000 premières voitures à essence vendues se faufilent
encore discrètement entre les calèches dans les rues des villes
étasuniennes. En 1912, 16 % des foyers sont raccordés, et plus
de 350 000  voitures ont déjà été produites. Elles sont près
de 2 millions en 1920 et 35 % des logements sont électrifiés.
Les images bien connues de la parade de Pâques sur la
Cinquième Avenue à New York illustrent parfaitement les effets
sur la ville de ce changement très rapide de paradigme. Les
plaques photographiques de 1900 permettent à peine d’identifier
une voiture perdue au milieu des calèches. En 1913, c’est le
cheval solitaire qui a du mal à se faire une place dans le flot des
voitures. On oublie souvent combien ces révolutions sont rapides.
Parade de Pâques sur la Cinquième Avenue de New York, en 1900
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Parade de Pâques sur la Cinquième Avenue de New York, en 1913
La vitesse de cette transition est en effet stupéfiante, et
vient résoudre des problèmes jusqu’alors insolubles : la voiture
vient débarrasser la ville du crottin et libérer les pâturages des
périphéries des villes pour l’agriculture. Ce n’est que bien plus
tard que l’on commencera à se préoccuper de la pollution de
l’air ou de la concurrence des agrocarburants avec l’alimen-
tation humaine…
Transformer la ville
Pourtant, rien n’est vraiment joué à ce moment-là. Si la
révolution technologique et industrielle est rapide, elle ne fait
pas système : il faut encore adapter la ville à la voiture. Le
rythme d’adoption de l’automobile a été bien plus rapide que
celui du renouvellement concret des espaces publics, mais aussi
des esprits. Une phase de transition s’engage donc, pendant
laquelle la voiture envahit les rues mais n’a pas pour autant
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assis sa domination sur la ville et définitivement repoussé le
piéton sur son petit bout de trottoir.
Car la voiture est trop rapide pour permettre une coexis-
tence pacifique avec le fragile piéton. Le début du siècle pré-
cédent est donc une période de lutte intense autour d’un sujet
qui nous agite encore : à qui appartient la rue ? Contrairement
à ce que l’on pourrait penser, la victoire de la reine automobile
n’était pas acquise. Elle est régulièrement dépeinte comme
un monstre tueur d’enfants, et les oppositions se multiplient
à sa prise de possession de la ville :
Les horreurs de la guerre sont moins effrayantes que les horreurs
de la paix. L’automobile est une mécanique beaucoup plus destructrice
que la mitrailleuse. Les audacieux chauffeurs font plus de morts que
les artilleurs. L’homme de la rue est moins abrité que l’homme des
tranchées.
— New York Times, 23 novembre 1924
Avant de reconstruire physiquement la ville pour la voiture,
il a donc fallu construire une image sociale de l’espace public
compatible avec les exigences fonctionnelles de cette technolo-
gie, et pousser le piéton hors de sa route. Dans les années 1910
et 1920 le lobby automobile a donc créé de toutes pièces un
personnage fictif, placé au cœur d’une vaste campagne de propa-
gande relayée par les autorités : Mr Jay Walker. Jay doit pouvoir
se traduire par « péquenot », « celui qui ne sait pas se comporter
dans la ville ». Mr Jay Walker ne sait pas marcher (walk) en
ville : c’est donc lui qui provoque les accidents. Ce n’est plus
la voiture qui tue, mais le piéton qui cherche la mort selon ce
nouveau récit qui fonctionne parfaitement. Une belle opéra-
tion de retournement des esprits dont on pourrait aujourd’hui
s’inspirer pour développer les alternatives à la voiture.
Cette campagne a été un tel succès que le nom propre
se transforme en nom commun, et « jaywalker » entre au
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dictionnaire en 1924. Au-delà de cette consécration linguis-
tique, cette opération d’ingénierie sociale est une magnifique
réussite puisqu’en focalisant la responsabilité de l’accident sur
le piéton insouciant (Mr Jay Walker), elle a réussi à consacrer
la domination de la voiture dans l’espace public. Après les
esprits et le dictionnaire, ce sont la législation et l’organisation
de la ville et de ses espaces publics qui suivront.
Les infrastructures sont progressivement adaptées, avec
le développement des passages piétons et des feux tricolores.
Puis en 1925 une première réglementation naît (évidemment)
à Los Angeles, actant définitivement la fin de l’égalité des
droits sur la rue et l’obligation faite aux piétons de respecter
des règles de circulation.
Nombre de chevaux et de voitures en circulation aux États-Unis.
Données Micromobility Industries
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La voiture a donc finalement conquis la ville et pris la
place du cheval, le nombre de véhicules en circulation dépas-
sant le nombre de chevaux à cette même période. C’est aussi
dans ces années-là que les boîtes d’aliments pour chiens sont
inventées aux États-Unis, dernier débouché pour les animaux
délaissés…
Autre victime de cette révolution automobile, le tramway
électrique subira un long processus d’éviction des villes, qui
démarre aux États-Unis dès les années 1930 par les efforts
discrètement concertés de constructeurs d’autobus (General
Motors en tête), de pétroliers et de fabricants de pneus. Le
reste du monde suivra. À la fin des années  1950, Sydney
brûle 1 000 rames de tramway et dépose 250 km de voies.
Le 29 janvier 1958, la ville de Nantes abandonne aussi son
réseau, et attendra 1985 pour finalement relancer le tramway
en France.
En quelques décennies, la voiture a donc façonné la ville
en faisant muter l’espace public pour répondre à ses besoins.
Elle s’attaque ensuite au reste du territoire.
Façonner le territoire
Les années 1950 voient naître – une fois encore aux États-
Unis – un modèle de ville qui connaît depuis un succès pla-
nétaire : le suburb américain.
Créée en 1929 par Abraham Levitt, la société Levitt &
Sons Inc. a vécu difficilement le second conflit mondial : les
matériaux étaient réservés à l’effort de guerre, mettant en
sommeil son activité de construction. Un des fils d’Abraham,
William Bill Levitt, a servi dans la Navy au sein des Seebees, le
service de construction du génie. Frappé par l’efficacité de la
préfabrication et de la standardisation des bâtiments militaires
mises en œuvre pendant le conflit, il décide d’adapter ces
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techniques à la construction civile à son retour de la guerre.
Il fait l’acquisition de champs d’oignons et de pommes de
terre sur Long Island dans l’État de New York, pour réali-
ser une opération immobilière à destination des familles des
anciens combattants (mais uniquement blancs) : Levittown,
la première d’une longue série.
Des milliers de maisons identiques s’alignent dès 1947 sur
une trame viaire généreuse et ondulée, louées puis rapidement
vendues à crédit. Levittown fait rapidement des petits, mais
le modèle ne se limite pas à la construction industrialisée
de logements standardisés, ni même à cette forme urbaine
typique du lotissement qui sert de décor aux séries nord-
américaines. Non, le modèle est beaucoup plus global. C’est
d’abord un mode de production à la fois privé et planifié de la
ville : des acteurs de l’immobilier se substituent aux pouvoirs
publics pour produire en masse les logements dont le pays a
besoin. Ils délaissent les centres urbains et concentrent leurs
efforts sur les seuls sites capables d’accueillir une produc-
tion répétitive difficilement adaptable à des contextes urbains
complexes : les terres agricoles en bordure des villes, rendues
accessibles par une voiture devenue ubiquitaire. À cela s’ajoute
un montage économique qui a depuis fait ses preuves, là-bas
comme ici, en ciblant l’offre sur les jeunes ménages dont
la solvabilité est rendue possible par un cadre réglementaire
accommodant (notamment les aides aux anciens combattants)
et le développement massif du crédit immobilier.
Ce modèle de production fera l’essentiel de l’étalement
de la ville étatsunienne, mais aussi la richesse de Levitt &
Sons Inc. Jusqu’à sa faillite le 9 novembre 2007, victime de
l’effondrement d’une économie immobilière qu’elle avait lar-
gement contribué à faire émerger.
Mais n’allons pas trop vite. Il manque un élément au sys-
tème pour assurer la diffusion de ce modèle de production de
la ville : l’autoroute. Revenons donc en 1919, avec la grande
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traversée des États-Unis par un convoi militaire du Motor
Transport Corps  : 4 800  km pour traverser le pays d’est en
ouest, de Washington DC à Oakland. L’état des routes et des
ouvrages d’art transforme l’épopée en une galère qui durera
cinquante-six jours pour les 300 hommes engagés, fera une
vingtaine de blessés et obligera à abandonner sur le bord de
la route 9 des 81 véhicules mobilisés. Parmi ces hommes, un
jeune lieutenant-colonel qui retiendra cette pénible leçon  :
Dwight D. Eisenhower. Devenu président des États-Unis, il
lancera en 1956 la construction du National System of Interstate
and Defense Highways. Ce vaste système autoroutier de plus
de 60 000  km traversant tout le pays est largement inspiré
du Reichsautobahn allemand, qu’Eisenhower avait pu observer
pendant son séjour en Europe comme commandant suprême
des forces alliées. Ce nouveau maillage routier vise à faciliter
la défense du pays mais permet aussi de diffuser le nouveau
modèle de développement urbain à tout le pays. L’étalement
urbain s’accélère alors soudainement.
La France, fière de son dense réseau de nationales, prend
quelques années de retard. Le réseau autoroutier national
n’éclot qu’à la toute fin des années 1960 mais s’étend rapi-
dement, pour compter aujourd’hui près de 12 000 km. Son
développement est directement associé à l’éloignement pro-
gressif des lieux de résidence et de travail, entraînant entre
1975 et 2015 le doublement de la distance médiane parcourue
par les actifs qui ne travaillent pas dans leur commune de
résidence.
Perdre ses repères
La ville d’avant la voiture était dense par nécessité : les
logements étaient localisés à proximité immédiate des emplois,
des commerces et des services, ou se concentraient autour
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des moyens de transport collectifs permettant d’y accéder.
La technologie automobile associée à une ville qui s’y est
adaptée, le développement de la possession individuelle et
l’extension des réseaux routiers ont permis à la fois de séparer
nettement les fonctions (habitat, production, commerces…) et
de les écarter, générant un tissu urbain peu dense. Plus encore
qu’une forme urbaine étalée, c’est un modèle de production
de la ville qui se diffuse, associant public, privé, endettement,
circulation des entreprises et des ménages des centres vers
les périphéries.
La voiture a façonné la ville, puis le territoire. Elle
s’impose aujourd’hui comme une évidence, alors que sa
domination n’a finalement que quelques décennies. Nous
sommes collectivement touchés par ce que le biologiste
marin Daniel Pauly appelle le shifting baseline syndrome,
ou syndrome des changements de références. Les scien-
tifiques en charge de fixer les quotas de pêche jugent de
la dégradation de l’écosystème en fonction de l’état dans
lequel ils l’ont trouvé en débutant leur carrière. Or cet état
se dégrade progressivement, génération après génération
sans que cela soit perçu par la communauté scientifique,
car la référence à l’état « normal » se décale, elle aussi,
progressivement.
De même, nous considérons qu’écrire la ville au rythme
de la voiture est un processus normal, puisque nous l’avons
toujours fait ainsi. Pourtant non, les poissons étaient plus gros
et plus nombreux avant, et les villes moins étalées. Mais le
processus est plus qu’engagé : avec le passage des générations
il est devenu la nouvelle norme. Et peu de choses semblent
pouvoir l’infléchir :
Tant que les urbanistes élargissent les routes et en construisent de
nouvelles ; tant que les conducteurs ont peu d’options alternatives et
ne paient pas le coût complet de leurs trajets ; tant que les politiques
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publiques incitent les gens à vivre dans des banlieues éloignées, nous
aurons un futur toujours plus étalé.
— Janette Sadik-Khan, Street Fight
En à peine un siècle la voiture a donc réussi à tailler
villes et territoires à son image. Impossible désormais d’y
vivre sans elle.
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RÉFÉRENCES
LA VILLE DISLOQUÉE
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Une approche renouvelée des lieux vacants dans la métropole
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www.adu-lille-metropole.org/une-approche-renouvelee-des-
lieux-vacants-dans-la-metropole-lilloise/
Cerema, La consommation d’espaces et ses déterminants
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www.cerema.fr/system/files/documents/2018/05/2017_
rapport_consommation_espaces_VFinale.pdf
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des sols, 12/2017,
http://institut.inra.fr/Missions/Eclairer-les-decisions/Expertises/
Toutes-les-actualites/Sols-artificialises-et-processus-d-
artificialisation-des-sols
219
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Polèse, M., Shearmur, R., & Terral, L., Économie urbaine et
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transflash-ndeg-398-juin-2015/chiffre-du-mois-40
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https://dares.travail-emploi.gouv.fr/IMG/pdf/2015-081.pdf
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www.velo-territoires.org/actualite/2019/09/24/sonia-
lavadinho/
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floating à San Francisco, 26/10/2019,
https://dixit.net/san-francisco
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https://dixit.net/jay-walker
Nikiforuk, A., The Big Shift Last Time: From Horse Dung
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www.cirad.fr/publications-ressources/edition/etudes-et-
documents/prospective-agrimonde-terra
Durand, A., Avec 48 000 morts par an en France, la pollu-
tion de l’air tue plus que l’alcool, Les décodeurs, Le Monde,
27/02/2019,
www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2019/02/27/avec-
48-000-morts-par-an-en-france-la-pollution-de-l-air-tue--
plus-que-l-alcool_5429074_4355770.html
EU Commission, On Resource Efficiency Opportunities in
the Building Sector, 07/2014,
http://ec.europa.eu/environment/eussd/pdf/SustainableBuil-
dingsCommunication.pdf
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Imprimé en France
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Manifeste pour un urbanisme circulaire

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  • 2. Manifeste pour un urbanisme circulaire 354412IFK_MANIFESTE_CC2019_pc .indd 1 354412IFK_MANIFESTE_CC2019_pc .indd 1 16/11/2020 09:49:41 16/11/2020 09:49:41
  • 3. Sylvain Grisot est urbaniste, il a fondé en 2015 dixit.net, une agence de conseil et de recherche pour les transitions urbaines. Il est aussi conférencier, enseignant et chercheur. Conception graphique de la couverture : Laure Bombail Illustration de couverture : Julien Billaudeau Correction et mise en pages : Nord Compo © 2020, dixit.net, Nantes © 2021, Éditions Apogée une marque de la société Feuilles de style, Rennes ISBN : 978-2-84398-692-5 Tous droits de traduction, d’adaptation et de reproduction, sous quelque forme que ce soit, réservés pour tous pays. 354412IFK_MANIFESTE_CC2019_pc .indd 2 354412IFK_MANIFESTE_CC2019_pc .indd 2 16/11/2020 09:49:41 16/11/2020 09:49:41
  • 4. Sylvain Grisot Manifeste pour un urbanisme circulaire Pour des alternatives concrètes à l’étalement de la ville Éditions Apogée 354412IFK_MANIFESTE_CC2019_pc .indd 3 354412IFK_MANIFESTE_CC2019_pc .indd 3 16/11/2020 09:49:42 16/11/2020 09:49:42
  • 5. SOMMAIRE Préface. Construire dans le « monde d’après » ?. . . . . 11 Prologue. 23 janvier 2032. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 17 Première partie : L’impasse La ville disloquée . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 25 Le moteur de l’explosion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 31 Impacts . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 43 Urbanisme à fragmentation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 57 Deuxième partie : L’urbanisme circulaire Sortir de l’impasse. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 69 Intensifier les usages . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 83 Transformer l’existant . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 103 Recycler les espaces. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 145 Troisième partie : Manifeste Enjeux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 171 Bifurquer . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 183 Perspectives . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 191 Postfaces Agir pour et avec les sols urbains. . . . . . . . . . . . . . . . 197 Un avant et un après. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 205 La convention citoyenne pour le climat et l’artificialisation des sols . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 211 Références . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 219 Remerciements . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 235 7 354412IFK_MANIFESTE_CC2019_pc .indd 7 354412IFK_MANIFESTE_CC2019_pc .indd 7 16/11/2020 09:49:42 16/11/2020 09:49:42
  • 6. 354412IFK_MANIFESTE_CC2019_pc .indd 8 354412IFK_MANIFESTE_CC2019_pc .indd 8 16/11/2020 09:49:42 16/11/2020 09:49:42
  • 7. Il y avait des graines terribles sur la planète du petit prince… c’était les graines de baobabs. Or un baobab, si l’on s’y prend trop tard, on ne peut plus jamais s’en débarrasser. Il encombre toute la planète. Il la perfore de ses racines. Et si la planète est trop petite, et si les baobabs sont trop nombreux, ils la font éclater. — Antoine de Saint-Exupéry, Le Petit Prince 354412IFK_MANIFESTE_CC2019_pc .indd 9 354412IFK_MANIFESTE_CC2019_pc .indd 9 16/11/2020 09:49:42 16/11/2020 09:49:42
  • 8. 354412IFK_MANIFESTE_CC2019_pc .indd 10 354412IFK_MANIFESTE_CC2019_pc .indd 10 16/11/2020 09:49:42 16/11/2020 09:49:42
  • 9. PRÉFACE CONSTRUIRE DANS LE « MONDE D’APRÈS » ? C’est une des prises de conscience, parmi bien d’autres, de la dernière décennie. Nous artificialisons notre territoire à un rythme insoutenable. Notre vision reste parcellaire et les chiffres oscillent, entre données satellitaires, échantillonnages, analyses statistiques des fichiers fonciers, entre 30 000  et 60 000 ha par an. Même avec la tendance la plus optimiste, une projection linéaire nous amènerait à intégralement arti- ficialiser la France métropolitaine – hommage à Trantor, la planète-capitale de l’empire galactique1  – en moins de temps que celui qui nous sépare de Clovis… voire en quelques siècles là où la pression foncière est la plus importante, autour des métropoles et dans les départements côtiers2 . Quelques siècles, c’est certes une éternité à l’échelle des décisions publiques. Et il est évidemment absurde d’imagi- ner qu’on pourrait aller jusqu’à convertir 100 % des terres agricoles, des forêts, des zones naturelles, en territoire urba- nisé : l’artificialisation prendra fin avant. Mais l’enjeu est que celle-ci prenne fin le plus tôt possible, car chaque année qui passe entame nos capacités de résilience (alimentaire notam- ment), distend nos liens à la nature, met souvent à mal notre sens esthétique. C’est dans cette optique que Sylvain Grisot a élégam- ment proposé le terme d’urbanisme circulaire. Si le parallèle 11 354412IFK_MANIFESTE_CC2019_pc .indd 11 354412IFK_MANIFESTE_CC2019_pc .indd 11 16/11/2020 09:49:42 16/11/2020 09:49:42
  • 10. est fructueux, puisqu’on peut « recycler » les bâtiments en les réhabilitant, et les friches urbaines en les requalifiant, Sylvain Grisot se garde de tomber dans un travers qui touche, bien trop souvent, les discours et les réflexions sur l’économie circulaire. Dans son acception la plus courante, en effet, il s’agit surtout de maintenir, à peu de chose près, la gabegie de production et de consommation actuelle, tout en augmentant, autant que faire se peut, les taux de recyclage des matières premières. Or le recyclage reste un levier limité : c’est d’abord sur la réduction à la source, sur la sobriété ou la frugalité, que les choses se jouent. Cette sobriété doit infuser à tous les niveaux, dès l’ex- pression des besoins. Il ne s’agit pas seulement de construire mieux, de concevoir et réaliser de « bons » projets, les plus neutres en carbone possible ; avec les volumes actuels, s’il fallait tout construire ou presque avec des matériaux biosour- cés, les ressources disponibles n’y suffiraient pas, loin de là. Il s’agit donc d’abord de construire moins, de questionner fondamentalement les besoins et les programmes, d’intensi- fier intelligemment l’usage du bâti existant, de lutter contre l’obsolescence des lieux, en multipliant les fonctions, en privilégiant la réhabilitation, en faisant évoluer nos référen- tiels culturels. Il faut passer des maires bâtisseurs aux maires embellisseurs (enchanteurs ?) des lieux de vie. À l’échelle territoriale, nous devons bien sûr viser la ZAN (zéro artificialisation nette), et même, si j’osais, tendre au plus vite vers la zéro artificialisation brute, car nous maîtrisons mal les processus de « réparation écologique ». Plutôt qu’éviter/ réduire/compenser, mettons-nous en tête qu’il est bien plus efficace d’éviter/éviter/éviter. Dans le domaine environne- mental, prévenir est toujours bien plus sage que réparer. Cela devra se faire « quoi qu’il en coûte ». Les injonctions contradictoires seront nombreuses : il faudra faire entrer, au chausse-pied, les besoins d’habitat, 12 354412IFK_MANIFESTE_CC2019_pc .indd 12 354412IFK_MANIFESTE_CC2019_pc .indd 12 16/11/2020 09:49:42 16/11/2020 09:49:42
  • 11. de commerces, de loisirs, de transports, mais aussi les fonc- tions productives et logistiques, avec, peut-être, une dose de relocalisation économique postcrise sanitaire, tandis qu’à l’heure de l’adaptation au changement climatique, de nouveaux usages, de nouveaux modes de consommation et production, nécessiteront de repenser fortement la spatia- lité de nos organisations. Personne n’a dit que ce serait simple… Toute la profession doit s’embarquer dans cette aventure bien éloignée des habitudes prises dans le « monde d’avant » : les maîtres d’ouvrage et leurs conseils, pour prendre les déci- sions courageuses, accepter de mener les expérimentations, transformer leur commande ; les urbanistes pour raisonner différemment et mettre la préservation au cœur de leurs réflexions ; les programmistes pour « chasser » les mètres carrés surnuméraires ; bien sûr, ensuite, les concepteurs, architectes et bureaux d’études, pour déployer toute l’agilité nécessaire aux adaptations à l’existant. Mais ne soyons pas naïfs : la prise de conscience, certes de plus en plus large, les quelques exemples emblématiques et inspirants, l’application de recettes locales par certains acteurs déjà plus engagés, ne suffiront pas. Il faudra un accompa- gnement sans faille de la part de la puissance publique, à tous les niveaux, dans les approches réglementaires et fis- cales, et dans le choix des bonnes échelles de décision. De ce point de vue, nous n’en sommes qu’aux prémices. Mais nous pouvons déjà tirer quelques leçons de la crise sanitaire de 2020. L’histoire accélère parfois de manière impromp- tue : les habitudes coriaces peuvent alors être modifiées, les réticences promptement balayées, les tabous mis à bas… ainsi du rapport au télétravail, de la pratique du vélo, de l’attractivité des villes denses, de « l’argent gratuit » ou des ratios d’endettement à respecter à tout prix. Alors pourquoi 13 354412IFK_MANIFESTE_CC2019_pc .indd 13 354412IFK_MANIFESTE_CC2019_pc .indd 13 16/11/2020 09:49:42 16/11/2020 09:49:42
  • 12. pas, demain, une profonde évolution de notre rapport à la ville et aux territoires ? Philippe Bihouix, octobre 2020. ingénieur, auteur de L’âge des low tech (Seuil, 2014), directeur général du groupe AREP3 1. De la célèbre trilogie de science-fiction Fondation d’Isaac Asimov (1951). 2. Dont le taux d’artificialisation est déjà cinq fois supérieur à la moyenne française. 3. Agence d’architecture interdisciplinaire, AREP déploie des solutions autour de la mobilité bas-carbone et de l’urbanisme résilient (www.arep.fr). 354412IFK_MANIFESTE_CC2019_pc .indd 14 354412IFK_MANIFESTE_CC2019_pc .indd 14 16/11/2020 09:49:42 16/11/2020 09:49:42
  • 13. AVERTISSEMENT Les passages en italique sans indication d’une source sont le fruit de l’imagination de l’auteur. Toute ressemblance avec des faits réels – passés ou futurs – n’a rien de fortuite. 354412IFK_MANIFESTE_CC2019_pc .indd 15 354412IFK_MANIFESTE_CC2019_pc .indd 15 16/11/2020 09:49:42 16/11/2020 09:49:42
  • 14. Luc Schuiten 354412IFK_MANIFESTE_CC2019_pc .indd 16 354412IFK_MANIFESTE_CC2019_pc .indd 16 16/11/2020 09:49:42 16/11/2020 09:49:42
  • 15. PROLOGUE 23 JANVIER 2032 Bonjour. Excusez-moi, c’est un peu impressionnant d’être là devant cette assemblée. Je remercie la convention de m’avoir invité en ce froid mois de janvier 2032. Mon nom est Antoine Gébeau, je suis le maire de Saint-Gonchain, une petite commune de l’Ouest de la France. Je suis élu depuis mars 2020, ça fera douze ans dans quelques semaines. Vous m’avez demandé de raconter cette décennie de changements, de témoigner. Merci encore, c’est important, pour moi, pour nous tous. Je vais commencer par le début, le début des années 20. J’étais deuxième sur la liste pour les élections municipales. J’avais dit oui au maire sortant qui se représentait, un ami. Je m’ennuyais sans doute un peu dans mon métier d’urbaniste à ce moment-là, j’avais l’impression de faire toujours le même projet. Et puis, j’avais la sen- sation que quelque chose ne tournait pas rond, et l’envie d’agir. Je n’avais pas réalisé ce dans quoi je m’engageais, pas du tout. J’ai été élu, il n’y avait qu’une liste, et je me suis retrouvé en mars 2020 premier adjoint, à « l’urbanisme durable et à l’économie circulaire ». Il y avait bien eu quelques signes précurseurs que l’on n’avait pas voulu voir. Un maire breton avait décidé d’interdire l’épandage de produits chimiques dans les champs à cent cinquante mètres des habitations. Au début cela avait bien fait rire les autorités, et puis un peu moins quand il a commencé à être suivi par des collègues un peu partout en France. Mais quand les tribunaux au début de l’été 2020 leur ont donné raison, elles n’ont plus rigolé du tout, les 17 354412IFK_MANIFESTE_CC2019_pc .indd 17 354412IFK_MANIFESTE_CC2019_pc .indd 17 16/11/2020 09:49:42 16/11/2020 09:49:42
  • 16. autorités. En quelques semaines, toutes les lisières agricoles des villes ont été interdites à l’agriculture conventionnelle, et devaient être laissées en friche ou passées en bio. Cela représentait plus de 5 % des terres cultivées, mais chez nous c’était beaucoup plus. La commune s’était développée pendant vingt ans en aménageant un champ après l’autre pour y construire des lotissements pour ceux qui travaillaient dans la métropole. Partout, le monde agricole était au contact avec l’habitat. Un contact qui était déjà rugueux, mais là c’est devenu une guerre ouverte. Vous imaginez bien qu’en tant qu’élus, on était coincés au milieu d’un enjeu qui nous dépassait, mais dont on comprenait bien qu’il était important. Alors on allait d’incendie en incendie, calmant les uns, expliquant aux autres qu’il allait falloir changer leurs pratiques agricoles, mobilisant tout le monde pour accompagner ces transforma- tions. Mais tout cela n’était rien par rapport à ce qui nous attendait. Je vais essayer d’être précis, car l’enchaînement des événements est important. À l’automne 2020 il y a eu les élections américaines, avec l’arrivée-surprise de cette jeune présidente démocrate, et la fuite au Mexique de Donald Trump avant même d’avoir fini son mandat. Dès son arrivée au bureau ovale, elle a fait sauter une tête : celle d’Andrew Wheeler, un ancien lobbyiste de l’industrie du charbon placé par Trump à la tête de l’Agence de protection de l’environne- ment. Il est remplacé par Paula Stewart, vous en avez sans doute entendu parler, une scientifique de l’université de Columbia, qui dès son arrivée lance une série de mesures d’urgence. Le retrait du glyphosate des champs américains en faisait partie. Ça couvait depuis des mois, avec plus de 40 000 plaintes déposées contre le fabricant, notamment par des agriculteurs contaminés. Mais ce n’est plus Monsanto qui était visé : l’entreprise américaine avait été rachetée par l’allemand Bayer pour un montant complètement délirant, juste avant cette flambée judiciaire. Monsanto étant passé sous pavillon européen, l’administration américaine avait les mains libres pour taper fort. Ce n’était pas le premier scandale sanitaire que l’on vivait, à l’époque même les vaches devenaient folles, mais c’est certaine- ment celui qui a eu le plus d’impact sur nos modes de vie. Dès la 18 354412IFK_MANIFESTE_CC2019_pc .indd 18 354412IFK_MANIFESTE_CC2019_pc .indd 18 16/11/2020 09:49:42 16/11/2020 09:49:42
  • 17. conférence de presse de Paula Stewart annonçant l’interdiction d’usage du glyphosate le 1er  janvier 2021, l’action Bayer s’est effondrée à la Bourse de Francfort. Mais ça, ce n’est pas le plus grave. C’est l’Organisation mondiale de la santé qui a ensuite pris le relais, avec l’annonce d’une enquête internationale sur l’ensemble des produits phytosanitaires utilisés pour l’agriculture. Les premiers résultats tombent rapidement, et ils sont accablants. Avant la fin de l’année, toutes les autorités sanitaires ont mis sur la touche au moins tempo- rairement les principaux produits utilisés dans les champs. Le choc a été massif : il a fallu soudainement arrêter d’utiliser des produits qui étaient devenus indispensables aux agriculteurs. Un arrêt brutal de la machine agricole dans les pays développés. On a dû tout réorganiser, pour cultiver mieux et produire suffisamment pour nourrir la population. Ça a été l’explosion, on était sans arrêt sur le front. C’est à ce moment-là que le maire de ma commune a décidé de jeter l’éponge, comme des milliers d’autres partout en France. Je me suis retrouvé maire par défaut, puis président de la communauté de communes, par le hasard de l’histoire. Et quelle histoire. La crise a fait réaliser à chacun l’importance de ces sols agricoles en lisière des villes, qu’on pensait juste bonnes à occuper les ruraux dans l’année et dépayser les urbains pendant les vacances. Mais ces terres étaient surtout vouées à servir de zones d’extension à la ville. Tout à coup, elles sont redevenues vitales, d’autant plus que les rendements sont devenus plus aléatoires avec les techniques biologiques et le chan- gement climatique, et que la population n’a pas cessé d’augmenter. L’État a traîné à agir, mais élus et citoyens se sont mobilisés localement : de la plus grande métropole à la plus petite commune rurale, tous ont instauré un moratoire sur la consommation des terres agricoles, puis marqué symboliquement la fin définitive de la ville par des plantations d’arbres fruitiers. C’était en 2022. C’était beau et effrayant. On ne savait plus comment faire la ville. L’impact a été énorme, il a fallu tout réin- venter pour répondre aux besoins d’habitat, de commerce, de déve- loppement économique… Bref, continuer à construire la ville, mais sans l’étendre. On a repéré et mobilisé tous les espaces potentiels pour répondre à la demande de la croissance urbaine sans s’étaler dans les 19 354412IFK_MANIFESTE_CC2019_pc .indd 19 354412IFK_MANIFESTE_CC2019_pc .indd 19 16/11/2020 09:49:42 16/11/2020 09:49:42
  • 18. champs : les bâtiments sous-utilisés, les délaissés routiers, les pelouses des parcs d’activité, les jardins de lotissement, les golfs, les friches et même les sous-sols… J’ai passé beaucoup de temps posté à la lisière de la ville. Des années à retisser les liens entre les habitants et les agriculteurs, conver- sation après conversation. Les premiers avaient besoin de manger, mais surtout de comprendre. Les seconds avaient besoin de bras, mais aussi d’un nouveau savoir-faire pour déployer partout une agriculture en intelligence avec les sols, les paysages et la nature. Les déchets des urbains devenaient l’engrais des ruraux, et les week-ends on se retrouvait au bord des champs pour reconstituer une à une les haies arrachées par nos aînés. Mais j’ai surtout travaillé sans relâche pour mettre au point les alternatives au grignotage de nos terres agricoles. Faire la ville sur la ville, mais vraiment. Ce n’était pas simple au début. Il a fallu tout réapprendre, mais plutôt que de simplement couler du béton, on a décidé d’affronter la complexité des choses. On voulait faire la ville autrement, et on le faisait vraiment. En une poignée d’années on a réduit drastiquement notre consommation de sol et engagé un vaste chantier pour refaire la ville au lieu de l’étendre. Isoler partout, poser de nouveaux étages sur des bâtiments, glisser un nouveau logement entre deux maisons… On s’est adapté aux changements du climat, mais on a surtout compris comment devenir adaptables. Maintenant qu’on a passé la grande crise agricole, on sait que les solutions n’existent que dans la coopération. Les habitants ont compris pendant ces années qu’il fallait se mobiliser et faire, plutôt que de venir se plaindre dans le bureau du maire. D’ailleurs je n’ai plus de bureau, la mairie est transfor- mée en espace de service mutualisé, et tout se décide désormais à un niveau territorial plus large, à l’échelle des problèmes réels et plus des alliances politiques. Mais le maire est toujours là, pour écouter, expliquer et parfois montrer la voie. Ce n’est peut-être plus le même métier, mais qu’est-ce qu’il est beau. Je me souviens très nettement de ce printemps 2026, je venais à nouveau d’être élu président de la communauté de communes, pour la première fois directement par les citoyens de tout le territoire. Je 20 354412IFK_MANIFESTE_CC2019_pc .indd 20 354412IFK_MANIFESTE_CC2019_pc .indd 20 16/11/2020 09:49:42 16/11/2020 09:49:42
  • 19. sillonnais les routes pour rencontrer tous les élus, un par un, pour les convaincre qu’il fallait encore accélérer la transition. J’y passais mes journées et mes nuits. C’était le coucher du soleil, la fin d’une belle journée de printemps et j’ai mécaniquement mis en marche mes essuie-glaces pour nettoyer mon pare-brise. Je me suis arrêté sur le bord d’un champ et je suis sorti regarder ma voiture : elle était criblée de petits insectes. Comme dans mon enfance. Et là j’ai entendu le chant des chardonnerets, cachés dans une nouvelle haie encore jeune. Les insectes, les oiseaux, ils sont revenus. On a réussi ça, et plein d’autres choses. Mais… je l’annonce aujourd’hui, dans quelques semaines je terminerai mon mandat, et ce sera le dernier. À 55 ans, bientôt 56, j’ai décidé de ne pas me représenter. Je ne jette pas l’éponge, non, je passe la main c’est très différent. Je n’aurai jamais imaginé me retrouver au cœur des grandes transformations de cette décennie, mais c’est à vous d’écrire la suite. Moi, je vais reprendre mon métier d’urbaniste. Il a tellement changé. 354412IFK_MANIFESTE_CC2019_pc .indd 21 354412IFK_MANIFESTE_CC2019_pc .indd 21 16/11/2020 09:49:42 16/11/2020 09:49:42
  • 20. 354412IFK_MANIFESTE_CC2019_pc .indd 22 354412IFK_MANIFESTE_CC2019_pc .indd 22 16/11/2020 09:49:42 16/11/2020 09:49:42
  • 21. Première partie L’IMPASSE 354412IFK_MANIFESTE_CC2019_pc .indd 23 354412IFK_MANIFESTE_CC2019_pc .indd 23 16/11/2020 09:49:42 16/11/2020 09:49:42
  • 22. 354412IFK_MANIFESTE_CC2019_pc .indd 24 354412IFK_MANIFESTE_CC2019_pc .indd 24 16/11/2020 09:49:42 16/11/2020 09:49:42
  • 23. La ville disloquée Si l’on construisait actuellement des villes, on les construirait à la campagne, l’air y serait plus sain. — Commerson, Petite Encyclopédie bouffonne, 1860. Le monde-ville La ville s’étend. Évidemment, nous sommes de plus en plus nombreux. Nous n’étions qu’un peu plus de 5  mil- liards à peupler la planète il y a trente ans, et déjà nous pensions être nombreux. Mais nous sommes aujourd’hui 7,5 milliards. Dans trente ans, non seulement nous serons sans doute 10  milliards, mais plus de 65  % des humains seront aussi des urbains, contre 55  % aujourd’hui. Toute la croissance de la population va se concentrer dans les villes, en faisant exploser leur population de 50 %. Massif. Cette croissance sera concentrée sur l’Asie et l’Afrique subsaharienne, mais cette tendance concerne aussi la France. Alors les villes s’étendent. Vite, trop vite sans doute. La surface des espaces urbains a doublé ces trente dernières années, et devrait s’étendre d’encore 1,2 million de kilomètres 25 354412IFK_MANIFESTE_CC2019_pc .indd 25 354412IFK_MANIFESTE_CC2019_pc .indd 25 16/11/2020 09:49:42 16/11/2020 09:49:42
  • 24. carrés d’ici 2050. Cette conquête des campagnes par les villes correspond à l’équivalent d’une ville comme Londres toutes les sept semaines, ou plus de 30 m2 toutes les secondes, rien qu’en Europe. Apprendre à compter Si la croissance de la ville est vraiment un problème, encore faut-il mesurer correctement le phénomène pour s’y confronter. Tout et n’importe quoi a été dit en France sur la croissance de la ville, mais surtout n’importe quoi. Une nouvelle unité de surface a même été inventée pour l’occa- sion : le « département », sans préciser s’il s’agit de la Sarthe (6 206 km2 ) ou de la Guyane (13 fois plus grand). Étrange, mais pourquoi pas, alors allons-y comme cela, en prenant comme référence la surface moyenne d’un département métropolitain (5 750 km2 ). Pour beaucoup donc, la ville consomme en France la sur- face d’un département tous les dix ans (3 260 occurrences sur Google). Mais certains ont manifestement des données plus précises, et aussi plus inquiétantes : le rythme serait en fait d’un département tous les sept ans (2 050 occurrences). Un ancien président de la République aurait même évoqué une consommation d’un département par an, mais il en faisait peut-être un peu trop. Revenons aux origines du problème pour clarifier tout ça : les sources de données. D’un côté, nous avons Terruti- Lucas, de l’autre côté Corine Land Cover. Ce ne sont pas des équipes italiennes et anglaises qui s’affrontent sur des terrains de football, mais les noms de code d’études très sérieuses qui produisent régulièrement des chiffres sur la croissance de la tache urbaine en France. 26 354412IFK_MANIFESTE_CC2019_pc .indd 26 354412IFK_MANIFESTE_CC2019_pc .indd 26 16/11/2020 09:49:42 16/11/2020 09:49:42
  • 25. L’enquête Terruti-Lucas procède par sondages : plus de 300 000 points répartis en France dont la localisation est jalousement tenue secrète. Tous les ans ou presque, on vérifie l’usage du sol sur ces points sur le terrain, et on extrapole à l’échelle de la France. Une analyse très fine donc, mais qui peine à donner des résultats précis à l’échelle nationale. Les sept ans viennent de là. Il n’y a en revanche pas de vérification de terrain pour élaborer les données de Corine Land Cover, tout provient de photos satellites. Pas d’extrapolation hasardeuse ici puisque tout le territoire est analysé, mais de façon beaucoup moins précise : l’analyse repère mal les changements d’usage des sols de moins de quelques hectares. Alors forcément les résultats sont différents, très différents même. Mais pourtant, comment comprendre un phénomène si l’on n’est pas capable de le mesurer correctement ? Nous en avons désormais les moyens puisque de nouvelles données toutes fraîches viennent d’être publiées par le Cerema, l’IGN et l’Irstea, trois organismes techniques et de recherche de l’État. Des informations très précises issues des fichiers fon- ciers qui servent à l’établissement des impôts – c’est dire si elles sont fiables. Ces données permettent d’analyser les dyna- miques d’artificialisation, c’est-à-dire le changement d’état de sols agricoles, naturels ou forestiers vers des usages urbains de toute nature. En manipulant les 30 000  lignes de cette base de données, on tombe sur des chiffres bien différents de ceux énoncés précédemment. Entre 2010 et 2017, nous avons artificialisé en France métropolitaine environ 30 000 ha par an. Si l’on rapporte cette surface à la taille d’un département moyen, cela équivaut à un département… tous les vingt ans. Le prochain qui dit ou écrit autre chose, vous me l’envoyez. Alors, ce ne serait finalement pas si grave ? Évidemment si, ne refermez pas encore ce livre. D’abord parce que la ten- dance n’est pas satisfaisante : après un relatif ralentissement 27 354412IFK_MANIFESTE_CC2019_pc .indd 27 354412IFK_MANIFESTE_CC2019_pc .indd 27 16/11/2020 09:49:42 16/11/2020 09:49:42
  • 26. du rythme de consommation de sols lié à la crise de 2008, on constate une reprise de vitesse sur les dernières données. Mais aussi parce que 30 000 ha par an, c’est vraiment beaucoup de terres artificialisées. Presque 3  fois la surface de la ville de Paris, 18 aéroports à Notre-Dame-des-Landes ou 375 pro- jets EuropaCity dans le Triangle de Gonesse. Tous les ans. Ce sont 5  terrains de football aux normes de l’IFAB pour les rencontres internationales. Cinq terrains, mais toutes les heures, de nuit comme de jour, et même le week-end. Sans tribune dans Libé, sans manifestation, sans abribus cassé. En silence et dans l’indifférence générale. Une croissance inefficace La ville grandit vite, très vite, en France comme ailleurs. Cette croissance pourrait paraître logique dans un contexte d’augmentation de la population, mais elle en a perdu le sens. La consommation de sols pour bâtir la ville a accéléré à par- tir des années  1960 à un rythme dépassant très largement l’accroissement de la population, jusqu’à lui être trois fois supérieur. La croissance de la ville est devenue moins efficace, en offrant de moins en moins de services aux urbains sur toujours plus de sol. Car c’est cela l’étalement urbain : une croissance inefficace de la ville. Pourtant, si l’on regarde une cartographie des différents rythmes de consommation d’espaces naturels, agricoles ou fores- tiers (ou Enaf, mais rien à voir avec le pâté) des territoires en France métropolitaine, on retrouve en tête les espaces dont le dynamisme démographique et économique est bien connu : l’Île-de-France, les grandes métropoles et les espaces littoraux atlantiques et méditerranéens. Alors l’artificialisation des sols serait directement liée au dynamisme des territoires ? Si on ana- lyse les choses plus finement, l’image est beaucoup moins claire. 28 354412IFK_MANIFESTE_CC2019_pc .indd 28 354412IFK_MANIFESTE_CC2019_pc .indd 28 16/11/2020 09:49:42 16/11/2020 09:49:42
  • 27. Croissance de la population et des surfaces artificialisées en France. Indice 100 en 1954. Polèse, Shearmur et Terral (2015) Observons deux régions de surface comparable pendant la période 2010-2015 : les Pays de la Loire et la Bourgogne. Hors de propos ici de comparer la qualité de leurs crus res- pectifs sur ces années clés, mais constatons qu’en matière de dynamique démographique et économique, les tendances sont plus que contrastées. Pendant que les Pays de la Loire accueillent près de 150 000 habitants et 20 000 emplois sup- plémentaires, la Bourgogne voit sa population se réduire de près de 1 000  habitants et perd 20 000  emplois. Pourtant l’artificialisation des sols se poursuit aussi en Bourgogne, et à un rythme soutenu : plus de 800 ha par an, soit 30 % 29 354412IFK_MANIFESTE_CC2019_pc .indd 29 354412IFK_MANIFESTE_CC2019_pc .indd 29 16/11/2020 09:49:42 16/11/2020 09:49:42
  • 28. de la consommation des Pays de la Loire pendant la même période. Effectuons une autre analyse. Sur la même période 2010-2015, plus de 14 000 communes en France ont perdu près de 650 000 habitants. Et pourtant, dans ces mêmes com- munes, pas moins de 27 500 ha ont été artificialisés pour des usages d’habitat. Plus du quart de la consommation nationale de sol pour le logement a donc eu lieu dans des communes qui perdent des habitants… La croissance de la ville n’est donc pas seulement plus rapide que celle de sa population, elle en est désormais décor- rélée. Elle croît en surface même quand elle perd habitants et emplois. Nous ne savons plus faire (la) ville. Elle s’étale jusqu’à prendre le risque de se disloquer. Mais la faute à qui ? À la voiture bien entendu. 354412IFK_MANIFESTE_CC2019_pc .indd 30 354412IFK_MANIFESTE_CC2019_pc .indd 30 16/11/2020 09:49:42 16/11/2020 09:49:42
  • 29. Le moteur de l’explosion San Francisco abandonne sa catastrophique expérimentation du free-floating. Après cent ans, San Francisco met fin à sa désastreuse expéri- mentation autorisant l’usage des « véhicules personnels sans sta- tions », plus communément appelés voitures. Détaillant un bilan déplorable sur pratiquement tous les aspects, du bruit à la pollution de l’air en passant par les embouteillages ou la sécurité des piétons, le responsable de l’Agence municipale des transports de San Francisco (SFMTA) a annoncé qu’il mettait fin à cette expérimentation  : « Nous avons démarré ce projet avec beaucoup d’optimisme. Il sem- blait vraiment que ces voitures allaient devenir une excellente chose, mais cela n’a pas été le cas. Nous avons tout essayé pour que les gens les utilisent en toute sécurité, mais rien n’a fonctionné. Les gens les conduisent n’importe où, trop vite, et ne font pas attention. » Alors que cette expérimentation de la voiture tire à sa fin, les statistiques finales donnent à réfléchir, même en tenant compte de sa durée très longue. Au cours de cet essai de cent ans, la ville a recensé un total de 2 434 personnes tuées par des voitures et 56 722 per- sonnes grièvement blessées. Une source anonyme à la SFMTA a déclaré : « Nous avons tué la population d’un gros village et laissé handicapée celle d’une petite ville. Même nous, nous ne pouvons pas ignorer ces chiffres. » Au cours des décennies qu’a duré le projet, il est devenu évident que la taille importante de ces véhicules nécessitait un espace de stockage massif. 31 354412IFK_MANIFESTE_CC2019_pc .indd 31 354412IFK_MANIFESTE_CC2019_pc .indd 31 16/11/2020 09:49:42 16/11/2020 09:49:42
  • 30. « Nous avons fini par construire toute la ville pour elles, mais même cela, ça n’a pas fonctionné », indique une autre source à la SFMTA. « Les gens les laissaient n’importe où, bloquant les trottoirs, les pistes cyclables, les parcs, partout. Nous avons même dû en repêcher dans des lacs. Il n’y a strictement aucun endroit où je n’ai pas vu quelqu’un laisser une de ces choses. » L’un des plus grands cafouillis introduits par cette expérimenta- tion a été l’attribution gratuite d’une grande quantité d’espace public aux propriétaires de voitures privées. Au début du projet, quand il y avait peu de véhicules, ils étaient autorisés à se garer gratuitement dans les rues. Cela n’a jamais changé par la suite, même si le nombre de véhicules a augmenté considérablement. Résultat : les contribuables ont dû payer pendant des décennies le stockage dans la rue de ces véhicules. Le coût réel de cet espace a été estimé à cinq milliards de dollars par an. Un militant associatif remarque : « Nous aurions pu faire payer le stationnement et utiliser l’argent pour résoudre le problème des sans-abris et envoyer chaque enfant à la garderie gratuitement depuis des décennies. Mais tout ce que nous avons eu, ce sont des rues encombrées de boîtes de métal. » Maintenant que les véhicules commencent à être sortis des rues, les habitants de San Francisco découvrent une toute nouvelle ville dont ils ignoraient l’existence. Chaque nuit depuis la fin de l’expé- rimentation, de plus en plus d’habitants sortent dans la rue pour fêter cela. « Je me sens tellement plus relaxée ici depuis la fin de l’expérimentation de la voiture. Nous n’avions pas réalisé à quel point c’était stressant, jusqu’à ce que ça s’arrête. C’est incroyable de pouvoir laisser mes enfants se rendre à l’épicerie sans m’inquiéter », note une mère de trois enfants. « Il y a tellement d’espace ! » s’exclame un autre habitant. « Nous avons enfin tout l’espace dont nous avons besoin pour aménager des pistes cyclables protégées, mais maintenant que les voitures ont disparu, elles s’appellent simplement des rues. » — Olivia Gamboa, fiction, 2019 32 354412IFK_MANIFESTE_CC2019_pc .indd 32 354412IFK_MANIFESTE_CC2019_pc .indd 32 16/11/2020 09:49:42 16/11/2020 09:49:42
  • 31. Révolution ! Dans son essai Anticipations paru en 1901, dans un monde encore animé par le cheval et le chemin de fer, H.G. Wells avait déjà compris toute l’importance que prendrait l’automo- bile. Il en avait aussi anticipé les effets sur la ville : « Tout est question de mobilité. Limiter la mobilité contracte la ville, la faciliter au contraire l’étend et la disperse. » Wells avait bien sûr raison, la voiture est bien le moteur de l’explosion de la ville. Le récit des grandes innovations fait la part belle aux soli- taires. Le héros de l’histoire est généralement un homme seul, si rarement une femme. Le décor change en fonction des époques : un arbre fruitier, un grand bureau vide, la paillasse carrelée d’un laboratoire, un garage transformé en atelier, une chambre d’étudiant ou le canapé violet d’une salle de créativité peuplée de post-it chatoyants. Dans le cas de la voiture, cet homme solitaire est bien entendu Henry Ford et sa fameuse Ford T. Le premier modèle de série sort de l’usine de l’avenue Piquette, à Détroit, le 27 sep- tembre 1908. Un modèle de série justement : Henry Ford (et sans doute un peu ses équipes) n’a pas inventé la voiture, mais bien la massification de sa production, permettant la baisse des prix de vente et l’explosion du marché. La production en série a son corollaire : la standardisation des produits. La première Ford T produite était noire, comme toutes les suivantes. Henry Ford avait lui-même prévenu : « Les gens peuvent choisir n’im- porte quelle couleur, du moment que c’est noir. » Tout n’a pourtant pas basculé à l’automne 1908. La voiture est le cœur, mais ne constitue pas à elle seule un système de mobilité. Point de hasard, elle se développe justement au moment où l’industrie pétrolière se cherche de nouveaux débouchés. Jusqu’ici le pétrole était raffiné pour produire essentiellement du kérosène utilisé pour l’éclairage, mais l’électricité pénètre dans les foyers américains et s’y substitue 33 354412IFK_MANIFESTE_CC2019_pc .indd 33 354412IFK_MANIFESTE_CC2019_pc .indd 33 16/11/2020 09:49:42 16/11/2020 09:49:42
  • 32. rapidement. L’essence, qui n’était qu’un sous-produit souvent jeté à la rivière, devient rapidement la principale source de revenus de l’industrie, à la faveur de l’invention de nouveaux procédés de raffinage en 1909. La transition est rapide. En 1907, seuls les 8 % des foyers qui sont raccordés à l’électricité peuvent se passer de kérosène, et les 43 000 premières voitures à essence vendues se faufilent encore discrètement entre les calèches dans les rues des villes étasuniennes. En 1912, 16 % des foyers sont raccordés, et plus de 350 000  voitures ont déjà été produites. Elles sont près de 2 millions en 1920 et 35 % des logements sont électrifiés. Les images bien connues de la parade de Pâques sur la Cinquième Avenue à New York illustrent parfaitement les effets sur la ville de ce changement très rapide de paradigme. Les plaques photographiques de 1900 permettent à peine d’identifier une voiture perdue au milieu des calèches. En 1913, c’est le cheval solitaire qui a du mal à se faire une place dans le flot des voitures. On oublie souvent combien ces révolutions sont rapides. Parade de Pâques sur la Cinquième Avenue de New York, en 1900 34 354412IFK_MANIFESTE_CC2019_pc .indd 34 354412IFK_MANIFESTE_CC2019_pc .indd 34 16/11/2020 09:49:42 16/11/2020 09:49:42
  • 33. Parade de Pâques sur la Cinquième Avenue de New York, en 1913 La vitesse de cette transition est en effet stupéfiante, et vient résoudre des problèmes jusqu’alors insolubles : la voiture vient débarrasser la ville du crottin et libérer les pâturages des périphéries des villes pour l’agriculture. Ce n’est que bien plus tard que l’on commencera à se préoccuper de la pollution de l’air ou de la concurrence des agrocarburants avec l’alimen- tation humaine… Transformer la ville Pourtant, rien n’est vraiment joué à ce moment-là. Si la révolution technologique et industrielle est rapide, elle ne fait pas système : il faut encore adapter la ville à la voiture. Le rythme d’adoption de l’automobile a été bien plus rapide que celui du renouvellement concret des espaces publics, mais aussi des esprits. Une phase de transition s’engage donc, pendant laquelle la voiture envahit les rues mais n’a pas pour autant 35 354412IFK_MANIFESTE_CC2019_pc .indd 35 354412IFK_MANIFESTE_CC2019_pc .indd 35 16/11/2020 09:49:42 16/11/2020 09:49:42
  • 34. assis sa domination sur la ville et définitivement repoussé le piéton sur son petit bout de trottoir. Car la voiture est trop rapide pour permettre une coexis- tence pacifique avec le fragile piéton. Le début du siècle pré- cédent est donc une période de lutte intense autour d’un sujet qui nous agite encore : à qui appartient la rue ? Contrairement à ce que l’on pourrait penser, la victoire de la reine automobile n’était pas acquise. Elle est régulièrement dépeinte comme un monstre tueur d’enfants, et les oppositions se multiplient à sa prise de possession de la ville : Les horreurs de la guerre sont moins effrayantes que les horreurs de la paix. L’automobile est une mécanique beaucoup plus destructrice que la mitrailleuse. Les audacieux chauffeurs font plus de morts que les artilleurs. L’homme de la rue est moins abrité que l’homme des tranchées. — New York Times, 23 novembre 1924 Avant de reconstruire physiquement la ville pour la voiture, il a donc fallu construire une image sociale de l’espace public compatible avec les exigences fonctionnelles de cette technolo- gie, et pousser le piéton hors de sa route. Dans les années 1910 et 1920 le lobby automobile a donc créé de toutes pièces un personnage fictif, placé au cœur d’une vaste campagne de propa- gande relayée par les autorités : Mr Jay Walker. Jay doit pouvoir se traduire par « péquenot », « celui qui ne sait pas se comporter dans la ville ». Mr Jay Walker ne sait pas marcher (walk) en ville : c’est donc lui qui provoque les accidents. Ce n’est plus la voiture qui tue, mais le piéton qui cherche la mort selon ce nouveau récit qui fonctionne parfaitement. Une belle opéra- tion de retournement des esprits dont on pourrait aujourd’hui s’inspirer pour développer les alternatives à la voiture. Cette campagne a été un tel succès que le nom propre se transforme en nom commun, et « jaywalker » entre au 36 354412IFK_MANIFESTE_CC2019_pc .indd 36 354412IFK_MANIFESTE_CC2019_pc .indd 36 16/11/2020 09:49:42 16/11/2020 09:49:42
  • 35. dictionnaire en 1924. Au-delà de cette consécration linguis- tique, cette opération d’ingénierie sociale est une magnifique réussite puisqu’en focalisant la responsabilité de l’accident sur le piéton insouciant (Mr Jay Walker), elle a réussi à consacrer la domination de la voiture dans l’espace public. Après les esprits et le dictionnaire, ce sont la législation et l’organisation de la ville et de ses espaces publics qui suivront. Les infrastructures sont progressivement adaptées, avec le développement des passages piétons et des feux tricolores. Puis en 1925 une première réglementation naît (évidemment) à Los Angeles, actant définitivement la fin de l’égalité des droits sur la rue et l’obligation faite aux piétons de respecter des règles de circulation. Nombre de chevaux et de voitures en circulation aux États-Unis. Données Micromobility Industries 37 354412IFK_MANIFESTE_CC2019_pc .indd 37 354412IFK_MANIFESTE_CC2019_pc .indd 37 16/11/2020 09:49:42 16/11/2020 09:49:42
  • 36. La voiture a donc finalement conquis la ville et pris la place du cheval, le nombre de véhicules en circulation dépas- sant le nombre de chevaux à cette même période. C’est aussi dans ces années-là que les boîtes d’aliments pour chiens sont inventées aux États-Unis, dernier débouché pour les animaux délaissés… Autre victime de cette révolution automobile, le tramway électrique subira un long processus d’éviction des villes, qui démarre aux États-Unis dès les années 1930 par les efforts discrètement concertés de constructeurs d’autobus (General Motors en tête), de pétroliers et de fabricants de pneus. Le reste du monde suivra. À la fin des années  1950, Sydney brûle 1 000 rames de tramway et dépose 250 km de voies. Le 29 janvier 1958, la ville de Nantes abandonne aussi son réseau, et attendra 1985 pour finalement relancer le tramway en France. En quelques décennies, la voiture a donc façonné la ville en faisant muter l’espace public pour répondre à ses besoins. Elle s’attaque ensuite au reste du territoire. Façonner le territoire Les années 1950 voient naître – une fois encore aux États- Unis – un modèle de ville qui connaît depuis un succès pla- nétaire : le suburb américain. Créée en 1929 par Abraham Levitt, la société Levitt & Sons Inc. a vécu difficilement le second conflit mondial : les matériaux étaient réservés à l’effort de guerre, mettant en sommeil son activité de construction. Un des fils d’Abraham, William Bill Levitt, a servi dans la Navy au sein des Seebees, le service de construction du génie. Frappé par l’efficacité de la préfabrication et de la standardisation des bâtiments militaires mises en œuvre pendant le conflit, il décide d’adapter ces 38 354412IFK_MANIFESTE_CC2019_pc .indd 38 354412IFK_MANIFESTE_CC2019_pc .indd 38 16/11/2020 09:49:42 16/11/2020 09:49:42
  • 37. techniques à la construction civile à son retour de la guerre. Il fait l’acquisition de champs d’oignons et de pommes de terre sur Long Island dans l’État de New York, pour réali- ser une opération immobilière à destination des familles des anciens combattants (mais uniquement blancs) : Levittown, la première d’une longue série. Des milliers de maisons identiques s’alignent dès 1947 sur une trame viaire généreuse et ondulée, louées puis rapidement vendues à crédit. Levittown fait rapidement des petits, mais le modèle ne se limite pas à la construction industrialisée de logements standardisés, ni même à cette forme urbaine typique du lotissement qui sert de décor aux séries nord- américaines. Non, le modèle est beaucoup plus global. C’est d’abord un mode de production à la fois privé et planifié de la ville : des acteurs de l’immobilier se substituent aux pouvoirs publics pour produire en masse les logements dont le pays a besoin. Ils délaissent les centres urbains et concentrent leurs efforts sur les seuls sites capables d’accueillir une produc- tion répétitive difficilement adaptable à des contextes urbains complexes : les terres agricoles en bordure des villes, rendues accessibles par une voiture devenue ubiquitaire. À cela s’ajoute un montage économique qui a depuis fait ses preuves, là-bas comme ici, en ciblant l’offre sur les jeunes ménages dont la solvabilité est rendue possible par un cadre réglementaire accommodant (notamment les aides aux anciens combattants) et le développement massif du crédit immobilier. Ce modèle de production fera l’essentiel de l’étalement de la ville étatsunienne, mais aussi la richesse de Levitt & Sons Inc. Jusqu’à sa faillite le 9 novembre 2007, victime de l’effondrement d’une économie immobilière qu’elle avait lar- gement contribué à faire émerger. Mais n’allons pas trop vite. Il manque un élément au sys- tème pour assurer la diffusion de ce modèle de production de la ville : l’autoroute. Revenons donc en 1919, avec la grande 39 354412IFK_MANIFESTE_CC2019_pc .indd 39 354412IFK_MANIFESTE_CC2019_pc .indd 39 16/11/2020 09:49:42 16/11/2020 09:49:42
  • 38. traversée des États-Unis par un convoi militaire du Motor Transport Corps  : 4 800  km pour traverser le pays d’est en ouest, de Washington DC à Oakland. L’état des routes et des ouvrages d’art transforme l’épopée en une galère qui durera cinquante-six jours pour les 300 hommes engagés, fera une vingtaine de blessés et obligera à abandonner sur le bord de la route 9 des 81 véhicules mobilisés. Parmi ces hommes, un jeune lieutenant-colonel qui retiendra cette pénible leçon  : Dwight D. Eisenhower. Devenu président des États-Unis, il lancera en 1956 la construction du National System of Interstate and Defense Highways. Ce vaste système autoroutier de plus de 60 000  km traversant tout le pays est largement inspiré du Reichsautobahn allemand, qu’Eisenhower avait pu observer pendant son séjour en Europe comme commandant suprême des forces alliées. Ce nouveau maillage routier vise à faciliter la défense du pays mais permet aussi de diffuser le nouveau modèle de développement urbain à tout le pays. L’étalement urbain s’accélère alors soudainement. La France, fière de son dense réseau de nationales, prend quelques années de retard. Le réseau autoroutier national n’éclot qu’à la toute fin des années 1960 mais s’étend rapi- dement, pour compter aujourd’hui près de 12 000 km. Son développement est directement associé à l’éloignement pro- gressif des lieux de résidence et de travail, entraînant entre 1975 et 2015 le doublement de la distance médiane parcourue par les actifs qui ne travaillent pas dans leur commune de résidence. Perdre ses repères La ville d’avant la voiture était dense par nécessité : les logements étaient localisés à proximité immédiate des emplois, des commerces et des services, ou se concentraient autour 40 354412IFK_MANIFESTE_CC2019_pc .indd 40 354412IFK_MANIFESTE_CC2019_pc .indd 40 16/11/2020 09:49:42 16/11/2020 09:49:42
  • 39. des moyens de transport collectifs permettant d’y accéder. La technologie automobile associée à une ville qui s’y est adaptée, le développement de la possession individuelle et l’extension des réseaux routiers ont permis à la fois de séparer nettement les fonctions (habitat, production, commerces…) et de les écarter, générant un tissu urbain peu dense. Plus encore qu’une forme urbaine étalée, c’est un modèle de production de la ville qui se diffuse, associant public, privé, endettement, circulation des entreprises et des ménages des centres vers les périphéries. La voiture a façonné la ville, puis le territoire. Elle s’impose aujourd’hui comme une évidence, alors que sa domination n’a finalement que quelques décennies. Nous sommes collectivement touchés par ce que le biologiste marin Daniel Pauly appelle le shifting baseline syndrome, ou syndrome des changements de références. Les scien- tifiques en charge de fixer les quotas de pêche jugent de la dégradation de l’écosystème en fonction de l’état dans lequel ils l’ont trouvé en débutant leur carrière. Or cet état se dégrade progressivement, génération après génération sans que cela soit perçu par la communauté scientifique, car la référence à l’état « normal » se décale, elle aussi, progressivement. De même, nous considérons qu’écrire la ville au rythme de la voiture est un processus normal, puisque nous l’avons toujours fait ainsi. Pourtant non, les poissons étaient plus gros et plus nombreux avant, et les villes moins étalées. Mais le processus est plus qu’engagé : avec le passage des générations il est devenu la nouvelle norme. Et peu de choses semblent pouvoir l’infléchir : Tant que les urbanistes élargissent les routes et en construisent de nouvelles ; tant que les conducteurs ont peu d’options alternatives et ne paient pas le coût complet de leurs trajets ; tant que les politiques 41 354412IFK_MANIFESTE_CC2019_pc .indd 41 354412IFK_MANIFESTE_CC2019_pc .indd 41 16/11/2020 09:49:43 16/11/2020 09:49:43
  • 40. publiques incitent les gens à vivre dans des banlieues éloignées, nous aurons un futur toujours plus étalé. — Janette Sadik-Khan, Street Fight En à peine un siècle la voiture a donc réussi à tailler villes et territoires à son image. Impossible désormais d’y vivre sans elle. 354412IFK_MANIFESTE_CC2019_pc .indd 42 354412IFK_MANIFESTE_CC2019_pc .indd 42 16/11/2020 09:49:43 16/11/2020 09:49:43
  • 41. RÉFÉRENCES LA VILLE DISLOQUÉE Agence de développement et d’urbanisme de Lille Métropole, Une approche renouvelée des lieux vacants dans la métropole lilloise, 04/2019, www.adu-lille-metropole.org/une-approche-renouvelee-des- lieux-vacants-dans-la-metropole-lilloise/ Cerema, La consommation d’espaces et ses déterminants d’après les Fichiers fonciers de la DGFiP. Analyse et état des lieux au 1er  janvier 2016, 12/2017, www.cerema.fr/system/files/documents/2018/05/2017_ rapport_consommation_espaces_VFinale.pdf France Stratégie, Objectif « Zéro artificialisation nette »  : quels leviers pour protéger les sols ?, 07/2019, www.strategie.gouv.fr/publications/objectif-zero- artificialisation-nette-leviers-proteger-sols Inra et Ifsttar, Sols artificialisés et processus d’artificialisation des sols, 12/2017, http://institut.inra.fr/Missions/Eclairer-les-decisions/Expertises/ Toutes-les-actualites/Sols-artificialises-et-processus-d- artificialisation-des-sols 219 354412IFK_MANIFESTE_CC2019_pc .indd 219 354412IFK_MANIFESTE_CC2019_pc .indd 219 16/11/2020 09:49:47 16/11/2020 09:49:47
  • 42. Polèse, M., Shearmur, R., & Terral, L., Économie urbaine et régionale. Géographie économique et dynamique des territoires. Paris, Economica, 2009. ONB, GraphAgri, 01/2018, http://agreste.agriculture.gouv.fr/IMG/pdf/Gaf2017p014-2. pdf Ritchie, H., & Roser, M., Urbanization, Our World in Data, 09/2018, https://ourworldindata.org/urbanization Vallès, V., Une croissance démographique marquée dans les espaces peu denses, Insee, 2015, www.insee.fr/fr/statistiques/4267787 The Nature Conservancy & Stockholm University, Résumé analytique : La nature au siècle urbain, 2018. LE MOTEUR DE L’EXPLOSION Cerema, Le chiffre du mois  : 40  %, Transflash, n°  398, 19/06/2015, www.cerema.fr/fr/centre-ressources/newsletters/transflash/ transflash-ndeg-398-juin-2015/chiffre-du-mois-40 Dares Analyses, Les temps de déplacement entre domicile et travail, Travail et Emploi, n° 081, 11/2015, https://dares.travail-emploi.gouv.fr/IMG/pdf/2015-081.pdf Dio, A., Sonia Lavadinho, Vélo &  Territoires, n°  56, 24/09/2019, www.velo-territoires.org/actualite/2019/09/24/sonia- lavadinho/ dixit.net, Fin de l’expérimentation catastrophique du free- floating à San Francisco, 26/10/2019, https://dixit.net/san-francisco 220 354412IFK_MANIFESTE_CC2019_pc .indd 220 354412IFK_MANIFESTE_CC2019_pc .indd 220 16/11/2020 09:49:47 16/11/2020 09:49:47
  • 43. dixit.net, Il faut tuer Jay Walker, 16/05/2019, https://dixit.net/jay-walker Nikiforuk, A., The Big Shift Last Time: From Horse Dung to Car Smog, The Tyee, 06/03/2013, https://thetyee.ca/News/2013/03/06/Horse-Dung-Big-Shift/ Pauly, D., The Ocean’s Shifting Baseline, TED, 04/2010, www.ted.com/talks/daniel_pauly_the_ocean_s_shifting_baseline Schultz, S., Lost in Automation, 15 Marches, 19/10/2016, https://15marches.fr/business/lost-in-automation Wikipedia, Levittown, New York, https://en.wikipedia.org/wiki/Levittown,_New_York IMPACTS Cerema, La mobilité en transition, Transflash, n°  398, 06/2015, www.cerema.fr/system/files/documents/2018/01/Trans- flash398VF_cle219228.pdf Cirad, Prospective Agrimonde-Terra, 2016, www.cirad.fr/publications-ressources/edition/etudes-et- documents/prospective-agrimonde-terra Durand, A., Avec 48 000 morts par an en France, la pollu- tion de l’air tue plus que l’alcool, Les décodeurs, Le Monde, 27/02/2019, www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2019/02/27/avec- 48-000-morts-par-an-en-france-la-pollution-de-l-air-tue-- plus-que-l-alcool_5429074_4355770.html EU Commission, On Resource Efficiency Opportunities in the Building Sector, 07/2014, http://ec.europa.eu/environment/eussd/pdf/SustainableBuil- dingsCommunication.pdf 221 354412IFK_MANIFESTE_CC2019_pc .indd 221 354412IFK_MANIFESTE_CC2019_pc .indd 221 16/11/2020 09:49:47 16/11/2020 09:49:47
  • 44. Éditions Apogée contact@editions-apogee.com www.editions-apogee.com Achevé d’imprimer en novembre 2020 sur les presses de l’imprimerie Sepec Dépôt légal : janvier 2021 Imprimé en France 354412IFK_MANIFESTE_CC2019_pc .indd 240 354412IFK_MANIFESTE_CC2019_pc .indd 240 16/11/2020 09:49:48 16/11/2020 09:49:48